Couverture de RHIS_102

Article de revue

La paix du prince. Droit savant et pratiques féodales dans la construction de l'État en Provence (1250-1309)

Pages 291 à 336

Notes

  • [1]
    Voir notamment Gérard Giordanengo, État et droit féodal en France (xiie-xive siècles), dans L’État moderne : le droit, l’espace et les formes de l’état, Noël Coulet, Jean-Philippe Genet éd., Paris, Éditions du CNRS, 1990, p. 61-83 ; repris dans Gérard Giordanengo, Féodalités et droits savants dans le Midi médiéval, Aldershot, 1992, XII (Collected Studies Series, 373), n° XVI.
  • [2]
    Outre l’article précité, on pourra également se reporter à Id., Qualitas illata per principatum tenentem. Droit nobiliaire en Provence angevine (xiiie-xve siècle), dans Noël Coulet, Jean-Michel Matz (dir.), La noblesse dans les territoires angevins à la fin du Moyen Âge, Paris-Rome, collection de l’EFR 275, 2000, p. 261-301.
  • [3]
    Gli inizi del diritto pubblico. L’età di Federico Barbarossa : legislazione e scienza del diritto. Die Anfaänge des öffentlichen Rechts. Gesetzgebung im Zeitalter Friedrich Barbarossas und das Gelehnt Recht, éd. Gert Dilcher, Diego Quaglioni, Bologne-Berlin, 2007. On trouvera un copieux compte rendu de cet ouvrage dans Pierre Racine, Aux origines du droit public : la législation de Frédéric Barberousse à la Diète de Roncaglia (1158), Le Moyen Âge, 114, 2008, p. 361-367.
  • [4]
    Voir en dernier lieu : Jean Flori, La guerre sainte. La formation de l’idée de croisade dans l’Occident chrétien, Paris, Aubier, 2009, p. 59-72.
  • [5]
    Pierre Racine, Frédéric Barberousse, Paris, Perrin, 2009, p. 195-208.
  • [6]
    ADBdR, B 1083.
  • [7]
    C’est notamment l’option choisie par Michel Hébert dans Les ordonnances de 1289-1294 et les origines de l’enquête domaniale de Charles II, Provence Historique, 36/143, 1986, p. 45-57 et L’ordonnance de Brignoles, les affaires pendantes et la continuité administrative en Provence sous les premiers Angevins, dans Claire Boudreau, Claude Gauvard, Kouky Fianu, Michel Hébert (dir.), Information et société en Occident à la fin du Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 41-56.
  • [8]
    Les mêmes méthodes sont employées au même moment par l’Église : Joseph Shatzmiller, Justice et injustice au début du xive siècle. L’enquête sur l’archevêque d’Aix et sa renonciation en 1318, Rome, Sources et documents d’histoire du Moyen Âge, 2, 1999. Le thème de l’influence de la justice d’Inquisition sur l’adoption de la procédure d’enquête de vérité par les puissances laïques est d’ailleurs désormais couramment admis par les historiens.
  • [9]
    ADBdR, B 1068.
  • [10]
    ADBdR, B 1069.
  • [11]
    Alain de Boüard, Actes et lettres de Charles Ier roi de Sicile concernant la France (1257-1284), Paris, 1926.
  • [12]
    ADBdR, B 1068.
  • [13]
    Martin Aurell, Actes de la famille Porcelet d’Arles (972-1320), Paris, 2001, n0 419.
  • [14]
    ADBdR, B 380.
  • [15]
    Le corpus des textes des serments provençaux a été en grande partie édité dans différents recueils : Cartulaire de Saint-Victor de Marseille, édition Benjamin Guérard, Paris, 1857 ; Cartulaire de l’Église d’Apt (835-1130), édition Noël Didier, Henri Dubled, Jean Barruol, Paris, 1967 ; Cartulaire de l’abbaye Saint-Honorat de Lérins, édition Henri Moris et Étienne Blanc, Paris, 1883 et 1905 ; Clovis Brunel, Les plus anciennes chartes en langue provençale, Paris, 1926 ; Jean-H. Albanes et Ulysse Chevalier, Gallia christiana Novissima, t. I, Province d’Aix, t. II évêché de Marseille, t. III archevêché d’Arles. Quelques documents concernant les puissants laïcs peuvent être trouvés dans : Honoré Bouche, Chorographie ou description de la Provence, Aix, 1664 et Dom C. Devic et Dom J. Vaisette, Histoire générale du Languedoc, Toulouse, 1875. Le catalogue des actes de la famille Porcelet, édité par Martin Aurell, doit également être consulté. Enfin, les Archives départementales des Bouches du Rhône conservent quelques serments inédits, sous les cotes B 278 et B 283 notamment.
    À titre d’exemple, sont reproduits ci-dessous les textes de deux serments caractéristiques du xie siècle :
    1026-1066, Cartulaire de l’abbaye Saint-Honorat de Lérins, n° LXXIX, p. 75-76.
    « Aus tu Aldebertus abbas, ego Guillemus, filius Adila, non tolrai lo castel de Auroculo, ne la civitate, ne la vila, ne illo tenemento que tenet a sancto Honorato ne a suos monachos, que habet et inantea habuerit, nec homo nec femina per meum consilium nec per meum consentimentum ; ni alberc, ni preiso, ni tolta non i farai per perforz, si ab voluntad de l’abad o de suos monachos non o fazia ; et, si est homo aut femina qui a sancto Honorato tollat Auruculo, ego adjutor en serai a sancto Honorato et a suos monachos sine inganno. »
    xie siècle, Cartulaire de l’abbaye Saint-Honorat de Lérins, n° CCCLXIII, p. 349.
    « Aus tu, hom Conra, que per za ma mi tens, eo non tolrai lo castel de Mugins ni d’Arluc ni las vilas ni las gleisas nils camps ni las vineas ni achela honor que sant Honoras ni ab mo conseil acatara a sant Honorad ni als monegues de Lirin, et, si hom o femena era que li o tolgues, aitoris li seria a retener sans engan, si Deus mi ajudet, et iste testz evangelis. »
  • [16]
    Voir Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du xe à la fin du xie siècle: croissance et mutations d’une société, t. 2, Toulouse, pum, 1976 ; Hélène Débax, Structures féodales dans le Languedoc des Trencavel (xie-xiie siècles), Toulouse, pum, 2003 ; Michel Zimmermann, « Et je t’empouvoirrai » (Potestativum te farei). À propos des relations entre fidélité et pouvoir en Catalogne au xie siècle, Médiévales, 1986, p. 17-36. Une synthèse des connaissances sur les structures féodales méridionales peut être trouvée dans Josep-Maria Salrach, Les féodalités méridionales : des Alpes à la Galice, dans Éric Bournazel, Jean-Pierre Poly (dir.), Les féodalités, Paris, Seuil, 1998. Récemment, un article d’Hélène Débax est également revenu sur la question des gestes de la fidélité vassalique méridionale : le serrement des mains, Le Moyen Âge, 113, 2007, p. 9-27
  • [17]
    Jean-Pierre Poly, La Provence et la société féodale, 879-1166, Paris, Bordas, 1976, p. 166 n. 204 et p. 346-47 n. 194.
  • [18]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal dans les pays de droit écrit. L’exemple de la Provence et du Dauphiné xiie-début xive siècle, Rome, B.E.F.A.R. 266, 1981, p. 1-50. La révision du comptage effectué par Jean-Pierre Poly se trouve p. 2. Voir aussi : Id., Vocabulaire et formulaires féodaux en Provence et en Dauphiné (xiie-xiiie siècles), dans Structures féodales et féodalisme dans l’Occident méditerranéen (xe-xiiie siècle). Bilan et perspectives de recherches., Rome, Collection de l’E.F.R. 44, 1980, p. 85-107.
  • [19]
    Id., Le droit féodal…, op. cit., p. 3.
  • [20]
    Florian Mazel, La noblesse et l’Église en Provence, fin xe-début xive siècle. L’exemple des familles d’Agoult-Simiane, de Baux et de Marseille, Paris, cths, 2002.
  • [21]
    M.G.H. leges 2, p. 101 ; voir aussi : François-Louis Ganshof, Charlemagne et le serment, dans Mélanges Louis Halphen, Paris, 1950, p. 259-270, et Éric Bournazel, Jean-Pierre Poly, La mutation féodale, Paris, Seuil, 1991.
  • [22]
    Cartulaire de l’Église d’Apt, n° CI.
  • [23]
    Jean-Pierre Poly, La Provence…, op. cit., p. 147, n. 90.
  • [24]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 3.
  • [25]
    AD Bouches du Rhône (désormais BdR), B 278, serment de Girard Peyre à Raimond Bérenger.
  • [26]
    Laurent Feller, Les Abruzzes médiévales. Territoire, économie et société en Italie centrale aux ixe-xiie siècles, Rome, B.E.F.A.R. 300, 1998. p. 46.
  • [27]
    Ci-dessous deux exemples de serments du xiie siècle :1116, ADBdR, B 278 : Serment de Pons de Fos au comte de Barcelone Raimond Bérenger III.« Juro ego Poncius de Fos, filius Bellielis femine, tibi Raimundo Berengarii comiti Barchinonensi ac Provincie et conjugi tue, Dulcie comitisse, et filiis vel filiabus vestris, quod de ista hora in antea fidelis ero vobis de vestra vita et de vestris membris que in corporibus vestris se tenent et de vestro honore quem hodie habeatis vel in antea, Deo adjuvante, adquisituri eritis et de castris de Fos. Et heras che nol vos tollre neusen tollre et potestatem non vetabo vobis quantasque vices mihi requisieritis per vos ipsis aut per nunciis vestris, nec ego nec homo neque femina per meum consilium nec per meum ingenium. Et si est homo aut homens, femina aut femine, qui vobis tollat aut tollant, ego Poncius supra scriptus ero vobis adjutor, cum mei homines et honorem meum, guerreiare, deffendere, placitare ut melius potuero per fidem rectam sine vestro engan. Et cum vestris inimicis quem hodie habeatis vel in antea habueritis, ego supra nominatus Poncius ad concordiam neque ad pacem non venerem cum illis sine consilio vestro, et guerreiabo eis cum vos et sine vos per consilium et vestrum mandamentum sicut melius potuero per directam fidem sine vestro engan. Sic superius scriptum est sic tenebo et attendebo ad intelligendum supra nominato comiti per Dominum et hec sancta altaria. »24 juin 1143, Actes de la famille Porcelet, n° 89, p. 46-47 : Serment de Guilhem de Mondragon à l’archevêque d’Arles Raimond de Montredon.« Ego Villelmus de Monte Drachone, filius Dia, non auferam tibi Raimundo, arelatensis archiepiscopo, neque successoribus tuis, castrum de Monte Drachone, forcias scilicet que modo ibi sunt vel in antea erunt, nec homo nec femina meo ope(re) nec meo consilio. Si homo vel femina las te tollia o t’en tollia, fidelis auditor essem et finem vel concordiam cum illis non haberem, nisi pro recuperando castro. Quotiens me commoneris, per te vel per nuncium tuum, tu et successores tui, reddam supradictum castrum et de amonitione me non vetabo et amonitori dapnum vel injuriam non inferam, nec consilio meo inferetur. Et vitam et membra que corpori tuo (ju)ncta sunt non tollam tibi nec homo vel femina meo consilio et fidelis ero tibi secundum vestrum intellectum me nesciente et successoribus tuis sine inganno. Sicut scriptum est sic o tenrai et o atenrai, si Dominus me adjuvet et hec sancta Evangelia. »
  • [28]
    ADBdR, B 278.
  • [29]
    Actes de la famille Porcelet, n° 119, p. 62.
  • [30]
    Cartulaire de l’Église d’Apt, n° CXVIII.
  • [31]
    ADBdR, B 278.
  • [32]
    Honoré Bouche, Chorographie…, op. cit., p. 126.
  • [33]
    ADBdR, B 283.
  • [34]
    ADBdR, B 278.
  • [35]
    Florian Mazel, La noblesse et l’Église…, op. cit., p. 446-449. Cet auteur souligne le rôle joué en ce domaine par les évêques qui tendent à généraliser, dès le début du xiiie siècle, la vassalisation de leurs liens avec les puissants laïcs, parallèlement à l’instauration, dès le règne de Charles Ier , de rapports plus hiérarchiques entre ceux-ci et le comte. On assisterait même à une véritable coopération entre pouvoirs épiscopaux et comtaux pour établir, de la sorte, la seigneurie supérieure de l’Église sur des domaines contrôlés dans les faits par des familles laïques. Le pacte de paix conclu en 1251 entre Barral de Baux et Charles Ier, qui préserve la fidélité de ce seigneur due aux Églises d’Arles et de Marseille, illustre clairement cette politique. Il entraîne, en outre, la soumission féodale à l’Église, en 1253, d’un cousin de Barral, Bertrand IV de Baux, qui reconnaît à cette date tenir en fief pour l’archevêque d’Aix les seigneuries de Meyrargues, Puyricard et Éguilles.
  • [36]
    ADBdR, B 380.
  • [37]
    Laure Verdon, La noblesse au miroir de la coseigneurie : l’exemple de la Provence au xiiie siècle, dans Germain Butaud (dir.), La coseigneurie dans les pays méridionaux. Provence et Languedoc (xie-xve siècle), à paraître. Ces services ont été définis par Raymond Bérenger V en 1237.
  • [38]
    Pour une discussion poussée sur cette question et les différents débats historiographiques qu’elle a suscités depuis Marc Bloch, voir : Susan Reynolds, Fiefs and Vassals. The Medieval Evidence Reinterpreted, New York, 1994, p. 51-74.
  • [39]
    Cinzio Violante, Bénéfices vassaliques et livelli dans le cours de l’évolution féodale, dans Mélanges offerts à Georges Duby, vol. II : Le tenancier, le fidèle et le citoyen, Aix-en-Provence, 1992, p. 123-133.
  • [40]
    Pour Susan Reynolds, ce phénomène constituerait même la conséquence principale de cette « renaissance » juridique : « What had happened was not a process by which originally precarious “service tenements” granted by warrior lords to their vassals gradually acquired new rights but one by which new methods of government and new kinds of legal argument imposed more regular obligations on all property, including that which had been thought of as carrying full and unrestricted rights » (p. 69).
  • [41]
    C., 11, 61, 3-4.
  • [42]
    C., 4, 66.
  • [43]
    Voir notamment sur cette question Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 67-71 et 99-109 et Damien Carraz, L’Ordre du Temple dans la basse vallée du Rhône (1124-1312). Ordres militaires, croisades et société méridionales, Lyon, pul, 2005, p. 370-376.
  • [44]
    On trouve également, dès les années 1240, des actes de reconnaissances liant un seigneur ecclésiastique, abbé notamment, à un seigneur laïque. Ces textes, conservés principalement dans les fonds des abbayes de Saint-Victor de Marseille et Saint-Pierre de Montmajour, « s’apparentent aux aveux accompagnant les hommages ». (Thierry Pécout, Les actes de reconnaissances provençaux des xiiie-xive siècles : une source pour l’histoire du pouvoir seigneurial, dans Huguette Taviani-Carozzi, Claude Carozzi (dir.), Le médiéviste devant ses sources, Aix-en-Provence, pup, 2004, p. 271-286, ici p. 274). Ces actes sont donc tout à fait comparables aux contrats emphytéotiques conclus entre les seigneurs laïques et les ordres militaires, dont il convient de les rapprocher. Ce type de lien est également attesté entre seigneurs laïques, comme en 1222 lorsque Raimond de Mévouillon concède en acapte perpétuelle et franc fief divers biens à Pierre Roux contre la somme de 1 600 sous, l’hommage et la fidélité (cité par Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 285). Cet acte souligne le caractère du franc fief qui est bien considéré comme une tenure « noble » impliquant la fidélité.
  • [45]
    L’étude des caractéristiques juridiques de ce type particulier d’emphytéose peut être trouvée dans : Laure Verdon, Les acaptes consenties aux ordres militaires dans les terres du bas-Rhône aux xiie-xiiie siècles. Un enjeu politique et économique, MEFRM, 113, 2001, p. 411-432.
  • [46]
    Damien Carraz, L’Ordre du Temple…, op. cit., p. 196.
  • [47]
    C., 4, 66, 3
  • [48]
    Michel Hébert, Les mutations foncières et l’évolution sociale en haute Provence à la fin du xiiie siècle, Provence Historique, 37, 1987, p. 421-437.
  • [49]
    La notion de double domaine sur le fief, telle qu’elle apparaît définie dans les actes d’hommage des années 1220-1230, est directement empruntée à la Summa super usibus feudorum de Pillius, elle-même inspirée des commentaires sur le droit d’emphytéose. Voir, à ce sujet, Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 145, n. 134.
  • [50]
    Florian Mazel, La noblesse et l’Église…, op. cit., p. 416.
  • [51]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 169 : « Le comte et ses officiers ont donc une politique systématique d’utilisation des ressources du droit féodal pour élargir les frontières de la Provence ». Cet auteur souligne, par ailleurs, le caractère nettement féodal du vocabulaire employé dans les actes de Charles Ier . Les enquêtes relatives à des conflits de juridiction montrent que ce souverain commence à appuyer ses revendications en Provence sur le droit savant féodal avant même son accession au trône de Sicile en 1265. Ainsi, la véritable féodalisation des relations établies entre le comte et les grands, dans cette région, s’opère sous la dynastie angevine, et non plus tôt, comme le pensait Jean-Pierre Poly, avec l’installation de la dynastie catalane au début du xiie siècle. (Jean-Pierre Poly, La Provence…, op. cit., p. 346-352) Les instruments de cette domination sont alors puisés aux sources du droit savant féodal, et reposent principalement sur l’usage de la laudatio et de la commise. L’influence du droit savant en matière féodale, en Provence, n’est, cependant, pas une nouveauté en ce milieu de xiiie siècle ; il existe déjà une tradition bien établie en la matière introduite par les juristes attachés au service des cours épiscopales (Arles notamment) dès la seconde moitié du xiie siècle. Voir, à ce propos, Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 111-145 et Florian Mazel, Seigneurie épiscopale, aristocratie laïque et structures féodo-vassaliques en Provence au xiie siècle : le sens d’une féodalisation limitée, Rives nord-méditerranéennes, 7, 2001, p. 27-36.
  • [52]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 173.
  • [53]
    Noël Coulet, Un fragment de registre de la cour du juge mage de Provence à la fin du xiiie siècle, dans : Jean-Paul Boyer, Anne Mailloux, Laure Verdon (dir.), La justice temporelle dans les territoires angevins, coll. de l’EFR, 354, Paris-Rome, 2005, p. 187-203, ici p. 193-195.
  • [54]
    Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales des comtes de Provence Charles Ier (1250-52), Charles II (1296-99) et Robert Ier d’Anjou (1331-33) : vigueries de Tarascon et d’Avignon : édition et commentaire, thèse de doctorat inédite, Université de Provence, décembre 2006, t. 1, p. 142-144. L’enquête révèle que dans les localités de la vallée du bas Rhône, le montant des trézains est deux fois moins élevé, cependant, sur les francs fiefs que sur les censives.
  • [55]
    Voir, ainsi, la définition qu’en donne Du Cange : illud dicitur, in quo vassallus ad servitia non tenetur, fidem tamen domino servare debet, eoque nomine hominio obnoxius est. Du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, t. 3, Paris, Édition Didot frères, 1844. La référence aux Libri feudorum, fournie à l’appui (L.F., 2, 104), est cependant étrange et ne renvoie à aucun titre existant.
  • [56]
    Voir sur ce point la synthèse de Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 112-122. Cet auteur estime que les juristes en Provence n’ont pas, sur ce point, imité l’Italie, mais ont plutôt cherché inspiration en Languedoc où ce type de tenure est attesté dès le milieu du xiie siècle.
  • [57]
    Ainsi de cette concession opérée par l’archevêque d’Arles, en 1223, d’un stare dont l’aliénation devra se faire salvo tamen jure et dominio nostro sine acapto tamen quolibet laudimio et trezeno. ADBdR, 3G 19, fol. 63v (cité par Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 121, n. 43. La référence donnée par cet auteur au registre B 1069 semble être une erreur).
  • [58]
    Il se définit alors comme une tenure conférant dominium et senhoria à son possesseur qui se trouve également soumis au paiement de droits de mutation. Voir Thierry Pécout, Confessus fuit et recognovit in veritate se tenere. L’aveu et ses enjeux dans les reconnaissances de tenanciers en Provence, xiiie-xive siècle, dans Lucien Faggion, Laure Verdon (dir.), Quête de soi, quête de vérité du Moyen Âge à l’époque moderne, Aix-en-Provence, pup, 2007, p. 173-206, ici p. 186-187. Cet auteur évoque le cas du castrum de Varages, dans le Var, en 1346. Noël Coulet a également rencontré le franc fief dans la région d’Entrevennes, au milieu du xive siècle. Ce type de concession s’adresse à des hommes qualifiés de « vassaux » qui ne sont astreints qu’au paiement des taxes de mutation. En revanche, les « plébéiens » doivent le cens, les tailles comtales et des services en travail. Les possesseurs de francs fiefs représentent un quart des hommes de la seigneurie d’Entrevennes. (Noël Coulet, Affaires d’argent et affaires de famille en haute Provence au xive siècle. Le dossier du procès de Sybille de Cabris contre Matteo Villani et la compagnie des Buonaccorsi, Rome, collection de l’EFR, 1992, p. 12.)
  • [59]
    Ainsi le montre la charte de concession en fief des deux castra de Suze et Solérieux, opérée par l’évêque de Saint-Paul Trois-Châteaux, en 1272, en faveur de Raimond II de Baux d’Orange : […] profitetur tenere se a Bertrando de Clahensais episcopo S. Pauli Tricastin. Castella Suzae et Buxedonae in feudum francum et gentile. […] Item fuit concessum, quod ipse R. de Baucio et ejus heredes semper in mutatione domini vel vassalli teneantur facere homagium ligium flexis genibus, et jurare fidelitatem cum illis articulis qui in dicto juramento continentur, videlicet dictus episcopus et successores possint suum vexillum seu baneriam mittere, in signum dominii et recognitionis dicti castri, seu in fortalitio (cité dans Du Cange, art. « Feudum Francum »). Cette charte est conservée aux AD de l’Isère, sous la cote B 379. Elle concerne un type d’inféodation particulier : il s’agit, en effet, de la reprise en fief d’un alleu moyennant le versement de 6 000 sous. Sur ce document et son contexte, voir Florian Mazel, La noblesse et l’Église…, op. cit., p. 447, n. 967.
  • [60]
    Gabriele D’Amelio, Polemica antifeudale, feudistica napoletana e diritto longobardo, Quaderni Storici, 26, 1974, p. 337-350.
  • [61]
    Ibid., p. 339, n. 9 et p. 343, n. 17. S’il existe bien une constitution de Frédéric II sur l’aliénation des fiefs, il faut remarquer, cependant, qu’elle ne fait pas référence à celle de Roncaglia : Constitutionem dive memorie regis Rogerii avi nostri super prohibita diminutione feudorum et rerum feudalium ampliantes, decernimus omnes alienationes, seu quoscumque contractus, super feudis et rebus feudalibus, minuendis aut commutandis, nullam omnino firmitatem habere : nisi de speciaii nostre curie facte fuerint : jusjurandum interpositum, seu etiam stipulationem penalem nullius determinus esse momenti. Eisdemque contrahentibus et alienantibus concedimus potestatem jure proprio predicta omnia revocare : Antonio Cervone, Constitutionum regni Siciliarum, libri III, t. 5, De revocatione feudorum et rerum feudalium, p. 294-303.
  • [62]
    C., 11, 61-62. Il apparaît, à la lecture de ces titres, qu’en regard du droit romain, la question du paiement du canon prime sur toutes les autres. On peut aliéner, en particulier, le fonds reçu en emphytéose, y compris sans l’autorisation du juge impérial, à condition que le donataire s’engage à acquitter les droits annuels dus au fisc (C., 11, 61, 1).
  • [63]
    « On peut se demander si l’emploi de ce passage pour l’aliénation des fiefs ne s’explique pas par le relais des Libri Feudorum qui a mis à l’esprit du rédacteur du diplôme le passage du Code » (Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 64). Si la connaissance du droit romain par le biais des Libri feudorum semble, néanmoins peu probable au xiie siècle, il n’en va plus de même au siècle suivant. La diffusion, en particulier, des constitutions impériales emprunte vraisemblablement ce vecteur commode.
  • [64]
    Id., Qualitas illata…, art. cit., p. 277, n. 92.
  • [65]
    Id., Le droit féodal…, op. cit., p. 65. M.G.H., Leges, sectio IV, 1, n° 169, Sententia de feudis imperii non alienandis, p. 235-236 : Novit vestre discretionis prudentia, quoniam ea, que ab imperio tenentur, iure feodali possidentur nec ea sine domini consensu ad alterius possunt transferri dominium. Intelleximus autem, quod Marsilienses beneficium, quod a dilecto principe nostro Arelatensi archiepiscopo tenebant, comiti Provincie in concambium dederint, cum nec nostrum vel archiepiscopi consensum unquam in hac re habuerint. Unde quoniam hec comutatio inanis est et ipso iure irritator, eam imperiali auctoritate cassamus, precipientes ne aliquod in illo beneficio archiepiscopo fiat impedimentum et illud ad alterius non transferatur dominium. Cet acte est également édité par Andreas Winkelmann, Acta imperii inedita saec. XIII, I, n° 323, p. 289, qui l’attribue à Frédéric II.
  • [66]
    C., 4, 66, 3. Ce titre fixe les conditions d’aliénation d’un bien tenu en emphytéose et précise que le consentement du propriétaire est obligatoire si le contrat ne prévoit aucune clause à ce sujet. L’emphytéote doit alors respecter une certaine procédure en avertissant le propriétaire de son intention et du prix qu’on lui propose pour son bien. Le propriétaire bénéficie d’un droit de préemption de deux mois, au-delà duquel son consentement n’est plus nécessaire, pourvu cependant que l’acquéreur ne soit pas une personne « prohibée » en vertu du droit emphytéotique. Le montant du droit de mutation est fixé au cinquantième du prix de vente du fonds.
  • [67]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 75-76.
  • [68]
    La référence au Code donnée par cet auteur (C., 11, 61, 4) ne comporte pas, cependant, de définition explicite du droit de confiscation de la terre donnée en emphytéose, même si le terme « commise » est employé, mais précise, plutôt, les droits de propriété de l’emphytéote, à la condition que celui-ci s’engage à verser la rente due au fisc : Fundi patrimoniales, et qui ex emphyteutico jure ad domum nostram diversis generibus devoluti sunt, sic eis, qui eos poposcerint, cedunt, ut commissi metus esse non possit. Neque enim magis commodamus nostra, quam tradimus ea jure dominii : ita tamen, ut ea, quae in nostra possessione positi praestiterint, et in posterum dissolvant. En revanche, la possibilité d’expulser l’emphytéote en cas de non paiement du canon, ou si les clauses d’aliénation n’ont pas été respectées, se trouve exposée au titre 66 du livre 4.
  • [69]
    Gérard Giordanengo, Vocabulaire romanisant et réalité féodale en Provence, Provence Historique, 25, 1975, p. 258, n. 22. On peut, peut-être, voir dans la phrase suivante une allusion à l’usage de la procédure inquisitoire pour régler ces affaires : dominus comes debet habere in dicta villa bajulum suum, seu vicarium, […] ad cognoscendum et judicandum et compescendum per se vel per aliquem sapientem, nomine jurisdictionis majoris seu meri imperii pertinentis ad dominum comitem et suos, tam ex casu querimonie dictorum hominium quam ex officio suo, de criminibus seu maleficiis et causis infrascriptis […].
  • [70]
    Ibid., p. 259, n. 23.
  • [71]
    Cité par : Damien Carraz, L’Ordre du Temple…, op. cit., p. 384.
  • [72]
    Sur ce personnage et ses origines, voir Raoul Busquet, L’histoire d’une consultation du xiiie siècle sur le merum imperium et l’origine des cas royaux en Provence, Études sur l’ancienne Provence, Paris, 1939, p. 51, n. 3.
  • [73]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 149.
  • [74]
    Pour les consultations de 1268 et 1277, voir Raoul Busquet, L’histoire d’une consultation…, art. cit., p. 51-68 et Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 150-151. Robert de Laveno considère comme relevant du mère empire tous les cas entraînant « penam capitis vel amissionis membrorum vel deportationis vel relegationis in insulam vel exilium ».
  • [75]
    On trouve un écho de cette consultation dans l’enquête menée en 1278 sur la baillie de Castellane, où l’expression « mère empire » est d’un emploi général contrairement à celle de c. 1251. (Édouard Barartier, Enquêtes sur les droits et revenus de Charles Ier d’Anjou en Provence (1252 et 1278), Paris, 1969, p. 48.)
  • [76]
    Statuta, ordinationes, constitutiones quae ediderunt comites Provinciae, comprenant une declaratio domini Roberti de Vena. Voir Raoul Busquet, L’histoire d’une consultation…, art. cit., p. 63-68.
  • [77]
    Thierry Pécout propose de le dater des années 1298-1304, car les définitions des juridictions sur les clercs qu’il contient se trouvent reprises et affinées dans les statuts de Pierre de Ferrières datés de 1304. Thierry Pécout, L’élaboration du justiciable. La justice royale et le clerc dans la Provence de Charles II (fin du xiiie s.-début du xive s.), dans Gens de robe et gibier de potence en France du Moyen Âge à nos jours. Actes du colloque tenu à Aix-en-Provence, 14-16 octobre 2004, Marseille, Images en manœuvre, 2007, p. 91, n. 37.
  • [78]
    Raoul Busquet fait remarquer, à ce propos, que les références à des textes juridiques, issus du droit canonique ou des constitutions impériales, sont une nouveauté introduite dans ce manuscrit par rapport aux statuts comtaux et consultations juridiques précédents. Il semble cependant, qu’il y ait eu une tendance, dès les années 1290 à appuyer les revendications comtales en Provence sur des arguments juridiques, comme le laisse supposer la citation de la constitution de Roncaglia en préambule de l’ordonnance de mai 1294. En outre, on rencontre de nombreuses références au Corpus juris civilis dans les actes de Charles Ier.
  • [79]
    Cette histoire est retracée dans Vittorio Colorni, Le tre leggi perdute di Roncaglia (1158) ritrovate in un manoscritto parigino (Bibl. nat. Cod. Lat. 4677), dans Scritti in memoria di Antonino Giuffré, Milan, 1967, t. I, p. 111-170, ici p. 122-136.
  • [80]
    L.F., 2, 55 et M.G.H., leges, sectio IV, t. I, n° 244. On peut relever, outre les droits de justice, l’insistance mise à réserver le pouvoir de délégation de l’autorité judiciaire au seul souverain : regalia sunt […] potestas constituendorum magistratuum ad justitiam expediendam.
