En 1862 — l’année des Misérables — la parution de Salammbô
déclenche un scandale voulu, préparé et programmé par Flaubert. On
décèle le désarroi et le malaise causés par l’ouvrage dans les trois grands
articles que Sainte-Beuve consacre au roman (dans Le Constitutionnel des
8, 15 et 22 décembre 1862), ainsi que dans l’attaque violente orchestrée
en même temps par l’archéologue Guillaume Frœhner dans les pages de
la Revue contemporaine. C’est à Frœhner que l’on doit l’étiquette de
« roman archéologique », octroyée du même coup au Roman de la momie
(1857) ; le livre de Gautier est convoqué d’une part pour attester, par
contraste, l’imposture de la fausse érudition flaubertienne, d’autre part
comme preuve à charge démontrant la non-viabilité de l’archéofiction.
À première vue, la querelle du roman archéologique n’a rien d’une
bataille d’Hernani, ni même d’un événement littéraire tant soit peu significatif : on serait tenté de n’y voir qu’un épiphénomène, dont les envers
politiques et stratégiques (dans le cas de Frœhner) incitent à relativiser
l’importance. Le réquisitoire de Frœhner, tout comme, sur un tout autre
registre, les réserves courtoises mais fermes de Sainte-Beuve, invitent
cependant à considérer le débat sous un autre angle : la question de l’archéofiction marque une étape importante dans la longue réflexion menée
tout au long du siècle sur la constitution d’une historiographie « scientifique », et des rapports avec le récit qu’une telle ambition suppose.
La querelle éclate à une période très sensible à cet égard…
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