Notes
-
[1]
Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, This Time is Different. Eight Centuries of Financial Folly, Princeton-Oxford, Princeton University Press, 2009.
-
[2]
Charles Kindleberger et Jean-Paul Laffargue (dir.), Financial Crises: Theory, History, and Policy, Cambridge, Cambridge University Press, 1982. Eugene White, Crashes and Panics: The Lessons from History, New York, Dow Jones-Irwin, 1990. Thomas Ho et Anthony Saunders, «?A catastrophe model of bank failure?», The Journal of Finances, volume 35, n°5, décembre 1980, pp. 1189-1207.
-
[3]
Michel Lescure, «?Banking and finance?» (chapitre 14), in Geoffrey Jones et Jonathan Zeitlin (dir.), The Oxford Handbook of Business History, Oxford, Oxford University Press, 2008, pp. 319-346.
-
[4]
Jean Bouvier, Le krach de l’Union générale (1878-1885), Paris, Puf, 1960.
-
[5]
Hubert Bonin, La Banque nationale de crédit. Histoire de la quatrième banque de dépôts française en 1913-1932, Paris, Éd. Plage, 2002.
-
[6]
Frederik Mishkin, «Assymetric information and financial crises. A historical perspective?», in Robert Glenn Hubbard (dir.), Financial Markets and Financial Crises, Chicago, The University of Chicago Press, 1991.
-
[7]
Voir David Wheelock et Paul Wilson, «?Why do banks disappear? The determinants of US bank failures and acquisitions?», The Review of Economics and Statistics, vol. 82, n° 1, février 2000, pp. 127-138.
-
[8]
Hubert Bonin, Histoire de la Société générale. I. 1864-1890. Naissance d’une banque, Genève, Droz, 2006.
-
[9]
Bernard Desjardins, Michel Lescure, Roger Nougaret, Alain Plessis et André Straus (dir.), Le Crédit lyonnais, 1863-1986. Études historiques, Genève, Droz, 2002.
-
[10]
Nicolas Stoskopf, 150 ans du Cic, 1859-2009. I. Une audace bien tempérée, Paris, Éditions La Branche, 2009.
-
[11]
Voir Gregory Cushman, Guano and the Opening of the Pacific World. A Global Ecological Industry, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.
-
[12]
Peter Austin, Baring Brothers and the Birth of Modern Finance, Londres, Pickering et Chatto, 2007.
-
[13]
Éric Bussière, Paribas, l’Europe et le monde, 1872-1992, Anvers, Fonds Mercator, 1992.
-
[14]
Hubert Bonin, La Société générale en Grande-Bretagne (1871-1996), Paris, La collection historique de la Société générale, 1996.
-
[15]
Bertrand Gille, «?Un épisode de l’histoire des métaux?: le krach des cuivres?», Revue d’histoire de la sidérurgie, volume 9, n° 1, 1968, pp. 25-62. Robert Hentsch, Hentsch. Banquiers à Genève et à Paris au xixe?siècle, Paris, auto-édition, 1996.
-
[16]
Hubert Bonin, «?Louis Dorizon, dirigeant de la Société générale?: la construction d’une carrière et d’une stratégie bancaires (1874-1914)?», Revue historique, n° 592, 1994, pp. 511-527.
-
[17]
Hubert Bonin, «?Fixing the organisation of a banking firm: The case of the Inspection générale at Société générale?», in Ingrid Elferink et Joke Mooij (dir.), Corporate Governance in Financial Institutions. Historical Developments and Currents Problems, Amsterdam, Eabh & Ing, 2011, pp. 68-77.
-
[18]
Hubert Bonin, «?Un modèle?? La Sogenal, une banque régionale européenne (1881-2001)?», in Michel Lescure et Alain Plessis (dir.), Banques locales et banques régionales en Europe au xxe?siècle, Paris, Albin Michel, 2004, pp. 390-410.
-
[19]
Samir Saul, «?Les agences du Crédit lyonnais en Égypte?: l’insertion d’une banque de dépôts dans une économie d’outre-mer (1875-1956)?», in Bernard Desjardins, Michel Lescure, Roger Nougaret, Alain Plessis et André Straus (dir.), Le Crédit lyonnais, op. cit. (n. 9), pp. 521-548. Id., La France et l’Égypte de 1882 à 1914. Intérêts économiques et implications politiques, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1997.
-
[20]
Hubert Bonin, La Société générale en Russie, Paris, La collection historique de la Société générale, 1994 et 2003.
-
[21]
Raymond Poidevin, Finances et relations internationales (1887-1914), Paris, Armand Colin, 1970. Id., Les relations économiques et financières entre la France et l’Allemagne de 1898 à 1914, Paris, Armand Colin, 1969. Hubert Bonin, «?Les relations bancaires franco-allemandes (1900-1970)?: admiration, guerre économique et coopération de voisinage?», in Jean-François Eck, Stefan Martens et Sylvain Schirmann (dir.), Les relations franco-allemandes de 1871, à nos jours, Paris, Publications du Cheff, 2009, pp. 357-383.
-
[22]
Voir Hubert Bonin et Jean-François Eck (dir.), Les banques et les mutations des entreprises. Le cas de Lille-Roubaix-Tourcoing aux xixe et xxe?siècles, Lille, Presses du Septentrion, 2012.
-
[23]
René Girault, Emprunts russes et investissements français en Russie (1887-1914), Paris, Publications de la Sorbonne-Colin, 1973?; Publications du Cheff, 1995.
-
[24]
Voir Robert Bruner et Sean Carr, The Panic of 1907. Lessons Learned from the Market’s Perfect Storm, Hoboken (New Jersey), John Wiley and Sons, 2007.
-
[25]
Voir Patrick Eveno, L’argent de la presse française de 1820 à nos jours, Paris, Éditions du Cths, 2003. Voir Hubert Bonin, «?De la littérature populiste au film populaire?: l’angoisse de la conspiration et du sur-pouvoir capitalistes avant Fleming (1830-1930)?», in Françoise Hache-Bissette, Fabien Boully et Vincent Chenille (dir.), James Bond (2)007. Anatomie d’un mythe populaire, Paris, Belin, 2007, pp. 38-48.
-
[26]
Lysis, Contre l’oligarchie financière en France, nouvelle édition, Paris, Albin Michel, 1911 (avec notamment les articles publiés dans La Revue financière, 15 décembre 1906, 1er et 15 février 1907).
-
[27]
Nous en relaterons l’histoire dans le deuxième volume de l’histoire de la Société générale (1890-1914), en préparation.
-
[28]
Joseph-Henri Thors, le directeur général de Paribas (1892-1907), et Cassel mènent à bien les opérations. L’avance de trésorerie permet à la Société générale de tenir bon face à la tourmente?; une petite moitié est remboursée au bout du mois prévu, le solde étant prorogé jusqu’au 3 janvier 1906 pour les francs et le 25 janvier pour les livres. Dans le même temps, après que des investisseurs proches de la Société générale sont intervenus en Bourse pour acheter des actions Société générale afin d’en stabiliser le cours, Paribas monte un syndicat de soutien des cours, qui récupère ces actions (30?000), avec une première tranche de 10?000 titres en octobre-novembre, dont elle-même prend 2?375 actions.
-
[29]
Archives historiques de la Société générale.
-
[30]
Voir Alain Plessis et Olivier Feiertag, «?The position and role of French finance in the Balkans from the late nineteenth century until the second world war?», in Kostas Kostis (dir.), Modern Banking in the Balkans and West-European Capital in the Nineteenth and Twentieth Centuries, Londres, Ashgate-European Association for Banking History, 1999, pp. 215-234.
-
[31]
Bernard Michel, Banques et banquiers en Autriche au début du xxe?siècle, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1976.
-
[32]
Hubert Bonin, «?Un outre-mer bancaire en Orient méditerranéen?: des banques françaises marraines de la Banque de Salonique (de 1907 à la Seconde Guerre mondiale)?», Revue historique, n° 627, novembre 2003, pp. 567-602.
-
[33]
Hubert Bonin, «?La splendeur des Samazeuilh, banquiers à Bordeaux (1810-1913)?», Revue historique, n° 588, 1993, pp. 349-389.
-
[34]
Walter Bagehot, Lombard Street. Des crises financières et du moyen d’y remédier (1873, traduction en 1874), réédition, Paris, Payot, 2009.
-
[35]
Bernard Desjardins, Michel Lescure, Roger Nougaret, Alain Plessis et André Straus (dir.), Le Crédit lyonnais, op. cit. (n. 9). Roger Nougaret, Le Crédit lyonnais en Russie, 1878-1920, Paris, 1992. Hubert Bonin, «?The international factors in the development of the French banking system?», in Rondo Cameron et Valéry Bovykin (dir.), International Banking and Industrial Finance, 1870-1914, Oxford, Oxford University Press, 1992.
-
[36]
Hubert Bonin, «?Le Comptoir national d’escompte de Paris, une banque impériale (1848-1940)?», Revue française d’histoire d’outre-mer, tome 78, n° 293, 1991, pp. 477-497.
-
[37]
Voir Mark Granovetter, «?Economic action and social structure: The problem of embeddedness?», American Journal of Sociology, 91 (3), novembre 1985, pp. 418-510. Gunnar Eliasson, «?The firm as a competent team?», Journal of Economic Behavior and Organization, volume 13, 1990, pp. 275-298.
-
[38]
Voir Mark Casson, Information and Organization: A New Perspective on the Theory of the Firm, Oxford, Clarendon Press, 1997.
-
[39]
Voir Mark Casson, Studies in the Economic of Trust, Cheltenham, Edward Elgar, 1995.
-
[40]
Yves-Marie Abraham et Cyrille Sardais, «?Pour une autre théorie de la décision. Retour sur la faillite de la banque Barings et de sa hiérarchie?», Gérer et comprendre, n° 92, juin 2008, pp. 4-22.
