Couverture de RHIS_121

Article de revue

Funérailles nobiliaires et pouvoir seigneurial à la Renaissance

Pages 101 à 130

Notes

  • [1]
    Philippe Ariès, L’Homme devant la mort, Paris, Éd. du Seuil, 1985. Alain Croix, La Bretagne aux 16e et 17e siècles. La vie, la mort, la foi, Paris, Maloine, 1980.
  • [2]
    Jacques Chiffoleau, La Comptabilité de l’au-delà. Les hommes, la mort et la religion dans la région d’Avignon à la fin du Moyen Âge (vers 1320-vers 1480), Rome, École française de Rome 1980. Michel Lauwers, La Mémoire des ancêtres, le souci des morts. Morts, rites et société au Moyen-âge. Diocèse de Liège, xie-xiiie siècles, Paris, Beauchesne, 1997.
  • [3]
    Colette Beaune, « Mourir noblement à la fin du Moyen Âge », dans Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public (VIe congrès, Strasbourg, 1975), Strasbourg, Istra, 1977, p. 125-144.
  • [4]
    Muriel Gaude-Ferragu, D’or et de cendres. La mort et les funérailles des princes dans le royaume de France au bas Moyen Âge, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2005.
  • [5]
    L’article que Monique Chatenet a consacré aux funérailles nobiliaires porte essentiellement sur les princes de la maison de Lorraine et sur la haute noblesse curiale, comme Georges d’Amboise et Louis de Brézé. Monique Chatenet, « Quelques aspects des funérailles nobiliaires au xvie siècle », dans Les Funérailles à la Renaissance, (XIIe colloque international de la Société française d’étude du seizième siècle, Bar-le-Duc, 2-5 décembre 1999), Jean Balsamo (éd.), Genève, Droz, 2002, p. 37-55.
  • [6]
    Cette continuité étonnante masquait en réalité de nombreuses discontinuités généalogiques : la succession apparente ininterrompue des héritiers mâles dévoile en amont de multiples ruptures biologiques dont les effets potentiellement dévastateurs étaient travestis par les manipulations multiples du discours patrilignager, constitutif de la primogéniture masculine. Les degrés de transmission féminine étaient effacés par des outils efficaces mis à la disposition de l’aristocratie : les substitutions fidéicommissaires et les relèvements de nom et d’armes.
  • [7]
    Seule la famille de Polignac disposait d’autres cérémonies telles les joyeuses entrées de vicomtesses au Puy. Chaque premier mai, les vicomtes se rendaient également au Puy pour rendre hommage à l’église cathédrale.
  • [8]
    Le terme approprié est bien celui de lignage, car la parenté exaltée dans le cadre des funérailles était celle de la succession des héritiers mâles, propriétaires des seigneuries. Cette remarque ne signifie pas pour autant qu’il y avait évacuation du matrilignage et des membres de la maison. Mais ceux-ci n’apparaissaient que de manière secondaire dans le discours patrilignager de la cérémonie funèbre. En revanche, ils étaient bien présents comme acteurs et invités à la cérémonie. Le mode d’inhumation et l’élection de sépulture montrent des choix essentiellement lignagers : on était enterré avec ses parents et non avec ses alliés, sauf dans le cas des belles-sœurs qui rejoignaient souvent leur époux dans la mort.
  • [9]
    En 1523, noble homme Jacques Rolland, écuyer, seigneur de Valon et de Villecomtal, demande à être enseveli dans le tombeau de ses ancêtres dans l’église paroissiale de Valon. En 1585, Robert de Saint-Géry, coseigneur de Salvanhac, près de Loupiac, sollicite cette même disposition funéraire. ad Cantal, E 800, Testament de Jacques Rolland (18 décembre 1523) et ad Cantal E 848, testament de Robert de Saint-Géry (28 mars 1585).
  • [10]
    Mais il existait des cas particuliers comme celui des funérailles d’Anne de Montboissier-Beaufort-Canillac, vicomtesse de Polignac en 1552. Ces obsèques furent aussi grandioses que celles du vicomte, car il s’agissait d’une célébration commune des maisons de Polignac et de Montboissier-Beaufort-Canillac. On n’enterrait pas seulement la vicomtesse de Polignac mais aussi l’héritière des papes Roger de Beaufort. Antoine Jacotin, Preuves de la maison de Polignac, Paris, 1898, vol. 3, pièce no 423.
  • [11]
    L’expression est empruntée à Michel Nassiet. Michel Nassiet, « Signes de parenté, signes de seigneurie : un système idéologique (xve-xvie siècle) », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, LXVIII, 1991, p. 175-231.
  • [12]
    Les litres funéraires de la famille de Polignac sont inscrites dans le lieu le plus saint de l’église Saint-Laurent du Puy, à gauche de l’autel, faisaient face au tombeau des Polignac, situé au pied du maître autel.
  • [13]
    Louis Bougon, Le Testament en Auvergne du xiiie siècle à la rédaction de la Coutume (1510), Paris, Arthur Rousseau, 1911, p. 27.
  • [14]
    En 1579, Jean-Claude de Beaufort-Montboissier, vicomte de Pont-du-Château, demande que ses funérailles soient conformes à « sa qualité et de sa maison ou il est yssu comme a sesd. predecesseurs ». ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 64.
  • [15]
    La borne liminaire est le testament de Catherine Chaulet, dame de La Fayette et d’Aulteribe en 1486, (ad Puy-de-Dôme 2 E 0379 37bis) et le corpus s’achève en 1624 avec le testament de Peronnelle de Blanzat, veuve d’Henri de Beaufort-Canillac daté du 8 mars 1624 (ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 52).
  • [16]
    Sur la mode des funérailles à l’antique, notamment celles de Gaston de Foix à Milan en 1512, voir Monique Chatenet, « Quelques aspects des funérailles nobiliaires au xvie siècle », op. cit. (n. 5), p. 47 sq.
  • [17]
    C’est le cas de quatre testaments : celui de Joachim de Chabannes-Curton (2 août 1553) conservé aux ad de l’Allier, sous la cote 22 J 238 ; celui de Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac, vicomte de Pont-du-Château (4 juin 1579), ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 64 ; celui de Henri de Montboissier-Beaufort-Canillac, vicomte de Pont-du-Château (31 avril 1621), ad Puy- de-Dôme 2 E 0353 53 et celui de sa veuve, Péronnelle de Blanzat (8 mars 1624), ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 52.
  • [18]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 03533, testament de François de Dienne (30 mars 1586). Le cas de François de Dienne est un peu particulier, car il est le dernier de son lignage. Inquiet de savoir qui maintiendra, après sa mort, le lien entre les vivants et les morts de sa maison, il organise scrupuleusement sa memoria, pour être sûr que les héritiers désignés soient tenus à la pietas envers tous les morts de la maison de Dienne.
  • [19]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0 353 38, testament de Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac, marquis de Canillac (17 avril 1584).
  • [20]
    Antoine Jacotin, Preuves de la maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, no 427, testament de François-Armand XVI, vicomte de Polignac (13 juillet 1557).
  • [21]
    ad Allier fonds de Chabannes 22 J 217, testament de Jean de Chabannes, baron de Curton (3 avril 1540).
  • [22]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0 353 38, fol. 1, testament de Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac, marquis de Canillac.
  • [23]
    Selon Muriel Gaude-Ferragu, c’est Philippe le Hardi qui initia le mouvement des « humbles obsèques » en 1386. Voir Muriel Gaude-Ferragu, D’or et de cendres. La mort et les funérailles des princes dans le royaume de France au bas Moyen Âge, op. cit. (n. 4), p. 271.
  • [24]
    Sur l’importance de son utilisation lors des cérémonies funéraires, voir Catherine Vincent, Fiat Lux. Lumières et luminaires dans la vie religieuse du xiiie au xvie siècle, Paris, Le Cerf, 2004, notamment le chapitre IX.
  • [25]
    Seuls les vicomtes de Polignac avaient recours à des effigies vivantes. Ils y eurent vraisemblablement recours la première fois en 1562, lors des funérailles du vicomte François-Armand XVI.
  • [26]
    Il y avait 500 torches et 1 450 cierges aux funérailles de Pierre de Beaujeu. Muriel Gaude-Ferragu, « La mort du prince : les funérailles de Pierre de Beaujeu, duc de Bourbon (1503) », dans Les Funérailles à la Renaissance, op. cit. (n. 5), p. 55-76.
  • [27]
    En 1521, Guillaume de Chalencon, seigneur de Rochebaron demande 30 torches armoriées. Antoine Jacotin, Preuves Maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, no 395. En 1586, François de Dienne, dernier de sa maison, réclame 72 torches armoriées. ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 3.
  • [28]
    Alain Croix considère que « la véritable ostentation cirière ne commence qu’au-delà de la cinquantaine de torches ». Alain Croix, La Bretagne aux xvie et xviie siècles, op. cit., p. 979 (n. 1).
  • [29]
    C’est le cas de noble homme Jacques Rolland, écuyer, seigneur de Valon en 1523. Voir ad Cantal E 800. Robert de Saint-Géry, coseigneur de Salvanhac, fait également ce choix en 1585. ad Cantal E 848.
  • [30]
    Jean-Pierre Labatut rappelle que le blason servait à identifier dans la mémoire collective les spécificités de chaque maison noble : « Telle famille est courageuse, telle autre téméraire. Quelques faits de son histoire lui ont donné une réputation qui semble éternelle. » Jean-Pierre Labatut, Les Noblesses européennes de la fin du xve siècle à la fin du xviiie siècle, Paris, 1978, p. 77.
  • [31]
    Étienne Médicis dit que dans la chapelle funéraire « partout avoit force escuts ou armes argentées paintes et my parties, tant de la maison de la vicomté, que porte de gueules, à trois fesses d’argent, que de la maison de Canilhac, que porte d’azur, componé d’argent, et ung chien passant d’argent, et le chief dudict escu, d’argent à ung demy chevron d’azur et six rozes de gueules ; lesquelles armes mises en ce chief ils tiennent d’un pape sorti de ladicte maison de Canilhac, qui fut appellé Clément VI, que fut enterré à La Chase-Dieu ». Antoine Jacotin, Preuves de la maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, pièce no 423 (n. 9).
  • [32]
    Les Polignac eurent recours, comme les Montmorency avec Lisbius et Saint-Denis, à un couple d’ancêtres totémiques pour inscrire leur identité à la fois dans le cercle des premiers vicomtes de la chrétienté, de sang gaulois, mais aussi dans celui de l’aristocratie gallo-romaine et dans la mythologie grecque. Dans le cas des Polignac cependant, le saint était remplacé par un dieu. Jean-Marie Le Gall, « Vieux Saint et grande noblesse à l’époque moderne : Saint-Denis, les Montmorency et les Guise », rhmc, no 50-3, juillet-septembre 2003, p. 7-34.
  • [33]
    Le 9 janvier 1563, Philiberte de Clermont, vicomtesse de Polignac, donne huit livres tournois à Jean Basseyre, peintre du Puy, pour le payer « de la paincture et armoiries, dedans et dehors, de l’esglize du prieuré dudict Polignac, dans laquelle le corps dudict feu seigneur repose » faites à l’occasion des funérailles de François-Armand XVI, vicomte de Polignac. Ibid. (n. 10), vol. 3, no 432, livre des dépenses de la vicomté de Polignac (1563-1568), extrait des comptes du 9 janvier 1563.
  • [34]
    Michel Nassiet rappelle que les armoiries familiales ne constituaient pas un signe de seigneurie, car chaque terre était identifiée par une héraldique propre. C’était par l’apposition volontaire des armes des propriétaires sur les espaces publics de la seigneurie que ceux-ci s’appropriaient la terre et se constituaient en topolignée. Michel Nassiet, « Nom et blason. Un discours de la filiation et de l’alliance (xive-xviiie siècle) », L’Homme, janvier-mars 1994, 129, p. 5-31, p. 8.
  • [35]
    Antoine Jacotin, Preuves de la maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 2, pièce no 395, Testament du Guillaume de Chalencon, seigneur de Rochebaron (17 septembre 1521).
  • [36]
    « Item requirit et petit lignageriis suis, parentibus atque aliis dominis et personis convocandis seu interessentibus in sepulutra, quarantena et fine anni, quod nullas fieir faciant thedas nec arman sed si aliqua velint facere bona ad remedium anime sue et parentum suorum predecessorum, quod ea que exponerent ad faciendas torchias, exponent et applicent ad celebrari faciendum missas aliaque divina officia, modo ac forma tamen quibus eisdem placuerit. » Ibid., vol. 2, no 395, Testament du Guillaume de Chalencon, seigneur de Rochebaron (17 septembre 1521).
  • [37]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0379 37bis, testament de Catherine Cholet, dame de La Fayette (1486).
  • [38]
    En Flandres, lorsque le dernier représentant mâle d’une maison noble décédait sans relèvement de son nom et de ses armes, celles-ci étaient solennellement enterrées avec le corps du défunt par un officier d’armes. La décomposition du corps physique du dernier porteur du nom était ainsi accompagnée par la propre mort des armes du nom. C’est ce qui se produisit en 1657 avec la mort du dernier représentant de la maison de Hinckaert qui fut enseveli avec ses armes. Lucien Fourez, Le Droit héraldique dans les Pays-Bas catholiques, Louvain, Université de Louvain, 1932, p. 118-119.
  • [39]
    Il y a une différence notable avec ce qu’a observé Alain Croix en Bretagne : sur les testaments nobles, seulement 15 % des testateurs hommes réclamaient la présence de pauvres et seulement 29 % des testatrices femmes. Alain Croix, La Bretagne aux xvie et xviie siècles, op. cit., p. 968 (n. 1).
  • [40]
    Aux obsèques de Jean de Dienne à la fin du mois de juillet 1580, on distribua deux sous tournois à chaque mendiant qui se présenterait « du lever au coucher du soleil » devant la porte du château de Dienne ou devant le porche de l’église paroissiale : ils furent 5 232 en tout. Le contexte était très dur : la peste frappait la région depuis le printemps 1579 et les bandes armées, tant protestantes que catholiques, se livraient à des pillages réguliers de la campagne de Haute-Auvergne. Le chiffre des pauvres à réclamer aumône a dû être gonflé par l’accumulation de ces événements, mais il donne une idée de la publicité dont les funérailles nobiliaires devaient faire l’objet auprès de la population locale. ad Cantal E 749, testament de Jean de Dienne (29 juillet 1580).
  • [41]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0357 51. Testament de Guillaume de Blanzat, seigneur de Lignat, (17 octobre 1618).
  • [42]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 36. Testament de Marc de Montboissier-Beaufort-Canillac, marquis de Canillac (4 avril 1576).
  • [43]
    Joachim de Chabannes-Curton laisse ce choix à sa veuve Charlotte de Vienne. ad Allier, Fonds de Chabannes 22 J 238, Testament de Joachim, baron de Curton (2 août 1553).
  • [44]
    ad Cantal E 848. Testament de Robert de Saint-Géry (1585).
  • [45]
    Antoinette de La Fin, dame de Saint-Didier, prévoit que 20 bichets de blé et « une vache de prix » seront distribués aux pauvres le jour de son enterrement. ad Puy-de-Dôme, 2 E 0 377 109, testament d’Antoinette de La Fin, dame de Saint-Didier. Au sommet de la noblesse régionale, le banquet de funérailles était une véritable assemblée où l’on accourait de l’ensemble de la province. Ainsi, le 23 janvier 1563, la vicomtesse de Polignac régla les frais engagés pour le banquet mortuaire de François-Armand XVI de Polignac. On apprend que « quatre lards, poisant quatre quintaulx quatre vingt cinq livres » ont été fournis pour l’occasion. Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, no 432, livre des dépenses de la vicomté de Polignac, extrait des comptes du 29 janvier 1563.
  • [46]
    Le montant de ce salaire variait selon les capacités financières du seigneur. Si Jacques Rolland, seigneur de Valon, se contente de donner deux « aulnes de panne de burel » aux pauvres présents à ses funérailles, Marc de Montboissier-Beaufort-Canillac lègue dix setiers de blé et 300 l.t. aux pauvres de Laqueuille. Voir ad Cantal 800, testament de Jacques Rolland (1523) et ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 38, testament de Marc, marquis de Canillac (1576).
  • [47]
    Pour annoncer les funérailles d’Anne, vicomtesse de Polignac en mars 1552, le vicomte ordonne de « faire sonner toutes les cloches des églises du Puy, de Polignac, de Sollempnac et autres de sa terre, et ainsi faire durant trois jours ». Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, pièce no 423.
  • [48]
    Ibid., vol. 3, no 432, livre des dépenses de la vicomté de Polignac, extrait des comptes du 11 janvier 1563.
  • [49]
    Jacques Rolland, seigneur de Valon, demande la fondation d’une chapellenie dédiée à la Vierge Marie dans l’église paroissiale de Valon. Le chapelain est tenu de dire une messe tous les samedis en l’honneur de la Vierge avec commémoration de l’âme du défunt et de celle de ses ancêtres. ad Cantal 800, testament de Jacques Rolland (1523).
  • [50]
