Couverture de RHIS_112

Article de revue

Confisquer pour redistribuer : la circulation de la grâce royale d'après l'exemple de la forfaiture de Pierre Remi (1328)

Pages 311 à 326

Notes

  • [*]
    Les abréviations suivantes seront employées :
    – Charles IV rtc : Jean Guerout, Henri Jassemin et Aline Vallée, Registres du Trésor des chartes. Inventaire analytique, t. II : Règnes des fils de Philippe le Bel, 2e partie : Règne de Charles IV le Bel, Paris, Archives nationales, 1999 ;
    – Philippe VI rtc : Aline Vallée et Jules Viard, Registres du Trésor des chartes. Inventaire analytique, t. III : Règne de Philippe de Valois, 3 vol., Paris, Archives nationales, 1978-1984.
  • [1]
    Certains chroniqueurs mentionnent cependant la date du 26 avril 1328 (Jules Viard, Philippe VI de Valois. Début du règne (février-juillet 1328), Bibliothèque de l’École des chartes, 95, 1934, p. 259-283, à la p. 268, n. 2).
  • [2]
    Pierre Remi a été arrêté le 9 février 1328, moins de dix jours après la mort de Charles IV (Jules Viard, Les Journaux du Trésor de Philippe VI de Valois, suivis de l’Ordinarium thesauri de 1338-1339, Paris, Impr. nationale, 1899, n° 96), et il est condamné à mort le 25 avril (voir n. 9).
  • [3]
    Le colonel Borrelli de Serres a souligné à juste titre que les chroniqueurs – et nombre d’historiens à leur suite – avaient amplement exagéré le rôle joué par Pierre Remi auprès de Charles IV (colonel Léon-Louis Borrelli de Serres, Recherches sur divers services publics du xiiie au xviie siècle, 3 t., Paris, A. Picard, 1895-1909, réimpr. Genève, Slatkine, 1974, t. III, p. 310-311) : quoique Pierre ait participé au Conseil royal (Chronique parisienne anonyme de 1316 à 1339 précédée d’additions à la chronique française dite de Guillaume de Nangis (1206-1316), Amedée Hellot éd., Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 11, 1884, p. 1-207, à la p. 105), il n’a jamais dirigé la politique financière de la monarchie. Mais relativiser l’influence politique de Pierre ne remet pas en cause sa qualité de favori. Celui-ci a indubitablement bénéficié de la faveur royale – même si ce ne fut pas de manière aussi exclusive que d’autres (voir n. 89) –, répondant ainsi à la définition première du favori (voir Thierry Dutour, Faveur du prince, immoralité politique et supériorité sociale dans le royaume de France à la fin du Moyen Âge (xiiie-xve siècles), dans Le Prince et la norme. Ce que légiférer veut dire, Jacqueline Hoareau-Dodinau, Guillaume Métairie et Pascal Texier éds., Limoges, 2007, p. 421-435, aux p. 424-425 et Nicolas Le Roux, La Faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois, Seyssel, Champ Vallon, 2000, p. 22-23). Mais c’est surtout sa chute qui lui confère la qualité de favori, tant auprès de l’opinion publique qu’aux yeux des historiens (voir Ronald G. Asch, Schlußbetrachtung. Höfische Gunst und höfische Günstlinge zwischen Mittelalter und Neuzeit. 18 Thesen, dans Der Fall des Günstlings. Hofparteien in Europa vom 13. bis zum 17. Jahrhundert. 8. Symposium der Residenzen-Kommission der Akademie der Wissenschaften zu Göttingen, veranstaltet in Zusammenarbeit mit der Stadt Neuburg an der Donau, der Katholischen Universität Eichstätt-Ingolstadt und dem Deutschen Historischen Institut Paris, Neuburg an der Donau, 21. bis 24. September 2002, Jan Hirschbiegel et Werner Paravacini éds., Ostfildern, 2004, p. 515-531, aux p. 516-518).
  • [4]
    Le Roman de Renart le Contrefait, Gaston Raynaud et Henri Lemaître éds., t. I, Paris, H. Champion, 1914, p. 30-31, v. 2864-2944.
  • [5]
    BnF, PO 2769, Saint-Nectaire, n° 3.
  • [6]
    Sur la carrière de Pierre, voir L.-L. Borrelli de Serres, Recherches sur divers services publics…, op. cit. (n. 3), t. III, p. 295-301 ; J. Viard, Philippe VI de Valois. Début…, op. cit. (n. 1), p. 264 ; et Olivier Canteaut, Gouvernement et hommes de gouvernement sous les derniers Capétiens (1313-1328), thèse de doctorat, histoire, Paris I, 2005, 3 vol., multigr., t. II, p. 515-517.
  • [7]
    Il porte le titre de bourgeois de Paris à compter de 1322 (Albert Catel, « Pierre Remy, trésorier de France, seigneur de Montigny-Lencoup », Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondissement de Provins, 1934, p. 17-29, à la p. 21).
  • [8]
    Il est anobli par Charles IV en novembre 1325 (Charles IV rtc, n° 4606).
  • [9]
    La commission qui jugea Pierre et la sentence qu’elle rendit nous sont connues d’après le témoignage de neuf manuscrits modernes. Il s’avère malaisé d’établir une hiérarchie et, plus encore, des liens de filiation entre ces manuscrits : tous sont très fautifs et, à une exception près, aucun d’entre eux n’est directement copié sur un autre. Au regard des pièces qui les composent et de la tradition de plusieurs listes de noms propres, on peut tenter de les répartir en cinq ensembles, par ordre décroissant de qualité : 1. BnF, naf 7146 (ancien Brienne 175), fol. 1-2v et British Library, Add. 30568 (manuscrit de la collection Sérilly, copiée sur la collection Brienne ; voir Léopold Delisle, Manuscrits nouvellement acquis par le Musée britannique, Bibliothèque de l’École des chartes, 43, 1882, p. 424-430, à la p. 426), qui constituent les meilleurs témoins ; 2. BnF, fr. 23778, fol. 227v-230v, qui, en dépit d’erreurs de lecture considérables, donne accès à un état du texte très proche de l’original ; 3. BnF, fr. 18421, fol. 10v-14v ; 4. BnF, fr. 4310, fol. 18-21 et fr. 7583, p. 29-34, manuscrits relativement proches du BnF, fr. 18421, sans lui être pour autant affiliés ; 5. BnF, fr. 18420, fol. 353v-356v, fr. 19784, fol. 1-5v et fr. 23829, fol. 21-24v. Tous ces manuscrits résultent de travaux de compilation réalisés au xviie siècle pour consigner les procédures exceptionnelles menées par la monarchie contre ses financiers jusqu’en 1624. Ils forment le pendant des recueils de « grands procès » ayant trait à la lèse- majesté, réalisés en très grand nombre à la même époque (Jacques Chiffoleau, Le crime de majesté, la politique et l’extraordinaire : note sur les collections érudites de procès de lèse-majesté du xviie siècle français et sur leurs exemples médiévaux, dans Les Procès politiques (xive-xviie siècle), Yves-Marie Bercé dir., Rome, 2007, p. 577-662, aux p. 658-660).
  • [10]
    Cette situation contraste avec les circonstances de la chute de Marigny : selon nombre de chroniqueurs, le favori de Philippe IV s’était attiré l’animosité ouverte de Charles de Valois et c’est sous l’influence de ce dernier qu’il aurait été condamné (voir Jean Favier, Un conseiller de Philippe le Bel : Enguerran de Marigny, Paris, Presses universitaires de France, 1963, p. 193-195).
  • [11]
    L’affirmation du colonel Borrelli de Serres selon laquelle Pierre « s’était […] depuis longtemps attiré la haine du premier prince du sang », Philippe de Valois, est sans fondement (Recherches sur divers services publics…, op. cit. (n. 3), t. III, p. 303). En réalité, Philippe fut un proche de Charles IV : en témoigne par exemple le long voyage que fit ce dernier sur les terres de son cousin en 1323 (voir Raymond Cazelles, La Société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois, Paris, d’Argences, 1958, p. 42-43) ; et aucun élément n’atteste que Philippe ait pris ombrage de la puissance du trésorier.
  • [12]
    Pierre œuvre sous les ordres de Charles de Valois à l’exécution testamentaire de Louis X en 1316 (BnF, fr. 7855, p. 187). Durant l’ost de Gascogne en 1324, il veille également à l’accomplissement d’ordres émis par Charles (BnF, fr. 25994, n° 324). Il faut en revanche se garder d’identifier Pierre au notaire qui signe « Remi » au bas d’un acte de Philippe de Valois (abbé Jean Lebeuf, Mémoires concernant l’histoire civile et ecclésiastique d’Auxerre et de son ancien diocèse, Ambroise Challe et Maximilien Quantin éds., Auxerre/Paris, Perriquet-Dumoulin, 1848-1855, t. IV, n° 278, p. 172, cité dans A. Catel, Pierre Remy…, op. cit. (n. 7), p. 28) : en réalité, l’auteur de cette signature est un clerc de Philippe, Remi de Sainte-Marguerite (voir Olivier Canteaut, Du notaire au clerc du secret : le personnel de la chancellerie des derniers Capétiens directs dans les rouages du pouvoir, dans De part et d’autre des Alpes II. Chancelleries et chanceliers des princes à la fin du Moyen Âge, Guido Castelnuovo et Olivier Mattéoni dir., à paraître, à la n. 49).
  • [13]
    La sentence de condamnation de Pierre ne motive nullement la décision prise (BnF, naf 7146, fol. 1-1v). Elle est cependant suivie, dans tous les manuscrits qui la conservent, du procès-verbal succinct d’une confession dans laquelle Pierre avoue un faux en écriture et des malversations à l’encontre du roi (ibid., fol. 2).
  • [14]
    Thierry Dutour, Les affaires de favoris dans le royaume de France à la fin du Moyen Âge (xiiie-xve siècle), dans Affaires, scandales et grandes causes : de Socrate à Pinochet, Luc Boltanski, Élisabeth Claverie, Nicolas Offenstadt et Stéphane Van Damme dir., Paris, 2007, p. 133-148, à la p. 143.
  • [15]
    Pierre aurait avoué avoir trahi le roi en Gascogne (Chronique latine de Guillaume de Nangis de 1113 à 1300 avec les continuations de cette chronique de 1300 à 1368, Hercule Géraud (éd.), Paris, J. Renouard, 1843, t. II, p. 85 ; « Excerpta e Memoriale historiarum, auctore Johanne Parisiensi […] », dans Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XXI, Joseph-Daniel Guigniaut et Natalis de Wailly éds., Paris, C. Douniol, 1855, p. 630-689, à la p. 689).
  • [16]
    En témoignent les exemples contemporains de Piers Gaveston et d’Hugh Despenser le jeune (Gilles Lecuppre, Faveur et trahison à la cour d’Angleterre au début du xive siècle, dans La Trahison au Moyen Âge. De la monstruosité au crime politique (ve-xve siècle), Maïté Billoré et Myriam Soria dir., Rennes, 2009, p. 197-206, à la p. 198).
  • [17]
    Ibid., p. 203-206.
  • [18]
    L’interprétation par Yves-Marie Bercé du comportement des favoris déchus au cours du premier xviie siècle peut être extrapolée (Yves-Marie Bercé, Le sacrifice du mauvais ministre, dans L’Histoire grande ouverte : hommages à Emmanuel Le Roy Ladurie, André Burguière, Joseph Goy et Marie-Jeanne Tits-Dieuaide dir., Paris, 1997, p. 92-99, à la p. 99).
  • [19]
    Voir T. Dutour, Les affaires de favoris…, op. cit. (n. 14), principalement p. 139-142 pour un premier recensement de telles « affaires » et de tels « scandales » (sur ces deux termes, voir Nicolas Offenstadt et Stéphane Van Damme, Introduction, dans Affaires, scandales…, op. cit. (n. 14), p. 7-18, aux p. 9-12).
  • [20]
    T. Dutour, Faveur du prince…, op. cit. (n. 3), p. 422.
  • [21]
    Claude Gauvard, Ordonnance de réforme et pouvoir législatif en France au xive siècle (1303-1413), dans Renaissance du pouvoir législatif et genèse de l’État, André Gouron et Albert Rigaudière dir., Montpellier, Société d’histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, 1988, p. 89-98, à la p. 97. Sur la notion d’officier bouc émissaire, voir également Claude Gauvard, Le roi de France et l’opinion publique à l’époque de Charles VI, dans Culture et idéologie dans la genèse de l’État moderne. Actes de la table ronde organisée par le cnrs et l’École française de Rome (Rome, 15-17 octobre 1984), Rome, 1985, p. 353-366, aux p. 364-365.
  • [22]
    Bien que cette accusation à l’encontre de Philippe soit absente des chroniques contemporaines, elle a été émise par Gaston Raynaud (Discours de M. Gaston Raynaud, président de la Société pendant l’exercice 1907-1908, Annuaire-bulletin de la Société de l’histoire de France, 1908, p. 84-104, à la p. 103), puis reprise par le colonel Borrelli de Serres (L.-L. Borrelli de Serres, Recherches sur divers services publics…, op. cit. (n. 3), t. III, p. 303).
  • [23]
    La documentation relative à la fortune de Pierre, outre qu’elle est dispersée, n’est pas toujours explicite. La comptabilité royale conserve la trace de plus de 80 000 l. p. de biens meubles et de numéraire conservés par Pierre dans ses diverses demeures (J. Viard, Les Journaux…, op. cit. (n. 2), nos 54 à 60) et de joyaux, non estimés (ibid., nos 64 à 69). S’y ajoute la liste des sommes versées au Trésor entre 1328 et 1330 grâce à la confiscation des biens de Pierre (an, KK 2, fol. 28v, 51v, 78v, 103v, 122 et 149), pour un total de 43 710 l. p. – plutôt que de 52 000 l., total proposé par le colonel Borrelli de Serres (Recherches sur divers services publics…, op. cit. (n. 3), t. III, p. 304) : il s’agirait, selon ce dernier, du produit des créances que possédait Pierre (ibid.). Enfin, les actes royaux permettent de dresser une liste des terres de Pierre (voir ibid., p. 304-307 ; Jules Viard, Les domaines de Vaux de Pierre Remi, Annuaire-bulletin de la Société de l’histoire de France, 1921, p. 139-149 ; et O. Canteaut, Gouvernement…, op. cit. (n. 6), t. II, p. 517-518, n. 2665). Au total, les chroniqueurs attribuent à Pierre une fortune globale comprise entre 750 000 et 1 200 000 l. (J. Viard, Philippe VI de Valois. Début…, op. cit. (n. 1), p. 266, n. 1).
  • [24]
    C’est ce que rapporte le continuateur de Jean de Saint-Victor (Excerpta e Memoriale…, op. cit. (n. 15), p. 689).