-
[41]
Voir Hubert Bonin, Des banquiers lucides dans le boum et la tempête?? (2004-2010), Paris, Textuel, 2011 (après notamment des entretiens avec des dirigeants de la Société générale).
-
[42]
Olivier Godechot, Les traders. Essai de sociologie des marchés financiers, Paris, La Découverte-Poche, 2007 (réédition de parutions en 2001 et 2005). Olivier Godechot, Working Rich. Salaires, bonus et appropriation du profit dans l’industrie financière, Paris, La Découverte, 2007.
-
[43]
Voir John Bonin, Mizsei Kálmán, Székely István et Wachtel Paul, Banking in Transition Economies: Developing Market Oriented Banking Sectors in Eastern Europe, Cheltenham, Edward Elgar, 1998. Stephan Barisitz, Banking in Central and Eastern Europe, 1980-2006, Londres, Routledge, 2007.
-
[44]
Duff McDonald, Last Man Standing. The Ascent of Jamie Dimon and JPMorgan Chase, New York, Simon et Schuster, 2010. Patricia Crisafulli, The House of Dimon. How JPMorgan’s Jamie Dimon Rose to the Top of the Financial World, Hoboken (New Jersey), John Wiley and Sons, seconde édition complétée, 2009.
-
[45]
Voir Gillian Tett, Fool’s Gold. How Unstrained Greed Corrupted a Dream, Shattered Global Markets and Unleashed a Catastrophe, Londres, Little Brown, 2009. Gillian Tett, Fool’s Gold. The Inside Story of J.P. Morgan and How Wall Street Greed Corrupted its Bold Dream and Created a Financial Catastrophe, seconde édition complétée, New York, Free Press-Simon et Schuster, 2010. Christopher Kobrak et Mira Wilkins (dir.), «?The ‘2008 Crisis’ in an economic history perspective. Looking at the twentieth century?», Business History, volume 53, n° 2, avril 2011, pp. 175-192. Alistair Milne, The Fall of the House of Credit: What Went Wrong in Banking and What Can Be Done to Repair the Damage?, Cambridge, Cambridge University Press, 2009. Ambroise Laurent, «?La crise des banques?», Commentaires, vol. 32, n° 127, automne 2009, pp. 675-686.
-
[46]
Larry McDonald et Patrick Robinson, A Colossal Failure of Common Sense. The Story of the Collapse of Lehman Brothers, Londres, Ebury Press, 2009. Alan Greenberg (avec Mark Singer), The Rise and Fall of Bear Stearns, New York, Simon et Schuster, 2010.
-
[47]
Jeroen Smit, The Perfect Prey. The Fall of Abn Amro, or What Went Wrong in the Banking Industry, Amsterdam, Prometheus, 2009.
-
[48]
Voir Jean-Charles Rochet, Why Are There So Many Banking Crisis? The Politics and Policy of Bank Regulation, Princeton, Princeton University Press, 2008. Hubert Bonin, «?Crises et réglementation bancaire dans l’histoire européenne?», in Loïc Grard et Pascal Kauffmann (dir.), L’Europe des banques. Approches juridique et économique. Concurrence, réglementation, marché unique, Paris, Pedone, 2010, pp. 81-96.
-
[49]
Eugene White, Crashes and Panics: The Lessons from History, New York, Dow Jones-Irwin, 1990. Frederik Mishkin, «?Assymetric information and financial crises. A historical perspective?», in Robert Glenn Hubbard (dir.), Financial Markets and Financial Crises, Chicago, The University of Chicago Press, 1991. Christopher Kobrak et Mira Wilkins (dir.), «?The ‘2008 Crisis’ in an economic history perspective…?», art. cit. (n. 45).
-
[50]
Hubert Bonin, «?Peut-on parler de révolution bancaire (xixe-xxe?siècles)???», in Éric Bonhomme (dir.), Les révolutions industrielles et scientifiques à l’époque contemporaine, Bordeaux, Sceren-Crdp Aquitaine, 2007, pp. 13-29.
-
[51]
Voir Maurice Lévy-Leboyer, «?La spécialisation des établissements bancaires?», in Fernand Braudel et Ernest Labrousse (dir.), Histoire économique et sociale de la France, Paris, Puf, tome 3, premier volume, 1976. Michel Lescure, «?The origins of universal banks in France during the nineteenth century?», in Douglas Forsyth et Daniel Verdier (dir.), The Origins of National Financial Systems, London et New York, Routledge, 2003, pp. 117-126.
-
[52]
Voir Harold James, The Creation and Destruction of Value: The Globalisation Cycle, Harvard, Harvard University Press, 2009.
1Plonger dans l’histoire bancaire peut nourrir les réflexions sur la crise actuelle. Certes, « cette fois, c’est différent [1] » et jamais l’Histoire ne se répète ; mais l’on peut mobiliser certains apports de l’histoire bancaire, d’une part pour méditer sur l’histoire et la configuration des crises [2], d’autre part pour réfléchir à la crise de l’organisation de firme que peut révéler telle ou telle crise, et là nous relions histoire bancaire « pure [3] » et histoire d’entreprise (business history) pour proposer des pistes de débat autour de la crise du « modèle économique » (business model) de telle ou telle banque, telle qu’elle serait mise à jour par sa crise, voire par son effondrement. Le cas d’étude de la Société générale nous paraît pertinent ; en effet, plusieurs de ses grands concurrents ont été balayés par une crise (Crédit mobilier en 1866, Banque de l’union générale [4] en 1882, Comptoir d’escompte de Paris en 1889, Banque nationale de crédit [5] en 1932, Crédit lyonnais en 1993), ou impliqués dans des fusions (Cnep et Bnci dans Bnp en 1966, Banque de l’union parisienne dans Paribas en 1974, Paribas dans Bnp Paribas en 2000, etc.). Au bout du compte, le cas d’étude de la Société générale peut ainsi nourrir sur le long terme de telles réflexions comparatives.
2Pour résister aux soubresauts d’une récession forte, voire d’un krach, une entreprise bancaire, comme toute société, doit veiller à ce que son modèle économique respecte un ajustement optimal entre le déploiement entrepreneurial de son « modèle de croissance », c’est-à-dire de son portefeuille d’activités stratégiques, d’une part, et de son pôle d’innovations (nouveaux produits bancaires ou financiers), d’autre part. Elle doit ensuite veiller à la consolidation de son portefeuille de compétences en maîtrise des risques (capacité d’anticipation et de vigie, capacité de réactivité, capacité de contrôle des effets de levier concernant chaque activité, aptitude à refinancer en interne ou en externe les engagements générés par la croissance stratégique et innovatrice, etc.) et en maîtrise du risque de l’asymétrie d’information [6] afin d’accéder avec transparence aux données des bilans, des encours de dettes et des prévisions de revenus des clients. Enfin, elle doit favoriser la cristallisation d’un portefeuille de « talents » et de « savoir-faire » (portfolio of skills) qui exprime non seulement un degré de compétences mais aussi une « culture » interne double, une culture de rigueur dans l’appréciation des risques, et une culture de rigueur dans le respect des normes de contrôle interne. Cette double culture doit être « intériorisée » au mieux par les responsables d’agence, de département, d’équipe de marché, etc. – ce qui pose des exigences en matière de gestion des ressources humaines, car l’ordre institutionnel interne doit être entériné par les responsables, équipes et individus parties prenantes, qui doivent incorporer des schémas d’interprétation des données et d’action en un habitus résultant d’un processus de socialisation normé par la direction, afin de nourrir une gestion des risques pertinente, notamment dans l’évaluation des dossiers de crédit et de placement, pour réduire les coûts de « l’information imparfaite » et de la dissymétrie d’information.
3Le modèle économique de l’entreprise bancaire évolue positivement, par conséquent, quand ces trois plaques du magma d’une armature de gestion sans cesse remodelée évoluent en parallèle, avec une cohérence entre elles et donc une cohésion au sein de l’organisation de firme de la banque ou de sa configuration interne. C’est quand des frottements – comme disent les spécialistes de gestion pour exprimer le manque de fluidité des processus de gestion, et donc, ici de contrôle des risques – se produisent dans le ripage de ces plaques que des failles surgissent et que, à terme, des secousses ébranlent l’entreprise et qu’elle ne peut plus résister aux tsunamis des récessions, d’où son insertion dans le mouvement des krachs qui symbolisent l’éclatement des crises bancaires systémiques [7].
4Quatre crises ont été vécues par la Société générale : une première l’a frappée dans les années 1880, aboutissant au renvoi de son président en 1886 ; une deuxième a pris corps en 1905 ; une troisième, en 1913, a éprouvé son assise sur la place de Paris ; enfin, dans la continuité logique de notre démarche d’historien, la crise récente (2007-2008) a elle aussi abouti au renvoi de son p-dg et à un aggiornamento de son organisation de firme et de son assise géographique.
5La pérennité d’une société sur plusieurs demi-siècles constitue une sorte d’exploit historique sur l’arrière-fond d’une démographie des entreprises qui est riche en faillites, liquidations ou absorptions. Or la banque qu’est la Société générale a été d’autant plus soumise à cette réalité sombre qu’elle œuvre dans un secteur fragilisé par des prises de risques pro-cycliques sans cesse renouvelées pendant les boums conjoncturels, d’où des krachs récurrents. Mais elle a réussi à résister aux tensions de son environnement bancaire et financier, alors même qu’elle a été confrontée à des erreurs de gestion et, surtout, à trois crises en interne qui l’ont fait vaciller au bord du gouffre. Les quatre crises endurées par la Générale sont ainsi révélatrices des dysfonctionnements d’une organisation de firme, ce qui fait s’interroger sur la qualité du management bancaire, des difficultés d’adaptation d’un mode de gestion aux mutations d’un modèle économique et stratégique, ce qui suscite des questions sur la réactivité et la lucidité des dirigeants, et enfin sur les processus de gestion des risques, afin de méditer sur les risques inhérents au métier bancaire et à leur spécificité.
