Notes
-
[1]
De sepulture eorum qui falso excommunicati dicuntur, éd. E. Dümmler, Hanovre, 1897 (Monumenta Germaniae Historica [désormais : MGH], Libelli de Lite, 3), p. 690.
-
[2]
Concile de Ravenne (mai 898), protocole, éd. W. Hartmann, I. Schröder et G. Schmitz, Die Konzilien der karolingischen Teilreiche, 875-911, Hanovre, 2012 (MGH, Concilia, 5), pp. 433-434.
-
[3]
Annales Alamannici, éd. G. H. Pertz, Hanovre, 1836 (MGH, Scriptores, 1), p. 53.
-
[4]
Concile de Troyes (878), dans MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 107.
-
[5]
Annales Alamannici, op. cit. (n. 3), p. 53.
-
[6]
Annales Fuldenses sive Annales regni Francorum orientalis, a. 896, éd. F. Kurze, Hanovre, 1891 (MGH, Scriptores rerum Germanicarum, 7), p. 129.
-
[7]
Auxilius, In defensionem sacrae ordinationis papae Formosi, I, X, éd. E. Dümmler, Auxilius und Vulgarius. Quellen und Forschungen zur Geschichte des Papstthums im Anfange des zehnten Jahrhunderts, Leipzig, 1866, p. 70.
-
[8]
Concile de Ravenne (898), c. 9, MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 438.
-
[9]
Auxilius, In defensionem, I, X, op. cit. (n. 7), p. 71. Marinus, dans sa récriture du Liber Pontificalis, au xve siècle, ajoute qu’à l’issue de son procès, Formose fut décapité et jeté dans le Tibre (Le Liber Pontificalis, II, éd. L. Duchesne, Paris, 1892, p. 227). L’abandon du corps du condamné au Tibre était la mesure qu’on réservait aux empereurs romains frappés de damnatio memoriae (John Scheid, « La mort du tyran. Chronique de quelques morts programmées », in Du châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique, Rome, École Française de Rome, « Collection de l’École Française de Rome » 79, 1984, pp. 177-193).
-
[10]
Auxilius und Vulgarius, op. cit. (n. 7).
-
[11]
Matthias Flacius Illyricus, Johann Wigand, Matthaeus Richter, Nona Centuria Ecclesiasticae Historiae, Bâle, 1569, col. 512-514. Sur la dimension historiographique du « siècle de fer », voir Harald Zimmermann, Das dunkle Jahrhundert. Ein historisches Porträt, Graz/Vienne/Cologne, 1971.
-
[12]
Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations et sur les principaux faits de l’histoire depuis Charlemagne jusqu’à Louis XIII (1756), c. 35, éd. Louis Moland, Paris, 1878, p. 338.
-
[13]
Jean-Paul Laurens, Le Pape Formose et Étienne VI, 1870, huile sur toile, Nantes, Musée des Beaux-Arts.
-
[14]
Louis Saltet, Les Réordinations. Étude sur le sacrement de l’ordre, Paris, 1907 ; Demeter Pop, La défense du pape Formose, Paris, 1933 ; Frédéric Rubwejanga, « Dignité et foi du ministre et validité des sacrements. Les ordinations du pape Formose (891-896) », Revue africaine de théologie, n° 6, 1982, pp. 5-25 et pp. 177-188 ; T. J. P. Pozzi, « Le ms. tomus XVII de la Vallicelliana et le libelle ‘De episcoporum transmigratione et quod non temere iudicentur regule quadraginta quattuor’ », Appolinaris, n° 31, 1958, pp. 313-351 ; Stephan Lindemans, « Auxilius et le ms. Vallicellan tome XVIII », Revue d’histoire ecclésiastique, n° 57, 1962, pp. 470-484.
-
[15]
L’immense bibliographie consacrée au sujet est donnée par Jean-Marie Sansterre, « Formoso » et Vito Loré, « Stefano VI », in Enciclopedia dei papi, Rome, Istituto della enciclopedia italiana, 2000, t. II, pp. 41-47 et pp. 48-50. Parmi la bibliographie récente consacrée au sujet, on retiendra Ludovico Gatto, « La condanna di un cadavere : riflessioni sull’incredibile storia di papa Formoso », Studi romani, vol. 52, nos 3-4, 2004, pp. 379-406 ; Jochen Johrendt, « Eine Leiche vor Gericht. Streit vor und um Päpste in der zweiten Hälfte des 9. Jahrhunderts », in M. Becher et A. Plassmann (dir.), Streit am Hof im frühen Mittelalter, Göttingen, V& R Unipress, « Super alta perennis », 2011, pp. 389-410 ; Marie-Luise Heckmann, « Der Fall Formosus. Ungerechtfertigte Anklage gegen einen Toten, Leichenfrevel oder inszenierte Entheiligung des Sakralen ? », in St. Weinfurter (dir.), Päpstliche Herrschaft im Mittelalter. Funktionsweisen, Strategien, Darstellungen, Ostfildern, J. Thorbecke, 2012, pp. 223-238 ; Michael Edward Moore, « The body of pope Formosus », Millennium, vol. IX, n° 1, 2012, pp. 277-298 ; Annette Grabowsky, « La papauté autour de 900 entre sacré et pouvoir : traditions, légitimations, ambitions », in François Bougard, Philippe Depreux et Régine Le Jan (dir.), Compétition et sacré au haut Moyen Âge : entre médiation et exclusion, HAMA 21, Turnhout, Brepols, 2015.
-
[16]
Les Widonides, auxquels Charles le Chauve avait confié le duché de Spolète, ont profité du vide politique suscité par la mort de Charles le Gros en 888 pour revendiquer la couronne italienne. Gui, qui avait épousé Ageltrude, fut élu roi d’Italie à Pavie en 889. Il transmit son trône à son fils Lambert (892-898).
-
[17]
Cette définition est celle qui est retenue et développée dans le cadre du programme de recherche « Compétition dans les sociétés du haut Moyen Âge » mené depuis 2011 au LAMOP par un groupe de chercheurs réuni autour de Régine Le Jan, Geneviève Bührer-Thierry et François Bougard.
-
[18]
L’expression « culture de la haine » est empruntée à Jean-Claude Maire Vigueur, Cavaliers et citoyens. Guerre, conflits et société dans l’Italie communale, xiie-xiiie siècles, Paris, Éditions de l’EHESS, 2003, pp. 307-315. Sur la haine comme donnée sociale et juridique : Daniel L. Smail, « Hatred as a social institution in late-medieval society », Speculum, n° 76, 2001, pp. 90-126 ; Robert Bartlett, « “Mortal enmities”: the legal aspect of hostility in the Middle Ages », in Belle S. Tuten et Tracey L. Billado (dir.), Feud, Violence and Practice: Essays in Medieval Studies in Honor of Stephen D. White, Farnham, Ashgate, 2010, pp. 197-212.
-
[19]
« popularis manus agere praesumpsit », Concile de Ravenne (898), c. 3, MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 437. Le c. 10 évoque les multiples violences qui émaillent les élections pontificales (Ibidem, p. 438).
-
[20]
Concile de Rome (876), ibidem, pp. 25-28.
-
[21]
Paul Devos, « Le mystérieux épisode final de la Vita Gregorii de Jean Diacre », Analecta Bollandiana, vol. 82, 1964, pp. 355-381. Sur ces fonctions curiales et palatines, Pierre Toubert, « Scrinium et Palatium : la formation de la bureaucratie romano-pontificale aux viiie-ixe siècles », in Roma nell’alto medioevo. Atti della LXVIII settimana di Studi sul’alto medioevo, Spolète, 2011, pp. 57-117.
-
[22]
Liudprand de Crémone, Antapodosis, I, 28, éd. P. Chiesa, Turnhout, Brepols, « Corpus Christianorum Continuatio Mediaevalis », t. 156, 1998, p. 22 ; Annales Fuldenses, a. 896, op. cit. (n. 6), p. 128.
-
[23]
La mise en scène de l’outrage guide de la même façon le meurtre des évêques à l’époque grégorienne ou le meurtre du seigneur dans la société médiévale : Myriam Soria, « Déformations, mutilations, profanations. Inscrire la culpabilité dans le corps des évêques (xie-xiie siècle) », in Lydie Bodiou, Véronique Mehl et Myriam Soria (dir.), Corps outragés, corps ravagés de l’Antiquité au Moyen Âge, Brepols, 2011 pp. 279-289 ; Robert Jacob, « Le meurtre du seigneur dans la société féodale. La mémoire, le rite, la fonction », Annales. Histoire sciences sociales, vol. 45, n° 2, 1990, pp. 247-263. Sur le lien entre culpabilité et outrages corporels, voir Corps outragés, corps ravagés, op. cit., spécialement pp. 16-22. Étonnamment, aucun auteur ne fait le rapprochement entre le nom porté par le pape (formosus = beau) et l’enlaidissement qu’a pu représenter le rituel macabre auquel il fut soumis. Je remercie François Bougard de m’avoir suggéré cette hypothèse.
-
[24]
Myriam Soria, « Déformations, mutilations », art. cit. (n. 23), qui observe cette atténuation de la culpabilité collective au profit d’un unique coupable chez Guibert de Nogent lorsqu’il relate le meurtre de Gaudry de Laon par Theudegaud (1112), présenté comme l’incarnation du mal.
-
[25]
C’est la thèse défendue par Michael Edward Moore, « The body of pope Formosus », art. cit (n. 15).
-
[26]
« inaudito more », Annales Fuldenses, a. 896, op. cit. (n. 6), p. 129.
-
[27]
Wilfried Hartmann, Die Synoden der Karolingerzeit im Frankreich und im Italien, Paderborn, Schöningh, 1989, p. 388.
-
[28]
Philippe Buc, Dangereux rituel. De l’histoire médiévale aux sciences sociales, Paris, Puf, « Le nœud gordien », 2003, pp. 19-61.
-
[29]
Annales Fuldenses, a. 896, op. cit. (n. 6), p. 129.
-
[30]
Iuramentum vero illud, ne quem lateat, hic insere proposuimus : « Iuro per hec omnia Dei mysteria, quod salvo honore et lege mea atque fidelitate domni Formosi papae fidelis sum et ero omnibus diebus vitae meae Arnolfo imperatori et numquam me ad illius infidelitatem cum aliquo homine sociabo ; et Lantperto filio Agildrudae vel ipsi matri suae ad secularem honorem numquam adiutorium praebebo et hanc civitatem Romam ipsi Lantperto vel matri eius Agildrudae vel eorum hominibus per aliquod ingenium aut argumentum non tradam », Annales Fuldenses, a.896, op. cit. (n. 6), p. 128.
-
[31]
Nikolaus Gussone, Thron und Inthronisation des Papstes von den Anfängen bis zum 12. Jahrhundert, Bonn, Röhrscheid, 1978, pp. 191-199.
-
[32]
Pour Formose, comme pour Marin Ier et Étienne VI qui avaient déjà été consacrés évêques, fut mis en place un rituel inédit : une simple intronisation liturgique qui consistait avant tout en la remise des habits et des insignes du pouvoir, suivis de l’installation sur le trône apostolique : ibidem, pp. 200-206.
-
[33]
Une autre interprétation est avancée par Marie-Luise Heckmann : la prestation du serment se faisant, au Moyen Âge, en posant trois doigts de la main droite sur la Bible ou les reliques, les pères du concile auraient voulu punir symboliquement le parjure de Formose : Marie-Luise Heckmann, « Der Fall Formosus », art. cit. (n. 15), p. 233.
-
[34]
Invectiva in Romam, éd. Ernst Dümmler, Gesta Berengarii imperatoris. Beiträge zur Geschichte Italiens im Anfange des zehnten Jahrhunderts, Halle, 1871, p. 139 ; Annales Alamannici, op. cit. (n. 6), p. 53 ; Herimanni Augiensis chronicon, éd. G. H. Pertz, Hanovre, 1844 (MGH, Scriptores, 5), p. 111.
-
[35]
Annales Alamannici, a. 896, op. cit. (n. 6), p. 53 ; Annales Laubacenses. Pars tertia, a. 896, éd. G. H. Pertz, Hanovre, 1836 (MGH, Scriptores, 1), p. 53, qui reprend en partie les Annales alémaniques.
-
[36]
Laurent Jégou, « La sépulture de l’âne. Le sort réservé aux corps des excommuniés d’après les sources écrites et archéologiques (ixe-xie siècles) », in Geneviève Bührer-Thierry et Stéphane Gioanni (dir.), Exclure de la communauté chrétienne. Sens et pratiques sociales de l’anathème (ive-xiie siècle), Turnhout, Brepols, à paraître.
-
[37]
Henri Platelle, « La voix du sang : le cadavre qui saigne en présence de son meurtrier », in La Piété populaire au Moyen Âge. Actes du 99e Congrès des Sociétés Savantes, Paris, 1977, pp. 161-179, réed. dans Id., Présence de l’au-delà. Une vision médiévale du monde, Villeneuve d’Ascq, 2004, pp. 13-28.
-
[38]
Grégoire le Grand, Dialogues, livre IV, c. 52-56, éd. Adalbert de Vogüe, Paris, Cerf, « Sources chrétiennes » t. 265, 1980, pp. 176-185.
-
[39]
Plusieurs exemples sont décrits dans Théophane le Confesseur, Chronographia, éd. C. de Boor, Leipzig, 1883, p. 183, p. 369, p. 374, p. 420.
