Couverture de RHIS_094

Article de revue

La rencontre Brejnev-Nixon de 1972 et la culture de guerre froide soviétique

Pages 897 à 914

Notes

  • [1]
    Voir les synthèses de Wilfried Loth, Overcoming the Cold War. A History of Détente, 1950-1991 (New York, Palgrave, 2002), et de Vladislav Zubok, A Failed Empire. The Soviet Empire in the Cold War from Stalin to Gorbachev (Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2007, p. 215-229). Dans les travaux pionniers, mentionnons le travail d’Anne de Tinguy, USA-URSS, la détente (Bruxelles, Complexe, 1985). Voir aussi : Keith L. Nelson, Nixon, Brezhnev and détente, Peace and Change, 16 (2), 1991, p. 197-219. En russe, sont particulièrement importants les actes d’une conférence de juin 2002 tenue à Moscou, publiés sous le titre : La guerre froide et la politique de détente : questions en débat, Natalia Egorova (dir.), 2 vol. (Kholodnaïa voïna i politika razriadki : diskussionnye problemy, I, II), Moscou, Académie des Sciences de Russie, 2003. Des documents américains figurent sur le site du National Security Archive : hhttp:// www. gwu. edu/ nsarchiv/ NSAEBB/ NSAEBB60/ index.html (site consulté en juin 2009). Surtout, plusieurs volumes de documents de la période 1969-1976, issus des archives du MId et du département d’État américain, ont été publiés dans les deux pays. En Russie, deux volumes sur quatre prévus ont été publiés, couvrant la période 1969-1972 : Les relations soviéto-américaines / Les années de détente, 1969-1976. Recueil de documents (Sovetsko-amerikanskie otnochenia. Gody razriadki, 1969-1976. Sbornik dokumentov), livre 1 (1969-1971) et livre 2 (janvier-mai 1972), Moscou, Relations internationales, 2007
  • [2]
    Voir la note du 3 juin 1972 dans le journal de l’intéressé, publié dans Une sortie commune (Sovmestny iskhod), Moscou, Rosspen, 2008, p. 20. Plus loin : Tcherniaev, 2008.
  • [3]
    Anatoli Tcherniaev, Ma vie et mon temps (Moïa jizn i moe vremia), Moscou, Relations internationales, 1995, p. 290. Plus loin : Tcherniaev, 1995.
  • [4]
    La théorie de la convergence se développe à partir des années 1950, en URSS (chez les dissidents comme Andreï Sakharov) et surtout en Occident (voir, entre autres, les sociologues américains d’origine russe Nikolaï Timachef et Pitrim Sorokine), et postule que les différences idéologiques entre régimes communismes et démocratiques sont vouées à s’estomper à la faveur de l’industrialisation. Chez les universitaires occidentaux, elle postule également une « équivalence morale » entre le modèle américain et soviétique.
  • [5]
    Tcherniaev, 2008, p. 19-20.
  • [6]
    L’expression a été préférée à celle de « révolution culturelle », utilisée par des historiens de l’URSS tels Sheila Fitzpatrick et selon nous trop attachée au contexte du premier Plan quinquennal (voir l’ouvrage classique tiré d’une conférence qu’elle a dirigée : Cultural Revolution in Russia, 1928-1931, Bloomington, Indiana University Press, 1978).
  • [7]
    Cette tentative d’histoire-généalogie ne prétend pas à l’exhaustivité dans l’étude des discours de guerre froide dans les médias. Elle se limite, pour l’essentiel, aux imprimés les plus visibles et se concentre sur les discours anti-américains (dans l’article, l’expression « propagande anti-américaine » est utilisée comme équivalent, même s’il s’agit d’une simplification). De même, cet article n’étudie pas toute la période de détente, mais l’année 1972, considérée comme symptomatique. Il a cependant l’ambition d’ouvrir des pistes de réflexion en vue d’un autre récit de la guerre froide.
  • [8]
    Anatoli Dobrynine, En confidence. Ambassadeur à Washington pendant six présidences, 1962-1986 (Sugubo doveritelno. Posol v Vachingtone pri chesti prezidentakh, 1962-1986), Moscou, Avtor, 1996, p. 186 et 201-203. L’ouvrage est également paru en anglais (University of Washington Press, 2001).
  • [9]
    Sténogramme de la discussion sur la question de la préparation du discours inaugural du Comité central du PCUS (plus loin : CC) au XXIVe Congrès, 5 février 1971. Remarques sur le discours, Zavidovo, in Vestnik arkhiva prezidenta rossiïskoï federatsii. Spetsialnoe izdanie. Generalny sekretar L. I. Brejnev, 1964-1982 (numéro spécial consacré à Léonid Brezhnev), Moscou, 2006, p. 103. Plus loin : Vestnik.
  • [10]
    Anatoli Dobrynine, op. cit., p. 235-236 et 240.
  • [11]
    RGANI (Archives nationales de Russie d’histoire contemporaine, Moscou) : 5 (fonds) / 63 (inventaire) / 106 (dossier) / 13-23 (folios). Rapport de la représentation permanente d’URSS près l’ONU du 2 mars 1971 par Ya. Malik : « Sur certaines orientations de la propagande américaine à la veille du XXIVe Congrès du PCUS et nos contre-mesures ».
  • [12]
    RGANI : 5/63/106/199-204. Note de l’ambassade soviétique à Washington du 12 novembre 1971, signée par le conseiller pour l’information A. Evstafiev, responsable du bureau d’APN (Agence Novosti), conseiller G. Isatchenko. Ce dossier comporte de très nombreuses notes (de routine) de l’ambassade dont : « Analyse des orientations actuelles de la propagande américaine » (octobre-novembre 1971) (f. 209-212).
  • [13]
    RGANI : 5/64/94/1-4. Lettre de l’ambassade soviétique de Washington du 31 décembre 1971 du conseiller pour l’information A. Evstafiev : « Principales orientations et tendances dans l’action de la propagande américaine (décembre 1971) ». Le traitement des Juifs en Russie est une pomme de discorde ancienne, qui remonte à l’époque tsariste. Après 1945, l’antisémitisme de la population est instrumentalisé par Staline et devient, sous le vocable « antisionisme », une politique récurrente, dont l’une des formes est le refus d’octroi de visa. Dans les années 1970, cette question revient à l’ordre du jour dans le contexte de la stratégie du « linkage » de l’administration Nixon – le fait de lier deux problèmes de nature différente à des fins diplomatiques – et de la pression d’élus comme Henry Jackson (voir Pauline Peretz, Le combat pour les Juifs soviétiques. Washingon, Moscou, Jérusalem, 1953-1989, Paris, Armand Colin, 2006).
  • [14]
    Vestnik, réunion du 10 novembre 1966, p. 60-67.
  • [15]
    RGANI : 5/63/90/194-195. Lettre au CC du 11 mai 1971 signée par Alexandre Tchakovski, rédacteur en chef de la Literaturnaïa gazeta.
  • [16]
    RGANI : 5/63/90/196. Note d’information interne du CC du 11 juin 1971, signée par le directeur adjoint du Département propagande du Comité central (plus loin : DP) Smirnov et le responsable du secteur du département Zoubkov.
  • [17]
    RGANI : 5/64/77/19-22. Lettre du 11 février 1972 de Romanov (Glavlit) à Demitchev (ministre de la Culture). La liste avait été fixée par un arrêt du CC du 2 septembre 1971.
  • [18]
    RGANI : 5/64/77/25. Lettre signée de Iakovlev et Zoubkov.
  • [19]
    RGANI : 5/64/94/34. Note (secrète) en réponse du directeur adjoint du DP G. Smirnov, et du directeur adjoint du département international R. Oulianovski.
  • [20]
    RGANI : 5/64/94/21-23. Note sans titre du 7 février 1972 sur la position soviétique dans le conflit indo-pakistanais.
  • [21]
    RGANI : 5/63/104/230-235. Protocole du 24 juin 1971. Arrêt de la direction d’APN sur les opérations destinées à mettre en œuvre l’ordre de renforcer le travail d’information et de propagande en direction des États-Unis. Signé par le chef de la direction de Novosti, I. Oudaltsov.
  • [22]
    Pravda, 1er et 4 janvier 1972.
  • [23]
    Ibid., 4 mars 1972.
  • [24]
    Ibid., 10 mai 1972.
  • [25]
    Ibid., 9 et 15 mars 1972.
  • [26]
    RGANI : 5/64/98/33-59. Lettre de Iouri Khiltsevski, secrétaire du comité syndical du syndicat des institutions soviétiques à New York du 10 avril 1972 à Iakovlev, qui remplit alors les fonctions de directeur du DP. La réponse, datée également du 10 avril, indique que le matériau du MId a été utilisé.
  • [27]
    Pravda, 10 février 1972.
  • [28]
    Ibid., 26 février 1972. Rappelons que le schisme sino-soviétique est officiel depuis 1963.
  • [29]
    Ibid., 31 mai et 2 juin 1972.
  • [30]
    Ibid., 3 juin 1972.
  • [31]
    RGANI : 5/64/71/202-213. Note du 14 juin 1972 « Sur le plan de mesures pour l’amélioration de l’éducation morale » par Iakovlev, Trapeznikov, Chaouro (les deux derniers étant respectivement responsables des départements « Science et éducation » et « Culture »). Le 12 octobre 1972, Iakovlev écrit que « les départements ont l’intention d’informer le CC dans peu de temps sur le cours de l’exécution du plan ».
  • [32]
    Vladislav Zubok, « The Brezhnev Factor in Detente, 1968-1972 », dans La guerre froide et la politique de détente, op. cit. (n. 1), vol. 1, p. 284-315.
  • [33]
    RGANI : 5/64/94/144-147. Note du 10 juin 1972 sur les principales tendances dans la propagande et l’opinion publique des États-Unis après la rencontre soviéto-américaine à Moscou.
  • [34]
    RGANI : 5/64/77/233. Note au CC du 22 septembre 1972, signée par le rédacteur en chef de la Pravda, Zimianine.
  • [35]
    RGANI : 5/64/99/72. Note du KGB près le Conseil des ministres (directeur adjoint Tchebrikov) du 18 août 1972 au CC. Mention sur la note : « Très secret ».