  • [25]
    Charles IV rtc, nos 4922 à 4924, 4927 et 4928.
  • [26]
    Il est vrai que dès 1326, Charles IV avait concédé aux habitants de ces villes que celles-ci seraient perpétuellement unies à la Couronne à la mort de Pierre (ibid.), ce que confirma Philippe VI en juillet 1328 pour Servian et Vendres (Philippe VI rtc, n° 148).
  • [27]
    Nous avons trouvé trace de 41 cessions par le roi de biens confisqués à Pierre. Celles-ci se voient consignées dans 47 actes, certaines décisions ayant pu faire l’objet de confirmations ou de modifications.
  • [28]
    Alain Boureau, La Religion de l’État. La construction de la République étatique dans le discours théologique de l’Occident médiéval (1250-1350), Paris, Les Belles Lettres, 2006, p. 277. Pour un constat similaire, voir Julie Claustre-Mayade, Esquisse en vue d’une anthropologie de la confiscation royale. La dispersion des biens du cardinal Balue (1469), Médiévales, 56, 2009, p. 131-150 ; cette dernière étude s’attache avant tout au devenir des biens meubles du cardinal Balue, dont la dispersion est particulièrement bien documentée.
  • [29]
    Philippe VI rtc, n° 190.
  • [30]
    Philippe VI rtc, n° 1247.
  • [31]
    Philippe VI rtc, n° 448. Il put ainsi consolider l’ascension sociale paternelle et s’agréger à la noblesse sénonaise : sans doute est-ce lui qui est seigneur des Sièges en 1343 (Henri Furgeot, Actes du Parlement de Paris. Deuxième série : de l’an 1328 à l’an 1350. Jugés (lettres, arrêts, jugés), t. II : 1343-1350, revu par Madeleine Dillay, Suzanne Clémencet et Jean-Paul Laurent, Paris, Archives nationales, 1960, n° 5173).
  • [32]
    C’est en particulier le cas au sujet d’Enguerran de Marigny (J. Favier, Un conseiller…, op. cit. (n. 10), p. 221).
  • [33]
    Jean Remi admit même explicitement qu’il renonçait à toute revendication sur la fortune de son père et que les biens qui lui étaient remis par le roi l’étaient à titre de don gracieux (Philippe VI rtc, n° 448).
  • [34]
    Sur les dépenses du couronnement, voir J. Viard, Philippe VI de Valois. Début…, op. cit. (n. 1), p. 275-277 ; sur la campagne flamande, voir Jules Viard, La guerre de Flandre (1328), Bibliothèque de l’École des chartes, 83, 1922, p. 362-382.
  • [35]
    Joseph Petit, Charles de Valois (1270-1325), Paris, A. Picard, 1900, p. 325-326.
  • [36]
    Philippe VI rtc, nos 355 et 358 pour la compagnie des Angoissoles de Plaisance ; Philippe VI rtc, n° 412 pour celle des Doussains moyennant l’extinction de dettes royales ; Philippe VI rtc, n° 644 pour le Lucquois François Caussinel en paiement de dettes de Charles de Valois. Ces compagnies, comme d’autres, financèrent dans le même temps la campagne flamande de 1328 (an, KK 2, fol. 61v ; cité dans R. Cazelles, La Société politique…, op. cit. (n. 11), p. 276, n. 7).
  • [37]
    Philippe VI rtc, n° 89, don moyennant l’abandon de 3 714 l. de dettes.
  • [38]
    Robert Fawtier, Ce qu’il advenait des sceaux de la couronne à la mort du roi de France, Académie des inscriptions et belles lettres. Comptes rendus des séances de l’année, 1938, p. 522-530, aux p. 524-526.
  • [39]
    Ibid., p. 528. Philippe VI retint notamment 39 des meilleurs chevaux de l’écurie de Charles IV, qu’il racheta aux religieuses de la Saussaye moyennant 1090 l. p. (ad Yvelines, D 1392, n° 22 ; je remercie Olivier Guyotjeannin d’avoir attiré mon attention sur ce document). En 1324, Charles IV avait déjà envisagé de procéder de même pour les chevaux de sa femme Marie qui venait de décéder (ibid., n° 29).
  • [40]
    Philippe VI rtc, nos 166 et 222, en substitution de rentes respectivement sur le Trésor et sur la prévôté de Tournan.
  • [41]
    Philippe VI rtc, nos 245, 396, 591, 699, 1101 et 1247. Au demeurant, cette liste n’est sans doute pas complète : même si, aux dires de la lettre de commission des deux députés à la vente des biens de Pierre, toute vente devait être confirmée par un acte royal (Philippe VI rtc, n° 1247), il n’est pas certain que les actes afférents aient toujours été des chartes et donc qu’ils aient été transcrits dans les registres de chancellerie, notre principale source.
  • [42]
    Les ventes citées rapportèrent entre 9 190 et 10 415 l. t. – cette imprécision s’explique par l’omission de toute unité de compte pour certaines sommes.
  • [43]
    Voir n. 23.
  • [44]
    an, J 166, n° 5, édité dans J. Viard, Les domaines…, op. cit. (n. 23), p. 145-149. Le revenu total des terres concédées s’élevait à 514 l. t. Le plus petit des trois domaines ainsi remis à Charles, celui de Vaux, lui fut cependant retiré dès octobre 1328 au profit d’un sergent d’armes du roi (Philippe VI rtc, n° 634).
  • [45]
    Aux dires du continuateur de Jean de Saint-Victor, la reine Jeanne, veuve de Charles IV et sœur de Charles d’Évreux, aurait intercédé auprès de Philippe VI en faveur de Pierre Remi (Excerpta e Memoriale…, op. cit. (n. 15), p. 689). Pierre fut par ailleurs arrêté chez l’un des frères de Jeanne, Charles ou Philippe d’Évreux (Heinrich Finke, Acta Aragonensia. Quellen zur deutschen, italienischen, französischen, spanischen, zur Kirchen- und Kulturgeschichten aus der diplomatischen Korrespondenz Jaymes II, Berlin/Leipzig, W. Rothschild, 1908, t. I, p. 509).
  • [46]
    Voir notamment R. Cazelles, La Société politique…, op. cit. (n. 11), p. 122-132 et, pour la période antérieure, O. Canteaut, Gouvernement…, op. cit. (n. 6), t. III, p. 632-636.
  • [47]
    Gui Chevrier appartient à la Chambre depuis 1324 (O. Canteaut, Gouvernement…, op. cit. (n. 6), t. III, p. 672). Miles de Noyers y entre peut-être comme président dès 1326 (ibid., p. 673-674) et y siège régulièrement en 1328 et en 1329 (R. Cazelles, La Société politique…, op. cit. (n. 11), p. 94). Guichard de Beaujeu y fait son entrée en tant que président en avril 1328 ou 1329 (ibid., p. 122).
  • [48]
    Pour Noyers, Philippe VI rtc, n° 343, acte mutilé complété grâce au P. Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France […], continuée par Honoré Caille, sieur du Fourny, les P. Ange de Sainte-Rosalie et Simplicien (éd.), 3e éd., Paris, La Compagnie des libraires, 1726-1733, t. VI, p. 649 ; pour Chevrier, Philippe VI rtc, nos 670 et 816 ; pour Beaujeu, Alphonse Huillard-Bréholles, Titres de la maison ducale de Bourbon, t. I, Paris, H. Plon, 1867, n° 1873. En outre, lorsqu’il constitua le douaire de la femme de Guichard de Beaujeu, l’oncle de cette dernière, Guillaume de Châteauneuf, reçut du roi l’autorisation d’acquérir un des domaines de Pierre Remi (Philippe VI rtc, n° 591).
  • [49]
    Miles de Noyers reçut 400 l. t. de terre. À l’exception des dons faits à Charles d’Évreux et à Gilles de Soyecourt (voir n. 44 et 50), il s’agit de la plus importante concession évaluée qui ait été faite sur les biens de Pierre.
  • [50]
    Philippe VI rtc, nos 136 et 196.
  • [51]
    R. Cazelles, La Société politique…, op. cit. (n. 11), p. 123.
  • [52]
    Philippe VI rtc, n° 1227.
  • [53]
    Philippe VI rtc, n° 166. Il s’agit non pas d’un don, mais de l’assiette – il est vrai très avantageuse – d’une rente sur le Trésor.
  • [54]
    Philippe VI rtc, n° 1126.
  • [55]
    Philippe VI rtc, n° 292. Grâce au roi, il retrouve là la possession d’une rente qu’il avait lui-même donnée à Pierre du temps de sa splendeur.
  • [56]
    Philippe VI rtc, nos 147 et 222.
  • [57]
    Philippe VI rtc, n° 634.
  • [58]
    Philippe VI rtc, n° 236. Son appartenance à l’écurie royale est attestée par une ordonnance de l’Hôtel de 1328 (Jules Viard, L’Hôtel de Philippe VI de Valois, Bibliothèque de l’École des chartes, 55, 1894, p. 465-487 et 598-626, à la p. 481).
  • [59]
    Ils bénéficient chacun de deux dons (Philippe VI rtc, n° 489 et bm Rouen, Leber 5870, t. V, fol. 173-174 ; Philippe VI rtc, nos 512 et 704). Ces deux sommeliers servent respectivement dans l’hôtel de la reine et dans celui du prince Jean.
  • [60]
    Il reçut deux dons successifs (Philippe VI rtc, n° 653).
  • [61]
    Philippe VI rtc, nos 317, 653, 869 et 1044.
  • [62]
    Philippe VI rtc, n° 1848.
  • [63]
    Philippe VI rtc, n° 2945.
  • [64]
    Les dons les plus élevés sont estimés à 40 l. de rente annuelle (Philippe VI rtc, nos 222 et 634). Mais nombre de ces dons demeurent non évalués (voir par exemple Philippe VI rtc, nos 317, 489 et 653).
  • [65]
    L’expression apparaît pour la première fois en 1341 (Eusèbe de Laurière, Ordonnances des roys de France de la troisième race recueillies par ordre chronologique […], t. II, Paris, Impr. royale, 1729, p. 166, cité dans Werner Paravicini, Administrateurs professionnels et princes dilettantes. Remarques sur un problème de sociologie administrative à la fin du Moyen Âge, dans Histoire comparée de l’administration (ive-xviiie siècle). Actes du XIVe colloque historique franco-allemand, Tours, 27 mars-1er avril 1977, organisé en collaboration avec le Centre d’études supérieures de la Renaissance par l’Institut historique allemand de Paris, Werner Paravicini et Karl Ferdinand Werner éds., Munich/Zurich, Artemis, 1980, p. 168-181, à la p. 172, n. 23). Sur la pression exercée par les requérants sur le souverain et les moyens dont celui-ci tente de s’en prémunir, voir ibid., p. 169-181.
  • [66]
    Deux bénéficiaires des biens de Pierre Remi, Miles de Noyers et le barbier Perrot des Chaumes, figurent encore dans la liste des serviteurs mentionnés par le testament de Philippe VI en 1347 (an, J 406, nos 33 et 33bis). Par ailleurs, nombre de testaments concluent l’énumération des legs accordés aux serviteurs du roi par une clause recommandant aux exécuteurs de récompenser les personnes qui auraient pu être omises. Le testament de Philippe V stipule ainsi : « Comme moult d’autres genz nous aient servi ausquels nous n’avons fait nul leis par especial ne par avanture remuneracion souffisant de leur service, nous voulons, ordenons et commandons que remuneration leur soit faite sanz delay selon l’arbitre de noz exequteurs et en chargons leurs consciences » (an, J 404, n° 26). De même, Philippe VI prévoit dans son testament : « Nous lessons deus mil livres pour departir par noz chambellens, par les maistres de nostre hostel et par noz offices aus povres gens des offices de nostre hostel et de noz garderobes ausquelz nous ne faisons point d’autre lais, aus uns plus et aus autres mains, selon ce qu’il saront qu’il aront mieulz et plus grandement labouré et plus longuement servi » (an, J 404, nos 33 et 33bis). Je remercie Elizabeth A. R. Brown de m’avoir communiqué la transcription de ces deux documents inédits. Une édition de ces textes et de l’ensemble des testaments royaux capétiens, est en cours dans le cadre du projet « Derniers Capétiens » dirigé par Xavier Hélary.
  • [67]
    La notion de patronage a été peu appliquée aux hôtels français, contrairement à leurs homologues anglais – il est vrai que le caractère contractuel de la relation qui unit le souverain à ses serviteurs est plus explicite et mieux documenté outre-Manche (voir par exemple Simon K. Walker, The Lancastrian Affinity, 1361-1399, Oxford, Clarendon Press, 1990, p. 81-116). Pour une approche de l’historiographie anglaise à ce sujet et une définition du concept de patronage, voir Edward Powell, « “After McFarlane”: the Poverty of Patronage and the Case of Constitutionnal History », dans Trade, Devotion and Governance. Papers in Later Medieval History, Dorothy J. Clayton, Richard G. Davies et Peter McNiven éds., Phoenix Mill, Alan Sutton, 1994, p. 1-16, aux p. 1-3 et 4-6. Sur la pratique du patronage dans la France de la fin du Moyen Âge, voir notamment Peter Shervey Lewis, Decayed and Non-feudalism in Later Medieval France, Bulletin of the Institute of Historical Research, 37, 1964, p. 157-184 et id., Later Medieval France. The Polity, Londres/New York, Saint Martin, 1968 ; tr. fr. La France à la fin du Moyen Âge. La Société politique, Paris, Hachette, 1977, p. 316-317.
  • [68]
    The Livre de paix of Christine de Pisan, Charity Cannon Willard (éd.), La Haye, Mouton, 1958, p. 148, cité dans Alain Guéry, Le roi dépensier. Le don, la contrainte et le système financier de la monarchie française d’Ancien Régime, Annales : économies, sociétés, civilisations, 1984, p. 1241-1269, à la p. 1246.
  • [69]
    Philippe Haugeard, L’enchantement du don. Une approche anthropologique de la largesse royale dans la littérature médiévale (xiie-xiiie siècles), Cahiers de civilisation médiévale (xe-xiie siècles), 2006, p. 295-312, aux p. 304-305 ; voir également Gerd Althoff, Huld. Überlegungen zu einem Zentralbegriff der mittelalterlichen Herrschaftsordnung, Frühmittelalterliche Studien, 25, 1991, p. 259-282, aux p. 271-273. La générosité royale n’a donc nullement une fonction de redistribution, mais contribue au contraire à renforcer les hiérarchies sociales (L’enchantement…, op. cit. (n. 69), p. 304-305).
  • [70]