-
[40]
Isabelle Brousselle, « Une damnatio memoriae byzantine : le châtiment post mortem de deux ‘défunts très spéciaux’, l’empereur Constantin V et le patriarche de Constantinople Jean le Grammairien », in Alban Gautier et Cécile Martin (dir.), Échanges, communications et réseaux dans le haut Moyen Âge. Études et textes offerts à Stéphane Lebecq, Turnhout, Brepols, « Haut Moyen Âge », 2011, pp. 101-115. Un autre cas romain, postérieur, fait écho à l’ouverture du tombeau de Formose : en 967, Otton Ier se rendit à Rome pour punir les Romains qui s’en étaient pris au pape Jean XIII (965-972). La notice que consacre à ce dernier le Liber Pontificalis relate l’issue de l’expédition impériale : « Quant au comte Rot Fred et au trésorier Étienne, qui étaient morts, l’empereur ordonna de détruire leur tombeau et que leurs os en soient sortis » (Le Liber Pontificalis, op. cit. [n. 9], II, p. 252).
-
[41]
Sur les influences grecques à Rome dans la seconde moitié du ixe siècle, Jean-Marie Sansterre, Les Moines grecs et orientaux à Rome aux époques byzantine et carolingienne (milieu du vie-fin du ixe siècle), Bruxelles, Palais des Académies, 1983, t. 1, pp. 42-44 ; Réka Forrai, « The sacred nectar of the deceitful Greeks. Perceptions of greekness in ninth century Rome », in Andreas Speer et Philipp Steinkrüger (dir.), Knotenpunkt Byzanz. Wissenformen und kulturelle Wechselbeziehungen, Berlin, De Gruyter, 2012, pp. 71-84.
-
[42]
Concile de Constantinople III, éd. J. D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, XI, Florence, 1765, col. 731.
-
[43]
D., 11, 48, 4.
-
[44]
Inst., III, 1, 5 ; D., 9, 31 ; 2 C., IX, 50.
-
[45]
D., 11, 48, 4.
-
[46]
6 et 8 C., IX, 8.
-
[47]
Michael Borgolte, Petrusnachfolge und Kaiserimitation. Die Grablegen der Päpste, ihre Genese und Traditionsbildung, Göttingen, V & R Unipress, « Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte », 1989, pp. 124-126 ; Hans Schreuer, « Das Recht der Toten. Eine germanistische Untersuchung », Zeitschrift für vergleichende Rechtswissenschaft, n° 33, 1915, pp. 333-432, particulièrement p. 419 et n° 34, 1916, pp. 1-208. Pour ces auteurs, ce principe justifie par exemple que les saints puissent défendre les biens de leur église en justice.
-
[48]
Concile de Ravenne (898), c.1, MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 436.
-
[49]
Isidore de Séville, Étymologies, XI, 2, 34-35, éd. M. Reydellet, Paris, 1984.
-
[50]
Yan Thomas, « Corpus aut tossa aut cineres. La chose religieuse et le commerce », Micrologus, VII. Il cadavere/The corpse, Sismel, 1999, pp. 73-112. Ce n’est qu’au ive siècle, par une sentence de Paul, qu’il fut prévu que le cadaver sorti de son sépulcre serait protégé, dans un cadre législatif qui visait davantage l’exhumation des martyrs que celle du commun : D., 47, 12, 11.
-
[51]
Cette éviction du corps de Formose du sépulcre des papes entre en contradiction avec le relatif désintérêt des pontifes pour la sépulture romaine : Jean-Charles Picard, « Étude sur l’emplacement des tombes des papes du iiie au xe siècle », Mélanges d’archéologie et d’histoire, n° 81, 1969, pp. 725-782. Ainsi, le corps d’Hadrien III, mort en Italie du Nord en 885, ne fut pas ramené à Rome mais reçut une sépulture au monastère de Nonantula.
-
[52]
Sur les « deux corps du pape », voir Agostino Paravicini Bagliani, Il corpo del papa, Turin, Einaudi [1994] ; trad. fr. C. Dalarun Mitrovitsa, Le corps du pape, Paris, Le Seuil, 1997, qui n’aborde à aucun moment le « cas Formose ». Eugenius Vulgarius évoque la question de la distinction qu’il convient de faire entre le siège et la personne qui l’occupe : voir De causa formosiana libellus, in Auxilius und Vulgarius, op. cit. (n. 7), pp. 130-131.
-
[53]
L’argument de l’invalidité des décisions prises sous la contrainte est avancé par les pères du concile de Ravenne, lorsqu’ils font témoigner plusieurs évêques ayant participé au concile cadavérique, qui avouent tour à tour « Interfui coactus » : Concile de Ravenne (898), protocole, MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 435.
-
[54]
Jochen Johrendt, Papsttum und Landeskirchen im Spiegel des päpstlichen Urkunden (896-1046), Hanovre, Hahn, « Studien und Texte », 2004, p. 16.
-
[55]
Laurent Jégou, L’Évêque, juge de paix. L’autorité épiscopale et le règlement des conflits (viiie-xie siècle), Turnhout, Brepols, 2011, pp. 400-424.
-
[56]
Petrus Albanensis dixit: Vult domnus papa, ut legatur synodus acta a Theodoro papa ? Et factum est : Concile de Ravenne (898), protocole, MGH, Concilia, 5, op. cit., p. 434.
-
[57]
Concile de Rome (904), ibidem, pp. 476-478.
-
[58]
Sur la force normative, voir Catherine Thibierge et alii (dir.), La Force normative. Naissance d’un concept, Paris, L.G.D.G-Bruylant, 2009.
-
[59]
Auxilius, In defensionem sacrae ordinationis papae Formosi. Appendix, op. cit. (n. 7), p. 95.
-
[60]
Le Liber Pontificalis, op. cit. (n. 9), II, p. 179. Sur la destruction des faux par le feu et ses enjeux, François Bougard et Laurent Morelle, « Prévention, appréciation et sanction du faux documentaire (vie-xiie siècle) », in Olivier Poncet (dir.), Juger le faux (Moyen Âge-Temps modernes), Paris, École nationale des chartes, 2011, pp. 19-57, ici pp. 54-55.
-
[61]
Sebastian Scholz, Transmigration und Translation. Studien zum Bistumswechsel der Bischöfe von der Spätantike bis zum hohen Mittelalter, Cologne/Weimar/Vienne, Böhlau, 1992, pp. 25-36.
-
[62]
La seule critique concernant l’élection de Marin émane des Annales de Fulda, qui affirment qu’il fut élu contra statuta canonum (Annales Fuldenses, a. 882, op. cit. [n. 6], p. 99).
-
[63]
Sebastian Scholz, Transmigration, op. cit., pp. 117-170 ; Sur Actard, Pierre Bauduin, « En marge des invasions vikings : Actard de Nantes et les translations d’évêques propter infestationem paganorum », Le Moyen Âge, n° 1, 2011, pp. 9-20 ; Mary Sommar, « Hincmar of Reims and the canon law of episcopal translation », Catholic Historical Review, n° 88, 2002, pp. 429-445.
-
[64]
Sebastian Scholz, Transmigration, op. cit. (n. 61), pp. 209-242.
-
[65]
D., 48, 11.
-
[66]
Concile d’Aix (817), éd. Albert Werminghoff, Concilia aevi karolini. 742-817, Hanovre, 1906 (MGH, Concilia, II-1), p. 425 ; Concile de Paris (829), éd. Albert Werminghoff, Concilia aevi karolini. 817-839, Hanovre, 1908 (MGH, Concilia, II-2), p. 617.
-
[67]
C’est la définition que lui donnera le droit canonique plus tardif : Auguste Beugnet, « Ambition », in Dictionnaire de théologie catholique, 1, Paris, Letouzey, 1951, col. 940-942. Le terme avait déjà été employé contre Formose lors du concile de Rome d’avril 876 : « per ambitionem a minori ecclesia in maiorem », MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 27.
-
[68]
Concile de Rome (863), éd. Wilfried Hartmann, Die Konzilien der Karolingische Teilreiche (860-874), Hanovre, 1998 (MGH, Concilia, 4), p. 144.
-
[69]
Hoc Stephani pape clauduntur membra sacello/sextus dictus erat ordine quippe patrum/Hic primum repulit Formosi spurca superbi,/culmina qui invasit sedis apostolice (Inscriptiones Urbis Romae latinae, éd. Giovanni Battista de Rossi, II, Berlin, 1882, p. 215).
-
[70]
Carl Leyser, « Episcopal office in the Italy of Liudprand of Cremona, c.890-c.970 », English Historical Review, n° 515, 2010, pp. 795-817.
-
[71]
Ps-Anterus : http://www.pseudoisidor.mgh.de/html/040.htm. Site consulté le 15/8/2014. On trouve également, dans Ps.-Félix IV l’expression Necessitas non habet legem, qui stipule que la nécessité peut exiger de suspendre la loi. Sur cette expression et sa portée juridique : Franck Roumy, « L’origine et la diffusion de l’adage canonique Necessitas non habet legem (viiie-xiiie siècle) », in Wolfgang P. Muller et Mary E. Sommar (dir.), Medieval Church law and the origins of the western legal tradition. A tribute to Kenneth Pennington, Washington D.C., Catholic University of America Press, 2006, pp. 301-319. Cette qualification est déjà employée au concile de Paris de 829, qui stipule que les évêques ne doivent quitter leur siège sine inevitabili necessitate et certa utilitate : Concile de Paris (829), c. 21, MGH, Concilia, II-2, op. cit. (n. 66), p. 626.
-
[72]
Gilbert Dagron, « La règle et l’exception. Analyse de la notion d’économie », dans Dieter Simon (dir.), Religiöse Devianz. Untersuchungen zu sozialen, rechtlichen und theologischen Reaktionen auf religiöse Abweichung in westlichen und östlichen Mittelalter, Francfort, Klostermann, 1990, pp. 1-19 ; Pierre Rai, « L’Économie dans le droit canonique byzantin des origines jusqu’au xie siècle », Istina, n° 18, 1973, pp. 260-326.
-
[73]
Ps-Anterus, op. cit.
-
[74]
Invectiva in Romam, op. cit. (n. 34), pp. 146-152.
-
[75]
Auxilius, In defensionem sacrae ordinationis papae Formosi. Appendix, op. cit. (n. 7), p. 95.
-
[76]
Vito Loré, « Stefano VI », op. cit. (n. 15), pp. 48-50.
-
[77]
Concile de Carthage (397), éd. Ch. Munier, Concilia Africae a. 345-525, Turnhout, Brepols, « Corpus Christianorum Series Latina », t. 149, 1974, p. 187. L’argument est repris dans les canons du concile de Ravenne, c. 5, MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 437.
-
[78]
Lettre de Nicolas Ier (13 novembre 866) aux évêques relevant de Constantinople et aux clercs de la ville, éd. E. Perels, Epistolae karolini aevi, Hanovre, 1925 (MGH, Epistolae, 6), pp. 512-533. Sur la condamnation de Photius, voir Milton V. Anastos, « The patriarch Photius and his disputes with Rome », in Id., Aspects of the mind of Byzantium, Aldershot, Ashgate, « Variorum selected studies series », 2001, pp. 36-39.
-
[79]
Marie Luise Heckmann, « The Fall Formosus », art. cit. (n. 15).
-
[80]
Kai-Michael Sprenger, « Damnatio memoriae oder damnatio in memoria ? Überlegungen zum Umgang mit so genannten Gegenpäpsten als methodisches Problem der Papstgeschichtsschreibung », Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und Bibliotheken, n° 89, 2009, pp. 31-62. Un autre néologisme adopté par les historiens de l’Antiquité, abolitio memoriae, se révèle particulièrement approprié pour qualifier le traitement subi par Formose, puisqu’il s’inscrit en contradiction avec la consecratio dont pouvaient faire l’objet les empereurs romains : Eric R. Varner, Mutilation and Transformation: damnatio memoriae and Roman Imperial Portraiture, Leyde, Brill, 2004.
-
[81]
Michael Borgolte, Petrusnachfolge, op. cit. (n. 47), pp. 49-126.
-
[82]
Eric R. Varner, Mutilation, op. cit. (n. 80), p. 157.
-
[83]
La fresque n’est connue que par la planche qu’en a laissée au xviie siècle Ciampini (1633-1698), qui est conservée dans le manuscrit autographe Vat. Lat. 7849, f°4 r. Sur cette fresque, Ivan Dujčev, « Uno studio inedito di Mons. G. G. Ciampini sul papa Formoso », in Id., Medioevo bizantino-slavo, 1. Saggi di storia politica e culturale, Rome, Edizione di storia e letteratura, « Storia e letteratura », 1965, pp. 149-181, qui fournit en annexe un fac-similé de la planche. Certains historiens identifient le personnage laïc au roi Arnulf, que Formose aurait fait représenter à ses côtés après son couronnement. Toutefois, le faible laps de temps entre le couronnement impérial et la mort de Formose oblige à écarter cette hypothèse.
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[84]
Max Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, Tübingen, Mohr [1921] ; trad. fr. I. Kalinowski, éd. critique Yves Sintomer, La Domination, Paris, La Découverte, 2013, pp. 269-334. Sur ce concept, voir Vanessa Bernadou, Felix Blanc, Raphaëlle Laignoux et Francisco Roa Bastos (dir.), Que faire du charisme ? Retours sur une notion de Max Weber, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014 ; Vincent Azoulay, Xénophon et les grâces du pouvoir. De la charis au charisme, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, notamment pp. 231-280 à propos du rôle de la jalousie et de l’envie (phthonos) comme clés de lecture des relations politiques.
