Notes
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[1]
Né en 1910 à Paris de père inconnu, abandonné par sa mère à l’Assistance publique, il connaît une enfance et une adolescence difficiles. À dix ans il commet son premier vol. De treize à dix-huit ans, il est envoyé en rééducation dans la colonie pénitentiaire de Mettray. À sa sortie, il rejoint la Légion étrangère, qu’il déserte rapidement. Suit une période de vagabondage, voyages, prostitution homosexuelle, vols, prison. Entre 1942 et 1948, il rencontre Cocteau et Sartre ; il rédige des poèmes (Le Condamné à mort, 1942), cinq romans (Notre-Dame-des-Fleurs, Miracle de la rose, Pompes funèbres, Querelle de Brest, Journal du voleur), deux pièces de théâtre (Haute Surveillance, Les Bonnes) et connaît une vie mondaine et la célébrité. Une période improductive suit la grâce présidentielle accordée en 1949.
1952 voit la parution par Sartre de l’essai Saint Genet, comédien et martyr.
À partir de 1955 il compose une série de grandes œuvres pour le théâtre (Le Balcon, Les Nègres, Les Paravents) ; il se lie d’amitié avec le sculpteur Giacometti, et rencontre Abdallah Bentaga-Friedhelin, « Le Funambule », grand amour de sa vie (Abdallah se suicidera en 1964). S’ensuit un nouveau silence.
À partir de 1968, il se lance dans l’engagement politique (Panthères noires aux USA, combattants palestiniens, défense de la bande à Baader).
En 1974 il rencontre son dernier compagnon, Mohammed el-Katrani.
À compter de 1980 s’amorce un « retrait » progressif ; il vit en partie au Maroc. Il écrit Quatre Heures à Chatila et Un captif amoureux. C’est aussi le temps où il découvre le bonheur d’être « grand-père ».
Il meurt en 1986 à Paris.
À l’occasion du centenaire de sa naissance, plusieurs ouvrages ont été publiés, notamment : Albert Dichy et Pascal Fouché, Jean Genet, Matricule 192.102 : Chroniques des années 1910-1944, Paris, Gallimard, 2010, et Tahar Ben Jelloun, Jean Genet, menteur sublime, Paris, Gallimard, 2010. -
[2]
Paris, Paul Morihien, 1948.
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[3]
Paris, Gallimard, 1949.
-
[4]
Décines (Lyon), L’Arbalète/Marc Barbezat, 1946.
-
[5]
Jean Genet, Journal du voleur, op. cit.
-
[6]
Le miracle de la rose, Paris, Gallimard, 1946.
-
[7]
Sartre, Saint Genet, comédien et martyr, Paris, Gallimard, 1952.
-
[8]
Décines (Lyon), L’Arbalète/Marc Barbezat, 1956.
-
[9]
Décines (Lyon), L’Arbalète/Marc Barbezat, 1947.
-
[10]
Le miracle de la rose, op.cit.
-
[11]
Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1957.
-
[12]
Paris, Gallimard, 1952.
-
[13]
Monte-Carlo, Paul Morihien, 1944.
-
[14]
Edition hors commerce, Fresnes 1942. L’Arbalette, Decines, Lyon, 1948.
-
[15]
Le condamné à mort, op.cit.
-
[16]
Jean Cocteau, Journal, 1942-1945, textes rassemblés par Jean Touzot, Paris, Gallimard, 1989.
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[17]
Paris, Gallimard, 1943.
-
[18]
Journal, op.cit.
-
[19]
Jean Genet, Correspondance, inédit, deux lettres publiées dans la revue Continent, Gallimard.
-
[20]
Jean-Bernard Moraly, Jean Genet, La Vie écrite, Paris, La Différence, 1995.
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[21]
George Bataille, La littérature et le mal, Paris, Gallimard, 1957.
-
[22]
Saint Genet, comédien et martyr, op.cit.
-
[23]
Id.
-
[24]
La littérature et le mal, op.cit.
« Je me suis voulu traître, voleur, pillard, délateur, haineux, destructeur, méprisant, lâche. À coup de hache et de cris, je coupais les cordes qui me retenaient au monde de l’habituelle morale, parfois j’en défaisais méthodiquement les nœuds. Monstrueusement, je m’éloignais de vous, de votre monde, de vos villes, de vos institutions. Après avoir connu votre interdiction de séjour, vos prisons, votre ban, j’ai découvert des régions plus désertes où mon orgueil se sentait plus à l’aise. »
1Tout l’univers de Jean Genet est résumé dans cette réplique tirée de son roman Pompes funèbres [2]. Un médecin expert auprès d’un tribunal disait Jean Genet atteint de « cécité morale ». Ce n’est pas faux, car Genet est un moraliste qui accuse la société et veut réhabiliter les criminels. Il faut le rappeler : le moraliste n’est pas l’homme qui nous fait la morale mais celui qui bâtit une éthique, quelle qu’elle soit.
2Par certains côtés, Genet ressemble à un autre grand iconoclaste de la littérature : le marquis de Sade. Comme lui, il se pose donc en moraliste. Jean-Paul Sartre et Jean Cocteau lui accordent aussi ce qualificatif. Mais comme Sade encore, dans la mesure où sa morale contredit la morale admise par la société, Genet se voue à la solitude en défendant ses opinions.