La crise provoquée par le déploiement de la banque commerciale dans les régions et à l’international
6De façon dynamique, en une vingtaine d’années, la Société générale a déployé un réseau de banque de détail à travers le pays, sur les principales places régionales et dans les quartiers de Paris [8]. Comme ses confrères, les autres « grands établissements de crédit de Paris », elle a intensifié son offre de banque commerciale, notamment auprès des pme et grosses pme qui constituent le vivier de clients à l’apogée de la première révolution industrielle. Pour faire face à ce déploiement, elle a recruté vaille que vaille des directeurs d’agence auprès d’autres banques, de maisons de négoce, de la Banque de France (des directeurs de succursale), des notaires, des diplômés des facultés de droit, ce qui a constitué une cohorte de responsables fort disparate, aux compétences inégales, en particulier dans leur capacité d’analyse des risques et de rigueur dans la prise de décision face aux sollicitations de crédit. Le suivi de la qualité des effets de commerce et des crédits par découvert manque de cohésion : chaque agence est peu ou prou livrée à elle-même, ce qui rend quelque peu souple ou désarticulée la gestion du portefeuille-effets (pour l’escompte), en amont, sur le registre de la qualité – d’autant plus que, grâce à sa collecte de dépôts, la Société générale mobilise peu le réescompte de la Banque de France et de ses processus d’appréciation des « signatures » en cause –, et en aval sur le registre des échéanciers.
7La banque ne va pas cependant à vau-l’eau, mais son modèle d’organisation de firme paraît manquer d’une culture de rigueur dans l’analyse des risques et dans leur suivi, donc d’une culture des risques. Il est vrai aussi que la compétition entre le Crédit lyonnais [9], la Société générale, les grosses banques locales, et, sur Paris, le Cic [10] et le Cnep, a attisé une marche en avant rapide ; une relative griserie des chiffres dans la collecte de dépôts et d’encours clients a pu enrayer le processus de consolidation du modèle d’organisation de firme. Or la Société générale a pris du retard par rapport au Crédit lyonnais : celui-ci, en effet, avait vécu une mini-crise quelques années à peine après sa fondation et subi des déboires dans son activité de « banque industrielle » (qui épaule les entreprises par des crédits durables), ce qui avait conduit son président, Henri Germain, à cristalliser une réorientation de la politique de risques vers plus de liquidité, de traitement des dossiers en amont. Dès cette époque, en interne, puis en externe, on a caractérisé cette inflexion gestionnaire par l’expression désormais traditionnelle de « doctrine Germain », en symbole d’une adaptation optimale entre le modèle stratégique de la grande banque de dépôts et les exigences de gestion des risques de la banque commerciale.
8À l’échelle internationale, la Société générale a conquis une large clientèle de maisons de négoce, de compagnies d’investissement minier, etc. Parmi ces firmes, l’une d’entre elles a tissé avec sa banque des liens privilégiés, celle d’Auguste Dreyfus. En effet, cet homme d’affaires a bâti un groupe transatlantique qui s’est implanté au Pérou, l’un des grands eldorados de l’époque aux côtés de l’Argentine. Il y a structuré une stratégie verticale : concession de quelques nouveaux quais et investissements sur le port de Callao (le port de Lima), obtention de la concession de l’exploitation exclusive des énormes gisements de guano, prêts à moyen terme au gouvernement péruvien pour combler un déficit budgétaire récurrent et aussi acheter les intermédiaires permettant d’obtenir les concessions. Le guano [11] est une masse de déjections d’oiseaux accumulés dans le temps, que les Européens font creuser par des armées de coolies venus d’Asie, charger sur des clippers (les cargos trois-mâts), transporter jusqu’aux ports d’Europe, puis vendre comme engrais naturel pour accompagner la révolution de l’intensification agricole – avant la percée des engrais chimiques. Dreyfus devient le roi du guano pendant les années 1860-1870. Or il a besoin de financements bancaires et la Société générale devient sa banque maison, avec des encours croissants, une sorte de cavalerie où telle filiale de Dreyfus lui emprunte pour rembourser le crédit d’une autre, tandis que les appels de fonds des intermédiaires péruviens s’accentuent pour tenter de glaner des remboursements d’un État perclus de dettes.
9La Société générale a lancé en 1870-1875 « Port de Callao », une firme chargée de créer puis gérer le port desservant la capitale péruvienne, Lima ; les travaux dévorent des fonds supplémentaires, la guerre entre le Pérou et le Chili entraîne des dégâts. Bien plus d’argent va à l’affaire du guano : entre 1869 et 1877, la banque finance à moitié le capital de la société chargée de récolter puis de vendre 2 millions de tonnes de cet engrais ; elle lui fournit des crédits énormes pour son fonctionnement, gagés par les stocks de guano, évalués à 125 millions de francs. Elle leur ajoute une participation aux avances d’argent qu’exige le gouvernement péruvien (120 millions de francs), en à-valoir sur les recettes des ventes ou pour financer son budget ; cette dette est remboursée en obligations que la banque place en France. Au bout du compte, l’encours réel de la confédération d’entreprises constituée par Dreyfus auprès de la Société générale atteint presque le milliard d’euros actuels.
10Les manageurs du département de crédit international ne maîtrisent plus ce risque. Leur capacité de mobiliser le droit privé des affaires est faible par rapport au talent d’un Dreyfus qui use de ténors du barreau et de ruses juridiques et judiciaires. Leur croyance que le paiement des échéances est proche est entretenue de façon illusoire dès lors qu’ils n’apprécient pas vraiment les arcanes des circuits et clans militaro-familiaux d’États sud-américains dont l’appareil administratif et budgétaire est encore dans les limbes – et les merchant bankers en font la triste expérience peu après quand l’Argentine suspend le paiement de sa dette, ce qui provoque la chute de la toute puissante maison Baring [12] en 1890. Enfin, contrairement à la banque d’affaires Paribas qui naît entre-temps [13] en 1872, les dirigeants de la maison semblent ne pas disposer de suffisamment de relais sur les places étrangères, ce qui freine leur aptitude à évaluer les affaires et les engagements de Dreyfus sur chacune d’entre elles et d’accéder à une sorte de vision consolidée. Ce n’est qu’en 1871 que la Société générale lance sa succursale de Londres, quand elle prend conscience qu’il lui faut un observatoire au cœur de la City [14].
11Dans les deux secteurs d’activité, par conséquent, la discordance entre les trois modes de gestion et d’organisation de firme devient patente. La croissance et la diversification du portefeuille d’activités stratégiques n’ont pas été accompagnées d’une organisation de firme suffisamment charpentée pour nourrir une évaluation et un contrôle des risques pertinents, ni par une plate-forme de ressources-hommes et de compétences au niveau des exigences de la gestion des risques bancaires. Le ripage entre ces trois plaques se dégrade, des frottements s’intensifient. Comme toujours, la connaissance par l’historien des mécanismes cognitifs de prise de conscience par la place bancaire de ces difficultés est difficile, d’autant plus qu’on ne dispose pas pour la Société générale des archives de la riche correspondance interne au Crédit lyonnais. Quoi qu’il en soit, au sommet, le rythme des réunions du comité de direction et du conseil d’administration s’accélère et leur tension reflète l’inquiétude grandissante : pertes déclarées par de nombreuses agences, incompétence de dizaines de directeurs d’agence, failles dans le contrôle des risques du portefeuille-effets, légèreté de l’équipe de management parisienne, fuite en avant dans le renouvellement des prêts au groupe Dreyfus. En effet, trop d’aléas pèsent sur l’affaire du guano : lenteur du processus de récolte, transport et vente ; guerre entre le Chili et le Pérou en 1879-1883, celui-ci perdant des territoires à guano ; coups d’État au Pérou en 1883-1885 qui sapent les contrats conclus avec les généraux en place… Le coup de grâce est donné par le partenaire de la banque, Dreyfus, de mauvaise foi, qui peine à tenir des comptes clairs et à rembourser la Générale, d’où en 1883-1886 une série de procès, gagnés par la banque : on y expose publiquement des détails sur ces affaires sud-américaines.
12Elle devient la cible de critiques dures dans plusieurs journaux : sous la IIIe République, nombre de « feuilles financières » paraissaient qui se faisaient acheter par les entreprises ou menaçaient d’en ternir la réputation ; elles étaient généralement lancées pour co-gérer promotion d’émissions de titres et soutien du cours des actions des sociétés « clientes » auprès du monde des investisseurs individuels – ou des responsables de rubrique financière. La Société générale laisse s’amplifier des rumeurs sur sa santé, à propos des immobilisations de fonds dans les affaires péruviennes ou de la qualité des obligations péruviennes qu’elle vend à sa clientèle. Face aux 60 millions de francs de capital versé et aux 230 à 250 millions de francs de dépôts, les engagements sud-américains pèsent lourd (environ 113 millions dont 89 pour le guano). Le journal Le Crédit national, notamment, se fait le critique acerbe de la banque en septembre-décembre 1878 et pendant presque toute l’année 1879. Certes, la Générale obtient la condamnation des journalistes poursuivis en diffamation (amendes, peines de prison ferme, d’un à deux ans !). Mais un courant d’opinion se dessine sur la place parisienne qui remet en cause la santé de la maison. Le cours de l’action se détériore en 1879 et glisse en-dessous du pair avant sa remontée à la fin de 1879 ; une nouvelle érosion à la fin de 1880, puis encore en 1884 ; la collecte des dépôts subit des aléas certains mois. De plus, une récession entaille l’économie en 1877-1878, et une crise bancaire et boursière se déclenche en 1881-1882, suivie d’une dépression prolongée ; la Société générale doit louvoyer avec prudence pour écarter le danger de crise de confiance, alors que sa consœur, l’Union générale, disparaît et que le Crédit lyonnais subit des retraits de la part de clients inquiets sur sa capacité de résistance.
