Claude Pichois était attiré par le secret des êtres. Les écrivains auxquels il a consacré le meilleur de lui-même — les Jean Paul, Hoffmann et
Heine, les Baudelaire, Nerval et Colette — étaient des explorateurs, des
passeurs de frontières. Chercheurs inquiets, ils guettaient dans une époque
déshéritée les manifestations d’une beauté contemporaine, l’imagination
et l’ironie étant la faille privilégiée par laquelle ils observaient le surgissement de l’infini dans l’ordinaire d’une vie. L’homme avait choisi ses
amis dans le même esprit — poètes comme Yves Bonnefoy et Marc
Eigeldinger, critiques comme Max Milner et Claude Duchet. Sa sympathie le portait aussi vers ses cadets.
Claude, je m’en souviens, avait encouragé mes percées du côté de
Flora Tristan, au temps du romantisme, en direction de Wassermann, de
Rilke et de Lou Andreas-Salomé dans l’Allemagne des XIXe et XXe siècles.
Elles lui représentaient autant de sondages accordés à sa propre démarche,
qu’il ne dédaignait pas de présenter modestement comme travail de cartographe. Le mot faisait écho à la salubre revendication de Montaigne, qui
réclamait des voyageurs et écrivains de son temps la précision du topographe, dont les relevés véridiques trancheraient opportunément sur les
vaines rêveries que les navigateurs ramenaient ordinairement du Nouveau
Monde.
Le ferme adossement de Claude à l’histoire littéraire et à la philologie,
strictes disciplines fondées sur des faits de langue et d’histoire, autorisait
l’audace qui le portait d’instinct vers la mobilité de la vie, sa musique
secrète qui tourmente les créateurs…
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