  • [36]
    RGANI : 5/63/104/59-70. Note de rapport à Souslov du 14 juin 1971.
  • [37]
    RGANI : 5/63/104/71-72. Note du CC sur la lettre du 13 août 1971, signée par le directeur adjoint du département de la science et des institutions éducatives, E. Tchekharine, et le directeur adjoint du département international du CC, Vadim Zagladine. Les arrêts en question sont « Sur le renforcement du travail d’information et de propagande en direction des États-Unis » du 2 mars 1971 et « Sur l’ISKAN d’URSS » du 1er octobre 1968.
  • [38]
    RGANI : 5/64/134/81-90. Directeur du comité pour la cinématographie près le Conseil des ministres d’URSS A. Romanov au CC, 18 avril 1972. Note sur les liens entre l’URSS et les États-Unis dans le domaine du cinéma.
  • [39]
    RGASPI : 1/34/686/97. Sténogramme de la réunion des employés du cinéma, Moscou, 4 avril 1973. « Les objectifs des employés du cinéma pour la réalisation de l’arrêt du CC du PCUS “Sur les mesures pour la poursuite du développement du cinéma soviétique” ». Le film L’Aveu (Costa-Gavras, 1971) reconstitue, avec des personnages fictionnels, le procès de Rudolf Slanski à Prague en 1952. Les protagonistes sont interprétés par Yves Montand et Simone Signoret, deux anciens « compagnons de route » passés dans le camp adverse, et donc voués aux gémonies en URSS.
  • [40]
    RGANI : 5/64/92/17-24. Lettre de Iakovlev au CC du 3 février 1972 sur le contenu des questions reçues par les lecteurs du DP en 1971.
  • [41]
    RGANI : 5/64/71/194-201. Note interne au CC du 31 mai 1972 de Iakovlev.
  • [42]
    RGANI : 5/64/92/132. Note interne du 19 juin 1972 sur le contenu des questions reçues par les lecteurs du DP) en mai-juin 1972.
  • [43]
    RGANI : 5/64/92/132-133. Ibid.
  • [44]
    RGANI : 5/64/92/132. Note interne du 19 juin 1972 sur le contenu des questions reçues par les lecteurs du DP en mai-juin 1972.
  • [45]
    Tcherniaev, 1995, p. 290.
  • [46]
    RGASPI : 3/8/295/108, 112-114. Matériaux sur la préparation et le déroulement de la rencontre de la jeunesse soviétique et américaine à Minsk, du 25 au 28 juin 1972. Rapport du travail du cinquième groupe de discussion. Rapport sur la rencontre de Minsk de 1972 par le consultant A. Bevz de l’ISKAN.
  • [47]
    Le lend-lease, programme d’aide américain (« prêt-bail », en français), voté en mars 1941, consiste à fournir à un ensemble de pays alliés du matériel de guerre. L’URSS, qui bénéficie déjà d’une aide après l’invasion du 22 juin 1941, en profite pleinement à partir du mois d’octobre. Les accords prévoient que le matériel détruit ou utilisé pendant le conflit ne fera pas l’objet d’un remboursement, à l’inverse des biens intacts pouvant être utilisés par l’industrie civile après la guerre.
  • [48]
    RGANI : 5/64/92/132. Note interne du 19 juin 1972 sur le contenu des questions reçues par les lecteurs du DP en mai-juin 1972. RGANI : 5/66/160/15-19. Lettre de Iakovlev au CC du 8 janvier 1973 et questions posées aux lektory en novembre-décembre 1972.
  • [49]
    Voir Andreï Kozovoï, « Eux et nous : les États-Unis et la guerre froide dans les blagues politiques soviétiques », Cahiers du monde russe, 47/3, juillet-septembre 2006, p. 137-152.
  • [50]
    RGANI : 5/66/160/97-103. Note de Iakovlev au CC du 29 novembre 1973, questions d’octobre-novembre 1973.
  • [51]
    A. G. Aïrapetov, « La détente et l’opinion publique de la province russe (un essai de micro-histoire) » dans La guerre froide et la politique de détente, op. cit. (n. 1), vol. 2, p. 54-64.
  • [52]
    RGASPI : 1/34/601/86-87. Sténogramme du 2 novembre 1972 (deuxième jour de la conférence) de la section « Formation d’une vision du monde marxiste-léniniste de la jeunesse » dans la conférence sur le XXIVe Congrès et les problèmes actuels de l’éducation de la jeunesse, Moscou.
  • [53]
    Voir l’intervention de Vorontsov à la conférence citée dans la note précédente (RGASPI : 1/34/601/107-110). Voir aussi la rencontre des membres du bureau du CC du komsomol (plus loin : VLKSM) du 19 avril 1973 avec les rédacteurs des périodiques du komsomol dans un rapport signé de Tiajelnikov (RGASPI : 1/34/734/4).
  • [54]
    RGASPI : 1/34/798/53. Courrier de Pioner de février 1974 (rapport daté du 6 mars 1974).
  • [55]
    RGASPI : 1/34/649/13. Rapports de la Pionerskaïa pravda (plus loin : PP) et de la presse de jeunesse sur les lettres des lecteurs en 1972. La mention de « pionniers » trahit ici une ignorance qui reflète bien celle des adultes, qui projettent aussi fréquemment leur univers sur le système américain.
  • [56]
    L’anthropologue Alexei Yurchak, qui étudie les discours de la dernière génération soviétique, révise entièrement la grille de lecture binaire (intentions montrées/réelles, acceptation/refus du système, politisation/apolitisme) de la société soviétique (Everything was forever, until it was no more. The Last Soviet Generation, Princeton, Princeton University Press, 2005, p. 4-8). Nous nous en tenons ici aux interprétations traditionnelles des discours.
  • [57]
    RGASPI : 1/34/734/123. Courrier de Vokrug sveta (Autour du monde), septembre 1973.
  • [58]
    RGASPI : 1/34/649/12. Rapports de la PP et de la presse de jeunesse sur les lettres des lecteurs en janvier-juillet 1972.
  • [59]
    RGASPI : 1/34/797/77. Courrier du Studentcheski meridian (Le Méridien de l’étudiant) du 5 mars 1974.
  • [60]
    RGASPI : 1/34/649/86-87. Courrier de Rovesnik. Lettres de Kazan d’août 1972.
  • [61]
    RGASPI : 1/34/734/32-33. Note sur le courrier de la PP de janvier-février 1973.
  • [62]
    RGASPI : 1/34/798/49. Courrier de Pioner, janvier 1974 (6 février 1974). Référence à « Un peuple trompé », article paru dans le no 1 de 1974.
  • [63]
    RGASPI : 1/34/734/120. Courrier d’Autour du monde, juin 1973.
  • [64]
    Voir, par exemple, RGASPI : 1/34/649/95. Courrier de Rovesnik. Décembre 1972. RGASPI : 1/34/734/32-33. Note sur le courrier de la PP de janvier-février 1973. RGASPI : 1/34/797/112. Courrier de Rovesnik, juin 1974.
  • [65]
    Voir le travail classique de Timothy Ryback : Rock around the Block : A History of Rock Music in Eastern Europe and Soviet Union, 1954-1989, Oxford, Oxford University Press, 1990.
  • [66]
    RGASPI : 1/34/797/108. Courrier d’Autour du monde, janvier 1974.
  • [67]
    RGANI : 5/64/92/17-18. Lettre du 3 février 1972 de Iakovlev au CC sur le contenu des questions reçues par les lecteurs du DP du CC du PCUS en 1971.
  • [68]
    RGASPI : 1/34/797/115. Courrier de Rovesnik, septembre 1974.
  • [69]
    RGASPI : 1/34/734/134-135. Lettre de « Mikhaïl » du 3 janvier 1973.
  • [70]
    RGASPI : 1/34/756/35-37. Lettre de Mikhaïl Moukhine, Moscou, 27 juin 1974.
  • [71]
    Rovesnik se traduit par « personne du même âge ». Dans le rapport du courrier de juin 1974 mentionné précédemment, le lecteur du service de propagande du VLKSM annote au crayon : « Le périodique ne serait-il pas en cause dans cette curiosité ? Demandez des copies des lettres. »
  • [72]
    Comme le signale une mention manuscrite en haut de la lettre de « Mikhaïl ».
  • [73]
    RGASPI : 1/34/608/27. Sténogramme du 2 novembre 1972 (deuxième jour de la conférence) de la section « Formation d’une vision du monde marxiste-léniniste de la jeunesse » dans la conférence « Le XXIVe Congrès et les problèmes actuels de l’éducation de la jeunesse », Moscou. Intervention de Ramazonov.
  • [74]
    Voir The Soviet perception of the American “Negro Question”, dans Allison Blakely, Russia and the Negro : Blacks in Russia History and Thought, Washington, Howard University Press, 1986, p. 105-121.
  • [75]
    RGANI : 5/63/104/1-6. Note du CC du 20 janvier 1971 sur la publication à l’étranger de matériaux d’APN suite à la campagne de défense de la communiste américaine Angela Davis. Note signée par le directeur d’APN, I. Oudaltsov.
  • [76]
    RGANI : 5/64/77/79. Lettre du 3 mai 1972 d’Arbatov, directeur de l’ISKAN, à Iakovlev. Le directeur de l’ISKAN fournit une annexe de 15 pages très détaillée en explications (f. 80-92).
  • [77]
    RGASPI : 3/8/431/152, 162-165.
  • [78]
    RGASPI : 1/34/649/12. Rapports de la PP et de la presse de jeunesse sur les lettres des lecteurs en 1972.
  • [79]
    Voir Andreï Kozovoï, « Pour ou contre l’Amérique : le courrier des jeunes Soviétiques et la propagande de guerre froide », La Revue russe, 32, 2009, p. 151-163.
  • [80]
    Un exemple parmi d’autres de ce type de rassemblement « spontané » est décrit par Eric Shiraev et Vladislav Zubok dans Anti-Americanism in Russia : From Stalin to Putin, New York, Palgrave, 2000, p. 7-8.
  • [81]
    Http://masterstudio.narod.ru/bucher/bucher4/devis.htm. Site consulté en juin 2009.
  • [82]
    RGASPI : 1/34/734/135. Lettre de 1973 de Mikhaïl Moukhine vue ci-dessus (n. 71).
  • [83]
    Voir le début de sa biographie sur hhttp:// www. tonnel. ru/ ? l= gzl&uid= 521. Site consulté en juin 2009.
  • [84]
    Note d’Aleksandrov à Brezhnev du 20 octobre 1972, Vestnik, p. 115.
  • [85]
    Tcherniaev, 1995, p. 299.
  • [86]
    Ibid., p. 290.