  • [81]
    D. 2, 1, 3 : De Iurisdictione (omnium iudicum add. Vulg.), de officio Quaestoris : Imperium aut merum aut mixtum est. Merum est imperium habere gladii potestatem ad animadvertendum facinorosos homines, quod etiam potestas appellatur. Mixtum est imperium cui etiam jurisdictio inest, quod in danda bonorum possessione consistit. Jurisdictio est etiam judicis dandi licentia.
  • [82]
    Omnes judices a principe administrationem accipere debent. Vittorio Colorni, Le tre leggi…, art. cit., p. 146. On retrouve cette conception, au xiiie siècle en Provence, dans la façon dont les commissaires sont nommés lors de la tenue d’enquêtes. Ainsi, à titre d’exemple, Guillaume de Populo est-il investi, en 1285, de la potestas pour mener une enquête à Entraunes : cum super inquirendis juribus pertinentibus curie regie in castris de Antraunis et de Sancto Martino tam super facto jurisdictionis quam etiam super facto trezenorum et quorumdam jurium dominum Guillemum de Populo duxerimus destinandum qui plenam dedimus potestatem super predictis inquirendis.
  • [83]
    C’est le cas, notamment, des légistes de l’entourage napolitain de Charles Ier puis Charles II, tels Marino da Caramanico dans son Apparatus ad const. Regni Sicilie et Andreas de Isernia, Lectura super const. Regni Sic. (A. Cervone, Constitutionum regni Siciliarum, libri III, t. I, p. 125-127).
  • [84]
    Fernand Benoit, Recueil des actes des comtes de Provence (1196-1245), Monaco-Paris, 1925, n° 246, 275, 277, 278.
  • [85]
    Raoul Busquet, L’histoire d’une consultation…, art. cit., p. 61-63. Raoul Busquet indique que ces mesures ne devaient s’appliquer qu’aux parties du comté dans lesquelles le pouvoir comtal ne rencontrait pas de feudataires capables de revendiquer le mère empire. L’enquête d’Entraunes, en 1285, confirme cette impression : la revendication comtale de la levée des trézains, émise pour la première fois en ce lieu sous Charles Ier , ne semble s’être heurtée à aucune résistance de la part de la famille de Faraud de Thorame, qui se contente de réclamer sa part.
  • [86]
    La preuve, demandée par le viguier de Tarascon, sur les conseils du sénéchal, repose entièrement sur l’enquête orale. Rainaud Porcelet entend prouver par là quod dominus Rainaudus Porcelletti, pater ejus condam, fecit suspendi homines infra territorium et tenementum Senacii pro delictis perpetratis per eos ibidem. Item quod habet ibidem plenariam juridictionem et mixtum et merum imperium. Les témoins confirment cette version en remontant dans leurs souvenirs sur deux ou trois générations. Soulignons que le procédé de défense utilisé par Bertrand de Baux, en 1269, repose exactement sur le même principe : il s’agit de prouver, par le recours à l’enquête orale, que la juridiction sur les domaines en litige de Crau et de Camargue était bien exercée par le père de celui-ci, Barral, donc depuis au moins une génération.
  • [87]
    ADBdR, B 1024 ; Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 2, p. 168-169. Ainsi à Lagoy : In castro de Lagodinis : Licet dicatur per plures hujusmodi merum imperium ad dictum comitem Provincie pertinere, de quo pendet questio et litigium inter regiam curiam et dictum Karolum (Alba de Tharascone, le seigneur du lieu). On remarquera que dans cette enquête les droits de mère empire et de mixte empire sont distincts, selon la définition donnée par les juristes de l’entourage du comte. On peut également rapprocher ces litiges et leur mode de résolution de la mise en place des institutions judiciaires d’appel en Provence, qui contribuent à affirmer le caractère éminent du pouvoir comtal : la législation de Charles II, puis de son fils Robert, est, en effet, abondante en ce domaine et accompagne la mise en place, dans les années 1300, des fonctions de juge des premières et secondes appellations. Voir sur ce point la mise au point récente de Gérard Giordanengo, Arma legesque…, art. cit.
  • [88]
    Voir pour une analyse détaillée de l’histoire de cet accaparement comtal : Thierry Pécout, L’élaboration…, art. cit., p. 89-99. On trouvera un panorama complet de la législation angevine relative aux clercs dans Romualdo Trifone, La legislazione angioina, Naples, 1935, p. CXLVII et suivantes.
  • [89]
    Gérard Giordanengo, Vocabulaire romanisant…, art. cit., p. 261. Un autre exemple de conflit à ce sujet peut être relevé dans l’enquête menée en 1299 dans le territoire de Tarascon : In castro seu villa de Mallana : De justiciis vero circa offensas que contingunt in caminis publicis, ecclesiis, cimiteriis et locis reliogiosis, necnon contra ecclesias et personnas ecclesiasticas, dicunt domini quod pertinent ad eos, tamen pendet inde litigium cum regia curia coram judice appellationum, Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 2, p. 168. Il faut rapprocher cette volonté de réserver au comte la connaissance de ces affaires spécifiques de l’élaboration d’un statut des clercs entreprise dès le règne de Charles Ier . Voir, à ce sujet, Thierry Pécout, L’élaboration…, art. cit., p. 89-92.
  • [90]
    En 1310, l’enquête menée dans la baillie de Castellane distingue entre le mère empire et la justice civile et définit les regalia selon la formule contenue dans les statuts de Pierre de Ferrières (1304), c’est-à-dire étendus aux cas d’offense contre les clercs. Cette enquête accrédite la datation du manuscrit arlésien proposée par Thierry Pécout, en fixant un terminus post quem à la rédaction du texte, qui ne peut être postérieure à 1310, et fournit un indice sur la volonté qui prévaut, dans l’entourage royal dans les années 1290-1300, d’étendre les regalia aux cas qui regardent les clercs.
  • [91]
    Ibid.
  • [92]
    Gérard Giordanengo, Vocabulaire romanisant…, art. cit., p. 259.
  • [93]
    Ibid., p. 260, n. 31.
  • [94]
    L’enquête menée en 1299 dans les territoires du bas Rhône le montre clairement. Ainsi à Mollegès, le comte possède majus dominium et justicias de offensis que sunt in caminis publicis, ecclesiis, cimiteriis et contra personas ecclesiasticas. Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 2, p. 171. Pour une étude précise de la construction juridique du domaine comtal, voir la contribution de Jean-Paul Boyer dans les actes à paraître du colloque Quand gouverner c’est enquêter, Aix-en-Provence, mars 2009, et celle de Laure Verdon au même endroit.
  • [95]
    Par exemple pour les castra de Noves et Barbentane tenus par l’évêque d’Avignon en 1299 : Dominus Avinionensis episcopus pro parte sue avinionense ecclesie tenet castra ipsa cum mero et mixto imperio et omnimoda jurisdictione pro quibus tenetur recognitionem facere modo subscripta videlicet, pro castro de Novis facere fidelitatem domino comiti verboterus sine juramento et homagio salvo jure imperii, et pro dictis castris de Berbentana et de Verqueriis, necnon pro quadam parte territorii et pertinenciis de Ayrage acquisita per dictam ecclesiam a quodam domino Petro Amici, tenetur facere fidelitatem cum juramento et homagio et recognoscere se et dictam ecclesiam promissa omnia tenere a domino comite Provincie et sub ejus majori dominio. Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 2, p. 170. Édouard Baratier définit ainsi le majus dominium : « le comte, comme représentant de l’empereur, est l’émanation du pouvoir souverain et de la puissance publique, mais il est aussi le seigneur féodal des barons et chevaliers, ses vassaux, qui tiennent de lui en fief des seigneuries, et il doit donner son consentement à l’aliénation des fiefs qui dépendent de lui » (Édouard Baratier, Enquêtes sur les droits et revenus…, op. cit., p. 46). Trois taxes sont caractéristiques de la détention de ce pouvoir : la cavalcade, la queste et l’albergue.
  • [96]
    Ibid., p. 46-47.
  • [97]
    Laure Verdon, La seigneurie en Provence au xiiie siècle : le cas d’Entraunes et Saint-Martin d’Entraunes d’après l’enquête de 1285, Rives nord-méditerranéennes, 7, 2001, p. 69-70.
  • [98]
    D’autres passages de cette enquête indiquent cette même volonté comtale de percevoir les trézains sur les parts de seigneuries aliénées. Voir, entre autres exemples, Édouard Baratier, Enquêtes sur les droits et revenus…, op. cit., n° 2, p. 235.
  • [99]
    La raison de ce geste n’est pas explicitée dans l’enquête. On peut la rapprocher, cependant, d’une volonté affirmée, à partir de 1270, par le pouvoir comtal de renforcer son contrôle sur la Provence par le biais du droit féodal, notamment par l’imposition d’un serment de fidélité à l’ensemble des sujets, prêté en 1271, et surtout par l’imposition d’un contrôle sur les aliénations de fiefs. Peut-être l’achat par Raimond Roux de Comps des parts de seigneurie de l’un des fils de Faraud de Thorame a-t-il conduit le pouvoir à prendre cette mesure.
  • [100]
    Édouard Baratier, Enquêtes sur les droits et revenus…, op. cit., n° 624, p. 373 : De Antraunis, R. Brocardus miles juravit et dixit quod majus dominium est domini comitis et habet ibi L s. provincialium pro alberga, scilicet, pro focco, XII d., et L s. provincialium pro cavalcatis ; justitias ; quistas sicut supra. De Sancto Martino, Hu. Noger et R. de Sancto Martino juraverunt et dixerunt quod majus dominium est domini comitis et habet ibi pro alberga, IIII lb., pro focco, XII d., et pro cavalcatis, IIII lb. ; quistas ; justitias secundum statuta.
  • [101]
    Ibid., n° 649, p. 380 : interrogati [Hugo Fabre et Gui(llemus) Capo] si aliquis possidens in dicto castro pro domino comite vendidit aliquid alicui, dicunt quod Gill. De San Jurs vendidit affare suum domui Pontis sine concensu ; item R. Girec vendidit nuper affare suum Po. R. Girencle sine concensu.
  • [102]
    ADBdR, B 1068, fol. 1-13.
  • [103]
    Ainsi : Poncius de Jocis de Ronionaco super primo titulo interrogatus dixit quod dictum castrum de Ronionaco est in comitatu Provincie. Interrogatus quomodo scit, dixit quod notorium est et quod dominus Raimundus Berangarius comes Provincie quondam in tempore guerre [il s’agit sans doute d’une allusion au conflit qui opposa le comte de Provence à Raimond VII de Toulouse. Raimond Bérenger V dut, en effet, mener le siège de Trinquetaille. Ce serait d’ailleurs à cette occasion qu’il aurait établi des bayles à Rognonas, selon les dires du premier témoin produit par les probi homines du lieu] ipsos de dicto loco deffendebat ab omnibus personis (fol. 4). Un autre affirme qu’il a vu Raimond Bérenger V, ou son bayle, percevoir chaque année des hommes du lieu 10 £ « de cens », et que le comte Charles continue à les toucher (fol. 5). On retrouve cette pratique dans d’autres localités qui acquièrent à prix d’argent le droit d’être placées sous la protection comtale (voir sur ce point la synthèse commode de Jean-Paul Boyer, L’éphémère paix du prince, dans Martin Aurell, Jean-Paul Boyer, Noël Coulet, La Provence au Moyen Âge, Aix-en-Provence, pup, 2005, p. 193).
  • [104]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 193, n. 28 et Thierry Pécout, Raymond Bérenger V. L’invention de la Provence, Paris, Perrin, 2004, p. 30.
  • [105]
    Jean-Paul Boyer, Représentations spatiales dans les Alpes de Provence orientale. Autour d’une enquête de 1338, Storia delle Alpi, VI, 2001, p. 89-103.
  • [106]
    Intendunt probare probi homines de Ronionaco […] quod dominus comes est dominus dicti castri et eius territorii […]. Item quod homines de Ronionaco vel major pars ipsorum tenent possessiones suas et quoquid habent pro domino comite.
  • [107]
    Intendunt probare […] quod baiuli supradicti domini comitis recipunt et recipere consueverunt et recipere consueti sunt totum trezenum integre sine aliqua diminucione de omni vendicione que fiebat vel fieri solet in castro de Ronionaco et eius territorio. Item quod baiuli dicti domini comitis vel aliquis eorum receperunt trezenum de Raimundo de Aurono vel ab ambo pro eo. Item quod baiuli qui erant ibi per tempore vel sunt laudant et soliti sunt laudare omnis vendiciones que fuit in castro supradicto vel eius territorio. Item quod probi homines de Ronionaco quando emunt et vendunt in castro supradicto vel eius territorio prohabendo consensu vadunt ad baiulii supradicti domini comitis et eius consensu requirunt et ei solvunt trezenum et nulli alii homini de mundo. […] Item quod dictus dominus comes est in dicto possessione jam sunt XIIII anni vel plus vel minus secundum quod testes fuerint testificari.
  • [108]
    Rostagnus Valerianus de Ronionaco testes juratus et interrogatus super dictis intentionibus [i.e. les titres de Raimond d’Aurons] dixit quod ipse vidit et audivit quod dominus comes qui modo est a tempore quo primo venit in Provincia pro domine habuit et percepit trezenum de omnibus vendicionibus que fiebant ibidem et nullus alius.
  • [109]
    Raimundus et Petrus de Aurono fratres [ce sont les deux fils de Raimond d’Aurons, cités dans l’enquête de 1264. On peut remarquer que sa fille Cécilia ne semble plus, en revanche, détenir aucun droit sur Rognonas] tenent dictum castrum seu villam sub dominio comitis Provincie cum mero et mixto imperio, tamen habet ibi dominus comes Provincie majus dominium et cavalcatas. […] Item habet ibi dominus comes medietatem trezeni de omnibus bonis stabilibus venditis que tenentur in eadem villa et ejus territorio franca, et reliqua medietatis est dominorum ipsius ville et venditio bonorum ipsorum laudatur communiter per bajulos domini comitis et dictorum dominorum. (Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 2, p. 168.)
  • [110]
    L’enquête de 1297-99 semble indiquer, cependant, au moins pour la région du bas Rhône, que le paiement des trézains n’est pas la préoccupation première des enquêteurs. En 1333, cette question est de nouveau abordée dans l’enquête menée par Léopard de Foligno à la demande de Robert Ier , mais il s’agit de rappeler que le comte perçoit les trézains sur les terres pour lesquelles il détient le mère et mixte empire et d’affirmer, de la sorte, le pouvoir éminent du souverain. (Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 1, p. 141-145, et Ead., À la recherche de revenus sûrs : le cas des ventes déguisées en baux emphytéotiques, au miroir de l’enquête de Charles II dans la viguerie de Tarascon en 1297-1299, Rives nord-méditerranéennes, 8, 2007, p. 35-44).
  • [111]
    Les trézains correspondent, en effet, dans cette enquête au droit de relief levé sur les fiefs. Laure Verdon, La noblesse au miroir de la coseigneurie…, art. cit.
  • [112]
    Martin Aurell résume un point de vue largement partagé en écrivant : « C’est […] sur un tout autre registre que se situent les enquêtes menées […] par l’administration angevine. Dans leur modernité, elles participent, en effet, à la construction d’un État où une masse accrue d’informations écrites rend efficace le gouvernement, l’administration et la fiscalité ». Martin Aurell, Le roi et les Baux. La mémoire et la seigneurie (Arles, 1269-1270), Provence Historique, 49, 1999, p. 49. On retrouve la même analyse sous la plume de Rodrigue Lavoie, qui souligne, cependant, l’idéologie de réforme qui sous-tend ces entreprises : Le pouvoir, l’administration et le peuple en Provence à la fin du xiiie siècle, thèse de 3e cycle inédite, Université d’Aix-en-Provence, 1969. Même point de vue également pour Gérard Giordanengo, dans : Le droit féodal…, op. cit., p. 178-179. C’est, enfin, le sens de l’analyse des ordonnances et mandements aux enquêtes de 1290 et 1294 que livre Michel Hébert dans : Les ordonnances de 1289-1294…, art. cit., et L’ordonnance de Brignoles…, art. cit. Ces deux derniers auteurs soulignent, en particulier, l’importance des transferts de biens opérés en faveur des clercs, révélés par les procès-verbaux de l’enquête menée en 1290, et s’appuient sur cet argument pour accréditer l’interprétation fiscale de l’ordonnance, en rapprochant ces mesures de celles prises par les souverains capétiens à la même époque. Gérard Giordanengo y voit, cependant également, la marque de la volonté du souverain de règlementer l’accès à la noblesse par la voie de l’achat de fief : « La concomitance avec des mesures similaires prises par le roi de France dès 1275 puis par celui d’Angleterre est remarquable et sans doute on a là une imitation de la part de la cour royale napolitaine de la pratique française qui a connu le succès que l’on sait dans la levée des droits d’amortissement et de franc-fief dans un pays où le problème de l’ampleur des transferts, tant pour les biens nobles passant aux roturiers que pour les biens de toute nature tombant en mortes mains, se posait avec acuité. En Provence aussi, aux implications financières s’allie un désir d’ordre social que l’on ne peut négliger ». (Le droit féodal…, op. cit., p. 179). Plus récemment, cet auteur est revenu sur cette question en soulignant les conséquences politiques de ces achats de fiefs, qui peuvent impliquer l’accès à l’exercice de la juridiction du mère empire : « Choqué en effet de ce que de riches marchands et autres non nobles achetaient des castra et des juridictions, le roi donnait ordre de leur faire vider les mains dans l’année sous peine de confiscation, ce qui était trop radical. En vertu de ces ordonnances, une enquête générale fut effectuée dans l’ensemble du comté, mais quelques baillies et vigueries échappèrent au zèle des enquêteurs. Si les terres passées aux mains des clercs sont nombreuses, les vrais fiefs [i.e. ceux qui comportent château et juridiction] passés aux mains de roturiers sont très rares et de peu d’importance, aucune seigneurie, aucun castrum, seulement quelques droits juridictionnels secondaires, sans merum et mixtum imperium, que l’on saisit sans hésiter » (Gérard Giordanengo, Qualitas illata…, art. cit. Il nous semble, en effet, que l’on ne peut confondre les objectifs poursuivis par l’ordonnance avec les résultats de l’enquête. Il faut également remarquer que la mesure prise par le comte en 1289, la restitution dans l’année des fiefs aliénés à des non nobles, n’est qu’une stricte application d’un article des Libri feudorum relatif à la tenue du fief pour lequel l’investiture est douteuse : L.F., 1, 25 : Si aliquis in possessione feudi sit, de quo dominus dicit cum investitum non fuisse […]. Haec autem ita sunt tenenda, si per annum sciente domino et non contradicente in possessione feudi permanserit, alioquin justa ignorantia vel parvi temporis negligentia cum iniquae possessionis perjurio domino quandoque damnum affert. La question du délai d’une année au-delà duquel la commise est déclarée se trouve également exposée au titre 54 du livre 2, consacré aux aliénations effectuées sans le consentement du seigneur. Ce titre est issu de la législation émise par Frédéric Ier à Roncaglia, dont l’ordonnance de mai 1294, et vraisemblablement aussi celle de 1289, s’inspire : L.F., 2, 54 (55) : […] Si quis infeudatus [i.e. celui qui a acquis le fief aliéné par le vassal] major quatuordecim annis, sua incuria vel negligentia per annum et diem steterit, quod feudi investituram a proprio domino non petierit, transacto hoc spatio, feudum amittat et ad dominum redeat.
  • [113]
    Sur la comparaison que l’on peut tenter d’établir entre ces deux types de sources qui relèvent, a priori, d’une même logique comptable, voir les remarques de Thierry Pécout dans : Les actes de reconnaissances…, art. cit., p. 278-279.
  • [114]
    Sur ce sujet, voir Michel Hébert, L’ordonnance de Brignoles…, art. cit.
  • [115]
    Ibid., p. 45.
  • [116]
    Id., Les ordonnances de 1289-1294…, art. cit., p. 47.
  • [117]
    Jean-Paul Boyer, De force ou de gré. La Provence et ses rois de Sicile (milieu xiiie siècle-milieu xive siècle), dans Noël-Yves Tonnerre et Élisabeth Verry (dir.), Les Princes angevins du xiiie au xve siècle. Un destin européen, Rennes, pur, 2003, p. 33-42, ici p. 31-33. Seule Christine Martin-Portier, dans le commentaire donné à l’édition des enquêtes de 1297-99 et 1333 menées dans les vigueries de Tarascon et Avignon, émet un avis plus nuancé, en soulignant l’importance, dans ces actes, de la question de l’exercice du mère empire et de la nécessaire clarification des droits de justice à laquelle les enquêtes apportent une contribution décisive.
  • [118]
    Sur cette question, voir notamment Patrick Gilli, Culture politique et culture juridique chez les Angevins de Naples (jusqu’au milieu du xve siècle), dans Les Princes Angevins…, op. cit., p. 131-154. Jean Kerhervé, en introduction à son article sur les enquêtes ducales en Bretagne au xve siècle, établit une distinction entre ce qu’il nomme des enquêtes purement administratives, et les enquêtes ayant une portée plus idéologique et politique : « Les unes, qui sont les plus nombreuses et les mieux étudiées, concernent l’action des gens du pouvoir et leurs relations avec les sujets ; elles visent aussi à mieux connaître le Domaine où à inventorier la matière fiscale ; ce sont des enquêtes administratives au sens plein du terme. Les autres s’intéressent aux droits et aux devoirs du souverain, examinés de manière beaucoup plus théorique. Plus rares et moins étudiées, elles cherchent à préciser l’origine, les fondements et la nature du pouvoir princier. Elles quittent donc le champ de l’administratif pour celui du politique. » (Jean Kerhervé, Les enquêtes sur les droits « royaux et ducaux » de Bretagne aux xive et xve siècles, dans Information… op. cit., p. 405-425, ici p. 405.) Les enquêtes provençales nous semblent plutôt ressortir de cette seconde catégorie, comme le suggère l’étude des sources d’inspiration juridique de ces textes.
  • [119]
    La présence d’une citation du Corpus juris civilis, même si elle n’est pas clairement identifiée comme telle dans le document, invite, en elle-même, à s’interroger sur l’intention politique du souverain et sur l’influence qu’ont pu exercer les juristes de son entourage dans la conception et l’écriture de cette ordonnance. « On ne rencontre d’innombrables citations du Corpus juris civilis que dans les textes spécialisés, œuvres d’universitaires destinées avant tout à l’enseignement : gloses, apparats ou lectures, sommes, questions, répétitions, traités. De très nombreux manuels de procédure ou ordines judiciarii et des consultations juridiques (consilia) assurent la liaison avec la pratique par le canal des tribunaux » (Gérard Giordanengo, Droit romain, dans Jacques Berlioz (dir.), Identifier sources et citations, Turnhout, Brepols, « L’Atelier du médiéviste », 1, 1994, p. 128). Le fait n’est cependant pas isolé dans la législation angevine : ainsi, dès 1274, une ordonnance napolitaine de Charles Ier s’ouvre sur une citation d’une Authentique de Justinien (Gérard Giordanengo, Arma legesque collo…, art. cit., p. 54 et n. 64).
  • [120]
    ADBdR, B 1083, fol. 1-1v ; B 263, fol. 31v. Le texte est reproduit dans Michel Hébert, Les ordonnances de 1289-1294…, art. cit., p. 51, n. 20.
  • [121]
    L.F., 2, 54 (55) De prohibita feudi alienatione per Fredericum, éd. Karl Lehmann, Das langobardische Lehnrecht, Göttingen, 1896, p. 180, et M.G.H., Leges, sectio IV, Constitutiones et acta publica imperatorum et regum, t. I, n° 177, p. 248. Cette citation des Libri feudorum a été repérée par Gérard Giordanengo qui n’en tire cependant aucune conclusion quant à l’idéologie souveraine qui la sous-tend, alors qu’il souligne, par ailleurs, que la seule mesure nouvelle prise par Charles II en Provence concerne « les roturiers possesseurs de fiefs à qui l’on veut faire vider les mains » (Arma legesque collo…, art. cit., p. 54, 60 et 73). Il est vrai que cette remarque se rapporte plutôt, sous la plume de cet auteur, à l’ordonnance de septembre 1289 qu’à celle de mai 1294, bien que le sens général de ces deux actes nous paraisse similaire. Gérard Giordanengo voit dans les mesures prises en 1289 une imitation directe de la législation capétienne sur les francs-fiefs, alors que l’influence du Corpus juris civilis lui semble plus probante pour celle de 1294.
  • [122]
    L.F., De prohibita feudi alienatione per Fredericum : Quapropter dum ex praedecessorum nostrorum more universalis curiae Roncaliae pro tribunali sederemus, a principibus Italicis, tam rectoribus ecclesiarum, quam aliis fidelibus regni non modicas accepimus quaerelas, quod beneficia eorum et feuda, quae vasalli ab eis tenebant, sine dominorum licentia pignori obligaverant, et quadam collusione nomine libelli vendiderant, unde debita servitia amittebantur et honor imperii et nostrae felicis expeditionis complementum minuebatur. […] Hac edictali, Deo propitio, perpetuo valitura lege sancimus, ut nulli liceat feudum totum vel partem aliquam vendere, vel pignorare, vel quocumque modo alienare, vel pro anima judicare sine permissione illius domini, ad quem feudum spectare dignoscitur.Ordonnance de septembre 1289 (François-Paul Blanc, L’apparition du droit régalien d’anoblissement en Provence au xiiie siècle, Provence Historique, 23, 1973, p. 92, n. 85, d’après un vidimus de la cour de Puget-Thénier daté de février 1290, ADBdR, B 147, fol. 56r) : Cum nonnulli mercatores et certe persone non generose, castra, villas et jurisdictiones diversas diversis titulis aquisierint in comitatibus Provincie et Forcalquerii, hinc retro a personis nobilibus seu etiam generosis ; et inde nostra curia servitiis debitis, quae nobiles et militares persone tenentur et debent facere, defraudatur.Ordonnance de mai 1294 : Sane fidedigno relatu plurium intelleximus quod nonnulli, propriis comodis in aliorum preiudicium inhiantes, possessiones et iura in comitatibus nostris Provincie et Forcalquerii et terris aliis convicinis nostro subiectis dominio constituta, que non possunt titulo vendicionis vel alio consimili sine curie nostre vel aliorum consensu transferi et pro quibus prestandum est trezenum seu laudimium curie nostre vel aliis cum possessiones ipse vel iura titulo venditionis vel alio consimili transferuntur, presumunt concedere sive transferre sine consensu predicto et nullo prestito laudimio seu trezeno, recepta pro ipsis possessionibus seu iuribus magna quantitate pecunie ac retento alio censu modico in eisdem seu etiam pro eisdem. Nos igitur huiusmodi calliditatibus obviantes et attendentes quod tales contractus naturam venditionis sapiunt […] prohibemus hoc edicto in perpetuum valituro tales contractus in comitatibus et terris predictis de cetero fieri sine consensu illorum quorum consensus in venditione foret requirendus.
  • [123]
    Romualdo Trifone, La legislazione angioina, Naples, 1935, p. CLXII-CLXV.
  • [124]
    M.G.H., Leges, sectio IV, t. I, n° 120, Constitutio de feudorum distractione, p. 175-176. Le texte, daté de novembre 1136, se trouve également reproduit dans la Lombarda (L.L., IV, p. 639) et dans les Libri Feudorum (L.F., 2, 52, De prohibita feudi alienatione per Lotharium, p. 175-176.) On y trouve les mêmes préoccupations que dans le texte de 1156 : Per multas enim interpellationes ad nos factas didicimus, milites beneficia sua passim distrahere, a cita omnibus exhaustis suorum seniorum servitia subterfugere, per quod vires imperii maxime attenuatas cognovimus, dum proceres nostri milites suos omnibus beneficiis exutos ad felicissimam nostri numinis expeditionem minime transducere valeant. Sur la liaison entre droit féodal et Lombarda, voir Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 125, n. 59.
  • [125]
    Id., Les féodalités italiennes, dans Jean-Pierre Poly, Éric Bournazel (dir.), Les féodalités, Paris, puf, 1998, p. 219.
  • [126]
    M.G.H., Leges, sectio IV, n° 148-149, Constitutiones feudales Roncaliae editae, en particulier n° 148 : Constitutio contra feudorum distractionem et de causis feudi amittendi. C’est à l’occasion de la diète tenue en 1154 qu’est produite la norme concernant l’interdiction de l’aliénation des fiefs sans autorisation. L’empereur aurait personnellement pris part à la discussion juridique sur ce point, si l’on en croit le juriste lombard Bulgarius présent lors de cette assemblée (Ennio Cortese, Il rinascimento giuridico medievale, Rome, 1996, p. 49 et n. 138).
  • [127]
    Sur ce personnage voir : Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique, 16, 1967, p. 1287-1288 et Gérard Giordanengo, Lexikon des Mittelalters, 4, 1989, p. 397-398.
  • [128]
    Marie-Hélène Julien de Pommerol et Jean Monfrin, Bibliothèques ecclésiastiques au temps de la papauté d’Avignon, II, Paris, 2001, p. 52-54.
  • [129]
    Le comte peut, d’ailleurs, octroyer l’exercice du mère empire en récompense de services rendus ou contre monnaie. Ainsi, en 1306, Charles II cède à Rostaing Gantelme le mère empire sur son castrum en échange d’un versement annuel de 10 onces. R. Moscati, Feudalità napoletana nel periodo angioino, Archivio storico per le province napoletane, 20, 1934, p. 233-234, n. 3 et 5. Voir aussi sur cette question Thierry Pécout, Les mutations du pouvoir seigneurial…, art. cit., p. 71-87.
  • [130]
    Pierre Racine, Aux origines…, art. cit., p. 366.
  • [131]
    Pour une présentation neuve et séduisante des motivations possibles des réflexions entamées par les légistes dès le xiie siècle sur la notion de propriété, voir Alain Boureau, La religion de l’État. La construction de la République étatique dans le discours théologique de l’Occident médiéval (1250-1350), Paris, Les Belles Lettres, 2006, p. 270-282.