    En 1492, Gilbert de Montboissier, archidiacre de Saint-Flour, demande la célébration d’une messe par semaine dans chaque église des seigneuries de son frère. ad Puy-de-Dôme 2 E 0355 86, testament de Gilbert de Montboissier (9 juillet 1492).
  • [51]
    Les moines de La Chaise-Dieu et les chanoines-comtes de Brioude étaient présents en 1552 à l’enterrement de la vicomtesse Anne. Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, pièce no 423.
  • [52]
    Gaspard Chabron dit que ce titre a été attribué à Sidoine Apollinaire et que celui-ci l’a transmis comme un éloge héréditaire à ses descendants présumés, les vicomtes de Polignac. La charge symbolique contenue dans ce titre est réactivée au xvie siècle lors de la joyeuse entrée de François Ier au Puy en 1533 qui qualifie le vicomte François-Armand de « roi des Montagnes d’Auvergne ». Voir Gaspard Chabron, Histoire de la maison de Polignac avec les généalogies et armes de la plupart des illustres familles qui y ont esté alliées…, vers 1625, Cahier de la Haute-Loire (éd.), 2007, p. 25.
  • [53]
    François de Dienne demande instamment que son héritière prévienne pour l’enterrement et pour la quarantaine « tous ses parans et amys qu’elle pourra assembler ». ad Puy- de-Dôme, 2 E 0353 3, testament de François de Dienne (1586).
  • [54]
    Dans le cas des petits seigneurs qui n’ont pas de vassaux, ceux-ci doivent recourir à la notabilité locale pour légitimer leur supériorité sociale. Ainsi, Jacques Rolland réclame que les tenanciers de sa terre de Valon soient présents à la messe d’enterrement. ad Cantal 800, testament de Jacques Rolland (1523).
  • [55]
    Philiberte de Clermont, vicomtesse de Polignac, avait fait confectionner par Armand et Pierre Ranquet, tailleurs au Puy, « les acoustrements du premier et second dueilh dudict feu seigneur Françoys, mary de ladicte dame, tant pour ladicte dame, gentilshommes et damoyselles et aultres siens serviteurs ordinaires de son estat », pour la somme de 470 livres tournois et 9 sous. Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, no 432, livre des dépenses de la vicomté de Polignac, extrait des comptes du 6 août 1566.
  • [56]
    Le corps de la vicomtesse est veillé dans le monastère Sainte-Claire fondé par Clauda de Roussillon, vicomtesse de Polignac, dans les faubourgs du Puy, avant de rester huit jours dans l’église Saint-Marcel.
  • [57]
    Anne de Montboissier-Beaufort-Canillac est morte le 9 janvier 1552 et ses funérailles se déroulèrent les 14, 15 et 16 mars 1552.
  • [58]
    Michel Lauwers, « Le sépulcre des pères et les ancêtres. Notes sur le culte des défunts à l’âge seigneurial », Médiévales : la mort des Grands, 31, 1996, p. 67.
  • [59]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 64, testament de Jean de Beaufort-Montboissier et de Jeanne de Maumont (4 juin 1579).
  • [60]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 38, testament de Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac, marquis de Canillac (17 avril 1584).
  • [61]
    « Item, par cy devans lontemps je ay mys en peché par force et violance pour la satisfaction de ma personne, Marguerite Dupuy, estant en l’eaige de onze ou douze ans dont je en ay ma consiance chargé et crains en estre punye de Dieu si ne purge led. peché avec aulmosne et charité ». ad Allier, fonds de Chabannes 22 J 217, testament de Jean de Chabannes, baron de Curton (3 avril 1540).
  • [62]
    Lors de son mariage avec Marchegay, le greffier de la baronnie de Curton, il lui avait constitué une dot de 500 l.t. Dans son testament, il lui fit un autre legs de 500 l.t. Il demanda à ses héritiers de la nourrir et de la loger au château de Madic, avec son mari et ses enfants, pendant une durée d’un an.
  • [63]
    La majorité des testateurs font le choix d’être inhumés dans l’église paroissiale de leur principale seigneurie, comme Jean et François de Dienne à Dienne, Jacques Rolland à Valon, Antoinette de La Fin à Tancon et Robert de Saint-Géry à Salvanhac.
  • [64]
    Lors des enquêtes de noblesse de Louis XIV en 1664-1665, plusieurs nobles, condamnés pour usurpation et pour défaut de preuves écrites, demandèrent aux commissaires de se rendre dans leurs seigneuries, et notamment dans l’église paroissiale, pour voir leur chapelle familiale et les blasons qui les authentifiaient. Claude de Chazerat, finalement maintenu noble sur preuve de généalogie, évoqua le service militaire de ses ancêtres et ses blasons dans l’église de Chazerat. Louis de Ribier, Preuves de la noblesse d’Auvergne, Recherche générale de la noblesse d’Auvergne (1656-1727), t. I, Marseille, Laffitte, 1981, p. 516-517.
  • [65]
    Le marquis de Canillac est enterré dans le tombeau de la famille de Laqueuille dans le chœur de l’église paroissiale. ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 36, testament de Marc de Montboissier-Beaufort-Canillac (4 avril 1576).
  • [66]
    C’est le cas de la famille de Dienne dont la branche cadette était inhumée dans la chapelle Saint-Sauveur de l’église paroissiale de Dienne. ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 10, testament de Jean de Dienne (17 mars 1579), et 2 E 0353 3, testament de François de Dienne (30 mars 1586).
  • [67]
    La constitution de collégiales castrales à vocation funéraire a fait l’objet d’une mise au point récente. Alternatives aux lieux d’inhumation traditionnels, elles permirent à une noblesse essentiellement curiale – les Gouffier ou les Batarnay – de faire des sépultures familiales de véritables sanctuaires dynastiques, voués à la célébration du nom et à la renommée lignagère. Voir Julien Noblet, En perpétuelle mémoire. Collégiales castrales et saintes-chapelles à vocation funéraire en France (1540-1560), Rennes, pur, 2009.
  • [68]
    Marc, marquis de Canillac, et son demi-frère, Jean, vicomte de Pont-du-Château s’opposèrent à cause de la dévolution de la baronnie de Montboissier. Au tournant de la décennie 1580, ils firent également des choix politiques différents, la branche aînée devenant ligueuse tandis que les vicomtes de Pont-du-Château apportèrent un soutien indéfectible à Henri IV dès 1589. Celui-ci promut les vicomtes à des charges provinciales auparavant réservées aux seuls marquis de Canillac, tentant ainsi de faire de cette lignée cadette des nobles seconds, plus dépendants du pouvoir royal mais indépendants du chef de leur lignage. L’émancipation politique des vicomtes de Pont-du-Château par rapport à la branche aînée se marqua par leur émancipation sépulcrale.
  • [69]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 64, testament de Jean, vicomte de Pont-du-Château, et de Jeanne de Maumont (4 juin 1579).
  • [70]
    Cette chapelle avait été fondée le 2 septembre 1524 par Jacques de Montboissier-Beaufort-Canillac, comte d’Alès et seigneur de Pont-du-Château, qui prenait alors l’engagement de faire construire et de fonder une chapelle dans l’aile du château. Elle devait être dédiée à la Vierge et six prêtres, ainsi qu’un lévite, avaient pour tâche de dire les offices divins. La même année, la chapelle fut érigée en chapitre collégial par bulle pontificale, sous le titre de « Chapelle de Notre-Dame de Pont-du-Château », avec un chanoine doyen. Elle était placée sous l’invocation de Notre-Dame du Pilier. À partir de la fin des années 1580, la crypte de la collégiale devint le lieu de sépulture de la branche des vicomtes de Pont-du-Château. ad Puy-de-Dôme, G, fonds de l’évêché, chapitre de Pont-du-Château, I G 1009 et 1075.
  • [71]
    Les ducs de Bourbon, à partir des funérailles de Louis II en 1376, sont enterrés dans le prieuré clunisien de Souvigny. Muriel Gaude-Ferragu, D’or et de cendres…, op. cit. (n. 4), p. 36.
  • [72]
    bnf po 2010 fol. 6, « Montboissier ». Jacques de Beaufort-Canillac, marquis de Canillac, comte d’Alais et de Beaufort fait de son petit-neveu, Jacques de Montboissier, l’héritier de tous ses biens, à condition qu’il relève le nom et les armes des Beaufort-Canillac. Jacques de Beaufort demande expressément à son neveu « que sa maison, nom et armes soient entretenuz en haulteur et noblesse car tel est son plaisir ».
  • [73]
    Tous les membres de la maison de Montboissier y furent ensevelis dès la fin du xe siècle jusqu’aux funérailles de Marguerite de Vienne, dame de Montboissier, en 1524. ad Puy-de-Dôme 2 E 0379 37, testament de Marguerite de Vienne (1524). Le tombeau était situé au pied du maître autel dédié à Saint-Michel, comme le rappelait Jean de Montboissier dans son testament. ad Puy-de-Dôme 2 E 0355 93, testament de Jean, baron de Montboissier (8 mai 1485).
  • [74]
    Le 20 mai 1436, Louis de Beaufort, comte d’Alais et marquis de Canillac, y élit sa sépulture : « E hu egard aussi que plusieurs ou aucuns de nos predecesseurs sont enterrés et ensevelis en ycelluy monastier et, par expres, feu de bonne memoire noble et puissant seigneur monseigneur le comte de Beauffort, nostre grand-pere, frere du pape, qui est et fu enterré en certain sépulcre estant en l’entrée du cuer. » A. Fayard, « Le tombeau de Clément VI à La Chaise-Dieu », Almanach de Brioude, 1963, p. 27-91, p. 60.
  • [75]
    Ce tombeau a été détruit lors de la prise de La Chaise-Dieu par les troupes huguenotes de Blacon en 1562.
  • [76]
    Sur la famille David, voir Gaston Jourda de Vaux, Le Nobiliaire du Velay et de l’ancien diocèse du Puy, Le Puy-en-Velay, 1924-1933, 7 t., vol. II, p. 139.
  • [77]
    En 1380, Jacques David, bourgeois du Puy, devient receveur de la vicomté de Polignac. C’est lui qui choisit d’élire sépulture dans l’église Saint-Laurent aux côtés des Polignac, en achetant les chapelles Saint-Roch et Sainte-Madeleine.
  • [78]
    Jacques David représente le vicomte de Polignac lors des États du Gévaudan réunis à Mende le 16 février 1512. Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 2, no 382.
  • [79]
    ad Haute-Loire B 31, testament de Jacques David et de Clauda de Coubladour (16 août 1545).
  • [80]
    Gaspard Chabron, Histoire de la maison de Polignac, op. cit. (n. 52), p. 63.
  • [81]
    Ce choix dévotionnel est renforcé par le fait qu’il demande que ses funérailles soient célébrées par les Cordeliers de Montferrand. ad Puy-de-Dôme 2 E 0357 51, testament de Guillaume de Blanzat (17 octobre 1618).
  • [82]
    Les 20 mars et 7 avril 1611, elle fit don de reliques au couvent des Capucins où elle voulait établir son sépulcre. ad Puy-de-Dôme, 2 E 0261 et 2 E 0264.
  • [83]
    En 1613, elle remit aux consuls de Billom 6000 l.t. qui devait servir à l’entretien des professeurs du collège. Pierre Delattre, Les Établissements des Jésuites en France depuis 4 siècles, 5 vol., Enghien-Wet Teren, Institut supérieur de théologie, 1940-1957, t. I, p. 704.
  • [84]
    On pense à Fulvie Pic de La Mirandole, comtesse de Randan.
  • [85]
    En 1579, Jean de Dienne demanda la construction d’un « sepulcre nouveau dans lad. esglise de Dienne, au cousté du sepulcre vieulx qui y est a present », car celui-ci avait été endommagé pendant les guerres de Religion. Robert de Saint-Géry donna 40 l.t. en 1585 pour réparer l’église de Salvanhac qui avait été ruinée par les protestants. Les troupes du baron des Adrets détruisirent également la pierre tombale des Polignac dans l’église Saint-Laurent du Puy ainsi que le tombeau des Beaufort-Canillac à La Chaise-Dieu en 1562.
  • [86]
    François de Dienne demande que son frère bâtard, Jean de Dienne, devienne prieur du prieuré qu’il a fondé à Saint-Hyppolite de Bradières pour le salut de son âme et pour la commémoration de la mémoire de ses ancêtres : « A vollu et ordonne led. testateur que le prieuré de Sainct Yppoly de Bradiere soict baillé a Jen de Dienne, bastard, s’il ce veult faire prebstre ». ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 3, testament de François de Dienne (30 mars 1586).
  • [87]
    Pierre-Clément Timbal, « les legs pieux au Moyen-Âge », dans La Mort au Moyen Âge, colloque des historiens médiévistes français, op. cit. (n. 3), p. 23-26, p. 24.
  • [88]
    Sur le rôle des fondations pieuses dans les stratégies sociales des fondateurs et sur leur utilisation dans la construction d’une religion civique chez les élites urbaines allemandes dans la seconde moitié du xvie siècle, voir Christian Kuhn, « Les fondations pieuses dans la représentation historique. L’exemple du Grand livre des Tucher de Nuremberg (1590) », Histoire urbaine, 27, avril 2010, p. 59-75.
  • [89]
    ad Cantal 800, testament de Jacques Rolland, seigneur de Valon (1523).
  • [90]
    Elle y fonda la célébration de trois messes hebdomadaires pendant un an sur son sépulcre en l’église de Tancon mais elle fonde, à perpétuité, la célébration d’une messe haute quotidienne dans l’église de Saint-Didier. ad Puy-de-Dôme 2 E 0 377 109, testament d’Antoinette de La Fin, dame de Saint-Didier (1559).
  • [91]
    Cette hypothèse abonde dans le sens des conclusions de Joseph Morsel sur les femmes de la noblesse franconienne. Joseph Morsel, « La noblesse dans la mort. Sociogenèse funéraire du groupe nobiliaire en Franconie (xive-xvie siècles) », dans Autour des morts. Mémoire et identité, Actes du Ve colloque international sur la sociabilité (Rouen 1998), Olivier Dumoulin et Françoise Thelamon (éds.), Rouen, Publications de l’université de Rouen, 2001, p. 387-408.
  • [92]
    Robert Boutruche considérait qu’un seigneur de moyenne noblesse fondait en général trois messes hebdomadaires, une ou deux chapellenies et quatre à huit anniversaires. Robert Boutruche, « Aux origines d’une crise nobiliaire : donations pieuses et pratiques successorales en Bordelais du xiiie au xvie siècle », Annales d’histoire sociale, 1, janvier 1939, p. 161-177 et 257-273, p. 165.
  • [93]
    Il s’agit de l’église du chapitre de Saint-Jal, de celle de Moissac dont la clé de voute porte les armes des Dienne et de l’église Saint-Hyppolite de Bradières.
  • [94]
    Robert Boutruche, « Aux origines d’une crise nobiliaire… », op. cit. (n. 92).
  • [95]
    Il a seulement été possible de connaître le coût de l’embaumement du corps de Guillaume d’Apchon, assassiné par le vicomte d’Aubeterre en 1565 : « pour faire ouvrir et embausmer le corps de sond. frere qui mourut deux jours appres son arrivé, a led. seigneur comtable, payé la somme de quatre cens cinquante cinq livres ». ad Allier E 265 5, Compte rendu par Antoine d’Apchon, seigneur de Chanteloube, à Marguerite d’Albon, sa mère, sur les dépenses engagées pour venger Guillaume d’Apchon (1565).
  • [96]
    Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, no 432, livre des dépenses de la vicomté de Polignac, extrait des comptes du 9 janvier 1563.
  • [97]
    Jean-Baptiste Champeval, Le Rôle du ban et arrière-ban du Haute-Auvergne en 1503, Riom, 1911.
  • [98]
    Louis de Ribier, Preuves de la noblesse d’Auvergne (1656-1727), op. cit. (n. 64), p. 74, contrat de mariage de Nicolas de Beauclair avec Jeanne de Dienne, 7 avril 1502, fourni comme preuve de noblesse de Jean-Pons de Beauclair en 1666.
  • [99]
    C’est le cas pour les six chanoines de la collégiale castrale Notre-Dame du Pilier, fondée en 1524 dans le château de Pont-du-Château par Jacques de Montboissier-Beaufort-Canillac, peu après son mariage avec Jeanne de Chabannes-la Palice. ad Puy-de-Dôme, G, fonds de l’évêché, chapitre de Pont-du-Château, I G 1075.
  • [100]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0359 41, quittance d’« augmentation du divin service pour feu dame Antoinette de La Fin » (12 février 1581).
  • [101]
    Sur le rôle des fondations pieuses dans le renforcement de l’identité nobiliaire pendant la Ligue, voir Ariane Boltanski, « Des fondations pieuses de nobles français dans la seconde moitié du xvie siècle. Défense de l’orthodoxie et territoire », dans Le Salut par les armes. Noblesse et défense de l’orthodoxie (xiiie-xviie siècle), Ariane Boltanski et Franck Mercier (éds.), Rennes, pur, 2011, p. 251-265.
  • [102]
    C’est aussi à partir du début du xvie siècle que la basilique de Saint-Denis devint une nécropole dynastique rassemblant, de plus en plus systématiquement tous ceux qui partageaient le sang de France. En 1609, la dépouille de Catherine de Médicis, inhumée à Blois, est rapatriée dans la nécropole royale. Le corps de la reine subit une série de vérifications biologiques destinée à l’identifier avec certitude. C’est bien la donnée biologique du sang qui créait la race. Voir Jean-Marie Le Gall, Le Mythe de saint Denis : entre Renaissance et Révolution, Seyssel, Champ Vallon, 2007, notamment le chapitre xii, p. 416 sq.
  • [103]
    Le cas particulier de Jean de Chabannes, marqué par la macule du pêché, qui ne fut pas enterré dans le tombeau familial tend à montrer qu’il n’a sans doute pas voulu entacher le sang et les vertus des Chabannes.
  • [104]
    Arlette Jouanna, L’Idée de race en France au xvie siècle et au début du xviie siècle, Montpellier, université Paul-Valery, 1981 (1976).