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[85]
Cum universus orbis damnatum Formosum testetur sanctae sedis apostolicae invasorem, admirati in tuis fuimus scriptis, quae eum inter sacerdotes nominabant. Igitur si te latet, et nuntiatum tibi non est, his nostris apostolicis apicibus agnosce nominatum Formosum esse damnatum : Patrologia Latina, t. 131, col. 972.
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[86]
Auxilius écrit que ceux qui sont visés par le concile cadavérique sont ceux qui communièrent pendant plusieurs années avec le pape Formose : « Denique Stephanus papa facto conventu non ex aliis episcopis, presbiteris vel diaconibus sed ex eis utique, qui eum venerabili papa Formoso per annorum spatia communicaverant et ei in sacris ministeriis participes fuerant » : Auxilius, In defensionem, I, 10, op. cit. (n. 7), p. 71.
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[87]
Sur Argrinus, voir Pierre Richard, « Argrinus », dans Dictionnaire d’Histoire et de Géographie Ecclésiastique, vol. IV, Paris, Letouzey, 1930, col. 87.
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[88]
Quidquid igitur iniquo consensu Formosi papae et Arnolphi regis, et machinatione Hermanni archiepiscopi in te et Ecclesiam Hamburgensem temere perpetratum est, auctoritate quoque nostra, et judicio plurimorum confratrum nostrorum, et sub anathemate contradicimus et omnino destruimus : Patrologia Latina, t. 131, col. 975.
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[89]
Auxilius, In defensionem, I, 10, op. cit. (n. 7), p. 71.
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[90]
Ibidem, I, 11, p. 72.
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[91]
« Nec multo post Theodoro papa iubente clerus ac populus cum psalmis et ymnis, cereis et thimiamatibus in magna gloria reduxerunt eum in urbem et induentes eum apostolicis amictibus, adhuc enim interger existebat, una cum eodem papa Theodoro detulerunt illum in basilicam apostolorum principis », Ibidem.
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[92]
« ad ipsam scilicet confessionem ibique immolata pro eo dominica hostia efferentes eum inter apostolicas tumbas suo restituerunt sepulcro », Ibidem.
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[93]
Liudprand de Crémone, Antapodosis, 1, c. 31, op. cit. (n. 22), pp. 23-24. Jean-Marie Sansterre voit dans cette expression « une sorte de vénération inversée montrant la sainteté du pontife » (Jean-Marie Sansterre, « Attitudes occidentales à l’égard des miracles d’images dans le haut Moyen Âge », Annales. Histoire, Sciences sociales, n° 6, 1998, pp. 1219-1241, ici p. 1238). Les épisodes entourant la découverte des restes de Formose font écho aux légendes hagiographiques consacrées aux reliques de saint Clément, de sainte Euphémie de Chalcédoine, mais aussi aux saints martyrs jetés dans le Tibre (Astérius, martyr d’Ostie, Pigemnius, Cyrinus, Simplicius…) ou à l’épisode du martyre de Cyriaque, dont le corps fut recueilli sur le bord de mer et enterré sur la route de Porto : Paul-Albert Février, « Ostie et Porto à la fin de l’Antiquité. Topographie religieuse et vie sociale », Mélanges d’archéologie et d’histoire, n° 70, 1958, pp. 295-330 ; Thomas Lienhard, « Et saint Clément reprit chair : tradition et adaptation d’un thème hagiographique durant le haut Moyen Âge (vie–ixe siècle) », in Richard Corradini, Maximilian Diesenberger et Meta Niederkorn-Bruck (dir.), Zwischen Niederschrift und Wiederschrift. Frühmittelalterliche Hagiographie und Historiographie im Spannungsfeld von Kompendienüberlieferung und Editionstechnik, Vienne, Verlag der österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2010, pp. 355-364.
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[94]
Pierre Toubert, Les Structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du ixe à la fin du xiie siècle, BEFAR 221, Rome, École Française de Rome, 1993, p. 568.
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[95]
Le travail en cours de Shane Bobrycki sur le sujet devrait combler un vide historiographique sur ce sujet.
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[96]
Max Weber, La domination, op. cit. (n. 84). Sur le concept de légitimité dans la pensée de Maw Weber, voir John Beetham, The legitimation of power, Basingstoke, Palgrave MacMillan, 1991.
1 C’est en ces termes qu’au tout début du xiiesiècle, un auteur anonyme retraça les événements qui avaient eu lieu à Rome en 896-897. Plus de deux cents ans après les faits, l’exhumation du pape Formose, son procès et les dépositions des prêtres et évêques qu’il avait ordonnés s’invitaient dans la querelle des Investitures, au moment sans doute où la dépouille de l’empereur germanique Henri IV, qui avait été excommunié, fut exhumée pour être placée dans une chapelle non consacrée (1105). Ce type d’exemple témoigne de l’écho qu’a pu avoir, au Moyen Âge, ce qu’il est convenu d’appeler le « concile cadavérique ».
2 Formose, pape depuis 891, meurt le jour de Pâques, le 4 avril 896. Neuf ou onze mois après son décès, à la fin de l’année 896 ou au début de l’année 897, l’un de ses successeurs, le pape Étienne VI, ordonne de le faire exhumer et de le faire juger en concile en présence de plusieurs évêques (Pierre d’Albano, Silvestre de Porto, Jean de Velletri, Jean de Gallese, Étienne d’Orte et un certain Pascal, évêque suburbicaire) et des prêtres Pierre et Benoît [2]. Le défunt pape est alors revêtu des habits pontificaux et placé sur un siège apostolique dans l’un des temples du pouvoir romain, la basilique du Latran ou bien l’église Saint-Pierre. On lui assigne un diacre chargé d’assurer sa défense [3]. Il est accusé d’avoir, par pure « ambition », abandonné son siège épiscopal de Porto pour le siège pontifical, d’avoir rompu le serment prêté devant le concile de Troyes en 878 par lequel il s’était engagé à ne plus se présenter à Rome et donc à ne plus revendiquer le siège de Porto dont il avait été chassé [4]. Après l’avoir reconnu coupable, le concile déclare son pontificat illégitime, fait invalider les ordinations auxquelles il a procédé et le dégrade de son rang épiscopal. On lui ôte ses vêtements pour le couvrir d’habits laïques, avant de lui couper plusieurs doigts de la main droite. Les données concernant le sort qui fut réservé à sa dépouille sont plus imprécises, voire contradictoires : certains auteurs affirment que le corps fut jeté dans le Tibre à l’issue du procès [5], d’autres qu’il fut déposé « en dehors du lieu de sépulture des apôtres [6] », vraisemblablement dans une fosse commune du cimetière réservé aux étrangers [7]. D’autres textes évoquent une seconde exhumation. Les actes du concile de Ravenne affirment que le corps fut déterré une seconde fois par des individus qui, déçus de ne pas y avoir trouvé d’objets précieux, auraient jeté la dépouille dans le Tibre [8]. Auxilius attribue cette seconde exhumation à Étienne VI : le pape, par acharnement, aurait récupéré le corps de son ennemi, l’aurait lesté de poids avant de le plonger dans le fleuve [9].
3 Peu d’épisodes des ixe-xesiècles ont éveillé autant de passions que ce procès posthume. Les actes du concile de Rome, qui se tint à la fin de 896 ou au début de 897, n’ont pas été conservés ; le pape Théodore ordonna qu’ils fussent brûlés à l’occasion du concile qu’il convoqua à Ravenne en 898 pour réhabiliter la mémoire de Formose. Malgré cela, les événements nous sont connus par l’intermédiaire de plusieurs sources narratives des xe-xiesiècles, dont les divergences voire les incohérences, loin d’être de simples scories inhérentes à la transmission des informations, traduisent à quel point les faits ont travaillé l’imaginaire des auteurs. Le récit le plus complet, l’Antapodosis de Liudprand de Crémone, n’est d’ailleurs pas le moins fautif, et pas seulement en raison des trois quarts de siècle qui séparent la rédaction de l’œuvre des événements. D’autres sources composées à l’occasion du conflit (actes conciliaires, correspondances, traités et écrits polémiques…) se caractérisent par la virulence de leurs propos, tout particulièrement les écrits que composèrent, au début du xesiècle, des clercs consacrés par Formose qui, ayant trouvé refuge en Italie du Sud, composèrent plusieurs traités et pamphlets de défense de la cause formosienne [10].
4 L’épisode sert traditionnellement à introduire l’image péjorative du « siècle de fer ». Au xviesiècle, les Centuriateurs de Magdebourg, reprenant le récit de Liudprand, réduisent les pontificats de Formose et Étienne VI au procès posthume du premier par son rival [11]. Deux siècles plus tard, Voltaire évoque cette « farce aussi horrible que folle » menée par un pape qui « joignit l’esprit du fanatisme à celui de la faction » [12]. Lorsqu’en 1870 le peintre Jean-Paul Laurens peint la scène, il place son tableau sous le signe du fanatisme religieux. Il présente l’épisode comme une confrontation entre deux papes, vêtus des mêmes vêtements pontificaux, les autres personnages (le diacre chargé d’assurer la défense de Formose, le haut-clergé présent dans l’ombre d’Étienne) étant distraits du regard du spectateur par la furie qui semble se dégager d’Étienne à gauche du tableau et par la lumière qui baigne le cadavre de l’accusé au centre [13]. Mais le conflit qui oppose à Rome et en Italie Formosiens et anti-Formosiens au cours des années 870-910 n’a pas seulement inspiré les auteurs anticléricaux et antipapistes. Les débats auxquels a donné lieu l’annulation des ordinations prononcées par Formose ont aussi suscité d’importants travaux de théologie, de droit canonique, de liturgie [14].
5 L’action menée contre la dépouille papale est habituellement analysée à travers le prisme des émotions et des rivalités personnelles. Les historiens s’attachent à reconstituer les parcours individuels des protagonistes pour tenter d’expliquer les raisons d’un tel déchaînement de violence [15]. Notre étude poursuit une démarche sensiblement différente. La haine d’un seul homme ou l’hostilité que Formose a indéniablement suscitée contre sa personne de la part des Widonides [16], d’une partie du peuple romain et de l’aristocratie ne peuvent expliquer seules la tournure prise par les événements. D’abord, l’action d’Étienne VI s’inscrit dans un environnement plus large que le seul cadre ecclésiastique romain : celui de la recomposition des pouvoirs royaux et locaux qui fait suite à l’éclatement de l’Empire de Charles le Gros. Dans ce contexte, il convient de s’interroger sur les enjeux sociaux, politiques et juridiques qui motivèrent le concile de 896-897. Ensuite, les moyens adoptés (rituels, accusations, écrits), aussi cruels fussent-ils, ne peuvent être interprétés comme le fruit de décisions irraisonnées ; ils furent invariablement guidés par la quête de légitimité. Qu’il s’agisse de leur élection, de leur politique, de la procédure adoptée pour valider ou invalider les actions de leurs prédécesseurs, toutes les ressources disponibles ont été mobilisées par les pontifes pour justifier leurs actions et leur pouvoir.
6 Ainsi, le procès du pape Formose ne constitue pas l’acmé d’un conflit qui aurait convoqué des moyens d’action irréguliers et irrationnels dans le but d’outrager et d’humilier un adversaire, un moment au cours duquel la machine judiciaire se serait détraquée en raison de l’exacerbation des passions. Au contraire, le rituel de 896/897 et ses corollaires sous les pontificats de Théodore (897), Jean IX (898-900) et Serge III (904-911) s’inscrivent dans un contexte de compétition. Il ne s’agit pas ici de donner une interprétation irénique du concile cadavérique, mais plutôt de démontrer en quoi les moyens adoptés par les protagonistes et les buts qu’ils visaient furent le fruit de stratégies bien identifiées. Une compétition certes agressive, mais qui ne s’apparente jamais à un conflit frontal, brutal et incontrôlé, dans la mesure où elle est guidée par des objectifs (invalidation des ordinations, suppression du nom de Formose de la liste des pontifes romains ou au contraire sacralisation du pape), qu’elle implique des acteurs multiples, est soumise à des règles (le droit canonique, le droit romain, le respect des coutumes liturgiques), mobilise des ressources (rituels, production artistique et écrite, procédure judiciaire, sacré) et se caractérise par la publicité des actions entreprises, notamment dans le cadre conciliaire [17].
Les acteurs du concile : action individuelle et logique factionnelle
7 Derrière ces actes se trouvent différents acteurs dont on peine à discerner clairement le profil sociologique et les motivations. Toutefois, il est patent que le procès de Formose se déroula dans un climat de tension extrême, entretenu par les factions auxquelles appartenaient les papes successifs et sur lesquelles ils s’appuyaient pour contrôler la ville. On ne peut donc faire des actes des années 896/7 la résultante d’animosités personnelles, l’invidia attribuée au pape Étienne VI ou le désir de vengeance (ultio) de la reine Ageltrude, dont Étienne VI est parfois présenté comme une créature : la compétition met en scène des groupes (lignées, factions), non des individus.