13La Société générale ne souffre quant à elle ni de crise de liquidité ni de crise de solvabilité ; mais le flou entretenu auprès de ses « mauvais crédits », tant en France qu’à l’étranger, suffit à entretenir l’incertitude dans l’opinion : journalistes, intermédiaires en Bourse, milieux de la Haute Banque, etc. Or l’Europe connaît « la grande dépression », marquée par une croissance ralentie (1873-1895) ; la France en éprouve les répercussions (surtout pendant quinze ans, à partir d’un ultime boum cyclique en 1878-1881) ; des krachs éclatent, surtout en 1881-1882 et en 1889-1890. La Société générale, affaiblie, est prise dans la tourmente ; plus qu’une tempête, elle vit des bourrasques. Ce n’est pas son modèle de croissance qui est en cause, car elle n’est pas atteinte par le syndrome de la « banque mixte » à la « Crédit mobilier » – du nom de la banque des frères Pereire en 1852-1867, qui a servi de « modèle » à travers l’Europe –, d’une diversification échevelée ou d’une expansion à trop fort effet de levier (comme l’Union générale), ni d’une spéculation éhontée (comme le Comptoir d’escompte de Paris et Hentsch [15]). Ce sont les frottements entre modèle de croissance, modèle d’organisation de firme et modèle de compétences et de culture internes qui sapent sa puissance et sa réputation.
14Une politique de communication active est menée : subventions aux journaux critiques, aussitôt apaisés (ce sont les mœurs de l’époque…), participation en 1879 au rachat de l’Agence Havas (l’ancêtre de l’Agence France-Presse) par ses dirigeants et soutien du capital, ce qui facilite une orientation favorable des dépêches. Des remous auraient surgi au sein du conseil d’administration : après le rebond de la crise en 1883/1884, dû à de nouvelles tensions au Pérou, Georges Denière, président depuis 1868, doit démissionner en février 1886 : il a été la cible des critiques et semble avoir cautionné une politique trop laxiste, trop affairiste, notamment vis-à-vis de Dreyfus. Sa mise en cause lors d’un procès entre la banque et Dreyfus, puis la faillite de sa propre société (qui fabrique des bronzes d’art) justifient sa démission au profit d’une figure de la Société générale, Edward Blount, jusqu’alors vice-président, tandis qu’une notabilité de la grande bourgeoisie du droit Frédéric Hély d’Oissel, devient vice-président et assume la supervision de la maison. Denière a donc été désigné comme bouc émissaire pour exorciser cette crise de maturité.
15Et, surtout, en reflet de la prise de conscience des frottements entre le modèle stratégique et le modèle économique – l’organisation des métiers en fonction du portefeuille stratégique –, celui-ci est bouleversé en profondeur. Le nouveau patron de l’équipe dirigeante des métiers bancaires, Louis Dorizon [16], crée un véritable service du Portefeuille afin de centraliser et rationaliser la gestion des risques de l’escompte des effets de commerce. Il regroupe sur Paris la documentation sur tous les engagements de toutes les agences ; il structure une comptabilité de gestion rigoureuse ; il établit un calendrier des échéances drastique. Le métier d’escompteur est enfin maîtrisé à l’échelle des risques encourus par la grande entreprise bancaire.
16Un service de contrôle récurrent des agences, l’Inspection générale [17], est mis sur pied, doté d’équipes robustes et diplômées. Cela contribue à mettre en place une culture de rigueur, de crainte même – puisque les agences peuvent s’attendre à être contrôlées à l’improviste de façon approfondie –, et une cohésion administrative et comptable. Cela s’exprime dorénavant par les instructions envoyées dans les divisions et les agences, une sorte de code de réglementations internes. Et la Société générale devient réputée sur la place, pour plusieurs décennies, sur ce registre d’un mode de gestion rigoureux. Imitant le Crédit lyonnais, elle se dote pour son activité de banque commerciale auprès des grandes entreprises et à l’international d’un service d’étude qui doit nourrir en amont les dossiers de crédit, procurer une meilleure connaissance des places et pays étrangers. Son service juridique est enfin développé, plus structuré, avec un département du contentieux charpenté pour les crédits courants, et des experts plus affûtés pour les gros dossiers. On peut ainsi considérer que des enseignements ont été tirés de cette crise, avec des effets bénéfiques puisque la Générale a eu la chance de survivre à cette première crise et consolider son organisation de firme, en renforçant sa capacité de résistance pour l’avenir.
La deuxième crise de la Société générale (1905) : les dysfonctionnements de la banque d’entreprise internationalisée
17« Les années Dorizon » semblent triomphales, puisque la Société générale se développe en interne et à l’international avec un fort dynamisme entrepreneurial, et la maison est bel et bien alors la deuxième banque française derrière le Crédit lyonnais, mais devant le Cnep et loin devant la confédération du Cic et ce qui devient, par fusions successives, la Bnc en 1913, bien loin aussi devant les grosses banques locales ou pluridépartementales. La réussite de son modèle de croissance semble étayée par son adaptation idoine avec un modèle d’organisation de firme et un modèle culturel de gestion des risques : le Portefeuille est bien géré, le réseau est rentable ; les directeurs au Siège parisien et en région dotés d’une culture homogène. La preuve en est d’ailleurs fournie quand la filiale « allemande » en Alsace-Lorraine, la Sogenal [18], subit dans les années 1890 une crise de croissance reproduisant celle de sa maison mère dans les années 1870-1880 : une équipe envoyée de Paris en restructure le modèle de gestion et l’aligne sur celui du groupe, avec fermeté et efficacité.
La dilatation internationale du modèle stratégique
18Pourtant, des germes de dysfonctionnement ont été semés, sur le terrain de la banque internationale. D’une part, la Société générale accompagne avec dynamisme l’expansion des banques françaises en Égypte, que son développement accéléré (coton, sucre, négoce, minoterie, urbanisation, services portuaires et publics) transforme en eldorado pour les investisseurs européens et leurs banquiers [19]. Elle finance ainsi, notamment depuis Paris, le groupe sucrier Say, dont la filiale Sucreries d’Égypte est en pleine expansion, avec des lignes de crédit abondantes.
19D’autre part, elle choisit de dupliquer son modèle de croissance français en le déployant en Russie [20], nouvel eldorado elle aussi, à une échelle beaucoup plus prometteuse. Tandis que le Crédit lyonnais se contente de quelques points d’appui pour son activité de banque commerciale classique et que la Bup s’y satisfait de liens d’affaires avec quelques grandes firmes françaises ou russes, la Société générale y crée en 1901 une filiale, la Banque du Nord. Elle déploie un réseau de grosses agences dans les régions où s’affirment une agriculture commerciale propice à un escompte important (aux firmes de négoce) ou une industrie en décollage (mines, métallurgie). Cette banque sœur, refinancée par sa maison mère, accorde des lignes de crédit aux négociants et aux industriels et paraît ainsi réussir à porter la compétition face aux banques russes parrainées par les intérêts allemands. Enfin, depuis Paris, la Société générale parraine la création d’entreprises destinées à lancer des mines, des usines métallurgiques ou des réseaux ferroviaires en Russie : elle entend pratiquer de l’investment banking, de la banque d’affaires, non pour contrôler des firmes appartenant à un groupe bancaire et financier, comme le pratiquent les banques d’affaires à la française, mais pour participer au montage de sociétés en amont afin de co-animer le marché primaire d’émission et de placement de leurs actions et de leurs obligations ; et, auparavant, elle leur accorde de grosses lignes de crédit en marraine de leurs investissements, le temps qu’elles deviennent suffisamment crédibles pour lancer ces émissions de fonds propres mobiliers.
20Par ailleurs, par l’intermédiaire de sa filiale bruxelloise fondée en 1901, la Société française de banque et de dépôts – nom choisi pour éviter toute confusion juridique avec la Société générale de Belgique –, la Société générale devient, comme beaucoup de banques, partie prenante d’épaisses lignes de crédit à court terme (« on call »), mais quasiment permanentes, accordées aux grandes banques allemandes (et aussi, semble-t-il, autrichiennes, grâce à des liens privilégiés sur la place de Vienne). Celles-ci souffrent en effet d’un marché monétaire interbancaire et d’une collecte de dépôts insuffisants pour faire face à la forte croissance de leurs emplois, en proportion de la dimension de ce qui est devenu la deuxième puis la troisième économie mondiale dans les années 1890. Cette chaîne de financements à court terme (d’aval en amont : entreprises allemandes, banques allemandes, banques d’Europe de l’Ouest en direct ou par le biais de refinancements sur le marché ou interbancaires) dépend étroitement de la liquidité des divers marchés et places, mais elle constitue un marché stimulant [21] pour les départements gérant les activités de banque d’entreprise (corporate banking).
Des décalages entre modèle stratégique et modèle économique
21Or ce modèle stratégique de croissance à l’international est fragilisé par divers frottements internes puisque des dysfonctionnements sont révélés dans le « ripage » avec le modèle d’organisation de firme et le modèle de structuration du pôle de compétences en interne. Tout d’abord, l’effet de levier est devenu substantiel, c’est-à-dire que les sommes engagées dans ces diverses affaires nécessitent des refinancements de plus en plus larges, en puisant dans la collecte de dépôts ou dans les disponibilités de la trésorerie, et, surtout, ils revêtent une durée de plus en plus longue, d’où des déséquilibres bilantiels entre utilisations (sur plusieurs semestres) et ressources (liquides). Les chaînes de financement et de refinancement se sont étendues vers l’Égypte, la Russie ou l’Allemagne, trois marchés où l’interbancarité est faible, où les possibilités de refinancement sont limitées. Tout repose sur les capacités de la Société générale à se refinancer sur Paris ou Londres. La prise de risque sur le registre de la liquidité s’est tendue sensiblement. La banque de dépôts parisienne et la banque de marché parisienne et londonienne sont sollicitées à l’extrême vers 1901-1913, ce qui rend la maison extrêmement ouvertes aux bourrasques pouvant souffler sur les marchés de clearing interbancaire.
