Lamiel est le roman de tous les possibles. Certes, l’inachèvement qui
lui est propre est au principe de cet effet. Mais l’impression d’ouverture
qu’éveille son texte procède aussi bien de deux autres causes : d’un côté,
l’imprévu déconcertant des conduites de l’héroïne ; de l’autre, la forme
elliptique que le romancier donne volontiers à sa narration, faisant que
plus d’un énoncé demeure comme suspendu. Que la cabaretière du village
dise à une pratique, à propos des Hautemare, « c’est bête », et l’on voudrait en savoir plus sur cette Merlin, qui juge ainsi ses concitoyens à l’emportepièce et bouscule un ordre établi en la personne du bedeau-maître
d’école. Bien avant Lamiel, la narration stendhalienne nous a sans doute
accoutumés à ses raccourcis et à ses allusions mais voici que le contexte
du roman — villageois, burlesque, étrange —, la porte à une désinvolture
dans le récit des faits, qui conduit aussi bien à appuyer (et jusqu’à l’incongru) qu’à esquiver ou à bifurquer. Le lecteur peut se satisfaire de cette
frivolité textuelle et y trouver agrément. De façon plus profitable, il peut
aussi la questionner en exploitant l’incertitude dont elle est empreinte
pour se déporter vers de petits réseaux de sens secondaires à l’intérieur
d’une histoire directrice.
C’est ce second parti que l’on prendra ici dans l’esprit de mettre au
jour une articulation plus complexe qu’il n’y paraît entre les grands
ensembles de signification que le texte porte au premier plan…
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