1La réflexion menée par l’historiographie [1] sur les rapports entre droit féodal et construction de la souveraineté dans l’Occident médiéval repose généralement sur trois constats : le droit des fiefs est surtout développé à partir de la fin du Moyen Âge, les ordonnances souveraines ou princières sur le sujet sont rares et tardives, elles poursuivent un objectif essentiellement fiscal [2]. Il est vrai que la définition juridique de la féodalité, qui la donne comme un ensemble d’institutions constitutif d’un système politique d’exercice privatisé du pouvoir caractéristique d’une société sans État, n’incite pas à voir autre chose dans les tentatives développées par les monarques à partir du xiie siècle qu’une volonté de reconquérir leurs prérogatives publiques.

2Un colloque récent a cependant relancé la question des rapports juridiques noués entre souverains et nobles sur la base d’une relecture des constitutions issues de la diète de Roncaglia (1158) [3]. Plusieurs contributions mettent ainsi l’accent sur le rôle joué par le droit savant féodal dans la construction de la réflexion juridique menée à cette occasion par les quatre docteurs de Bologne au service de l’empereur. Au centre de la volonté politique exprimée par Frédéric Ier lors de l’assemblée de Roncaglia se trouverait, en effet, l’idée de la paix entendue comme l’instrument de la garantie des droits supérieurs du souverain.

3La question de la paix est effectivement un biais méthodologique dont l’historien doit se saisir afin de repenser les usages du droit féodal et d’en cerner toute la dimension politique. Mais qu’est-ce que la paix ? Les récentes réflexions menées sur la notion de paix de Dieu [4] fournissent d’utiles clés en la matière en ce qu’elles reconsidèrent l’idée trop généralement admise d’un étiolement de l’autorité publique sous les coups de la féodalité et se penchent à nouveau sur la délicate définition des milites et de leur rôle politique. La paix dans ce contexte est avant tout le moyen de poser une limite entre la guerre légitime et la violence illégale, c’est aussi l’instrument du raffermissement de la seigneurie ecclésiastique, c’est enfin la voie par laquelle s’opère un partage des pouvoirs sur la base d’une hiérarchie affirmée. La paix du prince, celle que propose l’empereur à Roncaglia, n’est au fond pas autre chose [5] et c’est ce qui explique que l’élément féodal ait pu être aussi prégnant. À Roncaglia, il s’agit tout autant de définir les droits de la puissance publique, sur la base du droit romain, que de fixer les limites que communes et seigneurs ne devront pas franchir dans la revendication et l’exercice de ces mêmes prérogatives.

4En Provence, la législation émise à Roncaglia est non seulement connue mais aussi usitée par les premiers comtes d’origine angevine. Ainsi, dans le préambule d’une ordonnance de mai 1294 [6], souvent interprétée comme poursuivant un but strictement fiscal, trouve-t-on un extrait du titre sur l’interdiction d’aliénation des fiefs sans autorisation issue du titre 55 des Libri Feudorum.

5Le texte de 1294 ordonne qu’une enquête soit menée et, pour cette raison, a également souvent été considéré comme l’acte à l’origine de la grande enquête générale des années 1297-98. Or, la documentation liée aux enquêtes devient de plus en plus abondante à partir de l’établissement du règne des Angevins en Provence. Perçue comme un véritable instrument de gouvernement, la procédure inquisitoire devient en effet l’outil de contrôle régulier qui permet de garantir les droits et revenus du monarque dès le milieu du xiiie siècle. Elle est, de la sorte, le complément indispensable à l’instauration d’un véritable pouvoir souverain en Provence ; les historiens n’ont d’ailleurs pas manqué de rapprocher l’essor des enquêtes domaniales de la construction de l’État angevin et de la mise en place des différents organes de gouvernement, d’abord à Naples puis en Provence même dès la fin du xiiie siècle, notamment ceux liés aux finances et à la fiscalité [7]. La volonté d’obtenir des ressources régulières, d’imposer l’éminence du pouvoir souverain en matière de justice, de garantir la paix dans le comté auraient ainsi guidé la politique des premiers Angevins ; le contentieux avec les puissants, tant laïques qu’ecclésiastiques, serait né de cette avancée inéxorable des droits du roi au détriment du pouvoir seigneurial, et l’on aurait adopté la voie de la procédure inquisitoire pour le résoudre en signe de bonne justice [8].

6Nous nous fonderons, dans cet article, sur deux groupes de documents de ce type, relatifs à deux espaces au sein desquels le contentieux entre le comte et les seigneurs, ainsi que les conséquences de ces différends, ont pu se révéler de manière aiguë.

7Le premier est constitué par un ensemble de pièces relatives à la région du bas Rhône, entre 1264 et la fin des années 1280. Il est structuré par les actes ayant trait au long conflit qui opposa durant cette période la branche aînée de la famille des Baux aux communes d’Arles et de Tarascon, à propos de l’exercice des droits seigneuriaux de ce lignage en ces lieux ainsi que de la délimitation de ses territoires juridictionnels. Ce groupe de pièces comprend deux enquêtes, menées respectivement en 1265 [9] et 1269-70 [10], ainsi qu’une série de lettres émanant de la chancellerie napolitaine du souverain et adressées au sénéchal de Provence, entre 1271 et 1277 [11], afin de rendre effective la restitution de droits dont avaient bénéficié les Baux après que Charles Ier ait accordé sa grâce à Barral en 1251. S’ajoutent à ce noyau documentaire des actes dont l’origine est à trouver, en premier lieu, dans les rapports que les seigneurs de ce territoire, passé pleinement sous l’autorité du comte de Provence en 1125 seulement, ont entretenu avec l’autorité souveraine après la vague de révolte qui agite cet espace entre 1247 et 1251 : ainsi de l’enquête menée en 1264 sur la seigneurie de Rognonas [12], dont les notables accusent l’un des coseigneurs, Raymond d’Aurons, de lever de manière illégale le droit de trézain car ils se considèrent comme des hommes du roi, ou encore du contentieux qui s’élève, en 1265, relatif à l’exercice de la justice de mère empire à Sénas [13]. La concurrence, à laquelle l’accaparement des ressources importantes générées par la mise en valeur des terres de la basse vallée du Rhône a pu conduire, est également un enjeu de taille et occasionne de nombreux conflits, à l’image de la plupart de ceux qui concernent la famille des Porcelet d’Arles.

8Le deuxième dossier met en lumière un autre espace, plus au nord du comté. La haute vallée du Var est, en effet, le décor de la grande enquête menée en septembre 1285 sur les territoires des castra d’Entraunes et Saint-Martin d’Entraunes [14]. À l’origine de cette procédure se trouve une plainte adressée au sénéchal par deux coseigneurs du village d’Entraunes, dont un noble de fraîche date, Raymond Roux de Comps, futur juge mage du comté. Ce document nous plonge dans la période difficile de l’accession au trône de Charles II et aborde la question des rapports complexes que le souverain entretient alors avec la noblesse de Provence, partagé entre bienveillance et affirmation d’autorité.

9Cette documentation abondante autorise ainsi à revenir sur les rapports noués entre la noblesse et le comte à cette époque et à poser la question de la paix angevine en Provence comme instrument de l’autorité souveraine. Elle conduit également à reconsidérer les attendus et les fondements politiques de l’ordonnance de mai 1294 dont nous proposons une nouvelle lecture. Pour autant, les Angevins se placent ici en héritiers de pratiques plus anciennes. Il convient donc d’évoquer au préalable la délicate question des origines de la fidélité en Provence et de faire le point, pour commencer, sur les sources disponibles sur le sujet.

Aux origines de la paix. Les formes contractuelles de la fidélité entre grands du xie au xiiie siècle

10Les pratiques féodales ne se sont pas pleinement imposées en Provence avant les Angevins. Le dossier des origines de la fidélité, perçues au travers des actes juridiques contractuels qui établissent le lien entre vassal et seigneur, permet de retracer cette évolution [15].

La fidélité en Provence : une historiographie en renouvellement

11Pour qui s’intéresse aux formes juridiques revêtues par la féodalité dans les terres méridionales et à la masse documentaire qui en est résultée, il est, de prime abord, un constat aisé à établir : la Provence apparaît terre aride en ce domaine, bien loin derrière le Languedoc ou la Catalogne qui, avec plusieurs centaines de textes et notamment de serments de fidélité, permettent des analyses précises et sûres [16].

12Cette pauvreté documentaire provençale a été perçue par certains historiens comme le résultat d’une crise qu’aurait connue la fidélité comtale notamment autour de l’an mil, d’autres préférant y voir un malheureux concours de circonstances qui aurait entraîné la perte de la majeure partie des documents à l’origine supposés beaucoup plus nombreux. Quelle que soit l’explication adoptée, les médiévistes n’ont, néanmoins, pas douté du parallélisme que l’on pouvait établir entre la Provence, d’une part, et le Languedoc et la Catalogne, d’autre part, s’appuyant notamment sur les similitudes formelles que les serments présentent incontestablement dans ces régions, et ont cherché à retracer l’histoire, plus chaotique et moins heureuse ici qu’ailleurs, de l’essor de la féodalité dans le sud-est de la France.

13Le premier à s’être intéressé aux serments provençaux est l’historien du droit Jean-Pierre Poly qui, dans sa thèse, effectua le premier comptage chronologique, à peine modifié depuis, et établit le constat de la pauvreté documentaire provençale, puisqu’il ne repère que dix-neuf serments, échelonnés entre les années 1040 et 1100, puis trente-cinq entre 1100 et 1166 [17]. Constatant l’absence, dans ces textes, de l’utilisation du vocabulaire de l’hommage et de la vassalité entre le comte et les puissants, son analyse se fonde sur le devenir de la fidélité carolingienne de type public qui lie, ou est censée lier, le comte aux grands mais aussi à tout homme libre. Les premiers serments du xie siècle lui semble ainsi relever, par le formulaire qu’ils emploient notamment et qui devait, selon lui, être lié à une convenientia dont le texte a disparu, plutôt d’une sécurité jurée dans le cadre d’alliances politiques ou vis-à-vis du temporel d’un monastère, que de formes à proprement parler vassaliques, c’est-à-dire qui entraînent un lien de subordination de la part du jureur ainsi que des devoirs exprimés par la formule ad fidelitatem et servitium apparue mi xie siècle seulement en Provence. Seuls cinq serments, sur dix-neuf, entrent selon Jean-Pierre Poly dans ce cadre et concernent la garde de castra particuliers.

14Le xiie siècle, qui s’ouvre par une inflation du nombre des serments de fidélité, correspond à la période d’affermissement du lien vassalique en Provence que Jean-Pierre Poly associe avec l’instauration de la dynastie barcelonaise sur le trône comtal en 1112. Les formes des serments évoluent quelque peu, l’aide armée s’exprime de manière plus précise, elle est liée alors au qualificatif fidelis, le lien de subordination entre jureur et récipiendaire devient plus net. Ainsi, les occurrences de l’emploi de la formule dare ad fidelitatem et servitium se multiplient-t-elles. La première moitié du xiie siècle est également le moment où apparaissent les premiers hommages. Mais ce n’est que dans la seconde moitié de ce siècle que les formes féodales sont définitivement mises en place, les serments disparaissant alors en tant que tels pour être résumés et englobés dans l’hommage.

15Gérard Giordanengo a permis d’aller un peu plus loin dans l’analyse de cette question en adoptant un angle d’approche juridique, son objectif étant de retracer la mise en place du droit féodal dans le Midi. Dans sa thèse, il reprend le comptage du nombre de serments de fidélité conservés dans les archives en ajoutant au chiffre avancé par J.P. Poly pour le xie siècle six textes, à savoir cinq serments à l’abbé de Lérins et un autre à l’évêque de Sisteron [18]. Cette rectification entraîne une constatation d’importance : les serments prêtés à un seigneur ecclésiastique sont donc la forme la plus répandue du serment de fidélité au xie siècle en Provence, ce qui n’est sans doute pas sans incidence quant à leur interprétation. Gérard Giordanengo s’attache ensuite à l’étude du formulaire utilisé dans ces serments, dont il constate la grande parenté avec les serments languedociens, ce qui n’empêche pas « une grande variété dans le détail qui les différencie tous » [19]. Il explique l’absence des convenientiae non pas par leur disparition mais par leur intégration en quelques lignes dans le texte du serment, ce qui rend inutile leur rédaction à part.

16L’analyse de la situation au xiie siècle est ensuite envisagée avec beaucoup de précision. Gérard Giordanengo distingue soigneusement les serments prêtés aux comtes de Barcelone (soit cinq textes), de Toulouse-Saint-Gilles (un seul texte, le comte semblant se désintéresser de la Provence après le partage de 1125) ou de Forcalquier (quatre) de ceux prêtés aux seigneurs ecclésiastiques qui tiennent, encore au xiie siècle donc, la première place : on compte ainsi quatorze serments prêtés au clergé régulier (six à l’abbé de Saint-Victor, six à celui de Lérins, un à Saint-Pons de Nice et un à l’abbaye de Saint-André d’Avignon) et quarante-trois au clergé séculier (quinze pour l’archevêque d’Arles, trois pour l’évêque d’Avignon, cinq au chapitre d’Avignon, trois à l’évêque d’Apt, cinq à l’évêque de Marseille, cinq à l’évêque de Nice, un à l’évêque d’Antibes et un à celui de Sisteron.) G. Giordanengo conclut à une intense activité féodale déployée dans les chancelleries épiscopales, et notamment celle d’Arles, dans les premières décennies du xiie siècle, activité qu’il rapproche de la renaissance du droit romain dans ces mêmes milieux et d’une volonté exprimée par les évêques de contrôler de façon plus rationnelle et efficace leur temporel en expansion. Le droit savant féodal se fonde dès lors sur un certain nombre de clauses telles la rédibilité du château, le devoir militaire mieux précisé, une formule de fidélité tirée du droit savant, une réserve de fidélité.

17L’historiographie récente permet de préciser mieux encore les stratégies politiques suivies à la fois par les seigneurs ecclésiastiques et les grands, et invite indirectement à une relecture de ces serments. En particulier, la thèse de Florian Mazel incite à une révision complète de l’étude des rapports entretenus entre les comtes et les puissants au xiie siècle, en montrant notamment les répercussions politiques des conflits ayant opposés les comtes de Barcelone et de Toulouse en Provence [20]. La fidélité exigée des puissants, très souple et peu contraignante dans ses formes, sert alors d’instrument politique entre les mains des grandes familles qui se livrent, face au pouvoir comtal, et ce tout au long du siècle, à un jeu de bascule au gré de leurs intérêts. La plupart paraissent demeurer assez étrangères à la notion de principauté territoriale au profit d’une conception personnelle de la fidélité dont rendent compte, par exemple, les poésies des troubadours. Elles se partagent régulièrement entre le comte de Provence, le comte de Forcalquier et celui de Toulouse jusqu’au début du xiiie siècle. Florian Mazel replace ce qu’il nomme « une apparente indifférence aux frontières comtales » dans le contexte du maintien de la puissance et de l’autonomie des grands lignages jusqu’à la fin du xiie siècle. Il met, par ailleurs, également l’accent sur l’influence des juristes de l’entourage des évêques grégoriens dans la construction plus formelle des seigneuries épiscopales et des liens unissant l’Église aux puissants autour du milieu du xiie siècle. Le droit féodal savant, associé au droit romain, est utilisé comme moyen d’arbitrer et de régler des conflits d’autorité survenus entre clercs et laïcs et permet à la rivalité entre seigneurie épiscopale et seigneurie laïque de ne pas dégénérer en présidant au partage des droits seigneuriaux.

La fidélité en Provence au xie siècle

18Plus que la recherche des liens formels d’une hiérarchie vassalique qui ne semble pas exister en Provence de façon étendue véritablement avant le milieu du xiie siècle, les serments de fidélité provençaux invitent donc à s’interroger sur l’utilisation de la fidélité comme instrument de mise en place des seigneuries.