INTRODUCTION. UN TOURNANT DE GUERRE FROIDE

1En cette après-midi du lundi 22 mai 1972, la réception du président américain Richard Nixon à l’aéroport de Vnoukovo, près de Moscou, est plutôt fraîche. Le secrétaire général Léonide Brejnev est absent. Dans les rues de la capitale, pas de Moscovites qui accueillent l’hôte de marque en agitant des drapeaux et en criant « Vive l’amitié ! », comme le veut la tradition. Mais la fraîcheur ne dure pas. Après un premier échange verbal entre les dirigeants des deux superpuissances rivales, la glace est brisée. Suit une semaine « miraculeuse ». Le nombre important d’accords signés, non seulement dans le domaine militaire (tout d’abord SALT I qui porte sur les armements nucléaires de longue portée, les missiles balistiques), mais aussi dans les domaines économique et culturel, transcende un contexte pourtant peu propice – les États-Unis et l’URSS s’affrontent alors par procuration au Vietnam. Tel est le récit, dans l’historiographie de la guerre froide, du moment fondateur de la période de détente entre les États-Unis et l’URSS [1].

2À la différence des considérations sur la nature systémique de la guerre froide, qui tendent à replacer cet épisode dans une série de cycles « ascendants » du conflit Est-Ouest (dont le précédent est le « dégel » khrouchtchévien), ou de la vision de la détente comme la manifestation du cynisme de la Realpolitik soviétique et américaine, nous considérons au contraire que le tournant de 1972 mérite une attention soutenue, si l’on se place dans la perspective téléologique de la disparition de l’URSS en 1991. La rencontre met bien en évidence les luttes d’influence au sein du Kremlin et au sein de la machine de propagande soviétique. Elle crée chez les partisans du changement le sentiment qu’une page se tourne. Anatoli Tcherniaev, l’adjoint de Boris Ponomarev au département international du Comité central (et futur bras droit de Gorbatchev), écrit dans son journal qu’avec la rencontre Nixon-Brejnev « le Rubicon a été franchi » et que, de cette rencontre, les historiens vont dater le début de « l’ère de la convergence » [2]. Il éprouve alors un véritable sentiment d’euphorie, comme il l’écrira lui-même, plus de vingt ans plus tard [3].

3Cette « ère de la convergence » [4] est appelée à prendre place, aussi, dans le domaine des discours. Pour Tcherniaev, la langue utilisée pour parler de la rencontre dans la presse soviétique est une « langue idéologique », corollaire indispensable de la légitimité de l’URSS, qui se présente comme une puissance idéologique au monde extérieur et à sa population. « Aujourd’hui, notre presse a arrêté sa campagne contre l’impérialisme [américain]. C’est bien évidemment une situation qui découle de la conjoncture diplomatique, mais un jour [je souligne] elle deviendra une réalité permanente », note-t-il [5].

4En appelant à la modification de la langue des médias officiels, Tcherniaev n’appelle pas tant à la fin de la guerre froide (il est alors un communiste convaincu) qu’à une mutation de celle-ci, à un véritable tournant culturel [6]. Appréhender la possibilité de la détente et son échec à partir d’une étude des discours officiels et non plus des relations diplomatiques soviéto-américaines nous apparaît dès lors un angle d’attaque pertinent. La notion de culture de guerre froide, comprise ici comme l’ensemble des discours sur l’Occident, élaborés dans un contexte de stratégies souvent concurrentes, énoncés dans les médias (presse, radio, télévision et cinéma) et reçus (réappropriés et/ou réinterprétés) par la population, s’avère un outil euristique fécond en ce sens. Cette culture, née sous Staline, constitue en effet un pilier important de l’identité soviétique et son évolution appartient de plein droit à l’histoire de l’URSS après 1945. Au final, cet article sous forme d’essai tente d’inscrire la détente dans la problématique d’un tournant culturel inachevé [7].

UN TOURNANT CULTUREL ATTENDU

5Les mémoires des protagonistes nous apprennent que la rencontre de mai 1972 représente l’aboutissement de trois années de dialogue à bâtons rompus et de beaucoup d’arrière-pensées [8]. Encore en 1971, Brejnev qualifie Nixon de « plus grand démagogue que les Américains aient connu » [9] devant ses pairs du Politburo. Mais, une fois sa première discussion avec le président américain achevée, le secrétaire général affirme que Nixon est un homme « avec qui l’on peut travailler » [10]. Le tournant culturel est amorcé.

6Le tournant est rendu possible par un certain nombre d’institutions et de personnes, pour des raisons, il faut le souligner, qui relèvent autant de stratégies de promotion et de légitimation personnelles que d’un désir de stabilité internationale partagé. La pression la plus importante est exercée par le ministère des Affaires étrangères soviétique (MID), qui agit tantôt de sa propre initiative, tantôt sur demande expresse des partisans de la détente au sein du Comité central. En 1971, les hommes du MID présents aux États-Unis utilisent le prétexte d’une campagne antisoviétique virulente dans les médias américains pour pousser à un changement dans les discours chez eux. Leur argumentaire utilise, entre autres, des publicités à la télévision américaine montrant de simples Soviétiques comme « des simplets impressionnés par la pléthore de produits et de libertés en Occident », ou comme des « transfuges en puissance » [11]. L’ambassade soviétique à Washington fait parvenir au centre de Moscou des analyses qui montrent un véritable « climat d’attente » aux États-Unis, dont l’URSS doit profiter [12]. À ces raisons s’ajoute la résolution probable de l’épineuse question de l’émigration juive qui empoisonne les relations américano-soviétiques. Pour un analyste de l’ambassade, la détente coupera l’herbe sous le pied des « mouvements sionistes » liés à la dissidence juive en URSS [13].