8 La situation politique italienne et romaine de la fin du ixesiècle est génératrice de tensions. Entre la mort de Charles le Chauve et le couronnement d’Otton Ier comme roi d’Italie, l’effacement du pouvoir carolingien donne l’occasion aux princes territoriaux et aux groupes aristocratiques implantés localement de consolider leur pouvoir et d’espérer accroître leur territoire d’exercice. Il en résulte d’évidentes rivalités. À Rome, les élites se fragmentent en plusieurs factions, qui s’opposent ou se reconfigurent régulièrement à la faveur de la lutte que se livrent les ducs de Spolète Widonides (Gui de Spolète, sa femme Ageltrude et leur fils Lambert) et les ducs de Frioul Unrochides (Bérenger Ier) pour la couronne, mais aussi à l’occasion de l’intervention du roi de Francie orientale Arnulf, ou au moment de l’élection d’un nouveau pape. Ce factionnalisme s’inscrit dans le cadre d’une « culture de la haine », conduite par des entités poli- tiques au sein desquelles les relations sociales sont placées sous le signe de l’amitié ou de l’inimitié. À Rome comme ailleurs, la haine est une donnée sociale autant que juridique, qui guide les comportements des individus, alimente leurs trajectoires politiques, leurs alliances [18]. Les rivalités se cristallisent autour du contrôle des charges ecclésiastiques et des fonctions palatines, dont le siège de saint Pierre constitue la dignité la plus prestigieuse. Pour cette raison, l’élection d’un nouveau pape constitue un terrain d’affrontement pour les factions ; irrémédiablement, le rythme rapide de succession des papes – pas moins de quinze entre 882 et 915 – ne fait qu’accroître les tensions. Entre autres exemples, on peut évoquer les troubles qui, à la mort de Formose, émaillèrent l’élection de Boniface VI, lequel fut élu de manière non canonique sous la pression du peuple, au motif qu’il appartenait à la faction rivale de celle à laquelle appartenait Formose [19].
9 Les haines qui éclaboussent la fonction pontificale en 896/7 ne sont pas nouvelles : le concile cadavérique n’est que la manifestation judiciaire et rituelle d’une lutte de factions qui dure depuis le milieu du ixesiècle. Dans la notice consacrée à Hadrien II (867-872), le Liber Pontificalis évoque les omnes urbis Romae concives, les proceres, les primores Urbis qui alimentent les tensions politiques. À sa mort, son successeur Jean VIII (872-882) s’engage dans une politique de renouvellement de l’administration pontificale, qu’il souhaite purger de l’influence trop importante de plusieurs aristocrates liés à la personne de Formose. À l’occasion du concile de Rome, qu’il convoque en 876, il fait prononcer une sentence synodale contra Formosianos [20]. L’utilisation de ce substantif montre que la société romaine est alors commandée par une logique factionnelle, dont le rôle central est joué par l’évêque de Porto. Sont visés par les mesures de Jean VIII le nomenclateur Grégoire ainsi que sa fille Constantine, les maîtres de la milice Georges d’Aventin et Serge, ainsi que Formose, qui doivent fuir [21].
10 L’amnistie dont bénéficièrent les condamnés sous le pontificat de Marin Ier (883-884) et leur retour à la Curie n’ont pas dû apaiser les rivalités, non plus que l’accession de Formose à la papauté (891). Sous son pontificat, l’entrée dans Rome des troupes de Spolète (895) comme l’intervention d’Arnulf qui suivit, semblent s’être accompagnées d’une violente répression, qui s’est traduite, si l’on en croit Liudprand – il est vrai hostile à Arnulf – par l’exécution de plusieurs proceres et par l’exil d’autres séditieux [22]. En outre, Arnulf laissa à Rome son vassal Faroldus, chargé d’encadrer les troupes impériales, lequel quitta la ville entre août 896 et le début de l’année 897, soit au moment où fut convoqué le concile cadavérique. L’acharnement contre le corps de Formose, lequel fut vraisemblablement transporté au milieu de la foule depuis le Latran jusqu’au Tibre, peut donc aisément être perçu comme un exutoire accordé à la population romaine par un pape enfin libéré de la tutelle impériale. Surtout, en livrant à la vindicte populaire le corps de son adversaire, Étienne VI trouvait l’occasion de légitimer sa fonction et son autorité sur la cité. En effet, l’outrage fait au corps de Formose représentait un instrument de rétablissement de l’ordre : exposer la dépouille putréfiée de Formose constituait un moyen de le rendre monstrueux aux yeux de tous, de le déshumaniser afin de mieux souligner sa culpabilité. Le succès d’un tel processus passait par une mise en scène de l’outrage [23].
11 Ainsi, dans une ville de Rome sujette à des luttes de factions ininterrompues, le cérémonial macabre qui eut lieu au Latran ne peut être considéré comme une parodie de procès qui aurait été motivée par la haine d’un seul homme. Pour les auteurs ecclésiastiques des xe-xiesiècles, l’attribution à Étienne VI de la responsabilité du procès offrait l’opportunité d’épargner quelque peu une institution pontificale déjà bien malmenée ; cela avait également une vertu pacificatrice puisqu’en faisant retomber toute la culpabilité sur une unique personne, le retour à l’ordre était plus aisé dès lors que le coupable était mort, de surcroît s’il avait subi un juste châtiment [24]. Il est difficile d’y voir le produit d’une émotion populaire spontanée, ou bien l’exacerbation outrancière d’un climat de violence inhérent à la situation politique de la fin du ixesiècle [25]. Derrière les actes scandaleux et horribles dénoncés par de nombreux auteurs peuvent être reconstruites les motivations, les règles du jeu et les stratégies qui ont été adoptées lors du concile romain.
Un « geste inédit [26] » ?
12 Nous avons vu qu’il faut renoncer à interpréter le concile de Rome comme une « farce » ou à le mettre sur le seul compte de la cruauté d’un homme ou d’une faction. D’ailleurs, conformément aux ordines de célébration de conciles, l’assemblée dura trois jours, ce qui signifie qu’en dépit d’un climat tendu, le synode dut être ponctué d’échanges et de débats [27]. Pourtant, c’est la performativité du procès de Formose qui a marqué les esprits des auteurs contemporains comme des historiens. À cette occasion, Étienne VI s’est livré à un « dangereux rituel » : il entendait conférer à ses actes une valeur forte et significative, de manière à ruiner l’opposition de ses adversaires ; mais en conduisant le rituel de la sorte, il prêtait le flanc aux critiques et aux attaques. Il importe donc de voir quelle portée politique, religieuse et juridique le pape entendait donner au concile et aux actions qui jalonnèrent ces trois jours d’assemblée ; il convient également d’apprécier quelle interprétation les auteurs ont donnée de ce rituel et quelle mémoire ils entendirent laisser de ces événements. Liudprand de Crémone attribue la responsabilité du concile à Serge III, ce qui était une manière pour lui de noircir le tableau déjà bien sombre de la famille des Théophylacte ; Philippe Buc a bien montré que Liudprand avait pour intention de démontrer l’usage politique que les grands du royaume d’Italie faisaient des rituels religieux. Le procès de Formose ne fait pas exception, qui est présenté comme une manipulation au service d’intérêts factieux [28]. Les Annales de Fulda, pour l’année 896, proposent une vision différente. L’œuvre est attribuée, pour les années postérieures à 864, au bavarois Meginhard, favorable au roi Arnulf. L’auteur dresse un portrait flatteur de l’action pontificale de Formose, accomplie avec le soutien militaire et politique d’Arnulf, et condamne le « geste inédit » d’Étienne, vir fama infamandus, sans mentionner que ce geste eut lieu dans le cadre d’une assemblée conciliaire [29]. Quant à Auxilius et Vulgarius, leur stratégie littéraire consiste à exposer les arguments utiles à l’invalidation des actions d’Étienne VI. Cela passe par la démonstration que le concile de 896/7 était illégitime et anti-canonique, que l’action judiciaire menée par le pape était sacrilège et constituait un atentat déshonorant.
13 Parmi les enjeux du procès figure l’invalidation des actes liturgiques accomplis par Formose, c’est-à-dire les ordinations, les consécrations épiscopales, mais aussi le serment de fidélité que les Romains avaient été contraints de prêter au pape et à l’empereur Arnulf, serment qui leur interdisait de soutenir Lambert et Agiltrude [30]. Cette délégitimation ecclésiale, si elle fut décidée par les pères du concile, fut ensuite mise en scène lors du procès. En effet, un grand soin fut porté à la performativité de la condamnation. Le rituel déployé se présente comme une inversion du rituel de consécration des papes, de telle sorte qu’il est plus juste de parler d’un « contre-rituel ». En l’absence de texte liturgique qui permette de connaître le déroulement du cérémonial d’investiture et de consécration des papes avant le xiesiècle, il nous faut nous contenter des rares mentions fournies par les actes conciliaires ou le Liber Pontificalis. C’est à partir de Grégoire le Grand que se met en place à Rome un cérémonial de consécration non plus épiscopale mais pontificale. À l’issue de l’élection a clero et populo, l’élu est amené à la basilique Saint-Pierre ; les diacres pontificaux le dépouillent de ses vêtements et le revêtent de la parure pontificale. Dans un second temps, quelques jours plus tard, on procède à la consécration. Le pape, toujours dans la basilique Saint-Pierre, revêt de nouveau les ornements d’apparat. Il rejoint l’autel et s’assoit sur un siège qui, depuis le viesiècle, matérialise le siège apostolique [31]. Il est alors consacré par plusieurs évêques [32]. Tous ces éléments du cérémonial de consécration pontificale se retrouvent dans les descriptions que font les auteurs du procès de 896/7 : le lieu (l’église Saint-Pierre), le mobilier, les vêtements pontificaux ; les évêques étaient présents, tout comme le corps diaconal, représenté par le défenseur fantoche qu’on donna à Formose. À la différence près que le rituel fut inversé : le pape fut revêtu des habits pontificaux avant d’être dévêtu et affublé de vêtements laïques ; il fut tiré de son siège ; enfin, alors que la consécration attribue au pape le pouvoir de bénir, le concile romain lui dénia symboliquement ce droit en sectionnant les doigts de la main droite qui étaient utilisés par les prélats pour procéder à ce rituel [33].
14 Sur cette description du rituel de dégradation se sont greffés, au cours des décennies qui ont suivi, d’autres détails qui, s’ils n’aident pas à mieux connaître les événements de 896/7, sont révélateurs du trouble – et de la fascination ? – qu’a engendré la scène parmi les membres du clergé. L’Invectiva in Romam (écrite après 914), les Annales alémaniques (rédigées après 926) comme la Chronique d’Hermann Contractus (milieu du xiesiècle) relatent toutes trois que le corps de Formose fut tiré de son sépulcre par les pieds [34] ; il est même ajouté qu’« alors qu’on le traînait à travers la basilique, du sang coulait de sa bouche » ou que « du sang coulait de sa bouche sur le pavement » [35]. Peut-être les auteurs cherchaient-ils simplement à ajouter des détails croustillants à ce spectacle macabre, mais on peut constater que dans les sources des xe-xiesiècles, l’action de tirer le corps d’un défunt par les pieds n’est pas anodine : le geste est réservé aux dépouilles des excommuniés qu’on exhume pour les jeter hors du cimetière [36]. L’ajout de ce détail rendait l’exhumation plus contestable encore. Quant au sang s’écoulant de la bouche de Formose, peut-être peut-on le rapprocher des récits de cruentation, dont Henri Platelle a identifié le cas le plus précoce en 907 : par là, les auteurs auraient souligné davantage encore la culpabilité d’Étienne VI, accusé d’être non plus seulement sacrilège mais meurtrier de son prédécesseur [37].
15 Le procès fait au cadavre d’un pape est incontestablement un geste inédit, mais l’exhumation d’un corps et la mise en accusation posthume ne l’étaient pas. L’exhumation des impies est un thème hagiographique répandu, véhiculé notamment par les Dialogues de Grégoire le Grand, qui contiennent plusieurs anecdotes relatant l’expulsion hors de l’espace ecclésial des corps des mauvais chrétiens, que les saints refusent de voir reposer à leurs côtés [38]. Mais au ixesiècle, c’est dans le monde grec qu’eurent lieu plusieurs profanations de tombeaux qui firent elles aussi l’objet d’une mise en scène spectaculaire. Dans l’imaginaire politique byzantin, l’exhumation des ennemis publics accompagne fréquemment les insurrections populaires [39]. Sous le règne de Michel III, peut-être entre 861 et 864, les dépouilles de deux ardents défenseurs de l’iconoclasme, l’empereur Constantin V (741-775) et le patriarche de Constantinople Jean le Grammairien (837-843) furent tirées de leur sarcophages, couvertes de vêtements d’apparat (dont l’omophorion, équivalent grec du pallium, pour le prélat) pour être soumises à un châtiment post mortem, à l’Hippodrome, avant d’être brûlées [40]. La présence d’une communauté iconodoule à Rome, la proximité culturelle entre Rome et le monde byzantin, le mouvement de circulation et de traduction de textes grecs effectuées sous le patronage d’Anastase le Bibliothécaire (817-879) permettent d’envisager un emprunt par les organisateurs du concile de Rome aux cérémonies d’humiliation constantinopolitaines [41].