1L’histoire de la mort se situe à la croisée de plusieurs courants historiographiques. Elle est longtemps restée redevable à l’analyse des Ars moriendi[1]. L’interprétation qui est alors faite de l’appareil cérémoniel qui l’encadre, comme rite de passage inéluctable, se focalise autour de la question de la piété ; la liturgie funéraire étant censée être la même pour tous les chrétiens [2]. Mais elle doit aussi beaucoup à l’analyse des rituels au Moyen Âge et au début de l’époque moderne. Ralph Giesey s’est ainsi intéressé aux funérailles royales, qu’il replaçait dans les grandes cérémonies de la monarchie, et auxquelles il accordait une efficacité politique participant pleinement de la construction du pouvoir royal. Si Élisabeth Brown et Alain Boureau ont pointé la fragilité des théories cérémonialistes, dont la démonstration associerait tout acte royal à l’absolutisme, Colette Beaune [3] et, à sa suite, Muriel Gaude-Ferragu [4] ont rappelé que les obsèques concouraient tout à la fois de la mise en scène du rang et de la puissance des princes, tout comme elles rappelaient à l’éternité que la mort n’accueillait que d’humbles chrétiens.

2Désormais bien connu pour le corpus sociologique des rois et des princes de la fin du Moyen Âge, le terrain reste largement inexploré pour une noblesse moyenne, ou plus modeste, pour qui l’essentiel de la distinction sociale reposait encore aux xvie et xviie siècles sur la propriété féodale [5]. Pourtant, Michel Lauwers a souligné le lien intrinsèque qui se nouait autour du fief entre vivants et morts. Il rappelle que l’apparition du pouvoir seigneurial a vu naître simultané­ment les mottes castrales et la fondation de nécropoles familiales. La constitution d’un corpus documentaire d’une vingtaine de testaments, principalement conservés aux archives départementales permet de suivre partiellement les dernières volontés de leurs auteurs, gentilshommes d’Auvergne et du Bourbonnais. Entre 1486 et 1624, bornes chronologiques de cette étude, la cérémonie des funérailles et la géographie des inhumations renforçaient quotidiennement la légitimité du lignage du défunt en dessinant les frontières de la territorialisation de sa potestas. La mort du seigneur, rendue publique par l’organisation des obsèques, entrait dans la politique de consolidation du pouvoir seigneurial en proclamant la continuité de la dynastie des héritiers qui se succédaient à sa tête [6]. Les funérailles étaient le terreau sur lequel se fondait le culte des ancêtres, gage de l’aptitude de leurs descendants à être également puissant. Les gestes d’une vie aristocratique s’inséraient dans une logique générale de maîtrise et d’affirmation de son pouvoir personnel et de celui des siens. L’appartenance à la noblesse passait, dans l’Auvergne de la première modernité, par la détention du pouvoir de commandement propre à l’exercice de la dignité seigneuriale.

3Les rites funéraires appartenaient aux rites sociaux destinés à manifester le rang et la qualité du défunt. Seule cérémonie véritablement personnelle de la vie du seigneur [7], la mort noble se devait d’être distincte de la mort du vulgaire. Événement central de la vie de la seigneurie, il s’agissait d’un spectacle offert à tous et où chacun était mobilisé pour honorer le défunt uni pour l’occasion à l’ensemble de ses parents, vivants et morts. Les obsèques empruntaient plusieurs significations selon la position sociale qu’occupait le trépassé dans la hiérarchie nobiliaire. Pour une petite noblesse, qui se situait bien souvent aux marges culturelles et sociales de la noblesse, elle servait avant tout à identifier le lignage [8], à le différencier de la notabilité locale et à affirmer son appartenance à la noblesse en le rattachant à des « prédécesseurs ». Cette nécessité de manifester publiquement l’ancienneté de son lignage, par le biais de l’inhumation dans le tombeau familial [9], permettait de dire par la mort la naissance du défunt et de le replacer dans la continuité de la généalogie familiale. L’organisation des funérailles et le choix du lieu de l’inhumation étaient des enjeux essentiels pour la petite noblesse, car il s’agissait de l’une des rares occasions où elle pouvait mettre en scène sa différence sociale, dans un monde où finalement peu de chose la distinguait quotidiennement. Les funérailles du seigneur servaient de ciment de la communauté villageoise car, en donnant à voir la hiérarchie des pouvoirs dans la seigneurie, elles les confortaient. Puissant marqueur de l’identité nobiliaire, elles permettaient de manifester, dans le cadre de l’église, les privilèges seigneuriaux liés au sacré, comme la possibilité pour le seigneur de se faire inhumer au sein de l’église ou dans des chapelles dépendantes de ses seigneuries. Les fondations de chapelles, dans les testaments, illustraient le lien unissant les gentilshommes à leurs fiefs. Bien plus que la mort d’un chrétien, c’était la mort d’un seigneur qui était donnée à voir aux villageois. Ces privilèges concouraient pleinement aux mécanismes de création et de pérennisation de la topolignée. Le plus grand investissement symbolique était porté sur les funérailles du chef de nom et d’armes ; les obsèques des femmes et des autres membres de la maison étaient généralement plus réduites [10]. En effet, en mettant en scène « les signes de la parenté [11] », comme le nom et le blason, avec les signes matériels de la cérémonie proprement dite et les fondations pieuses, les funérailles formaient un discours lignager cohérent, compris de tous à l’échelle locale. Les pierres tombales et les litres funé­raires [12] venaient inscrire dans la pierre la continuité, parfois fictive, de la domination d’une famille rendue vivante par un nom. C’était par la célébration des funérailles que l’on célébrait la naissance du défunt au ciel ; la collectivité était donc engagée dans cette évaluation de l’honneur et de l’estime lignagers. L’ensemble de la communauté était à même de juger ces marques d’estime tarifées qui donnaient à voir la hiérarchie sociale et le pouvoir d’un lignage sur la terre.

4Comment suivre ces enjeux ? En utilisant les testaments dont l’élection de sépulture et la prévision, parfois scrupuleuses des obsèques, nous livrent un cadre de la mort qu’on peut étudier de façon sérielle. Le choix d’échantillonner ces processus à travers l’étude du groupe restreint des noblesses d’Auvergne et du Bourbonnais s’explique par la volonté de comprendre l’impact de ces usages dans la reconduction d’un pouvoir nobiliaire provincial, largement légitimé par la seigneurie et non par le regard royal.

Une cérémonie révélatrice des positions sociales

5La rédaction d’un testament avait pour finalité l’institution d’héritier et, si les fondations pieuses et l’élection de sépulture y avaient leur place, ce n’était pas le cas de l’organisation cérémonielle des funérailles [13]. Ces dernières étaient laissées aux usages de chaque groupe lignager, car elles devaient exprimer au mieux leur pouvoir [14]. En théorie, les obsèques n’étaient décrites par le menu que lorsque le testateur adoptait des modalités particulières. Néanmoins, tous les testaments consultés contiennent des clauses d’organisation du déroulement des obsèques ainsi qu’une élection de sépulture. Malgré une relative inflation de détails dans l’ordonnancement des funérailles et dans le nombre de fondations pieuses à partir des années 1560, les testaments étudiés, qui s’échelonnent dans un long xvie siècle [15], pré­sentent une grande homogénéité. En effet, jusqu’à la fin du xviie siècle, la mort des gentilshommes auvergnats conserva une bonne partie des usages en vigueur à la fin du Moyen Âge, et elle resta indifférente à la plupart des modes funéraires renaissantes, comme l’organisation de funérailles à l’antique [16].

6On peut tout de même isoler trois types de prescriptions funéraires dans les testaments auvergnats et bourbonnais.

7Quelques testateurs [17] s’en tiennent à la tradition lignagère, réclamant invariablement d’« honorables funérailles » conformes à celles de leurs prédécesseurs, à leur qualité et à celle de leur maison. Les détails matériels de la pompe funèbre étaient laissés à la discrétion des héritiers étant les plus à même de rendre effectivement compte de la dignité du défunt et de celle de sa famille. Mais dans la majorité des cas, les testateurs décrivent l’organisation de la cérémonie tout en justifiant leurs choix liturgiques. Certains, comme François de Dienne [18], n’épargnent aucun détail et commandent même à leurs héritiers d’accomplir un pèlerinage en Terre sainte. Ces nobles ne ménageaient ni leur peine ni leur argent pour organiser un spectacle fastueux destiné à un large public populaire. La cérémonie ne différait qu’en degré selon la condition sociale mais sa raison d’être restait la même : conforter son rang en le manifestant. Une dernière catégorie se réduit au cas spécifique des trois seigneurs qui étaient également les chefs des maisons les plus puissantes de la province : le marquis de Canillac, Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac [19], le vicomte de Polignac, François-Armand XVI [20], et le baron de Curton, Jean de Chabannes [21]. Ils demandaient instamment à ce qu’« aulcune pompe ne honneur ne assemblee [22] » ne soient faites pour leurs funérailles. Ce choix de funérailles pénitentielles était directement inspiré des funérailles princières [23]. Caractérisées par un refus de toute ostentation et par la recherche de l’humilité, elles donnaient à voir le modèle de la « bonne mort » chrétienne. Le refus des pompes funèbres était un marqueur social particulier, en vogue auprès des Grands et de la noblesse curiale. En faisant ce choix, Polignac, Chabannes et Montboissier-Beaufort-Canillac revendiquaient leur appartenance à cette élite, et ils se distinguaient volontairement du reste de la noblesse provinciale. Organiser des funérailles proches de celles du commun était paradoxalement un moyen efficace pour cette aristocratie de marquer sa supériorité par sa différence. Ce geste d’humilité et de dévotion pouvait ainsi être perçu comme un acte ostentatoire. D’ailleurs, la présence du luminaire [24], même s’il était réduit, et l’omniprésence du décor blasonné rappelaient la grandeur du défunt.

8L’homogénéité des rites funéraires, tout au long de la Renaissance, est une clef d’entrée pour replacer le disparu dans la hiérarchie des dignités grâce aux degrés de faste déployé, mais aussi par le choix de la sépulture. Certains critères récurrents peuvent être retenus pour rétablir une échelle de valeurs, subtile mais nette, entre les nobles auvergnats et bourbonnais. Le statut du mort est ainsi identifié par plusieurs points de comparaison : l’importance du luminaire pendant le déroulement des obsèques, la place des pauvres et des religieux convoqués pour l’occasion, ainsi que la profusion du décor héraldique. La durée d’exposition du corps, la présence éventuelle d’effigie [25] et la composition du cortège funèbre s’ajoutent pour construire les éléments d’un langage cohérent par lequel les testateurs mettaient en scène une dernière fois leur puissance lors de leurs obsèques.

9Le rang social du défunt était tout d’abord codifié par l’apparat du luminaire présent pendant les funérailles. La plupart du temps frappés aux armes du défunt, les torches et les cierges constituaient le matériel principal du décor funèbre aristocratique. Ils permettaient une gradation fine qui, par le nombre de cierges employés et par la qualité de ceux-ci, s’échelonnait selon la fortune et la dignité du trépassé. Tout d’abord réservé aux funérailles princières, le luminaire fut ainsi progressivement intégré aux funérailles seigneuriales à la fin du Moyen Âge. S’inspirant directement des funérailles des Bourbon, dont celles de Pierre de Beaujeu en 1503 [26] auxquelles ils étaient présents, les Polignac et les Montboissier-Beaufort-Canillac se livrèrent à une véritable débauche luminaire, ce qui les distingua du reste de l’élite provinciale. En 1552, les obsèques d’Anne de Montboissier-Beaufort-Canillac, vicomtesse de Polignac, furent illuminées de 820 torches armoriées tandis qu’en 1576, pour celles du marquis de Canillac, son frère, on eut recours à plus de 400 torches armoriées. Il y avait là une rupture quantitative avec le reste de la noblesse locale, car les plus importantes familles auvergnates se contentaient généralement d’une cinquantaine de torches pour les funérailles du chef de famille [27], ce qui les situait pourtant dans un niveau ostentatoire déjà important [28]. Les membres d’une modeste noblesse provinciale, aux capacités financières plus réduites, insistaient davantage sur le symbolisme en choisissant souvent 13 torches, une pour chacun des Apôtres et une pour le Christ [29].