7Les analyses du MID participent d’un tournant accompagné par le pouvoir brejnévien dès 1966, lorsqu’une réunion du Politburo avait été spécialement convoquée pour discuter des « questions du travail idéologique » – autrement dit, des insuffisances dans les méthodes du travail de propagande [14]. La volonté d’une amélioration de celle-ci se lit dans la création de l’ISKAN, l’institut spécialisé dans l’Amérique du Nord, un think tank soviétique, en 1967. Elles s’inscrivent aussi dans une tradition de rivalité avec le secteur de la Défense, pour qui l’annonce d’une détente est naturellement synonyme d’une baisse des commandes militaires par le Parti, et donc d’une mise en péril du complexe militaro-industriel.

8À un autre niveau, la question de l’accès à l’information de première main est au cœur du problème. Il en va ainsi de la stratégie de l’autopromotion du périodique destiné en priorité à l’intelligentsia, la Literaturnaïa gazeta. Dans un premier temps, en mai 1971, la rédaction du périodique demande au département propagande d’autoriser « un certain nombre de personnes connues en URSS » de se rendre en Europe de l’Ouest plus librement. L’objectif affiché est de mieux rendre compte de l’ « influence délétère » des Américains sur ce continent [15]. Le climat est manifestement favorable, puisque la requête aboutit en juin [16]. Puis, en février 1972, le rédacteur en chef du périodique susmentionné, Alexandre Tchakovski, entre en conflit avec le Glavlit, organisme qui remplit, entre autres, la fonction de censure et de contrôle de l’information publiée en provenance de l’étranger. Tchakovski se plaint au ministre de la Culture Demitchev d’être privé par le Glavlit de périodiques essentiels à l’élaboration de la « contre-propagande » : et de citer Problems of Communism, Newsweek, Time et le New York Times. Il exige de faire partie des institutions autorisées à recevoir cette littérature, au même titre que le MID, le KGB, mais aussi d’autres périodiques comme la Pravda ou les Izvestia [17]. Sur ce point également, le périodique finit par obtenir gain de cause [18].

9Enfin, le tournant est aussi attendu par les « experts de la base ». Ainsi, les propositions du directeur de l’Institut d’Afrique de l’Académie des sciences d’URSS, le juriste Starouchenko, portant sur la présentation de la position officielle soviétique dans le conflit indo-pakistanais, sont validées par le département propagande en février 1972 [19] : l’URSS doit apparaître comme irréprochable du point de vue du droit international [20]. Nous sommes alors dans un contexte de préparation de la conférence d’Helsinki, appelée à confirmer juridiquement les frontières issues de la Seconde Guerre mondiale en Europe de l’Est, et l’URSS fait très attention à se placer comme un État digne de figurer dans la communauté des États de droit. Comme pour Tchakovski, la quête d’un capital de sympathie auprès des instances du Parti se lit parfaitement dans la stratégie de Starouchenko.

10Le souhait d’une mutation dans la culture publique soviétique apparaît ainsi réel. Les intérêts des partisans de la détente au sein du Parti, du MID, des cadres des médias et de la population profitent du contexte de 1972 pour réclamer un changement profitable à tous, qui de surcroît les arrangerait personnellement. Les conditions semblent réunies pour rendre le tournant culturel possible. Celui-ci restera cependant inachevé.

UN TOURNANT CULTUREL INACHEVÉ

11La mutation de la culture de guerre froide soviétique est très progressive – les forces pro- et anti-détente étant au coude-à-coude quasiment jusqu’à la veille du sommet. Les médias, prudents, suivent les directives du Comité central, qui, dans un arrêt du 2 mars 1971, rappelle la nécessité d’une ligne anti-occidentale ferme. Dès lors, entre la fin septembre 1971 et la rencontre de mai 1972, les États-Unis sont toujours présentés comme l’ennemi du « monde progressiste ». Pour l’agence de presse Novosti, l’objectif est de mener « une lutte sans concessions contre l’idéologie impérialiste bourgeoise », en dénonçant « le système américain et ses contradictions » [21]. Dans la Pravda, dont les discours constituent une référence, le conflit au Vietnam est prétexte à parler d’ « activités criminelles des États-Unis », de « nouveaux actes barbares » [22], du « cynisme et [du] mensonge » [23], de la « duplicité de Nixon » [24]. Le système politique américain demeure corrompu, l’OTAN, le complexe militaro-industriel américain, la CIA, les capitalistes [25] – tous sont présentés comme des adversaires immuables de l’URSS.

12D’un autre côté, progressivement, la pression du MID porte ses fruits ; son argumentaire, mentionné plus haut, finit par perler dans la presse [26]. Début 1972, le lecteur attentif ne peut manquer de percevoir un début de tournant dans les discours officiels : en février, le sommet est présenté comme « utile » et constitue une « impulsion pour le progrès à venir » [27]. Le voyage de Nixon à Pékin, en février, est critiqué de manière prudente : l’anticommunisme chinois « est une base sur laquelle on ne peut s’appuyer » [28]. Fait révélateur, le nombre de caricatures anti-américaines diminue dans les pages du périodique du Parti.

13Le 20 mai, comme par magie, le sommet devient un événement central de la culture politique soviétique et figure chaque jour en première page du quotidien du Parti. Toute trace d’anti-américanisme disparaît. Le 22 mai, sous le titre anodin « Au sujet de la visite du président américain Richard Nixon », un étroit encart fournit des données biographiques sur le président. Rien n’est dit sur sa réputation d’ « anticommuniste primaire » qui remonte aux années 1950, et à laquelle les lecteurs soviétiques sont pourtant habitués. Apogée de l’entente, la déclaration de Nixon à la télévision centrale soviétique, le 28 mai, est éclairée sous un jour très favorable.

14Une fois Nixon parti, le tournant n’est plus qu’un souvenir. La guerre du Vietnam devient une thématique de premier plan dans la Pravda [29]. Pis, la rencontre, lit-on, n’a pas éloigné le danger de guerre entre les deux superpuissances [30]. Les arrêts du Comité central qui concernent l’information sur les États-Unis redeviennent d’actualité ; s’y ajoutent de nouveaux rappels sur la nécessité de dénoncer sans répit la « morale bourgeoise », dans le droit fil des directives du XXIVe Congrès [31].

15Le retour d’une rhétorique anti-américaine des plus traditionnelles dans les médias n’a rien d’une évidence. Une véritable lutte pour le tournant culturel s’engage en effet dans les coulisses du pouvoir, Brejnev cherchant à trouver un compromis entre des groupes divergents au sein du Parti [32]. Il s’appuie pour ce faire sur les analystes du MID qui appellent à pérenniser les changements, à « exploiter l’étincelle de la rencontre ». Ces derniers soulignent la nécessité de ne plus verser dans l’anti-américanisme « primaire » pour ne pas s’aliéner définitivement l’opinion publique américaine, qui voit dans la politique anti-américaine de Moscou au Vietnam (la livraison des armes et de l’équipement au Vietminh) la preuve de sa duplicité [33].

16À l’inverse de l’euphorie d’un Tcherniaev, pour le MID il est moins question de favoriser la convergence que de poursuivre la guerre froide à l’aide de meilleurs outils. De fait, les réponses aux critiques américaines dans la presse soviétique sont plus que jamais contrôlées par les décideurs. L’exemple du texte préparé pour la publication dans la Pravda du 23 septembre 1972, signé du nom d’un journaliste du périodique, Guiorgui Ratiani, rédigé en réalité par les scribes du département propagande du Comité central avant d’être envoyé pour validation à – entre autres – Brejnev et Mikhaïl Souslov (le secrétaire à l’idéologie), et ce, en trente-six exemplaires (!), est tout à fait révélateur [34].

17Dans tous les cas, le tournant culturel est compromis pour un ensemble de raisons structurelles. La première est liée au culte du secret et de la conspiration dans lesquels baigne l’URSS depuis ses origines, et au poids d’une institution comme le KGB. En août 1972, face aux propositions d’une réforme des méthodes de la propagande anti-américaine, le Comité pour la sûreté de l’État souligne en effet que le fait de répondre point par point à l’argumentaire de l’adversaire permettrait à celui-ci de « découvrir les méthodes soviétiques » [35].