16 Le procès posthume n’est pas non plus une pratique inédite. Le droit romain comme les pratiques politiques byzantines révèlent des cas similaires. On peut citer celui du pape Honorius Ier (625-638), que le troisième concile de Constantinople (681) frappa d’anathème plusieurs décennies après sa mort [42]. Alors que les anciens textes de droit romain considéraient que l’accusation s’éteignait avec la mort du coupable [43], la législation impériale leva cette décision pour les cas de lèse-majesté [44], autorisant les procès faits aux cadavres d’abord pour les crimes de haute trahison [45], puis pour les autres cas de lèse-majesté [46]. Il est permis d’envisager que la survivance de la personnalité juri- dique après la mort pour les crimes les plus graves, prévue par le droit romain, ait offert la possibilité à Étienne VI de faire comparaître le cadavre de Formose [47]. C’est à ces textes de loi que s’attaquèrent les pères du concile de Ravenne (898) lorsqu’ils interdirent qu’à l’avenir on pût porter un cadavre en justice [48].
17 Reste à comprendre en quoi le fait de tirer la dépouille de Formose hors de son tombeau, action qui pouvait passer pour sacrilège, donnait aux sentences prononcées par le concile un crédit supplémentaire. La tradition juridique romaine, relayée par Isidore de Séville, stipule que ce qui figure dans le tombeau est un corps ; ce qui en est privé est un cadavre [49]. Le Code Justinien prévoit des clauses destinées à protéger les tombeaux, qu’il est interdit de briser, de déplacer ou d’ouvrir ; en revanche, aucune mesure n’est prévue dès lors que les dits tombeaux n’abritent plus de dépouille, le sépulcre n’ayant de valeur sacrée que lorsqu’il abrite le corps du défunt [50]. En agissant de la sorte, les auteurs de cette profanation déniaient au corps de Formose la sacralité que lui conférait l’inhumation ad sanctos pontifices, et entendaient redonner au sépulcre des papes son éclat, après qu’il avait été souillé par le corps de leur ignoble ennemi [51].
18 Ainsi, Étienne VI n’a pas tenu une parodie de procès. Sa démarche s’inscrit dans une tradition juridique et culturelle qui trouve sa justification dans le droit romain et la pratique politique byzantine, si l’on excepte toutefois que, pour la première fois dans l’histoire, l’exhumation d’un accusé et le procès fait à sa dépouille concernaient un pape, jugé de surcroît par un tribunal ecclésiastique.
Les enjeux du procès
19 Le concile cadavérique a laissé de profondes séquelles dans l’histoire pontificale durant deux décennies qui furent marquées par une intense activité judiciaire et conciliaire, la production d’une littérature de combat, le développement d’une réflexion théologique et juridique autour des questions de la translation épiscopale et des ordinations. En effet, au tournant des ixe et xesiècles, la compétition qui opposait Formosiens et anti-Formosiens se déplaça sur d’autres terrains. Les enjeux convergent toutefois vers la question de la légitimité : les papes successifs s’attachèrent à faire reconnaître leur autorité dans la double nature de leur charge, c’est-à-dire en tant qu’individus et en tant que titulaires d’une fonction ecclésiastique prestigieuse [52].
20 Parer leurs décisions de légitimité passait par l’organisation de conciles, seule institution apte à valider canoniquement leurs actes, fût-elle commandée par le rapports de force [53]. L’activité conciliaire consacrée à la « question formosienne » fut relativement importante au cours de ces années, si on la compare par exemple à l’atonie qui caractérise la diplomatique pontificale au cours de la même période [54] : le concile de 896/7 fut suivi de deux conciles successifs réunis en 898, l’un à Rome l’autre à Ravenne, et d’un troisième, réuni par Serge III en 904. C’est que le synode n’était pas seulement un organe chargé de débattre et d’énoncer des normes canoniques ; il était aussi un espace de confrontation judiciaire, un lieu de pacification et un instrument d’affirmation de l’autorité pontificale [55]. Si l’on en croit le protocole du concile de Ravenne, le pape Théodore (898), au cours des vingt jours que dura son épiscopat, prit le temps de réunir un concile à Rome – dont les actes sont perdus – chargé de réhabiliter Formose [56]. Le délai extrêmement court entre l’élection et la tenue de l’assemblée laisse penser que l’exercice de sa charge passait, pour ce partisan de Formose, par la réconciliation des deux parties et la réintégration des clercs ordonnés par Formose. Il en fut de même pour Serge III (904-911) qui, dès son élection, s’empressa de convoquer un concile chargé de faire invalider les ordinations accomplies par Formose [57]. La force normative des décisions prises passait également par la revendication d’une unanimité, acquise par le nombre de prélats présents [58]. Auxilius avance, pour le concile de Ravenne, le chiffre de soixante-dix archevêques et évêques présents, alors que les actes dudit concile dénoncent les six évêques réunis – sous la contrainte – par Étienne VI deux ans plus tôt [59]. La lecture publique puis la crémation des actes du concile de Rome participaient de cette même quête de légitimité. Les faits sont d’autant plus symboliques qu’ils font écho à la destruction des actes du concile photien de 869, accomplie à Saint-Pierre de Rome, qu’on peut interpréter autant comme la destruction d’un acte falsifié que comme un acte de purification [60].
21 Le procès de Formose, que les auteurs contemporains des événements ont trop souvent réduit à sa mise en scène macabre, soulevait des questions de nature disciplinaire qui ont suscité une véritable effervescence juridique et théologique. Le premier chef d’accusation porté contre Formose concernait l’irrégularité de sa migration épiscopale, du siège suburbicaire de Porto au trône de saint Pierre, prohibée par les canons des conciles de Nicée (325), d’Antioche (330) et de Sardique (343) [61]. De cette régularité découlait la validité des ordinations qu’il avait prononcées. Le cas de Formose n’était pas nouveau puisque le pape Marin Ier (882-884) avait été auparavant évêque de Caere, mais son cas ne semble pas avoir suscité de contestation, en tout cas pas au point de le voir jugé et condamné [62]. Hors de Rome, la migration épiscopale était débattue, et mobilisa au cours du ixesiècle les énergies de plusieurs lettrés qui eurent notamment à statuer sur les cas de l’évêque Actard de Nantes, dont la cité avait été ruinée par les incursions normandes et qui fut investi du siège archiépiscopal de Tours en 871, ou sur celui de Frothaire de Bordeaux que Charles le Chauve plaça sur le siège de Bourges en 876 [63]. Si le cas de Formose éveilla tant d’acrimonie, c’est parce que la question de la translation épiscopale constitue un leitmotiv de sa carrière ecclésiastique : en 866, lorsqu’évêque de Porto, il fut sollicité par le khan Boris pour devenir le premier archevêque des Bulgares ; en 872, lorsqu’il fut candidat à la succession du pape Hadrien II ; enfin, en 891, lorsqu’il accéda avec succès au trône pontifical [64]. Ces récidives expliquent qu’en 896/7, les pères du concile de Rome aient usé d’une qualification juridique rarement employée : l’ambitio, sans doute inspirée de la condamnation que fait le Digeste des moyens illicites utilisés pour parvenir à une dignité [65]. Le mot était jusqu’alors employé dans un sens moral, présenté par les sources normatives comme un vice et un instrument diabolique [66] ; contre Formose, il prit le sens d’une poursuite déréglée des dignités et des honneurs occupés pour un avantage personnel plutôt que pour l’amour et le service de Dieu [67]. Ainsi, l’élection – canonique – de Formose fut présentée comme une invasio, dont le terme renvoyait, non sans arrière-pensée, aux accusations portées par le concile de Rome de 863 contre le patriarche Photius [68]. La dénonciation semble avoir été martelée par les opposants au pape, jusqu’à figurer, accolée au nom de Formose, sur l’épitaphe d’Étienne VI que Serge III fit composer en 907 lors du transfert de ses ossements à la basilique Saint-Pierre [69]. Mais si le cas de Formose a nourri le débat sur les translations épiscopales à partir de la fin du ixesiècle, la question est loin de se limiter à la papauté. Conrad Leyser a montré que l’ensemble des développements que Liudprand de Crémone consacre à la papauté et à l’épiscopat italien du xesiècle sont guidés par une réflexion sur ce qu’est ou doit être l’office épis- copal et pontifical : Liudprand dénonce les prélats qui s’écartent de plus en plus de l’éthique cléricale imposée par leur fonction pour privilégier la carrière ecclésiastique, laquelle se fait trop souvent au mépris des normes canoniques [70].
22 À ces accusations d’ambitio et d’invasio, les partisans de Formose ont, dès le concile de Ravenne, avancé des arguments juridiques contradictoires en mobilisant une autre qualification juridique : la causa necessitatis, associée à l’utilitas. En s’appuyant sur les fausses décrétales, en particulier le Pseudo-Anterus, les partisans de Formose soutinrent qu’une translation était possible dès lors qu’elle répondait à un intérêt supérieur [71], faisant écho là encore aux pratiques juridiques byzantines et à ce « principe d’économie » théorisé par le clergé byzantin, qui autorisait les prélats à contrevenir à la norme lorsque des intérêts supérieurs l’exigeaient [72]. Pour appuyer cette démonstration, Auxilius, puisant dans les fausses décrétales, cite le cas de Pierre, figure tutélaire s’il en est, qui quitta le siège d’Antioche pour celui de Rome [73] ; l’auteur anonyme de l’Invectiva in Romam y ajoute un grand nombre d’exemples d’évêques estimables qui ont quitté leur siège pour un autre [74].
23 Si la question de la migration d’un siège à un autre a fait tant de bruit, c’est parce que de la légitimité du transfert épiscopal de Formose découlait la validité des ordinations qu’il avait accomplies en qualité de pape. Le concile de 896/7 avait annulé ces ordinations ; les pères du concile de Ravenne, arguant du principe de necessitas qui autorisait le changement de siège, les jugèrent valides avant que Serge III, en 904, ne casse cette décision et ordonne que les ordinations faites par Formose, mais aussi celles faites par les évêques qui avaient été consacrés par lui, soient annulées et doivent être renouvelées. Auxilius soutient que la décision d’Étienne VI n’était conduite que par la volonté de légitimer sa propre élection pontificale, lui dont l’ordination sur le siège d’Anagni avait été prononcée par Formose [75]. Cependant, l’argument est contredit par la chronologie, puisqu’Étienne fut évêque durant cinq années quand Formose exerça la fonction pontificale durant quatre ans [76]. Certains historiens font d’Ageltrude, épouse du roi Gui de Spolète et mère de Lambert, l’éminence grise du concile cadavérique, qu’elle aurait souhaité afin de faire annuler le couronnement impérial d’Arnulf de Carinthie. Le raisonnement ne tient pas davantage, si l’on considère que cela aurait également eu pour effet d’invalider le couronnement impérial de son fils Lambert. Il faut là encore opérer un changement d’échelle géographique et chronologique pour se rendre compte que la controverse autour du « cas Formose » s’inscrit dans un cadre doctrinal plus large.
24 À la fin du ixesiècle, la question était loin d’être originale, puisqu’elle avait déjà été soulevée par les pères du troisième concile de Carthage (397) qui avaient eu à trancher la querelle donatiste et avaient décrété que les ordinations prononcées par les évêques hérétiques restaient valables [77]. Plus récemment, en Gaule, les évêques eurent à débattre des ordinations réalisées par Ebbon de Reims déposé en 835, ainsi que sur celles faites par les chorévêques. En Italie, la question concerna le cas de l’archevêque de Milan Anspert, qui fut déposé par le pape Jean VIII en 879 et continua à exercer sa charge – et donc à consacrer – jusqu’à sa mort en 881. À Rome même, la question fut débattue à l’occasion de la condamnation de Photius, coupable d’avoir usurpé le siège patriarcal. Paradoxalement, c’est Formose qui fit preuve de la plus grande intransigeance pour que toutes les ordinations que le patriarche avait prononcées fussent invalidées et que les prêtres qu’il avait ordonnés fussent chassés du clergé [78]. On peut donc avancer que les clercs de la fin du ixe et du début du xesiècle n’ignoraient rien des enjeux que soulevait la mise en accusation de Formose et étaient même bien armés pour prendre part aux débats. Dans leur action, accusateurs et défenseurs ont fait preuve d’un pragmatisme juridique : ils ont mobilisé les collections canoniques comme les récents faux pseudo-isidoriens et ont exprimé une forme d’abstraction judiciaire (à travers les notions d’ambitio, de necessitas, d’utilitas), ce qui permet d’affirmer que ce conflit entre Formosiens et anti-Formosiens a suscité des débats d’une grande richesse sur le plan juridique. Il fait ainsi le pont entre la querelle sur la validité des sacrements et les débats portant sur la question de la simonie [79].
