Présenter ensemble L’Appel du sol d’Adrien Bertrand et Le Feu d’Henri Barbusse, des œuvres cousines, à défaut d’être jumelles, c’est procéder comme les sculpteurs de la Grèce ancienne associant en une même représentation deux figures, pour tout à la fois les relier et les opposer. La plus célèbre de ces représentations antiques est le double Hermès longtemps exposé dans le jardin du pape Jules III et aujourd’hui au musée de Naples. Ce pilier de marbre montre dans un même bloc les effigies d’Hérodote et de Thucydide ; mais, comme il convient dans ce type statuaire, l’une et l’autre tête se tournent le dos, chacune regardant dans une direction contraire. Cette relation de continuité et de différence renvoie à celle qui existe entre leurs travaux d’historiens. L’image d’Hermès peut de même servir à penser le rapport qu’entretiennent le récit de guerre de Bertrand et celui de Barbusse : un rapport de proximité et d’opposition. En se mettant dans les pas d’un dieu messager, passeur entre les mondes, on essaiera de capter, ce qu’on pourrait appeler en écho à Michel Serres, les interférences entre deux objets romanesques.
Ce qui engage à réunir les livres de Bertrand et de Barbusse, c’est qu’ils ont reçu le même prix littéraire et que celui-ci leur fut attribué – ce qui reste exceptionnel dans les annales – la même année. Le 15 décembre 1916, il y eut en effet deux Goncourt. Quelques jours avant le verdict de l’Académie des Dix, on lisait dans Le xixe siècle : « La gent littéraire s’agite beaucoup…
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