10Un autre élément central du spectacle visuel était l’omniprésence du blason, rendu dans toute la sophistication de sa composition par le luminaire. Les armoiries permettaient d’identifier le défunt et de le rattacher à ses ancêtres. Elles venaient rappeler à chacun le renom d’un lignage, car elles renvoyaient aux images mentales qui venaient à l’esprit à son évocation [30]. Le discours armorié faisait partie intégrante de la hiérarchie sociale puisqu’en martelant la dignité de chaque famille, il était garant de sa réputation. Enjeu du positionnement social des nobles, il les insérait dans une mémoire familiale plutôt que dans une mémoire individuelle. La présence du décor armorié pendant les funérailles d’Anne de Montboissier-Beaufort-Canillac, vicomtesse de Polignac, soulignait avec force ses liens de parenté avec de prestigieux ancêtres : les papes Roger de Beaufort [31]. Cette filiation plaçait les Montboissier-Beaufort-Canillac au-dessus de toutes les autres familles auvergnates, car aucune autre ne pouvait rivaliser avec une telle généalogie, pas même les Polignac qui se prétendaient pourtant héritiers de Sidoine Apollinaire et d’Apollon [32]. Les armes de sa maison éclipsèrent ainsi celles des Polignac, qu’elle avait reçues lors de son mariage, mais c’est bien l’honneur des papes qui rejaillissait incidemment sur les vicomtes du Velay.

11Quels étaient les supports traditionnels du décor blasonné ? Si tous les testateurs rencontrés demandèrent que les torches fussent armoriées, c’était bien l’ensemble de l’église, devenue pour un temps espace de deuil, qui en était orné [33]. Apposées sur les murs de la nef et du chœur, les litres funéraires armoriées donnaient à voir les prééminences seigneuriales du défunt et de sa famille sur l’espace public de l’église paroissiale, et elles contribuaient à les désigner en topolignée [34]. Élevée dans le chœur et entourant le cercueil, la chapelle ardente constituait l’acmé du décor héraldique qui prenait alors pleinement son rôle d’identification du mort. Ce processus, rendu nécessaire par l’invisibilité du corps enfermé dans le cercueil, rappelait le lien personnel que chaque noble entretenait avec ses propres armes et qui passait par une forme d’appropriation individuelle au sein de l’identité familiale collégiale. Détenteur momentané du blason le temps d’une génération, le chef de nom et d’armes, mais aussi tous les autres membres de la maison, exprimaient une volonté commune de rester maîtres de leurs armoiries après leur trépas. Guillaume de Chalencon insérait ainsi une clause particulière dans son testament [35] : il interdisait lors de la messe principale d’enterrement et dans les offices de quarantaine, ou de bout de l’an, de faire son pané­gyrique, de blasonner et de disserter sur ses armoiries. Celles-ci ne pouvaient être utilisées que sur des torches et uniquement pour l’usage de la messe [36]. Catherine Cholet, dame de La Fayette, demanda à être ensevelie dans un drap de velours frappé de ses armes [37]. Le blason n’était donc pas uniquement destiné à l’identification du défunt auprès de la communauté des vivants. Ainsi unie aux possesseurs des mêmes armes, elle pouvait être accueillie par les siens au royaume des Cieux, reconnue par eux grâce au signe du blason. Cette action l’engageait personnellement sans intervention des vivants et l’ensevelissement dans un drap armorié la plaçait dans une continuité lignagère qui permettait de l’identifier au-delà du temps des hommes [38]. Les armoiries occupaient une place centrale dans les funérailles nobles et elles étaient importantes pour la formation de l’identité lignagère. Elles devaient aussi permettre l’identification immédiate du seigneur par les groupes villageois et, par là même, la reconnaissance de sa supériorité sociale.

12La présence de pauvres dans le cortège funèbre [39] est également un aspect cérémoniel communément partagé par les testateurs auvergnats. Ils avaient en effet une fonction pratique qui rendait leur assiduité obligatoire : porter les torches armoriées. Considérés comme des intercesseurs privilégiés entre Dieu et les hommes, ils incarnaient le Christ souffrant et ils recevaient de nombreux dons testamentaires. En retour, ils devaient prier pour le repos de l’âme du défunt. Le fait était si coutumier au xvie siècle qu’ils se déplaçaient à chaque enterrement pour recueillir une aumône [40], geste qui était parfois répété tous les ans. Véritable spectacle offert en l’honneur du défunt, il célébrait sa mémoire et la magnanimité de ses héritiers.

13Il ne s’agissait pas de n’importe quel pauvre et ils faisaient l’objet d’une sélection rigoureuse. Certaines catégories étaient particulièrement convoquées pour les funérailles. Tous devaient pouvoir témoigner de la noblesse du disparu. Choisis par les héritiers parmi « les plus necessiteux qu’il ce trouvera » [41], ils étaient recrutés dans les seigneuries du défunt suivant une répartition numéraire proportionnelle à l’importance occupée par le fief dans le patrimoine lignager. En 1576, Marc de Montboissier-Beaufort-Canillac [42] convoqua ainsi un nombre précis de pauvres provenant des quatre coins de ses possessions : à Laqueuille, où il souhaitait être enterré, 100 pauvres habitants devaient être présents à ses funérailles. Les intendants du marquisat de Canillac, du comté d’Alais et de la vicomté de Pont- du-Château devaient également partir en quête de 100 pauvres dans chacune de ces terres qui formaient le cœur de ses possessions. Pour les seigneuries moins importantes, sur lesquelles ne reposait aucun investissement symbolique et identitaire particulier, il recommandait la présence de 20 pauvres de chaque paroisse. Ces « bons » pauvres donnaient à voir tous les aspects de l’indigence. Les Auvergnats, principalement les femmes nobles, avaient une préférence pour les jeunes filles qui devaient ensuite être mariées selon la volonté du testateur [43]. Leur sollicitation se portait également sur les veuves et les orphelins. Robert de Saint-Géry demandait la présence de 13 « pauvres enfants » [44]. En livrée de deuil et le visage recouvert d’un capuchon noir, ils donnaient une dimension pénitentielle à la procession renforcée par le port des torches armoriées. Ils y gagnaient un repas au château [45], en plus de l’aumône qui s’apparentait d’ailleurs davantage à un salaire [46].

14Le convoi funéraire, qui conduisait le défunt de la demeure seigneuriale à l’église paroissiale, était lui aussi régi selon un ordre rigoureux. Mené par le clergé, il s’apparentait à une procession populaire qui rappelait le pouvoir du défunt sur terre et sur ses terres. Outre la présence de religieux mendiants et de prélats dans certains cas, l’ensemble des prêtres des seigneuries du défunt devait être présent aux obsèques. Ils tenaient une place particulière dans la politique de légitimation du lignage comme topolignée, car c’étaient eux qui informaient vassaux et habitants de la mort du seigneur en faisant sonner les cloches [47]. Le 11 janvier 1563, Philiberte de Clermont, vicomtesse douairière de Polignac, versa la somme de 19 livres tournois à Pierre et Michel Molhade, prêtres de Polignac, « pour entier payement de la sonerie qu’ils ont faict des cloches de la paroisse dudidct Polignac durant la quarantaine après le trespas de feu monseigneur le vicomte de Polignac » [48]. La participation du clergé local à la domination de la maison seigneuriale était renforcée par le rôle qu’ils jouaient dans la continuité de la mémoire lignagère. En effet, les testaments comportaient des fondations pieuses destinées à assurer le repos de l’âme du défunt unie à celle de ses ancêtres [49]. Ces fondations prenaient souvent la forme de messes hautes célébrées quotidiennement, ou chaque semaine, dans les seigneuries familiales [50]. Le clergé seigneurial assurait donc, au-delà du temps résiduel des obsèques, la mémoire vive de la noblesse locale, et il était un outil privilégié de l’exaltation de son pouvoir et de son ancrage dans la longue durée. Par ce biais, les Polignac confortaient leur ambition à dominer le Velay : l’ensemble des prêtres du diocèse du Puy, ainsi que les moines des principales abbayes et chapitres nobles auvergnats [51], étaient pré­sents aux obsèques des vicomtes et des vicomtesses, faisant d’eux les « rois des Montagnes d’Auvergne » [52].

15C’est finalement l’ensemble du cortège funèbre qu’il faut interpréter comme une cérémonie seigneuriale à part entière. Même si dans le cas des seigneurs auvergnats, le trajet parcouru par le convoi était souvent court, il donnait lieu à une mise en scène particulière, proche des joyeuses entrées. Traversant les principaux lieux de pouvoir du lignage noble, il réinvestissait symboliquement la seigneurie du pouvoir du seigneur défunt. L’ensemble des amis et des parents prenait place dans le cortège [53], en compagnie des vassaux du défunt [54], de ses voisins et de ses domestiques, tous en tenue de deuil [55]. Si les testaments restent muets sur le trajet emprunté par le cortège funèbre, le récit des funérailles d’Anne de Montboissier-Beaufort-Canillac permet de reconstituer le parcours symbolique qui mena la défunte du lieu de sa mort, le château de La Voûte-Polignac, au lieu de sa dernière demeure, l’église des Jacobins, Saint-Laurent du Puy. Le corps fut successivement exposé dans les églises des principales possessions des Polignac, à l’église Saint-Vincent de Solignac, puis à l’église Saint-Martin de Polignac. Il fut ensuite transporté dans l’enceinte de la ville du Puy, où accompagné par les consuls, alliés traditionnels des vicomtes face au pouvoir épiscopal, il voyagea dans toutes les églises où les Polignac détenaient un droit de patronage [56]. Après une itinérance de plus de deux mois [57], le cercueil de la vicomtesse de Polignac arriva à l’église Saint-Laurent où furent célébrées les obsèques et l’inhumation.

16L’analyse des rites funéraires et des pratiques d’inhumation étaient-elles révélatrices du statut social des individus ?

Les lieux d’inhumation, des sanctuaires familiaux ?

17Tous les testaments étudiés comportent une clause précise d’élection de sépulture. Hormis le cas exceptionnel de Jean de Chabannes, baron de Curton, la norme était l’inhumation dans le tombeau familial, que l’on peut qualifier de sepulcrum patrium[58]. En invoquant leurs pères, les testateurs auvergnats distinguaient les formes diverses de la parenté. Jean de Beaufort-Montboissier, vicomte de Pont-du-Château, voulait être enseveli « au tombeau de son pere et ancestres » [59] tandis que Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac, marquis de Canillac « veult que sond. corps soit apporté a La Queille au sepulcre ou son madame nostre mere a esté enterree ains nos predecesseurs » [60]. Ils faisaient donc référence à une parenté immédiate et nommée, à laquelle ils étaient attachés par des liens personnels et affectifs, puis ils s’inscrivaient dans une parenté lointaine, toujours collective, anonyme et indifférenciée, les ancrant ainsi à la mémoire ancestrale et à la terre mère du lignage.

18Le choix du lieu de l’inhumation et la constitution de nécropoles dynastiques étaient importants pour conforter le pouvoir de la famille du défunt localement et pour maintenir sa place au sein de la noblesse provinciale. Cette politique d’élection sépulcrale offrait un cadre permanent à la célébration de la memoria du mort et de celle de ses parents. Cette pratique perpétuait le statut d’exception de la noblesse : en se faisant inhumer dans le tombeau familial et en faisant entretenir la mémoire de ceux qui y sont enterrés, les seigneurs rappelaient qui leur avaient légué leur autorité. Les petits nobles n’avaient sans doute guère d’autre moyen de légitimer leur pouvoir. Transmis dans les familles aristocratiques, le pouvoir seigneurial rendait nécessaire l’entretien de la mémoire lignagère et des tombeaux familiaux.

19Le cas de Jean de Chabannes-Curton, qui refusa d’être inhumé dans le tombeau de la chapelle castrale de Madic, s’inscrit paradoxalement dans la célébration de la memoria et dans la volonté de maintenir intacte la puissance locale de sa maison. Ayant violé une enfant n’ayant pas atteint l’âge nubile [61], il fit le choix d’une inhumation séparée et individuelle, comme s’il ne souhaitait pas souiller le sépulcre familial de son péché. En effet, même s’il avait tenté de réparer sa faute en faisant des legs importants à la victime et en la mariant à l’un de ses officiers seigneuriaux [62], Jean de Chabannes restait obsédé par la crainte du Jugement dernier. Il mit en place un service pieux individuel pour le rachat de son âme, indépendant des autres fondations familiales, veillant ainsi à ne pas troubler, par le désordre provoqué par sa faute, la commémoration honorant les Chabannes. La fama de son lignage était préservée. Cette exclusion volontaire de la maison de ses ancêtres était perceptible dans l’élection de sa sépulture, car il refusa d’être enterré sur ses terres et même en Auvergne, là où résidaient le renom et le pouvoir des siens. Son choix se porta alors sur Bordeaux, une ville où il n’avait aucune attache et sur des spécialistes de la prière, les Ermites de Saint-Augustin. Ce type d’inhumation, chez les Frères Mendiants, était censé rendre plus efficace les prières destinées au salut, car en plaçant sa propre mort sous les auspices de la pauvreté volontaire, Curton s’élevait plus près de Dieu. S’écartant du spectacle des funérailles seigneuriales et de la légitimation post- mortem apportée par l’ensevelissement dans le tombeau familial, le baron concourut au maintien du pouvoir local des Chabannes, en évitant que son délit entache leur renom.

20La géographie des élections de sépulture est utile pour percevoir une hiérarchie sociale au sein de la noblesse locale. On n’était pas enterré dans les mêmes lieux selon que l’on était coseigneur d’un modeste fief ou puissant feudataire titré.

21L’inhumation dans l’église paroissiale était en général la norme pour les gentilshommes, même si elle est considérée par les historiens comme peu gratifiante ; aucun Grand ne l’ayant adoptée. Les membres de la petite noblesse provinciale, d’envergure locale, avaient une préfé­rence affirmée pour le tombeau familial construit dans l’église paroissiale de leur unique ou de leur principale seigneurie. Celui-ci matérialisait leur emprise sur la terre et sur les hommes. La plupart des gentils-hommes détenaient des droits d’enfeu et de patronage, qui les faisaient bénéficier d’une sépulture gratuite dans le chœur de l’église. Dans ce cas, la tombe servait d’illustration à leurs privilèges seigneuriaux, tout en les concrétisant. Elle jouait à plein dans les mécanismes de domination de la famille seigneuriale sur la seigneurie. Lorsque Robert de Saint- Géry, coseigneur de Salvanhac demanda à être enterré dans le tombeau de ses parents situé dans le chœur de l’église de Salvanhac [63], ce choix devait lui sembler comme le seul possible mais aussi comme le plus nécessaire. Si une pierre tombale ou une chapelle n’étaient en soi ni des signes de noblesse ni des signes de possession de la seigneurie, c’était l’apposition de marques particulières, comme le blason familial, qui y montrait l’appropriation d’un lignage sur ce fief. Elles pouvaient également, le cas échéant, servir de preuves de noblesse, en un temps où la conservation des papiers familiaux était aléatoire [64]. Mais tous les emplacements ne se valaient pas dans l’édifice ecclésial. Le chœur était réservé aux patrons de l’église paroissiale [65], tandis que la fondation de chapelles adjacentes était plutôt destinée aux autres familles nobles et notables de la seigneurie, voire même aux cadets de la principale famille seigneuriale [66]. Cependant, le simple fait de ne pas être enseveli dans le cimetière paroissial, comme le commun des mortels, et de bénéficier d’une sépulture infra ecclesia était un honneur recherché qui suffisait bien souvent à différencier le noble du vulgaire.