19Tous les auteurs ont souligné l’importance des formules négatives employées dans les serments qui assimilent ces textes à des sécurités jurées, surtout dans le cas d’une fidélité due à un établissement ecclésiastique. La plupart des historiens ont également, et a priori, logiquement voulu rattacher ces serments aux formulaires carolingiens de la fidélité, tels qu’ils s’élaborent dès 789 et sont connus des contemporains par leur conservation dans les bibliothèques des monastères. Certaines formules viennent alors caractériser la fidélité due par tous les hommes libres au roi, inspirée de celle découlant de la législation de trêve précisée dans les formulaires de Marculf, Tours et Angers : outre les expressions « négatives » incitant le jureur à ne pas porter atteinte à la vie et aux biens de son seigneur (non te dezebre de tua vita neque de tuis membris quae tuo corpori juncta sunt), on trouve, dans ces textes, un certain nombre d’expressions définissant la fidélité : ab isto die in antea, fidelis sum pura mente absque fraude et malio ingenio, sicut per drictum debet esse homo domino suo (formule reprise du serment vassalique en 802) si me adjuvet Deus et ista sanctorum patronicia, quia diebus vitae meae per meam voluntatem in quantum mihi Deus intellectum dederit sic attendam et consentiam.[21]

20Il faut cependant constater que les premiers serments provençaux conservés ne s’inspirent que très lointainement de ce moule dont on est bien en peine de retrouver tous les éléments. Ainsi, si les formules négatives sont bien attestées, elles se présentent dans la plupart des cas sous la forme réelle d’un pacte de non agression vis-à-vis des biens du récipiendaire. La majorité des serments du xie siècle sont, en effet, de véritables serments de fidélité au sens donné à ce terme par Hélène Débax dans sa thèse : il s’agit pour le jureur de garantir la non-agression d’un castrum en particulier sous la forme non tolrai lo castel ou encore non tollam tibi neque decipiam te, suivi de la promesse d’apporter une aide. C’est le cas, ainsi, de tous les serments prêtés à l’abbé de Saint-Victor de Marseille. Cependant, certains textes sont plus ambigus et incitent à beaucoup de prudence quant à la tentation d’effectuer, sur la seule base du formulaire employé, une catégorisation trop stricte des serments. Ainsi ceux prêtés à l’abbaye de Lérins présentent, à une exception près, le cas d’une fidélité promise pour l’ensemble des biens du récipiendaire, suivi d’une aide exigible sur semonce et dont l’objectif sera de « retenir » les biens qui auront pu être enlevés.

21La sécurité personnelle concernant la vie du récipiendaire, contenue en négatif dès 789 par l’engagement à ne pas mettre en danger la personne du roi, ne se rencontre qu’en une seule occurrence, pour le xie siècle, sous la forme non te decebrem de tua vita nec de tuis membris[22]. Il s’agit d’un serment vassalique prêté par Rostang d’Agoult à Eldebert III Farald pour le castrum de Saignon, daté d’entre 1080 et 1100.

22Surtout, on ajoute à ces formules deux expressions, très courantes dans les serments catalans et languedociens à la même époque, qui viennent renforcer le caractère privé et pacifique du pacte : nec homo nec femina per meum consilium nec per meum consentimentum (dans les deux plus anciens serments prêtés à l’abbaye de Lérins on trouve même des clauses plus précises : ni alberc, ni preiso, ni tolta non i farai per perforz) et : ego cum illis finem non habebo neque societatem.

23Les clauses caractéristiques que sont : ab isto die in antea fidelis sum et : sicut per drictum debet esse homo domino suo sont quasiment systématiquement absentes au xie siècle. Elles apparaissent seulement dans un texte adressé à l’abbé de Saint-André d’Avignon entre 1024 et 1050 : Aus tu abbas Rainoard, eu Tetbaldus filius Taucenne de ista ora adenant fidels serai al monasterio de sancto andrea et abbati et monachis per drectum me nescient si deus m’aiud et isti sant[23]. Ce serment porte en fait sur un bien précis, la villa de Lirac, tenue pour moitié en fief (per nom de feu) de l’abbaye et que le feudataire s’engage à conserver sans qu’aucun devoir de type militaire n’en découle.

24Les éléments du rituel féodal et leur connotation religieuse, qui fondent la virtus du serment et contraignent à respecter la parole donnée sous peine de parjure, constituent l’armature du texte : si o tenrai et o atenrai sine enganno (placé généralement en fin de texte pour renforcer la promesse faite) et : si deus me adjuvet et sancti sui, ou : et iste textus sancti evangelii (dès 1046-66). Le rituel est décrit par deux formules que l’on trouve très communément au xie siècle et jusqu’encore dans les années 1140 : Aus tu, sorte d’invocation ouvrant le texte, et : qui per za ma mi tens.

25Il convient également d’évoquer la langue des serments. Gérard Giordanengo a, ainsi, constaté que le latin est plus souvent présent qu’en Languedoc par exemple [24], cependant on peut préciser qu’encore en 1150, on trouve des serments entièrement rédigés en langue vernaculaire, à l’exception de la titulature des protagonistes [25], et que la rythmique du texte induite par l’emploi de la conjonction de coordination « et », l’alternance du féminin et du masculin ou du singulier et du pluriel, ou encore du verbe conjugué et de sa forme à l’infinitif, est également bien présente même si les textes provençaux sont, d’un point de vue stylistique et littéraire, bien moins riches que les serments occitans : ici, point de « maniérisme » à la manière languedocienne ni de longue description stéréotypée des possessions comme dans les serments catalans.

26Le vocabulaire utilisé pour décrire ce à quoi s’engage effectivement le jureur n’a rien d’exceptionnel par rapport à ce qui se pratique ailleurs dans le Midi. On note, dès les années 1040, l’utilisation de termes qui traduisent un rapport de force, instauré par le serment et fondé sur l’alternance de l’usage négatif et positif de la force armée. Les biens dont les récipiendaires de serments veulent assurer la sécurité peuvent, en effet, être « pris par la force », ou « enlevés » à leur possesseurs (les verbes utilisés sont sans équivoque : tollere, decipere, auffere), le fidèle s’engage donc et avant tout à ne pas comploter pour ce faire. Il promet de ne pas donner son conseil ou son assentiment à une conjuration, de ne pas conclure d’alliance avec les ennemis du récipiendaire (finem nec societatem, on trouve aussi : finem neque placitum quod finem valeat) voire même, dans les premiers serments jurés à l’abbé de Lérins, à ce qui pourrait aller à l’encontre du compromis trouvé avec l’abbaye (ni alberc, ni preiso, ni tolta non i farai si ab voluntad [ab conseil] de l’abad o de suos monachos non o fazia). La conjuration (qui peut prendre la forme d’une paix séparée avec les ennemis : le placitum), est ourdie dans le cadre d’une discussion entre amis. La parole mauvaise, celle qui conduit à l’exercice de la violence, soit sous forme d’opérations militaires soit sous forme d’imposition de taxes illégales, jugées comme telles non pas par les conséquences qu’elles peuvent avoir sur la population mais parce qu’imposées sans l’accord du seigneur, s’oppose donc ici à la bonne parole, celle qui s’exprime dans le cadre dû conseil du au seigneur et qui conduit, quant à elle, à la prospérité matérielle de celui-ci et à l’usage positif de la force armée. Le serment est ici le cadre d’un compromis (convenientia) qui joue le rôle de régulateur des pouvoirs. Le fidèle peut même s’engager, s’il commet cette forfaiture, à « s’amender » ou encore à « se rendre à la merci » de son seigneur.

27Plus avant dans les textes, les jureurs s’engagent également vis à vis de leurs seigneurs dont les biens ont pu être enlevés, à les leur « donner » (na darai), à les leur faire « recouvrir » (recobrar) ou « récupérer » (recuperare), à ce qu’ils les « retiennent » (retener), et à ce que, dès lors, ces biens « se tiennent » (stare, permanere) dans la convenientia ainsi conclue, ce qui représente l’expression d’une sorte d’aide armée générale (« aitories las te serai »), exigible par sommation autant de fois que le seigneur le jugera nécessaire (« per aquelas vez que mi en comonras o comonre m’en faras »), directement liée à la récupération des biens enlevés. On peut trouver également l’expression d’une aide plus particulière centrée sur un castrum. S’ajoute, à partir des années 1060, à cette promesse une deuxième clause plus précise qui consiste à rendre un ou plusieurs châteaux à chaque fois que le jureur en sera sommé (comonre, requirere, quesire). Il s’agit même, dans certains cas comme les serments adressés à l’abbé de Saint-Victor, de la promesse la plus importante, associée directement dans les termes à la fidélité (per sacramentum ego reddam tibi ipsum castellum) d’où l’engagement pris de ne pas s’y soustraire.

28Si la tentation est grande de rapprocher les premières formes prises par la promesse de fidélité en Provence de celles rencontrées au même moment – mais apparues dès le début du xie siècle – en Languedoc et Catalogne, il convient de dépasser le stade de l’analogie formelle des textes pour tenter d’appréhender le sens donné à la fidélité. En Provence, ce sont les seigneurs ecclésiastiques, les grandes abbayes bénédictines de Saint-Victor de Marseille et de Lérins notamment, qui usent régulièrement du serment et non pas les puissants laïques. Si comparaison l’on doit faire, il semble que ce soit alors plutôt du côté des terres où la puissance des monastères est grande au xie siècle, et où le pouvoir comtal tarde à s’imposer, qu’il faille se tourner, c’est-à-dire au sud des Alpes. Laurent Feller a ainsi pu dégager le sens à donner à l’utilisation des serments de fidélité par l’abbaye de Casauria, dans les Abruzzes, dès les années 1020-1030, qu’il place dans un contexte de construction de la seigneurie monastique et de pacification des relations entre le monastère et ses puissants voisins : « cette pacification passe par l’instauration formelles de relations qui, désormais, permettent de contourner le plaid : la fidélité prêtée à l’abbé exclut d’y avoir recours. [26] » Pourquoi ne pas voir dans les serments provençaux accordés à des établissements monastiques la même volonté de recourir aux termes de la négociation, du compromis et de l’amitié pour garantir, au-delà d’un territoire, la paix dans le cadre d’une seigneurie ? La comparaison entre la Provence et l’Italie centrale et septentrionale conduit ainsi à chercher une interprétation peut-être plus anthropologique de la fidélité, moins perçue comme un instrument de pouvoir au service de la construction politique d’une principauté territoriale, ce qui de toute façon ne correspond pas à la situation provençale, que comme un medium dans la régulation des relations sociales.

La fidélité du xiie siècle [27]

29Comme ailleurs dans le Midi, la mise en forme des serments change dans le courant du xiie siècle et se traduit, en premier lieu, par une évolution dans le domaine de la diplomatique. Dès les années 1120, on voit apparaître au bas des actes la mention de témoins qui sont soit les clercs formant le chapitre de l’établissement ecclésiastique concerné soit les amis et alliés du jureur. Cette pratique devient systématique passées les années 1130, de même que les actes sont, dès lors, toujours datés et peuvent présenter, parfois avec un luxe de détails, le lieu du déroulement de la cérémonie, comme dans les serments jurés à l’archevêque d’Arles : in Arelatensi civitate in domo (ou in aula) archiepiscopi. En 1126, le serment prêté par Hugues de la Roque et ses deux fils, Guigues et Aicard, au comte de Forcalquier, Guillaume Ier, est même présenté de façon précise comme suit : et hoc placitum et hec diffinitio atque laxatio fuit facta in castro de Vols in solario turris ipsius castri ospitante ibi ipso Vilelmo comite cum plus quam centum militibus in mense augusto.[28]. Les actes traduisent ici la mise en place de véritable cours seigneuriales et s’intègrent à la sociabilité courtoise en gestation.

30En ce qui concerne la forme, on peut constater une évolution sensible à partir des années 1130 dans les chancelleries épiscopales : jusque là, les serments continuent à être prêtés sur un mode archaïque, c’est-à-dire en mentionnant notamment la clause de la non conclusion d’une alliance ou d’un pacte de paix avec les ennemis du seigneur ainsi que l’aide fournie à chaque réquisition dans l’unique objectif de récupérer le bien usurpé (ego adjutor tibi ero usque castrum recuperatum habuisses.) Les formules « négatives » qui définissent une véritable sécurité sont encore très présentes, par l’obligation de ne pas s’opposer aux clauses du serment, de ne pas s’y soustraire, et englobent désormais la vie du récipiendaire par l’expression, qui ouvre tous les serments non ti decebrai de ta vida ne de ta membra que a tuo corpore juncta sunt. Ce type de serment se trouve encore au milieu du xiie siècle entre laïcs.

31À partir des années 1130, cependant, la fidélité commence à s’exprimer en termes positifs, c’est-à-dire par la formule juro ego quod fidelis ero vobis. Elle peut se traduire aussi de la façon suivante : Ego… juro tibi… vitam et membra tua, castella et villas tuas… et fidelis adjutor tibi ero per fidem et sine engano/ad requirendum. Cette formule constitue le moule des serments prêtés à l’archevêque d’Arles Raimond de Montredon (1142-1160) notamment. Le serment sur la vie et les membres du seigneur devient même synonyme de fidélité dans la seconde moitié du xiie siècle. Ainsi, en 1157, l’archevêque d’Arles cède en fief (ad fidelitatem et servitium) à Guilhem Porcelet et son frère Porcel la terre des Anglades et reçoit en échange hominium et sacramentum de vita et membris[29]. Plus directement inspiré des formulaires carolingiens, son utilisation est à rapprocher de l’essor du droit dans les milieux épiscopaux, notamment arlésiens, à partir de ces mêmes années. Ainsi, la première mention d’un juge comme témoin d’un acte date de 1120. Il s’agit de la souscription au serment prêté par Guirand et Bertrand à leur oncle l’évêque Laugier d’Apt pour le castrum de Crugière [30]. Pour les serments arlésiens, les juristes de l’entourage de l’évêque Raimond de Montredon, lui même légiste de formation, sont couramment présents parmi les témoins à partir de 1151 en la personne de maître Millon et Pierre de Cabannes. G. Giordanengo avait déjà pressenti l’importance de la redécouverte de la législation carolingienne au côté du droit romain dans la renaissance du droit en Provence au xiie siècle ; peut-être peut-on aller plus loin et voir dans l’utilisation de formules de serment carolingiennes peu contraignantes, qui n’engagent pas à des devoirs très précis, un indice de la recherche des meilleures formes possibles, les plus adaptées au type de relations établies entre les lignages aristocratiques et les établissements ecclésiastiques.

32Les serments prêtés au comte de Barcelone sont légèrement différents, dans le sens où ils utilisent plus franchement un formulaire issu de la chancellerie catalane. On retrouve notamment, dès 1116, la formule de ista ora in antea ainsi que l’emploi du terme potestas pour désigner l’autorité supérieure exercée par le comte sur les castra concernés. La modification des formules a une conséquence importante lorsque le serment ne porte sur aucun bien précis. Elle fait alors perdre au serment son caractère quasi contractuel, noué entre les deux parties, au profit de l’emploi d’une formule stéréotypée. On s’en aperçoit, notamment, à propos de l’aide évoquée. La force armée sera mise au service du récipiendaire de façon non limitée, à chaque réquisition. Il s’agit donc d’une aide, dans la forme, beaucoup plus générale (fidelis adjutor et defensor ero) et de nature non précisée, qui n’a peut-être de ce fait pas grande portée. Seuls les serments prêtés au comte de Barcelone sont plus précis à ce sujet : ainsi celui prêté par Pons de Fos en 1116 : … ero vobis adjutor cum mei homines et honorem meum guerreiare defendere placitare ut melius potuero per fidem rectam sine engan et cum vestris inimicis… ad concordiam neque ad pacem non venero cum illis sine consilio vestro et guerrieabo eis cum vos et sine vos per consilium et vestrum mandamentum.[31] En 1150, Stéphanie de Baux et son fils Uc jurent au comte de Barcelone et marquis de Provence : erimus vobis recte adiutores et boni fideles cum iamdicto castro (de Trencavel) et villa et cum ipsis hominibus per fidem sine engan contra omnes homines vel feminas. Ses autres fils, Guilhem Bertrand et Gilbert, ajoutent : adiutores et valitores erimus contra omnes homines vel feminas cum omni honore nostro et cum omnibus hominibus nostris[32]. G. Giordanengo a montré qu’il ne faut cependant pas surinterprèter ces textes qui n’engagent pas de façon précise les jureurs : si l’acte de 1116 est exigé d’un vaincu qui ne se trouve pas dans une position de négociation avec le comte, en 1126 il a fallu, en revanche, un conflit armé pour réduire les appétits des grands, le serment de fidélité servant ici à limiter leurs revendications. De même en 1150, c’est encore à la suite d’un conflit contre les Baux que se placent les deux serments évoqués. Le droit féodal, imité ici de la chancellerie catalane, ne sert qu’à imposer, pour un temps, l’autorité du comte. Il faut d’ailleurs un serment complémentaire, en 1156, prêté par les grands de Provence pour garantir la rédibilité du castrum de Trencavel [33].

33En revanche, lorsque le serment est prêté pour un castrum précis, l’aide lui est directement liée sous la forme rencontrée dès le xie siècle. Ainsi Guilhem de Roumoules promet-il en 1126 au comte de Barcelone, à propos du castrum du même nom : ego adjutor vobis fuero ad tenere et ad defendere contra cunctos homines vel feminas.[34]. Le texte se poursuit généralement, ensuite, par l’évocation de la clause, pour le coup typiquement féodale, de rédibilité du castrum dans un certain délai après semonce, voire de l’organisation de la garde du lieu partagée entre le seigneur et le jureur. Le serment s’ancre également au xiie siècle dans le lignage en cessant d’être strictement viager pour prendre en considération les héritiers du jureur qui s’engagent au cours du même serment ou par une promesse transcrite immédiatement à la suite, comme on peut en trouver dès les années 1130.

34Au xiie siècle, il semble bien que les forces seigneuriales les plus importantes soient celles représentées par les évêques dans le contexte de la réforme grégorienne. Les comtes catalans n’ont pas, quant à eux, les moyens d’imposer une véritable principauté territoriale. La fidélité qu’ils exigent est, dans ses formes, très féodale par l’utilisation du formulaire catalan, l’emploi du terme potestas, l’aide armée précisément évoquée, peut-être trop d’ailleurs pour le contexte provençal, mais ne représente que de rares tentatives d’imposer de façon formelle une autorité que les puissants ne reconnaissent pas encore. Dans la « bataille juridique » qui oppose alors les chancelleries, celle du Barcelonais n’a manifestement pas perçu la mesure de la liberté des grands de Provence ; il existe de fait un décalage formel qui traduit un décalage dans les concepts dont, peut-être les comtes se sont rendu compte ce qui pourrait expliquer le faible nombre de serments à eux prêtés.

35Du côté de l’Église, le droit féodal savant, on l’a dit, sert aux évêques, dans la seconde moitié du xiie siècle, d’instrument dans l’établissement de leurs relations avec les puissants laïques. Ce à quoi nous invitent les serments du début du siècle est, peut-être, à une révision de la chronologie en ce domaine, par une meilleure prise en compte des années 1130 qui semblent constituer un moment fort d’évolution en ce domaine, ainsi qu’à porter une attention plus grande au droit carolingien dans la gestation du droit savant féodal. Au xiiie siècle, c’est en revanche vers le droit romain emphytéotique qu’il convient de se tourner.

La fidélité au xiiie siècle : les usages du droit

36La diffusion des pratiques féodales – hommage et serment de fidélité vassalique – se marque véritablement en Provence à partir des premières décennies du xiiie siècle. [35] Sur ce thème, l’enquête menée en 1285 sur les castra d’Entraunes et Saint-Martin [36] apporte d’éclairantes informations : on y voit ainsi que, si l’hommage n’est peut-être pas, dans les faits, systématiquement pratiqué entre seigneurs et vassaux avant la fin du xiiie siècle, les servitia (albergue et service armé), en revanche, définissent le lien d’obéissance tissé entre les seigneurs majeurs, le comte, d’une part, et les milites et castlans du lieu d’autre part [37]. L’usage renforcé du lien vassalique traduit, sans aucun doute, la volonté d’imposer en Provence une véritable hiérarchie des pouvoirs. Les entrées en vassalité peuvent, cependant, se faire de manières diverses, et n’impliquent pas toutes une fidélité contraignante.

37On peut, en effet, remarquer que les chartes de donation en fief, réservant le majus et directum dominium au concessionnaire, sont posées comme des donations entre vifs, irrévocables et perpétuelles, sur le modèle du droit emphytéotique. Or la question juridique de la « propriété » du fief [38] est au cœur même de la définition de ce type de tenure depuis le xie siècle. Pour s’en tenir aux terres d’Empire, plusieurs étapes bien connues peuvent être relevées dans la marche vers l’irrévocabilité et la libre transmission du fief, depuis le capitulaire de Pavie, en 998, jusqu’à la Constitutio de feudis, établie par Conrad II en 1037. Les formes juridiques du bénéfice de l’époque carolingienne impliquent, en effet, au départ que le bien soit révocable et inaliénable, ce qui limite et soumet à conditions les droits du preneur. Cependant, l’instauration de droits personnels sur la tenure, c’est-à-dire sa libre transmission héréditaire notamment, va constituer le moteur de l’évolution juridique du fief, qui peut reposer sur des artifices juridiques comme l’usage du contrat de livello en remplacement du bénéfice [39]. À partir du début du xiie siècle, l’essor de l’influence des juristes auprès des cours épiscopales, princières et souveraines va contribuer à redéfinir les droits liés à la propriété immobilière [40] et entraîner, de la sorte, la nécessité de défendre, ou de revendiquer, des droits pouvant se trouver dès lors contestés. Ce contexte très sommairement brossé permet de mieux comprendre l’insistance que semblent avoir mise les Angevins, dès le milieu du xiiie siècle, à contrôler les modes de transmission des fiefs en Provence, tirant partie de la législation féodale impériale contenue dans les Libri feudorum.

38Si l’influence du droit romain de propriété sur la définition du fief, directement à l’origine de la distinction entre domaine direct et domaine utile, est malaisée à mesurer dans les pratiques, la généralisation de l’imposition du majus dominium à l’ensemble des tenures, qu’elles soient considérées comme des fiefs ou de simples tenures roturières, peut être perçue grâce aux enquêtes. La définition du droit de possession de l’emphytéote fournie par le Code est, en effet, très précise et induit un véritable droit de propriété transmissible, à la condition d’acquitter les services dus [41]. Le Code établit également les conditions d’aliénation du bien et pose le principe d’un droit de préemption du seigneur ainsi que d’un montant maximum de la taxe de mutation qui peut être levée à cette occasion [42].

39Nombreux sont les historiens à avoir souligné ces convergences entre droit romain et droit féodal en matière de définition du fief provençal, mais peu se sont véritablement penchés sur les conséquences qu’elles entraînaient en ce qui concerne la nature de la fidélité ainsi établie [43]. Le droit emphytéotique fournit, en effet, un cadre formel qui permet de nouer un rapport de pouvoir et de fidélité dans lequel les éléments économiques peuvent tenir le premier rôle, au détriment d’une fidélité contraignante. Les cas les plus caractéristiques de ce genre de contrat concernent les ordres militaires dans les relations qu’ils ont entretenues avec les puissants laïcs et le clergé [44]. Les moines-soldats ont, en effet, conclu dès le milieu du xiie siècle des baux à acapte avec la plupart des familles de l’aristocratie laïque de la région arlésienne afin d’obtenir le contrôle de terres économiquement intéressantes [45]. Ces contrats d’un type un peu particulier n’entraînent aucun service armé, mais comportent une forte intrata, ou accapte, pour un cens généralement faible ce qui les apparente à des contrats de prêts. Damien Carraz a complété récemment le dossier que nous avions pu établir par d’autres contrats de ce type concernant l’ordre du Temple dans la vallée du bas Rhône [46]. Ces textes soulignent combien les concessionnaires laïques, ainsi que l’abbé de Saint-Gilles, ont été particulièrement attentifs au paiement par l’ordre de la taxe de mutation, qui constituait le véritable intérêt de ces transactions.

40Cette pratique du « fief emphytéotique », si l’on peut dire, se développe pleinement dès le début du xiiie siècle. Elle éclaire, ainsi, sous un jour nouveau l’ordonnance de mai 1294 relative aux ventes de biens fonciers déguisées en baux emphytéotiques : le souverain entend, sans doute, s’opposer de la sorte à la perception des droits de mutation par les vendeurs qui, en exigeant une accapte élevée et un cens dérisoire, exercent un véritable dominium, qui lèse le comte, financièrement mais aussi dans l’exercice même de l’autorité et la hiérarchie féodale qu’il entend imposer. Le titre relatif à l’emphytéose dans le Code expose d’ailleurs clairement cette situation que l’empereur considère comme un cas de fraude : les propriétaires ne peuvent s’opposer à l’aliénation des biens par leurs emphytéotes en exigeant une taxe de mutation trop élevée. Ici encore, la référence au droit romain, pour n’être pas explicite, n’en est pas moins indubitable, jusque dans l’allusion à la rumeur de ces pratiques parvenue jusqu’aux oreilles du souverain, que l’on retrouve évoquée dans le Code [47]. Ces pratiques ne sont peut-être pas monnaie courante, mais heurtent les prétentions du comte à l’exercice d’une pleine et entière souveraineté, car le recours à l’emphytéose, en obviant le paiement des trézains, permet également d’éviter le contrôle que le souverain entend exercer sur la transmission du bien. Michel Hébert a ainsi pu montrer, sur la base des résultats de l’enquête menée en 1295 dans la viguerie de Forcalquier, que ces transactions, contre lesquelles s’élève l’ordonnance de mai 1294, touchent avant tout les familles de la noblesse qui tentent, pour certaines, de pallier la chute de leurs revenus en aliénant de la sorte terres et parts de juridiction à des paysans enrichis [48].

Les usages de la féodalité par les Angevins en Provence : la prégnance du fief

41On peut émettre l’hypothèse selon laquelle en Provence c’est par le biais du droit féodal, et des gloses qui l’ont accompagné, que l’assimilation du majus dominium au domaine éminent se répand et finit par définir le droit seigneurial sur toute tenure [49]. L’appropriation du droit de lever les trézains par les seigneurs détenteurs du mère empire, par imitation ou partage avec le comte, le laisse, en tout cas, supposer. Le contexte de la seconde moitié du xiiie siècle renforce cette hypothèse : le comte, en effet, à la suite de la révolte menée par les consulats de la vallée du bas Rhône, sous l’égide de Barral de Baux, à la fin des années 1240, impose la paix, en 1251, par le droit féodal. Ainsi, Barral doit-il se soumette à Charles Ier pour obtenir sa grâce, contrairement aux villes dont les consulats sont supprimés. Ce puissant seigneur peut ainsi récupérer les biens qui lui avaient été confisqués, à la condition toutefois qu’il reconnaisse tenir en fief du prince les seigneuries situées dans le comté de Provence (donc, implicitement, à se placer sous le dominium comtal et ainsi reconnaître au souverain les regalia et les trézains sur ses terres), à l’exception des biens tenus des Églises d’Arles et de Marseille [50]. L’usage du droit féodal aux fins d’imposer une souveraineté, notamment sur les terres périphériques du comté, est, du reste, une pratique courante sous le premier Angevin [51]. Son fils, Charles II, reprend la politique féodale de son prédécesseur en recevant le serment de fidélité des citoyens de Marseille, d’Arles et d’Avignon dès 1285 [52]. En 1297-99, à l’occasion de la venue du souverain en Provence, ce sont 150 hommages de barons, prélats et nobles qui lui sont prêtés. Les plus importants de ces seigneurs durent prêter hommage lige directement au roi, selon un lien inspiré de la fidélité due à l’empereur. L’enquête générale menée en 1299 garde trace de ces mesures et dévoile leur sens politique : il s’agit, par là, d’imposer le majus dominium et le contrôle du souverain sur les aliénations de seigneuries.