18Une autre raison est la bureaucratisation extrême du système, habitué à produire des résolutions sans se soucier de leur application réelle. Un spécialiste de l’Institut de philosophie de l’Académie des sciences, Mchveniéradzé, qui écrit en juin 1971 à Souslov en lui proposant d’ « améliorer l’efficacité de la lutte idéologique contre les États-Unis » [36], se voit répondre que « plusieurs arrêts du Comité central ont déjà prévu la résolution d’une série de problèmes posés par la lettre de l’intéressé » [37].

19Le manque de moyens est également invoqué pour justifier l’échec du tournant. Manque flagrant dans des domaines où la concurrence avec les États-Unis exige d’importants investissements comme le cinéma. Le déséquilibre entre la faible quantité des films soviétiques projetés aux États-Unis, face aux nombreuses productions hollywoodiennes montrées en URSS, est un motif récurrent de plainte des exécutants de l’industrie cinématographique [38]. En 1973, les Soviétiques constatent leur impuissance à produire des films dignes de « riposter » aux longs métrages politiques occidentaux comme L’Aveu de Costa-Gavras [39].

20Outre ces raisons, l’échec du tournant culturel s’explique par le fait que la propagande soviétique poursuit des objectifs difficilement conciliables : il s’agit de poser la détente comme une nécessité historique, mais en même temps de freiner l’élan américanophile de la population. Cause et conséquence de cette nécessité, la culture de guerre froide de la population déborde largement du cadre imposé par les discours officiels.

UN TOURNANT CULTUREL IMPOSSIBLE

21Avec la rencontre de 1972, la propagande soviétique se fixe l’objectif de convaincre la population du bien-fondé de la détente. Les propagandistes ne partent pas en terrain vierge : au début des années 1970, les États-Unis, sans obséder les Soviétiques, n’en occupent pas moins une place importante dans les conversations sur la situation internationale [40]. Le département propagande du Comité central, chargé de recueillir et d’analyser les opinions, s’efforce de présenter à son commanditaire principal, Brejnev, un bilan positif de celles-ci : le courrier des vétérans de la Seconde Guerre mondiale qui soulignent la nécessité d’une coopération pacifique avec les États-Unis est mis en valeur [41], comme la curiosité des Soviétiques qui veulent en savoir plus sur les détails de la rencontre [42].

22Lorsque se pose la question de son adhésion à la politique du Parti, le soutien de la population apparaît écrasant. Pour autant, çà et là percent des critiques de la ligne officielle, si bien que le département propagande, en la personne d’Alexandre Iakovlev (futur « père de la perestroïka » sous Gorbatchev), conscient de l’importance de la mission qui lui incombe – ne pas donner d’arguments aux « faucons » du Kremlin –, adopte une attitude particulièrement prudente. À la fin juin 1972, il prend la précaution d’adresser un digest des questions des Soviétiques au seul Secrétaire général, dans l’attente de sa validation. La raison en est la présence de plusieurs questions posées aux propagandistes qui témoignent de la méfiance à l’encontre de Nixon, pour qui SALT ne serait qu’une « manœuvre tactique », de l’inquiétude d’avoir « trahi le Vietnam » [43], ou de la peur que la diffusion plus libre des informations des radios transfrontalières ne s’avère corruptrice [44]. La télévision n’est pas en reste : le passage de Nixon à l’antenne suscite l’incompréhension de nombreux spectateurs qui ne comprennent pas que l’URSS laisse s’exprimer librement « un hypocrite qui (...) tue des femmes et des enfants vietnamiens » [45]. La contradiction entre détente et dénonciation de la politique américaine au Vietnam concerne aussi bien les Soviétiques que les Américains. Lors de la première rencontre entre les organisations de jeunesse communistes américaine et soviétique, à Minsk, du 25 au 28 juin 1972, un étudiant rappelle qu’en 1960, à la suite de l’incident de l’U2, Moscou avait fait annuler la visite d’Eisenhower [46]. À ce problème, qui explique aussi le retour des discours anti-américains dans la presse après le sommet de 1972, s’ajoutent plusieurs craintes – celle de perdre la course spatiale face aux Américains, de devoir régler la note du lend-lease restée en suspens depuis la guerre [47], et la nécessité de se plier à la vérification des accords SALT [48].

23Les critiques et les méfiances induites par la guerre du Vietnam se maintiennent jusqu’au départ des Américains en 1973, année de la visite de Brejnev aux États-Unis ; une visite qui rassure les Soviétiques et contribue à leur familiarisation avec le personnage de Nixon, sa mythification même, puisqu’il intègre tout un folklore d’histoires drôles dont les Soviétiques sont friands [49]. À en croire les questions posées aux propagandistes du Parti, les Russes vont jusqu’à s’inquiéter pour son avenir politique, et tremblent à l’idée de se retrouver seuls face à la Chine, un ennemi « bien plus inquiétant que l’Amérique » [50].

24Si l’on en croit les documents des archives, la propagande semble donc avoir réussi son pari : la population, du moins celle que le Parti se donne la peine d’étudier, et qui réagit à l’actualité, finit par accepter la nouvelle détente. Mais, comme on a pu le constater, cette victoire doit moins à la mutation des discours dans les médias qu’à l’influence d’un facteur externe – l’apparition, depuis les années 1960, de l’ennemi chinois – et d’un facteur interne, la coïncidence entre le lancement de la détente et l’amélioration des conditions de vie de la population. Le premier étant vu comme une condition du second, et donc accepté avec empressement [51].

25Effet moins désiré, pour dire le moins, la rencontre de 1972 réveille des sentiments allant de la simple curiosité pour l’Autre à l’américanophilie assumée, sentiments plus ou moins mis en sommeil depuis la fin des années 1960, une période marquée par une « réaction conservatrice » en URSS, dans le domaine culturel notamment. Dès lors, le pouvoir n’a d’autre choix que de ciseler son discours pour tenter de « brider le désir de détente ». Les jeunes Soviétiques sont, de ce point de vue, le premier groupe à risque.

26Les premiers à s’en préoccuper sont les responsables du komsomol, l’organisation communiste de la jeunesse, à la réputation conservatrice. Pour eux, la détente est un cheval de Troie du soft power américain en URSS. Certains de ces idéologues à la logique imparable vont jusqu’à prétendre que la baisse des dépenses militaires induite par la détente ne manquera pas de se répercuter sur l’amélioration du niveau de vie de la population, ce qui pourrait entraîner « l’avènement d’une société de consommation » et l’apparition d’ « une jeunesse hédoniste éloignée des valeurs communistes » [52]. Dès lors, les propagandistes s’accordent sur la diffusion d’un message martelé sans cesse à partir de 1973 : la détente n’est en aucun cas synonyme d’abandon de la lutte idéologique [53].

27Pour maintenir la jeunesse en état d’ « éveil idéologique », il convient de brider son appétit pour l’Occident, tout en l’orientant dans la « bonne direction ». Les plus jeunes sont visés en priorité. En effet, si l’on en croit les rapports de périodiques destinés à la jeunesse, les enfants âgés de 10 à 15 ans sont les plus réceptifs aux événements de la vie internationale décrits dans la presse [54]. La visite de Nixon sert de catalyseur et explique qu’à la fin 1972 le courrier des périodiques de jeunesse « déborde de demandes d’adresses de pionniers (sic) australiens, américains et français pour correspondre » [55].

28Le pouvoir arrive-t-il à remplir ses objectifs face aux jeunes, à « exploiter l’étincelle » de la rencontre ? L’analyse du courrier des lecteurs de plusieurs périodiques qui leur sont spécialement destinés laisse transparaître plusieurs types de réactions, qui vont d’un simple désir d’en savoir davantage au rejet pur et simple du discours officiel. Bien entendu, le classement des analystes du courrier du département propagande reste superficiel, puisqu’il se base sur l’intention apparente des jeunes, et non leur intention réelle, si tant est qu’une telle distinction puisse avoir sens [56]. En effet, les questions les plus innocentes – sur l’histoire, la culture ou la vie politique américaine – peuvent comporter des arrière-pensées idéologiques. Interroger une revue sur l’origine de la communauté russe de San Francisco, comme le fait un lecteur [57], c’est peut-être suggérer un parallèle avec l’émigration actuelle ; une question sur le nom du prochain président des États-Unis [58] reflète une méconnaissance du système électoral américain ou une invitation à évoquer la « spécificité » des élections en URSS, où tout est joué d’avance ; une question sur la perspective de la rencontre avec Arthur Hailey [59] peut être vue comme le rejet d’une littérature idéologisée, majoritaire en URSS, l’écrivain canadien étant l’un des rares à décrire la vie aux États-Unis sans partis pris idéologiques.

