A la fin du XVIe et au XVIIe siècles, l’art du voyage est devenu une discipline à part entière, liée à l’idéal humaniste d’un savoir encyclopédique
et d’un art de la vie, où le sujet s’édifie intellectuellement et moralement
au contact des choses vues, au fil des routes parcourues. Cet art engendre
un discours spécifique et suscite une littérature foisonnante, issue aussi
bien des milieux érudits que de simples amateurs. Si les modalités n’en
sont pas aussi définies que celles des genres traditionnels, on voit cependant apparaître dès les années 1570 une série de traités d’« apodémique »,
qui s’emploient à donner des règles pour la rédaction du récit de voyage.
Ce dernier appartient jusqu’au XVIIIe siècle au genre sérieux de l’histoire,
fondé comme lui sur un mélange de description et de narration. Malgré
leur diversité, ces récits poursuivent un dessein immuable : il s’agit d’inventer un discours original sur des choses connues et vues de tous, des
lieux communs au sens littéral du terme. Plus encore, le but est de mettre
en commun ces lieux, de divulguer une expérience personnelle en
empruntant à l’impersonnalité du discours historique. L’expérience du
voyage est fondée sur la communication d’un universel singulier, reflet de
la condition humaine, où le plus intime devient le plus partageable.
Et dans cette expérience, Rome occupe une place toute particulière,
puisque, loin d’être un but comme un autre, elle est le centre de l’univers,
le microcosme où le voyageur est invité à lire l’ordre du monde et le sens
de l’histoire — et il s’en montre pleinement conscient : dès son arrivée, il
est saisi par l’impression d’accéder, à travers le rien des vestiges, à une
totalité qu’il lui faut déployer, expliciter pour accéder à un savoir universel…
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