Les signes d’une féodalisation des liens entre le comte et les grands

42Le contrôle du comte sur toute aliénation de juridiction, matérialisé par l’octroi de sa laudatio associée au paiement des trézains, est affirmé en Provence dès le début des années 1250. Ainsi, le 23 mai 1253, le juriste Robert de Laveno, agissant en tant que juge de la comtesse Béatrice, usufruitière de la baillie de Sisteron, octroie-t-il le consentement de celle-ci à la vente opérée par la commune des trois quarts de la seigneurie de Quinson à un citoyen de cette ville, Pierre de La Mure. Le même jour, le bayle de la comtesse confirme la laudatio et atteste du paiement des lods [53]. Cette vente se trouve contestée en juin 1281, à l’initiative du procureur fiscal Gui de Bouc qui nie, à cette date, les droits sur Quinson des deux fils de Pierre, Raimond et Bertrand de La Mure, parce qu’ils les auraient acquis de manière indue. Les arguments développés lors du procès qui s’en suit, entre le 24 avril 1283 et le 14 janvier 1285, révèlent bien l’état d’esprit qui anime les juristes de l’entourage de Charles II au début des années 1280. Le procureur du roi prétend, ainsi, que le village de Quinson et son territoire relèvent de la cour comtale, en raison d’une donation faite au comte par la communauté des hommes de Sisteron. En outre, Pierre et ses fils ayant omis de demander au comte l’investiture pour ce castrum, celui-ci doit être confisqué par la cour. La possession par les mêmes frères de la moitié du village de Sigoyer, près de Sisteron, leur est également déniée, sous prétexte que l’aliénation qui en avait été faite à leur père n’a pas obtenu le consentement de Raimond Bérenger V et que l’investiture n’a pas été demandée dans les délais requis. Cette affaire, outre qu’elle constitue un témoignage de plus de l’imposition du majus dominium en Provence dès le règne de Charles Ier, révèle la façon dont procède la cour comtale pour revendiquer l’exercice entier de la juridiction sur un lieu : les prétentions comtales reposent ici sur une interprétation abusive de la donation du consulat, qu’aurait opérée la communauté de Sisteron ou la majorité de ses membres, en faveur du comte, quelques 20 années auparavant, soit vers 1260. Nous ne savons pas, faute d’avoir conservé la sentence, ce qu’il advint des prétentions des frères de La Mure. Toutefois, il semble bien que justice leur ait été rendue, car en 1309 la cour comtale reçoit l’hommage de Raimond de La Mure pour Quinson, ce qui laisse supposer que le majus dominium ayant été reconnu par les seigneurs, la cour n’a pas poursuivi ses contestations. Il est vrai que les arguments des deux frères étaient juridiquement irréfutables.

43L’enquête générale, menée en 1297-99 à la demande de Charles II, semble plus particulièrement attentive au paiement des trézains dus par une sorte particulière de tenure féodale : le fief franc [54]. Communément donné comme une tenure dont le preneur n’est soumis à aucun service autre que militaire [55], le fief franc – ou feudum honoratum, ou encore feudum rectum – a été considéré par certains historiens du droit comme le fief noble par excellence, défini en termes juridiques dès le xiie siècle en Italie [56]. En Provence, la première mention d’un fief honoré remonte à 1173. Il s’agit de la donation en fief, par Alphonse Ier, du coin pour frapper les monnaies du comté de Provence. Ce fief honoré doit l’albergue ; son preneur, Guillaume Adalgues, a l’obligation en outre, s’il veut l’aliéner, d’obtenir le consentement du comte. Dans les premières décennies du xiiie siècle, on rencontre cette institution surtout dans la vallée du bas Rhône, près des centres d’étude et de diffusion du droit. Les actes précisent alors souvent l’obligation du consentement seigneurial à l’aliénation du fief, sans réclamer systématiquement le paiement des trézains pour autant [57]. Plus tard, le fief franc se rencontre encore, notamment en haute Provence où il constitue une forme de tenure soumise au paiement des trézains [58].

44Si l’on prend, cependant, la peine de le mentionner dans l’enquête générale de 1297-99, c’est que l’autorité éminente que l’on peut exercer dessus touche à la définition du majus dominium comtal. Le produit des trézains que ce type de tenure peut rapporter importe, en effet, sans doute moins à cette date que la volonté de réaffirmer le lien de domination qui prévaut sur ces terres. Car, la définition du fief honoré comporte une clause importante : il s’agit du renouvellement de la prestation de l’hommage et du serment de fidélité à chaque changement de seigneur ou de vassal, donc, implicitement, à chaque aliénation [59].

45Ces exemples soulignent combien la question de l’aliénation des fiefs est présente dans la définition de la souveraineté en Provence. Ceci ne doit pas surprendre. Le droit féodal, c’est-à-dire le droit lombard, peut en effet être considéré comme le droit commun dans le royaume de Naples pour tout ce qui relève des rapports entre le souverain et les barons, et ce depuis Frédéric II [60]. Les juristes Jacobus de Bellovisu et Andreas de Isernia, en particulier, commentent dans leurs gloses respectives sur les Libri feudorum le délicat problème des aliénations de fiefs et lient de manière forte souveraineté et doctrine feudiste [61].

46Plus encore, les rapports que l’on peut établir entre le droit féodal et les prescriptions contenues dans le Code se révèlent grands en Provence dès le milieu du xiie siècle. Les titres 60 et 61 du livre 11 posent les fondements du droit de l’emphytéose des terres relevant du fisc, qui repose sur trois éléments : le paiement obligatoire du canon, les conditions posées à l’aliénation et la définition des droits de l’emphytéote sur sa terre [62]. On trouve, ainsi, en introduction au formulaire de concession féodale pris en faveur de l’évêque de Valence le 24 novembre 1157, une citation du Code, intégrée au début du livre II des Libri Feudorum par Obertus de Orto. G. Giordanengo voit, d’ailleurs, dans la référence au Code pour traiter de la question de l’aliénation des fiefs, un indice de la diffusion des Libri Feudorum[63]. C’est, en tout cas, seulement au xve siècle que les règles du Code en matière d’aliénation de biens immobiliers seront délaissées [64]. Le diplôme adressé à l’évêque de Valence précise, en outre, que personne ne pourra aliéner ou donner en fief des biens dépendant de celui-ci sans son consentement.

47Le droit emphytéotique est, en effet, le fondement du droit des fiefs en Provence depuis le xiie siècle et le règne de Frédéric Ier Barberousse. L’affaire la plus connue, à ce propos, est celle qui mit aux prises, en octobre 1157, l’archevêque d’Arles et les citoyens de Marseille [65]. Ceux-ci avaient échangé avec le comte de Provence des fiefs tenus de l’archevêque. Dans une lettre, celui-ci leur signifiait que, en vertu du droit féodal, le dominium d’un bien ne pouvait être transféré à un autre seigneur sans le consentement du dominus, et se plaignait, par ailleurs, à l’empereur qui dut intervenir et casser l’acte. Il faut remarquer, dans ce texte, la liaison très étroite qui est établie entre l’octroi du consentement du propriétaire éminent du bien et son aliénation, ce qui se réfère explicitement au contenu du droit emphytéotique tel qu’il est établi par le Code [66]. Cette interprétation sera suivie à la fin du xiie siècle, lors de la soumission au comte Alphonse Ier du seigneur troubadour Blacasset, en février 1195, acte qui établit avec précision les droits et les devoirs du vassal envers le comte [67]. Blacasset, accusé de parjure, se voit confronté à la commise de ses biens, une pratique qui apparaît en Provence en 1190, lors de l’accord passé entre Alphonse Ier et le comte de Toulouse Raimond V. G. Giordanengo voit dans cette clause précise du texte de 1195 un emprunt au droit romain d’emphytéose par les juristes de l’entourage comtal, qui œuvrent pour un renforcement des prérogatives du comte en matière féodale [68].

La construction du domaine comtal

48Si la question du fief et de ses modes d’aliénation semble si prégnante, c’est parce que par le fief les seigneurs peuvent avoir accès aux regalia. Il convient donc, à ce stade, de définir de manière plus précise ce qu’est ce majus dominium dont les comtes angevins semblent si jaloux.

49Trois expressions se rencontrent dans les chartes pour désigner les droits du comte, parfois employées de manière synonyme : mère empire, majus dominium et regalia.

50L’expression mère empire apparaît pour la première fois en Provence dans les statuts de Barcelonnette, datés de février 1232. Il s’agit, dans ce texte, de régler la question de l’exercice de la justice par le comte en ce lieu, en nommant un baile ou vicaire qui aura la connaissance des cas relevant de la juridiction majeure, ou mère empire [69]. La même année, l’empereur Frédéric II utilise l’expression « mère empire » pour désigner les droits qu’il accorde au comte de Provence Raimond Bérenger V. Elle est également employée, en référence directe au Digeste, dans un diplôme adressé à Marseille dès octobre 1226 [70]. L’expression et son contenu semblent bien connus, au moins des juristes, dès la fin des années 1230. En mars 1237, ainsi, Raimond de Ferréol et Pierre de Diano définissent la juridiction qu’exerce le Temple d’Arles sur la villa de Lansac, donnée à l’ordre par Hugues de Baux en 1234 mais contestée par les consuls du lieu, de la sorte : « […] ladite maison [du Temple d’Arles] a, dans ladite villa et ses dépendances, le mère et le mixte empire et la pleine juridiction, contentieuse ou volontaire, aussi bien [pour] les peines de sang, les larcins, les effractions, les rapts, les injures, le rapt de vierges et, de manière générale, [pour] tous les crimes quels qu’ils soient et où qu’ils soient. » [71].

51La juridiction de mère empire va, cependant, être peu à peu précisée, à partir du règne de Charles Ier, par le biais de conflits de juridiction arbitrés ou résolus par des juristes. Le légiste le plus sollicité en ce domaine est incontestablement Robert de Laveno [72], qui acquiert une solide réputation dès les années 1250. En 1253, il intervient ainsi vraisemblablement une première fois, au côté du légiste italien Basianus, à l’occasion d’une controverse élevée entre Bertrand de Baux et les coseigneurs de Puyricard, relative au mère empire que ceux-ci déclaraient tenir de l’archevêque d’Aix [73]. C’est cependant quelques années plus tard, en 1257, que ses conceptions sur le sujet se précisent. À cette date, Charles Ier se rend, en effet, maître de la ville vicomtale de Marseille, à la suite de la suppression de la commune lors de la paix de juin 1257. En août de la même année, le roi acquiert, par échange avec l’évêque de la ville, la juridiction du mère empire sur la ville épiscopale ainsi que sur la partie de la cité relevant de la prévôté. Le chapitre cathédral de la ville, qui y possédait la moyenne et basse justice, demanda cependant, en 1268, une définition exacte du mère empire qu’avait obtenu le roi. La consultation fut donnée par Robert de Laveno [74]. En 1278, le juriste reproduisit l’avis émis dix ans plus tôt, augmenté de quelques articles, lors d’une seconde consultation fournie à l’occasion du règlement d’un accord intervenu 50 ans plus tôt sur l’exercice de la juridiction sur Barjols. En 1226, en effet, le chapitre de Barjols avait acquis par échange avec les seigneurs de Pontevès les droits de juridiction que ceux-ci possédaient sur ce village. Face aux protestations émises par le comte, qui possédait en ce lieu le mère empire, un accord avait été trouvé, selon lequel le chapitre devrait rétrocéder au comte la juridiction du lieu après la mort du dernier chanoine vivant lors du compromis de 1226. Celle-ci survint en 1277. Les deux parties décidèrent alors de demander à Robert de Laveno une définition exacte des droits de mère empire, qui ne faisaient pas partie de l’accord conclu un demi-siècle plus tôt [75].

52Une troisième version de la consultation de Robert de Laveno sur le mère empire figure dans un manuscrit du xive siècle conservé à la bibliothèque municipale d’Arles [76]. Ce texte, malheureusement sans date, inclut des citations de textes juridiques canoniques et civils, notamment un extrait du Sexte, recueil qui ne fut achevé qu’en 1298. S’il ne peut être contemporain ni de l’ordonnance de mai 1294 ni de l’enquête générale qui lui fait suite, puisqu’il comprend aussi la copie des ordonnances de Robert Ier, il révèle néanmoins un climat intellectuel qui semble avoir prévalu dans l’entourage comtal dès le règne de Charles II [77]. Or, ce document a pour objet de préciser la définition des cas royaux et de la justice de mère empire, en ajoutant trois paragraphes au texte de 1278. Ceux-ci concernent la connaissance des offenses faites aux clercs, aux officiers, ainsi que la juridiction des chemins publics. Pour appuyer ce dernier point, l’auteur du manuscrit cite la constitution promulguée à Roncaglia.

53L’intérêt de ce document est, en effet, de faire référence explicitement à la juridiction promulguée par Frédéric Ier lors de la diète de Roncaglia en 1158, et plus particulièrement à la loi Quae sint regalia[78]. L’histoire de cette loi et de son intégration dans le corps des Libri feudorum, est longue et complexe [79]. Retenons que le titre Quae sint regalia, tel qu’il se présente dans la rédaction définitive des Libri feudorum, énumère l’ensemble des droits que l’empereur Frédéric Ier affirma comme relevant de sa seule autorité lors de la diète tenue à Roncaglia en 1158 [80]. Établis par quatre juristes civilistes de Bologne, ces droits reprennent pour le compte de l’empereur la définition que donne Ulpien dans le Digeste [81]. La loi Omnis jurisdictio complète cette approche en abordant la question de la délégation d’autorité : les fonctionnaires (judices) devaient recevoir de l’empereur seul la délégation légitime de leurs fonctions [82]. Les glossateurs du xiiie siècle, suivant en cela fidèlement le texte d’Ulpien, ont cherché d’abord à distinguer plus avant, en séparant la justice de mère empire, assimilée aux regalia, de la justice civile, dite de mixte empire [83]. En Provence, cependant, sous le règne des Angevins, s’il convient encore d’affirmer la mainmise du comte sur les regalia définis de manière stricte dans les années 1290-1300, il s’agit aussi de réserver aux seuls seigneurs majeurs l’exercice du mère empire, à la condition, toutefois, que ce droit soit exercé de manière légitime et qu’ils reconnaissent le tenir du pouvoir souverain.

54En Provence, le comte qui est le vassal de l’empereur, n’a de fait aucun droit à se réserver les regalia si ce n’est par délégation impériale et peut, en termes juridiques stricts, difficilement accuser un seigneur d’usurpation en la matière. C’est pourtant la voie suivie sous le dernier comte catalan, Raimond Bérenger V, par les statuts promulgués de 1235 à 1238 pour les baillies de Fréjus, Sisteron, Senez et Digne [84] : dans les chapitres consacrés aux justices, le comte y assimile les cas royaux à la justice majeure et se réserve, de la sorte, la connaissance des affaires relevant théoriquement de l’empereur. De plus, par l’annexion de la justice des homicides aux regalia, délits qui relèvent normalement du mère empire, le comte tente d’interdire aux seigneurs majeurs l’exercice d’une partie de leur juridiction en se réservant la totalité du mère empire [85].

55Sous les Angevins, la situation paraît différente ; les objectifs poursuivis par le pouvoir semblent diverger en tout cas. Les enquêtes sont ici une source précieuse pour pénétrer, au-delà des déclarations de principe proférées par les ordonnances, la réalité des pratiques. La procédure de l’enquête se révèle être, en effet, le meilleur outil juridique pour atteindre la « vérité » dans l’exercice du mère empire, c’est-à-dire qui le tient, depuis quand et par quel biais ? C’est là le sens des questions posées dès les années 1260. Ainsi, lors de l’enquête menée sur le territoire de Sénas en septembre 1265, à la demande de Rainaud Porcelet qui prétend y exercer la justice de sang, les questions posées aux témoins peuvent se résumer en un point : depuis quand les Porcelet détiennent-ils le mère empire en ce lieu [86] ? Le questionnaire établi pour Entraunes, en 1285, porte sur 16 titres, que l’on peut regrouper en trois ensembles : un premier groupe de questions concerne le paiement des trézains (articles I,X,XI,XVI) ; puis on trouve des questions ayant trait à l’exercice de la seigneurie sur ces deux villages : on demande en particulier aux témoins qui sont les seigneurs (III,IV), de qui tiennent les milites et castlans du lieu (VI,X,XVI), qui, enfin, exerce le pouvoir de ban (II,V,XIII,XIV). Enfin, un troisième groupe de questions est relatif au partage des droits seigneuriaux réalisé entre les deux fils du seigneur Faraud de Thorame, vraisemblablement vers 1270, et vise clairement à établir la légitimité du pouvoir de ces deux seigneurs (VII,VIII,IX,XV). Dans l’enquête générale menée en 1299 dans les territoires du bas Rhône, entre autres lieux, les seigneurs qui détiennent le mère empire sont dits le posséder « sub dominio comitis Provincie »; les cas de conflits d’exercice de ce droit y apparaissent en cours d’examen par la justice d’appel du comte et il n’est pas du tout certain que l’enquête ait pour objectif de les résoudre [87]. En revanche, les affaires concernant les atteintes aux églises et aux clercs, telles les troubles de l’office divin ou délits commis dans les églises, relèvent, dès le règne de Charles Ier uniquement des regalia et donc du comte [88]. Les seigneurs prétendant pouvoir les juger en vertu de la possession du mère empire en sont déboutés, à l’image de l’avis rendu, en 1263, par Alain de Lusarche, évêque de Sisteron, et Robert de Laveno à propos d’une amende perçue par le comte sur un homme excommunié, dépendant du seigneur Raimbaud de Villemus, qui avait troublé l’office divin à Fuveau : ce seigneur réclamait le jugement de l’affaire en vertu de son droit de mère empire, mais le juge déclara, après avis pris auprès des deux juristes, que l’ordre dans les églises relevait de la seigneurie majeure et regalia du comte [89].

56Il semble, ainsi, que l’on assiste bien, à partir des années 1260, à un accaparement au profit du comte des cas relevant strictement des regalia, tels qu’ils ont été définis à Roncaglia. Il faut sans doute voir là la motivation principale des conflits qui opposent le comte aux seigneurs, plutôt qu’une volonté souveraine de conquérir des pans entiers de juridiction en contestant la possession du mère empire par ceux-ci. C’est la justice éminente qui est ainsi affirmée, et qui va de pair avec la reconnaissance de la haute seigneurie comtale. Encore au début du xive siècle, c’est cette vision des choses que les officiers comtaux entendent imposer, un partage des droits en quelque sorte qui contribue à définir le pouvoir éminent du comte en Provence [90]. Ainsi, les enquêtes menées dans la baillie de Castellane, en 1278 et durant l’été 1310, révèlent que les efforts fournis pour affirmer la domination du comte sur les seigneurs majeurs, détenteurs du mère empire, et l’accaparement des regalia porte ses fruits. Ainsi en va-t-il à la Roque d’Esclapon, par exemple, où les témoins précisent que les droits de l’Hôpital en ce lieu, qualifiés de majus dominium, sont tenus sub dominio et senioria domini nostri regis, ou encore à Chateauvieux : de juribus regis, majus dominium et merum imperium ut credunt. De même à Moriez, en 1278, où les droits du roi sont énumérés de la façon suivante : habet dominus rex in dicto castro punitionem in offensis factis in viis publicis, in ecclesiis, scimiteriis, in personis ecclesiasticis religiosis et clericis et in homicidio et in omni alia pena mortis. On remarquera que cette définition se calque parfaitement sur l’avis émis par Robert de Laveno, qui fait sans doute office de référence, ainsi que sur le contenu de la législation de Roncaglia.

57Si les regalia sont comprises dans la délégation féodale au xiie siècle [91], il n’en va plus de même au siècle suivant. Dès les années 1230, le comte se réserve, dans les actes d’inféodation, le mère empire assimilé au majus dominium[92]. Celui-ci correspond, sous les Angevins, d’une part au domaine direct, ou éminent : l’apparition dans les actes de la notion de double domaine sur le fief est, en effet, contemporaine de celle du mère empire [93]. D’autre part, il est assimilé aux regalia telles qu’elles sont définies depuis Roncaglia : la juridiction des chemins publics, les délits dans les églises et cimetières et contre les clercs [94]. Cette expression définit également le lien féodal et désigne, de la sorte, la seigneurie majeure que le comte peut exercer sur les terres et juridictions qui sont tenues de lui [95].

58Il faut revenir ici sur la question des trézains et leur inclusion dans le majus dominium. Dans la première moitié du xiiie siècle, le consentement du comte à l’aliénation d’une seigneurie devient une condition courante, sans qu’il soit, pour autant, toujours matérialisé par le versement des trézains [96]. Sous les Angevins, en revanche, autorisation d’aliénation et versement des lods vont de pair. Ils accompagnent, en outre, la reconnaissance du majus dominium comtal. L’exemple le plus révélateur à cet égard est celui fourni par l’enquête sur Entraunes et Saint-Martin en 1285 [97]. Selon les dires des témoins, dans les années 1230-1240, les seigneurs majeurs de ces localités, Faraud de Thorame et son cousin Gaufred Balb, avaient l’habitude de contrôler les aliénations de biens opérées par les seigneurs mineurs et leurs hommes propres sans, pour autant, percevoir de taxe. La pratique semble avoir été introduite sous Charles Ier, à la faveur de l’enquête menée vers 1251 [98]. C’est dans les années 1270 que l’usage semble, cependant, devenir courant, les seigneurs se mettant à imiter le comte en faisant percevoir par leurs bayles les trézains sur leurs hommes. Un premier conflit avec l’autorité comtale se solde, entre 1270 et 1275, par un règlement trouvé par la cour d’Aix, qui consiste à partager ce droit entre le comte et les seigneurs majeurs du lieu. Ce compromis ne semble pas satisfaire le comte, cependant, qui interdit aux seigneurs de percevoir les trézains dès 1275, et place le produit de cette taxe sous séquestre [99]. Il est intéressant de remarquer que l’enquête de c.1251 est probablement l’acte politique qui a servi au pouvoir comtal à revendiquer le majus dominium en ces lieux : avant le milieu du xiiie siècle, en effet, la cour comtale n’exerçait aucun droit, selon les témoins, cependant que l’enquête de Charles Ier lui octroie le majus dominium sur ces deux castra[100].

59C’est également à l’occasion de l’enquête de 1251 que l’autorité supérieure du comte, exprimée à travers l’autorisation à aliénation et la levée des trézains, s’impose à Rognonas, une localité voisine de Tarascon [101]. L’enquête menée en janvier 1264, à l’occasion de plaintes répétées déposées devant le juge et le viguier de Tarascon par Raimond d’Aurons, seigneur de ce castrum, est une mine de renseignements sur cette question [102]. Les témoignages permettent, en outre, de reconstituer la chronologie de l’avancée des droits du comte en ce lieu. Le litige oppose, à cette date, Raimond d’Aurons, agissant pour le compte de ses deux fils, Raimond et Pierre, et de sa fille Cécilia, vraisemblablement encore mineurs, aux probi homines de Rognonas représentés par Guillaume Fabre et Pierre Cauletti, bayle comtal. Le village est placé depuis au moins le temps de Raimond Bérenger V, sous le majus dominium du comte qui y possède des bayles et y lève cavalcade, taille, queste et adempramentum (c’est-à-dire un droit sur les incultes). Les prétentions comtales en ce lieu semblent avoir pour origine une demande des habitants, ou de leurs représentants, qui se sont sans doute placés volontairement sous la sauvegarde de Raimond Bérenger V lors des conflits ayant secoué la région au début des années 1240. Le premier titre que les notables entendent, en effet, faire prouver par l’enquête, au détriment de Raimond d’Aurons, est le fait que Rognonas se situe dans le comté de Provence et relève de la baillie de Tarascon, donc de l’autorité comtale. Les témoins produits par leurs soins répondent à cette question de manière qui laisse supposer qu’il y a eu achat, en quelque sorte, de la protection comtale [103]. Ce titre revêt, en outre, un sens politique plus large : prétendre que Rognonas relève du comté de Provence, c’est se référer implicitement aux frontières du comté telles qu’elles ont été élaborées dès le xiie siècle et fixées dans les années 1230 sous Raimond Bérenger V. Ainsi, en 1230, le comte affirme, lors d’un conflit qui l’oppose à la commune de Marseille, que « le terme de Provence s’étend du Rhône et de Tarascon jusqu’à la Turbie dans le sens de la longueur, et en largeur de la Durance jusqu’à la mer, et il est de notoriété publique en Provence (publica fama est per Provinciam) que Marseille appartient au comté de Provence. » [104] Le recours aux témoignages pour révéler la fama publica sur ce point et affirmer, de la sorte, l’appartenance juridique d’un lieu à la domination comtale se retrouve, un siècle plus tard, en 1338, dans une enquête qui met aux prises le clavaire du baillage du comté de Vintimille et du val de Lantosque, agissant au nom du sénéchal de Provence, au précepteur de la commanderie des Hospitaliers de Nice. Le litige porte sur la présence des bêtes de l’Hôpital en Vésubie, que les agents du comte ont fait saisir. Le précepteur entend démontrer le caractère injuste de cette mesure en prétendant faire prouver par douze témoins l’appartenance des castra de Belvédère et Roquebillière, dont les troupeaux sont en cause, au comté de Provence. Si les témoins, qui ne font pas partie des élites, ne connaissent manifestement pas les frontières politiques du comté, leurs dires se fondent, en revanche, sur une connaissance pratique des finages castraux associée à la reconnaissance d’un lien de dépendance directe [105]. Cet exemple montre combien l’opinion publique peut être lente à enregistrer les appartenances politiques, au-delà du cadre familier du territoire castral, surtout dans les régions limitrophes comme l’est la Vésubie encore au début du xive siècle. L’argument défendu par les probi homines de Rognonas, en 1264, se comprend seulement si on le rapporte à l’adéquation qui a dû s’établir entre les pratiques juridiques et la fixation de la frontière occidentale du comté de Provence dans les années 1230.