3Une simple définition légale ne pourrait traduire le sens de la criminalité selon Genet. En effet, des trois comportements qui, pour l’écrivain, caractérisent le monde criminel, à savoir le vol, la trahison et l’homosexualité, un seul des comportements, on le sait, est punissable par la loi : le vol. À l’époque de Genet, ces trois comportements placent ceux qu’ils concernent dans une position d’exclusion de la société traditionnelle. Plus tard, on les a aussi appelés des comportements déviants plutôt que délinquants. Mais ces comportements deviennent les valeurs d’une autre culture. « La trahison, le vol et l’homosexualité sont les sujets essentiels de ce livre : “un rapport existe entre eux” », écrit Jean Genet dans le Journal du voleur [3].
Un monde imaginaire vengeur
4Par réaction à cette stigmatisation qu’il connut depuis l’enfance, à cette étiquette de voleur que la société lui donnera très tôt (on y reviendra), Genet se replie sur lui-même, dans son monde personnel. Il se construit une autre personnalité. Il se redéfinit lui-même. Genet se dit lui-même criminel. Il agit et réagit selon ses modèles aberrants, en commettant des actes criminels.
5Sartre et Cocteau ont mis en évidence, chez Genet, ce recours à un monde imaginaire vengeur qui permet de nier la situation misérable dans laquelle il se trouve et d’y substituer une image idéalisée du criminel. Cette image embellie lui permet de sauver sa personnalité. En niant la réalité matérielle, le criminel se replie sur l’imaginaire, sur le monde de la pensée. Dans Miracle de la rose [4], l’écrivain raconte comment, à la maison de correction de Mettray, il vit, avec ses compagnons, des aventures imaginaires, qui se prolongent parfois durant des jours ou des semaines ; ils se disent mousses de galère en révolte ou d’un bateau pirate. Ils échappent ainsi, grâce à ces voyages fantastiques, aux conditions pénibles de leur existence.
6Jean-Paul Sartre a parlé des « jugements magnifiants » de Genet. Et Genet lui-même confirme cette approche :
« Si j’examine ce que j’écrivis, j’y distingue aujourd’hui, patiemment poursuivie, une volonté de réhabilitation des êtres, des objets, des sentiments réputés vils. De les avoir nommés avec les mots qui d’habitude désignent la noblesse, c’était peut-être enfantin, facile : j’allais vite. J’utilisais le moyen le plus court, mais je ne l’eusse pas fait, si, en moi-même, ces objets, ces sentiments (la trahison, le vol, la lâcheté, la peur) n’eussent appelé le qualificatif réservé d’habitude et par vous à leurs contraires [5]. »
8Genet applique toujours des épithètes jugées « nobles » à des sentiments réputés « vils ». Il parle de l’enfant criminel comme d’un « gracieux voyou ». L’assassin est « glorieux », l’action infâme est « belle » et la déchéance morale signe de « sainteté ». Comme l’enfant ou l’homme d’une civilisation dite primitive utilisent le langage en lui conférant une vertu magique, Genet nomme les êtres et les objets en leur collant des adjectifs qui transforment leurs natures.
Le crime idéalisé, le crime érotisé
9Comme le marquis de Sade, Jean Genet satisfait ses désirs symboliquement au moyen de l’écriture. Comme Sade, c’est en prison que Genet écrira une partie de son œuvre. Comme Sade, Genet s’imagine en criminel et ses crimes imaginaires le fascinent.
10Le crime chez Genet est idéalisé, mais il est aussi érotisé. C’est un acte d’agression, mais aussi un acte érotique et religieux, comme en témoignent les adjectifs et les verbes utilisés par exemple dans ce court extrait de Miracle de la rose, où l’écrivain décrit avec une sorte d’effusion lyrique un vol à l’effraction.
« Tout à trac, il raconta leurs exploits, d’étages en étages, à travers les appartements luxueux, surchauffés, les portes qui cèdent, les tapis foulés, les lustres éblouis, la désolation, l’émoi des meubles entrouverts, violés, l’argent qui se plaint sous les doigts, le fric. […] C’est la vie privée, l’être intime du propriétaire, de l’occupant qui est violé, pénétré. […] Tous les cambrioleurs comprendront la dignité dont je fus paré quand je tins dans la main la pince-monseigneur, la “plume”. De son poids, de sa matière, de son calibre, enfin de sa fonction émanait une autorité qui me fit homme. J’avais, depuis toujours, besoin de cette verge d’acier pour me libérer complètement de mes bourbeuses dispositions, de mes humbles attitudes et pour atteindre à la claire simplicité de la virilité […]. Je lui portai, dès mon premier casse, toute la tendresse qu’un guerrier porte à ses armes, avec une mystérieuse vénération comme lorsque ce guerrier est un sauvage et son arme un fusil. » [6]
12Faut-il le spécifier, la pénétration dans l’appartement équivaut à une pénétration sexuelle violente. Le cambriolage devient un acte héroïque. Le cambrioleur est un guerrier dont les armes sont vénérées. Le couteau devient un symbole phallique, de même que la pince-monseigneur.