22La capacité d’évaluation des risques des services d’étude ne semble plus adaptée à l’évolution de la grande industrie. Des groupes s’y sont structurés, riches de filiales ou de partenaires parrainés, que ce soit dans les régions françaises (textile, etc.) [22] ou à l’international. R. Girault [23] a bien analysé la méfiance croissante de la Banque de l’union parisienne devant la poussée des ramifications du groupe Schneider en Russie, jusqu’à sa décision ultime de plafonner ses encours envers lui. Paribas semble avoir maîtrisé ses opérations d’accompagnement de groupes français ou belges en Russie. Le Crédit lyonnais s’est cantonné dans de la banque commerciale classique dans ce pays, ou dans le courtage de titres « russes » dans son réseau. La Société générale serait ainsi la seule à avoir assumé des risques amples, cumulés, tant dans l’industrie et le négoce russes que dans le portage de titres de firmes actives en Russie. Les responsables de la banque industrielle paraissent avoir mal supervisé les circuits de financement et de refinancement internes aux groupes, avec leur opacité et surtout la création de papier confinant à de la « cavalerie », d’où in fine ce qu’on appelle à la Banque de France dans les années 1820-1930, de façon péjorative, du « papier de commandite », c’est-à-dire des découverts durables financés à court terme.
L’éclatement de la crise en 1905
23Ce « château de cartes » de crédits s’effondre en deux tourmentes successives, qui créent des fissures dans deux blocs d’activité. En 1905, une immense révolte traverse la Russie rurale (en sus des troubles bien connus que connaît la capitale), qui proteste contre les réformes modernisatrices du clan tsariste adepte d’un despotisme éclairé. Les échanges agricoles, le négoce des denrées, le circuit du crédit commercial sont tous bloqués. La Société générale doit renflouer en urgence une Banque du Nord dont la distribution de crédit s’avère avoir été mal conduite et, surtout, dont les ressources en propre sont insuffisantes pour faire face à des soubresauts aussi forts. Son assise en capital est trop maigre ; sa collecte de dépôts manque d’épaisseur ; et in fine c’est à la maison mère que revient la fonction de prêteur en dernier ressort – dès lors que, en Russie, la fonction de banque centrale est quelque peu ébranlée par la crise du régime. Pour faire face à cette crise de liquidité de sa filiale, qui risque de déboucher sur une crise de solvabilité en raison du déséquilibre fort et durable de son bilan (passif trop étroit, actifs dégradés), la Société générale doit donc transférer, depuis Paris et Londres, de grosses lignes de prêts en sa faveur. Mais cela finit par se savoir sur la place : son modèle stratégique de duplication bancaire (France et Russie, sans parler de la Sogenal en Alsace allemande) n’est-il pas surdimensionné par rapport à ses propres capacités ?
24Au même moment, en 1905, une rumeur parcourt la place parisienne : la Société générale serait entraînée vers une crise de liquidité à cause de la dérive d’un gros compte débiteur. En effet, le groupe Say voit sa filiale Sucreries d’Égypte s’effondrer à cause d’une gestion hasardeuse et surtout de sur-investissements qui ont dévoré les disponibilités de trésorerie parce que la montée en puissance de la rentabilité attendue a été trop lente. Sur Paris, le groupe Say est étranglé par une crise de liquidité ; en août 1905, Henri Crosnier, son directeur, se suicide tant la situation financière de Say est compromise à cause de surinvestissements et de spéculations sur le marché des sucres – où il a entraîné le propriétaire du grand magasin Le Printemps, Jules Jaluzot, complètement ruiné. La place bruisse de rumeurs sur le degré d’engagements de la maison mère : combien de millions la Société générale aurait-elle engagés et donc perdus irrémédiablement ? L’opinion croit qu’elle est engluée dans de mauvaises créances et surtout sur le marché à terme des sucres – où elle ne porte réellement que 4,1 millions de francs d’engagements en août 1905, comme l’indiquent les archives.
25Ces petites crises n’ont rien à avoir avec la crise conjoncturelle [24] qui éclate un peu plus tard, en fait, à l’échelle occidentale, en 1906-1907. Mais, évidemment, cette dernière aggrave la situation d’une banque qui doit alors, comme ses consœurs, faire face aux incertitudes pesant sur son portefeuille de crédits. Ainsi, l’un de ses bons clients, la filiale française du groupe d’électrotechnique américain Westinghouse, accompagne celui-ci dans le dépôt de bilan en 1907. Quoi qu’il en soit, la Société générale est confrontée à une grave « crise de réputation » et au risque de rumeurs, car la place parisienne bruisse d’inquiétudes à son propos : elle aurait dévoré sa trésorerie pour combler les trous de sa filiale russe et elle aurait gelé trop de fonds dans cette Banque du Nord au destin incertain, dans des clients en difficulté, comme Say, etc. La politique de communication (communiqués, déclarations du conseil d’administration, achat d’articles dans la presse, etc.) ne peut enrayer une situation qu’une presse vénale [25] a dû attiser à l’instigation de concurrents malveillants., surtout à une époque où des polémistes dénoncent le gaspillage de l’argent « national » dans des placements à l’étranger [26] : l’environnement « civique » est alors plutôt tendu, et le monde de la banque n’a pas « bonne presse » par conséquent dans certains relais d’opinion hostiles à la « République des affaires ».
Le colmatage des brèches ouvertes par la crise
26En urgence, des contacts sont pris pour colmater les brèches et enrayer ce qui est en train de devenir une « crise de confiance » et pourrait déclencher une « ruée » des déposants et refinanceurs habituels sur Paris ou Londres. Un partenariat est conclu (dénoué peu après la Première Guerre mondiale [27]) avec la banque d’affaires Paribas : celle-ci procure des fonds à sa consœur, elle entre à son capital (environ 10/15 %) et doit partager avec elle les opérations de garantie et de placement de titres. Par ailleurs, des lignes de prêts courts sont obtenues sur Londres. En octobre 1905, Paribas vient épauler sa consœur, en compte à demi avec le grand financier anglais Ernest Cassel, l’un des partenaires réguliers des affaires de la Société générale et de Paribas à Londres. Ils lui font une avance de trésorerie d’un mois, pour 35 millions de francs, moitié en francs (versés à Paris par Paribas), moitié en livres (versés par Cassel à Paribas, qui les transmet à la succursale de Londres de la Société générale), contre remise en nantissement d’effets endossés en blanc, pour un même montant [28]. Et ils garantissent (pour 25 francs par titre) la bonne fin d’une partie (la moitié des 100 000 actions) d’une augmentation de capital, avec la possibilité d’intervenir aussi pour la seconde tranche. « La Banque de Paris [le nom coutumier de Paribas sur la place à cette époque], sous réserve que la situation de la Société générale lui paraisse satisfaisante, ne refusera pas son concours à la Société générale, avec laquelle elle entretient d’excellentes relations qu[e le président Eugène Goüin] désire voir devenir plus étroites encore dans l’avenir », confirme le conseil d’administration de Paribas du 24 octobre 1905, avant d’agréer les deux conventions conclues entre les deux maisons le 26 octobre. « Quelques directeurs nous ont interrogé au sujet de l’émission des 100 000 actions […]. Sans que l’un ou l’autre établissement aliène son indépendance ou perde de son initiative, il est compréhensible que si, d’une part la Banque de Paris et des Pays-Bas apporte à la Société générale l’appui de ses relations internationales très étendues, la Société générale pourra, de son côté, prêter plus particulièrement son organisation financière aux affaires réalisées en commun par les deux établissements, qui doivent ainsi tirer de leur alliance des résultats très favorables », déclare Dorizon dans un message aux directeurs d’agence [29] le 20 novembre 1905.
27Et, surtout, il s’avère que le groupe Say français peut rembourser les quelques millions de francs dus à son banquier et que, de son côté, la Banque du Nord résiste aux tempêtes russes, relance son activité, garde ses dépôts, ne consume pas son capital et récupère une bonne part de ses créances. Cela dit, le modèle économique de la banque sœur doit être adapté au modèle stratégique. La Banque du Nord, qui manquait d’assise par rapport à ses ambitions, on l’a dit, fusionne donc avec la filleule de Paribas en Russie, la Banque russo-chinoise, en 1910 : ainsi naît la première banque de dépôts russe, la Banque russo-asiatique, riche de plus de 150 agences, d’une base de collecte et de capital robuste, et de bons correspondants sur Paris et Londres. Surtout, une équipe issue de la direction des agences et de l’Inspection générale est envoyée à Saint-Pétersbourg pour reprendre en main la filiale : une véritable « organisation de firme » est construite, avec une organisation de contrôle des risques, un service du contentieux, un contrôle général des agences, etc., pour insuffler cohésion et rigueur. La « culture de firme » de la Société générale, toute récente mais déjà effective, est ainsi dupliquée en Russie : après la duplication du modèle stratégique, c’est la duplication du modèle économique.