25 La compétition entre les protagonistes ne s’est pas bornée à la dimension rituelle, judiciaire et juridique. Elle s’est déplacée sur le terrain de la mémoire, à partir du moment où les adversaires de Formose ont extrait son corps du sépulcre des papes, lui ôtant par ce geste toute légitimité pontificale. Il convient alors d’étudier les stratégies de légitimation et de délégitimation employées par les deux camps. Le terme de damnatio memoriae est souvent employé pour qualifier les mesures prises à l’encontre du pape. Le concept, forgé par les historiens de l’Antiquité romaine, définit ainsi le phénomène de condamnation de la mémoire qui touchait les mauvais empereurs, dont le nom et l’effigie étaient effacés et grattés des monuments publics, des monnaies, des textes [80]. L’objectif poursuivi par Étienne VI visait clairement à déshonorer la mémoire de son prédécesseur, à éviter qu’il devienne un modèle, mais il s’agissait avant tout de lui dénier la légitimité pontificale et de rayer son nom de la liste des papes. Cela passait par son expulsion de son tombeau dans la basilique Saint-Pierre, lieu de sépulture des pontifes depuis le viesiècle [81], par le souci de faire disparaître la dépouille, soit par l’anonymat dans le cimetière des pèlerins, soit par la disparition pure et simple dans le Tibre, conformément à la pratique adoptée au Bas-Empire contre les mauvais empereurs [82]. De même, on prit soin de détruire les images du pape. Formose avait fait réaliser dans l’oratoire du Mont Celio une fresque où figuraient, entourés du Christ, Pierre et Paul ainsi que les saints Laurent et Hippolyte. Aux pieds du Christ, à sa droite, se tenait un laïc barbu et muni d’un objet oblong, vraisemblablement le khan des Bulgares Boris-Michel (852-889) tenant les Responsa Nicolai Papae I ad consulta Bulgarorum que lui avait remis Formose, en qualité de légat ; selon toute vraisemblance, le personnage agenouillé à gauche du Christ, et dont l’image a été détruite, devait être Formose si l’on en croit l’inscription FORMOSV située au-dessus qui, étonnamment, n’a pas été grattée [83].
Portrait détruit de Formose sur la fresque de l’église du Mont Celio, détruite au xviiesiècle. Dessin de Ciampini (1633-1698), conservé dans le ms. Vat. Lat. 7849, f° 4r.
Portrait détruit de Formose sur la fresque de l’église du Mont Celio, détruite au xviiesiècle. Dessin de Ciampini (1633-1698), conservé dans le ms. Vat. Lat. 7849, f° 4r.
26 Néanmoins, l’examen des différentes actions entreprises par les adversaires de Formose montre que leur démarche dépassa le cadre de la damnatio memoriae « à l’antique ». Deux arguments peuvent étayer cette affirmation. Premièrement, la faction proche d’Étienne VI est allée au-delà de la destruction des représentations du pape. Leur action avait pour cible non seulement son image, mais aussi son charisme, sa capacité à s’imposer à la tête d’une communauté à laquelle il était lié par des relations personnelles et émotionnelles ainsi que par l’octroi de faveurs [84]. Faire annuler les ordinations accomplies par Formose au cours de son pontificat constituait un moyen de casser les liens personnels et spirituels que Formose avait pu tisser à l’occasion de ces cérémonies. On peut interpréter, de la même manière, l’énergie déployée par ses adversaires pour briser les relations qu’avait pu nouer le pape avec le haut clergé à l’échelle de la chrétienté. Ainsi, dans une lettre adressée à Amelius II d’Uzès, Serge III fustige l’évêque, lui interdisant de qualifier Formose de sacerdos [85]. D’autres décisions canoniques prises par Formose, qui étaient autant d’occasions de créer des liens d’amicitia avec les bénéficiaires, furent cassées [86]. Ce fut le cas dans l’affaire qui impliqua l’évêque de Langres Argrinus. Ce dernier avait été investi de sa charge en 888, mais il se heurta très vite à un autre prétendant, Teutbold, protégé de l’archevêque de Reims Foulques et du roi Charles le Simple. Formose le confirma dans sa charge en lui conférant le pallium (893), avant qu’Étienne VI ne le destitue ; Jean IX le réintégra en 899, puis Benoît IV le confirma comme évêque légitime avant qu’il ne soit obligé de se démettre définitivement de son siège en 910, sous le pontificat de Serge III [87]. La même succession de confirmations et d’invalidations eut lieu dans le conflit opposant les évêques de Brême aux archevêques de Cologne : Formose ordonna que le siège de Brême fût placé sous la juridiction de l’archevêque de Cologne (893), ce à quoi Serge III s’opposa en 904 en soutenant les prétentions de l’évêque Adalgarius contre ce qui avait été décidé « avec l’accord injuste du pape Formose et du roi Arnulf et la machination de l’archevêque Herimannus [88] ».
27 Deuxièmement, à la différence des pratiques antiques d’abolitio memoriae, les ennemis de Formose trouvèrent face à eux des adversaires qui mirent au point des stratégies concurrentes, destinées à glorifier le pape défunt. On devrait alors davantage parler d’une competitio memoriae tant les actions des deux camps se répondent : tout comme la légitimité des adversaires de Formose reposait sur l’annulation de ses actions, celle de ses partisans passait par l’exaltation de sa mémoire. Les écrits rédigés par Auxilius et Vulgarius au début du xesiècle en témoignent, qui s’apparentent autant à des traités juridico- théologiques visant à défendre la validité des ordinations que des textes de défense de la mémoire de Formose. Cela passait par une entreprise de sanctification et la relation d’épisodes miraculeux, mais aussi par une opposition rhétorique entre les actes d’Étienne VI et ceux de Formose : à la profanation sacrilège répond le corps non putréfié du pape et l’humiliation vestimentaire est contrebalancée par la découverte du port d’un cilice [89]. Auxilius relate qu’après qu’Étienne VI eut lesté le cadavre de Formose et l’eut poussé au fond du fleuve, le corps surgit plusieurs lieux plus loin, sur la rive située près de l’église Saint-Acontius, au diocèse de Porto [90]. Le pape apparut alors en vision à un moine, avant de retrouver une sépulture digne de son rang à la faveur d’un véritable adventus, qui doit avoir relevé, à ce moment, autant de la procession que de la démonstration de force publique [91]. Au terme de cette translation, on élève l’hostie dominicale sur son corps – un geste qui l’assimile aux corps des saints contenus dans l’autel ? – avant de le replacer dans le sépulcre dont il avait été tiré quelque temps auparavant [92]. Ce schéma narratif, emprunté aux légendes hagiographiques romaines et orientales, se retrouve plus d’un demi-siècle plus tard dans l’Antapodosis, avec des accents très byzantins lorsque Liudprand écrit que le corps du pape avait été trouvé par des pêcheurs et porté à Rome, où ses restes furent accueillis par l’inclination des images des saints présentes dans l’église Saint-Pierre [93].
28 Le procès posthume du pape Formose occupe une place de choix dans l’historiographie de la papauté, en raison notamment des commentaires corrosifs qu’il a suscités au cours des siècles. Mais plutôt qu’y voir un énième épisode des turpitudes qui touchèrent Rome et la papauté au tournant du siècle, l’« ultime grande secousse du ixesiècle romain [94] », il semble plus fécond d’analyser l’histoire des années 896-910 comme un révélateur des stratégies déployées par les différents acteurs du jeu politique pour affirmer leur autorité, durant cette période de recomposition des pouvoirs à Rome, en Italie et en Occident. Les récits rapportés par les auteurs mettent en lumière d’importants enjeux politiques. La Ville est sujette à des luttes de factions, lesquelles s’affrontent pour le contrôle des charges curiales et publiques sous l’arbitrage de la foule, actrice omniprésente et néanmoins méconnue de cette lutte de pouvoir. Il ne s’agit pas de la foule de la Rome antique, véritable corps souverain, ni de la foule persécutrice décrite par les hagiographes des premiers siècles du christianisme ; l’épisode du procès de Formose révèle que la population romaine, présentée par les auteurs comme une entité indistincte, joue un rôle politique majeur, étant capable d’interagir dans le champ politique mais aussi de jouer un rôle déterminant dans les élections ou les dépositions pontificales [95].
29 Les enjeux du procès sont aussi juridiques, disciplinaires et théologiques. S’ils n’ont guère rehaussé l’éclat de la papauté, les protagonistes ont eu le mérite d’avoir fait naître une réflexion sur la fonction pontificale, ses fondements sacramentels et la nature de son pouvoir. En effet, la compétition que se sont livrées les factions rassemblées autour des papes successifs avait pour objectif principal la conquête du trône de saint Pierre, le contrôle des fonctions curiales, bureaucratiques et militaires de la Ville mais aussi, une fois acquise, la légitimation du pouvoir pontifical. Il s’agissait pour les pontifes de faire reconnaître leur autorité, de la consolider et de la conserver. Dans ce but, ils ont usé de multiples stratégies et dispositifs rituels, liturgiques, juridiques et littéraires. La légitimité de leur pouvoir a été acquise en accord avec la loi, par la convocation de conciles ou la mobilisation des normes juridiques ; les normes qu’ils ont convoquées exprimaient un principe d’autorité politique validé par leur caractère sacré ; enfin, pour mener à bien leurs actions, ils se sont attachés à obtenir l’adhésion et le consentement du peuple et de l’aristocratie, fût-elle acquise au prix d’un rituel judiciaire infamant infligé au cadavre putréfié d’un ancien pape [96]. Sonder le concept de légitimité se révèle propice à l’appréhension des comportements politiques observés à Rome à la charnière des ixe et xesiècles : ces derniers, auxquels il faut rattacher la tenue du concile cadavérique, se conforment à des règles, des croyances, des actions appropriées et non à des réactions anarchiques et irrationnelles.
Mots-clés éditeurs : rituels, papauté, haut Moyen Âge, compétition, Rome, légitimité
Date de mise en ligne : 03/09/2015
https://doi.org/10.3917/rhis.153.0499Notes
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[1]
De sepulture eorum qui falso excommunicati dicuntur, éd. E. Dümmler, Hanovre, 1897 (Monumenta Germaniae Historica [désormais : MGH], Libelli de Lite, 3), p. 690.
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[2]
Concile de Ravenne (mai 898), protocole, éd. W. Hartmann, I. Schröder et G. Schmitz, Die Konzilien der karolingischen Teilreiche, 875-911, Hanovre, 2012 (MGH, Concilia, 5), pp. 433-434.
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[3]
Annales Alamannici, éd. G. H. Pertz, Hanovre, 1836 (MGH, Scriptores, 1), p. 53.
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[4]
Concile de Troyes (878), dans MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 107.
-
[5]
Annales Alamannici, op. cit. (n. 3), p. 53.
-
[6]
Annales Fuldenses sive Annales regni Francorum orientalis, a. 896, éd. F. Kurze, Hanovre, 1891 (MGH, Scriptores rerum Germanicarum, 7), p. 129.
-
[7]
Auxilius, In defensionem sacrae ordinationis papae Formosi, I, X, éd. E. Dümmler, Auxilius und Vulgarius. Quellen und Forschungen zur Geschichte des Papstthums im Anfange des zehnten Jahrhunderts, Leipzig, 1866, p. 70.
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[8]
Concile de Ravenne (898), c. 9, MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 438.
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[9]
Auxilius, In defensionem, I, X, op. cit. (n. 7), p. 71. Marinus, dans sa récriture du Liber Pontificalis, au xve siècle, ajoute qu’à l’issue de son procès, Formose fut décapité et jeté dans le Tibre (Le Liber Pontificalis, II, éd. L. Duchesne, Paris, 1892, p. 227). L’abandon du corps du condamné au Tibre était la mesure qu’on réservait aux empereurs romains frappés de damnatio memoriae (John Scheid, « La mort du tyran. Chronique de quelques morts programmées », in Du châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique, Rome, École Française de Rome, « Collection de l’École Française de Rome » 79, 1984, pp. 177-193).
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[10]
Auxilius und Vulgarius, op. cit. (n. 7).
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[11]
Matthias Flacius Illyricus, Johann Wigand, Matthaeus Richter, Nona Centuria Ecclesiasticae Historiae, Bâle, 1569, col. 512-514. Sur la dimension historiographique du « siècle de fer », voir Harald Zimmermann, Das dunkle Jahrhundert. Ein historisches Porträt, Graz/Vienne/Cologne, 1971.
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[12]
Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations et sur les principaux faits de l’histoire depuis Charlemagne jusqu’à Louis XIII (1756), c. 35, éd. Louis Moland, Paris, 1878, p. 338.
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[13]
Jean-Paul Laurens, Le Pape Formose et Étienne VI, 1870, huile sur toile, Nantes, Musée des Beaux-Arts.
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[14]
Louis Saltet, Les Réordinations. Étude sur le sacrement de l’ordre, Paris, 1907 ; Demeter Pop, La défense du pape Formose, Paris, 1933 ; Frédéric Rubwejanga, « Dignité et foi du ministre et validité des sacrements. Les ordinations du pape Formose (891-896) », Revue africaine de théologie, n° 6, 1982, pp. 5-25 et pp. 177-188 ; T. J. P. Pozzi, « Le ms. tomus XVII de la Vallicelliana et le libelle ‘De episcoporum transmigratione et quod non temere iudicentur regule quadraginta quattuor’ », Appolinaris, n° 31, 1958, pp. 313-351 ; Stephan Lindemans, « Auxilius et le ms. Vallicellan tome XVIII », Revue d’histoire ecclésiastique, n° 57, 1962, pp. 470-484.