13Comme Sade encore, Genet lie l’érotisme avec la souffrance et la violence. Il trouve sa volupté dans la douleur. Selon Jean-Paul Sartre, chez Genet :
« La souffrance est le complément nécessaire du plaisir de l’autre, il en jouit comme du plaisir en tant qu’autre. Nous voilà revenus à cette inversion généralisée qui caractérise le Mal, cette volonté acharnée, puisqu’on lui refuse tout, à saisir la privation comme le chiffre de la plénitude, à se faire combler par le vide. Sa douleur est plaisir imaginaire. » [7]
15Comme Sade enfin, Genet lie l’érotisme et la mise en scène ; il est obsédé par le jeu de rôle, par la mise en scène de la vie. Ses personnages jouent à être eux-mêmes ou d’autres personnages.
16Dans la pièce de théâtre Le Balcon [8], chaque chambre d’un bordel de luxe rappelle le décor dans lequel vit une figure importante de notre société : l’évêque, le juge, le général, etc. Les clients choisissent le personnage qu’ils veulent incarner le temps d’une partie. Le bordel symbolise le monde et le monde n’est qu’apparence. Dans la pièce Les Bonnes [9], les deux servantes jouent à être Madame, leur patronne. Pour rappel, cette pièce a été inspirée par l’affaire des sœurs Papin, ces deux domestiques qui avaient sauvagement assassiné leur patronne.
Lucidité et solitude
17Cependant, Genet, comme Sade, est rarement dupe de ses « jugements magnifiants » par lesquels il essaie de transformer la réalité sordide qu’il a vécue. Il sait que sa vie, d’une certaine façon, est un échec et que son attitude est en réalité puérile. Cette lucidité transparaît notamment dans Miracle de la rose, dont voici un extrait :
« Dévêtue de ses ornements sacrés, je vois nue la prison, et sa nudité est cruelle. Les détenus ne sont que de pauvres gens aux dents rongées par le scorbut, courbés par la maladie, crachant, crachotant, toussant. Ils vont du dortoir à l’atelier dans d’énormes sabots lourds et sonores, ils se traînent sur des chaussons de drap, percés et rigides d’une crasse que la poussière a composée avec la sueur. Ils puent. Ils sont lâches en face des gâfes, aussi lâches qu’eux. Ils ne sont plus qu’outrageante caricature des beaux criminels que j’y voyais quand j’avais vingt ans, et ce qu’ils sont devenus, je ne dévoilerai jamais assez les tares, les laideurs, afin de me venger du mal qu’ils m’ont fait, de l’ennui que m’a causé leur inégalable bêtise. » [10]
19Cette constatation cruelle renvoie Genet à sa solitude initiale : il ne sera jamais le complice d’une société qu’il déteste, mais il ne fait plus partie non plus de celle des « glorieux criminels ». Dans son célèbre essai La Littérature et le Mal [11], Georges Bataille écrit :
L’enfant criminel
21En deçà de l’œuvre, quelle fut la vie de Genet pour qu’il atteigne un tel degré de solitude et de désespoir ? Celle-ci explique certainement pourquoi il a développé cette morale à rebours. L’écrivain s’est inventé une légende, mais celle-ci est basée sur des faits réels et ces faits, dans leur crudité, dépassent parfois la fiction. Dans ses romans, l’écrivain nous donne de lui une image de voleur révolté et de brute inculte. Or Genet n’a jamais commis que des petits vols, de livres et de vêtements notamment, ou des escroqueries, et sa correspondance révèle une culture raffinée qu’il a toujours soigneusement cachée.
22Né en 1910 à Paris, Jean Genet est abandonné par sa mère à l’Assistance publique qui place le bébé dans une famille de menuisiers à la campagne. À dix ans, il est surpris en train de voler. Cette première accusation de vol constitue l’événement fondamental de la légende créée par Jean-Paul Sartre à propos de Genet et qu’il développe dans son livre intitulé Saint Genet, comédien et martyr [12]. Selon Sartre, Genet, élevé par des paysans, dans un milieu « où l’avoir se confond avec l’être », n’a fait que « mimer le geste du propriétaire » pour se donner l’illusion d’être comme les autres. Sartre explique que cette première accusation traumatise profondément l’enfant. Genet est stigmatisé. Toute sa vie ne sera, désormais, que « la répétition de l’expérience de l’horreur qu’il ressentit devant le mot scandaleux de voleur ».
23Désormais l’identité de Genet est fixée pour toujours. Sartre explique encore qu’à ce moment de sa vie l’enfant Genet se choisit une carrière de voleur. Il décide de devenir ce que les autres l’accusent d’être : un voleur. Dans un second temps, Genet devient l’écrivain qui fait l’apologie du mal et du crime.
24En fait, ni la famille ni les gens du village ne rejetteront jamais le petit Jean à cause de ses vols successifs. Mais l’enfant était bien stigmatisé par son état d’enfant de l’Assistance publique : il portait par exemple l’uniforme de l’Assistance publique.
Le tribunal pour enfants et la colonie agricole de Mettray
25À quatorze ans, muni de son diplôme d’études primaires, et comme le prévoit la loi, Genet quitte son village d’adoption et se rend dans une école de la banlieue parisienne, pour y apprendre le métier de typographe. Après plusieurs fugues et l’échec de plusieurs autres placements par l’Assistance publique, Genet est envoyé, par le tribunal pour enfants, à la colonie de Mettray.