    Gilles de Rome fait par exemple de la liberalitas la cinquième des vertus du prince, soit la première après les quatre vertus cardinales ; il consacre à cette seule liberalitas six chapitres du De regimine principum (Aegidius Romanus, De regimine principum libri III, F. Hieronymus Samaritanius (éd.), Rome, Bartholomeo Zannetto, 1607, réimpr. Aalen, Scientia Verlag, 1967, livre I, 2e partie, chap. XVII à XXIII, p. 98-119). Au demeurant, Gilles de Rome ne fait pas là preuve d’une grande originalité (voir les mentions de la largesse royale, particulièrement nombreuses, du xiie au xvie siècle, réunies dans A. Guéry, Le roi dépensier…, op. cit. (n. 68), p. 1244-1250 ; voir également, pour les xiie et xiiie siècles, P. Haugeard, L’enchantement…, op. cit. (n. 69), p. 298-300 et 307). L’éloge de la libéralité prend toutefois une vigueur nouvelle à l’époque de Gilles, nombre d’ecclésiastiques œuvrant alors à légitimer la largesse et son corollaire, la richesse du souverain (A. Boureau, La Religion de l’État…, op. cit. (n. 28), p. 266-270 ; voir également Lydwine Scordia, « Le roi doit vivre du sien ». La théorie de l’impôt en France (xiiie-xve siècles), Paris, Institut d’études augustiennes, 2005, p. 337-339).
  • [71]
    C’est à ce mot que recourt, au xiiie siècle, l’un des traducteurs de Gilles de Rome en français (Li Livres du gouvernement des rois. An xiiith Century French Version of Egidio Colonna’s Treatise De regimine principum, Samuel Paul Molenaer éd., New York, Macmillan, 1899, p. 59). Cette équivalence entre « largesse » et liberalitas est également établie par certains glossaires médiévaux latin-français (Firmini Verris dictionarius/Dictionnaire latin-français de Firmin Le Ver, Brian Merrilees et William Edwards éds., Turnhout, Brepols, 1994, p. 273).
  • [72]
    Durant le règne de Philippe V par exemple, plus de la moitié des actes royaux commandés à la chancellerie par le roi lui-même accordent des libéralités diverses, qu’il s’agisse de dons matériels, de privilèges ou d’exemptions financières (O. Canteaut, Gouvernement…, op. cit. (n. 6), t. III, p. 573).
  • [73]
    Parmi les « dons » qui s’écartent manifestement de la conception du don pur, citons notamment des assiettes de rentes (Charles IV rtc, n° 4489), des échanges de biens ou de rentes (Charles IV rtc, nos 3884, 4661, 4680…), des accensements (Charles IV rtc, n° 4549)… Au total, lorsqu’il rédige son formulaire de chancellerie au début du xve siècle, Odart Morchesne emploie donnons ou damus dans plus de 30 % des actes et il y recourt comme verbe du dispositif dans 15 % des cas (Olivier Guyotjeannin et Serge Lusignan, Le Formulaire d’Odart Morchesne dans la version du ms. BnF fr. 5024, Paris, École nationale des chartes, 2005 ; interrogation en ligne à l’adresse http://elec.enc.sorbonne.fr/morchesne).
  • [74]
    Sur l’obligation que crée le don, voir notamment Maurice Godelier, L’Énigme du don, Paris, Fayard, 1996, p. 21-25 ; sur le caractère englobant et hétérogène de la notion de don telle que l’a théorisée Marcel Mauss, et sur les rapports entre don et échange marchand, voir Florence Weber, Transactions marchandes, échanges rituels, relations personnelles. Une ethnographie économique après le Grand Partage, Genèses, 41, décembre 2000, p. 85-107, en particulier p. 93-96 et 104-105.
  • [75]
    Sur le don comme principale manifestation de la grâce, voir notamment G. Althoff, Huld…, op. cit. (n. 69), p. 272. Sur la grâce judiciaire comme modalité de gouvernement, voir Claude Gauvard, Le roi de France et le gouvernement par la grâce à la fin du Moyen Âge. Genèse et développement d’une politique judiciaire, dans Suppliques et requêtes. Le gouvernement par la grâce en Occident (xiie-xve siècle), Hélène Millet dir., Rome, École française de Rome, 2003, p. 371-404, aux p. 383-390. Pour une analyse des fondements théologiques du gouvernement par la grâce, voir Christian Trottmann, Gouvernement divin et gouvernement humain par la grâce, dans Suppliques et requêtes…, op. cit. (n. 75), p. 251-262, aux p. 253-258.
  • [76]
    Sur les rapports ambivalents qui existent entre largesse et charité, voir A. Guéry, Le roi dépensier…, op. cit. (n. 68), p. 1246.
  • [77]
    Pour que la largesse royale puisse être érigée en vertu morale, il faut qu’elle soit gratuite, c’est là un lieu commun. Or, cette conception idéale, précisément parce qu’elle nie toute fonction utilitaire à la générosité royale, contribue à accroître encore son efficience politique et sociale. Voir P. Haugeard, L’enchantement…, op. cit. (n. 69), en particulier p. 301 et 304, et N. Le Roux, La Faveur du roi…, op. cit. (n. 3), p. 24.
  • [78]
    Évrart de Trémaugon affirme explicitement : « Les roys et les impereurs sont donataires, et par consequent ils sont seigneurs » (Le Songe du vergier, Marion Schnerb-Lièvre éd., Paris, cnrs, 1982, t. II, p. 123, cité dans A. Guéry, Le roi dépensier…, op. cit. (n. 68), p. 1243).
  • [79]
    Alain Guéry constate qu’il faut pourtant attendre le xvie siècle pour voir les théoriciens de la monarchie présenter les libéralités constantes du souverain comme un facteur d’épuisement des ressources royales qui rend nécessaire le recours à l’impôt (A. Guéry, Le roi dépensier…, op. cit. (n. 68), p. 1250-1251). Jusqu’alors ce problème n’était abordé qu’incidemment : on attribuait le renouvellement des richesses royales tantôt à une origine divine ou magique, tantôt aux services accomplis par les donataires ou à leurs contre-dons (P. Haugeard, L’enchantement…, op. cit. (n. 69), p. 306-307).
  • [80]
    Le compte du Trésor de 1316 en témoigne clairement, en dressant la longue liste des rentes – et des arrérages – servis par le Trésor, pour un montant total supérieur à 60 000 l. t. (Robert Fawtier, Comptes du Trésor (1286, 1316, 1384, 1477), Charles-Victor Langlois (dir.), Paris, Impr. nationale, 1930, nos 679-758 et nos 867-1069 ; voir les tableaux récapitulatifs, ibid., p. lviii). Nombre de ces rentes sont encore acquittées à la fin du xive siècle (voir par exemple ibid., nos 868 et 2212 ; nos 903 et 1398…).
  • [81]
    Guillaume Leyte, Domaine et domanialité publique dans la France médiévale (xiie-xve siècle), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1996, p. 335. Cette théorisation fait écho d’une part à la définition de l’inaliénabilité par les canonistes depuis le début du xiiie siècle (ibid., p. 266-282), d’autre part à la remise en cause par le roi de France, depuis 1260, d’aliénations domaniales ponctuelles (ibid., p. 325-334).
  • [82]
    Cette contradiction est pointée dès 1329, lors de l’assemblée de Vincennes réunie pour mettre fin aux conflits de juridiction entre le roi et l’Église : alors que le défenseur des droits du roi, prenant appui sur le serment du sacre, énonce pour la première fois le principe d’inaliénabilité, celui-ci est aussitôt récusé par le cardinal Pierre Bertrand, qui affirme que saint Louis lui-même a procédé à des donations et qu’il n’aurait pu être canonisé si une telle pratique avait été contraire aux obligations du serment du sacre (Libellus Petri Bertrandi, Jean-Louis Brunet éd., dans Pierre-Toussaint Durand de Maillane, Les Libertez de l’Église gallicane […], t. III, Lyon, P. Bruyset-Ponthus, 1771, p. 425-503, à la p. 482 ; cité dans G. Leyte, Domaine…, op. cit. (n. 81), p. 335). Toutefois, la contradiction entre largesse royale et inaliénabilité du domaine ne paraît plus avoir été soulevée par la suite.
  • [83]
    Voir Charles-Victor Langlois, Registres perdus des archives de la chambre des comptes de Paris, Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques publiés par l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 40, 1916, p. 33-398, aux p. 102-151, tiré à part, Paris, Impr. nationale, 1917, p. 70-119 ; et G. Leyte, Domaine…, op. cit. (n. 81), p. 326-334.
  • [84]
    Robert-Henri Bautier, Recherches sur la chancellerie royale au temps de Philippe VI, Bibliothèque de l’École des chartes, 122, 1964, p. 89-176 et 123, 1965, p. 313-459, à la p. 391 ; réimpr. dans id., Chartes, sceaux et chancelleries, t. II, Paris, École nationale des chartes, 1990, p. 615-852, à la p. 781.
  • [85]
    Par suite du développement des cas royaux, le nombre de confiscations au profit du roi s’est accru de façon constante à compter du xiiie siècle (voir Pierre Timbal, La confiscation dans le droit français des xiiie et xive siècles, Revue historique de droit français et étranger, 1943, p. 45-79, et 1944, p. 35-60, aux p. 37-43). Parallèlement, les théologiens justifient à la fin du xiiie siècle le droit de confiscation du souverain, faisant de ce dernier le maître de la circulation des richesses au nom du bien commun (A. Boureau, La Religion de l’État…, op. cit. (n. 28), p. 279-281). Voir également J. Claustre-Mayade, Esquisse…, op. cit. (n. 28), p. 132-133.
  • [86]
    G. Leyte, Domaine…, op. cit. (n. 81), p. 146. C’est ainsi que Philippe V ordonne dès 1316 que les rentes que sert le Trésor soient assises sur les confiscations (Eusèbe de Laurière, Ordonnances des roys de France de la troisième race recueillies par ordre chronologique […], t. I, Paris, Impr. royale, 1723, p. 626) ; puis, en 1318, que l’ensemble des dons qu’il fera soit assigné sur les forfaitures, à l’exclusion du domaine (ibid., p. 659, art. 15).
  • [87]
    Voir notamment, pour les révocations de 1318, O. Canteaut, Gouvernement…, op. cit. (n. 6), t. III, p. 580-582. Le caractère sélectif de telles opérations est d’ailleurs clairement affirmé dans la seconde moitié du xive siècle : ceux qui ont bien servi le souverain se voient alors exemptés de toute poursuite (G. Leyte, Domaine…, op. cit. (n. 81), p. 336-337).
  • [88]
    Chilly, après avoir été acquise par Philippe IV (Jean Guerout, Registres du Trésor des chartes. Inventaire analytique, t. II : Règnes des fils de Philippe le Bel, 1re partie : Règnes de Louis X le Hutin et de Philippe V le Long, Robert Fawtier (dir.), Paris, Archives nationales, 1966, n° 269), est donnée par le roi à Béraud de Mercœur en 1310 (Jean Glénisson et Jean Guerout, Registres du Trésor des chartes. Inventaire analytique, t. I : Règne de Philippe le Bel, Robert Fawtier dir., Paris, Archives nationales, 1958, n° 1101). Celui-ci la vend en 1312 à Enguerran de Marigny (ibid., n° 1724). La seigneurie échoit de nouveau au roi par confiscation à la chute de Marigny et fait aussitôt l’objet d’un don de Louis X, tout d’abord à son oncle Louis d’Évreux (J. Guerout, Registres du Trésor des chartes…, op. cit. (n. 88), n° 202) puis, après annulation du don précédent, à son cousin Louis de Clermont (ibid., n° 269). Louis de Clermont, à son tour, vend la seigneurie à un neveu du pape (ibid., n° 1314), qui l’échange avec le roi en 1319 (ibid., n° 2845). De nouveau, Chilly est aussitôt donné par Philippe V à son épouse Jeanne de Bourgogne (ibid., n° 3577). Revenue entre les mains du roi, sans doute à la suite de la réduction autoritaire du douaire de Jeanne en 1322 (an, J 408, n° 32), la seigneurie est enfin donnée au duc de Bretagne en 1331 en remplacement d’un don antérieur (Philippe VI rtc, n° 1202).
  • [89]
    Sur la notion de transgression par les favoris de l’ordre social idéal, voir T. Dutour, Faveur du prince…, op. cit. (n. 3), p. 430-435.
  • [90]
    Ainsi Pierre Remi n’a-t-il bénéficié que d’une dizaine de dons royaux durant ses quinze années de carrière au service du roi et Enguerran de Marigny de 23 dons et d’une quinzaine de privilèges en dix années à la cour ; à titre de comparaison, Philippe V a accordé en cinq ans de règne plus de 600 dons, au sens strict de ce terme.
  • [91]
    Voir par exemple Aegidius Romanus, De regimine principum…, op. cit. (n. 70), livre I, 2e partie, chap. XVIII, p. 102-105 sur la prodigalitas – terme traduit en français par « foulargesce » ou « fole largesce » (Li Livres du gouvernement des rois…, op. cit. (n. 71), p. 62-65). Sur la notion de « folle largesse », voir A. Guéry, Le roi dépensier…, op. cit. (n. 68), p. 1246.
  • [92]
    Ainsi la haute noblesse anglaise se soulève-t-elle contre la faveur excessive accordée par Édouard II à son favori Hugh Despenser le jeune à partir de 1319 (Alistair Tebbit, Royal Patronage and Political Allegiance : the Household Knights of Edward II, 1314-1321, dans Thirteenth Century England X. Proceedings of the Durham Conference, 2003, Michael Prestwich, Richard Britnell et Robin Frame (éds.), Woodbridge, 2005, p. 197-208, aux p. 206-208). En France, le même phénomène a pu contribuer au déclenchement de la révolte des barons normands contre Jean II et son favori Charles d’Espagne (voir Raymond Cazelles, Société politique, noblesse et Couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève, Droz, 1982, p. 157-158). La participation de serviteurs de Philippe IV aux Ligues de 1314 (Elizabeth A. R. Brown, Reform and Resistance to Royal Authority in Fourteenth Century France : the Leagues of 1314-1315, Parliaments, Estates and Representation, 1, 1981, p. 109-137, à la p. 114 ; réimpr. dans ead., Politics and Institutions in Capetian France, Aldershot, Variorum, 1991, art. V) n’est peut-être pas non plus sans rapport avec les libéralités qu’accumule alors Enguerran de Marigny. Voir également, pour le haut Moyen Âge, G. Althoff, Huld…, op.cit. (n. 69), p. 273-274.
  • [93]
    C. Gauvard, Le roi de France et l’opinion publique…, op. cit. (n. 21), p. 365.

