Aborder les rapports de Camus et du XVIIe siècle français, c’est revenir au processus d’appropriation de la culture classique française, étrangère au milieu familial d’origine de Camus et évoquer d’abord ses années de lycée sur lesquelles il s’est en définitive peu étendu. Camus a reconnu qu’il devait principalement sa formation aux auteurs classiques à Paul Mathieu, son professeur de lettres en hypokhâgne au lycée d’Alger. Il le lui écrivit, plus de dix ans après avoir fini ses études, le 15 décembre 1947 : « Je vous dois Racine (vous vous souvenez l’histoire chez Racine) et Pascal, le goût du style ferme, l’horreur de la fausse éloquence et le respect de l’intelligence. » Du rapprochement entre ces deux auteurs (proches tous les deux de Port-Royal et du jansénisme), on aurait tendance à lire immédiatement : un homme de théâtre et un penseur. Il ne manquerait plus que le (ou la) romancier (ère) pour avoir la trilogie sous laquelle Camus voulait exprimer ses « cycles » : roman, essai et théâtre. Cependant l’indication portée entre parenthèses dans la lettre citée nous rappelait à l’ordre et nous orientait aussi vers une autre voie. En attirant l’attention sur la conception de l’histoire chez Racine, Camus ne souligne pas simplement que, comme on le sait, l’histoire, son contexte, son utilisation sont importants dans l’œuvre du dramaturge, y compris dans les sujets de certaines de ses pièces de théâtre, mais en arrière-fonds, il n’oublie sans doute pas que Racine, à la fin de sa vie, fut historiographe du roi et auteur d’u…