26À l’automne 1926, Genet découvre le régime de liberté surveillée à la colonie agricole de Mettray, en Touraine, où il passe deux ans et demi.
27La colonie est, depuis presque un siècle, la plus ancienne et la plus prestigieuse des grandes institutions de redressement de l’enfance délinquante. Dans une interview pour la radio, Genet en parle étrangement :
« – Et vous saviez que vous étiez heureux ? lui demande-t-on.
– Oui. Malgré les punitions, malgré les injures, malgré le travail, malgré tout ça, j’étais heureux. »
29Pourtant quand Genet arrive à Mettray, la colonie se dégrade et son personnel n’est plus qualifié. Les journaux commencent à qualifier Mettray de « bagne pour enfants ». Une enquête de 1937 sur les colonies met en évidence la saleté qui y règne, l’insuffisance de nourriture, l’absence de suivi médical, d’orientation professionnelle et de formation des éducateurs.
30La colonie a pour objectif de réformer les enfants, plutôt que les punir, et cette réforme doit s’accomplir par l’intimité avec la nature, le culte de l’honneur religieux et l’esprit de famille.
31La religion est très présente avec les prières (huit fois par jour), les messes et le catéchisme. La discipline est de style militaire. Les jeunes vivent, en groupe du même âge, dans des lotissements appelés des « maisons de famille » sous la surveillance de l’un d’entre eux, le « chef de famille ».
32Les punitions sont courantes et très dures, par la mise au pain sec, la gymnastique dans la cour, l’isolement en cellule ou le cachot. Ce régime entraîne parfois des décès. Pour échapper au laminage du travail (Genet est à l’atelier de brosserie), de la faim et de la discipline, les enfants essaient de se suicider, de se mutiler ou de s’évader. Les cas d’automutilations sont très nombreux, pour échapper au travail et aller à l’infirmerie.
33Quelques chiffres : Genet demeure à Mettray durant deux ans et demi, entre 1926 et 1929 ; à cette époque, on compte 450 colons, environ 10 décès par an et 150 tentatives d’évasion.
34C’est à Mettray que Genet connaît ses premières grandes lectures, et ses premières expériences homosexuelles. Après avoir tenté une évasion de la colonie, c’est intérieurement que Jean s’en évade, bientôt absorbé tout entier dans des rêveries nourries par la littérature. Il découvre Ronsard et les romans populaires. Plus tard, il lira Dostoïevski, Rimbaud, Villon et Proust. Mais ses modèles demeurent Baudelaire, Verlaine et Mallarmé.
35Dans le village où il a grandi, Jean était un marginal, un enfant trouvé, un voleur, un rêveur, un liseur. Son identité s’opposait aux valeurs du village. À Mettray, pour la première fois, il est accepté par les autres. Il n’est plus le garçon efféminé que l’on méprise mais une beauté convoitée par les colons les plus âgés. Pratiquement chaque aspect de la vie à Mettray s’érotise pour Genet.
Les condamnations et l’écriture en prison
36En 1929, Genet quitte Mettray et s’engage dans la Légion étrangère. Selon la légende, il n’y reste que quelques jours. En fait, il déserte six ans plus tard et quitte la France pour échapper aux poursuites engagées par les autorités militaires. L’itinéraire de ses voyages le mène en Italie, Albanie, Yougoslavie, Autriche, Tchécoslovaquie, Pologne, Allemagne, Belgique et il revient à Paris pour repartir à nouveau vers le sud.
37On retrouve Jean Genet à Paris, le 16 septembre 1937, arrêté en flagrant délit de vol.
38Au total, sans compter Mettray, Genet passera presque quatre ans dans des prisons pour adultes, pour l’essentiel à la Santé ou à Fresnes, près de Paris.
39Entre 1937 et 1943, il sera condamné onze fois à des amendes et des courtes peines de prison, principalement pour vols de livres, de vêtements ou de bouteilles d’apéritif… Il connaît différentes prisons, et notamment celle de Fresnes, sous l’occupation nazie, avec un régime presque identique à celui connu par Verlaine, emprisonné quant à lui en Belgique, une petite centaine d’années plus tôt ! Durant la guerre, l’occupant applique le règlement nazi dans les prisons françaises. À Fresnes, Genet travaille plus de neuf heures par jour, les visites et les correspondances sont très rares. Les punitions sont nombreuses et souvent axées sur les relations avec l’extérieur.
40C’est là que Genet écrit Miracle de la rose, son deuxième roman. Les nazis sous-alimentent volontairement les détenus et Genet bombarde ses amis de lettres, les suppliant de lui apporter des colis de nourriture. D’abord au cachot, puis dans une cellule surpeuplée, accroupi dans un coin, il écrit sur des feuilles de papier brun, dont les prisonniers sont censés faire des sacs. Il a rédigé une cinquantaine de pages quand un surveillant lui confisque son manuscrit et Genet est puni pour avoir détourné la propriété de l’État… L’écrivain recommence aussitôt la rédaction du roman. À partir de ses trente ans, durant ses divers séjours en prison, Genet rédige beaucoup de ses romans, de ses poèmes et le début de sa première pièce de théâtre.