1Le 25 avril 1328, Pierre Remi était pendu à Montfaucon [1]. Moins de trois mois après son accession au pouvoir, Philippe VI le faisait exécuter [2] et éliminait ainsi le trésorier et le favori de son prédécesseur [3]. La roue de la Fortune avait une nouvelle fois tournée : aux yeux de l’auteur de Renart le Contrefait l’exécution de Pierre, au même titre que celle d’Enguerran de Marigny treize ans auparavant, illustrait ses soudains revirements [4].

2Il est vrai que la carrière et la fin de Pierre étaient exemplaires : d’origine obscure, Pierre avait débuté modestement, comme prévôt de Sens [5]. Remarqué par Louis de Navarre, il devint à compter de 1314 l’un des principaux agents financiers du souverain, dans son royaume de Navarre, puis dans celui de France. À la mort de Louis X, il ne resta pas dans l’entourage royal, mais se rapprocha de Charles de la Marche. C’est ce dernier qui, lors de son accession au trône de France en 1322, paracheva la fortune politique de Pierre en lui conférant la charge de trésorier, et sa fortune financière en le couvrant de dons et de libéralités [6]. Ces largesses vinrent s’ajouter aux sommes amassées par Pierre comme marchand et lui permirent de s’élever jusqu’aux rangs de la bourgeoisie parisienne [7], puis de la noblesse [8].

3Mais une telle ascension sociale faisait du favori de Charles IV une cible idéale pour l’opinion publique – et donc pour le roi. Aussi était-il presque inéluctable que Philippe VI ordonnât sa condamnation [9]. Pourtant, aucun ressentiment partisan n’était venu entacher les relations des deux hommes [10] : Pierre s’était toujours gardé d’entrer en conflit avec les Valois [11] et, en tant que trésorier royal, il avait même œuvré en bonne intelligence avec Charles de Valois [12]. Quant aux fautes qui lui étaient imputées, concussion et faux en écriture [13], elles étaient fort banales, au point de constituer une constante dans les scandales de favoris [14]. Les aveux de trahison qu’aux dires des chroniqueurs, Pierre aurait prononcés au pied du gibet [15], s’avèrent tout aussi topiques [16] : ils ne font que concrétiser le sentiment que le favori, parce qu’il pervertit le système monarchique, est par essence traître au roi et à la Couronne [17] – jugement auquel les favoris déchus semblent souscrire eux-mêmes consciemment, car nombre d’entre eux confessent une telle trahison au moment de leur exécution [18]. Mais qu’importaient les justifications apportées à l’exécution de Pierre ? Une telle condamnation publique s’avère consubstantielle au système monarchique d’Ancien Régime, du xiiie au xviiie siècle [19], et en constitue un « mode de régulation administrative et politique » [20]. Aussi Pierre subit-il le sort de ces officiers boucs émissaires dont le sacrifice périodique permet de créer une « unanimité dans laquelle se régénère et s’entretient la machine politique » [21] – unanimité d’autant plus nécessaire pour un souverain dont la légitimité et la popularité restaient alors à construire.

4L’exécution de Pierre permettait donc au nouveau roi d’accomplir aisément un geste de propagande en direction de ses sujets. Elle lui offrait également la possibilité de mettre la main par voie de confiscation sur l’immense fortune accumulée par l’ancien trésorier. La convoitise royale a-t-elle pu suffire à susciter la chute de Pierre [22] ? Seule certitude, le bénéfice matériel que tira le roi des biens ainsi confisqués fut de courte durée : même s’il est difficile d’en dresser un inventaire exact [23], il semble que Philippe VI se soit débarrassé de la totalité d’entre eux. Ainsi aurait-il dilapidé tous les joyaux de Pierre [24] ; tout au plus fit-il une exception parmi les terres confisquées en conservant les villes de Caux, Servian, Conques-sur-Orbiel, Vendres et Trèbes, toutes villes sises dans la sénéchaussée de Carcassonne qui avaient été cédées à vie à Pierre par Charles IV [25] – ce qui constituait sans doute le don le plus spectaculaire du roi à son trésorier [26]. Durant huit années, Philippe VI s’employa donc à dilapider ce que Pierre avait amassé : une quarantaine d’actes royaux, en faveur de 37 bénéficiaires différents, furent nécessaires pour qu’il y parvînt [27]. Autant de décisions qui montrent que le souverain ne prétendait pas s’approprier définitivement les dépouilles de l’ancien trésorier royal : la confiscation constitue une modalité de circulation des biens dont le souverain est maître, mais qu’il ne manie pas à des fins d’enrichissement, se contentant du rôle de « moteur immobile des biens » [28].

5La liste des bénéficiaires de la fortune de Pierre Remi témoigne des intérêts multiples que Philippe VI souhaitait satisfaire grâce à cette confiscation opportune. Le souverain fit tout d’abord quelques restitutions gracieuses aux héritiers de Pierre : la veuve de Pierre obtint, pour elle et son fils, la rétrocession de sa dot et d’une partie des dons et acquêts de son mari [29]. Le fils aîné de Pierre, Jean, reçut quant à lui l’autorisation de racheter prioritairement quelques biens de son père lors de leur vente [30], et s’en vit concéder d’autres à titre gracieux [31]. Contrairement à ce que l’historiographie a pu affirmer à propos de quelques condamnés célèbres [32], il ne prétendait pas soulager ainsi sa conscience après une exécution qu’il aurait lui-même perçue comme injuste. Il entendait en réalité conforter son droit à disposer des biens confisqués de Pierre, puisque l’acceptation de telles concessions valait implicitement, pour leurs bénéficiaires, reconnaissance de ce droit [33].

6Outre ses héritiers, trois groupes tirèrent profit des possessions de l’ancien trésorier. Le premier d’entre eux est sans nul doute le plus attendu : il s’agit de tous ceux qui s’avéraient prêts à tirer un trait sur les dettes de la monarchie ou à renflouer ses caisses – caisses que la guerre de Gascogne sous Charles IV, puis le couronnement de Reims et son cortège de dépenses somptuaires, et enfin la reprise des hostilités contre les Flamands en juillet 1328, avaient largement vidées [34]. De plus, Philippe VI héritait des dettes contractées par ses prédécesseurs, mais aussi par un père volontiers impécunieux [35]. Il fut donc heureux de pouvoir annuler, en échange de quelques biens confisqués, une partie des créances détenues par des marchands lombards [36] : c’était là l’occasion de s’offrir une crédibilité financière de bon aloi moins d’un an après son avènement. Une autre dette fut très rapidement apurée, dès juin 1328 : celle qui, sans doute en raison de la succession de Charles IV, l’obligeait envers les religieuses de la Saussaye [37]. Au décès d’un souverain, l’abbaye recevait en effet nombre de dépouilles en aumône, qu’il se fût agi des chevaux ou encore de la matrice du sceau du défunt [38]. Or Philippe VI, comme bien d’autres souverains, préféra conserver ces biens précieux, d’autant qu’un tel héritage contribuait à conforter la légitimité de son accession au trône [39]. Il importait cependant de dédommager au plus tôt les religieuses de la Saussaye afin d’obtenir symboliquement la pleine propriété de ces biens. Les terres de Pierre Remi permirent opportunément de lever cette hypothèque. Plus prosaïquement, le roi soulagea son domaine et son Trésor du paiement de rentes régulières moyennant l’abandon de quelques terres [40] ; et il fit vendre une poignée de possessions [41]. Les quelque 10 000 livres tournois ainsi récoltées [42] venaient s’ajouter fort avantageusement à la fortune mobilière considérable de Pierre – évaluée à plus de 80 000 livres parisis – qui était venue alimenter le Trésor dès juin 1328 [43].

7Cependant, ventes et échanges ne concernent qu’un tiers environ des terres de Pierre Remi : Philippe VI préféra bien souvent s’en défaire à titre gracieux, quels que pussent être ses besoins financiers. C’est que le nouveau roi entendait en faire usage pour récompenser généreusement ses principaux partisans et, si nécessaire, pour faire taire les mécontents. Le premier à recevoir ainsi une parcelle – fort généreuse – de la forfaiture de Pierre, dès le mois de juin 1328, fut Charles d’Évreux, comte d’Étampes [44]. Peut-être était-il un des soutiens du trésorier défunt que l’on tentait d’apaiser [45]. Le reste de l’entourage royal fut bientôt servi et nombre des personnages en vue de la société politique valoise en reçurent leur part. Les maîtres de la Chambre des comptes, qui dominaient alors le Conseil royal [46], furent les mieux pourvus. Parmi eux, Miles de Noyers, Gui Chevrier et Guichard de Beaujeu [47] bénéficièrent de ces dépouilles [48] et en reçurent les plus belles parts [49]. S’y ajoutent de grands officiers de l’Hôtel – Gilles de Soyecourt, échanson de France [50], qui allait devenir président de la Chambre des comptes [51], Jean d’Andrezel, chambellan du roi [52] et Rogue de Hangest, panetier de France [53] – ainsi que deux barons : les comtes de Boulogne [54] et de Flandre [55]. Ainsi, la forfaiture de Pierre permit opportunément à Philippe de Valois d’affermir ses soutiens politiques.