29S’il est difficile de se prononcer sur l’efficacité de la propagande à partir de ce premier groupe, dans le second, bien plus important, les jeunes semblent avoir réagi dans le sens voulu par les propagandistes. L’émotion suscitée par les articles sur la guerre du Vietnam, thème anti-américain le plus développé dans ces années-là, est palpable. L’actrice Jane Fonda et la musicienne Joan Baez, des Américaines « progressistes » (comprendre : contestataires), sont toutes les deux très populaires [60]. La propagande parvient à susciter un sentiment de solidarité avec les « victimes de l’impérialisme », les enfants vietnamiens [61] et les enfants amérindiens [62].

30Mais les réactions de ce groupe de lecteurs sont également à traiter avec prudence. Les enfants qui « sympathisent » avec les « bons » Américains sont souvent les mêmes qui demandent, en toute innocence, des informations sur la vie de tous les jours en Amérique, dont ils sont privés. Les questions sur la mode vestimentaire suscitent de nombreuses interrogations. Le mouvement des hippies semble fasciner [63]. Dès lors, les rapporteurs ne peuvent plus cacher leur inquiétude. Celle-ci ne fait qu’augmenter avec la multiplication des questions portant sur les groupes de rock occidentaux, interdits ou inaccessibles en URSS [64]. Le goût pour la musique occidentale, et plus particulièrement du rock, n’est pas un phénomène nouveau en soi en URSS – la fin des années 1950 a été une période fondatrice [65] ; le courrier qui s’en fait l’écho semble cependant connaître une inflation très importante au cours des années 1972-1974 [66]. Surtout, les lettres montrent de manière irréfutable que les jeunes s’approprient le vocabulaire utilisé par les radios occidentales [67]. À la différence des adultes, les jeunes se montrent souvent effrontés, n’ayant pas peur de révéler explicitement leurs sources d’information [68]. Une minorité de lettres va jusqu’à critiquer explicitement la machine de propagande, et rejeter la vision de l’Amérique qu’elle diffuse – une Amérique où la jeunesse est brimée [69]. Certains vont jusqu’à parler au nom de la « majorité silencieuse », une jeunesse soviétique qui se fiche éperdument des questions internationales qui la dépassent, alors que des problèmes plus immédiats – les pénuries – sont criants [70].

31Les réponses apportées à ces différentes réactions témoignent de l’impuissance du pouvoir. Limiter le nombre d’exemplaires de la revue qui diffuse le plus d’informations « tendancieuses », la populaire et difficile à trouver Rovesnik [71], ou transmettre le courrier le plus effronté au KGB [72] : telles sont les réponses classiques utilisées par les exécutants du Parti. On ne s’étonne guère, dès lors, que l’ « étincelle » devient particulièrement difficile à exploiter une fois passé l’effet de la visite de Nixon, lorsque les préoccupations plus proches du quotidien prennent le pas sur les rêveries d’un Ailleurs peuplé d’Indiens et de cow-boys [73].

32Le traitement réservé à la championne de la cause des Afro-Américains, Angela Davis (née en 1944), reflète assez bien le caractère inachevé du tournant culturel. Depuis la fin des années 1960, cette membre du Parti communiste américain bénéficie d’une réputation de martyre du racisme d’outre-Atlantique [74]. La propagande s’efforce d’ériger en modèle pour les jeunes Soviétiques cette héroïne (presque) solitaire qui affronte, tel le David du mythe, le Goliath du complexe militaro-industriel américain [75]. En 1971, accusée de détention d’arme illégale et de complicité de meurtre, Davis est emprisonnée : pour les médias soviétiques, elle devient le bouc émissaire d’un procès monté de toutes pièces. Jusqu’ici, les arguments semblent entendus. Mais les choses se compliquent en mai 1972, en plein sommet. Le procès d’Angela Davis touche alors à sa fin. Plus que jamais, il convient à la propagande soviétique de se montrer prudente : il s’agit de ne pas irriter l’opinion américaine, ce qui pourrait être préjudiciable à la rencontre. Le Parti fait appel aux experts, sommés de verser dans la casuistique : pour un spécialiste de l’ISKAN, il convient de ne plus la présenter comme une « marxiste-léniniste pure », mais qui « tend » simplement vers le marxisme [76].

33Le procès se termine par un non-lieu – un soulagement pour la propagande soviétique qui craint de perdre un appui outre-Atlantique. Pour autant, les conseils de l’ISKAN sont repris par la propagande. Au moment de la visite d’Angela Davis en URSS en août 1972, une biographie mentionne qu’elle est loin d’être une marxiste-léniniste parfaite : le Parti communiste américain l’a critiquée pour « ses faiblesses dans l’analyse de la lutte des classes qui sévit au sein de la communauté noire ». En affirmant qu’Angela Davis a fait l’acquisition d’armes à feu (à trois reprises !) « pour sa sécurité personnelle », la biographie fait involontairement l’apologie de la vente des armes à feu aux États-Unis, chose inconcevable en URSS [77].

34L’affaire Angela Davis suscite rapidement un élan de sympathie important chez le jeune lectorat soviétique, un succès pour la propagande. « Des milliers de lettres de jeunes lecteurs réclament justice », peut-on lire dans les rapports, pendant la campagne de libération. Après le procès, le courrier des jeunes reflète « un sentiment de fierté d’avoir participé à la libération d’Angela » [78]. Sa visite en URSS, dit-on, est un succès, Brejnev la consacre « pionnière d’honneur ». Il va de soi que ces opinions sont présentées comme représentatives de toute la jeunesse par le pouvoir, qui recherche avant tout des preuves d’adhésion.

35Mais ces « preuves » en sont-elles réellement ? Tout d’abord, l’hypothèse que ces lettres sont le plus souvent envoyées dans le cadre de travaux scolaires obligés n’est pas à exclure [79]. De même, le caractère « spontané » du rassemblement de la population lors de son arrivée à Moscou est plus que douteux – en échange de leur participation à la manifestation, de nombreuses personnes sont, comme c’est la coutume, autorisées à quitter leur travail (ou les cours !) [80]. D’autre part, l’image véhiculée par le pouvoir manque singulièrement de souplesse, et ne s’adapte pas aux attentes des plus âgés. Or, pour les adolescents, à la différence des plus jeunes, la popularité de l’Afro-Américaine s’explique, entre autres, par son côté doublement « exotique », d’Américaine et de Noire devenue sex-symbole [81]. Sa négritude ne peut manquer de susciter toutes sortes de réactions, dont des racistes : un lecteur la qualifie de « sauvageonne noire » [82], trahissant moins son animosité envers l’Américaine que son rejet d’un bourrage de crâne permanent. La propagande est ainsi à la fois rigide et contradictoire, puisqu’on cherche à concilier l’image « pure » d’Angela avec la nouvelle doctrine officielle, qui ne voit pas en elle une « vraie communiste ». Or le public n’est jamais dupe des grands écarts des médias soviétiques, habitué depuis longtemps à décoder la langue de bois. Dès lors, il n’est guère étonnant que le « culte » d’Angela Davis s’étiole après 1973. Pour les plus récalcitrants, le slogan « Libérez Angela Davis ! », détourné de son sens initial, devient synonyme d’aveuglement volontaire et se trouve récupéré par la culture populaire [83].

CONCLUSION. UNE ÉTINCELLE PERDUE

36Fin octobre 1972, le conseiller de Brejnev pour les affaires internationales, Andreï Aleksandrov-Agentov, envoie une note au secrétaire général où il évoque la suite à donner au sommet. Le secrétaire général annote le document : « Il est temps de conclure – nous entrerons dans l’histoire, il ne faut pas se disperser. » [84] Toute la contradiction de la politique soviétique à l’égard de la détente est résumée dans cette annotation. Désireux de marquer son époque, Brejnev a, en même temps, peur du débordement. Il refuse d’abandonner totalement la « langue idéologique » dont parle Tcherniaev dans son journal.

37La visite de Brejnev aux États-Unis en 1973 et la nouvelle visite de Nixon à Moscou en 1974 donnent lieu au même phénomène de trêve dans les médias, à « des images et des textes inhabituels sur les écrans des téléviseurs et les pages de la presse » [85]. Un contexte de moins en moins favorable à la détente – guerre du Kippour en 1973, démission de Nixon en 1974 et retour de la compétition entre les superpuissances dans le Tiers Monde à partir de 1975 – finit de compromettre définitivement le tournant. À moins que la traduction politique de ces événements sur la détente ne soit au contraire la conséquence, et non la cause, de cet échec ? L’hypothèse d’un échec de la détente inscrite dans la mutation inachevée de la culture de guerre froide soviétique ne peut être exclue.