60Les notables du village, profitant sans doute d’une situation de faiblesse de la part des seigneurs (les trois enfants de Raimond d’Aurons, héritiers en titre, sont tous mineurs, lui-même n’agit qu’en tant que tuteur) cherchent par l’enquête à étendre le pouvoir du comte en ce lieu en le faisant reconnaître comme seul seigneur [106]. Or, la question du droit d’aliénation des biens et du paiement des trézains se révèle être une arme juridique dans ce combat. Charles Ier tente, en effet, depuis son accession au trône provençal, d’accaparer ces droits et de faire, de la sorte, reconnaître son majus dominium sur l’ensemble des terres du bas Rhône. Les titres que les notables de Rognonas entendent faire prouver sont clairs à ce sujet [107], de même que la réponse d’au moins un témoin, produit par Raimond d’Aurons, qui précise à quelle date remonte cette prétention [108]. Les méthodes employées par Charles d’Anjou ne s’embarrassent pas de diplomatie, on le voit : le comte a nommé des bayles en ce lieu, prolongeant ainsi le droit exercé par son beau-père, mais en a également profité pour étendre leurs pouvoirs aux questions d’aliénation foncière en inaugurant la pratique de la levée des trézains, comme ce fut aussi vraisemblablement le cas à Entraunes. Le seigneur Raimond d’Aurons ne s’y trompe pas d’ailleurs, qui n’entend pas faire prouver par l’enquête qu’il est bien dans son droit en levant les trézains, mais plutôt qu’il exerce, et ses ancêtres avant lui, une seigneurie pleine et entière en ce lieu, sous le dominium comtal toutefois. La cour de Tarascon lui donne d’ailleurs raison, et lui reconnaît la seigneurie de Rognonas sous l’autorité du comte. L’affaire rebondit lors de l’enquête générale menée en 1297-99 : sur le castrum de Rognonas, le comte prétend en effet toujours exercer le majus dominium, mais aussi percevoir la moitié des trézains [109]. Cette question est décidément au cœur de la définition de l’autorité comtale, qui n’hésite pas à négocier, sans doute, voire à disputer, comme à Entraunes, sur ce sujet quitte à revenir sur une décision de sa propre justice. Car la levée des trézains, si elle présente un intérêt fiscal peut-être non négligeable [110], est surtout, en cette fin de xiiie siècle, associée désormais de manière étroite à l’exercice du mère empire. Se faire reconnaître l’une, c’est aussi revendiquer une part de l’autre. La mise sous séquestre du produit des trézains levés sur Entraunes s’explique dès lors mieux : il s’agit, vraisemblablement pour le comte d’imposer, en tentant de se réserver le monopole de la levée de ce droit, une hiérarchie vassalique stricte qui fasse relever de sa seule autorité l’ensemble des seigneurs, majeurs et mineurs, du lieu [111].

Du dominium à la jurisdictio : la naissance du droit public en Provence

61Les réflexions menées par les juristes de l’entourage du souverain à Naples sur les questions de domaine propre, majus dominium et regalia trouvent un champ d’application concret à travers les enquêtes relatives à des conflits de juridiction qui ont pour objectif politique d’imposer la seigneurie éminente des Angevins en Provence. Au-delà, il s’agit également de poser les bases d’un nouveau droit public, fortement inspiré de l’exemple impérial, mais cependant adapté à la situation particulière de la Provence pour laquelle regalia et droits seigneuriaux peuvent se trouver confondus par le biais de la délégation féodale.

L’ordonnance de mai 1294 : éléments d’une relecture

62Pour les historiens de la Provence, les ordonnances de 1289 et 1294, qui commanditent a priori les enquêtes domaniales de 1290 et 1295, marquent un véritable tournant à la fois dans les méthodes de gouvernement et dans l’organisation administrative de la province. Elles vont, en effet, systématiser le recours à la procédure d’enquête et transformer celle-ci en un véritable instrument de gouvernement. Perçues comme des documents de pure gestion administrative et fiscale [112], voire comme de simples états des revenus comtaux [113], ces enquêtes sont apparues avant tout comme des outils dans la construction de l’État. La création de la chambre des comptes, en 1288, la mise en place d’un système de vérification de la comptabilité des officiers de l’administration des baillies et vigueries, la définition, en 1297 par l’ordonnance dite « de Brignoles », des principales charges de l’administration locale – les juges et clavaires notamment – et l’obligation faite à ces fonctionnaires de tenir régulièrement leur comptabilité et d’en rendre compte périodiquement, la fixation, enfin, des fondements d’une fiscalité étatique en Provence (par le fouage et la cavalcade), sont, en effet, autant d’éléments qui sont généralement donnés comme formant le véritable contexte dans lequel s’incèrent les mesures prises par les ordonnances de 1289 et 1294, annonciatrices des enquêtes de 1290 et 1295, voire 1297-98 [114]. Il se serait agi, pour le pouvoir, d’assurer au mieux la perception des droits et revenus de la cour royale dans le comté, en faisant « faire enquête sur des pratiques dont on [savait] qu’elles [portaient] préjudice à l’assiette réelle ou potentielle de ces revenus ». Pour Michel Hébert, il apparaît ainsi « évident que Charles II, dans les dix années qui ont suivi sa libération de captivité, a consacré une attention soutenue et cohérente à la rationalisation des pratiques administratives liées à la collecte d’une information abondante et variée touchant le gouvernement de son comté de Provence » [115]. Le souverain se serait inspiré en cette matière, notamment, de l’exemple capétien et des enquêtes et ordonnances établies pour le royaume de France de Philippe III à Charles IV.

63Par l’ordonnance de septembre 1289, Charles II aurait ainsi tenté de freiner la perte de revenus liée aux transferts de propriétés nobles, acquises par des roturiers, qui échappaient de la sorte aux services nobles dus au roi. Le souverain en exige restitution à des personnes nobles dans l’année sous peine de saisie. Dans cette même ordonnance, le comte évoque également les biens acquis par des ecclésiastiques. Cependant, l’enquête menée en 1290, dont seuls les éléments relatifs à la viguerie de Forcalquier nous sont parvenus, montre que très peu de biens nobles ont été effectivement aliénés à des roturiers. En revanche, les transferts de propriétés à des ecclésiastiques apparaissent beaucoup plus nombreux. « On en conclura donc que la préoccupation majeure de Charles II à travers ces lettres n’est pas tant de contrôler l’entrée dans la noblesse […] que de remédier par une seule et même enquête à un double problème dont les répercussions fiscales sont analogues : le problème des biens nobles vendus à des roturiers, échappant ainsi au service militaire, et celui des tenures de toute nature vendues à des ecclésiastiques, désormais considérés comme bien de mainmorte et échappant de ce fait à la fiscalité royale » [116].

64En mai 1294, une nouvelle ordonnance s’attaque à la question des ventes de biens immobiliers déguisées en baux emphytéotiques, ce qui permet ainsi d’éviter d’acquitter les trézains au propriétaire éminent. Ordre est donné de mener une enquête générale dans le comté, ce dont se charge le sénéchal Hugues de Voisins qui rédige un mandement à l’intention des viguiers et bayles des comtés de Provence et Forcalquier. Il y est précisé que les officiers royaux devront se saisir de tous les biens aliénés sans le consentement du propriétaire éminent et faire enquête sur les noms des vendeurs et acheteurs, la nature des biens et leur valeur. Ces mesures sont à l’origine de l’enquête générale de 1295 sur les ventes de biens déguisées en baux emphytéotiques, dont seuls trois fragments ont été conservés : le procès-verbal de l’enquête menée dans la viguerie de Grasse et deux cahiers concernant celle de Forcalquier.

65Ces ordonnances et enquêtes auraient préparé le pays à la grande enquête, menée en 1297-98, sur les biens, droits et revenus de la cour royale en Provence. Plus précisément, la question des trézains aurait constitué le cœur des préoccupations souveraines : les intentions de Charles II auraient été motivées, en effet, par la volonté d’assurer par là les finances de la royauté en répertoriant les biens sur lesquels pouvaient être perçus cette taxe de mutation [117].

66La recherche des sources d’inspiration juridique de ces ordonnances permet d’aborder la question sous un angle plus idéologique. Elle invite, de la sorte, à une autre lecture de ces textes, et permet de souligner l’originalité des Angevins, qui ont dû composer avec de nombreux héritages. Cette démarche conduit également à réfléchir sur la prégnance du droit féodal dans l’élaboration de la souveraineté angevine telle qu’elle s’applique en Provence [118].

67Le préambule de l’ordonnance du 26 mai 1294 se révèle être le plus significatif à cet égard. Il comporte, en effet, la citation intégrale d’un passage des Libri Feudorum, extrait de l’article De prohibita feudi alienatione per Fredericum, relevant de la législation impériale élaborée en 1156 et promulguée en 1158, lors de la diète de Roncaglia [119].

68Voici le texte de l’ordonnance :

69Decet regalem providenciam ita rei publice curam gerere et investigare comoda subiectorum ut sublatis prout est possibile maliciosis adinventionibus quibuscumque publica utilitas incorrupta permaneat et singulorum status iugiter servetur illesus[120].

70Et celui de la loi frédéricienne :

71Imperialem decet sollertiam ita rei publicae curam gerere et subjectorum commoda investigare, ut regni utilitas incorrupta persistat et singulorum status jugiter servetur illaesus[121].

72On pourrait objecter, à ce stade, qu’il ne s’agit là que d’une entrée en matière destinée à faire ostentation de la culture juridique des légistes de l’entourage royal. Le contenu de l’ordonnance, de même que celle de septembre 1289, s’inspire cependant également du texte de Roncaglia, sans en être, pour autant, une citation intégrale. Il s’agit, dans tous les cas, de prévenir les aliénations de fiefs, qui pourraient porter préjudice au droit du souverain en étant soustraits de la sorte au contrôle du pouvoir [122]. Il ne s’agit donc pas d’une préoccupation nouvelle en 1289, qui serait liée à la mise en place des organes administratifs de gestion des finances royales, mais bien de la poursuite d’un idéal, entamé dès le règne de Frédéric Ier, de définition de l’autorité souveraine par le biais du droit féodal. La référence au service armé dû par le vassal, qui ne peut plus être assuré si le fief est aliéné, ne nous semble pas, en effet, découler ici uniquement d’un souci fiscal mais se rattache plutôt au sens attaché à cette expression dans le texte de 1156, en ce sens que l’aliénation du fief altère le droit éminent du seigneur, et se placer dans la droite ligne de la politique de contrôle des aliénations de fiefs menée par les Angevins en Provence dès le milieu du xiiie siècle. Mais il y a plus. L’ordonnance de septembre 1289 nous paraît se placer, en effet, en écho aux mesures décidées lors du parlement de Naples tenu immédiatement après le retour du roi de captivité, au début de l’année 1289. La question principale réglée par cette assemblée était relative aux droits des feudataires du Royaume, barons et comtes restés fidèles au souverain durant son absence, et en particulier aux modes de transmission héréditaire du fief [123]. Une enquête fut menée à cette occasion pour connaître les biens domaniaux, féodaux et ecclésiastiques.

73L’article sur la prohibition de l’aliénation des fiefs sans autorisation du seigneur est déjà, en 1156, une reprise d’un acte précédent, promulgué par l’empereur Lothaire III au début du xiie siècle [124]. La législation impériale destinée au Regnum d’Italie connaît, en effet, un renouveau sous cet empereur, qui « renouant avec la tradition législative et féodale, promulgue à Roncaglia une constitution portant interdiction de l’aliénation des bénéfices sans permission du seigneur » [125]. La question sur l’aliénation des fiefs constitue, de fait, le cœur de la législation établie par Frédéric Ier lors des deux diètes de Roncaglia (1154 et 1158), notamment en 1154 [126].

74Il semble également possible de voir dans l’emprunt direct fait à la législation de Roncaglia, en 1294, qui inspire également manifestement les mesures de 1289, un indice de l’influence exercée par les juristes méridionaux de l’entourage comtal. Si aucune preuve ne peut venir confirmer cette hypothèse en ce qui concerne Raimond Roux, à l’origine de l’enquête d’Entraunes qui annonce celles menées en 1289-90, il n’en va pas de même pour un autre juriste célèbre de l’entourage de Charles II : Pierre de Ferrières [127]. Ce clerc, professeur de droit civil, originaire du Quercy et parent de Guillaume de Ferrières, le vice-chancelier du royaume de Naples en 1290, fut choisi pour succéder à son frère en 1295 par le roi Charles II, dont il devint un influent conseiller. Il exerça plusieurs fois la charge d’évêque dans la dernière décennie du xiiie siècle, tout en conservant sa fonction de chancelier. Il devint, par ailleurs, recteur de l’université de Naples en 1299. C’est en 1304 qu’il fut élu archevêque par le chapitre d’Arles. Si dans le corps des statuts promulgués par ce personnage, en sa qualité de chancelier, en 1304, le droit féodal semble absent, l’examen du contenu de sa bibliothèque révèle pourtant un intérêt certain pour ces questions, par la présence de commentaires aux Libri feudorum, sous forme de Notas domini super feudis, qui paraissent être de sa main, et d’une Summam de feudis. Sa production, en tant que juriste, le conduit, en outre, à ajouter des additions à la glose d’Accurse, au Digestum vetus, au Digestum novum, au Code et à l’Authenticum[128]. Pourquoi ne pas voir dans la référence à la loi de Frédéric Ier sur l’interdiction de l’aliénation des fiefs sans autorisation, la main du futur archevêque d’Arles, qui ne pouvait que connaître ce texte utilisé par son lointain prédécesseur en 1157 ?

75La référence à la constitution de Frédéric Ier présente en préambule de l’ordonnance de mai 1294 se comprend dès lors mieux : il s’agit désormais pour le pouvoir comtal en Provence de s’appuyer sur le droit impérial émis lors de la diète de Roncaglia pour revendiquer non pas l’exercice exclusif du mère empire mais, si celui-ci est possédé légitimement par les seigneurs majeurs, le contrôle sur ceux-là [129]. La citation du titre de feudis alienatione permet, en effet, de souligner l’importance du consentement comtal à l’aliénation des biens et des juridictions, un droit que le comte et ses juristes entendent faire relever entièrement du majus dominium. Nous nous situons là exactement dans la ligne tracée par les quatre docteurs de Bologne, qui à Roncaglia ont relevé la gageure de « convert[ir] la conception féodale de dominium en celle du nouveau concept de iurisdictio. […] Naissait [ainsi] une nouvelle formulation […] qui venait à pénétrer jusqu’au cœur du droit féodal [130]», afin de mieux le régénérer et l’adapter à de nouveaux enjeux serait-on tenté d’ajouter.

76Le droit des fiefs devient ainsi une source fondamentale du droit public en Provence. En cela, les éléments de la doctrine savante féodale viennent compléter l’arsenal des réflexions théoriques sur le domaine du prince et la notion d’usurpation, qui découlent, quant à elles, d’un travail sur le concept de propriété. Du reste, les deux types d’approche se rejoignent et se confondent par l’importance accordée, dans la formalisation prise par la hiérarchisation du pouvoir dans cette région – c’est-à-dire dans la définition même de ce qu’est la paix –, à la question de la possessio des fiefs et des droits qui peuvent s’y rattacher [131]. Loin de se distinguer, les deux sources juridiques que sont le droit romain et la doctrine savante féodale se complètent sur ce point pour conférer aux souverains les outils juridiques nécessaires à la construction de leur jurisdictio. C’est dans cette perspective qu’il convient de replacer la citation qui ouvre l’ordonnance du mois de mai 1294. Loin de ne constituer qu’un préambule un peu emphatique destiné à conférer un prestige de type impérial au pouvoir exercé par les comtes angevins en Provence, ces quelques phrases sont, au contraire, au cœur même des motivations politiques de l’ordonnance, que nous placerons plutôt comme le point d’aboutissement normatif du processus de maturation politique de l’idée de souveraineté, appuyée en Provence notamment sur la pratique des enquêtes publiques dès les années 1270-80, que comme l’indice de préoccupations strictement et uniquement fiscales et financières. Mais, du reste, les deux motivations peuvent tout à fait s’épauler car si le prince est à ce point soucieux d’imposer son contrôle sur les seigneurs et sourcilleux quant au paiement des taxes et services dus par les fiefs, n’est-ce pas tout autant pour renflouer les caisses de l’État que pour éviter que le bien commun n’en soit d’autant diminué ?