8Cependant, les biens de l’ancien trésorier de Charles IV n’échurent pas qu’aux puissants susceptibles de défendre le régime : des serviteurs bien plus modestes du nouveau souverain en eurent aussi leur part. Parmi les bénéficiaires de dons assis sur la forfaiture de Pierre figurent ainsi nombre d’officiers domestiques de l’Hôtel : deux huissiers [56], un sergent d’armes [57], un maréchal de l’écurie [58], deux sommeliers [59], le barbier du roi [60], trois valets [61], un cuisinier [62], enfin un maître de l’hôtel de la reine [63]. Certes tous les dons ainsi reçus, lorsqu’on en connaît la valeur, s’avèrent modestes, à l’aune du statut de leurs destinataires [64]. Mais ces hommes sont nombreux : ils constituent un tiers des bénéficiaires de la fortune de Pierre Remi. En récompensant des serviteurs sans nul doute méritants, mais dénués de toute influence politique, Philippe VI ne dilapidait-il pas vainement la fortune de l’ancien trésorier, cédant ainsi trop facilement à « l’importunité de requérants » peuplant son entourage [65] ?

9À la vérité, la générosité du nouveau roi à l’égard de ses serviteurs, y compris les plus modestes, ne fut pas exceptionnelle et ses prédécesseurs avaient tous fait preuve des mêmes largesses. En témoignent notamment les testaments royaux qui dressent de longues listes de legs à distribuer à tous les serviteurs de l’Hôtel, du plus éminent au plus modeste [66]. C’est que le roi a, envers tous ceux qu’abrite son hôtel, les devoirs d’un patron et qu’il se doit donc de les protéger et de les récompenser [67]. De telles obligations ne se limitent d’ailleurs pas à l’Hôtel : elles s’étendent à l’ensemble des sujets du royaume, même si le roi « est plus tenus [de donner] a ses prouchains que a autre gent » [68] et s’il se doit d’exercer sa générosité en respectant le rang de chacun [69]. De fait, le souverain idéal est censé placer au premier rang de ses vertus la liberalitas[70] – la « largesse » en français [71]. En conséquence les dons, quelle que soit leur forme, constituent la meilleure part des actes émis au nom du monarque [72]. La chancellerie royale ne manque pas d’amplifier ce phénomène, puisqu’elle met en œuvre une conception très extensive de la notion de don [73]. Se voient ainsi qualifiées de « dons » toutes les transactions non marchandes qui prévoient une cession matérielle de la part du souverain, fût-elle compensée par une contrepartie – qu’il s’agisse de biens dans le cadre d’un échange ou d’une assiette, ou qu’il s’agisse de la fidélité et des services auxquels s’oblige le bénéficiaire d’un don gracieux –, mais aussi des transactions non marchandes, dès lors qu’elles mettent en jeu des relations personnelles entre le souverain et les « donataires » [74]. Dans ces conditions, le don apparaît comme la principale modalité d’action du souverain et constitue, avec la grâce judiciaire, l’un des deux fondements du gouvernement par la grâce de la monarchie [75]. Distribuer les biens de Pierre Remi constitue donc un acte politique fondateur pour le pouvoir valois. En soulageant ainsi son Trésor et en restaurant le crédit financier de la monarchie, en récompensant et en achetant des fidélités, en faisant acte de charité à l’égard des héritiers de Pierre [76] et, à plus forte raison, en dispensant autour de lui des libéralités gratuites et inutiles [77], le nouveau souverain démontre sa capacité à donner et à répandre la grâce royale. Il s’agit là d’un préalable indispensable pour détenir le pouvoir politique et pour prétendre exercer un bon gouvernement [78].

10Cependant, il n’est guère aisé pour le roi d’entretenir ce potentiel. La constante libéralité dont il doit faire preuve réduit les ressources de la monarchie [79] ; qui plus est, dans la mesure où nombre de dons royaux consistent en revenus concédés à volonté, à vie, voire à perpétuité, ces amputations s’accumulent durablement [80]. Or au début du xive siècle, alors que la conjoncture économique se retourne, le domaine royal se stabilise après un siècle de croissance et se voit peu à peu déclaré inaliénable : c’est en 1329 que, sous la plume d’un conseiller de Philippe VI, son inaliénabilité est théorisée pour la première fois dans l’entourage royal [81]. Pourtant, ce principe entre en contradiction avec l’obligation de largesse royale [82]. Cela étant, seules des opérations exceptionnelles peuvent désormais permettre au souverain de réactiver sa capacité à donner. La vaste entreprise de révision des dons de ses prédécesseurs lancée par Philippe V en 1319 répond à cette contrainte : cette campagne aboutit à l’annulation de nombre de concessions antérieures au prétexte que celles-ci auraient été obtenues de façon subreptice [83]. Une opération similaire sera mise en œuvre par Philippe VI à compter de 1343 [84]. Confisquer la fortune de quelque condamné constitue un autre moyen d’alimenter le stock de biens que le roi pourra distribuer autour de lui. Cette pratique s’impose au fil du xiiie siècle pour le plus grand profit du roi [85], d’autant plus que ce qui échet au roi ne s’agrège pas directement au domaine et n’est donc pas soumis aux mêmes contraintes d’inaliénabilité [86]. Il pourrait paraître surprenant que le roi ait pu asseoir sa capacité à donner sur les confiscations des biens qu’il opère, y compris contre d’anciens serviteurs, ou pis encore, sur la révocation de ses dons antérieurs : l’application de telles mesures, voire leur seule éventualité, eût pu rompre les termes de l’échange entre le roi et les donataires et menacer ainsi l’efficacité du patronage royal. Mais les opérations de révocation, comme les confiscations, ne sont jamais générales ni aveugles : elles frappent des hommes en disgrâce, avec lesquels tout lien politique a déjà été rompu [87]. Dans ces conditions, à compter du xive siècle, don et confiscation en viennent à constituer deux modes complémentaires de circulation des biens. En témoigne le parcours de certaines terres, données, puis confisquées et de nouveau redistribuées. La seigneurie de Chilly qui, entre 1310 et 1331, a fait l’objet de cinq dons royaux et est revenue à quatre reprises dans les mains du roi, deux fois par confiscation et deux fois par achat ou échange, constitue un exemple emblématique de ce phénomène [88]. Dans les mains du roi, don et confiscation forment ainsi les deux faces indissociables d’une même pratique du pouvoir.

11Le sort des favoris royaux, en grâce puis en disgrâce, participe pleinement de ce fonctionnement. Ceux-ci accumulent les dons, accaparent la faveur royale et la détournent de ceux qui, par leur rang dans la société, devraient en jouir les premiers [89]. Les dons qu’ils amassent, pour spectaculaires qu’ils puissent être, n’obèrent jamais la capacité du souverain à donner [90] ; les favoris n’en incarnent pas moins un dévoiement de la libéralité royale, dénoncé par les moralistes sous le qualificatif de « folle largesse » [91]. Ils corrompent ainsi le système de don qui constitue l’un des fondements du pouvoir royal, au point de menacer ce dernier. En témoignent l’affaiblissement du patronage royal et, pour finir, les révoltes qui peuvent résulter d’une faveur trop exclusive [92]. La chute de tels favoris et la redistribution de leurs biens contribuent au contraire à réactiver la capacité du souverain à donner, à revivifier publiquement la circulation de la grâce royale, et ainsi à consolider l’unité du corps politique. Le sacrifice périodique d’un favori permet donc au pouvoir monarchique de « se régénérer dans un bain de sang » [93], mais aussi dans un afflux de biens à distribuer. Quelle que fût la fortune de Pierre Remi, Philippe VI tira de sa chute et de la confiscation de ses biens un profit de nature plus politique que pécuniaire.


Mots-clés éditeurs : gouvernement par la grâce, Don, trésorier du roi, confiscation, favoris royaux, Pierre Remi, inaliénabilité du domaine royal