41Entre deux séjours en prison, Genet est à Paris où il découvre de plus près le monde de Pigalle qu’il décrit dans son roman Notre-Dame-des-Fleurs [13]. Sa légende, peu à peu, prend forme : Genet dira qu’il écrit par ennui, plus tard par nécessité alimentaire, uniquement en prison. C’est une image de voleur qu’il présente alors, un révolté, inculte, dont les coups d’essai, en matière de littérature, se révèlent être des réussites. Il prétend s’intéresser très peu à l’art. Sa seule aventure véritable, selon lui, c’est la révolte contre la société. Or plusieurs correspondances contredisent cette image de lui-même que Genet propose au monde. Ces lettres sont remplies de références culturelles ; ce sont des lettres d’écrivain au style soigné, non pas celle d’un « cambrioleur analphabète ». On doit donc substituer à la légende du cambrioleur subitement devenu écrivain en prison l’image d’un écrivain vagabond, lecteur passionné et délinquant à ses heures.
Avec Jean Cocteau
42Fin 1942, circule dans Paris la première œuvre de Genet, publiée par ses soins : c’est le poème Le Condamné à mort [14]. Cette œuvre met en évidence le caractère remarquable de la poésie de Genet. Son verbe est incandescent. Poète du mal, Genet est en même temps un écrivain classique, un aristocrate des mots. Cette œuvre est unique par son lyrisme singulier à la fois raffiné et sauvage.
43Genet vit, depuis plusieurs années, de la vente de livres volés qu’il propose dans sa boîte de bouquiniste, sur les quais de la Seine. En 1943, on fait lire à Cocteau le poème Le Condamné à mort et d’emblée il se déclare ébloui. Il veut aussitôt faire la connaissance de celui qu’il considère déjà comme un grand poète inconnu. Cocteau écrit dans son Journal :
« Parfois, il m’arrive un miracle. Par exemple, Le Condamné à mort de Jean Genet. Je crois qu’il n’en existe que quatre exemplaires. Il a déchiré le reste. Ce long poème est une splendeur. Jean Genet sort de Fresnes (la plaquette est datée de la prison, “Fresnes, septembre 1942”). Poème érotique à la gloire de Maurice Pilorge, assassin de vingt ans, exécuté le 12 mars 1939, à Saint-Brieuc. L’érotisme de Genet ne choque jamais. Son obscénité n’est jamais obscène. Un grand mouvement magnifique domine tout. La prose qui débute est courte, insolente, hautaine. Style parfait. »
45Voici deux longs extraits du Condamné à mort ; le début du poème est en prose, mais la suite est écrite en alexandrins, cette forme parfaitement classique. On dira aussi que Genet n’a jamais rencontré l’assassin Pilorge dont il parle dans son poème.
« J’ai dédié ce poème à la mémoire de mon ami Maurice Pilorge dont le corps et le visage radieux hantent mes nuits sans sommeil. En esprit je revis avec lui les quarante derniers jours qu’il passa, les chaînes aux pieds et parfois aux poignets, dans la cellule des condamnés à mort de la prison de Saint-Brieuc. Les journaux manquent d’à-propos. Ils conçurent d’imbéciles articles pour illustrer sa mort qui coïncidait avec l’entrée en fonction du bourreau Desfourneaux. »
47Commentant l’attitude de Maurice devant la mort, le journal L’Œuvre dit : « Que cet enfant eût été digne d’un autre destin. »
« Bref on le ravala. Pour moi, qui l’ai connu et qui l’ai aimé, je veux ici, le plus doucement possible, tendrement, affirmer qu’il fut digne, par la double et unique splendeur de son âme et de son corps, d’avoir le bénéfice d’une telle mort. Chaque matin, quand j’allais, grâce à la complicité d’un gardien ensorcelé par sa beauté, sa jeunesse et son agonie d’Apollon, de ma cellule à la sienne, pour lui porter quelques cigarettes, levé tôt il fredonnait et me saluait ainsi, en souriant : “Salut, Jeannot-du-Matin !”
Originaire du Puy-de-Dôme, il avait un peu l’accent d’Auvergne. Les jurés, offensés par tant de grâce, stupides mais pourtant prestigieux dans leur rôle de Parques, le condamnèrent à vingt ans de travaux forcés pour cambriolage de villas sur la côte, et le lendemain, parce qu’il avait tué son amant Escudero pour lui voler moins de 1 000 francs, cette même cour d’assises condamnait mon ami Maurice Pilorge à avoir la tête tranchée. Il fut exécuté le 17 mars 1939 à Saint-Brieuc..
50Cocteau rencontre Genet et l’introduit dans le milieu artistique. Genet commence une carrière mondaine. Pour le tout-Paris, il devient le « poète kleptomane ». C’est de cette époque que datent des photos tout à fait contraires à l’image du Genet voyou établie par le livre de Sartre : Genet en smoking aux côtés de Leonor Fini, Genet photographié sur fond de bibliothèque… Les bourgeoises qui le reçoivent sont impatientes qu’il leur vole quelques couverts en argent… Cependant, il travaille d’arrache-pied et en six ans il écrit romans, poèmes, une autobiographie et un scénario de film. Il s’essaie en fait à tout. En 1949, les très sérieuses éditions Gallimard publient son œuvre.