22Plusieurs nobles firent le choix, plus prestigieux, d’être enterrés dans la chapelle castrale de leur principal château ou dans des collégiales fondées par leurs aïeux [67]. Dans la seconde moitié du xve siècle, les Balsac d’Entragues abandonnèrent leur chapelle familiale dans l’illustre église Saint-Julien de Brioude pour fonder, en 1483, leur propre collégiale dans le château de Saint-Chamand. Cette modification de leur politique d’implantation sépulcrale intervenait au moment où ils venaient d’acquérir cette terre aux Scorailles : peut-être faut-il y voir une volonté de faire de cette seigneurie le nouveau cœur de la puissance patrimoniale des Balsac. L’inhumation dans une chapelle castrale signifiait le regroupement dans la mort de tous ceux qui avaient vécu de leur vivant dans la même demeure. Elle révélait par là même un désir d’autonomisation d’une lignée particulière, généralement cadette, par rapport au reste du lignage. Ce fut par le biais de la fondation d’un nouveau tombeau dans la chapelle du château de Pont-du-Château que la branche des Beaufort-Montboissier, vicomtes de Pont-du-Château, montra qu’elle était en conflit ouvert avec la branche aînée des marquis de Canillac, et qu’elle s’autonomisait politiquement de celle-ci [68]. Jean, vicomte de Pont-du-Château [69], demanda à être inhumé dans la chapelle de Pont-du-Château [70], avec sa femme et ses enfants, abandonnant ainsi les lieux d’inhumation traditionnels des Montboissier-Beaufort-Canillac dans les monastères de La Chaise-Dieu et de Cunlhat.

23À mesure que l’on gravit l’échelle sociale de la noblesse auvergnate, une certaine volonté d’effacer le lien direct avec les terres possé­dées se fait plus prégnante. La haute noblesse, détentrice d’un important patrimoine foncier, devait souvent faire face à la dispersion géographique de ses possessions. Même si son capital était structuré autour de la détention de quelques seigneuries à fort investissement symbo- lique, il lui était plus difficile, et sans doute peu nécessaire, de s’inscrire dans les mécanismes de perpétuation de la topolignée. La légitimation de son pouvoir passait par d’autres modes de reconnaissance dans lesquels le pouvoir local des communautés villageoises n’intervenait plus ou prou. Cette haute noblesse provinciale faisait souvent le choix d’imiter les funérailles et les dévotions princières en se faisant inhumer dans des sépultures conventuelles. Les abbayes bénédictines accueillaient traditionnellement les tombeaux des familles princières à la fin du Moyen Âge [71], et les Auvergnats cherchant à exalter leur lien avec cette aristocratie faisaient ce choix. Ainsi, les Montboissier-Beaufort-Canillac disposaient des sanctuaires familiaux les plus prestigieux d’Auvergne : avant la substitution des noms et armes de 1511 [72], les Montboissier possédaient un tombeau dans le monastère bénédictin de Cunlhat [73], fondé en 966 par leur aïeul, le premier seigneur de Montboissier, Hugues-Maurice. Les Beaufort-Canillac étaient, quant à eux, enterrés [74] dans le tombeau des papes Clément VI et Grégoire XI à l’abbaye de La Chaise-Dieu, au pied du maître autel [75]. C’était un moyen pour les premiers de manifester le caractère immémorial de leur noblesse en exaltant une filiation carolingienne tandis que les seconds rattachaient leurs origines plus récentes aux papes Roger de Beaufort. Alors pourquoi les Montboissier-Beaufort-Canillac abandonnèrent- ils ces prestigieuses sépultures au cours du xvie siècle ?

24Cette mutation est à mettre sur le compte de l’accomplissement de la substitution du nom et des armes des Beaufort-Canillac en faveur de Jacques de Montboissier. Celui-ci était désormais nommé dans les actes comme étant « Jacques de Beaufort, originaire de Montboissier », et l’effacement du patrilignage au profit du matrilignage passa par la rupture définitive avec le sépulcre de ses pères dans le monastère de Cunlhat. La substitution de 1511 ne pouvait être pleinement accomplie qu’avec l’abandon des coutumes funé­raires des Montboissier. Mais il aurait sans doute fallu que Jacques de Beaufort-Montboissier adoptât en retour celles des Beaufort-Canillac, considérés désormais comme ses seuls prédécesseurs, en élisant sépulture à La Chaise-Dieu. Le choix d’une troisième voie, l’inhumation dans le tombeau de la maison de sa femme, Catherine de Laqueuille, révèle que Jacques de Beaufort-Montboissier n’avait pas souhaité réaliser l’ensemble des prescriptions de la substitution. En relevant le nom et les armes des Beaufort-Canillac, il rappelait au reste de la noblesse auvergnate qu’il était leur héritier de plein droit mais, en n’embrassant pas leurs traditions funéraires, il n’en faisait pas pour autant ses seuls ancêtres : il les installait sur un plan d’égalité ses aïeux Montboissier. D’ailleurs, Jacques de Beaufort-Montboissier veilla toujours à maintenir la double identité de sa maison : héritier par sa mère des Beaufort-Canillac, il a tout autant préservé l’intégralité du patrimoine Montboissier : il était comte d’Alais, marquis de Canillac mais aussi baron de Montboissier.

25L’inhumation auprès d’un ordre mendiant était aussi très recherchée par les grandes familles provinciales. Précurseurs en la matière, les vicomtes de Polignac reposaient tous dans le tombeau familial, situé au pied du maître-autel de l’église Saint-Laurent du Puy. Fondée en 1221 par les Dominicains et par le vicomte Pons V de Polignac, cette église concentrait les prétentions politiques et seigneuriales des Polignac sur la cité du Puy. Elle était l’un des noyaux de la puissance des vicomtes, connu de tous, car de nombreux officiers et vassaux de leurs terres s’y faisaient également enterrer, soulignant dans la mort les liens qui les unissaient avec leurs suzerains et patrons. Les David [76], famille consulaire du Puy, receveurs de la vicomté de Polignac depuis la seconde moitié du xive siècle [77] et représentants des vicomtes aux États du Gévaudan [78], étaient enterrés à proximité immédiate de leurs patrons, dans une chapelle de l’église. En 1545, Jacques David, seigneur de Chanceaux et receveur de la vicomté de Polignac, demanda à être inhumé en compagnie de sa femme Clauda de Coubladour, dans le tombeau de sa famille sis en la chapelle Saint-Roch, dans l’église Saint-Laurent du Puy [79]. L’église Saint-Laurent était un véritable sanctuaire dynastique en ce qu’elle rassemblait tous les membres d’un même sang et qu’elle était le lieu privilégié de la célébration continuelle de la mémoire des Polignac, sans concurrence d’autres maisons du même rang. Gaspard Chabron, historiographe des Polignac dans les années 1620, affirmait que : « Les vicomtes de Polignac ont leur sépulchre et tombeau dans l’unes des plus belles églises de cette ville du Puy et au beau milieu du chœur d’icelle, où leurs enterremens et honneurs funèbres sont faits presque a la Royale, toutes marques de grande prééminences et authorité et comme de certaine grande alliance entre la ville du Puy et la maison de Polignac se trouvant réciproque de deux cotés. » [80]

26Le choix d’une sépulture conventuelle exprimait aussi des dévotions particulières, comme l’inhumation de Jean de Chabannes-Curton au couvent des Augustins de Bordeaux qu’il faut comprendre comme l’expression d’un désir de repentance et de pénitence. Mais cette option prit une tournure plus revendicative au moment de la Ligue. En 1618, Guillaume de Blanzat, seigneur de Lignat, en demandant à être enterré chez les Révérends Pères Minimes de Beauregard, se réclamait d’un idéal de vie tournée vers l’ascèse [81]. Mais il exprimait également un attachement fort à la défense de l’orthodoxie religieuse prônée dans le cadre de la Réforme tridentine. À la fin des années 1580, le seigneur de Cébazat et de Lignat avait pris parti en faveur de la Ligue. Il s’était démis de l’office de sénéchal de Clermont pour suivre l’armée de son voisin, le marquis de Canillac. Si dès 1593, le seigneur de Lignat avait définitivement rejoint les rangs royalistes, ses dernières volontés témoignent néanmoins d’une sensibilité religieuse encore proche de ses engagements politiques passés. Les premières décennies du xviie siècle sont riches d’enseignement pour saisir les souvenirs et la mémoire des engagements ligueurs à travers la géographie pieuse de la noblesse d’Auvergne. Le 24 mai 1609, Jacqueline de La Fayette, comtesse du Lude, fonda le couvent des Capucins de Clermont au sein duquel elle souhaitait être enterrée [82]. Veuve, mère et sœur de fervents royalistes, la comtesse du Lude semble avoir eu une activité importante en faveur des ordres inscrits dans la Réforme catholique, car elle fit également des legs au collège jésuite de Billom [83]. Percevoir quelques traits de la culture politique de Jacqueline de La Fayette n’est pas chose aisée, mais sa présence régulière à la cour de la reine Margot en exil à Usson tout comme son amitié avec des ligueuses notoires [84] peuvent laisser supposer une certaine sympathie envers la cause ultracatholique.

27Si de nouvelles élections de sépulture en faveur d’ordres nouveaux favorisés pas la Réforme tridentine, avec une inclination pour la famille franciscaine, vinrent s’ajouter au panel des tombes anté­rieures, elles ne conduisirent pas à la redéfinition de la géographie funéraire de la noblesse provinciale à l’heure des affrontements religieux. En revanche, l’attachement au tombeau familial, et la corrélation qui était faite par tout un chacun entre celui-ci et les représentants vivants du lignage, est perceptible dans les fureurs iconoclastes qui touchèrent les sépulcres familiaux pendant les guerres de Religion. Cibles privilégiées des Huguenots contre les seigneurs catholiques, les sépultures furent souvent les premiers éléments détruits lors du sac d’une église [85]. Il s’agissait d’un moyen efficace et durable de blesser symboliquement un lignage dans ce qu’il avait de plus intouchable, son « héritage immatériel », largement constitué par la mémoire des ancêtres, présents spirituellement et protecteurs sanctifiés du lignage sur cette terre.

Les fondations pieuses. Charge ou honneur de la maison ?

28Loin de marquer une rupture, la mort contribuait à rapprocher les vivants et les morts grâce aux fondations pieuses. Celles-ci donnent à voir une image particulière des solidarités familiales qui transparaissaient dans l’association de la parenté aux messes fondées par les testateurs et dans le recours récurrent à un clerc du lignage pour les desservir [86]. Dans la crainte du Jugement dernier, les fondations spirituelles devaient garantir le salut de l’âme du fondateur et des personnes qui lui étaient liées. Ces messes anniversaires, offices solennels ou chapellenies, avaient un caractère perpétuel. L’usage de legs pieux était d’ailleurs obligatoire depuis le concile de Narbonne en 1227 et celui qui n’en avait pas laissé, était considéré comme mort intestat [87]. Il était privé de sépulture chrétienne tant que ses héritiers n’y avaient pas remédié.

29Les fondations pieuses, pro remedia animae, donnaient lieu à la constitution d’une mémoire familiale dans laquelle chaque ancêtre était individualisé. Elles reflétaient la puissance des attaches territoriales d’une famille mais aussi ses solidarités intralignagères [88]. Ces fondations donnaient lieu à des événements répétés, permettant ainsi la mémorisation des différentes générations dans des lieux qui n’étaient pas choisis au hasard. Les testateurs composaient en effet leurs fondations pieuses selon une logique géographique qui reflétait l’agencement des fiefs dans l’organisation du patrimoine et qui correspondait à la spatialisation sépulcrale. Lorsqu’un individu ne possédait qu’une seule seigneurie, l’église paroissiale concentrait à elle seule le tombeau et la dévotion familiale. Jacques Rolland fonda ainsi une chapellenie, placée sous la protection de la Vierge, dans l’église de Valon. Le chapelain était tenu de dire une messe tous les samedis en l’honneur de la Vierge, avec commémoration de l’âme du défunt et de celle de ses ancêtres [89]. Il y avait alors adéquation et identification parfaite entre la famille propriétaire et la seigneurie.

30La situation se compliquait lorsque le disparu était à la tête d’un patrimoine foncier multipolaire car aucun ensemble ne devait être oublié par la politique de commémoration familiale. Mais celle-ci ne pouvait pas s’exprimer dans des termes semblables, car elle dépendait de la place particulière qu’occupait chaque terre dans l’histoire lignagère. En fonction du lien plus ou moins fort qui attachait un seigneur à un fief, les testateurs se livraient à des adaptations qui se transcrivaient par une gradation progressive du service pieux. Celui-ci s’organisait autour d’un lieu central, où se trouvait le tombeau familial, sur lequel se concentrait l’investissement symbolique et financier de la politique lignagère de piété. Marc de Beaufort-Canillac demanda ainsi la fondation de cent messes annuelles en l’église de Laqueuille, là où il était enterré, tandis que Joachim de Chabannes-Curton fonda, à perpétuité, une messe haute quotidienne dans la chapelle Notre-Dame de Lorette dans le château de Madic, doublé par un service semblable dans la chapelle castrale de Saignes.

31Autour de ces cœurs névralgiques de la memoria existait toute une gamme de fondations secondaires qui permettait aux habitants de ne pas oublier la mémoire de leur maître défunt et de leur rappeler par là même l’origine du pouvoir du seigneur actuel. Marc de Beaufort-Canillac fonda une messe haute hebdomadaire dans chaque église paroissiale dépendant de sa mouvance. Il prit soin de toutes les nommer, sans doute pour éviter que l’une d’entre elles ne fût omise par ses exécuteurs testamentaires, sans doute aussi pour souligner, par la répétition, l’étendue de son pouvoir territorial. Les fondations pieuses féminines permettaient aussi de souligner son attachement à son propre lignage et de marquer une identité différente de celle de son mari. Si Antoinette de La Fin fut enterrée avec son époux, Édouard de La Madeleine, dans l’église de Tancon, elle n’en fit pas pour autant le centre de la dévotion qui lui était due [90]. Elle choisit de mettre en avant son autonomie identitaire en rappelant qu’elle était dame de Saint-Didier, terre qu’elle avait reçue en dot de son père et qu’elle avait gérée comme son bien propre toute sa vie. Elle en fit le cœur de l’économie de son salut, indépendamment de celle de son mari. Cette différenciation entre lieu d’inhumation et lieu de commémoration tend à démontrer que les femmes nobles ne s’intégraient jamais totalement à la maison de leur époux. Elles demeuraient les gardiennes des coutumes et de la mémoire de leurs pères [91].

32Si l’on suit les fondations pieuses du corpus documentaire, on se rend compte que les Auvergnats faisaient des choix tout à fait comparables au reste de la noblesse française [92]. Ils laissaient à leurs héritiers le devoir de régler leurs legs pieux, mais ils veillaient cependant à trouver eux-mêmes des sources de financement point trop défavorables. Ainsi, Antoinette de La Fin s’assura de ne pas désavantager ses neveux, Jacques et Jean de La Fin, car une partie de ses bijoux, dont « sa chayne d’or pesant six vingtz dix escus, revenant a la somme de trois cens livres », devait servir à payer ses fondations pieuses. Un seigneur aux revenus plus modestes, Jacques Rolland, préféra payer ses fondations en nature : le chapelain de Valon recevait deux setiers de blé, deux cartons de seigle et une vigne pour subvenir à ses besoins. François de Dienne demanda à son héritière, sa sœur Gabrielle, de donner 100 écus d’or au soleil aux prêtres de l’église de Dienne et 166 écus pour chacune des églises [93], tenues de dire des messes hautes quotidiennes avec un libera me sur son tombeau.