Mise en ligne 21/06/2011

https://doi.org/10.3917/rhis.112.0311

Notes

  • [*]
    Les abréviations suivantes seront employées :
    – Charles IV rtc : Jean Guerout, Henri Jassemin et Aline Vallée, Registres du Trésor des chartes. Inventaire analytique, t. II : Règnes des fils de Philippe le Bel, 2e partie : Règne de Charles IV le Bel, Paris, Archives nationales, 1999 ;
    – Philippe VI rtc : Aline Vallée et Jules Viard, Registres du Trésor des chartes. Inventaire analytique, t. III : Règne de Philippe de Valois, 3 vol., Paris, Archives nationales, 1978-1984.
  • [1]
    Certains chroniqueurs mentionnent cependant la date du 26 avril 1328 (Jules Viard, Philippe VI de Valois. Début du règne (février-juillet 1328), Bibliothèque de l’École des chartes, 95, 1934, p. 259-283, à la p. 268, n. 2).
  • [2]
    Pierre Remi a été arrêté le 9 février 1328, moins de dix jours après la mort de Charles IV (Jules Viard, Les Journaux du Trésor de Philippe VI de Valois, suivis de l’Ordinarium thesauri de 1338-1339, Paris, Impr. nationale, 1899, n° 96), et il est condamné à mort le 25 avril (voir n. 9).
  • [3]
    Le colonel Borrelli de Serres a souligné à juste titre que les chroniqueurs – et nombre d’historiens à leur suite – avaient amplement exagéré le rôle joué par Pierre Remi auprès de Charles IV (colonel Léon-Louis Borrelli de Serres, Recherches sur divers services publics du xiiie au xviie siècle, 3 t., Paris, A. Picard, 1895-1909, réimpr. Genève, Slatkine, 1974, t. III, p. 310-311) : quoique Pierre ait participé au Conseil royal (Chronique parisienne anonyme de 1316 à 1339 précédée d’additions à la chronique française dite de Guillaume de Nangis (1206-1316), Amedée Hellot éd., Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 11, 1884, p. 1-207, à la p. 105), il n’a jamais dirigé la politique financière de la monarchie. Mais relativiser l’influence politique de Pierre ne remet pas en cause sa qualité de favori. Celui-ci a indubitablement bénéficié de la faveur royale – même si ce ne fut pas de manière aussi exclusive que d’autres (voir n. 89) –, répondant ainsi à la définition première du favori (voir Thierry Dutour, Faveur du prince, immoralité politique et supériorité sociale dans le royaume de France à la fin du Moyen Âge (xiiie-xve siècles), dans Le Prince et la norme. Ce que légiférer veut dire, Jacqueline Hoareau-Dodinau, Guillaume Métairie et Pascal Texier éds., Limoges, 2007, p. 421-435, aux p. 424-425 et Nicolas Le Roux, La Faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois, Seyssel, Champ Vallon, 2000, p. 22-23). Mais c’est surtout sa chute qui lui confère la qualité de favori, tant auprès de l’opinion publique qu’aux yeux des historiens (voir Ronald G. Asch, Schlußbetrachtung. Höfische Gunst und höfische Günstlinge zwischen Mittelalter und Neuzeit. 18 Thesen, dans Der Fall des Günstlings. Hofparteien in Europa vom 13. bis zum 17. Jahrhundert. 8. Symposium der Residenzen-Kommission der Akademie der Wissenschaften zu Göttingen, veranstaltet in Zusammenarbeit mit der Stadt Neuburg an der Donau, der Katholischen Universität Eichstätt-Ingolstadt und dem Deutschen Historischen Institut Paris, Neuburg an der Donau, 21. bis 24. September 2002, Jan Hirschbiegel et Werner Paravacini éds., Ostfildern, 2004, p. 515-531, aux p. 516-518).
  • [4]
    Le Roman de Renart le Contrefait, Gaston Raynaud et Henri Lemaître éds., t. I, Paris, H. Champion, 1914, p. 30-31, v. 2864-2944.
  • [5]
    BnF, PO 2769, Saint-Nectaire, n° 3.
  • [6]
    Sur la carrière de Pierre, voir L.-L. Borrelli de Serres, Recherches sur divers services publics…, op. cit. (n. 3), t. III, p. 295-301 ; J. Viard, Philippe VI de Valois. Début…, op. cit. (n. 1), p. 264 ; et Olivier Canteaut, Gouvernement et hommes de gouvernement sous les derniers Capétiens (1313-1328), thèse de doctorat, histoire, Paris I, 2005, 3 vol., multigr., t. II, p. 515-517.
  • [7]
    Il porte le titre de bourgeois de Paris à compter de 1322 (Albert Catel, « Pierre Remy, trésorier de France, seigneur de Montigny-Lencoup », Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondissement de Provins, 1934, p. 17-29, à la p. 21).
  • [8]
    Il est anobli par Charles IV en novembre 1325 (Charles IV rtc, n° 4606).
  • [9]
    La commission qui jugea Pierre et la sentence qu’elle rendit nous sont connues d’après le témoignage de neuf manuscrits modernes. Il s’avère malaisé d’établir une hiérarchie et, plus encore, des liens de filiation entre ces manuscrits : tous sont très fautifs et, à une exception près, aucun d’entre eux n’est directement copié sur un autre. Au regard des pièces qui les composent et de la tradition de plusieurs listes de noms propres, on peut tenter de les répartir en cinq ensembles, par ordre décroissant de qualité : 1. BnF, naf 7146 (ancien Brienne 175), fol. 1-2v et British Library, Add. 30568 (manuscrit de la collection Sérilly, copiée sur la collection Brienne ; voir Léopold Delisle, Manuscrits nouvellement acquis par le Musée britannique, Bibliothèque de l’École des chartes, 43, 1882, p. 424-430, à la p. 426), qui constituent les meilleurs témoins ; 2. BnF, fr. 23778, fol. 227v-230v, qui, en dépit d’erreurs de lecture considérables, donne accès à un état du texte très proche de l’original ; 3. BnF, fr. 18421, fol. 10v-14v ; 4. BnF, fr. 4310, fol. 18-21 et fr. 7583, p. 29-34, manuscrits relativement proches du BnF, fr. 18421, sans lui être pour autant affiliés ; 5. BnF, fr. 18420, fol. 353v-356v, fr. 19784, fol. 1-5v et fr. 23829, fol. 21-24v. Tous ces manuscrits résultent de travaux de compilation réalisés au xviie siècle pour consigner les procédures exceptionnelles menées par la monarchie contre ses financiers jusqu’en 1624. Ils forment le pendant des recueils de « grands procès » ayant trait à la lèse- majesté, réalisés en très grand nombre à la même époque (Jacques Chiffoleau, Le crime de majesté, la politique et l’extraordinaire : note sur les collections érudites de procès de lèse-majesté du xviie siècle français et sur leurs exemples médiévaux, dans Les Procès politiques (xive-xviie siècle), Yves-Marie Bercé dir., Rome, 2007, p. 577-662, aux p. 658-660).
  • [10]
    Cette situation contraste avec les circonstances de la chute de Marigny : selon nombre de chroniqueurs, le favori de Philippe IV s’était attiré l’animosité ouverte de Charles de Valois et c’est sous l’influence de ce dernier qu’il aurait été condamné (voir Jean Favier, Un conseiller de Philippe le Bel : Enguerran de Marigny, Paris, Presses universitaires de France, 1963, p. 193-195).
  • [11]
    L’affirmation du colonel Borrelli de Serres selon laquelle Pierre « s’était […] depuis longtemps attiré la haine du premier prince du sang », Philippe de Valois, est sans fondement (Recherches sur divers services publics…, op. cit. (n. 3), t. III, p. 303). En réalité, Philippe fut un proche de Charles IV : en témoigne par exemple le long voyage que fit ce dernier sur les terres de son cousin en 1323 (voir Raymond Cazelles, La Société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois, Paris, d’Argences, 1958, p. 42-43) ; et aucun élément n’atteste que Philippe ait pris ombrage de la puissance du trésorier.
  • [12]
    Pierre œuvre sous les ordres de Charles de Valois à l’exécution testamentaire de Louis X en 1316 (BnF, fr. 7855, p. 187). Durant l’ost de Gascogne en 1324, il veille également à l’accomplissement d’ordres émis par Charles (BnF, fr. 25994, n° 324). Il faut en revanche se garder d’identifier Pierre au notaire qui signe « Remi » au bas d’un acte de Philippe de Valois (abbé Jean Lebeuf, Mémoires concernant l’histoire civile et ecclésiastique d’Auxerre et de son ancien diocèse, Ambroise Challe et Maximilien Quantin éds., Auxerre/Paris, Perriquet-Dumoulin, 1848-1855, t. IV, n° 278, p. 172, cité dans A. Catel, Pierre Remy…, op. cit. (n. 7), p. 28) : en réalité, l’auteur de cette signature est un clerc de Philippe, Remi de Sainte-Marguerite (voir Olivier Canteaut, Du notaire au clerc du secret : le personnel de la chancellerie des derniers Capétiens directs dans les rouages du pouvoir, dans De part et d’autre des Alpes II. Chancelleries et chanceliers des princes à la fin du Moyen Âge, Guido Castelnuovo et Olivier Mattéoni dir., à paraître, à la n. 49).
  • [13]
    La sentence de condamnation de Pierre ne motive nullement la décision prise (BnF, naf 7146, fol. 1-1v). Elle est cependant suivie, dans tous les manuscrits qui la conservent, du procès-verbal succinct d’une confession dans laquelle Pierre avoue un faux en écriture et des malversations à l’encontre du roi (ibid., fol. 2).
  • [14]
    Thierry Dutour, Les affaires de favoris dans le royaume de France à la fin du Moyen Âge (xiiie-xve siècle), dans Affaires, scandales et grandes causes : de Socrate à Pinochet, Luc Boltanski, Élisabeth Claverie, Nicolas Offenstadt et Stéphane Van Damme dir., Paris, 2007, p. 133-148, à la p. 143.
  • [15]
    Pierre aurait avoué avoir trahi le roi en Gascogne (Chronique latine de Guillaume de Nangis de 1113 à 1300 avec les continuations de cette chronique de 1300 à 1368, Hercule Géraud (éd.), Paris, J. Renouard, 1843, t. II, p. 85 ; « Excerpta e Memoriale historiarum, auctore Johanne Parisiensi […] », dans Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XXI, Joseph-Daniel Guigniaut et Natalis de Wailly éds., Paris, C. Douniol, 1855, p. 630-689, à la p. 689).
  • [16]
    En témoignent les exemples contemporains de Piers Gaveston et d’Hugh Despenser le jeune (Gilles Lecuppre, Faveur et trahison à la cour d’Angleterre au début du xive siècle, dans La Trahison au Moyen Âge. De la monstruosité au crime politique (ve-xve siècle), Maïté Billoré et Myriam Soria dir., Rennes, 2009, p. 197-206, à la p. 198).
  • [17]
    Ibid., p. 203-206.
  • [18]
    L’interprétation par Yves-Marie Bercé du comportement des favoris déchus au cours du premier xviie siècle peut être extrapolée (Yves-Marie Bercé, Le sacrifice du mauvais ministre, dans L’Histoire grande ouverte : hommages à Emmanuel Le Roy Ladurie, André Burguière, Joseph Goy et Marie-Jeanne Tits-Dieuaide dir., Paris, 1997, p. 92-99, à la p. 99).
  • [19]
    Voir T. Dutour, Les affaires de favoris…, op. cit. (n. 14), principalement p. 139-142 pour un premier recensement de telles « affaires » et de tels « scandales » (sur ces deux termes, voir Nicolas Offenstadt et Stéphane Van Damme, Introduction, dans Affaires, scandales…, op. cit. (n. 14), p. 7-18, aux p. 9-12).
  • [20]
    T. Dutour, Faveur du prince…, op. cit. (n. 3), p. 422.
  • [21]
    Claude Gauvard, Ordonnance de réforme et pouvoir législatif en France au xive siècle (1303-1413), dans Renaissance du pouvoir législatif et genèse de l’État, André Gouron et Albert Rigaudière dir., Montpellier, Société d’histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, 1988, p. 89-98, à la p. 97. Sur la notion d’officier bouc émissaire, voir également Claude Gauvard, Le roi de France et l’opinion publique à l’époque de Charles VI, dans Culture et idéologie dans la genèse de l’État moderne. Actes de la table ronde organisée par le cnrs et l’École française de Rome (Rome, 15-17 octobre 1984), Rome, 1985, p. 353-366, aux p. 364-365.
  • [22]
    Bien que cette accusation à l’encontre de Philippe soit absente des chroniques contemporaines, elle a été émise par Gaston Raynaud (Discours de M. Gaston Raynaud, président de la Société pendant l’exercice 1907-1908, Annuaire-bulletin de la Société de l’histoire de France, 1908, p. 84-104, à la p. 103), puis reprise par le colonel Borrelli de Serres (L.-L. Borrelli de Serres, Recherches sur divers services publics…, op. cit. (n. 3), t. III, p. 303).
  • [23]
    La documentation relative à la fortune de Pierre, outre qu’elle est dispersée, n’est pas toujours explicite. La comptabilité royale conserve la trace de plus de 80 000 l. p. de biens meubles et de numéraire conservés par Pierre dans ses diverses demeures (J. Viard, Les Journaux…, op. cit. (n. 2), nos 54 à 60) et de joyaux, non estimés (ibid., nos 64 à 69). S’y ajoute la liste des sommes versées au Trésor entre 1328 et 1330 grâce à la confiscation des biens de Pierre (an, KK 2, fol. 28v, 51v, 78v, 103v, 122 et 149), pour un total de 43 710 l. p. – plutôt que de 52 000 l., total proposé par le colonel Borrelli de Serres (Recherches sur divers services publics…, op. cit. (n. 3), t. III, p. 304) : il s’agirait, selon ce dernier, du produit des créances que possédait Pierre (ibid.). Enfin, les actes royaux permettent de dresser une liste des terres de Pierre (voir ibid., p. 304-307 ; Jules Viard, Les domaines de Vaux de Pierre Remi, Annuaire-bulletin de la Société de l’histoire de France, 1921, p. 139-149 ; et O. Canteaut, Gouvernement…, op. cit. (n. 6), t. II, p. 517-518, n. 2665). Au total, les chroniqueurs attribuent à Pierre une fortune globale comprise entre 750 000 et 1 200 000 l. (J. Viard, Philippe VI de Valois. Début…, op. cit. (n. 1), p. 266, n. 1).
  • [24]
    C’est ce que rapporte le continuateur de Jean de Saint-Victor (Excerpta e Memoriale…, op. cit. (n. 15), p. 689).
  • [25]
    Charles IV rtc, nos 4922 à 4924, 4927 et 4928.