28À Paris même, le Conseil prend conscience que la surface financière de la Société générale n’est plus en adéquation avec son expansion. Aussi enclenche-t-il une grande (et effective, avec collecte réelle des fonds) augmentation de capital de 200 à 250 millions de francs. L’augmentation de capital s’avère un succès : la garantie de Paribas n’a pas à jouer effectivement, puisque 114 000 titres sont demandés sur 100 000 à placer ; mais l’appui de Paribas permet à sa partenaire de mener à bien l’opération sans hâte en avril 1906, d’autant plus que, finalement, les affaires sucrières et russes se résolvent au fil des mois. Au terme d’un avenant à l’accord initial, ratifié le 26 mars 1906, Paribas garantit au bout du compte l’émission de 50 000 titres (contre une commission de 1 250 000 francs) ; elle renonce à la garantie sur la seconde tranche (contre une indemnité de 750 000 francs) ; mais Cassel (pour lui-même et surtout des investisseurs proches de lui) et Paribas obtiennent par moitié un lot de 25 000 actions Société générale, nouvelles ou anciennes. Paribas se retrouve actionnaire de la Société générale pour 11 100 actions en direct, soit 1,85 % du capital, complétées par 2 400 titres détenus par son conseil d’administration. Ce paquet de titres est ainsi stabilisé, le temps que la situation se décante, avant que, peu à peu, la Société générale leur trouve des acheteurs, ce qui permet à Paribas de se désengager durant le second semestre de 1907 et le premier semestre de 1908. Deux autres augmentations du capital interviennent ensuite, en mars 1909 et en juin 1912 pour accompagner la forte croissance des opérations de la maison.
Une troisième crise (1913-1914) : les tensions de la banque de crédit européanisée
29La situation est stabilisée pour quelques années : la banque traverse sereinement la récession de 1907-1908, profite du boum qui suit, et consolide son rang de deuxième établissement français, avec des incursions en Afrique du Nord et en Espagne, et le renforcement de ses activités de banque de trésorerie interbancaire, de change et de placement de titres, aux côtés de sa base de banque commerciale.
Les effets des incertitudes géopolitiques
30Pourtant, l’environnement géopolitique se dégrade en 1912-1914 : les deux guerres balkaniques [30], les tensions entre l’Autriche-Hongrie [31] et certains territoires de l’Ouest balkanique, le durcissement de la ligne diplomatique française autour de « Poincaré le Lorrain », président du Conseil puis président de la République en 1912-1914, et symbolisée par le débat autour de la « loi de trois ans » en 1913-1914, etc. Ces soubresauts diplomatiques et militaires ébranlent la Société générale : la politique d’expansion financière de Dorizon dans ces pays d’Europe centrale et balkanique est en cause. Aux côtés de Paribas et de plusieurs banquiers-financiers (dont Rothschild), il a multiplié les liens d’affaires avec des maisons d’Autriche-Hongrie, appuyé en cela par un groupe de dirigeants des Finances et des Affaires étrangères favorable à une entente avec les pays germaniques pour la mise en valeur de l’Europe centrale et de la Turquie. Mais les tensions diplomatiques renforcent le groupe « patriote » au sein de l’appareil d’État, fédéré par Raymond Poincaré, président du Conseil, puis président de la République. Il impose la démission de plusieurs diplomates proches de la banque, celle des administrateurs de banque d’origine germanique ou austro-hongroise et surtout une quasi-rupture dans les relations avec les maisons désormais considérées ennemies en affaires aussi…, ce qui bloque nombre de filières de refinancement et de partenariat d’affaires. La place est frappée par un symbole choc, quand le conseil d’administration cède à ces pressions discrètes mais fermes et exige que Dorizon quitte la direction générale le 6 février 1913, car il s’identifie trop à ce rayonnement international de sa maison – il devient président non exécutif en mars 1914 et ce seulement pour quelques mois. Les banques françaises doivent cesser leurs placements à court terme chez leurs consœurs en Allemagne, qu’elles pratiquaient massivement et avec profit, tant ce pays avait besoin de liquidités.
31Ces événements à l’apparence anodins pour la place bancaire exercent pourtant des effets immédiats et puissants sur la Société générale. Parce qu’elle symbolisait cette expansion internationale (prêts, filiales dans les Balkans, achat de la Banque de Salonique [32], etc.), elle subit une crise aiguë en mai-juin 1914. C’est à nouveau une crise de réputation et une crise de confiance qui se déchaînent : une ruée de ses déposants s’esquisse lorsqu’ils s’inquiètent des risques qu’elle encourt en Europe balkanique et germanique. C’est bel et bien ce qu’on pourrait caractériser comme son activité de banque de marchés (change, prêts sur le marché monétaire interbancaire sur Londres et Bruxelles à destination de Berlin et Vienne, voire des Balkans) qui suscite un décalage entre son modèle de développement stratégique en faveur de ce métier et un modèle économique qui n’a pas prévu assez de capacités de contreparties – peu ou prou, des garanties ou des assurances de remboursement en cas de besoin – ou de refinancements.
32La place parisienne bruisse d’inquiétude, d’autant plus que, à Paris et en province, le marché interbancaire se durcit ; chaque banque récupère une partie de ses avances à d’autres banques ; les maisons en déséquilibre bilantiel à court terme se retrouvent avec une trésorerie asséchée ; les retraits de dépôts s’accélèrent ici ou là – d’où la chute par exemple de la première banque de Bordeaux, la maison Samazeuilh, l’une des ancêtres de l’actuelle Bnp Paribas [33]. La crise de confiance s’exprime par des retraits massifs de dépôts en mai-juillet 1914. À Rennes les 14 et 15 mai, des rumeurs surgissent selon lesquelles la Société générale suspendrait ses paiements ; une campagne de presse insidieuse confirme ces bruits – parfois alimentés en province par des directeurs d’agence de banques rivales… La maison livre toutes les informations sur sa situation au ministre des Finances et au président du Conseil Gaston Doumergue, le 6 juin 1914 : sur la foi de ces données, les Finances publient alors le 8 juin un communiqué certifiant de la qualité du portefeuille d’escompte de la banque. Le Conseil se réunit tous les jours pour faire le point sur la liquidité de la maison. Pour enrayer la ruée, elle dispose certes de 230 millions de francs de valeurs réalisables, mais elle a besoin de quelques jours pour les mobiliser.
La mobilisation de la place parisienne pour sauver la Société générale
33Pour la première fois depuis 1889, quand la place avait reconstruit le Cnep après le krach de son prédécesseur, le Comptoir d’escompte de Paris, le principe de Bagehot [34] est enclenché sur Paris : au nom de la « solidarité de place » et du principe, encore mal explicité à l’époque, du prêteur en dernier ressort, la Banque de France constitue un consortium de banques qui accorde une avance de 60 millions de francs à la Société générale (dont 10 millions apportés par Paribas), le temps d’apaiser les tourments de ses déposants. À la fin de juillet et au tout début d’août 1914, ses confrères (dont le Crédit lyonnais, le Cnep et Rothschild chacune pour 9,9 millions) acceptent de lui fournir 10 millions le 8 juin, puis 50 millions de francs le 31 juillet (remboursés entre avril 1915 et février 1916) : elle souscrit des billets à l’ordre des banques en nantissant des titres chez elles, et le vice-président Hély d’Oissel appose sa propre signature sur ces billets, en les avalisant : cette figure de la Place met son « crédit » personnel dans la balance ! La Banque de France réescompte quant à elle pour environ 300 millions de francs de papier commercial. Ces sommes doivent êtres mises en rapport avec le montant des dépôts de la Générale, estimé à 1 600 millions à la fin de 1913.
34En parallèle, le partenariat conclu avec Paribas revêt une nouvelle forme. La banque d’affaires prend part en effet au syndicat de rachat d’actions Société générale qui vient enrayer le recul de leur cours. Un gros paquet de titres est ainsi stabilisé entre les mains de Paribas et d’un groupe d’entreprises métallurgiques proches d’elle et de la Société générale (Montbard-Aulnoye, Batignolles, Marine-Homécourt, Usines métallurgiques de la Basse-Loire, Pont-à-Mousson, Delaunay-Belleville, etc.). Ce consortium, animé par le Conseil et ses alliés (Paribas, etc.), complété ensuite par des banques de la Place, achète environ 125 000 actions Société générale afin d’enrayer la baisse de son cours, pour un montant proche de 72 millions de francs (soit un petit tiers du capital versé : 250 millions).
Réflexions sur les crises de 1905 et 1913
35Ces deux crises sans rapport événementiel entre elles nourrissent la même démarche analytique. La politique de Dorizon semble en question : son punch a conduit la Société générale à déployer son activité de banque commerciale en Russie, à renforcer son implication en « banque industrielle », en banque d’entreprise, et à déployer vigoureusement le métier de banque de marchés (banque de change, crédit interbancaire on call, etc.) ; or cela finit par inquiéter. Un déséquilibre dans le bilan à court terme entre des expositions trop fortes à l’actif (découverts à des entreprises et escomptes risqués à l’étranger) et des ressources trop limitées en contrepartie au passif (de la banque elle-même, de sa succursale de Londres, de sa filiale belge ou de sa filiale russe, mal mesurées faute d’un bilan consolidé) ou obtenues à trop court terme (refinancements interbancaires, dépôts en compte courant) débouche sur une crise de liquidité à deux reprises, sur une crise de confiance et sur un risque de crise de solvabilité. « Trop grande pour s’effondrer » (too big to fail), la Société générale est renflouée à deux reprises.
36Des frottements entre le modèle stratégique et le modèle économique (sur le registre des lacunes en ressources stables) peuvent être donc constatés. D’un côté, la banque n’a pas assez rapidement et fortement adapté ses ressources durables à sa croissance organique ; et cela débouche sur trois augmentations de capital successives. Il lui faut plus de « coussins de sécurité », comme on dirait aujourd’hui (capital buffers), plus de fonds propres, plus de réserves (explicites ou latentes), afin de réduire les déséquilibres excessifs et donc l’effet de levier trop tendu. Sans théorisation – car aucun article ni livre n’est encore publié sur ces crises françaises, chez les experts de l’époque ou, depuis lors, dans le monde académique –, et donc de façon empirique, puisque le conseil d’administration ne paraît pas avoir conçu un corpus de réflexions systémiques à ce propos, ces trois augmentations de capital et la constitution de relais de refinancement plus structurés semblent prouver qu’il faut rétablir un équilibre entre modèle stratégique et modèle d’organisation du financement de ce dernier.