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[15]
L’immense bibliographie consacrée au sujet est donnée par Jean-Marie Sansterre, « Formoso » et Vito Loré, « Stefano VI », in Enciclopedia dei papi, Rome, Istituto della enciclopedia italiana, 2000, t. II, pp. 41-47 et pp. 48-50. Parmi la bibliographie récente consacrée au sujet, on retiendra Ludovico Gatto, « La condanna di un cadavere : riflessioni sull’incredibile storia di papa Formoso », Studi romani, vol. 52, nos 3-4, 2004, pp. 379-406 ; Jochen Johrendt, « Eine Leiche vor Gericht. Streit vor und um Päpste in der zweiten Hälfte des 9. Jahrhunderts », in M. Becher et A. Plassmann (dir.), Streit am Hof im frühen Mittelalter, Göttingen, V& R Unipress, « Super alta perennis », 2011, pp. 389-410 ; Marie-Luise Heckmann, « Der Fall Formosus. Ungerechtfertigte Anklage gegen einen Toten, Leichenfrevel oder inszenierte Entheiligung des Sakralen ? », in St. Weinfurter (dir.), Päpstliche Herrschaft im Mittelalter. Funktionsweisen, Strategien, Darstellungen, Ostfildern, J. Thorbecke, 2012, pp. 223-238 ; Michael Edward Moore, « The body of pope Formosus », Millennium, vol. IX, n° 1, 2012, pp. 277-298 ; Annette Grabowsky, « La papauté autour de 900 entre sacré et pouvoir : traditions, légitimations, ambitions », in François Bougard, Philippe Depreux et Régine Le Jan (dir.), Compétition et sacré au haut Moyen Âge : entre médiation et exclusion, HAMA 21, Turnhout, Brepols, 2015.
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[16]
Les Widonides, auxquels Charles le Chauve avait confié le duché de Spolète, ont profité du vide politique suscité par la mort de Charles le Gros en 888 pour revendiquer la couronne italienne. Gui, qui avait épousé Ageltrude, fut élu roi d’Italie à Pavie en 889. Il transmit son trône à son fils Lambert (892-898).
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[17]
Cette définition est celle qui est retenue et développée dans le cadre du programme de recherche « Compétition dans les sociétés du haut Moyen Âge » mené depuis 2011 au LAMOP par un groupe de chercheurs réuni autour de Régine Le Jan, Geneviève Bührer-Thierry et François Bougard.
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[18]
L’expression « culture de la haine » est empruntée à Jean-Claude Maire Vigueur, Cavaliers et citoyens. Guerre, conflits et société dans l’Italie communale, xiie-xiiie siècles, Paris, Éditions de l’EHESS, 2003, pp. 307-315. Sur la haine comme donnée sociale et juridique : Daniel L. Smail, « Hatred as a social institution in late-medieval society », Speculum, n° 76, 2001, pp. 90-126 ; Robert Bartlett, « “Mortal enmities”: the legal aspect of hostility in the Middle Ages », in Belle S. Tuten et Tracey L. Billado (dir.), Feud, Violence and Practice: Essays in Medieval Studies in Honor of Stephen D. White, Farnham, Ashgate, 2010, pp. 197-212.
-
[19]
« popularis manus agere praesumpsit », Concile de Ravenne (898), c. 3, MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 437. Le c. 10 évoque les multiples violences qui émaillent les élections pontificales (Ibidem, p. 438).
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[20]
Concile de Rome (876), ibidem, pp. 25-28.
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[21]
Paul Devos, « Le mystérieux épisode final de la Vita Gregorii de Jean Diacre », Analecta Bollandiana, vol. 82, 1964, pp. 355-381. Sur ces fonctions curiales et palatines, Pierre Toubert, « Scrinium et Palatium : la formation de la bureaucratie romano-pontificale aux viiie-ixe siècles », in Roma nell’alto medioevo. Atti della LXVIII settimana di Studi sul’alto medioevo, Spolète, 2011, pp. 57-117.
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[22]
Liudprand de Crémone, Antapodosis, I, 28, éd. P. Chiesa, Turnhout, Brepols, « Corpus Christianorum Continuatio Mediaevalis », t. 156, 1998, p. 22 ; Annales Fuldenses, a. 896, op. cit. (n. 6), p. 128.
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[23]
La mise en scène de l’outrage guide de la même façon le meurtre des évêques à l’époque grégorienne ou le meurtre du seigneur dans la société médiévale : Myriam Soria, « Déformations, mutilations, profanations. Inscrire la culpabilité dans le corps des évêques (xie-xiie siècle) », in Lydie Bodiou, Véronique Mehl et Myriam Soria (dir.), Corps outragés, corps ravagés de l’Antiquité au Moyen Âge, Brepols, 2011 pp. 279-289 ; Robert Jacob, « Le meurtre du seigneur dans la société féodale. La mémoire, le rite, la fonction », Annales. Histoire sciences sociales, vol. 45, n° 2, 1990, pp. 247-263. Sur le lien entre culpabilité et outrages corporels, voir Corps outragés, corps ravagés, op. cit., spécialement pp. 16-22. Étonnamment, aucun auteur ne fait le rapprochement entre le nom porté par le pape (formosus = beau) et l’enlaidissement qu’a pu représenter le rituel macabre auquel il fut soumis. Je remercie François Bougard de m’avoir suggéré cette hypothèse.
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[24]
Myriam Soria, « Déformations, mutilations », art. cit. (n. 23), qui observe cette atténuation de la culpabilité collective au profit d’un unique coupable chez Guibert de Nogent lorsqu’il relate le meurtre de Gaudry de Laon par Theudegaud (1112), présenté comme l’incarnation du mal.
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[25]
C’est la thèse défendue par Michael Edward Moore, « The body of pope Formosus », art. cit (n. 15).
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[26]
« inaudito more », Annales Fuldenses, a. 896, op. cit. (n. 6), p. 129.
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[27]
Wilfried Hartmann, Die Synoden der Karolingerzeit im Frankreich und im Italien, Paderborn, Schöningh, 1989, p. 388.
-
[28]
Philippe Buc, Dangereux rituel. De l’histoire médiévale aux sciences sociales, Paris, Puf, « Le nœud gordien », 2003, pp. 19-61.
-
[29]
Annales Fuldenses, a. 896, op. cit. (n. 6), p. 129.
-
[30]
Iuramentum vero illud, ne quem lateat, hic insere proposuimus : « Iuro per hec omnia Dei mysteria, quod salvo honore et lege mea atque fidelitate domni Formosi papae fidelis sum et ero omnibus diebus vitae meae Arnolfo imperatori et numquam me ad illius infidelitatem cum aliquo homine sociabo ; et Lantperto filio Agildrudae vel ipsi matri suae ad secularem honorem numquam adiutorium praebebo et hanc civitatem Romam ipsi Lantperto vel matri eius Agildrudae vel eorum hominibus per aliquod ingenium aut argumentum non tradam », Annales Fuldenses, a.896, op. cit. (n. 6), p. 128.
-
[31]
Nikolaus Gussone, Thron und Inthronisation des Papstes von den Anfängen bis zum 12. Jahrhundert, Bonn, Röhrscheid, 1978, pp. 191-199.
-
[32]
Pour Formose, comme pour Marin Ier et Étienne VI qui avaient déjà été consacrés évêques, fut mis en place un rituel inédit : une simple intronisation liturgique qui consistait avant tout en la remise des habits et des insignes du pouvoir, suivis de l’installation sur le trône apostolique : ibidem, pp. 200-206.
-
[33]
Une autre interprétation est avancée par Marie-Luise Heckmann : la prestation du serment se faisant, au Moyen Âge, en posant trois doigts de la main droite sur la Bible ou les reliques, les pères du concile auraient voulu punir symboliquement le parjure de Formose : Marie-Luise Heckmann, « Der Fall Formosus », art. cit. (n. 15), p. 233.
-
[34]
Invectiva in Romam, éd. Ernst Dümmler, Gesta Berengarii imperatoris. Beiträge zur Geschichte Italiens im Anfange des zehnten Jahrhunderts, Halle, 1871, p. 139 ; Annales Alamannici, op. cit. (n. 6), p. 53 ; Herimanni Augiensis chronicon, éd. G. H. Pertz, Hanovre, 1844 (MGH, Scriptores, 5), p. 111.
-
[35]
Annales Alamannici, a. 896, op. cit. (n. 6), p. 53 ; Annales Laubacenses. Pars tertia, a. 896, éd. G. H. Pertz, Hanovre, 1836 (MGH, Scriptores, 1), p. 53, qui reprend en partie les Annales alémaniques.
-
[36]
Laurent Jégou, « La sépulture de l’âne. Le sort réservé aux corps des excommuniés d’après les sources écrites et archéologiques (ixe-xie siècles) », in Geneviève Bührer-Thierry et Stéphane Gioanni (dir.), Exclure de la communauté chrétienne. Sens et pratiques sociales de l’anathème (ive-xiie siècle), Turnhout, Brepols, à paraître.
-
[37]
Henri Platelle, « La voix du sang : le cadavre qui saigne en présence de son meurtrier », in La Piété populaire au Moyen Âge. Actes du 99e Congrès des Sociétés Savantes, Paris, 1977, pp. 161-179, réed. dans Id., Présence de l’au-delà. Une vision médiévale du monde, Villeneuve d’Ascq, 2004, pp. 13-28.
-
[38]
Grégoire le Grand, Dialogues, livre IV, c. 52-56, éd. Adalbert de Vogüe, Paris, Cerf, « Sources chrétiennes » t. 265, 1980, pp. 176-185.
-
[39]
Plusieurs exemples sont décrits dans Théophane le Confesseur, Chronographia, éd. C. de Boor, Leipzig, 1883, p. 183, p. 369, p. 374, p. 420.
-
[40]
Isabelle Brousselle, « Une damnatio memoriae byzantine : le châtiment post mortem de deux ‘défunts très spéciaux’, l’empereur Constantin V et le patriarche de Constantinople Jean le Grammairien », in Alban Gautier et Cécile Martin (dir.), Échanges, communications et réseaux dans le haut Moyen Âge. Études et textes offerts à Stéphane Lebecq, Turnhout, Brepols, « Haut Moyen Âge », 2011, pp. 101-115. Un autre cas romain, postérieur, fait écho à l’ouverture du tombeau de Formose : en 967, Otton Ier se rendit à Rome pour punir les Romains qui s’en étaient pris au pape Jean XIII (965-972). La notice que consacre à ce dernier le Liber Pontificalis relate l’issue de l’expédition impériale : « Quant au comte Rot Fred et au trésorier Étienne, qui étaient morts, l’empereur ordonna de détruire leur tombeau et que leurs os en soient sortis » (Le Liber Pontificalis, op. cit. [n. 9], II, p. 252).
-
[41]
Sur les influences grecques à Rome dans la seconde moitié du ixe siècle, Jean-Marie Sansterre, Les Moines grecs et orientaux à Rome aux époques byzantine et carolingienne (milieu du vie-fin du ixe siècle), Bruxelles, Palais des Académies, 1983, t. 1, pp. 42-44 ; Réka Forrai, « The sacred nectar of the deceitful Greeks. Perceptions of greekness in ninth century Rome », in Andreas Speer et Philipp Steinkrüger (dir.), Knotenpunkt Byzanz. Wissenformen und kulturelle Wechselbeziehungen, Berlin, De Gruyter, 2012, pp. 71-84.
-
[42]
Concile de Constantinople III, éd. J. D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, XI, Florence, 1765, col. 731.
-
[43]
D., 11, 48, 4.
-
[44]
Inst., III, 1, 5 ; D., 9, 31 ; 2 C., IX, 50.
-
[45]
D., 11, 48, 4.
-
[46]
6 et 8 C., IX, 8.
-
[47]
Michael Borgolte, Petrusnachfolge und Kaiserimitation. Die Grablegen der Päpste, ihre Genese und Traditionsbildung, Göttingen, V & R Unipress, « Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte », 1989, pp. 124-126 ; Hans Schreuer, « Das Recht der Toten. Eine germanistische Untersuchung », Zeitschrift für vergleichende Rechtswissenschaft, n° 33, 1915, pp. 333-432, particulièrement p. 419 et n° 34, 1916, pp. 1-208. Pour ces auteurs, ce principe justifie par exemple que les saints puissent défendre les biens de leur église en justice.
-
[48]
Concile de Ravenne (898), c.1, MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 436.
-
[49]
Isidore de Séville, Étymologies, XI, 2, 34-35, éd. M. Reydellet, Paris, 1984.
-
[50]
Yan Thomas, « Corpus aut tossa aut cineres. La chose religieuse et le commerce », Micrologus, VII. Il cadavere/The corpse, Sismel, 1999, pp. 73-112. Ce n’est qu’au ive siècle, par une sentence de Paul, qu’il fut prévu que le cadaver sorti de son sépulcre serait protégé, dans un cadre législatif qui visait davantage l’exhumation des martyrs que celle du commun : D., 47, 12, 11.
-
[51]
Cette éviction du corps de Formose du sépulcre des papes entre en contradiction avec le relatif désintérêt des pontifes pour la sépulture romaine : Jean-Charles Picard, « Étude sur l’emplacement des tombes des papes du iiie au xe siècle », Mélanges d’archéologie et d’histoire, n° 81, 1969, pp. 725-782. Ainsi, le corps d’Hadrien III, mort en Italie du Nord en 885, ne fut pas ramené à Rome mais reçut une sépulture au monastère de Nonantula.
-
[52]
Sur les « deux corps du pape », voir Agostino Paravicini Bagliani, Il corpo del papa, Turin, Einaudi [1994] ; trad. fr. C. Dalarun Mitrovitsa, Le corps du pape, Paris, Le Seuil, 1997, qui n’aborde à aucun moment le « cas Formose ». Eugenius Vulgarius évoque la question de la distinction qu’il convient de faire entre le siège et la personne qui l’occupe : voir De causa formosiana libellus, in Auxilius und Vulgarius, op. cit. (n. 7), pp. 130-131.
-
[53]
L’argument de l’invalidité des décisions prises sous la contrainte est avancé par les pères du concile de Ravenne, lorsqu’ils font témoigner plusieurs évêques ayant participé au concile cadavérique, qui avouent tour à tour « Interfui coactus » : Concile de Ravenne (898), protocole, MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 435.