  • [26]
    Il est vrai que dès 1326, Charles IV avait concédé aux habitants de ces villes que celles-ci seraient perpétuellement unies à la Couronne à la mort de Pierre (ibid.), ce que confirma Philippe VI en juillet 1328 pour Servian et Vendres (Philippe VI rtc, n° 148).
  • [27]
    Nous avons trouvé trace de 41 cessions par le roi de biens confisqués à Pierre. Celles-ci se voient consignées dans 47 actes, certaines décisions ayant pu faire l’objet de confirmations ou de modifications.
  • [28]
    Alain Boureau, La Religion de l’État. La construction de la République étatique dans le discours théologique de l’Occident médiéval (1250-1350), Paris, Les Belles Lettres, 2006, p. 277. Pour un constat similaire, voir Julie Claustre-Mayade, Esquisse en vue d’une anthropologie de la confiscation royale. La dispersion des biens du cardinal Balue (1469), Médiévales, 56, 2009, p. 131-150 ; cette dernière étude s’attache avant tout au devenir des biens meubles du cardinal Balue, dont la dispersion est particulièrement bien documentée.
  • [29]
    Philippe VI rtc, n° 190.
  • [30]
    Philippe VI rtc, n° 1247.
  • [31]
    Philippe VI rtc, n° 448. Il put ainsi consolider l’ascension sociale paternelle et s’agréger à la noblesse sénonaise : sans doute est-ce lui qui est seigneur des Sièges en 1343 (Henri Furgeot, Actes du Parlement de Paris. Deuxième série : de l’an 1328 à l’an 1350. Jugés (lettres, arrêts, jugés), t. II : 1343-1350, revu par Madeleine Dillay, Suzanne Clémencet et Jean-Paul Laurent, Paris, Archives nationales, 1960, n° 5173).
  • [32]
    C’est en particulier le cas au sujet d’Enguerran de Marigny (J. Favier, Un conseiller…, op. cit. (n. 10), p. 221).
  • [33]
    Jean Remi admit même explicitement qu’il renonçait à toute revendication sur la fortune de son père et que les biens qui lui étaient remis par le roi l’étaient à titre de don gracieux (Philippe VI rtc, n° 448).
  • [34]
    Sur les dépenses du couronnement, voir J. Viard, Philippe VI de Valois. Début…, op. cit. (n. 1), p. 275-277 ; sur la campagne flamande, voir Jules Viard, La guerre de Flandre (1328), Bibliothèque de l’École des chartes, 83, 1922, p. 362-382.
  • [35]
    Joseph Petit, Charles de Valois (1270-1325), Paris, A. Picard, 1900, p. 325-326.
  • [36]
    Philippe VI rtc, nos 355 et 358 pour la compagnie des Angoissoles de Plaisance ; Philippe VI rtc, n° 412 pour celle des Doussains moyennant l’extinction de dettes royales ; Philippe VI rtc, n° 644 pour le Lucquois François Caussinel en paiement de dettes de Charles de Valois. Ces compagnies, comme d’autres, financèrent dans le même temps la campagne flamande de 1328 (an, KK 2, fol. 61v ; cité dans R. Cazelles, La Société politique…, op. cit. (n. 11), p. 276, n. 7).
  • [37]
    Philippe VI rtc, n° 89, don moyennant l’abandon de 3 714 l. de dettes.
  • [38]
    Robert Fawtier, Ce qu’il advenait des sceaux de la couronne à la mort du roi de France, Académie des inscriptions et belles lettres. Comptes rendus des séances de l’année, 1938, p. 522-530, aux p. 524-526.
  • [39]
    Ibid., p. 528. Philippe VI retint notamment 39 des meilleurs chevaux de l’écurie de Charles IV, qu’il racheta aux religieuses de la Saussaye moyennant 1090 l. p. (ad Yvelines, D 1392, n° 22 ; je remercie Olivier Guyotjeannin d’avoir attiré mon attention sur ce document). En 1324, Charles IV avait déjà envisagé de procéder de même pour les chevaux de sa femme Marie qui venait de décéder (ibid., n° 29).
  • [40]
    Philippe VI rtc, nos 166 et 222, en substitution de rentes respectivement sur le Trésor et sur la prévôté de Tournan.
  • [41]
    Philippe VI rtc, nos 245, 396, 591, 699, 1101 et 1247. Au demeurant, cette liste n’est sans doute pas complète : même si, aux dires de la lettre de commission des deux députés à la vente des biens de Pierre, toute vente devait être confirmée par un acte royal (Philippe VI rtc, n° 1247), il n’est pas certain que les actes afférents aient toujours été des chartes et donc qu’ils aient été transcrits dans les registres de chancellerie, notre principale source.
  • [42]
    Les ventes citées rapportèrent entre 9 190 et 10 415 l. t. – cette imprécision s’explique par l’omission de toute unité de compte pour certaines sommes.
  • [43]
    Voir n. 23.
  • [44]
    an, J 166, n° 5, édité dans J. Viard, Les domaines…, op. cit. (n. 23), p. 145-149. Le revenu total des terres concédées s’élevait à 514 l. t. Le plus petit des trois domaines ainsi remis à Charles, celui de Vaux, lui fut cependant retiré dès octobre 1328 au profit d’un sergent d’armes du roi (Philippe VI rtc, n° 634).
  • [45]
    Aux dires du continuateur de Jean de Saint-Victor, la reine Jeanne, veuve de Charles IV et sœur de Charles d’Évreux, aurait intercédé auprès de Philippe VI en faveur de Pierre Remi (Excerpta e Memoriale…, op. cit. (n. 15), p. 689). Pierre fut par ailleurs arrêté chez l’un des frères de Jeanne, Charles ou Philippe d’Évreux (Heinrich Finke, Acta Aragonensia. Quellen zur deutschen, italienischen, französischen, spanischen, zur Kirchen- und Kulturgeschichten aus der diplomatischen Korrespondenz Jaymes II, Berlin/Leipzig, W. Rothschild, 1908, t. I, p. 509).
  • [46]
    Voir notamment R. Cazelles, La Société politique…, op. cit. (n. 11), p. 122-132 et, pour la période antérieure, O. Canteaut, Gouvernement…, op. cit. (n. 6), t. III, p. 632-636.
  • [47]
    Gui Chevrier appartient à la Chambre depuis 1324 (O. Canteaut, Gouvernement…, op. cit. (n. 6), t. III, p. 672). Miles de Noyers y entre peut-être comme président dès 1326 (ibid., p. 673-674) et y siège régulièrement en 1328 et en 1329 (R. Cazelles, La Société politique…, op. cit. (n. 11), p. 94). Guichard de Beaujeu y fait son entrée en tant que président en avril 1328 ou 1329 (ibid., p. 122).
  • [48]
    Pour Noyers, Philippe VI rtc, n° 343, acte mutilé complété grâce au P. Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France […], continuée par Honoré Caille, sieur du Fourny, les P. Ange de Sainte-Rosalie et Simplicien (éd.), 3e éd., Paris, La Compagnie des libraires, 1726-1733, t. VI, p. 649 ; pour Chevrier, Philippe VI rtc, nos 670 et 816 ; pour Beaujeu, Alphonse Huillard-Bréholles, Titres de la maison ducale de Bourbon, t. I, Paris, H. Plon, 1867, n° 1873. En outre, lorsqu’il constitua le douaire de la femme de Guichard de Beaujeu, l’oncle de cette dernière, Guillaume de Châteauneuf, reçut du roi l’autorisation d’acquérir un des domaines de Pierre Remi (Philippe VI rtc, n° 591).
  • [49]
    Miles de Noyers reçut 400 l. t. de terre. À l’exception des dons faits à Charles d’Évreux et à Gilles de Soyecourt (voir n. 44 et 50), il s’agit de la plus importante concession évaluée qui ait été faite sur les biens de Pierre.
  • [50]
    Philippe VI rtc, nos 136 et 196.
  • [51]
    R. Cazelles, La Société politique…, op. cit. (n. 11), p. 123.
  • [52]
    Philippe VI rtc, n° 1227.
  • [53]
    Philippe VI rtc, n° 166. Il s’agit non pas d’un don, mais de l’assiette – il est vrai très avantageuse – d’une rente sur le Trésor.
  • [54]
    Philippe VI rtc, n° 1126.
  • [55]
    Philippe VI rtc, n° 292. Grâce au roi, il retrouve là la possession d’une rente qu’il avait lui-même donnée à Pierre du temps de sa splendeur.
  • [56]
    Philippe VI rtc, nos 147 et 222.
  • [57]
    Philippe VI rtc, n° 634.
  • [58]
    Philippe VI rtc, n° 236. Son appartenance à l’écurie royale est attestée par une ordonnance de l’Hôtel de 1328 (Jules Viard, L’Hôtel de Philippe VI de Valois, Bibliothèque de l’École des chartes, 55, 1894, p. 465-487 et 598-626, à la p. 481).
  • [59]
    Ils bénéficient chacun de deux dons (Philippe VI rtc, n° 489 et bm Rouen, Leber 5870, t. V, fol. 173-174 ; Philippe VI rtc, nos 512 et 704). Ces deux sommeliers servent respectivement dans l’hôtel de la reine et dans celui du prince Jean.
  • [60]
    Il reçut deux dons successifs (Philippe VI rtc, n° 653).
  • [61]
    Philippe VI rtc, nos 317, 653, 869 et 1044.
  • [62]
    Philippe VI rtc, n° 1848.
  • [63]
    Philippe VI rtc, n° 2945.
  • [64]
    Les dons les plus élevés sont estimés à 40 l. de rente annuelle (Philippe VI rtc, nos 222 et 634). Mais nombre de ces dons demeurent non évalués (voir par exemple Philippe VI rtc, nos 317, 489 et 653).
  • [65]
    L’expression apparaît pour la première fois en 1341 (Eusèbe de Laurière, Ordonnances des roys de France de la troisième race recueillies par ordre chronologique […], t. II, Paris, Impr. royale, 1729, p. 166, cité dans Werner Paravicini, Administrateurs professionnels et princes dilettantes. Remarques sur un problème de sociologie administrative à la fin du Moyen Âge, dans Histoire comparée de l’administration (ive-xviiie siècle). Actes du XIVe colloque historique franco-allemand, Tours, 27 mars-1er avril 1977, organisé en collaboration avec le Centre d’études supérieures de la Renaissance par l’Institut historique allemand de Paris, Werner Paravicini et Karl Ferdinand Werner éds., Munich/Zurich, Artemis, 1980, p. 168-181, à la p. 172, n. 23). Sur la pression exercée par les requérants sur le souverain et les moyens dont celui-ci tente de s’en prémunir, voir ibid., p. 169-181.
  • [66]
    Deux bénéficiaires des biens de Pierre Remi, Miles de Noyers et le barbier Perrot des Chaumes, figurent encore dans la liste des serviteurs mentionnés par le testament de Philippe VI en 1347 (an, J 406, nos 33 et 33bis). Par ailleurs, nombre de testaments concluent l’énumération des legs accordés aux serviteurs du roi par une clause recommandant aux exécuteurs de récompenser les personnes qui auraient pu être omises. Le testament de Philippe V stipule ainsi : « Comme moult d’autres genz nous aient servi ausquels nous n’avons fait nul leis par especial ne par avanture remuneracion souffisant de leur service, nous voulons, ordenons et commandons que remuneration leur soit faite sanz delay selon l’arbitre de noz exequteurs et en chargons leurs consciences » (an, J 404, n° 26). De même, Philippe VI prévoit dans son testament : « Nous lessons deus mil livres pour departir par noz chambellens, par les maistres de nostre hostel et par noz offices aus povres gens des offices de nostre hostel et de noz garderobes ausquelz nous ne faisons point d’autre lais, aus uns plus et aus autres mains, selon ce qu’il saront qu’il aront mieulz et plus grandement labouré et plus longuement servi » (an, J 404, nos 33 et 33bis). Je remercie Elizabeth A. R. Brown de m’avoir communiqué la transcription de ces deux documents inédits. Une édition de ces textes et de l’ensemble des testaments royaux capétiens, est en cours dans le cadre du projet « Derniers Capétiens » dirigé par Xavier Hélary.
  • [67]
    La notion de patronage a été peu appliquée aux hôtels français, contrairement à leurs homologues anglais – il est vrai que le caractère contractuel de la relation qui unit le souverain à ses serviteurs est plus explicite et mieux documenté outre-Manche (voir par exemple Simon K. Walker, The Lancastrian Affinity, 1361-1399, Oxford, Clarendon Press, 1990, p. 81-116). Pour une approche de l’historiographie anglaise à ce sujet et une définition du concept de patronage, voir Edward Powell, « “After McFarlane”: the Poverty of Patronage and the Case of Constitutionnal History », dans Trade, Devotion and Governance. Papers in Later Medieval History, Dorothy J. Clayton, Richard G. Davies et Peter McNiven éds., Phoenix Mill, Alan Sutton, 1994, p. 1-16, aux p. 1-3 et 4-6. Sur la pratique du patronage dans la France de la fin du Moyen Âge, voir notamment Peter Shervey Lewis, Decayed and Non-feudalism in Later Medieval France, Bulletin of the Institute of Historical Research, 37, 1964, p. 157-184 et id., Later Medieval France. The Polity, Londres/New York, Saint Martin, 1968 ; tr. fr. La France à la fin du Moyen Âge. La Société politique, Paris, Hachette, 1977, p. 316-317.
  • [68]
    The Livre de paix of Christine de Pisan, Charity Cannon Willard (éd.), La Haye, Mouton, 1958, p. 148, cité dans Alain Guéry, Le roi dépensier. Le don, la contrainte et le système financier de la monarchie française d’Ancien Régime, Annales : économies, sociétés, civilisations, 1984, p. 1241-1269, à la p. 1246.
  • [69]
    Philippe Haugeard, L’enchantement du don. Une approche anthropologique de la largesse royale dans la littérature médiévale (xiie-xiiie siècles), Cahiers de civilisation médiévale (xe-xiie siècles), 2006, p. 295-312, aux p. 304-305 ; voir également Gerd Althoff, Huld. Überlegungen zu einem Zentralbegriff der mittelalterlichen Herrschaftsordnung, Frühmittelalterliche Studien, 25, 1991, p. 259-282, aux p. 271-273. La générosité royale n’a donc nullement une fonction de redistribution, mais contribue au contraire à renforcer les hiérarchies sociales (L’enchantement…, op. cit. (n. 69), p. 304-305).
  • [70]