33Le coût des fondations pieuses affectait-il les revenus de ceux qui étaient tenus de les honorer ? Cette hypothèse a été traditionnellement avancée par les historiens pour expliquer la crise de la noblesse à l’époque moderne et le passage à la Réforme comme un moyen de s’en exonérer [94]. Quel était le poids réel de ces services perpétuels, souvent financés par une rente assignée sur une dîme ou sur un péage seigneurial ? À chaque fondation correspondait autant de revenus du patrimoine lignager bloqués et que le seigneur ne pouvait utiliser pour investir. Si le type de sources dépouillées ne permet pas d’établir une comptabilité précise des funérailles nobles [95], il est en revanche possible de penser une échelle de valeur. En 1563, la vicomtesse de Polignac payait aux 14 prêtres de la paroisse de Polignac, « la somme de vingt livres dix sous, pour entier payement du service et cellébration de messes en hault par eulx, en ladicte paroisse, faict durant la quarantaine après le trespas de feu hault et puyssant seigneur, monseigneur François dict Armand, chevallier, vicomte de Polignac » [96].

34De nombreux nobles se plaignaient que les services pieux de leurs an- cêtres, qu’ils étaient tenus d’honorer, grevaient durablement leurs revenus. Il s’agissait même d’un lieu commun invoqué comme cause de défaut possible au ban et à l’arrière-ban. Même si les nobles n’étaient jamais avares d’idées ingénieuses pour échapper au service militaire et s’il faut plus que pondérer leurs déclarations, il est indéniable que les fondations pieuses pouvaient coûter cher aux héritiers. De nombreux seigneurs de Haute-Auvergne avancèrent cet argument lors de la convocation du ban de Haute-Auvergne en 1503 pour expliquer qu’ils n’avaient plus les capacités financières de servir [97].

35Tel qu’il est présenté par la voix même des gentilshommes, le financement des fondations constituait une charge pour les membres de la petite noblesse. Lors de la convocation au ban de Haute-Auvergne en 1503, Jean de La Vaissière, seigneur de Cantoinet, qui déclarait un revenu annuel de 18 l.t, affirmait devoir en verser la moitié pour les fondations de ses ancêtres. Même une noblesse plus prospère semble être touchée par le phénomène : Catherine du Chassain, dame de Brousse et de La Voûte, qui possédait 60 l.t. de revenu, donnait tous les ans 11 l.t. de legs pieux à l’église paroissiale de Chaliers ainsi que 20 sous aux moines de La Voûte. Nicolas de Beauclair, chevalier, seigneur de La Voute et de Marmaignac, qui disposait pourtant d’un revenu confortable de 180 l.t., se plaignait que ses terres et châteaux étaient hypothéqués pour des aumônes, des chapellenies et des fondations diverses. Il est fort probable qu’il aggravait considérablement son état car, l’année précédente, il avait réalisé un beau mariage avec Jeanne de Dienne [98], ce qu’il n’aurait pu réaliser avec un patrimoine hypothéqué. S’il ne faut pas prendre pour argent comptant la déclaration des charges budgétaires de feudataires qui voulait obtenir coûte que coûte l’exemption du service du ban, l’aveu excessif du chevalier de Beauclair devait néanmoins transcrire, plus qu’une réalité contraignante, un sentiment général d’étouffement financier lié au respect des legs pieux aristocratiques. Le mode de financement était en effet moins lourd que l’état avancé. Les fondations des seigneurs auvergnats, tout comme celles de la noblesse française au xvie siècle, furent massivement tournées vers les églises paroissiales où le service religieux était régulièrement assuré par un cadet du lignage, et à défaut par un parent bâtard. Dans ce contexte, le revenu de la memoria familiale servait de gain de survie pour un parent et il n’était pas une perte sèche. Lorsque les Auvergnats se risquaient à la fondation de collégiales dynastiques, bien plus consommatrices en termes de ressource, ils faisaient reposer les prébendes canoniales sur des terres roturières à faible rendement qu’ils cédaient aux chanoines par baux emphytéotiques [99].

36On peut donc parler d’un paradoxe des fondations pieuses car si elles jouaient à plein dans la constitution d’un héritage immatériel, en orchestrant une partie des manifestations symboliques et cérémonielles du pouvoir seigneurial, elles pouvaient aussi être évoquées comme l’une des causes de l’incapacité, réelle ou inventée, de certaines familles à maintenir matériellement leur rang au sein de la noblesse locale. En étant contraints d’assigner une partie de leurs revenus aux fondations, les seigneurs ne pouvaient pas les utiliser en investissement direct, sur le marché foncier ou sur celui des offices. Mais l’argent des fondations pieuses n’était pourtant pas conçu comme un placement à perte, car il s’agissait d’une rente spirituelle participant de l’économie du salut. Le ressentiment de modestes seigneurs, qui comptaient chaque denier pour tenter de survivre noblement tout en étant contraints de payer ces legs, était finalement injustifié car ces derniers constituaient l’une des dernières démonstrations de leur appartenance à la noblesse. Entre respecter les contrats passés par leurs prédécesseurs et assumer des charges lourdes, ou interrompre les prières et mettre fin à la commémoration familiale, le dilemme n’existait pas. Un noble de « bonne mémoire » préférait prendre le risque mesuré de l’endettement plutôt que rompre la solidarité intergénérationnelle entre les membres de la parenté.

37Le passage au protestantisme ne remettait pas forcément en cause le poids des fondations catholiques ancestrales. Jean et Jacques de La Fin, neveux d’Antoinette de La Fin, dame de Saint-Didier, s’acquittèrent toujours avec sérieux des fondations de leur tante, en dépit de leur conversion au calvinisme vers 1560 [100]. Il n’est cependant pas chose aisée de saisir l’impact des engagements religieux de la seconde moitié du xvie siècle sur les dernières volontés des testateurs. Tout comme celle des lieux d’inhumation, la géographie des fondations pieuses de la noblesse catholique auvergnate ne semble pas avoir connue de remise en cause profonde, suivant l’échantillonnage documentaire proposé. Les legs furent-ils désormais pensés, en plus de leur fonction soté­riologique, comme participant de la défense de l’orthodoxie religieuse ? En effet, les messes de fondation, d’usage privé, faisaient l’objet de publicité dès lors qu’elles étaient dites publiquement dans un cadre conventuel ou paroissial. Si une inflexion des fondations en faveur des Capucins et des Minimes est clairement repérable dans les testaments rédigés entre 1590 et 1620, il faudrait une étude plus complète pour comprendre les implications des engagements religieux sur le terrain de la mort aristocratique [101]. Par ailleurs, la création de ces nouvelles fondations pieuses, qui semble davantage correspondre aux exigences nouvelles des dévotions ligueuses, ne faisait pas disparaître les fondations antérieures, essentiellement clunisiennes. L’expression des dernières volontés n’est pas, à elle seule, un marqueur suffisamment discriminant pour qualifier les choix politiques et religieux de la noblesse pendant les guerres de religion. Ainsi, au cours de la décennie 1580, François de Dienne, un royaliste, et le marquis de Canillac, un ligueur, adoptèrent le même comportement au seuil de la mort en prescrivant à leurs héritiers l’obligation du pèlerinage de Jérusalem.

38De nombreux seigneurs se trouvèrent-ils piégés par ce langage du pouvoir seigneurial constitué autour de la mort et qu’ils avaient largement contribué à créer et à perpétuer ? On peut répondre par la négative, car le coût financier des multiples formes de ce discours – funérailles, chapelles, tombeaux, fondations pieuses – était compensé par le bénéfice qui en résultait. Révélateurs de leur noblesse car elles étaient lisibles par la société, elles jouaient un rôle central dans la capacité des nobles les plus modestes à maintenir leur rang.

39Les funérailles nobiliaires présentent de nombreux points communs, transcendant la hiérarchie aristocratique. Elles concouraient à mettre en scène l’unité du corps des feudataires en exaltant des valeurs communes, centrées autour de la pérennité du lignage noble, dont le noyau était formé par « ceux de la sanghinité ». Parmi celles-ci, il faut réévaluer le poids du sang dans la définition de la noblesse au cours de la première modernité. C’était lui qui engendrait la filiation et l’unité du lignage et, au-delà de la parentèle, de celle de la noblesse. La norme de l’inhumation dans le tombeau de ses ancêtres [102], que l’on retrouve dans l’ensemble des dispositions funéraires du corpus documentaire [103], illustre cette volonté de rassembler dans la mort, tous ceux qui formaient une même race [104]. Il n’y avait pas de contradiction entre l’exaltation des vertus du défunt et ce rattachement à une mémoire familiale car le sang véhiculait les vertus de la maison nobiliaire et celles de la noblesse. Ces vertus familiales étaient contenues dans les signes de reconnaissance de la maison : éléments de dénominations – nom, cri, blason –, et éléments de la puissance physique, comme le château, qui se transmettaient par une hérédité manipulée favorisant toujours la voie du sang. Lorsque la lignée masculine s’éteignait, les testateurs s’assuraient de transmettre l’essence du patrimoine matériel et immatériel de leur maison aux femmes de leur sang. Par elles, ils visaient la refondation d’une postérité mâle.


Annexe

Liste des testaments

tableau im1
Catherine Chaulet, dame de La Fayette et d’Auteribe (1486). AD Puy-de-Dôme 2 E 0379 Jean de Montboissier, chevalier, baron de Montboissier (1485) AD Puy-de-Dôme 2 E 0355 Gilbert de Montboissier, archidiacre de Saint-Flour (1492) AD Puy-de-Dôme 2 E 0355 Guillaume de Chalencon, seigneur de Rochebaron (1521) Antoine Jacotin, Preuves Maison de Polignac, vol. 3, n°395 Jacques Rolland, seigneur de Valon (1523) AD Cantal 800 Marguerite de Vienne, dame de Montboissier (1524) AD Puy-de-Dôme 2 E 0379 Jean de Chabannes, baron de Curton (1540) AD Allier fonds de Chabannes 22 J 217 Anne de Montboissier-Beaufort-Canillac, vicomtesse de Polignac (1552) Antoine Jacotin, Preuves Maison de Polignac, vol. 3, pièce n°423 Joachim de Chabannes, baron de Curton (1553) AD Allier fonds de Chabannes 22 J 238 François-Armand XVI, vicomte de Polignac (1557) Antoine Jacotin, Preuves Maison de Polignac, vol.3, n°427 Antoinette de La Fin, dame de Saint-Didier (1559) AD Puy-de-Dôme, 2 E 0 377 Marc de Montboissier-Beaufort-Canillac, marquis de Canillac (1576) AD Puy-de-Dôme 2 E 0353 Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac, vicomte de Pont-du-Château, et de Jeanne de Maumont (1579) AD Puy-de-Dôme 2 E 0353 Jean de Dienne, seigneur de Dienne (1579) AD Puy-de-Dôme 2 E 0353 Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac, marquis de Canillac (1584) AD Puy-de-Dôme 2 E 0 353 Robert de Saint-Géry, coseigneur de Salvanhac (1585) AD Cantal E 848 François de Dienne (1586) AD Puy-de-Dôme 2 E 0353 Guillaume de Blanzat, seigneur de Lignat (1618) AD Puy-de-Dôme 2 E 0357 Henri de Montboissier-Beaufort-Canillac, vicomte de Pont-du-Château (1621) AD Puy-de-Dôme 2 E 0353 Peronnelle de Blanzat, veuve d’Henri de Montboissier-Beaufort-Canillac (1624) AD Puy-de-Dôme 2 E 0353

Liste des testaments


Mots-clés éditeurs : xve-xviie siècles, guerres de religion, funérailles, France, noblesse