37D’un autre côté, la stratégie dynamique de déploiement international – différente de celle de ses confrères Crédit lyonnais [35] et Cnep [36] – a débouché sur une crise du modèle économique, sur deux registres : le modèle d’organisation de firme vit une « maladie infantile » de croissance hors de France ; tout comme les agences de région dans les années 1870-1880, les entités russes et (indirectement) égyptienne mènent une vie trop indépendante, avec une capacité d’analyse des risques peu affûtée. Or dupliquer un réseau de banque commerciale de détail par simple croissance spontanée constitue, on le sait désormais depuis quelques années, un défi managérial ardu pour les banquiers : les « cultures du crédit » sont différentes, les risques de connivence avec les communautés d’intérêts locales [37] trop répandus, les pratiques dans l’estimation des valeurs servant de gage aux prêts ou de références pour leur niveau (stocks, etc.) sont trop aléatoires. Enfin, et surtout, la « courbe d’apprentissage » du personnel responsable est plus ou moins longue selon la rigueur dans la construction de la sous-organisation de firme à l’étranger. En bout de chaîne, le risque d’asymétrie d’information a été beaucoup trop exacerbé ; l’organisation des circuits d’information a manqué de densité [38], d’où le danger de crise de réputation et de crise de confiance [39].
38Si l’on ose se glisser sur ce terrain du capital immatériel de l’entreprise et de l’économie des représentations, le risque de réputation s’était bien trop dilaté avec cette extension européenne, puisque le Conseil et la présidence devaient dorénavant gérer les risques de perception extrêmement larges, dépassant le simple cercle des places régionales et parisienne ou londonienne, puisqu’il leur fallait tenir compte des aléas géopolitiques à l’échelle européenne (Allemagne, Autriche-Hongrie, Russie, Balkans). Or peut-être la Société générale était-elle sous-équipée en art de manœuvrer la prescription d’informations, de mobiliser des « plumes d’affaires », des journalistes et journaux patronnés par des subventions discrètes, comme ont appris à le pratiquer si bien les banques d’affaires au fil des décennies. La bataille de l’information devient déterminante pour affronter la manipulation de l’opinion, celle des investisseurs individuels et institutionnels, celle des déposants, celle des gestionnaires de trésorerie qui nourrissent les comptes courants des entreprises dans les banques, etc.
39Les solutions destinées à faciliter les ajustements entre modèle stratégique et modèle économique et mode d’organisation ont été classiques. Pour le passif, des augmentations de capital de la Société générale et la fusion entre Banque du Nord et Banque russo-chinoise ont consolidé la surface financière des deux banques française et russe. Pour une gestion active de l’actif, le portefeuille de savoir-faire français en gestion préventive des risques et en supervision de l’organisation de firme a été transféré à la filiale russe. Quant à la banque de marchés, il semble que les équipes aient été renforcées, notamment à Londres et Bruxelles et que les circuits de refinancement interbancaires aient été ramifiés. Et, surtout, le partenariat tissé entre la Société générale et Paribas a ouvert la voie non seulement à une osmose de compétences au niveau de la banque internationale, propice à l’amélioration du portefeuille de savoir-faire de la banque commerciale d’entreprise à terme, mais aussi à une diminution relative de la prise de risques, par le biais du partage de certaines opérations entre les deux maisons, en particulier pour le risque de garantie (underwriting).
40Peut-être la Société générale était-elle allée trop loin, par l’intermédiaire de sa succursale de Londres, dans son insertion dans la « banque financière internationale », dans des pratiques d’investment banking, aux dépens d’une sagesse plus conforme aux contours du modèle économique d’une banque de dépôts et plus soucieuse d’éviter les risques de marché. D’ailleurs, le repli imposé par la « grande Histoire » avec la chute du capitalisme en Russie et la perte de la Banque russo-asiatique, puis l’abandon des velléités de déploiement dans l’aire méditerranéenne (contraction des activités de la filiale orientée vers l’Espagne, Société générale de banque pour l’étranger ; revente de la Banque de Salonique en 1919 ; modération du déploiement dans les Balkans, plutôt abandonné aux deux banques d’affaires Paribas et Bup), a pu refléter a posteriori une prise de conscience des points faibles d’une banque de dépôts, à cette époque, à agir trop loin de ses cœurs géographiques de métiers.
Premières considérations sur la crise de la Générale en 2007-2008
41Désormais, la Générale connaît une vie plus sereine. Elle devient même la première banque française entre 1921 et 1928. La crise de 1930-1935 ne l’éprouve pas beaucoup : les mauvaises créances qu’elle subit sur des firmes françaises ne sont pas pires que chez ses confrères sains ; ses engagements en Allemagne de 1933 sont rapatriés peu à peu en deux ans. Aussi échappe-t-elle comme ses grands confrères au krach bancaire de cette époque, mais elle doit s’imposer une cure d’austérité sévère, avec un élagage de ses encours de prêts, de ses effectifs, de son dispositif commercial. Dans les années 1940-1980, le statut de banque nationalisé et l’hyper-réglementation et segmentation du secteur bancaire français rendent sereine la vie de la banque. Quelques aléas accompagnent la mise en place de la banque universelle dans les années 1980-2000, mais sans effets significatifs. C’est donc bien la crise de 2007-2010 qui révèle soudain la cristallisation de nouvelles tensions internes entre le modèle stratégique de la banque universelle de la Société générale et le modèle économique et le mode d’organisation de firme.
42L’équipe dirigeante ne maîtrise pas suffisamment la prise de risques d’un déploiement puissant de la banque de marchés et du négoce de valeurs – et elle découvre avec surprise les agissements ou dérives de certains responsables, donc sans avoir tiré les leçons du krach de la maison Barings lors de la crise précédente [40]. En fait, les anciens (très) hauts fonctionnaires qui tiennent des postes décisifs se sont avérés peu à même de discerner les risques causés par une culture de marchés qui privilégie l’audace, sinon la témérité, dans des prises de position quotidiennes au dénouement aléatoire – même s’ils avaient entrepris tout récemment de lancer des réflexions sur la réorganisation de l’organisation de firme bancaire de la maison [41].
43Le modèle de gestion des ressources humaines sur le créneau spécifique de la banque de marchés n’a pas été structuré autour des exigences générées par la conduite de groupes de hautes figures intellectuelles [42], dotées d’un esprit indépendant, de hautes qualités mathématiques et quantitatives, mais aussi d’une psychologie pouvant être fragilisée par le mode opératoire de leur fonction, qui insiste par trop sur des prises de risques énormes et sur des contraintes de rendement élevées. Le risque de déséquilibres quant aux relations entre ces cohortes et leur organisation (rejet des contrôles, quasi-autogestion de la salle des marchés autour de figures fortes et de leaders charismatiques, etc.) implique de reconsidérer la supervision de telles équipes et leur insertion dans la culture d’entreprise globale – sauf à considérer que leurs divisions deviennent des archipels autonomes, sur le modèle des sociétés de gestion à hauts risques.
44La banque de marchés internationalisée a laissé ses risques interbancaires (en y incluant le département financier de certaines compagnies d’assurance, telles Aig) grossir trop fortement. Les rapports des experts internes appelés à la rescousse ont révélé l’ampleur des prises de position substantielles dans les opérations de refinancement des départements de négoce de valeurs complexes (titres d’assurance collatéraux ou cds, valeurs de titrisation de crédits immobiliers ou de crédits à la consommation, etc.).
45Sur le registre de la banque commerciale classique, l’expansion en Europe centrale et orientale et en Russie a été remarquable sur le registre stratégique, par une duplication du modèle de banque universelle et de banque de détail. Mais, comme le vivent toutes les banques pionnières dans cette région, la culture du risque dans ces contrées et le rapport au banquier et inversement au client est spécifique à des coutumes qu’il faut essayer de faire évoluer sans nuire à ses parts de marché [43].
46Plus généralement, nombre de critiques en interne (de la part de membres de l’Inspection générale, notamment) et en externe, tel que l’énorme rapport du cabinet PriceWaterhouse-Coopers, élaboré après la « crise Kerviel » en janvier-février 2008 et disponible sur internet, puis nombre de rapports de cabinets de conseil appelés pour mettre en œuvre les recommandations de ce premier rapport, ont souligné l’acuité des décalages entre cette diversification du modèle stratégique, signe du dynamisme entrepreneurial d’une banque compétitive, et son modèle économique et son mode d’organisation de firme. Certes, la Générale n’a pas rejoint le peloton des établissements qui avaient trop largement étendu leur prise de risque au point de vaciller dans le krach, mais elle ne figure pas non plus dans l’échappée du peloton des banques qui ont le mieux réussi à cantonner leurs risques au plus haut du cycle ou au lendemain de la crise de 2007-2008, comme Bnp Paribas, Santander, Bbva, Deutsche Bank ou JP Morgan Chase [44]. Le cours de son action, supérieur à 140 euros au plus haut du boum cyclique, s’est effondré jusqu’à 12 euros – avant de remonter au-dessus des 30 euros en 2012. Le renvoi ou le départ à la retraite accéléré de certains dirigeants phares, la restructuration de l’organisation interne (back office) des activités de banque de marchés et de négoce de valeurs, et enfin, en avril 2010, la mise en place d’un nouveau service de supervision des risques et d’audit, fort et doté de la légitimité que constitue l’intronisation présidentielle, sont autant de marqueurs d’une inflexion importante du mode de vie de la Société générale.