    Gilles de Rome fait par exemple de la liberalitas la cinquième des vertus du prince, soit la première après les quatre vertus cardinales ; il consacre à cette seule liberalitas six chapitres du De regimine principum (Aegidius Romanus, De regimine principum libri III, F. Hieronymus Samaritanius (éd.), Rome, Bartholomeo Zannetto, 1607, réimpr. Aalen, Scientia Verlag, 1967, livre I, 2e partie, chap. XVII à XXIII, p. 98-119). Au demeurant, Gilles de Rome ne fait pas là preuve d’une grande originalité (voir les mentions de la largesse royale, particulièrement nombreuses, du xiie au xvie siècle, réunies dans A. Guéry, Le roi dépensier…, op. cit. (n. 68), p. 1244-1250 ; voir également, pour les xiie et xiiie siècles, P. Haugeard, L’enchantement…, op. cit. (n. 69), p. 298-300 et 307). L’éloge de la libéralité prend toutefois une vigueur nouvelle à l’époque de Gilles, nombre d’ecclésiastiques œuvrant alors à légitimer la largesse et son corollaire, la richesse du souverain (A. Boureau, La Religion de l’État…, op. cit. (n. 28), p. 266-270 ; voir également Lydwine Scordia, « Le roi doit vivre du sien ». La théorie de l’impôt en France (xiiie-xve siècles), Paris, Institut d’études augustiennes, 2005, p. 337-339).
  • [71]
    C’est à ce mot que recourt, au xiiie siècle, l’un des traducteurs de Gilles de Rome en français (Li Livres du gouvernement des rois. An xiiith Century French Version of Egidio Colonna’s Treatise De regimine principum, Samuel Paul Molenaer éd., New York, Macmillan, 1899, p. 59). Cette équivalence entre « largesse » et liberalitas est également établie par certains glossaires médiévaux latin-français (Firmini Verris dictionarius/Dictionnaire latin-français de Firmin Le Ver, Brian Merrilees et William Edwards éds., Turnhout, Brepols, 1994, p. 273).
  • [72]
    Durant le règne de Philippe V par exemple, plus de la moitié des actes royaux commandés à la chancellerie par le roi lui-même accordent des libéralités diverses, qu’il s’agisse de dons matériels, de privilèges ou d’exemptions financières (O. Canteaut, Gouvernement…, op. cit. (n. 6), t. III, p. 573).
  • [73]
    Parmi les « dons » qui s’écartent manifestement de la conception du don pur, citons notamment des assiettes de rentes (Charles IV rtc, n° 4489), des échanges de biens ou de rentes (Charles IV rtc, nos 3884, 4661, 4680…), des accensements (Charles IV rtc, n° 4549)… Au total, lorsqu’il rédige son formulaire de chancellerie au début du xve siècle, Odart Morchesne emploie donnons ou damus dans plus de 30 % des actes et il y recourt comme verbe du dispositif dans 15 % des cas (Olivier Guyotjeannin et Serge Lusignan, Le Formulaire d’Odart Morchesne dans la version du ms. BnF fr. 5024, Paris, École nationale des chartes, 2005 ; interrogation en ligne à l’adresse http://elec.enc.sorbonne.fr/morchesne).
  • [74]
    Sur l’obligation que crée le don, voir notamment Maurice Godelier, L’Énigme du don, Paris, Fayard, 1996, p. 21-25 ; sur le caractère englobant et hétérogène de la notion de don telle que l’a théorisée Marcel Mauss, et sur les rapports entre don et échange marchand, voir Florence Weber, Transactions marchandes, échanges rituels, relations personnelles. Une ethnographie économique après le Grand Partage, Genèses, 41, décembre 2000, p. 85-107, en particulier p. 93-96 et 104-105.
  • [75]
    Sur le don comme principale manifestation de la grâce, voir notamment G. Althoff, Huld…, op. cit. (n. 69), p. 272. Sur la grâce judiciaire comme modalité de gouvernement, voir Claude Gauvard, Le roi de France et le gouvernement par la grâce à la fin du Moyen Âge. Genèse et développement d’une politique judiciaire, dans Suppliques et requêtes. Le gouvernement par la grâce en Occident (xiie-xve siècle), Hélène Millet dir., Rome, École française de Rome, 2003, p. 371-404, aux p. 383-390. Pour une analyse des fondements théologiques du gouvernement par la grâce, voir Christian Trottmann, Gouvernement divin et gouvernement humain par la grâce, dans Suppliques et requêtes…, op. cit. (n. 75), p. 251-262, aux p. 253-258.
  • [76]
    Sur les rapports ambivalents qui existent entre largesse et charité, voir A. Guéry, Le roi dépensier…, op. cit. (n. 68), p. 1246.
  • [77]
    Pour que la largesse royale puisse être érigée en vertu morale, il faut qu’elle soit gratuite, c’est là un lieu commun. Or, cette conception idéale, précisément parce qu’elle nie toute fonction utilitaire à la générosité royale, contribue à accroître encore son efficience politique et sociale. Voir P. Haugeard, L’enchantement…, op. cit. (n. 69), en particulier p. 301 et 304, et N. Le Roux, La Faveur du roi…, op. cit. (n. 3), p. 24.
  • [78]
    Évrart de Trémaugon affirme explicitement : « Les roys et les impereurs sont donataires, et par consequent ils sont seigneurs » (Le Songe du vergier, Marion Schnerb-Lièvre éd., Paris, cnrs, 1982, t. II, p. 123, cité dans A. Guéry, Le roi dépensier…, op. cit. (n. 68), p. 1243).
  • [79]
    Alain Guéry constate qu’il faut pourtant attendre le xvie siècle pour voir les théoriciens de la monarchie présenter les libéralités constantes du souverain comme un facteur d’épuisement des ressources royales qui rend nécessaire le recours à l’impôt (A. Guéry, Le roi dépensier…, op. cit. (n. 68), p. 1250-1251). Jusqu’alors ce problème n’était abordé qu’incidemment : on attribuait le renouvellement des richesses royales tantôt à une origine divine ou magique, tantôt aux services accomplis par les donataires ou à leurs contre-dons (P. Haugeard, L’enchantement…, op. cit. (n. 69), p. 306-307).
  • [80]
    Le compte du Trésor de 1316 en témoigne clairement, en dressant la longue liste des rentes – et des arrérages – servis par le Trésor, pour un montant total supérieur à 60 000 l. t. (Robert Fawtier, Comptes du Trésor (1286, 1316, 1384, 1477), Charles-Victor Langlois (dir.), Paris, Impr. nationale, 1930, nos 679-758 et nos 867-1069 ; voir les tableaux récapitulatifs, ibid., p. lviii). Nombre de ces rentes sont encore acquittées à la fin du xive siècle (voir par exemple ibid., nos 868 et 2212 ; nos 903 et 1398…).
  • [81]
    Guillaume Leyte, Domaine et domanialité publique dans la France médiévale (xiie-xve siècle), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1996, p. 335. Cette théorisation fait écho d’une part à la définition de l’inaliénabilité par les canonistes depuis le début du xiiie siècle (ibid., p. 266-282), d’autre part à la remise en cause par le roi de France, depuis 1260, d’aliénations domaniales ponctuelles (ibid., p. 325-334).
  • [82]
    Cette contradiction est pointée dès 1329, lors de l’assemblée de Vincennes réunie pour mettre fin aux conflits de juridiction entre le roi et l’Église : alors que le défenseur des droits du roi, prenant appui sur le serment du sacre, énonce pour la première fois le principe d’inaliénabilité, celui-ci est aussitôt récusé par le cardinal Pierre Bertrand, qui affirme que saint Louis lui-même a procédé à des donations et qu’il n’aurait pu être canonisé si une telle pratique avait été contraire aux obligations du serment du sacre (Libellus Petri Bertrandi, Jean-Louis Brunet éd., dans Pierre-Toussaint Durand de Maillane, Les Libertez de l’Église gallicane […], t. III, Lyon, P. Bruyset-Ponthus, 1771, p. 425-503, à la p. 482 ; cité dans G. Leyte, Domaine…, op. cit. (n. 81), p. 335). Toutefois, la contradiction entre largesse royale et inaliénabilité du domaine ne paraît plus avoir été soulevée par la suite.
  • [83]
    Voir Charles-Victor Langlois, Registres perdus des archives de la chambre des comptes de Paris, Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques publiés par l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 40, 1916, p. 33-398, aux p. 102-151, tiré à part, Paris, Impr. nationale, 1917, p. 70-119 ; et G. Leyte, Domaine…, op. cit. (n. 81), p. 326-334.
  • [84]
    Robert-Henri Bautier, Recherches sur la chancellerie royale au temps de Philippe VI, Bibliothèque de l’École des chartes, 122, 1964, p. 89-176 et 123, 1965, p. 313-459, à la p. 391 ; réimpr. dans id., Chartes, sceaux et chancelleries, t. II, Paris, École nationale des chartes, 1990, p. 615-852, à la p. 781.
  • [85]
    Par suite du développement des cas royaux, le nombre de confiscations au profit du roi s’est accru de façon constante à compter du xiiie siècle (voir Pierre Timbal, La confiscation dans le droit français des xiiie et xive siècles, Revue historique de droit français et étranger, 1943, p. 45-79, et 1944, p. 35-60, aux p. 37-43). Parallèlement, les théologiens justifient à la fin du xiiie siècle le droit de confiscation du souverain, faisant de ce dernier le maître de la circulation des richesses au nom du bien commun (A. Boureau, La Religion de l’État…, op. cit. (n. 28), p. 279-281). Voir également J. Claustre-Mayade, Esquisse…, op. cit. (n. 28), p. 132-133.
  • [86]
    G. Leyte, Domaine…, op. cit. (n. 81), p. 146. C’est ainsi que Philippe V ordonne dès 1316 que les rentes que sert le Trésor soient assises sur les confiscations (Eusèbe de Laurière, Ordonnances des roys de France de la troisième race recueillies par ordre chronologique […], t. I, Paris, Impr. royale, 1723, p. 626) ; puis, en 1318, que l’ensemble des dons qu’il fera soit assigné sur les forfaitures, à l’exclusion du domaine (ibid., p. 659, art. 15).
  • [87]
    Voir notamment, pour les révocations de 1318, O. Canteaut, Gouvernement…, op. cit. (n. 6), t. III, p. 580-582. Le caractère sélectif de telles opérations est d’ailleurs clairement affirmé dans la seconde moitié du xive siècle : ceux qui ont bien servi le souverain se voient alors exemptés de toute poursuite (G. Leyte, Domaine…, op. cit. (n. 81), p. 336-337).
  • [88]
    Chilly, après avoir été acquise par Philippe IV (Jean Guerout, Registres du Trésor des chartes. Inventaire analytique, t. II : Règnes des fils de Philippe le Bel, 1re partie : Règnes de Louis X le Hutin et de Philippe V le Long, Robert Fawtier (dir.), Paris, Archives nationales, 1966, n° 269), est donnée par le roi à Béraud de Mercœur en 1310 (Jean Glénisson et Jean Guerout, Registres du Trésor des chartes. Inventaire analytique, t. I : Règne de Philippe le Bel, Robert Fawtier dir., Paris, Archives nationales, 1958, n° 1101). Celui-ci la vend en 1312 à Enguerran de Marigny (ibid., n° 1724). La seigneurie échoit de nouveau au roi par confiscation à la chute de Marigny et fait aussitôt l’objet d’un don de Louis X, tout d’abord à son oncle Louis d’Évreux (J. Guerout, Registres du Trésor des chartes…, op. cit. (n. 88), n° 202) puis, après annulation du don précédent, à son cousin Louis de Clermont (ibid., n° 269). Louis de Clermont, à son tour, vend la seigneurie à un neveu du pape (ibid., n° 1314), qui l’échange avec le roi en 1319 (ibid., n° 2845). De nouveau, Chilly est aussitôt donné par Philippe V à son épouse Jeanne de Bourgogne (ibid., n° 3577). Revenue entre les mains du roi, sans doute à la suite de la réduction autoritaire du douaire de Jeanne en 1322 (an, J 408, n° 32), la seigneurie est enfin donnée au duc de Bretagne en 1331 en remplacement d’un don antérieur (Philippe VI rtc, n° 1202).
  • [89]
    Sur la notion de transgression par les favoris de l’ordre social idéal, voir T. Dutour, Faveur du prince…, op. cit. (n. 3), p. 430-435.
  • [90]
    Ainsi Pierre Remi n’a-t-il bénéficié que d’une dizaine de dons royaux durant ses quinze années de carrière au service du roi et Enguerran de Marigny de 23 dons et d’une quinzaine de privilèges en dix années à la cour ; à titre de comparaison, Philippe V a accordé en cinq ans de règne plus de 600 dons, au sens strict de ce terme.
  • [91]
    Voir par exemple Aegidius Romanus, De regimine principum…, op. cit. (n. 70), livre I, 2e partie, chap. XVIII, p. 102-105 sur la prodigalitas – terme traduit en français par « foulargesce » ou « fole largesce » (Li Livres du gouvernement des rois…, op. cit. (n. 71), p. 62-65). Sur la notion de « folle largesse », voir A. Guéry, Le roi dépensier…, op. cit. (n. 68), p. 1246.
  • [92]
    Ainsi la haute noblesse anglaise se soulève-t-elle contre la faveur excessive accordée par Édouard II à son favori Hugh Despenser le jeune à partir de 1319 (Alistair Tebbit, Royal Patronage and Political Allegiance : the Household Knights of Edward II, 1314-1321, dans Thirteenth Century England X. Proceedings of the Durham Conference, 2003, Michael Prestwich, Richard Britnell et Robin Frame (éds.), Woodbridge, 2005, p. 197-208, aux p. 206-208). En France, le même phénomène a pu contribuer au déclenchement de la révolte des barons normands contre Jean II et son favori Charles d’Espagne (voir Raymond Cazelles, Société politique, noblesse et Couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève, Droz, 1982, p. 157-158). La participation de serviteurs de Philippe IV aux Ligues de 1314 (Elizabeth A. R. Brown, Reform and Resistance to Royal Authority in Fourteenth Century France : the Leagues of 1314-1315, Parliaments, Estates and Representation, 1, 1981, p. 109-137, à la p. 114 ; réimpr. dans ead., Politics and Institutions in Capetian France, Aldershot, Variorum, 1991, art. V) n’est peut-être pas non plus sans rapport avec les libéralités qu’accumule alors Enguerran de Marigny. Voir également, pour le haut Moyen Âge, G. Althoff, Huld…, op.cit. (n. 69), p. 273-274.
  • [93]
    C. Gauvard, Le roi de France et l’opinion publique…, op. cit. (n. 21), p. 365.
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