51Le lendemain de sa rencontre avec Cocteau, Genet lui apporte le manuscrit de son roman Notre-Dame-des-Fleurs. Cocteau note dans son Journal : « Je souligne que dans ce livre, il n’y a aucune volonté de scandale. La main qui l’écrit est innocente, libre de toute contrainte. […] Ici, c’est la solitude et l’étincellement d’un astre noir. » [16]
52Cocteau fait publier le roman et dit à Genet : « Tu es un mauvais voleur, tu te fais prendre. Mais tu es un bon écrivain. » Les quatre romans de Genet couvrent sa vie jusqu’à cette époque : Notre-Dame-des-Fleurs évoque son enfance au village, avec des scènes de sa vie à Montmartre et dans les prisons. Miracle de la rose parle de Mettray, puis de ses condamnations de la guerre. Pompes funèbres mêle des épisodes de la vie de Genet et de son ami Decarnin avec l’histoire imaginaire d’une jeune servante. Journal du voleur, considéré comme son autobiographie, suit Genet de sa sortie de Mettray à l’époque de sa rencontre avec Cocteau.
53En 1944, Jean Genet rencontre Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Celle-ci souligne d’emblée quelques caractéristiques de Genet : son intelligence et son entêtement. Beauvoir note aussi que s’il prône la trahison Genet est très fidèle en amitié. Lorsque Genet et Sartre se rencontrent, ce dernier entre dans sa période de gloire. En effet, entre 1945 et 1956, tous les intellos s’habillent en noir, arborent un exemplaire de L’Être et le Néant [17], assistent aux pièces de Sartre, achètent ses romans et débattent de ses idées. Sartre passe des heures à discuter avec Genet. Les deux écrivains aiment le théâtre, le cinéma, le roman, méprisent les bourgeois, voyagent sans bagage, et mêlent en parlant l’argot avec un langage intellectuel raffiné.
Les deux dernières condamnations et la grâce présidentielle
54Le 29 mai 1943, Genet est attrapé pour le vol d’un exemplaire de luxe des Fêtes galantes de Verlaine. Genet se fait conduire chez Cocteau, qui lui fournit un célèbre avocat, Maurice Garçon. Le 19 juillet, Genet comparaît devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de la Seine sous l’inculpation de vol en état de récidive légale. C’est en effet la douzième et avant-dernière fois que l’écrivain sera condamné.
55Genet reconnaît les faits et Me Garçon commence sa brillante plaidoirie de cette façon : « Mon client termine une carrière, celle de voleur, pour en commencer une autre, celle d’écrivain. » Il donne lecture d’une lettre de Cocteau qui est d’ailleurs présent dans la salle avec le comédien Jean Marais : « Mon cher Garçon », écrit Cocteau, « je vous confie Genet qui vole pour se nourrir le corps et l’âme. C’est Rimbaud, on ne peut pas condamner Rimbaud ».
56Et dans son Journal, Cocteau rapporte son propre témoignage devant le tribunal : « J’ai dit : “Prenez garde. C’est un grand écrivain.” Le juge condamnait tout le monde. Il a eu peur. Crainte d’avoir l’air bête de la bourgeoisie française. » [18]
57Le juge demande alors à Genet :
58« – Que diriez-vous si on volait vos livres ?
59– J’en serais fier », répond Genet.
60Le juge reprend : « – Vous connaissez le prix de ce livre ? »
61Et Genet réplique : « – Je n’en connais pas le prix, mais j’en connais la valeur. »
62Valeur littéraire, bien entendu…
63Après délibération, le tribunal accorde au prévenu le bénéfice de circonstances atténuantes et le condamne à trois mois d’emprisonnement.
64Il sera condamné une dernière fois durant l’Occupation et échappera de justesse à un envoi dans un camp nazi en Allemagne.
65Dernier épisode de la carrière criminelle de Jean Genet : le 18 mai 1946, Genet est encore cité à comparaître devant la cour d’appel de Paris pour une affaire remontant à son huitième procès, en 1940. Après une longue procédure, c’est cette affaire qui arrive en 1946 pour être définitivement jugée. La cour confirme deux ans de prison. En comptant les mois déjà subis, il reste en principe à Genet dix mois d’emprisonnement à effectuer. Les affaires judiciaires de Genet ne sont pas simples, car elles se chevauchent parfois, ou bien il n’était pas présent à l’audience, d’où opposition, etc.
66Néanmoins, ce dernier épisode de la vie délinquante du poète entraîne une réaction pleine de panache du monde littéraire de l’époque sous la forme d’une demande en grâce par une lettre adressée, en 1948, au président de la République française Vincent Auriol. La lettre est rédigée par Jean Cocteau et Jean-Paul Sartre. Les signataires de la lettre sont nombreux et prestigieux : Breton, Claudel, Prévert, Picasso, Mauriac, Anouilh, l’éditeur Gaston Gallimard, Marcel Aymé, Louis Jouvet, Colette, etc. Camus refuse de signer, de même qu’Eluard et Aragon : ces derniers comme communistes, car le Parti réprouve le « décadentisme » de Genet… La lettre, publiée dans le journal Combat, cite deux autres poètes français, célèbres et délinquants comme Genet : il s’agit de Verlaine et de Villon. Voici la lettre :
Nous avons décidé d’avoir recours à votre haute autorité pour prendre une mesure exceptionnelle en ce qui concerne un écrivain que nous admirons et respectons tous : Jean Genet.