47Le retour à une culture d’entreprise moins téméraire, plus sage, fondée sur des impératifs de rentabilité moins exubérants (avec des exigences de plus de 20 % de retour sur capitaux investis, en 2006-2007…) [45], a mis fin à cette nouvelle poussée de « maladie infantile » d’une révolution bancaire, au sein de laquelle la Société générale s’est laissé griser durant le boum cyclique de 2003-2007, tout comme plusieurs maisons américaines [46], suisses ou hollandaises [47]. Les rapports de différenciation qui ont pris corps en 2007-2010 ont incité d’ailleurs à un tel aggiornamento, puisque le rappel des règles « historiques » de « bonne gestion bancaire » a permis d’apaiser quelque peu des tempéraments de banquier trop spéculatifs. Cela est passé aussi par la réintégration dans le bilan de quelques paquets d’engagements logés dans ce magma à tout faire qu’était devenu le hors-bilan dans tous les établissements et, surtout, dans ce cas précis, par un allègement des engagements dans nombre d’activités de la banque de financement et d’investissement (investment banking) et dans nombre de postes d’actifs, tandis que sont cédées en 2012-2013 deux filiales étrangères, celle de Grèce, en mauvais état, et celle d’Égypte, de bonne qualité, donc vendue à un bon prix. Enfin, au lieu de rembourser une partie de son capital par panurgisme, la Société générale, comme les autres banques, se trouve soumise soit à des impératifs de re-réglementation prudentielle [48], soit à des nécessités de gestion bilantielle plus équilibrée. La consolidation de sa surface financière devient à nouveau une priorité, avec l’augmentation des fonds propres, soit pour nourrir des contreforts affectés par l’ampleur des pertes : environ une dizaine de milliards d’euros déjà déclarés en 2008-2010, mais encore 35 milliards d’actifs menacés, à la date d’avril 2010.
Conclusion
48Par rapport à l’économiste bancaire ou à l’économiste de gestion, l’avantage de l’historien économiste et bancaire est qu’il peut « faire la leçon » a posteriori, déterminer des récurrences ou des résurgences, établir des parallèles faciles et tirer des leçons [49] de l’Histoire. Ce texte n’aura pas échappé à ce défaut, d’autant plus qu’il a tenté de mobiliser des notions (portant sur les modèles de stratégie et d’organisation) quelque peu anachroniques en deçà des années 1960. Pourtant, à chaque étape de mutations de l’économie bancaire, de ses « révolutions [50] », le modèle stratégique que dessinent les banques « modernes » et pionnières est fragilisé par une inadéquation avec les lacunes du modèle économique et d’organisation de firme qui est censé structurer l’entreprise dans sa maturation et sa marche en avant.
49Quand s’est dessinée la « nouvelle banque [51] » dans la seconde moitié du xixe siècle, nombre d’établissements ont peiné à équilibrer leur modèle de croissance stratégique, leur mode de vie et leur culture d’entreprise. Et la Société générale a figuré parmi celles qui, dans les années 1880, se sont heurtées à des tensions fortes, à des frottements gestionnaires bloquant leur expansion puisque causant des pertes substantielles – même si elle ne s’est pas effondrée, comme d’autres. Plus tard encore, dans la première décennie du xxe siècle, elle a une fois de plus subi des aléas quand le ripage entre banque internationalisée et banque financière d’un côté, et mode de gestion des risques d’autre part, a pâti d’un manque criant de lubrifiant. Il a fallu surmonter de nouveaux risques de réputation et de crise de confiance à double détente, et surtout insuffler aux branches de diversification territoriale ou sectorielle une culture des risques et un mode d’organisation en cohérence avec le modèle stratégique. Tout récemment, enfin, l’insertion de la Société générale dans la banque globalisée [52] (duplication de son modèle de banque universelle en Europe centrale et orientale) et dans la banque de marchés a trébuché sur les failles d’une organisation de firme défaillante, d’où l’improvisation de réformes structurelles dont la conception et la mise en œuvre ont fait la fortune des cabinets de conseil.
50Le cas d’étude qui a été nourri par l’analyse des quatre crises vécues par la Société générale permet d’alimenter les méditations sur la longévité ou la pérennité des banques, et de susciter des comparaisons avec les firmes industrielles qui ont résisté aux chocs des crises et des révolutions techniques et commerciales (Ibm, Siemens, Mercedes, Philips, Ford, Saint-Gobain, Lafarge, etc.). L’on peut réfléchir à leur capacité de résistance aux chocs politiques ou géopolitiques, aux soubresauts conjoncturels, aux failles de gestion, aux erreurs de stratégie, aux erreurs dans la gestion des risques, etc. Cela alimente des facteurs de différenciation dans la gestion de l’organisation de firme. Ce questionnement porte en particulier sur l’efficacité du modèle économique et des choix stratégiques, et sur la pertinence du rapport entre ce portefeuille d’activités stratégiques et les structures de l’organisation de firme et la qualité de la gestion, d’où in fine sur la pertinence du couple « Stratégie et structures » et son effet sur la gestion de la coordination du portefeuille d’activités stratégiques.
51Il suscite des interrogations sur la capacité à lisser les aléas conjoncturels par la production de profits récurrents et de réserves, sur la qualité de la gestion des établissements, dans la sélection des dirigeants, dans la cristallisation d’une culture de gestion des risques et de responsabilité et fiabilité, sur la qualité de la gestion financière, du mode de gestion de la comptabilité, sur le mode de gestion des éléments contribuant à la liquidité et à la gestion bilantielle, sur le rapport entre le rythme de l’expansion et la capacité d’autofinancement, l’appel à des capitaux extérieurs, des refinancements, sur l’efficacité de la culture du risque de l’établissement et, plus généralement, sur les critères d’une bonne gestion des risques. L’on ne peut que soupeser ainsi la prégnance et l’évolution d’une culture d’entreprise propre à atteindre l’équilibre pertinent entre risque, stratégie, combativité commerciale, et, au travers des crises, l’efficacité dans la gestion du capital de confiance et de l’image de marque.
Mots-clés éditeurs : xixe-xxe siècles, banque, risques, gestion de firme, crise, histoire économique
Date de mise en ligne : 16/01/2014
https://doi.org/10.3917/rhis.134.0905Notes
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Nous en relaterons l’histoire dans le deuxième volume de l’histoire de la Société générale (1890-1914), en préparation.
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Joseph-Henri Thors, le directeur général de Paribas (1892-1907), et Cassel mènent à bien les opérations. L’avance de trésorerie permet à la Société générale de tenir bon face à la tourmente?; une petite moitié est remboursée au bout du mois prévu, le solde étant prorogé jusqu’au 3 janvier 1906 pour les francs et le 25 janvier pour les livres. Dans le même temps, après que des investisseurs proches de la Société générale sont intervenus en Bourse pour acheter des actions Société générale afin d’en stabiliser le cours, Paribas monte un syndicat de soutien des cours, qui récupère ces actions (30?000), avec une première tranche de 10?000 titres en octobre-novembre, dont elle-même prend 2?375 actions.
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Voir Gillian Tett, Fool’s Gold. How Unstrained Greed Corrupted a Dream, Shattered Global Markets and Unleashed a Catastrophe, Londres, Little Brown, 2009. Gillian Tett, Fool’s Gold. The Inside Story of J.P. Morgan and How Wall Street Greed Corrupted its Bold Dream and Created a Financial Catastrophe, seconde édition complétée, New York, Free Press-Simon et Schuster, 2010. Christopher Kobrak et Mira Wilkins (dir.), «?The ‘2008 Crisis’ in an economic history perspective. Looking at the twentieth century?», Business History, volume 53, n° 2, avril 2011, pp. 175-192. Alistair Milne, The Fall of the House of Credit: What Went Wrong in Banking and What Can Be Done to Repair the Damage?, Cambridge, Cambridge University Press, 2009. Ambroise Laurent, «?La crise des banques?», Commentaires, vol. 32, n° 127, automne 2009, pp. 675-686.
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[46]
Larry McDonald et Patrick Robinson, A Colossal Failure of Common Sense. The Story of the Collapse of Lehman Brothers, Londres, Ebury Press, 2009. Alan Greenberg (avec Mark Singer), The Rise and Fall of Bear Stearns, New York, Simon et Schuster, 2010.
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[47]
Jeroen Smit, The Perfect Prey. The Fall of Abn Amro, or What Went Wrong in the Banking Industry, Amsterdam, Prometheus, 2009.
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[48]
Voir Jean-Charles Rochet, Why Are There So Many Banking Crisis? The Politics and Policy of Bank Regulation, Princeton, Princeton University Press, 2008. Hubert Bonin, «?Crises et réglementation bancaire dans l’histoire européenne?», in Loïc Grard et Pascal Kauffmann (dir.), L’Europe des banques. Approches juridique et économique. Concurrence, réglementation, marché unique, Paris, Pedone, 2010, pp. 81-96.
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[49]
Eugene White, Crashes and Panics: The Lessons from History, New York, Dow Jones-Irwin, 1990. Frederik Mishkin, «?Assymetric information and financial crises. A historical perspective?», in Robert Glenn Hubbard (dir.), Financial Markets and Financial Crises, Chicago, The University of Chicago Press, 1991. Christopher Kobrak et Mira Wilkins (dir.), «?The ‘2008 Crisis’ in an economic history perspective…?», art. cit. (n. 45).
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[50]
Hubert Bonin, «?Peut-on parler de révolution bancaire (xixe-xxe?siècles)???», in Éric Bonhomme (dir.), Les révolutions industrielles et scientifiques à l’époque contemporaine, Bordeaux, Sceren-Crdp Aquitaine, 2007, pp. 13-29.
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[51]
Voir Maurice Lévy-Leboyer, «?La spécialisation des établissements bancaires?», in Fernand Braudel et Ernest Labrousse (dir.), Histoire économique et sociale de la France, Paris, Puf, tome 3, premier volume, 1976. Michel Lescure, «?The origins of universal banks in France during the nineteenth century?», in Douglas Forsyth et Daniel Verdier (dir.), The Origins of National Financial Systems, London et New York, Routledge, 2003, pp. 117-126.
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[52]
Voir Harold James, The Creation and Destruction of Value: The Globalisation Cycle, Harvard, Harvard University Press, 2009.