Date de mise en ligne : 17/04/2012

https://doi.org/10.3917/rhis.121.0101

Notes

  • [1]
    Philippe Ariès, L’Homme devant la mort, Paris, Éd. du Seuil, 1985. Alain Croix, La Bretagne aux 16e et 17e siècles. La vie, la mort, la foi, Paris, Maloine, 1980.
  • [2]
    Jacques Chiffoleau, La Comptabilité de l’au-delà. Les hommes, la mort et la religion dans la région d’Avignon à la fin du Moyen Âge (vers 1320-vers 1480), Rome, École française de Rome 1980. Michel Lauwers, La Mémoire des ancêtres, le souci des morts. Morts, rites et société au Moyen-âge. Diocèse de Liège, xie-xiiie siècles, Paris, Beauchesne, 1997.
  • [3]
    Colette Beaune, « Mourir noblement à la fin du Moyen Âge », dans Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public (VIe congrès, Strasbourg, 1975), Strasbourg, Istra, 1977, p. 125-144.
  • [4]
    Muriel Gaude-Ferragu, D’or et de cendres. La mort et les funérailles des princes dans le royaume de France au bas Moyen Âge, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2005.
  • [5]
    L’article que Monique Chatenet a consacré aux funérailles nobiliaires porte essentiellement sur les princes de la maison de Lorraine et sur la haute noblesse curiale, comme Georges d’Amboise et Louis de Brézé. Monique Chatenet, « Quelques aspects des funérailles nobiliaires au xvie siècle », dans Les Funérailles à la Renaissance, (XIIe colloque international de la Société française d’étude du seizième siècle, Bar-le-Duc, 2-5 décembre 1999), Jean Balsamo (éd.), Genève, Droz, 2002, p. 37-55.
  • [6]
    Cette continuité étonnante masquait en réalité de nombreuses discontinuités généalogiques : la succession apparente ininterrompue des héritiers mâles dévoile en amont de multiples ruptures biologiques dont les effets potentiellement dévastateurs étaient travestis par les manipulations multiples du discours patrilignager, constitutif de la primogéniture masculine. Les degrés de transmission féminine étaient effacés par des outils efficaces mis à la disposition de l’aristocratie : les substitutions fidéicommissaires et les relèvements de nom et d’armes.
  • [7]
    Seule la famille de Polignac disposait d’autres cérémonies telles les joyeuses entrées de vicomtesses au Puy. Chaque premier mai, les vicomtes se rendaient également au Puy pour rendre hommage à l’église cathédrale.
  • [8]
    Le terme approprié est bien celui de lignage, car la parenté exaltée dans le cadre des funérailles était celle de la succession des héritiers mâles, propriétaires des seigneuries. Cette remarque ne signifie pas pour autant qu’il y avait évacuation du matrilignage et des membres de la maison. Mais ceux-ci n’apparaissaient que de manière secondaire dans le discours patrilignager de la cérémonie funèbre. En revanche, ils étaient bien présents comme acteurs et invités à la cérémonie. Le mode d’inhumation et l’élection de sépulture montrent des choix essentiellement lignagers : on était enterré avec ses parents et non avec ses alliés, sauf dans le cas des belles-sœurs qui rejoignaient souvent leur époux dans la mort.
  • [9]
    En 1523, noble homme Jacques Rolland, écuyer, seigneur de Valon et de Villecomtal, demande à être enseveli dans le tombeau de ses ancêtres dans l’église paroissiale de Valon. En 1585, Robert de Saint-Géry, coseigneur de Salvanhac, près de Loupiac, sollicite cette même disposition funéraire. ad Cantal, E 800, Testament de Jacques Rolland (18 décembre 1523) et ad Cantal E 848, testament de Robert de Saint-Géry (28 mars 1585).
  • [10]
    Mais il existait des cas particuliers comme celui des funérailles d’Anne de Montboissier-Beaufort-Canillac, vicomtesse de Polignac en 1552. Ces obsèques furent aussi grandioses que celles du vicomte, car il s’agissait d’une célébration commune des maisons de Polignac et de Montboissier-Beaufort-Canillac. On n’enterrait pas seulement la vicomtesse de Polignac mais aussi l’héritière des papes Roger de Beaufort. Antoine Jacotin, Preuves de la maison de Polignac, Paris, 1898, vol. 3, pièce no 423.
  • [11]
    L’expression est empruntée à Michel Nassiet. Michel Nassiet, « Signes de parenté, signes de seigneurie : un système idéologique (xve-xvie siècle) », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, LXVIII, 1991, p. 175-231.
  • [12]
    Les litres funéraires de la famille de Polignac sont inscrites dans le lieu le plus saint de l’église Saint-Laurent du Puy, à gauche de l’autel, faisaient face au tombeau des Polignac, situé au pied du maître autel.
  • [13]
    Louis Bougon, Le Testament en Auvergne du xiiie siècle à la rédaction de la Coutume (1510), Paris, Arthur Rousseau, 1911, p. 27.
  • [14]
    En 1579, Jean-Claude de Beaufort-Montboissier, vicomte de Pont-du-Château, demande que ses funérailles soient conformes à « sa qualité et de sa maison ou il est yssu comme a sesd. predecesseurs ». ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 64.
  • [15]
    La borne liminaire est le testament de Catherine Chaulet, dame de La Fayette et d’Aulteribe en 1486, (ad Puy-de-Dôme 2 E 0379 37bis) et le corpus s’achève en 1624 avec le testament de Peronnelle de Blanzat, veuve d’Henri de Beaufort-Canillac daté du 8 mars 1624 (ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 52).
  • [16]
    Sur la mode des funérailles à l’antique, notamment celles de Gaston de Foix à Milan en 1512, voir Monique Chatenet, « Quelques aspects des funérailles nobiliaires au xvie siècle », op. cit. (n. 5), p. 47 sq.
  • [17]
    C’est le cas de quatre testaments : celui de Joachim de Chabannes-Curton (2 août 1553) conservé aux ad de l’Allier, sous la cote 22 J 238 ; celui de Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac, vicomte de Pont-du-Château (4 juin 1579), ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 64 ; celui de Henri de Montboissier-Beaufort-Canillac, vicomte de Pont-du-Château (31 avril 1621), ad Puy- de-Dôme 2 E 0353 53 et celui de sa veuve, Péronnelle de Blanzat (8 mars 1624), ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 52.
  • [18]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 03533, testament de François de Dienne (30 mars 1586). Le cas de François de Dienne est un peu particulier, car il est le dernier de son lignage. Inquiet de savoir qui maintiendra, après sa mort, le lien entre les vivants et les morts de sa maison, il organise scrupuleusement sa memoria, pour être sûr que les héritiers désignés soient tenus à la pietas envers tous les morts de la maison de Dienne.
  • [19]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0 353 38, testament de Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac, marquis de Canillac (17 avril 1584).
  • [20]
    Antoine Jacotin, Preuves de la maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, no 427, testament de François-Armand XVI, vicomte de Polignac (13 juillet 1557).
  • [21]
    ad Allier fonds de Chabannes 22 J 217, testament de Jean de Chabannes, baron de Curton (3 avril 1540).
  • [22]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0 353 38, fol. 1, testament de Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac, marquis de Canillac.
  • [23]
    Selon Muriel Gaude-Ferragu, c’est Philippe le Hardi qui initia le mouvement des « humbles obsèques » en 1386. Voir Muriel Gaude-Ferragu, D’or et de cendres. La mort et les funérailles des princes dans le royaume de France au bas Moyen Âge, op. cit. (n. 4), p. 271.
  • [24]
    Sur l’importance de son utilisation lors des cérémonies funéraires, voir Catherine Vincent, Fiat Lux. Lumières et luminaires dans la vie religieuse du xiiie au xvie siècle, Paris, Le Cerf, 2004, notamment le chapitre IX.
  • [25]
    Seuls les vicomtes de Polignac avaient recours à des effigies vivantes. Ils y eurent vraisemblablement recours la première fois en 1562, lors des funérailles du vicomte François-Armand XVI.
  • [26]
    Il y avait 500 torches et 1 450 cierges aux funérailles de Pierre de Beaujeu. Muriel Gaude-Ferragu, « La mort du prince : les funérailles de Pierre de Beaujeu, duc de Bourbon (1503) », dans Les Funérailles à la Renaissance, op. cit. (n. 5), p. 55-76.
  • [27]
    En 1521, Guillaume de Chalencon, seigneur de Rochebaron demande 30 torches armoriées. Antoine Jacotin, Preuves Maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, no 395. En 1586, François de Dienne, dernier de sa maison, réclame 72 torches armoriées. ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 3.
  • [28]
    Alain Croix considère que « la véritable ostentation cirière ne commence qu’au-delà de la cinquantaine de torches ». Alain Croix, La Bretagne aux xvie et xviie siècles, op. cit., p. 979 (n. 1).
  • [29]
    C’est le cas de noble homme Jacques Rolland, écuyer, seigneur de Valon en 1523. Voir ad Cantal E 800. Robert de Saint-Géry, coseigneur de Salvanhac, fait également ce choix en 1585. ad Cantal E 848.
  • [30]
    Jean-Pierre Labatut rappelle que le blason servait à identifier dans la mémoire collective les spécificités de chaque maison noble : « Telle famille est courageuse, telle autre téméraire. Quelques faits de son histoire lui ont donné une réputation qui semble éternelle. » Jean-Pierre Labatut, Les Noblesses européennes de la fin du xve siècle à la fin du xviiie siècle, Paris, 1978, p. 77.
  • [31]
    Étienne Médicis dit que dans la chapelle funéraire « partout avoit force escuts ou armes argentées paintes et my parties, tant de la maison de la vicomté, que porte de gueules, à trois fesses d’argent, que de la maison de Canilhac, que porte d’azur, componé d’argent, et ung chien passant d’argent, et le chief dudict escu, d’argent à ung demy chevron d’azur et six rozes de gueules ; lesquelles armes mises en ce chief ils tiennent d’un pape sorti de ladicte maison de Canilhac, qui fut appellé Clément VI, que fut enterré à La Chase-Dieu ». Antoine Jacotin, Preuves de la maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, pièce no 423 (n. 9).
  • [32]
    Les Polignac eurent recours, comme les Montmorency avec Lisbius et Saint-Denis, à un couple d’ancêtres totémiques pour inscrire leur identité à la fois dans le cercle des premiers vicomtes de la chrétienté, de sang gaulois, mais aussi dans celui de l’aristocratie gallo-romaine et dans la mythologie grecque. Dans le cas des Polignac cependant, le saint était remplacé par un dieu. Jean-Marie Le Gall, « Vieux Saint et grande noblesse à l’époque moderne : Saint-Denis, les Montmorency et les Guise », rhmc, no 50-3, juillet-septembre 2003, p. 7-34.
  • [33]
    Le 9 janvier 1563, Philiberte de Clermont, vicomtesse de Polignac, donne huit livres tournois à Jean Basseyre, peintre du Puy, pour le payer « de la paincture et armoiries, dedans et dehors, de l’esglize du prieuré dudict Polignac, dans laquelle le corps dudict feu seigneur repose » faites à l’occasion des funérailles de François-Armand XVI, vicomte de Polignac. Ibid. (n. 10), vol. 3, no 432, livre des dépenses de la vicomté de Polignac (1563-1568), extrait des comptes du 9 janvier 1563.
  • [34]
    Michel Nassiet rappelle que les armoiries familiales ne constituaient pas un signe de seigneurie, car chaque terre était identifiée par une héraldique propre. C’était par l’apposition volontaire des armes des propriétaires sur les espaces publics de la seigneurie que ceux-ci s’appropriaient la terre et se constituaient en topolignée. Michel Nassiet, « Nom et blason. Un discours de la filiation et de l’alliance (xive-xviiie siècle) », L’Homme, janvier-mars 1994, 129, p. 5-31, p. 8.
  • [35]
    Antoine Jacotin, Preuves de la maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 2, pièce no 395, Testament du Guillaume de Chalencon, seigneur de Rochebaron (17 septembre 1521).
  • [36]
    « Item requirit et petit lignageriis suis, parentibus atque aliis dominis et personis convocandis seu interessentibus in sepulutra, quarantena et fine anni, quod nullas fieir faciant thedas nec arman sed si aliqua velint facere bona ad remedium anime sue et parentum suorum predecessorum, quod ea que exponerent ad faciendas torchias, exponent et applicent ad celebrari faciendum missas aliaque divina officia, modo ac forma tamen quibus eisdem placuerit. » Ibid., vol. 2, no 395, Testament du Guillaume de Chalencon, seigneur de Rochebaron (17 septembre 1521).
  • [37]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0379 37bis, testament de Catherine Cholet, dame de La Fayette (1486).
  • [38]
    En Flandres, lorsque le dernier représentant mâle d’une maison noble décédait sans relèvement de son nom et de ses armes, celles-ci étaient solennellement enterrées avec le corps du défunt par un officier d’armes. La décomposition du corps physique du dernier porteur du nom était ainsi accompagnée par la propre mort des armes du nom. C’est ce qui se produisit en 1657 avec la mort du dernier représentant de la maison de Hinckaert qui fut enseveli avec ses armes. Lucien Fourez, Le Droit héraldique dans les Pays-Bas catholiques, Louvain, Université de Louvain, 1932, p. 118-119.
  • [39]
    Il y a une différence notable avec ce qu’a observé Alain Croix en Bretagne : sur les testaments nobles, seulement 15 % des testateurs hommes réclamaient la présence de pauvres et seulement 29 % des testatrices femmes. Alain Croix, La Bretagne aux xvie et xviie siècles, op. cit., p. 968 (n. 1).
  • [40]
    Aux obsèques de Jean de Dienne à la fin du mois de juillet 1580, on distribua deux sous tournois à chaque mendiant qui se présenterait « du lever au coucher du soleil » devant la porte du château de Dienne ou devant le porche de l’église paroissiale : ils furent 5 232 en tout. Le contexte était très dur : la peste frappait la région depuis le printemps 1579 et les bandes armées, tant protestantes que catholiques, se livraient à des pillages réguliers de la campagne de Haute-Auvergne. Le chiffre des pauvres à réclamer aumône a dû être gonflé par l’accumulation de ces événements, mais il donne une idée de la publicité dont les funérailles nobiliaires devaient faire l’objet auprès de la population locale. ad Cantal E 749, testament de Jean de Dienne (29 juillet 1580).
  • [41]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0357 51. Testament de Guillaume de Blanzat, seigneur de Lignat, (17 octobre 1618).
  • [42]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 36. Testament de Marc de Montboissier-Beaufort-Canillac, marquis de Canillac (4 avril 1576).
  • [43]
    Joachim de Chabannes-Curton laisse ce choix à sa veuve Charlotte de Vienne. ad Allier, Fonds de Chabannes 22 J 238, Testament de Joachim, baron de Curton (2 août 1553).
  • [44]
    ad Cantal E 848. Testament de Robert de Saint-Géry (1585).
  • [45]
    Antoinette de La Fin, dame de Saint-Didier, prévoit que 20 bichets de blé et « une vache de prix » seront distribués aux pauvres le jour de son enterrement. ad Puy-de-Dôme, 2 E 0 377 109, testament d’Antoinette de La Fin, dame de Saint-Didier. Au sommet de la noblesse régionale, le banquet de funérailles était une véritable assemblée où l’on accourait de l’ensemble de la province. Ainsi, le 23 janvier 1563, la vicomtesse de Polignac régla les frais engagés pour le banquet mortuaire de François-Armand XVI de Polignac. On apprend que « quatre lards, poisant quatre quintaulx quatre vingt cinq livres » ont été fournis pour l’occasion. Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, no 432, livre des dépenses de la vicomté de Polignac, extrait des comptes du 29 janvier 1563.
  • [46]
    Le montant de ce salaire variait selon les capacités financières du seigneur. Si Jacques Rolland, seigneur de Valon, se contente de donner deux « aulnes de panne de burel » aux pauvres présents à ses funérailles, Marc de Montboissier-Beaufort-Canillac lègue dix setiers de blé et 300 l.t. aux pauvres de Laqueuille. Voir ad Cantal 800, testament de Jacques Rolland (1523) et ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 38, testament de Marc, marquis de Canillac (1576).
  • [47]
    Pour annoncer les funérailles d’Anne, vicomtesse de Polignac en mars 1552, le vicomte ordonne de « faire sonner toutes les cloches des églises du Puy, de Polignac, de Sollempnac et autres de sa terre, et ainsi faire durant trois jours ». Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, pièce no 423.
  • [48]
    Ibid., vol. 3, no 432, livre des dépenses de la vicomté de Polignac, extrait des comptes du 11 janvier 1563.
  • [49]
    Jacques Rolland, seigneur de Valon, demande la fondation d’une chapellenie dédiée à la Vierge Marie dans l’église paroissiale de Valon. Le chapelain est tenu de dire une messe tous les samedis en l’honneur de la Vierge avec commémoration de l’âme du défunt et de celle de ses ancêtres. ad Cantal 800, testament de Jacques Rolland (1523).
  • [50]