Nous n’ignorons pas que son œuvre est en marge des lettres et ne saurait courir les rues. Mais l’exemple de Villon et de Verlaine nous décide à vous demander votre aide pour un très grand poète.
En outre, nous avons appris, sans que Jean Genet nous en parle, que sa dernière et définitive condamnation est venue de ce qu’il a décidé de prendre à son compte une faute commise par Jean de Carnin, mor t sur les barricades à la Libération, afin que son nom ne reçoive aucune tache.
C’est encore un titre à notre estime et cela nous encourage dans notre démarche.
Toute l’œuvre de Jean Genet l’arrache à un passé de fautes flagrantes et une condamnation définitive le plongerait de nouveau dans le mal dont cette œuvre est arrivée à le délivrer.
Nous vous supplions, Monsieur le Président, de prendre, si possible, une décision rapide et de sauver un homme dont toute la vie n’est plus désormais que travail.
Veuillez recevoir, Monsieur le Président, l’assurance de toute notre gratitude et de nos sentiments de profond respect.
67La lettre ouverte au président de la République constitue une procédure légale de recours en grâce. Un dossier est ouvert au ministère de la Justice. Après un an d’enquête, le 12 août 1949, le président de la République française accède au recours en grâce.
Genet est-il un saint raté ?
68C’est en 1952 que Sartre publie son essai Saint Genet, comédien et martyr. Le livre traumatise, semble-t-il, profondément Genet et le réduit au silence pendant six ans. Cette crise le mènera à une remise en question de son écriture : il commence à écrire plus assidûment pour le théâtre. Au début des années 1970, il connaîtra une période d’intense activité politique que nous n’avons pas le temps d’évoquer ici (il soutiendra notamment les Panthères noires [Black Panthers] aux États-Unis, et les Palestiniens).
69En 1985, un an avant sa mort, Genet fait son entrée dans le répertoire de la Comédie-Française avec sa pièce Le Balcon.
70Jean Genet meurt en 1986, dans une chambre d’un hôtel parisien. Quelques mois après son décès, le manuscrit du Journal du voleur atteint, à la salle des ventes de l’Hôtel Drouot, le chiffre record d’1 700 000 francs français (environ 253 000 euros)…
71Vers la fin de sa vie, Genet confie à un ami son opinion sur les lecteurs qui ne s’intéressent à son œuvre que pour connaître le côté scandaleux de sa vie :
« Je n’ai pas de lecteurs mais des milliers de voyeurs qui me lorgnent de leur fenêtre donnant sur la scène de ma vie personnelle. […] Et je suis écœuré par cet intérêt que suscite l’être de scandale que je suis. Je veux qu’on me laisse tranquille. Je veux commencer quelque chose de neuf. Je ne veux pas qu’on parle de moi, que les journaux publient des choses sur mon œuvre. Je veux en finir avec cette légende […] [19]. »
73Peut-on affirmer, avec Sartre, que Genet est « un saint raté » ?
74Jean-Paul Sartre et Georges Bataille constatent le goût de Genet pour toute forme d’inversion : goût pour l’artifice contre le naturel, criminalité, homosexualité (puisqu’elle est encore considérée ainsi à l’époque). Même la syntaxe du style de Genet où les phrases sont souvent… retournées.
75Ce goût trouve son origine dans un sentiment profondément religieux, une foi authentique qui s’est transformée, à l’adolescence, en ressentiment féroce contre la société qui lui a donné une enfance dure et surtout une adolescence atroce. Son inversion est d’abord une révolte contre la société qui l’a exclu. C’est pourquoi Sartre a parlé de « martyr » à propos de Genet.
76Chez l’enfant Genet, il y avait une aspiration fondamentale à la sainteté, détruite et dévoyée par la vie d’abord et, plus tard, par la volonté même de Genet. C’est pourquoi Sartre a parlé du « saint » Genet.
77Genet était profondément croyant : il fut enfant de chœur et suivait une éducation religieuse. Vers quinze ans, il tombe malade. Dans une interview, l’écrivain évoque un séjour à l’hôpital pendant lequel il a perdu la foi et a rencontré un jeune adolescent nommé Divers. La beauté de Divers remplacera celle de Dieu. Il se jette dans la passion physique avec une ardeur mystique. Désormais, Divers et les autres amants futurs de Genet remplaceront Dieu. Jean-Bernard Moraly, l’un des biographes de Genet ajoute :
« Pas tout à fait d’ailleurs. Dans cet hôpital de l’Assistance, il aurait pu choisir d’entrer au monastère. Et au fond, il le désirera toujours. La prison, la vie d’hôtel, la vie errante seront des ersatz de cellule monacale. Genet perd donc la foi à quinze ans [20]. »
79L’épisode de l’hôpital serait donc une des origines de cette « sainteté inversée » caractéristique de l’œuvre de Genet, qui demeurera toujours marquée par une quête d’absolu. Comme l’écrit Georges Bataille dans son essai La Littérature et le Mal : Genet « aime la mort, la destruction, le châtiment, la lâcheté, la trahison, l’artifice. Il renie la beauté et lui préfère l’utile. C’est une mystique du Mal. Il recherche le Mal comme d’autres recherchent le Bien. Genet recherche la pureté dans le Mal ou plutôt un Mal pur, aussi pur que le Bien absolu. Comme le Bien est humilité, le Mal est orgueil [21] ». Sartre affirme aussi que : « Le Dieu de Genet, c’est Genet lui-même [22]. »
80Et c’est par l’écriture que Genet se recrée.