38L’échec du tournant culturel de la guerre froide renforce un peu plus le divorce entre l’État et sa population. Le soutien de la politique du Parti est conditionné, chez la population adulte, non pas par un caractère plus efficace du message de propagande que par des considérations de bon sens ; tandis que, chez les jeunes générations, ce même soutien entraîne une demande d’information que le pouvoir soviétique ne peut et ne veut fournir. Le déphasage entre l’État et la population se fera sentir au cours de la « guerre fraîche » de 1980-1984, lorsqu’il faudra diffuser un contre-argumentaire efficace aux attaques antisoviétiques du président américain Ronald Reagan.

39En 1995, Tcherniaev admet avoir été un peu trop rapide dans son souhait de l’avènement d’une l’ère de la convergence en 1972 [86]. De fait, le tournant ne se réalise qu’après 1985, soit plus de treize ans après la rencontre fondatrice. Ayant compris la nécessité d’une « révolution des discours », Gorbatchev s’efforce, après son arrivée au pouvoir, de retrouver non seulement « l’esprit du XXe Congrès », mais aussi l’étincelle de 1972. À la différence de Brejnev en 1972, il va jusqu’au bout de la logique du tournant culturel de guerre froide, mettant en péril le système tout entier.


Mots-clés éditeurs : propagande, guerre froide, opinion publique, détente, sommet, URSS

Date de mise en ligne : 01/04/2010.