    En 1492, Gilbert de Montboissier, archidiacre de Saint-Flour, demande la célébration d’une messe par semaine dans chaque église des seigneuries de son frère. ad Puy-de-Dôme 2 E 0355 86, testament de Gilbert de Montboissier (9 juillet 1492).
  • [51]
    Les moines de La Chaise-Dieu et les chanoines-comtes de Brioude étaient présents en 1552 à l’enterrement de la vicomtesse Anne. Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, pièce no 423.
  • [52]
    Gaspard Chabron dit que ce titre a été attribué à Sidoine Apollinaire et que celui-ci l’a transmis comme un éloge héréditaire à ses descendants présumés, les vicomtes de Polignac. La charge symbolique contenue dans ce titre est réactivée au xvie siècle lors de la joyeuse entrée de François Ier au Puy en 1533 qui qualifie le vicomte François-Armand de « roi des Montagnes d’Auvergne ». Voir Gaspard Chabron, Histoire de la maison de Polignac avec les généalogies et armes de la plupart des illustres familles qui y ont esté alliées…, vers 1625, Cahier de la Haute-Loire (éd.), 2007, p. 25.
  • [53]
    François de Dienne demande instamment que son héritière prévienne pour l’enterrement et pour la quarantaine « tous ses parans et amys qu’elle pourra assembler ». ad Puy- de-Dôme, 2 E 0353 3, testament de François de Dienne (1586).
  • [54]
    Dans le cas des petits seigneurs qui n’ont pas de vassaux, ceux-ci doivent recourir à la notabilité locale pour légitimer leur supériorité sociale. Ainsi, Jacques Rolland réclame que les tenanciers de sa terre de Valon soient présents à la messe d’enterrement. ad Cantal 800, testament de Jacques Rolland (1523).
  • [55]
    Philiberte de Clermont, vicomtesse de Polignac, avait fait confectionner par Armand et Pierre Ranquet, tailleurs au Puy, « les acoustrements du premier et second dueilh dudict feu seigneur Françoys, mary de ladicte dame, tant pour ladicte dame, gentilshommes et damoyselles et aultres siens serviteurs ordinaires de son estat », pour la somme de 470 livres tournois et 9 sous. Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, no 432, livre des dépenses de la vicomté de Polignac, extrait des comptes du 6 août 1566.
  • [56]
    Le corps de la vicomtesse est veillé dans le monastère Sainte-Claire fondé par Clauda de Roussillon, vicomtesse de Polignac, dans les faubourgs du Puy, avant de rester huit jours dans l’église Saint-Marcel.
  • [57]
    Anne de Montboissier-Beaufort-Canillac est morte le 9 janvier 1552 et ses funérailles se déroulèrent les 14, 15 et 16 mars 1552.
  • [58]
    Michel Lauwers, « Le sépulcre des pères et les ancêtres. Notes sur le culte des défunts à l’âge seigneurial », Médiévales : la mort des Grands, 31, 1996, p. 67.
  • [59]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 64, testament de Jean de Beaufort-Montboissier et de Jeanne de Maumont (4 juin 1579).
  • [60]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 38, testament de Jean de Montboissier-Beaufort-Canillac, marquis de Canillac (17 avril 1584).
  • [61]
    « Item, par cy devans lontemps je ay mys en peché par force et violance pour la satisfaction de ma personne, Marguerite Dupuy, estant en l’eaige de onze ou douze ans dont je en ay ma consiance chargé et crains en estre punye de Dieu si ne purge led. peché avec aulmosne et charité ». ad Allier, fonds de Chabannes 22 J 217, testament de Jean de Chabannes, baron de Curton (3 avril 1540).
  • [62]
    Lors de son mariage avec Marchegay, le greffier de la baronnie de Curton, il lui avait constitué une dot de 500 l.t. Dans son testament, il lui fit un autre legs de 500 l.t. Il demanda à ses héritiers de la nourrir et de la loger au château de Madic, avec son mari et ses enfants, pendant une durée d’un an.
  • [63]
    La majorité des testateurs font le choix d’être inhumés dans l’église paroissiale de leur principale seigneurie, comme Jean et François de Dienne à Dienne, Jacques Rolland à Valon, Antoinette de La Fin à Tancon et Robert de Saint-Géry à Salvanhac.
  • [64]
    Lors des enquêtes de noblesse de Louis XIV en 1664-1665, plusieurs nobles, condamnés pour usurpation et pour défaut de preuves écrites, demandèrent aux commissaires de se rendre dans leurs seigneuries, et notamment dans l’église paroissiale, pour voir leur chapelle familiale et les blasons qui les authentifiaient. Claude de Chazerat, finalement maintenu noble sur preuve de généalogie, évoqua le service militaire de ses ancêtres et ses blasons dans l’église de Chazerat. Louis de Ribier, Preuves de la noblesse d’Auvergne, Recherche générale de la noblesse d’Auvergne (1656-1727), t. I, Marseille, Laffitte, 1981, p. 516-517.
  • [65]
    Le marquis de Canillac est enterré dans le tombeau de la famille de Laqueuille dans le chœur de l’église paroissiale. ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 36, testament de Marc de Montboissier-Beaufort-Canillac (4 avril 1576).
  • [66]
    C’est le cas de la famille de Dienne dont la branche cadette était inhumée dans la chapelle Saint-Sauveur de l’église paroissiale de Dienne. ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 10, testament de Jean de Dienne (17 mars 1579), et 2 E 0353 3, testament de François de Dienne (30 mars 1586).
  • [67]
    La constitution de collégiales castrales à vocation funéraire a fait l’objet d’une mise au point récente. Alternatives aux lieux d’inhumation traditionnels, elles permirent à une noblesse essentiellement curiale – les Gouffier ou les Batarnay – de faire des sépultures familiales de véritables sanctuaires dynastiques, voués à la célébration du nom et à la renommée lignagère. Voir Julien Noblet, En perpétuelle mémoire. Collégiales castrales et saintes-chapelles à vocation funéraire en France (1540-1560), Rennes, pur, 2009.
  • [68]
    Marc, marquis de Canillac, et son demi-frère, Jean, vicomte de Pont-du-Château s’opposèrent à cause de la dévolution de la baronnie de Montboissier. Au tournant de la décennie 1580, ils firent également des choix politiques différents, la branche aînée devenant ligueuse tandis que les vicomtes de Pont-du-Château apportèrent un soutien indéfectible à Henri IV dès 1589. Celui-ci promut les vicomtes à des charges provinciales auparavant réservées aux seuls marquis de Canillac, tentant ainsi de faire de cette lignée cadette des nobles seconds, plus dépendants du pouvoir royal mais indépendants du chef de leur lignage. L’émancipation politique des vicomtes de Pont-du-Château par rapport à la branche aînée se marqua par leur émancipation sépulcrale.
  • [69]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 64, testament de Jean, vicomte de Pont-du-Château, et de Jeanne de Maumont (4 juin 1579).
  • [70]
    Cette chapelle avait été fondée le 2 septembre 1524 par Jacques de Montboissier-Beaufort-Canillac, comte d’Alès et seigneur de Pont-du-Château, qui prenait alors l’engagement de faire construire et de fonder une chapelle dans l’aile du château. Elle devait être dédiée à la Vierge et six prêtres, ainsi qu’un lévite, avaient pour tâche de dire les offices divins. La même année, la chapelle fut érigée en chapitre collégial par bulle pontificale, sous le titre de « Chapelle de Notre-Dame de Pont-du-Château », avec un chanoine doyen. Elle était placée sous l’invocation de Notre-Dame du Pilier. À partir de la fin des années 1580, la crypte de la collégiale devint le lieu de sépulture de la branche des vicomtes de Pont-du-Château. ad Puy-de-Dôme, G, fonds de l’évêché, chapitre de Pont-du-Château, I G 1009 et 1075.
  • [71]
    Les ducs de Bourbon, à partir des funérailles de Louis II en 1376, sont enterrés dans le prieuré clunisien de Souvigny. Muriel Gaude-Ferragu, D’or et de cendres…, op. cit. (n. 4), p. 36.
  • [72]
    bnf po 2010 fol. 6, « Montboissier ». Jacques de Beaufort-Canillac, marquis de Canillac, comte d’Alais et de Beaufort fait de son petit-neveu, Jacques de Montboissier, l’héritier de tous ses biens, à condition qu’il relève le nom et les armes des Beaufort-Canillac. Jacques de Beaufort demande expressément à son neveu « que sa maison, nom et armes soient entretenuz en haulteur et noblesse car tel est son plaisir ».
  • [73]
    Tous les membres de la maison de Montboissier y furent ensevelis dès la fin du xe siècle jusqu’aux funérailles de Marguerite de Vienne, dame de Montboissier, en 1524. ad Puy-de-Dôme 2 E 0379 37, testament de Marguerite de Vienne (1524). Le tombeau était situé au pied du maître autel dédié à Saint-Michel, comme le rappelait Jean de Montboissier dans son testament. ad Puy-de-Dôme 2 E 0355 93, testament de Jean, baron de Montboissier (8 mai 1485).
  • [74]
    Le 20 mai 1436, Louis de Beaufort, comte d’Alais et marquis de Canillac, y élit sa sépulture : « E hu egard aussi que plusieurs ou aucuns de nos predecesseurs sont enterrés et ensevelis en ycelluy monastier et, par expres, feu de bonne memoire noble et puissant seigneur monseigneur le comte de Beauffort, nostre grand-pere, frere du pape, qui est et fu enterré en certain sépulcre estant en l’entrée du cuer. » A. Fayard, « Le tombeau de Clément VI à La Chaise-Dieu », Almanach de Brioude, 1963, p. 27-91, p. 60.
  • [75]
    Ce tombeau a été détruit lors de la prise de La Chaise-Dieu par les troupes huguenotes de Blacon en 1562.
  • [76]
    Sur la famille David, voir Gaston Jourda de Vaux, Le Nobiliaire du Velay et de l’ancien diocèse du Puy, Le Puy-en-Velay, 1924-1933, 7 t., vol. II, p. 139.
  • [77]
    En 1380, Jacques David, bourgeois du Puy, devient receveur de la vicomté de Polignac. C’est lui qui choisit d’élire sépulture dans l’église Saint-Laurent aux côtés des Polignac, en achetant les chapelles Saint-Roch et Sainte-Madeleine.
  • [78]
    Jacques David représente le vicomte de Polignac lors des États du Gévaudan réunis à Mende le 16 février 1512. Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 2, no 382.
  • [79]
    ad Haute-Loire B 31, testament de Jacques David et de Clauda de Coubladour (16 août 1545).
  • [80]
    Gaspard Chabron, Histoire de la maison de Polignac, op. cit. (n. 52), p. 63.
  • [81]
    Ce choix dévotionnel est renforcé par le fait qu’il demande que ses funérailles soient célébrées par les Cordeliers de Montferrand. ad Puy-de-Dôme 2 E 0357 51, testament de Guillaume de Blanzat (17 octobre 1618).
  • [82]
    Les 20 mars et 7 avril 1611, elle fit don de reliques au couvent des Capucins où elle voulait établir son sépulcre. ad Puy-de-Dôme, 2 E 0261 et 2 E 0264.
  • [83]
    En 1613, elle remit aux consuls de Billom 6000 l.t. qui devait servir à l’entretien des professeurs du collège. Pierre Delattre, Les Établissements des Jésuites en France depuis 4 siècles, 5 vol., Enghien-Wet Teren, Institut supérieur de théologie, 1940-1957, t. I, p. 704.
  • [84]
    On pense à Fulvie Pic de La Mirandole, comtesse de Randan.
  • [85]
    En 1579, Jean de Dienne demanda la construction d’un « sepulcre nouveau dans lad. esglise de Dienne, au cousté du sepulcre vieulx qui y est a present », car celui-ci avait été endommagé pendant les guerres de Religion. Robert de Saint-Géry donna 40 l.t. en 1585 pour réparer l’église de Salvanhac qui avait été ruinée par les protestants. Les troupes du baron des Adrets détruisirent également la pierre tombale des Polignac dans l’église Saint-Laurent du Puy ainsi que le tombeau des Beaufort-Canillac à La Chaise-Dieu en 1562.
  • [86]
    François de Dienne demande que son frère bâtard, Jean de Dienne, devienne prieur du prieuré qu’il a fondé à Saint-Hyppolite de Bradières pour le salut de son âme et pour la commémoration de la mémoire de ses ancêtres : « A vollu et ordonne led. testateur que le prieuré de Sainct Yppoly de Bradiere soict baillé a Jen de Dienne, bastard, s’il ce veult faire prebstre ». ad Puy-de-Dôme 2 E 0353 3, testament de François de Dienne (30 mars 1586).
  • [87]
    Pierre-Clément Timbal, « les legs pieux au Moyen-Âge », dans La Mort au Moyen Âge, colloque des historiens médiévistes français, op. cit. (n. 3), p. 23-26, p. 24.
  • [88]
    Sur le rôle des fondations pieuses dans les stratégies sociales des fondateurs et sur leur utilisation dans la construction d’une religion civique chez les élites urbaines allemandes dans la seconde moitié du xvie siècle, voir Christian Kuhn, « Les fondations pieuses dans la représentation historique. L’exemple du Grand livre des Tucher de Nuremberg (1590) », Histoire urbaine, 27, avril 2010, p. 59-75.
  • [89]
    ad Cantal 800, testament de Jacques Rolland, seigneur de Valon (1523).
  • [90]
    Elle y fonda la célébration de trois messes hebdomadaires pendant un an sur son sépulcre en l’église de Tancon mais elle fonde, à perpétuité, la célébration d’une messe haute quotidienne dans l’église de Saint-Didier. ad Puy-de-Dôme 2 E 0 377 109, testament d’Antoinette de La Fin, dame de Saint-Didier (1559).
  • [91]
    Cette hypothèse abonde dans le sens des conclusions de Joseph Morsel sur les femmes de la noblesse franconienne. Joseph Morsel, « La noblesse dans la mort. Sociogenèse funéraire du groupe nobiliaire en Franconie (xive-xvie siècles) », dans Autour des morts. Mémoire et identité, Actes du Ve colloque international sur la sociabilité (Rouen 1998), Olivier Dumoulin et Françoise Thelamon (éds.), Rouen, Publications de l’université de Rouen, 2001, p. 387-408.
  • [92]
    Robert Boutruche considérait qu’un seigneur de moyenne noblesse fondait en général trois messes hebdomadaires, une ou deux chapellenies et quatre à huit anniversaires. Robert Boutruche, « Aux origines d’une crise nobiliaire : donations pieuses et pratiques successorales en Bordelais du xiiie au xvie siècle », Annales d’histoire sociale, 1, janvier 1939, p. 161-177 et 257-273, p. 165.
  • [93]
    Il s’agit de l’église du chapitre de Saint-Jal, de celle de Moissac dont la clé de voute porte les armes des Dienne et de l’église Saint-Hyppolite de Bradières.
  • [94]
    Robert Boutruche, « Aux origines d’une crise nobiliaire… », op. cit. (n. 92).
  • [95]
    Il a seulement été possible de connaître le coût de l’embaumement du corps de Guillaume d’Apchon, assassiné par le vicomte d’Aubeterre en 1565 : « pour faire ouvrir et embausmer le corps de sond. frere qui mourut deux jours appres son arrivé, a led. seigneur comtable, payé la somme de quatre cens cinquante cinq livres ». ad Allier E 265 5, Compte rendu par Antoine d’Apchon, seigneur de Chanteloube, à Marguerite d’Albon, sa mère, sur les dépenses engagées pour venger Guillaume d’Apchon (1565).
  • [96]
    Antoine Jacotin, Preuves maison de Polignac, op. cit. (n. 10), vol. 3, no 432, livre des dépenses de la vicomté de Polignac, extrait des comptes du 9 janvier 1563.
  • [97]
    Jean-Baptiste Champeval, Le Rôle du ban et arrière-ban du Haute-Auvergne en 1503, Riom, 1911.
  • [98]
    Louis de Ribier, Preuves de la noblesse d’Auvergne (1656-1727), op. cit. (n. 64), p. 74, contrat de mariage de Nicolas de Beauclair avec Jeanne de Dienne, 7 avril 1502, fourni comme preuve de noblesse de Jean-Pons de Beauclair en 1666.
  • [99]
    C’est le cas pour les six chanoines de la collégiale castrale Notre-Dame du Pilier, fondée en 1524 dans le château de Pont-du-Château par Jacques de Montboissier-Beaufort-Canillac, peu après son mariage avec Jeanne de Chabannes-la Palice. ad Puy-de-Dôme, G, fonds de l’évêché, chapitre de Pont-du-Château, I G 1075.
  • [100]
    ad Puy-de-Dôme 2 E 0359 41, quittance d’« augmentation du divin service pour feu dame Antoinette de La Fin » (12 février 1581).
  • [101]
    Sur le rôle des fondations pieuses dans le renforcement de l’identité nobiliaire pendant la Ligue, voir Ariane Boltanski, « Des fondations pieuses de nobles français dans la seconde moitié du xvie siècle. Défense de l’orthodoxie et territoire », dans Le Salut par les armes. Noblesse et défense de l’orthodoxie (xiiie-xviie siècle), Ariane Boltanski et Franck Mercier (éds.), Rennes, pur, 2011, p. 251-265.
  • [102]
    C’est aussi à partir du début du xvie siècle que la basilique de Saint-Denis devint une nécropole dynastique rassemblant, de plus en plus systématiquement tous ceux qui partageaient le sang de France. En 1609, la dépouille de Catherine de Médicis, inhumée à Blois, est rapatriée dans la nécropole royale. Le corps de la reine subit une série de vérifications biologiques destinée à l’identifier avec certitude. C’est bien la donnée biologique du sang qui créait la race. Voir Jean-Marie Le Gall, Le Mythe de saint Denis : entre Renaissance et Révolution, Seyssel, Champ Vallon, 2007, notamment le chapitre xii, p. 416 sq.
  • [103]
    Le cas particulier de Jean de Chabannes, marqué par la macule du pêché, qui ne fut pas enterré dans le tombeau familial tend à montrer qu’il n’a sans doute pas voulu entacher le sang et les vertus des Chabannes.
  • [104]
    Arlette Jouanna, L’Idée de race en France au xvie siècle et au début du xviie siècle, Montpellier, université Paul-Valery, 1981 (1976).

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