Les quelques lettres qui nous sont conservées, échangées entre Proust et Ramon Fernandez (1894-1944), mentionnaient un roman de Fernandez en cours de rédaction, intitulé Philippe Sauveur et demeuré inédit. Une grande partie des manuscrits en ont été retrouvés par Dominique Fernandez : l’œuvre se présente en trois versions, qui sont prises en compte ici, Proust ayant eu entre les mains les deux premières. Il s’agit d’un roman sur l’inversion. En 1917-1918, alors que le romancier de la Recherche met la dernière main aux Jeunes filles en fleurs et poursuit l’élaboration de Sodome et Gomorrhe et de l’épisode d’Albertine, divers parallèles invitent à penser que Proust s’inspire de scènes lues chez Fernandez, à son tour influencé par Du côté de chez Swann dans les premières versions, puis par la parution de Sodome et Gomorrhe dans la dernière, que Proust n’a pas connue. Car après la mort de Proust, Fernandez entretiendra pendant vingt ans encore une discussion avec le roman de la Recherche ; la consultation des versions manuscrites de son propre roman permet d’apercevoir que se règle, dans ces riches débats sur les techniques de mise en scène du personnage inverti, l’abandon de Philippe Sauveur. L’auteur de Sodome et Gomorrhe se trouve, à la faveur de cette confrontation de manuscrit à manuscrit, soumis à une critique philosophique et structurale dont il faut noter la modernité.
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