Notes

  • [1]
    Voir notamment Gérard Giordanengo, État et droit féodal en France (xiie-xive siècles), dans L’État moderne : le droit, l’espace et les formes de l’état, Noël Coulet, Jean-Philippe Genet éd., Paris, Éditions du CNRS, 1990, p. 61-83 ; repris dans Gérard Giordanengo, Féodalités et droits savants dans le Midi médiéval, Aldershot, 1992, XII (Collected Studies Series, 373), n° XVI.
  • [2]
    Outre l’article précité, on pourra également se reporter à Id., Qualitas illata per principatum tenentem. Droit nobiliaire en Provence angevine (xiiie-xve siècle), dans Noël Coulet, Jean-Michel Matz (dir.), La noblesse dans les territoires angevins à la fin du Moyen Âge, Paris-Rome, collection de l’EFR 275, 2000, p. 261-301.
  • [3]
    Gli inizi del diritto pubblico. L’età di Federico Barbarossa : legislazione e scienza del diritto. Die Anfaänge des öffentlichen Rechts. Gesetzgebung im Zeitalter Friedrich Barbarossas und das Gelehnt Recht, éd. Gert Dilcher, Diego Quaglioni, Bologne-Berlin, 2007. On trouvera un copieux compte rendu de cet ouvrage dans Pierre Racine, Aux origines du droit public : la législation de Frédéric Barberousse à la Diète de Roncaglia (1158), Le Moyen Âge, 114, 2008, p. 361-367.
  • [4]
    Voir en dernier lieu : Jean Flori, La guerre sainte. La formation de l’idée de croisade dans l’Occident chrétien, Paris, Aubier, 2009, p. 59-72.
  • [5]
    Pierre Racine, Frédéric Barberousse, Paris, Perrin, 2009, p. 195-208.
  • [6]
    ADBdR, B 1083.
  • [7]
    C’est notamment l’option choisie par Michel Hébert dans Les ordonnances de 1289-1294 et les origines de l’enquête domaniale de Charles II, Provence Historique, 36/143, 1986, p. 45-57 et L’ordonnance de Brignoles, les affaires pendantes et la continuité administrative en Provence sous les premiers Angevins, dans Claire Boudreau, Claude Gauvard, Kouky Fianu, Michel Hébert (dir.), Information et société en Occident à la fin du Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 41-56.
  • [8]
    Les mêmes méthodes sont employées au même moment par l’Église : Joseph Shatzmiller, Justice et injustice au début du xive siècle. L’enquête sur l’archevêque d’Aix et sa renonciation en 1318, Rome, Sources et documents d’histoire du Moyen Âge, 2, 1999. Le thème de l’influence de la justice d’Inquisition sur l’adoption de la procédure d’enquête de vérité par les puissances laïques est d’ailleurs désormais couramment admis par les historiens.
  • [9]
    ADBdR, B 1068.
  • [10]
    ADBdR, B 1069.
  • [11]
    Alain de Boüard, Actes et lettres de Charles Ier roi de Sicile concernant la France (1257-1284), Paris, 1926.
  • [12]
    ADBdR, B 1068.
  • [13]
    Martin Aurell, Actes de la famille Porcelet d’Arles (972-1320), Paris, 2001, n0 419.
  • [14]
    ADBdR, B 380.
  • [15]
    Le corpus des textes des serments provençaux a été en grande partie édité dans différents recueils : Cartulaire de Saint-Victor de Marseille, édition Benjamin Guérard, Paris, 1857 ; Cartulaire de l’Église d’Apt (835-1130), édition Noël Didier, Henri Dubled, Jean Barruol, Paris, 1967 ; Cartulaire de l’abbaye Saint-Honorat de Lérins, édition Henri Moris et Étienne Blanc, Paris, 1883 et 1905 ; Clovis Brunel, Les plus anciennes chartes en langue provençale, Paris, 1926 ; Jean-H. Albanes et Ulysse Chevalier, Gallia christiana Novissima, t. I, Province d’Aix, t. II évêché de Marseille, t. III archevêché d’Arles. Quelques documents concernant les puissants laïcs peuvent être trouvés dans : Honoré Bouche, Chorographie ou description de la Provence, Aix, 1664 et Dom C. Devic et Dom J. Vaisette, Histoire générale du Languedoc, Toulouse, 1875. Le catalogue des actes de la famille Porcelet, édité par Martin Aurell, doit également être consulté. Enfin, les Archives départementales des Bouches du Rhône conservent quelques serments inédits, sous les cotes B 278 et B 283 notamment.
    À titre d’exemple, sont reproduits ci-dessous les textes de deux serments caractéristiques du xie siècle :
    1026-1066, Cartulaire de l’abbaye Saint-Honorat de Lérins, n° LXXIX, p. 75-76.
    « Aus tu Aldebertus abbas, ego Guillemus, filius Adila, non tolrai lo castel de Auroculo, ne la civitate, ne la vila, ne illo tenemento que tenet a sancto Honorato ne a suos monachos, que habet et inantea habuerit, nec homo nec femina per meum consilium nec per meum consentimentum ; ni alberc, ni preiso, ni tolta non i farai per perforz, si ab voluntad de l’abad o de suos monachos non o fazia ; et, si est homo aut femina qui a sancto Honorato tollat Auruculo, ego adjutor en serai a sancto Honorato et a suos monachos sine inganno. »
    xie siècle, Cartulaire de l’abbaye Saint-Honorat de Lérins, n° CCCLXIII, p. 349.
    « Aus tu, hom Conra, que per za ma mi tens, eo non tolrai lo castel de Mugins ni d’Arluc ni las vilas ni las gleisas nils camps ni las vineas ni achela honor que sant Honoras ni ab mo conseil acatara a sant Honorad ni als monegues de Lirin, et, si hom o femena era que li o tolgues, aitoris li seria a retener sans engan, si Deus mi ajudet, et iste testz evangelis. »
  • [16]
    Voir Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du xe à la fin du xie siècle: croissance et mutations d’une société, t. 2, Toulouse, pum, 1976 ; Hélène Débax, Structures féodales dans le Languedoc des Trencavel (xie-xiie siècles), Toulouse, pum, 2003 ; Michel Zimmermann, « Et je t’empouvoirrai » (Potestativum te farei). À propos des relations entre fidélité et pouvoir en Catalogne au xie siècle, Médiévales, 1986, p. 17-36. Une synthèse des connaissances sur les structures féodales méridionales peut être trouvée dans Josep-Maria Salrach, Les féodalités méridionales : des Alpes à la Galice, dans Éric Bournazel, Jean-Pierre Poly (dir.), Les féodalités, Paris, Seuil, 1998. Récemment, un article d’Hélène Débax est également revenu sur la question des gestes de la fidélité vassalique méridionale : le serrement des mains, Le Moyen Âge, 113, 2007, p. 9-27
  • [17]
    Jean-Pierre Poly, La Provence et la société féodale, 879-1166, Paris, Bordas, 1976, p. 166 n. 204 et p. 346-47 n. 194.
  • [18]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal dans les pays de droit écrit. L’exemple de la Provence et du Dauphiné xiie-début xive siècle, Rome, B.E.F.A.R. 266, 1981, p. 1-50. La révision du comptage effectué par Jean-Pierre Poly se trouve p. 2. Voir aussi : Id., Vocabulaire et formulaires féodaux en Provence et en Dauphiné (xiie-xiiie siècles), dans Structures féodales et féodalisme dans l’Occident méditerranéen (xe-xiiie siècle). Bilan et perspectives de recherches., Rome, Collection de l’E.F.R. 44, 1980, p. 85-107.
  • [19]
    Id., Le droit féodal…, op. cit., p. 3.
  • [20]
    Florian Mazel, La noblesse et l’Église en Provence, fin xe-début xive siècle. L’exemple des familles d’Agoult-Simiane, de Baux et de Marseille, Paris, cths, 2002.
  • [21]
    M.G.H. leges 2, p. 101 ; voir aussi : François-Louis Ganshof, Charlemagne et le serment, dans Mélanges Louis Halphen, Paris, 1950, p. 259-270, et Éric Bournazel, Jean-Pierre Poly, La mutation féodale, Paris, Seuil, 1991.
  • [22]
    Cartulaire de l’Église d’Apt, n° CI.
  • [23]
    Jean-Pierre Poly, La Provence…, op. cit., p. 147, n. 90.
  • [24]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 3.
  • [25]
    AD Bouches du Rhône (désormais BdR), B 278, serment de Girard Peyre à Raimond Bérenger.
  • [26]
    Laurent Feller, Les Abruzzes médiévales. Territoire, économie et société en Italie centrale aux ixe-xiie siècles, Rome, B.E.F.A.R. 300, 1998. p. 46.
  • [27]
    Ci-dessous deux exemples de serments du xiie siècle :1116, ADBdR, B 278 : Serment de Pons de Fos au comte de Barcelone Raimond Bérenger III.« Juro ego Poncius de Fos, filius Bellielis femine, tibi Raimundo Berengarii comiti Barchinonensi ac Provincie et conjugi tue, Dulcie comitisse, et filiis vel filiabus vestris, quod de ista hora in antea fidelis ero vobis de vestra vita et de vestris membris que in corporibus vestris se tenent et de vestro honore quem hodie habeatis vel in antea, Deo adjuvante, adquisituri eritis et de castris de Fos. Et heras che nol vos tollre neusen tollre et potestatem non vetabo vobis quantasque vices mihi requisieritis per vos ipsis aut per nunciis vestris, nec ego nec homo neque femina per meum consilium nec per meum ingenium. Et si est homo aut homens, femina aut femine, qui vobis tollat aut tollant, ego Poncius supra scriptus ero vobis adjutor, cum mei homines et honorem meum, guerreiare, deffendere, placitare ut melius potuero per fidem rectam sine vestro engan. Et cum vestris inimicis quem hodie habeatis vel in antea habueritis, ego supra nominatus Poncius ad concordiam neque ad pacem non venerem cum illis sine consilio vestro, et guerreiabo eis cum vos et sine vos per consilium et vestrum mandamentum sicut melius potuero per directam fidem sine vestro engan. Sic superius scriptum est sic tenebo et attendebo ad intelligendum supra nominato comiti per Dominum et hec sancta altaria. »24 juin 1143, Actes de la famille Porcelet, n° 89, p. 46-47 : Serment de Guilhem de Mondragon à l’archevêque d’Arles Raimond de Montredon.« Ego Villelmus de Monte Drachone, filius Dia, non auferam tibi Raimundo, arelatensis archiepiscopo, neque successoribus tuis, castrum de Monte Drachone, forcias scilicet que modo ibi sunt vel in antea erunt, nec homo nec femina meo ope(re) nec meo consilio. Si homo vel femina las te tollia o t’en tollia, fidelis auditor essem et finem vel concordiam cum illis non haberem, nisi pro recuperando castro. Quotiens me commoneris, per te vel per nuncium tuum, tu et successores tui, reddam supradictum castrum et de amonitione me non vetabo et amonitori dapnum vel injuriam non inferam, nec consilio meo inferetur. Et vitam et membra que corpori tuo (ju)ncta sunt non tollam tibi nec homo vel femina meo consilio et fidelis ero tibi secundum vestrum intellectum me nesciente et successoribus tuis sine inganno. Sicut scriptum est sic o tenrai et o atenrai, si Dominus me adjuvet et hec sancta Evangelia. »
  • [28]
    ADBdR, B 278.
  • [29]
    Actes de la famille Porcelet, n° 119, p. 62.
  • [30]
    Cartulaire de l’Église d’Apt, n° CXVIII.
  • [31]
    ADBdR, B 278.
  • [32]
    Honoré Bouche, Chorographie…, op. cit., p. 126.
  • [33]
    ADBdR, B 283.
  • [34]
    ADBdR, B 278.
  • [35]
    Florian Mazel, La noblesse et l’Église…, op. cit., p. 446-449. Cet auteur souligne le rôle joué en ce domaine par les évêques qui tendent à généraliser, dès le début du xiiie siècle, la vassalisation de leurs liens avec les puissants laïcs, parallèlement à l’instauration, dès le règne de Charles Ier , de rapports plus hiérarchiques entre ceux-ci et le comte. On assisterait même à une véritable coopération entre pouvoirs épiscopaux et comtaux pour établir, de la sorte, la seigneurie supérieure de l’Église sur des domaines contrôlés dans les faits par des familles laïques. Le pacte de paix conclu en 1251 entre Barral de Baux et Charles Ier, qui préserve la fidélité de ce seigneur due aux Églises d’Arles et de Marseille, illustre clairement cette politique. Il entraîne, en outre, la soumission féodale à l’Église, en 1253, d’un cousin de Barral, Bertrand IV de Baux, qui reconnaît à cette date tenir en fief pour l’archevêque d’Aix les seigneuries de Meyrargues, Puyricard et Éguilles.
  • [36]
    ADBdR, B 380.
  • [37]
    Laure Verdon, La noblesse au miroir de la coseigneurie : l’exemple de la Provence au xiiie siècle, dans Germain Butaud (dir.), La coseigneurie dans les pays méridionaux. Provence et Languedoc (xie-xve siècle), à paraître. Ces services ont été définis par Raymond Bérenger V en 1237.
  • [38]
    Pour une discussion poussée sur cette question et les différents débats historiographiques qu’elle a suscités depuis Marc Bloch, voir : Susan Reynolds, Fiefs and Vassals. The Medieval Evidence Reinterpreted, New York, 1994, p. 51-74.
  • [39]
    Cinzio Violante, Bénéfices vassaliques et livelli dans le cours de l’évolution féodale, dans Mélanges offerts à Georges Duby, vol. II : Le tenancier, le fidèle et le citoyen, Aix-en-Provence, 1992, p. 123-133.
  • [40]
    Pour Susan Reynolds, ce phénomène constituerait même la conséquence principale de cette « renaissance » juridique : « What had happened was not a process by which originally precarious “service tenements” granted by warrior lords to their vassals gradually acquired new rights but one by which new methods of government and new kinds of legal argument imposed more regular obligations on all property, including that which had been thought of as carrying full and unrestricted rights » (p. 69).
  • [41]
    C., 11, 61, 3-4.
  • [42]
    C., 4, 66.
  • [43]
    Voir notamment sur cette question Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 67-71 et 99-109 et Damien Carraz, L’Ordre du Temple dans la basse vallée du Rhône (1124-1312). Ordres militaires, croisades et société méridionales, Lyon, pul, 2005, p. 370-376.
  • [44]
    On trouve également, dès les années 1240, des actes de reconnaissances liant un seigneur ecclésiastique, abbé notamment, à un seigneur laïque. Ces textes, conservés principalement dans les fonds des abbayes de Saint-Victor de Marseille et Saint-Pierre de Montmajour, « s’apparentent aux aveux accompagnant les hommages ». (Thierry Pécout, Les actes de reconnaissances provençaux des xiiie-xive siècles : une source pour l’histoire du pouvoir seigneurial, dans Huguette Taviani-Carozzi, Claude Carozzi (dir.), Le médiéviste devant ses sources, Aix-en-Provence, pup, 2004, p. 271-286, ici p. 274). Ces actes sont donc tout à fait comparables aux contrats emphytéotiques conclus entre les seigneurs laïques et les ordres militaires, dont il convient de les rapprocher. Ce type de lien est également attesté entre seigneurs laïques, comme en 1222 lorsque Raimond de Mévouillon concède en acapte perpétuelle et franc fief divers biens à Pierre Roux contre la somme de 1 600 sous, l’hommage et la fidélité (cité par Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 285). Cet acte souligne le caractère du franc fief qui est bien considéré comme une tenure « noble » impliquant la fidélité.
  • [45]
    L’étude des caractéristiques juridiques de ce type particulier d’emphytéose peut être trouvée dans : Laure Verdon, Les acaptes consenties aux ordres militaires dans les terres du bas-Rhône aux xiie-xiiie siècles. Un enjeu politique et économique, MEFRM, 113, 2001, p. 411-432.
  • [46]
    Damien Carraz, L’Ordre du Temple…, op. cit., p. 196.
  • [47]
    C., 4, 66, 3
  • [48]
    Michel Hébert, Les mutations foncières et l’évolution sociale en haute Provence à la fin du xiiie siècle, Provence Historique, 37, 1987, p. 421-437.
  • [49]
    La notion de double domaine sur le fief, telle qu’elle apparaît définie dans les actes d’hommage des années 1220-1230, est directement empruntée à la Summa super usibus feudorum de Pillius, elle-même inspirée des commentaires sur le droit d’emphytéose. Voir, à ce sujet, Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 145, n. 134.
  • [50]
    Florian Mazel, La noblesse et l’Église…, op. cit., p. 416.
  • [51]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 169 : « Le comte et ses officiers ont donc une politique systématique d’utilisation des ressources du droit féodal pour élargir les frontières de la Provence ». Cet auteur souligne, par ailleurs, le caractère nettement féodal du vocabulaire employé dans les actes de Charles Ier . Les enquêtes relatives à des conflits de juridiction montrent que ce souverain commence à appuyer ses revendications en Provence sur le droit savant féodal avant même son accession au trône de Sicile en 1265. Ainsi, la véritable féodalisation des relations établies entre le comte et les grands, dans cette région, s’opère sous la dynastie angevine, et non plus tôt, comme le pensait Jean-Pierre Poly, avec l’installation de la dynastie catalane au début du xiie siècle. (Jean-Pierre Poly, La Provence…, op. cit., p. 346-352) Les instruments de cette domination sont alors puisés aux sources du droit savant féodal, et reposent principalement sur l’usage de la laudatio et de la commise. L’influence du droit savant en matière féodale, en Provence, n’est, cependant, pas une nouveauté en ce milieu de xiiie siècle ; il existe déjà une tradition bien établie en la matière introduite par les juristes attachés au service des cours épiscopales (Arles notamment) dès la seconde moitié du xiie siècle. Voir, à ce propos, Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 111-145 et Florian Mazel, Seigneurie épiscopale, aristocratie laïque et structures féodo-vassaliques en Provence au xiie siècle : le sens d’une féodalisation limitée, Rives nord-méditerranéennes, 7, 2001, p. 27-36.
  • [52]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 173.
  • [53]
    Noël Coulet, Un fragment de registre de la cour du juge mage de Provence à la fin du xiiie siècle, dans : Jean-Paul Boyer, Anne Mailloux, Laure Verdon (dir.), La justice temporelle dans les territoires angevins, coll. de l’EFR, 354, Paris-Rome, 2005, p. 187-203, ici p. 193-195.
  • [54]
    Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales des comtes de Provence Charles Ier (1250-52), Charles II (1296-99) et Robert Ier d’Anjou (1331-33) : vigueries de Tarascon et d’Avignon : édition et commentaire, thèse de doctorat inédite, Université de Provence, décembre 2006, t. 1, p. 142-144. L’enquête révèle que dans les localités de la vallée du bas Rhône, le montant des trézains est deux fois moins élevé, cependant, sur les francs fiefs que sur les censives.
  • [55]
    Voir, ainsi, la définition qu’en donne Du Cange : illud dicitur, in quo vassallus ad servitia non tenetur, fidem tamen domino servare debet, eoque nomine hominio obnoxius est. Du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, t. 3, Paris, Édition Didot frères, 1844. La référence aux Libri feudorum, fournie à l’appui (L.F., 2, 104), est cependant étrange et ne renvoie à aucun titre existant.
  • [56]
    Voir sur ce point la synthèse de Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 112-122. Cet auteur estime que les juristes en Provence n’ont pas, sur ce point, imité l’Italie, mais ont plutôt cherché inspiration en Languedoc où ce type de tenure est attesté dès le milieu du xiie siècle.
  • [57]
    Ainsi de cette concession opérée par l’archevêque d’Arles, en 1223, d’un stare dont l’aliénation devra se faire salvo tamen jure et dominio nostro sine acapto tamen quolibet laudimio et trezeno. ADBdR, 3G 19, fol. 63v (cité par Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 121, n. 43. La référence donnée par cet auteur au registre B 1069 semble être une erreur).
  • [58]
    Il se définit alors comme une tenure conférant dominium et senhoria à son possesseur qui se trouve également soumis au paiement de droits de mutation. Voir Thierry Pécout, Confessus fuit et recognovit in veritate se tenere. L’aveu et ses enjeux dans les reconnaissances de tenanciers en Provence, xiiie-xive siècle, dans Lucien Faggion, Laure Verdon (dir.), Quête de soi, quête de vérité du Moyen Âge à l’époque moderne, Aix-en-Provence, pup, 2007, p. 173-206, ici p. 186-187. Cet auteur évoque le cas du castrum de Varages, dans le Var, en 1346. Noël Coulet a également rencontré le franc fief dans la région d’Entrevennes, au milieu du xive siècle. Ce type de concession s’adresse à des hommes qualifiés de « vassaux » qui ne sont astreints qu’au paiement des taxes de mutation. En revanche, les « plébéiens » doivent le cens, les tailles comtales et des services en travail. Les possesseurs de francs fiefs représentent un quart des hommes de la seigneurie d’Entrevennes. (Noël Coulet, Affaires d’argent et affaires de famille en haute Provence au xive siècle. Le dossier du procès de Sybille de Cabris contre Matteo Villani et la compagnie des Buonaccorsi, Rome, collection de l’EFR, 1992, p. 12.)
  • [59]
    Ainsi le montre la charte de concession en fief des deux castra de Suze et Solérieux, opérée par l’évêque de Saint-Paul Trois-Châteaux, en 1272, en faveur de Raimond II de Baux d’Orange : […] profitetur tenere se a Bertrando de Clahensais episcopo S. Pauli Tricastin. Castella Suzae et Buxedonae in feudum francum et gentile. […] Item fuit concessum, quod ipse R. de Baucio et ejus heredes semper in mutatione domini vel vassalli teneantur facere homagium ligium flexis genibus, et jurare fidelitatem cum illis articulis qui in dicto juramento continentur, videlicet dictus episcopus et successores possint suum vexillum seu baneriam mittere, in signum dominii et recognitionis dicti castri, seu in fortalitio (cité dans Du Cange, art. « Feudum Francum »). Cette charte est conservée aux AD de l’Isère, sous la cote B 379. Elle concerne un type d’inféodation particulier : il s’agit, en effet, de la reprise en fief d’un alleu moyennant le versement de 6 000 sous. Sur ce document et son contexte, voir Florian Mazel, La noblesse et l’Église…, op. cit., p. 447, n. 967.
  • [60]
    Gabriele D’Amelio, Polemica antifeudale, feudistica napoletana e diritto longobardo, Quaderni Storici, 26, 1974, p. 337-350.
  • [61]
    Ibid., p. 339, n. 9 et p. 343, n. 17. S’il existe bien une constitution de Frédéric II sur l’aliénation des fiefs, il faut remarquer, cependant, qu’elle ne fait pas référence à celle de Roncaglia : Constitutionem dive memorie regis Rogerii avi nostri super prohibita diminutione feudorum et rerum feudalium ampliantes, decernimus omnes alienationes, seu quoscumque contractus, super feudis et rebus feudalibus, minuendis aut commutandis, nullam omnino firmitatem habere : nisi de speciaii nostre curie facte fuerint : jusjurandum interpositum, seu etiam stipulationem penalem nullius determinus esse momenti. Eisdemque contrahentibus et alienantibus concedimus potestatem jure proprio predicta omnia revocare : Antonio Cervone, Constitutionum regni Siciliarum, libri III, t. 5, De revocatione feudorum et rerum feudalium, p. 294-303.
  • [62]
    C., 11, 61-62. Il apparaît, à la lecture de ces titres, qu’en regard du droit romain, la question du paiement du canon prime sur toutes les autres. On peut aliéner, en particulier, le fonds reçu en emphytéose, y compris sans l’autorisation du juge impérial, à condition que le donataire s’engage à acquitter les droits annuels dus au fisc (C., 11, 61, 1).
  • [63]
    « On peut se demander si l’emploi de ce passage pour l’aliénation des fiefs ne s’explique pas par le relais des Libri Feudorum qui a mis à l’esprit du rédacteur du diplôme le passage du Code » (Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 64). Si la connaissance du droit romain par le biais des Libri feudorum semble, néanmoins peu probable au xiie siècle, il n’en va plus de même au siècle suivant. La diffusion, en particulier, des constitutions impériales emprunte vraisemblablement ce vecteur commode.
  • [64]
    Id., Qualitas illata…, art. cit., p. 277, n. 92.
  • [65]
    Id., Le droit féodal…, op. cit., p. 65. M.G.H., Leges, sectio IV, 1, n° 169, Sententia de feudis imperii non alienandis, p. 235-236 : Novit vestre discretionis prudentia, quoniam ea, que ab imperio tenentur, iure feodali possidentur nec ea sine domini consensu ad alterius possunt transferri dominium. Intelleximus autem, quod Marsilienses beneficium, quod a dilecto principe nostro Arelatensi archiepiscopo tenebant, comiti Provincie in concambium dederint, cum nec nostrum vel archiepiscopi consensum unquam in hac re habuerint. Unde quoniam hec comutatio inanis est et ipso iure irritator, eam imperiali auctoritate cassamus, precipientes ne aliquod in illo beneficio archiepiscopo fiat impedimentum et illud ad alterius non transferatur dominium. Cet acte est également édité par Andreas Winkelmann, Acta imperii inedita saec. XIII, I, n° 323, p. 289, qui l’attribue à Frédéric II.
  • [66]
    C., 4, 66, 3. Ce titre fixe les conditions d’aliénation d’un bien tenu en emphytéose et précise que le consentement du propriétaire est obligatoire si le contrat ne prévoit aucune clause à ce sujet. L’emphytéote doit alors respecter une certaine procédure en avertissant le propriétaire de son intention et du prix qu’on lui propose pour son bien. Le propriétaire bénéficie d’un droit de préemption de deux mois, au-delà duquel son consentement n’est plus nécessaire, pourvu cependant que l’acquéreur ne soit pas une personne « prohibée » en vertu du droit emphytéotique. Le montant du droit de mutation est fixé au cinquantième du prix de vente du fonds.
  • [67]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 75-76.
  • [68]
    La référence au Code donnée par cet auteur (C., 11, 61, 4) ne comporte pas, cependant, de définition explicite du droit de confiscation de la terre donnée en emphytéose, même si le terme « commise » est employé, mais précise, plutôt, les droits de propriété de l’emphytéote, à la condition que celui-ci s’engage à verser la rente due au fisc : Fundi patrimoniales, et qui ex emphyteutico jure ad domum nostram diversis generibus devoluti sunt, sic eis, qui eos poposcerint, cedunt, ut commissi metus esse non possit. Neque enim magis commodamus nostra, quam tradimus ea jure dominii : ita tamen, ut ea, quae in nostra possessione positi praestiterint, et in posterum dissolvant. En revanche, la possibilité d’expulser l’emphytéote en cas de non paiement du canon, ou si les clauses d’aliénation n’ont pas été respectées, se trouve exposée au titre 66 du livre 4.
  • [69]
    Gérard Giordanengo, Vocabulaire romanisant et réalité féodale en Provence, Provence Historique, 25, 1975, p. 258, n. 22. On peut, peut-être, voir dans la phrase suivante une allusion à l’usage de la procédure inquisitoire pour régler ces affaires : dominus comes debet habere in dicta villa bajulum suum, seu vicarium, […] ad cognoscendum et judicandum et compescendum per se vel per aliquem sapientem, nomine jurisdictionis majoris seu meri imperii pertinentis ad dominum comitem et suos, tam ex casu querimonie dictorum hominium quam ex officio suo, de criminibus seu maleficiis et causis infrascriptis […].
  • [70]
    Ibid., p. 259, n. 23.
  • [71]
    Cité par : Damien Carraz, L’Ordre du Temple…, op. cit., p. 384.
  • [72]
    Sur ce personnage et ses origines, voir Raoul Busquet, L’histoire d’une consultation du xiiie siècle sur le merum imperium et l’origine des cas royaux en Provence, Études sur l’ancienne Provence, Paris, 1939, p. 51, n. 3.
  • [73]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 149.
  • [74]
    Pour les consultations de 1268 et 1277, voir Raoul Busquet, L’histoire d’une consultation…, art. cit., p. 51-68 et Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 150-151. Robert de Laveno considère comme relevant du mère empire tous les cas entraînant « penam capitis vel amissionis membrorum vel deportationis vel relegationis in insulam vel exilium ».
  • [75]
    On trouve un écho de cette consultation dans l’enquête menée en 1278 sur la baillie de Castellane, où l’expression « mère empire » est d’un emploi général contrairement à celle de c. 1251. (Édouard Barartier, Enquêtes sur les droits et revenus de Charles Ier d’Anjou en Provence (1252 et 1278), Paris, 1969, p. 48.)
  • [76]
    Statuta, ordinationes, constitutiones quae ediderunt comites Provinciae, comprenant une declaratio domini Roberti de Vena. Voir Raoul Busquet, L’histoire d’une consultation…, art. cit., p. 63-68.
  • [77]
    Thierry Pécout propose de le dater des années 1298-1304, car les définitions des juridictions sur les clercs qu’il contient se trouvent reprises et affinées dans les statuts de Pierre de Ferrières datés de 1304. Thierry Pécout, L’élaboration du justiciable. La justice royale et le clerc dans la Provence de Charles II (fin du xiiie s.-début du xive s.), dans Gens de robe et gibier de potence en France du Moyen Âge à nos jours. Actes du colloque tenu à Aix-en-Provence, 14-16 octobre 2004, Marseille, Images en manœuvre, 2007, p. 91, n. 37.
  • [78]
    Raoul Busquet fait remarquer, à ce propos, que les références à des textes juridiques, issus du droit canonique ou des constitutions impériales, sont une nouveauté introduite dans ce manuscrit par rapport aux statuts comtaux et consultations juridiques précédents. Il semble cependant, qu’il y ait eu une tendance, dès les années 1290 à appuyer les revendications comtales en Provence sur des arguments juridiques, comme le laisse supposer la citation de la constitution de Roncaglia en préambule de l’ordonnance de mai 1294. En outre, on rencontre de nombreuses références au Corpus juris civilis dans les actes de Charles Ier.
  • [79]
    Cette histoire est retracée dans Vittorio Colorni, Le tre leggi perdute di Roncaglia (1158) ritrovate in un manoscritto parigino (Bibl. nat. Cod. Lat. 4677), dans Scritti in memoria di Antonino Giuffré, Milan, 1967, t. I, p. 111-170, ici p. 122-136.
  • [80]
    L.F., 2, 55 et M.G.H., leges, sectio IV, t. I, n° 244. On peut relever, outre les droits de justice, l’insistance mise à réserver le pouvoir de délégation de l’autorité judiciaire au seul souverain : regalia sunt […] potestas constituendorum magistratuum ad justitiam expediendam.
  • [81]