81« Que restera-t-il, le livre [de Genet] refermé ? » se demande Jean-Paul Sartre : « Un sentiment de vide, de ténèbres et d’horrible beauté [23]. » Dans ses œuvres, Genet rompt délibérément le lien qui l’unit aux autres humains, il sacralise la destruction, il refuse toute communication avec son lecteur, établit volontairement la distance et l’agression. Bataille termine ainsi : « Il y a dans les écrits de Genet je ne sais quoi de frêle, de froid, de friable, qui n’arrête pas forcément l’admiration mais qui suspend l’accord. L’accord, Genet lui-même le refuserait [24] ».
82Genet ne communique pas, ses récits intéressent mais ne passionnent pas. Ils séduisent par l’incandescence du verbe mais demeurent empreints d’une immense froideur. Aucune humanité ne les habite. Et pourtant cette œuvre suscita une action décisive : elle a permis la survie d’un homme, Jean Genet, poète et voyou.
Notes
-
[1]
Né en 1910 à Paris de père inconnu, abandonné par sa mère à l’Assistance publique, il connaît une enfance et une adolescence difficiles. À dix ans il commet son premier vol. De treize à dix-huit ans, il est envoyé en rééducation dans la colonie pénitentiaire de Mettray. À sa sortie, il rejoint la Légion étrangère, qu’il déserte rapidement. Suit une période de vagabondage, voyages, prostitution homosexuelle, vols, prison. Entre 1942 et 1948, il rencontre Cocteau et Sartre ; il rédige des poèmes (Le Condamné à mort, 1942), cinq romans (Notre-Dame-des-Fleurs, Miracle de la rose, Pompes funèbres, Querelle de Brest, Journal du voleur), deux pièces de théâtre (Haute Surveillance, Les Bonnes) et connaît une vie mondaine et la célébrité. Une période improductive suit la grâce présidentielle accordée en 1949.
1952 voit la parution par Sartre de l’essai Saint Genet, comédien et martyr.
À partir de 1955 il compose une série de grandes œuvres pour le théâtre (Le Balcon, Les Nègres, Les Paravents) ; il se lie d’amitié avec le sculpteur Giacometti, et rencontre Abdallah Bentaga-Friedhelin, « Le Funambule », grand amour de sa vie (Abdallah se suicidera en 1964). S’ensuit un nouveau silence.
À partir de 1968, il se lance dans l’engagement politique (Panthères noires aux USA, combattants palestiniens, défense de la bande à Baader).
En 1974 il rencontre son dernier compagnon, Mohammed el-Katrani.
À compter de 1980 s’amorce un « retrait » progressif ; il vit en partie au Maroc. Il écrit Quatre Heures à Chatila et Un captif amoureux. C’est aussi le temps où il découvre le bonheur d’être « grand-père ».
Il meurt en 1986 à Paris.
À l’occasion du centenaire de sa naissance, plusieurs ouvrages ont été publiés, notamment : Albert Dichy et Pascal Fouché, Jean Genet, Matricule 192.102 : Chroniques des années 1910-1944, Paris, Gallimard, 2010, et Tahar Ben Jelloun, Jean Genet, menteur sublime, Paris, Gallimard, 2010. -
[2]
Paris, Paul Morihien, 1948.
-
[3]
Paris, Gallimard, 1949.
-
[4]
Décines (Lyon), L’Arbalète/Marc Barbezat, 1946.
-
[5]
Jean Genet, Journal du voleur, op. cit.
-
[6]
Le miracle de la rose, Paris, Gallimard, 1946.
-
[7]
Sartre, Saint Genet, comédien et martyr, Paris, Gallimard, 1952.
-
[8]
Décines (Lyon), L’Arbalète/Marc Barbezat, 1956.
-
[9]
Décines (Lyon), L’Arbalète/Marc Barbezat, 1947.
-
[10]
Le miracle de la rose, op.cit.
-
[11]
Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1957.
-
[12]
Paris, Gallimard, 1952.
-
[13]
Monte-Carlo, Paul Morihien, 1944.
-
[14]
Edition hors commerce, Fresnes 1942. L’Arbalette, Decines, Lyon, 1948.
-
[15]
Le condamné à mort, op.cit.
-
[16]
Jean Cocteau, Journal, 1942-1945, textes rassemblés par Jean Touzot, Paris, Gallimard, 1989.
-
[17]
Paris, Gallimard, 1943.
-
[18]
Journal, op.cit.
-
[19]
Jean Genet, Correspondance, inédit, deux lettres publiées dans la revue Continent, Gallimard.
-
[20]
Jean-Bernard Moraly, Jean Genet, La Vie écrite, Paris, La Différence, 1995.
-
[21]
George Bataille, La littérature et le mal, Paris, Gallimard, 1957.
-
[22]
Saint Genet, comédien et martyr, op.cit.
-
[23]
Id.
-
[24]
La littérature et le mal, op.cit.