-
[54]
Jochen Johrendt, Papsttum und Landeskirchen im Spiegel des päpstlichen Urkunden (896-1046), Hanovre, Hahn, « Studien und Texte », 2004, p. 16.
-
[55]
Laurent Jégou, L’Évêque, juge de paix. L’autorité épiscopale et le règlement des conflits (viiie-xie siècle), Turnhout, Brepols, 2011, pp. 400-424.
-
[56]
Petrus Albanensis dixit: Vult domnus papa, ut legatur synodus acta a Theodoro papa ? Et factum est : Concile de Ravenne (898), protocole, MGH, Concilia, 5, op. cit., p. 434.
-
[57]
Concile de Rome (904), ibidem, pp. 476-478.
-
[58]
Sur la force normative, voir Catherine Thibierge et alii (dir.), La Force normative. Naissance d’un concept, Paris, L.G.D.G-Bruylant, 2009.
-
[59]
Auxilius, In defensionem sacrae ordinationis papae Formosi. Appendix, op. cit. (n. 7), p. 95.
-
[60]
Le Liber Pontificalis, op. cit. (n. 9), II, p. 179. Sur la destruction des faux par le feu et ses enjeux, François Bougard et Laurent Morelle, « Prévention, appréciation et sanction du faux documentaire (vie-xiie siècle) », in Olivier Poncet (dir.), Juger le faux (Moyen Âge-Temps modernes), Paris, École nationale des chartes, 2011, pp. 19-57, ici pp. 54-55.
-
[61]
Sebastian Scholz, Transmigration und Translation. Studien zum Bistumswechsel der Bischöfe von der Spätantike bis zum hohen Mittelalter, Cologne/Weimar/Vienne, Böhlau, 1992, pp. 25-36.
-
[62]
La seule critique concernant l’élection de Marin émane des Annales de Fulda, qui affirment qu’il fut élu contra statuta canonum (Annales Fuldenses, a. 882, op. cit. [n. 6], p. 99).
-
[63]
Sebastian Scholz, Transmigration, op. cit., pp. 117-170 ; Sur Actard, Pierre Bauduin, « En marge des invasions vikings : Actard de Nantes et les translations d’évêques propter infestationem paganorum », Le Moyen Âge, n° 1, 2011, pp. 9-20 ; Mary Sommar, « Hincmar of Reims and the canon law of episcopal translation », Catholic Historical Review, n° 88, 2002, pp. 429-445.
-
[64]
Sebastian Scholz, Transmigration, op. cit. (n. 61), pp. 209-242.
-
[65]
D., 48, 11.
-
[66]
Concile d’Aix (817), éd. Albert Werminghoff, Concilia aevi karolini. 742-817, Hanovre, 1906 (MGH, Concilia, II-1), p. 425 ; Concile de Paris (829), éd. Albert Werminghoff, Concilia aevi karolini. 817-839, Hanovre, 1908 (MGH, Concilia, II-2), p. 617.
-
[67]
C’est la définition que lui donnera le droit canonique plus tardif : Auguste Beugnet, « Ambition », in Dictionnaire de théologie catholique, 1, Paris, Letouzey, 1951, col. 940-942. Le terme avait déjà été employé contre Formose lors du concile de Rome d’avril 876 : « per ambitionem a minori ecclesia in maiorem », MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 27.
-
[68]
Concile de Rome (863), éd. Wilfried Hartmann, Die Konzilien der Karolingische Teilreiche (860-874), Hanovre, 1998 (MGH, Concilia, 4), p. 144.
-
[69]
Hoc Stephani pape clauduntur membra sacello/sextus dictus erat ordine quippe patrum/Hic primum repulit Formosi spurca superbi,/culmina qui invasit sedis apostolice (Inscriptiones Urbis Romae latinae, éd. Giovanni Battista de Rossi, II, Berlin, 1882, p. 215).
-
[70]
Carl Leyser, « Episcopal office in the Italy of Liudprand of Cremona, c.890-c.970 », English Historical Review, n° 515, 2010, pp. 795-817.
-
[71]
Ps-Anterus : http://www.pseudoisidor.mgh.de/html/040.htm. Site consulté le 15/8/2014. On trouve également, dans Ps.-Félix IV l’expression Necessitas non habet legem, qui stipule que la nécessité peut exiger de suspendre la loi. Sur cette expression et sa portée juridique : Franck Roumy, « L’origine et la diffusion de l’adage canonique Necessitas non habet legem (viiie-xiiie siècle) », in Wolfgang P. Muller et Mary E. Sommar (dir.), Medieval Church law and the origins of the western legal tradition. A tribute to Kenneth Pennington, Washington D.C., Catholic University of America Press, 2006, pp. 301-319. Cette qualification est déjà employée au concile de Paris de 829, qui stipule que les évêques ne doivent quitter leur siège sine inevitabili necessitate et certa utilitate : Concile de Paris (829), c. 21, MGH, Concilia, II-2, op. cit. (n. 66), p. 626.
-
[72]
Gilbert Dagron, « La règle et l’exception. Analyse de la notion d’économie », dans Dieter Simon (dir.), Religiöse Devianz. Untersuchungen zu sozialen, rechtlichen und theologischen Reaktionen auf religiöse Abweichung in westlichen und östlichen Mittelalter, Francfort, Klostermann, 1990, pp. 1-19 ; Pierre Rai, « L’Économie dans le droit canonique byzantin des origines jusqu’au xie siècle », Istina, n° 18, 1973, pp. 260-326.
-
[73]
Ps-Anterus, op. cit.
-
[74]
Invectiva in Romam, op. cit. (n. 34), pp. 146-152.
-
[75]
Auxilius, In defensionem sacrae ordinationis papae Formosi. Appendix, op. cit. (n. 7), p. 95.
-
[76]
Vito Loré, « Stefano VI », op. cit. (n. 15), pp. 48-50.
-
[77]
Concile de Carthage (397), éd. Ch. Munier, Concilia Africae a. 345-525, Turnhout, Brepols, « Corpus Christianorum Series Latina », t. 149, 1974, p. 187. L’argument est repris dans les canons du concile de Ravenne, c. 5, MGH, Concilia, 5, op. cit. (n. 2), p. 437.
-
[78]
Lettre de Nicolas Ier (13 novembre 866) aux évêques relevant de Constantinople et aux clercs de la ville, éd. E. Perels, Epistolae karolini aevi, Hanovre, 1925 (MGH, Epistolae, 6), pp. 512-533. Sur la condamnation de Photius, voir Milton V. Anastos, « The patriarch Photius and his disputes with Rome », in Id., Aspects of the mind of Byzantium, Aldershot, Ashgate, « Variorum selected studies series », 2001, pp. 36-39.
-
[79]
Marie Luise Heckmann, « The Fall Formosus », art. cit. (n. 15).
-
[80]
Kai-Michael Sprenger, « Damnatio memoriae oder damnatio in memoria ? Überlegungen zum Umgang mit so genannten Gegenpäpsten als methodisches Problem der Papstgeschichtsschreibung », Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und Bibliotheken, n° 89, 2009, pp. 31-62. Un autre néologisme adopté par les historiens de l’Antiquité, abolitio memoriae, se révèle particulièrement approprié pour qualifier le traitement subi par Formose, puisqu’il s’inscrit en contradiction avec la consecratio dont pouvaient faire l’objet les empereurs romains : Eric R. Varner, Mutilation and Transformation: damnatio memoriae and Roman Imperial Portraiture, Leyde, Brill, 2004.
-
[81]
Michael Borgolte, Petrusnachfolge, op. cit. (n. 47), pp. 49-126.
-
[82]
Eric R. Varner, Mutilation, op. cit. (n. 80), p. 157.
-
[83]
La fresque n’est connue que par la planche qu’en a laissée au xviie siècle Ciampini (1633-1698), qui est conservée dans le manuscrit autographe Vat. Lat. 7849, f°4 r. Sur cette fresque, Ivan Dujčev, « Uno studio inedito di Mons. G. G. Ciampini sul papa Formoso », in Id., Medioevo bizantino-slavo, 1. Saggi di storia politica e culturale, Rome, Edizione di storia e letteratura, « Storia e letteratura », 1965, pp. 149-181, qui fournit en annexe un fac-similé de la planche. Certains historiens identifient le personnage laïc au roi Arnulf, que Formose aurait fait représenter à ses côtés après son couronnement. Toutefois, le faible laps de temps entre le couronnement impérial et la mort de Formose oblige à écarter cette hypothèse.
-
[84]
Max Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, Tübingen, Mohr [1921] ; trad. fr. I. Kalinowski, éd. critique Yves Sintomer, La Domination, Paris, La Découverte, 2013, pp. 269-334. Sur ce concept, voir Vanessa Bernadou, Felix Blanc, Raphaëlle Laignoux et Francisco Roa Bastos (dir.), Que faire du charisme ? Retours sur une notion de Max Weber, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014 ; Vincent Azoulay, Xénophon et les grâces du pouvoir. De la charis au charisme, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, notamment pp. 231-280 à propos du rôle de la jalousie et de l’envie (phthonos) comme clés de lecture des relations politiques.
-
[85]
Cum universus orbis damnatum Formosum testetur sanctae sedis apostolicae invasorem, admirati in tuis fuimus scriptis, quae eum inter sacerdotes nominabant. Igitur si te latet, et nuntiatum tibi non est, his nostris apostolicis apicibus agnosce nominatum Formosum esse damnatum : Patrologia Latina, t. 131, col. 972.
-
[86]
Auxilius écrit que ceux qui sont visés par le concile cadavérique sont ceux qui communièrent pendant plusieurs années avec le pape Formose : « Denique Stephanus papa facto conventu non ex aliis episcopis, presbiteris vel diaconibus sed ex eis utique, qui eum venerabili papa Formoso per annorum spatia communicaverant et ei in sacris ministeriis participes fuerant » : Auxilius, In defensionem, I, 10, op. cit. (n. 7), p. 71.
-
[87]
Sur Argrinus, voir Pierre Richard, « Argrinus », dans Dictionnaire d’Histoire et de Géographie Ecclésiastique, vol. IV, Paris, Letouzey, 1930, col. 87.
-
[88]
Quidquid igitur iniquo consensu Formosi papae et Arnolphi regis, et machinatione Hermanni archiepiscopi in te et Ecclesiam Hamburgensem temere perpetratum est, auctoritate quoque nostra, et judicio plurimorum confratrum nostrorum, et sub anathemate contradicimus et omnino destruimus : Patrologia Latina, t. 131, col. 975.
-
[89]
Auxilius, In defensionem, I, 10, op. cit. (n. 7), p. 71.
-
[90]
Ibidem, I, 11, p. 72.
-
[91]
« Nec multo post Theodoro papa iubente clerus ac populus cum psalmis et ymnis, cereis et thimiamatibus in magna gloria reduxerunt eum in urbem et induentes eum apostolicis amictibus, adhuc enim interger existebat, una cum eodem papa Theodoro detulerunt illum in basilicam apostolorum principis », Ibidem.
-
[92]
« ad ipsam scilicet confessionem ibique immolata pro eo dominica hostia efferentes eum inter apostolicas tumbas suo restituerunt sepulcro », Ibidem.
-
[93]
Liudprand de Crémone, Antapodosis, 1, c. 31, op. cit. (n. 22), pp. 23-24. Jean-Marie Sansterre voit dans cette expression « une sorte de vénération inversée montrant la sainteté du pontife » (Jean-Marie Sansterre, « Attitudes occidentales à l’égard des miracles d’images dans le haut Moyen Âge », Annales. Histoire, Sciences sociales, n° 6, 1998, pp. 1219-1241, ici p. 1238). Les épisodes entourant la découverte des restes de Formose font écho aux légendes hagiographiques consacrées aux reliques de saint Clément, de sainte Euphémie de Chalcédoine, mais aussi aux saints martyrs jetés dans le Tibre (Astérius, martyr d’Ostie, Pigemnius, Cyrinus, Simplicius…) ou à l’épisode du martyre de Cyriaque, dont le corps fut recueilli sur le bord de mer et enterré sur la route de Porto : Paul-Albert Février, « Ostie et Porto à la fin de l’Antiquité. Topographie religieuse et vie sociale », Mélanges d’archéologie et d’histoire, n° 70, 1958, pp. 295-330 ; Thomas Lienhard, « Et saint Clément reprit chair : tradition et adaptation d’un thème hagiographique durant le haut Moyen Âge (vie–ixe siècle) », in Richard Corradini, Maximilian Diesenberger et Meta Niederkorn-Bruck (dir.), Zwischen Niederschrift und Wiederschrift. Frühmittelalterliche Hagiographie und Historiographie im Spannungsfeld von Kompendienüberlieferung und Editionstechnik, Vienne, Verlag der österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2010, pp. 355-364.
-
[94]
Pierre Toubert, Les Structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du ixe à la fin du xiie siècle, BEFAR 221, Rome, École Française de Rome, 1993, p. 568.
-
[95]
Le travail en cours de Shane Bobrycki sur le sujet devrait combler un vide historiographique sur ce sujet.
-
[96]
Max Weber, La domination, op. cit. (n. 84). Sur le concept de légitimité dans la pensée de Maw Weber, voir John Beetham, The legitimation of power, Basingstoke, Palgrave MacMillan, 1991.