    D. 2, 1, 3 : De Iurisdictione (omnium iudicum add. Vulg.), de officio Quaestoris : Imperium aut merum aut mixtum est. Merum est imperium habere gladii potestatem ad animadvertendum facinorosos homines, quod etiam potestas appellatur. Mixtum est imperium cui etiam jurisdictio inest, quod in danda bonorum possessione consistit. Jurisdictio est etiam judicis dandi licentia.
  • [82]
    Omnes judices a principe administrationem accipere debent. Vittorio Colorni, Le tre leggi…, art. cit., p. 146. On retrouve cette conception, au xiiie siècle en Provence, dans la façon dont les commissaires sont nommés lors de la tenue d’enquêtes. Ainsi, à titre d’exemple, Guillaume de Populo est-il investi, en 1285, de la potestas pour mener une enquête à Entraunes : cum super inquirendis juribus pertinentibus curie regie in castris de Antraunis et de Sancto Martino tam super facto jurisdictionis quam etiam super facto trezenorum et quorumdam jurium dominum Guillemum de Populo duxerimus destinandum qui plenam dedimus potestatem super predictis inquirendis.
  • [83]
    C’est le cas, notamment, des légistes de l’entourage napolitain de Charles Ier puis Charles II, tels Marino da Caramanico dans son Apparatus ad const. Regni Sicilie et Andreas de Isernia, Lectura super const. Regni Sic. (A. Cervone, Constitutionum regni Siciliarum, libri III, t. I, p. 125-127).
  • [84]
    Fernand Benoit, Recueil des actes des comtes de Provence (1196-1245), Monaco-Paris, 1925, n° 246, 275, 277, 278.
  • [85]
    Raoul Busquet, L’histoire d’une consultation…, art. cit., p. 61-63. Raoul Busquet indique que ces mesures ne devaient s’appliquer qu’aux parties du comté dans lesquelles le pouvoir comtal ne rencontrait pas de feudataires capables de revendiquer le mère empire. L’enquête d’Entraunes, en 1285, confirme cette impression : la revendication comtale de la levée des trézains, émise pour la première fois en ce lieu sous Charles Ier , ne semble s’être heurtée à aucune résistance de la part de la famille de Faraud de Thorame, qui se contente de réclamer sa part.
  • [86]
    La preuve, demandée par le viguier de Tarascon, sur les conseils du sénéchal, repose entièrement sur l’enquête orale. Rainaud Porcelet entend prouver par là quod dominus Rainaudus Porcelletti, pater ejus condam, fecit suspendi homines infra territorium et tenementum Senacii pro delictis perpetratis per eos ibidem. Item quod habet ibidem plenariam juridictionem et mixtum et merum imperium. Les témoins confirment cette version en remontant dans leurs souvenirs sur deux ou trois générations. Soulignons que le procédé de défense utilisé par Bertrand de Baux, en 1269, repose exactement sur le même principe : il s’agit de prouver, par le recours à l’enquête orale, que la juridiction sur les domaines en litige de Crau et de Camargue était bien exercée par le père de celui-ci, Barral, donc depuis au moins une génération.
  • [87]
    ADBdR, B 1024 ; Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 2, p. 168-169. Ainsi à Lagoy : In castro de Lagodinis : Licet dicatur per plures hujusmodi merum imperium ad dictum comitem Provincie pertinere, de quo pendet questio et litigium inter regiam curiam et dictum Karolum (Alba de Tharascone, le seigneur du lieu). On remarquera que dans cette enquête les droits de mère empire et de mixte empire sont distincts, selon la définition donnée par les juristes de l’entourage du comte. On peut également rapprocher ces litiges et leur mode de résolution de la mise en place des institutions judiciaires d’appel en Provence, qui contribuent à affirmer le caractère éminent du pouvoir comtal : la législation de Charles II, puis de son fils Robert, est, en effet, abondante en ce domaine et accompagne la mise en place, dans les années 1300, des fonctions de juge des premières et secondes appellations. Voir sur ce point la mise au point récente de Gérard Giordanengo, Arma legesque…, art. cit.
  • [88]
    Voir pour une analyse détaillée de l’histoire de cet accaparement comtal : Thierry Pécout, L’élaboration…, art. cit., p. 89-99. On trouvera un panorama complet de la législation angevine relative aux clercs dans Romualdo Trifone, La legislazione angioina, Naples, 1935, p. CXLVII et suivantes.
  • [89]
    Gérard Giordanengo, Vocabulaire romanisant…, art. cit., p. 261. Un autre exemple de conflit à ce sujet peut être relevé dans l’enquête menée en 1299 dans le territoire de Tarascon : In castro seu villa de Mallana : De justiciis vero circa offensas que contingunt in caminis publicis, ecclesiis, cimiteriis et locis reliogiosis, necnon contra ecclesias et personnas ecclesiasticas, dicunt domini quod pertinent ad eos, tamen pendet inde litigium cum regia curia coram judice appellationum, Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 2, p. 168. Il faut rapprocher cette volonté de réserver au comte la connaissance de ces affaires spécifiques de l’élaboration d’un statut des clercs entreprise dès le règne de Charles Ier . Voir, à ce sujet, Thierry Pécout, L’élaboration…, art. cit., p. 89-92.
  • [90]
    En 1310, l’enquête menée dans la baillie de Castellane distingue entre le mère empire et la justice civile et définit les regalia selon la formule contenue dans les statuts de Pierre de Ferrières (1304), c’est-à-dire étendus aux cas d’offense contre les clercs. Cette enquête accrédite la datation du manuscrit arlésien proposée par Thierry Pécout, en fixant un terminus post quem à la rédaction du texte, qui ne peut être postérieure à 1310, et fournit un indice sur la volonté qui prévaut, dans l’entourage royal dans les années 1290-1300, d’étendre les regalia aux cas qui regardent les clercs.
  • [91]
    Ibid.
  • [92]
    Gérard Giordanengo, Vocabulaire romanisant…, art. cit., p. 259.
  • [93]
    Ibid., p. 260, n. 31.
  • [94]
    L’enquête menée en 1299 dans les territoires du bas Rhône le montre clairement. Ainsi à Mollegès, le comte possède majus dominium et justicias de offensis que sunt in caminis publicis, ecclesiis, cimiteriis et contra personas ecclesiasticas. Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 2, p. 171. Pour une étude précise de la construction juridique du domaine comtal, voir la contribution de Jean-Paul Boyer dans les actes à paraître du colloque Quand gouverner c’est enquêter, Aix-en-Provence, mars 2009, et celle de Laure Verdon au même endroit.
  • [95]
    Par exemple pour les castra de Noves et Barbentane tenus par l’évêque d’Avignon en 1299 : Dominus Avinionensis episcopus pro parte sue avinionense ecclesie tenet castra ipsa cum mero et mixto imperio et omnimoda jurisdictione pro quibus tenetur recognitionem facere modo subscripta videlicet, pro castro de Novis facere fidelitatem domino comiti verboterus sine juramento et homagio salvo jure imperii, et pro dictis castris de Berbentana et de Verqueriis, necnon pro quadam parte territorii et pertinenciis de Ayrage acquisita per dictam ecclesiam a quodam domino Petro Amici, tenetur facere fidelitatem cum juramento et homagio et recognoscere se et dictam ecclesiam promissa omnia tenere a domino comite Provincie et sub ejus majori dominio. Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 2, p. 170. Édouard Baratier définit ainsi le majus dominium : « le comte, comme représentant de l’empereur, est l’émanation du pouvoir souverain et de la puissance publique, mais il est aussi le seigneur féodal des barons et chevaliers, ses vassaux, qui tiennent de lui en fief des seigneuries, et il doit donner son consentement à l’aliénation des fiefs qui dépendent de lui » (Édouard Baratier, Enquêtes sur les droits et revenus…, op. cit., p. 46). Trois taxes sont caractéristiques de la détention de ce pouvoir : la cavalcade, la queste et l’albergue.
  • [96]
    Ibid., p. 46-47.
  • [97]
    Laure Verdon, La seigneurie en Provence au xiiie siècle : le cas d’Entraunes et Saint-Martin d’Entraunes d’après l’enquête de 1285, Rives nord-méditerranéennes, 7, 2001, p. 69-70.
  • [98]
    D’autres passages de cette enquête indiquent cette même volonté comtale de percevoir les trézains sur les parts de seigneuries aliénées. Voir, entre autres exemples, Édouard Baratier, Enquêtes sur les droits et revenus…, op. cit., n° 2, p. 235.
  • [99]
    La raison de ce geste n’est pas explicitée dans l’enquête. On peut la rapprocher, cependant, d’une volonté affirmée, à partir de 1270, par le pouvoir comtal de renforcer son contrôle sur la Provence par le biais du droit féodal, notamment par l’imposition d’un serment de fidélité à l’ensemble des sujets, prêté en 1271, et surtout par l’imposition d’un contrôle sur les aliénations de fiefs. Peut-être l’achat par Raimond Roux de Comps des parts de seigneurie de l’un des fils de Faraud de Thorame a-t-il conduit le pouvoir à prendre cette mesure.
  • [100]
    Édouard Baratier, Enquêtes sur les droits et revenus…, op. cit., n° 624, p. 373 : De Antraunis, R. Brocardus miles juravit et dixit quod majus dominium est domini comitis et habet ibi L s. provincialium pro alberga, scilicet, pro focco, XII d., et L s. provincialium pro cavalcatis ; justitias ; quistas sicut supra. De Sancto Martino, Hu. Noger et R. de Sancto Martino juraverunt et dixerunt quod majus dominium est domini comitis et habet ibi pro alberga, IIII lb., pro focco, XII d., et pro cavalcatis, IIII lb. ; quistas ; justitias secundum statuta.
  • [101]
    Ibid., n° 649, p. 380 : interrogati [Hugo Fabre et Gui(llemus) Capo] si aliquis possidens in dicto castro pro domino comite vendidit aliquid alicui, dicunt quod Gill. De San Jurs vendidit affare suum domui Pontis sine concensu ; item R. Girec vendidit nuper affare suum Po. R. Girencle sine concensu.
  • [102]
    ADBdR, B 1068, fol. 1-13.
  • [103]
    Ainsi : Poncius de Jocis de Ronionaco super primo titulo interrogatus dixit quod dictum castrum de Ronionaco est in comitatu Provincie. Interrogatus quomodo scit, dixit quod notorium est et quod dominus Raimundus Berangarius comes Provincie quondam in tempore guerre [il s’agit sans doute d’une allusion au conflit qui opposa le comte de Provence à Raimond VII de Toulouse. Raimond Bérenger V dut, en effet, mener le siège de Trinquetaille. Ce serait d’ailleurs à cette occasion qu’il aurait établi des bayles à Rognonas, selon les dires du premier témoin produit par les probi homines du lieu] ipsos de dicto loco deffendebat ab omnibus personis (fol. 4). Un autre affirme qu’il a vu Raimond Bérenger V, ou son bayle, percevoir chaque année des hommes du lieu 10 £ « de cens », et que le comte Charles continue à les toucher (fol. 5). On retrouve cette pratique dans d’autres localités qui acquièrent à prix d’argent le droit d’être placées sous la protection comtale (voir sur ce point la synthèse commode de Jean-Paul Boyer, L’éphémère paix du prince, dans Martin Aurell, Jean-Paul Boyer, Noël Coulet, La Provence au Moyen Âge, Aix-en-Provence, pup, 2005, p. 193).
  • [104]
    Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 193, n. 28 et Thierry Pécout, Raymond Bérenger V. L’invention de la Provence, Paris, Perrin, 2004, p. 30.
  • [105]
    Jean-Paul Boyer, Représentations spatiales dans les Alpes de Provence orientale. Autour d’une enquête de 1338, Storia delle Alpi, VI, 2001, p. 89-103.
  • [106]
    Intendunt probare probi homines de Ronionaco […] quod dominus comes est dominus dicti castri et eius territorii […]. Item quod homines de Ronionaco vel major pars ipsorum tenent possessiones suas et quoquid habent pro domino comite.
  • [107]
    Intendunt probare […] quod baiuli supradicti domini comitis recipunt et recipere consueverunt et recipere consueti sunt totum trezenum integre sine aliqua diminucione de omni vendicione que fiebat vel fieri solet in castro de Ronionaco et eius territorio. Item quod baiuli dicti domini comitis vel aliquis eorum receperunt trezenum de Raimundo de Aurono vel ab ambo pro eo. Item quod baiuli qui erant ibi per tempore vel sunt laudant et soliti sunt laudare omnis vendiciones que fuit in castro supradicto vel eius territorio. Item quod probi homines de Ronionaco quando emunt et vendunt in castro supradicto vel eius territorio prohabendo consensu vadunt ad baiulii supradicti domini comitis et eius consensu requirunt et ei solvunt trezenum et nulli alii homini de mundo. […] Item quod dictus dominus comes est in dicto possessione jam sunt XIIII anni vel plus vel minus secundum quod testes fuerint testificari.
  • [108]
    Rostagnus Valerianus de Ronionaco testes juratus et interrogatus super dictis intentionibus [i.e. les titres de Raimond d’Aurons] dixit quod ipse vidit et audivit quod dominus comes qui modo est a tempore quo primo venit in Provincia pro domine habuit et percepit trezenum de omnibus vendicionibus que fiebant ibidem et nullus alius.
  • [109]
    Raimundus et Petrus de Aurono fratres [ce sont les deux fils de Raimond d’Aurons, cités dans l’enquête de 1264. On peut remarquer que sa fille Cécilia ne semble plus, en revanche, détenir aucun droit sur Rognonas] tenent dictum castrum seu villam sub dominio comitis Provincie cum mero et mixto imperio, tamen habet ibi dominus comes Provincie majus dominium et cavalcatas. […] Item habet ibi dominus comes medietatem trezeni de omnibus bonis stabilibus venditis que tenentur in eadem villa et ejus territorio franca, et reliqua medietatis est dominorum ipsius ville et venditio bonorum ipsorum laudatur communiter per bajulos domini comitis et dictorum dominorum. (Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 2, p. 168.)
  • [110]
    L’enquête de 1297-99 semble indiquer, cependant, au moins pour la région du bas Rhône, que le paiement des trézains n’est pas la préoccupation première des enquêteurs. En 1333, cette question est de nouveau abordée dans l’enquête menée par Léopard de Foligno à la demande de Robert Ier , mais il s’agit de rappeler que le comte perçoit les trézains sur les terres pour lesquelles il détient le mère et mixte empire et d’affirmer, de la sorte, le pouvoir éminent du souverain. (Christine Martin-Portier, Les enquêtes domaniales…, op. cit., t. 1, p. 141-145, et Ead., À la recherche de revenus sûrs : le cas des ventes déguisées en baux emphytéotiques, au miroir de l’enquête de Charles II dans la viguerie de Tarascon en 1297-1299, Rives nord-méditerranéennes, 8, 2007, p. 35-44).
  • [111]
    Les trézains correspondent, en effet, dans cette enquête au droit de relief levé sur les fiefs. Laure Verdon, La noblesse au miroir de la coseigneurie…, art. cit.
  • [112]
    Martin Aurell résume un point de vue largement partagé en écrivant : « C’est […] sur un tout autre registre que se situent les enquêtes menées […] par l’administration angevine. Dans leur modernité, elles participent, en effet, à la construction d’un État où une masse accrue d’informations écrites rend efficace le gouvernement, l’administration et la fiscalité ». Martin Aurell, Le roi et les Baux. La mémoire et la seigneurie (Arles, 1269-1270), Provence Historique, 49, 1999, p. 49. On retrouve la même analyse sous la plume de Rodrigue Lavoie, qui souligne, cependant, l’idéologie de réforme qui sous-tend ces entreprises : Le pouvoir, l’administration et le peuple en Provence à la fin du xiiie siècle, thèse de 3e cycle inédite, Université d’Aix-en-Provence, 1969. Même point de vue également pour Gérard Giordanengo, dans : Le droit féodal…, op. cit., p. 178-179. C’est, enfin, le sens de l’analyse des ordonnances et mandements aux enquêtes de 1290 et 1294 que livre Michel Hébert dans : Les ordonnances de 1289-1294…, art. cit., et L’ordonnance de Brignoles…, art. cit. Ces deux derniers auteurs soulignent, en particulier, l’importance des transferts de biens opérés en faveur des clercs, révélés par les procès-verbaux de l’enquête menée en 1290, et s’appuient sur cet argument pour accréditer l’interprétation fiscale de l’ordonnance, en rapprochant ces mesures de celles prises par les souverains capétiens à la même époque. Gérard Giordanengo y voit, cependant également, la marque de la volonté du souverain de règlementer l’accès à la noblesse par la voie de l’achat de fief : « La concomitance avec des mesures similaires prises par le roi de France dès 1275 puis par celui d’Angleterre est remarquable et sans doute on a là une imitation de la part de la cour royale napolitaine de la pratique française qui a connu le succès que l’on sait dans la levée des droits d’amortissement et de franc-fief dans un pays où le problème de l’ampleur des transferts, tant pour les biens nobles passant aux roturiers que pour les biens de toute nature tombant en mortes mains, se posait avec acuité. En Provence aussi, aux implications financières s’allie un désir d’ordre social que l’on ne peut négliger ». (Le droit féodal…, op. cit., p. 179). Plus récemment, cet auteur est revenu sur cette question en soulignant les conséquences politiques de ces achats de fiefs, qui peuvent impliquer l’accès à l’exercice de la juridiction du mère empire : « Choqué en effet de ce que de riches marchands et autres non nobles achetaient des castra et des juridictions, le roi donnait ordre de leur faire vider les mains dans l’année sous peine de confiscation, ce qui était trop radical. En vertu de ces ordonnances, une enquête générale fut effectuée dans l’ensemble du comté, mais quelques baillies et vigueries échappèrent au zèle des enquêteurs. Si les terres passées aux mains des clercs sont nombreuses, les vrais fiefs [i.e. ceux qui comportent château et juridiction] passés aux mains de roturiers sont très rares et de peu d’importance, aucune seigneurie, aucun castrum, seulement quelques droits juridictionnels secondaires, sans merum et mixtum imperium, que l’on saisit sans hésiter » (Gérard Giordanengo, Qualitas illata…, art. cit. Il nous semble, en effet, que l’on ne peut confondre les objectifs poursuivis par l’ordonnance avec les résultats de l’enquête. Il faut également remarquer que la mesure prise par le comte en 1289, la restitution dans l’année des fiefs aliénés à des non nobles, n’est qu’une stricte application d’un article des Libri feudorum relatif à la tenue du fief pour lequel l’investiture est douteuse : L.F., 1, 25 : Si aliquis in possessione feudi sit, de quo dominus dicit cum investitum non fuisse […]. Haec autem ita sunt tenenda, si per annum sciente domino et non contradicente in possessione feudi permanserit, alioquin justa ignorantia vel parvi temporis negligentia cum iniquae possessionis perjurio domino quandoque damnum affert. La question du délai d’une année au-delà duquel la commise est déclarée se trouve également exposée au titre 54 du livre 2, consacré aux aliénations effectuées sans le consentement du seigneur. Ce titre est issu de la législation émise par Frédéric Ier à Roncaglia, dont l’ordonnance de mai 1294, et vraisemblablement aussi celle de 1289, s’inspire : L.F., 2, 54 (55) : […] Si quis infeudatus [i.e. celui qui a acquis le fief aliéné par le vassal] major quatuordecim annis, sua incuria vel negligentia per annum et diem steterit, quod feudi investituram a proprio domino non petierit, transacto hoc spatio, feudum amittat et ad dominum redeat.
  • [113]
    Sur la comparaison que l’on peut tenter d’établir entre ces deux types de sources qui relèvent, a priori, d’une même logique comptable, voir les remarques de Thierry Pécout dans : Les actes de reconnaissances…, art. cit., p. 278-279.
  • [114]
    Sur ce sujet, voir Michel Hébert, L’ordonnance de Brignoles…, art. cit.
  • [115]
    Ibid., p. 45.
  • [116]
    Id., Les ordonnances de 1289-1294…, art. cit., p. 47.
  • [117]
    Jean-Paul Boyer, De force ou de gré. La Provence et ses rois de Sicile (milieu xiiie siècle-milieu xive siècle), dans Noël-Yves Tonnerre et Élisabeth Verry (dir.), Les Princes angevins du xiiie au xve siècle. Un destin européen, Rennes, pur, 2003, p. 33-42, ici p. 31-33. Seule Christine Martin-Portier, dans le commentaire donné à l’édition des enquêtes de 1297-99 et 1333 menées dans les vigueries de Tarascon et Avignon, émet un avis plus nuancé, en soulignant l’importance, dans ces actes, de la question de l’exercice du mère empire et de la nécessaire clarification des droits de justice à laquelle les enquêtes apportent une contribution décisive.
  • [118]
    Sur cette question, voir notamment Patrick Gilli, Culture politique et culture juridique chez les Angevins de Naples (jusqu’au milieu du xve siècle), dans Les Princes Angevins…, op. cit., p. 131-154. Jean Kerhervé, en introduction à son article sur les enquêtes ducales en Bretagne au xve siècle, établit une distinction entre ce qu’il nomme des enquêtes purement administratives, et les enquêtes ayant une portée plus idéologique et politique : « Les unes, qui sont les plus nombreuses et les mieux étudiées, concernent l’action des gens du pouvoir et leurs relations avec les sujets ; elles visent aussi à mieux connaître le Domaine où à inventorier la matière fiscale ; ce sont des enquêtes administratives au sens plein du terme. Les autres s’intéressent aux droits et aux devoirs du souverain, examinés de manière beaucoup plus théorique. Plus rares et moins étudiées, elles cherchent à préciser l’origine, les fondements et la nature du pouvoir princier. Elles quittent donc le champ de l’administratif pour celui du politique. » (Jean Kerhervé, Les enquêtes sur les droits « royaux et ducaux » de Bretagne aux xive et xve siècles, dans Information… op. cit., p. 405-425, ici p. 405.) Les enquêtes provençales nous semblent plutôt ressortir de cette seconde catégorie, comme le suggère l’étude des sources d’inspiration juridique de ces textes.
  • [119]
    La présence d’une citation du Corpus juris civilis, même si elle n’est pas clairement identifiée comme telle dans le document, invite, en elle-même, à s’interroger sur l’intention politique du souverain et sur l’influence qu’ont pu exercer les juristes de son entourage dans la conception et l’écriture de cette ordonnance. « On ne rencontre d’innombrables citations du Corpus juris civilis que dans les textes spécialisés, œuvres d’universitaires destinées avant tout à l’enseignement : gloses, apparats ou lectures, sommes, questions, répétitions, traités. De très nombreux manuels de procédure ou ordines judiciarii et des consultations juridiques (consilia) assurent la liaison avec la pratique par le canal des tribunaux » (Gérard Giordanengo, Droit romain, dans Jacques Berlioz (dir.), Identifier sources et citations, Turnhout, Brepols, « L’Atelier du médiéviste », 1, 1994, p. 128). Le fait n’est cependant pas isolé dans la législation angevine : ainsi, dès 1274, une ordonnance napolitaine de Charles Ier s’ouvre sur une citation d’une Authentique de Justinien (Gérard Giordanengo, Arma legesque collo…, art. cit., p. 54 et n. 64).
  • [120]
    ADBdR, B 1083, fol. 1-1v ; B 263, fol. 31v. Le texte est reproduit dans Michel Hébert, Les ordonnances de 1289-1294…, art. cit., p. 51, n. 20.
  • [121]
    L.F., 2, 54 (55) De prohibita feudi alienatione per Fredericum, éd. Karl Lehmann, Das langobardische Lehnrecht, Göttingen, 1896, p. 180, et M.G.H., Leges, sectio IV, Constitutiones et acta publica imperatorum et regum, t. I, n° 177, p. 248. Cette citation des Libri feudorum a été repérée par Gérard Giordanengo qui n’en tire cependant aucune conclusion quant à l’idéologie souveraine qui la sous-tend, alors qu’il souligne, par ailleurs, que la seule mesure nouvelle prise par Charles II en Provence concerne « les roturiers possesseurs de fiefs à qui l’on veut faire vider les mains » (Arma legesque collo…, art. cit., p. 54, 60 et 73). Il est vrai que cette remarque se rapporte plutôt, sous la plume de cet auteur, à l’ordonnance de septembre 1289 qu’à celle de mai 1294, bien que le sens général de ces deux actes nous paraisse similaire. Gérard Giordanengo voit dans les mesures prises en 1289 une imitation directe de la législation capétienne sur les francs-fiefs, alors que l’influence du Corpus juris civilis lui semble plus probante pour celle de 1294.
  • [122]
    L.F., De prohibita feudi alienatione per Fredericum : Quapropter dum ex praedecessorum nostrorum more universalis curiae Roncaliae pro tribunali sederemus, a principibus Italicis, tam rectoribus ecclesiarum, quam aliis fidelibus regni non modicas accepimus quaerelas, quod beneficia eorum et feuda, quae vasalli ab eis tenebant, sine dominorum licentia pignori obligaverant, et quadam collusione nomine libelli vendiderant, unde debita servitia amittebantur et honor imperii et nostrae felicis expeditionis complementum minuebatur. […] Hac edictali, Deo propitio, perpetuo valitura lege sancimus, ut nulli liceat feudum totum vel partem aliquam vendere, vel pignorare, vel quocumque modo alienare, vel pro anima judicare sine permissione illius domini, ad quem feudum spectare dignoscitur.Ordonnance de septembre 1289 (François-Paul Blanc, L’apparition du droit régalien d’anoblissement en Provence au xiiie siècle, Provence Historique, 23, 1973, p. 92, n. 85, d’après un vidimus de la cour de Puget-Thénier daté de février 1290, ADBdR, B 147, fol. 56r) : Cum nonnulli mercatores et certe persone non generose, castra, villas et jurisdictiones diversas diversis titulis aquisierint in comitatibus Provincie et Forcalquerii, hinc retro a personis nobilibus seu etiam generosis ; et inde nostra curia servitiis debitis, quae nobiles et militares persone tenentur et debent facere, defraudatur.Ordonnance de mai 1294 : Sane fidedigno relatu plurium intelleximus quod nonnulli, propriis comodis in aliorum preiudicium inhiantes, possessiones et iura in comitatibus nostris Provincie et Forcalquerii et terris aliis convicinis nostro subiectis dominio constituta, que non possunt titulo vendicionis vel alio consimili sine curie nostre vel aliorum consensu transferi et pro quibus prestandum est trezenum seu laudimium curie nostre vel aliis cum possessiones ipse vel iura titulo venditionis vel alio consimili transferuntur, presumunt concedere sive transferre sine consensu predicto et nullo prestito laudimio seu trezeno, recepta pro ipsis possessionibus seu iuribus magna quantitate pecunie ac retento alio censu modico in eisdem seu etiam pro eisdem. Nos igitur huiusmodi calliditatibus obviantes et attendentes quod tales contractus naturam venditionis sapiunt […] prohibemus hoc edicto in perpetuum valituro tales contractus in comitatibus et terris predictis de cetero fieri sine consensu illorum quorum consensus in venditione foret requirendus.
  • [123]
    Romualdo Trifone, La legislazione angioina, Naples, 1935, p. CLXII-CLXV.
  • [124]
    M.G.H., Leges, sectio IV, t. I, n° 120, Constitutio de feudorum distractione, p. 175-176. Le texte, daté de novembre 1136, se trouve également reproduit dans la Lombarda (L.L., IV, p. 639) et dans les Libri Feudorum (L.F., 2, 52, De prohibita feudi alienatione per Lotharium, p. 175-176.) On y trouve les mêmes préoccupations que dans le texte de 1156 : Per multas enim interpellationes ad nos factas didicimus, milites beneficia sua passim distrahere, a cita omnibus exhaustis suorum seniorum servitia subterfugere, per quod vires imperii maxime attenuatas cognovimus, dum proceres nostri milites suos omnibus beneficiis exutos ad felicissimam nostri numinis expeditionem minime transducere valeant. Sur la liaison entre droit féodal et Lombarda, voir Gérard Giordanengo, Le droit féodal…, op. cit., p. 125, n. 59.
  • [125]
    Id., Les féodalités italiennes, dans Jean-Pierre Poly, Éric Bournazel (dir.), Les féodalités, Paris, puf, 1998, p. 219.
  • [126]
    M.G.H., Leges, sectio IV, n° 148-149, Constitutiones feudales Roncaliae editae, en particulier n° 148 : Constitutio contra feudorum distractionem et de causis feudi amittendi. C’est à l’occasion de la diète tenue en 1154 qu’est produite la norme concernant l’interdiction de l’aliénation des fiefs sans autorisation. L’empereur aurait personnellement pris part à la discussion juridique sur ce point, si l’on en croit le juriste lombard Bulgarius présent lors de cette assemblée (Ennio Cortese, Il rinascimento giuridico medievale, Rome, 1996, p. 49 et n. 138).
  • [127]
    Sur ce personnage voir : Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique, 16, 1967, p. 1287-1288 et Gérard Giordanengo, Lexikon des Mittelalters, 4, 1989, p. 397-398.
  • [128]
    Marie-Hélène Julien de Pommerol et Jean Monfrin, Bibliothèques ecclésiastiques au temps de la papauté d’Avignon, II, Paris, 2001, p. 52-54.
  • [129]
    Le comte peut, d’ailleurs, octroyer l’exercice du mère empire en récompense de services rendus ou contre monnaie. Ainsi, en 1306, Charles II cède à Rostaing Gantelme le mère empire sur son castrum en échange d’un versement annuel de 10 onces. R. Moscati, Feudalità napoletana nel periodo angioino, Archivio storico per le province napoletane, 20, 1934, p. 233-234, n. 3 et 5. Voir aussi sur cette question Thierry Pécout, Les mutations du pouvoir seigneurial…, art. cit., p. 71-87.
  • [130]
    Pierre Racine, Aux origines…, art. cit., p. 366.
  • [131]
    Pour une présentation neuve et séduisante des motivations possibles des réflexions entamées par les légistes dès le xiie siècle sur la notion de propriété, voir Alain Boureau, La religion de l’État. La construction de la République étatique dans le discours théologique de l’Occident médiéval (1250-1350), Paris, Les Belles Lettres, 2006, p. 270-282.
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