https://doi.org/10.3917/rhis.094.0897

Notes

  • [1]
    Voir les synthèses de Wilfried Loth, Overcoming the Cold War. A History of Détente, 1950-1991 (New York, Palgrave, 2002), et de Vladislav Zubok, A Failed Empire. The Soviet Empire in the Cold War from Stalin to Gorbachev (Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2007, p. 215-229). Dans les travaux pionniers, mentionnons le travail d’Anne de Tinguy, USA-URSS, la détente (Bruxelles, Complexe, 1985). Voir aussi : Keith L. Nelson, Nixon, Brezhnev and détente, Peace and Change, 16 (2), 1991, p. 197-219. En russe, sont particulièrement importants les actes d’une conférence de juin 2002 tenue à Moscou, publiés sous le titre : La guerre froide et la politique de détente : questions en débat, Natalia Egorova (dir.), 2 vol. (Kholodnaïa voïna i politika razriadki : diskussionnye problemy, I, II), Moscou, Académie des Sciences de Russie, 2003. Des documents américains figurent sur le site du National Security Archive : hhttp:// www. gwu. edu/ nsarchiv/ NSAEBB/ NSAEBB60/ index.html (site consulté en juin 2009). Surtout, plusieurs volumes de documents de la période 1969-1976, issus des archives du MId et du département d’État américain, ont été publiés dans les deux pays. En Russie, deux volumes sur quatre prévus ont été publiés, couvrant la période 1969-1972 : Les relations soviéto-américaines / Les années de détente, 1969-1976. Recueil de documents (Sovetsko-amerikanskie otnochenia. Gody razriadki, 1969-1976. Sbornik dokumentov), livre 1 (1969-1971) et livre 2 (janvier-mai 1972), Moscou, Relations internationales, 2007
  • [2]
    Voir la note du 3 juin 1972 dans le journal de l’intéressé, publié dans Une sortie commune (Sovmestny iskhod), Moscou, Rosspen, 2008, p. 20. Plus loin : Tcherniaev, 2008.
  • [3]
    Anatoli Tcherniaev, Ma vie et mon temps (Moïa jizn i moe vremia), Moscou, Relations internationales, 1995, p. 290. Plus loin : Tcherniaev, 1995.
  • [4]
    La théorie de la convergence se développe à partir des années 1950, en URSS (chez les dissidents comme Andreï Sakharov) et surtout en Occident (voir, entre autres, les sociologues américains d’origine russe Nikolaï Timachef et Pitrim Sorokine), et postule que les différences idéologiques entre régimes communismes et démocratiques sont vouées à s’estomper à la faveur de l’industrialisation. Chez les universitaires occidentaux, elle postule également une « équivalence morale » entre le modèle américain et soviétique.
  • [5]
    Tcherniaev, 2008, p. 19-20.
  • [6]
    L’expression a été préférée à celle de « révolution culturelle », utilisée par des historiens de l’URSS tels Sheila Fitzpatrick et selon nous trop attachée au contexte du premier Plan quinquennal (voir l’ouvrage classique tiré d’une conférence qu’elle a dirigée : Cultural Revolution in Russia, 1928-1931, Bloomington, Indiana University Press, 1978).
  • [7]
    Cette tentative d’histoire-généalogie ne prétend pas à l’exhaustivité dans l’étude des discours de guerre froide dans les médias. Elle se limite, pour l’essentiel, aux imprimés les plus visibles et se concentre sur les discours anti-américains (dans l’article, l’expression « propagande anti-américaine » est utilisée comme équivalent, même s’il s’agit d’une simplification). De même, cet article n’étudie pas toute la période de détente, mais l’année 1972, considérée comme symptomatique. Il a cependant l’ambition d’ouvrir des pistes de réflexion en vue d’un autre récit de la guerre froide.
  • [8]
    Anatoli Dobrynine, En confidence. Ambassadeur à Washington pendant six présidences, 1962-1986 (Sugubo doveritelno. Posol v Vachingtone pri chesti prezidentakh, 1962-1986), Moscou, Avtor, 1996, p. 186 et 201-203. L’ouvrage est également paru en anglais (University of Washington Press, 2001).
  • [9]
    Sténogramme de la discussion sur la question de la préparation du discours inaugural du Comité central du PCUS (plus loin : CC) au XXIVe Congrès, 5 février 1971. Remarques sur le discours, Zavidovo, in Vestnik arkhiva prezidenta rossiïskoï federatsii. Spetsialnoe izdanie. Generalny sekretar L. I. Brejnev, 1964-1982 (numéro spécial consacré à Léonid Brezhnev), Moscou, 2006, p. 103. Plus loin : Vestnik.
  • [10]
    Anatoli Dobrynine, op. cit., p. 235-236 et 240.
  • [11]
    RGANI (Archives nationales de Russie d’histoire contemporaine, Moscou) : 5 (fonds) / 63 (inventaire) / 106 (dossier) / 13-23 (folios). Rapport de la représentation permanente d’URSS près l’ONU du 2 mars 1971 par Ya. Malik : « Sur certaines orientations de la propagande américaine à la veille du XXIVe Congrès du PCUS et nos contre-mesures ».
  • [12]
    RGANI : 5/63/106/199-204. Note de l’ambassade soviétique à Washington du 12 novembre 1971, signée par le conseiller pour l’information A. Evstafiev, responsable du bureau d’APN (Agence Novosti), conseiller G. Isatchenko. Ce dossier comporte de très nombreuses notes (de routine) de l’ambassade dont : « Analyse des orientations actuelles de la propagande américaine » (octobre-novembre 1971) (f. 209-212).
  • [13]
    RGANI : 5/64/94/1-4. Lettre de l’ambassade soviétique de Washington du 31 décembre 1971 du conseiller pour l’information A. Evstafiev : « Principales orientations et tendances dans l’action de la propagande américaine (décembre 1971) ». Le traitement des Juifs en Russie est une pomme de discorde ancienne, qui remonte à l’époque tsariste. Après 1945, l’antisémitisme de la population est instrumentalisé par Staline et devient, sous le vocable « antisionisme », une politique récurrente, dont l’une des formes est le refus d’octroi de visa. Dans les années 1970, cette question revient à l’ordre du jour dans le contexte de la stratégie du « linkage » de l’administration Nixon – le fait de lier deux problèmes de nature différente à des fins diplomatiques – et de la pression d’élus comme Henry Jackson (voir Pauline Peretz, Le combat pour les Juifs soviétiques. Washingon, Moscou, Jérusalem, 1953-1989, Paris, Armand Colin, 2006).
  • [14]
    Vestnik, réunion du 10 novembre 1966, p. 60-67.
  • [15]
    RGANI : 5/63/90/194-195. Lettre au CC du 11 mai 1971 signée par Alexandre Tchakovski, rédacteur en chef de la Literaturnaïa gazeta.
  • [16]
    RGANI : 5/63/90/196. Note d’information interne du CC du 11 juin 1971, signée par le directeur adjoint du Département propagande du Comité central (plus loin : DP) Smirnov et le responsable du secteur du département Zoubkov.
  • [17]
    RGANI : 5/64/77/19-22. Lettre du 11 février 1972 de Romanov (Glavlit) à Demitchev (ministre de la Culture). La liste avait été fixée par un arrêt du CC du 2 septembre 1971.
  • [18]
    RGANI : 5/64/77/25. Lettre signée de Iakovlev et Zoubkov.
  • [19]
    RGANI : 5/64/94/34. Note (secrète) en réponse du directeur adjoint du DP G. Smirnov, et du directeur adjoint du département international R. Oulianovski.
  • [20]
    RGANI : 5/64/94/21-23. Note sans titre du 7 février 1972 sur la position soviétique dans le conflit indo-pakistanais.
  • [21]
    RGANI : 5/63/104/230-235. Protocole du 24 juin 1971. Arrêt de la direction d’APN sur les opérations destinées à mettre en œuvre l’ordre de renforcer le travail d’information et de propagande en direction des États-Unis. Signé par le chef de la direction de Novosti, I. Oudaltsov.
  • [22]
    Pravda, 1er et 4 janvier 1972.
  • [23]
    Ibid., 4 mars 1972.
  • [24]
    Ibid., 10 mai 1972.
  • [25]
    Ibid., 9 et 15 mars 1972.
  • [26]
    RGANI : 5/64/98/33-59. Lettre de Iouri Khiltsevski, secrétaire du comité syndical du syndicat des institutions soviétiques à New York du 10 avril 1972 à Iakovlev, qui remplit alors les fonctions de directeur du DP. La réponse, datée également du 10 avril, indique que le matériau du MId a été utilisé.
  • [27]
    Pravda, 10 février 1972.
  • [28]
    Ibid., 26 février 1972. Rappelons que le schisme sino-soviétique est officiel depuis 1963.
  • [29]
    Ibid., 31 mai et 2 juin 1972.
  • [30]
    Ibid., 3 juin 1972.
  • [31]
    RGANI : 5/64/71/202-213. Note du 14 juin 1972 « Sur le plan de mesures pour l’amélioration de l’éducation morale » par Iakovlev, Trapeznikov, Chaouro (les deux derniers étant respectivement responsables des départements « Science et éducation » et « Culture »). Le 12 octobre 1972, Iakovlev écrit que « les départements ont l’intention d’informer le CC dans peu de temps sur le cours de l’exécution du plan ».
  • [32]
    Vladislav Zubok, « The Brezhnev Factor in Detente, 1968-1972 », dans La guerre froide et la politique de détente, op. cit. (n. 1), vol. 1, p. 284-315.
  • [33]
    RGANI : 5/64/94/144-147. Note du 10 juin 1972 sur les principales tendances dans la propagande et l’opinion publique des États-Unis après la rencontre soviéto-américaine à Moscou.
  • [34]
    RGANI : 5/64/77/233. Note au CC du 22 septembre 1972, signée par le rédacteur en chef de la Pravda, Zimianine.
  • [35]
    RGANI : 5/64/99/72. Note du KGB près le Conseil des ministres (directeur adjoint Tchebrikov) du 18 août 1972 au CC. Mention sur la note : « Très secret ».
  • [36]
    RGANI : 5/63/104/59-70. Note de rapport à Souslov du 14 juin 1971.
  • [37]
    RGANI : 5/63/104/71-72. Note du CC sur la lettre du 13 août 1971, signée par le directeur adjoint du département de la science et des institutions éducatives, E. Tchekharine, et le directeur adjoint du département international du CC, Vadim Zagladine. Les arrêts en question sont « Sur le renforcement du travail d’information et de propagande en direction des États-Unis » du 2 mars 1971 et « Sur l’ISKAN d’URSS » du 1er octobre 1968.
  • [38]
    RGANI : 5/64/134/81-90. Directeur du comité pour la cinématographie près le Conseil des ministres d’URSS A. Romanov au CC, 18 avril 1972. Note sur les liens entre l’URSS et les États-Unis dans le domaine du cinéma.
  • [39]
    RGASPI : 1/34/686/97. Sténogramme de la réunion des employés du cinéma, Moscou, 4 avril 1973. « Les objectifs des employés du cinéma pour la réalisation de l’arrêt du CC du PCUS “Sur les mesures pour la poursuite du développement du cinéma soviétique” ». Le film L’Aveu (Costa-Gavras, 1971) reconstitue, avec des personnages fictionnels, le procès de Rudolf Slanski à Prague en 1952. Les protagonistes sont interprétés par Yves Montand et Simone Signoret, deux anciens « compagnons de route » passés dans le camp adverse, et donc voués aux gémonies en URSS.
  • [40]
    RGANI : 5/64/92/17-24. Lettre de Iakovlev au CC du 3 février 1972 sur le contenu des questions reçues par les lecteurs du DP en 1971.
  • [41]
    RGANI : 5/64/71/194-201. Note interne au CC du 31 mai 1972 de Iakovlev.
  • [42]
    RGANI : 5/64/92/132. Note interne du 19 juin 1972 sur le contenu des questions reçues par les lecteurs du DP) en mai-juin 1972.
  • [43]
    RGANI : 5/64/92/132-133. Ibid.
  • [44]
    RGANI : 5/64/92/132. Note interne du 19 juin 1972 sur le contenu des questions reçues par les lecteurs du DP en mai-juin 1972.
  • [45]
    Tcherniaev, 1995, p. 290.
  • [46]
    RGASPI : 3/8/295/108, 112-114. Matériaux sur la préparation et le déroulement de la rencontre de la jeunesse soviétique et américaine à Minsk, du 25 au 28 juin 1972. Rapport du travail du cinquième groupe de discussion. Rapport sur la rencontre de Minsk de 1972 par le consultant A. Bevz de l’ISKAN.
  • [47]
    Le lend-lease, programme d’aide américain (« prêt-bail », en français), voté en mars 1941, consiste à fournir à un ensemble de pays alliés du matériel de guerre. L’URSS, qui bénéficie déjà d’une aide après l’invasion du 22 juin 1941, en profite pleinement à partir du mois d’octobre. Les accords prévoient que le matériel détruit ou utilisé pendant le conflit ne fera pas l’objet d’un remboursement, à l’inverse des biens intacts pouvant être utilisés par l’industrie civile après la guerre.
  • [48]
    RGANI : 5/64/92/132. Note interne du 19 juin 1972 sur le contenu des questions reçues par les lecteurs du DP en mai-juin 1972. RGANI : 5/66/160/15-19. Lettre de Iakovlev au CC du 8 janvier 1973 et questions posées aux lektory en novembre-décembre 1972.
  • [49]
    Voir Andreï Kozovoï, « Eux et nous : les États-Unis et la guerre froide dans les blagues politiques soviétiques », Cahiers du monde russe, 47/3, juillet-septembre 2006, p. 137-152.
  • [50]
    RGANI : 5/66/160/97-103. Note de Iakovlev au CC du 29 novembre 1973, questions d’octobre-novembre 1973.
  • [51]
    A. G. Aïrapetov, « La détente et l’opinion publique de la province russe (un essai de micro-histoire) » dans La guerre froide et la politique de détente, op. cit. (n. 1), vol. 2, p. 54-64.
  • [52]
    RGASPI : 1/34/601/86-87. Sténogramme du 2 novembre 1972 (deuxième jour de la conférence) de la section « Formation d’une vision du monde marxiste-léniniste de la jeunesse » dans la conférence sur le XXIVe Congrès et les problèmes actuels de l’éducation de la jeunesse, Moscou.
  • [53]
    Voir l’intervention de Vorontsov à la conférence citée dans la note précédente (RGASPI : 1/34/601/107-110). Voir aussi la rencontre des membres du bureau du CC du komsomol (plus loin : VLKSM) du 19 avril 1973 avec les rédacteurs des périodiques du komsomol dans un rapport signé de Tiajelnikov (RGASPI : 1/34/734/4).
  • [54]
    RGASPI : 1/34/798/53. Courrier de Pioner de février 1974 (rapport daté du 6 mars 1974).
  • [55]
    RGASPI : 1/34/649/13. Rapports de la Pionerskaïa pravda (plus loin : PP) et de la presse de jeunesse sur les lettres des lecteurs en 1972. La mention de « pionniers » trahit ici une ignorance qui reflète bien celle des adultes, qui projettent aussi fréquemment leur univers sur le système américain.
  • [56]
    L’anthropologue Alexei Yurchak, qui étudie les discours de la dernière génération soviétique, révise entièrement la grille de lecture binaire (intentions montrées/réelles, acceptation/refus du système, politisation/apolitisme) de la société soviétique (Everything was forever, until it was no more. The Last Soviet Generation, Princeton, Princeton University Press, 2005, p. 4-8). Nous nous en tenons ici aux interprétations traditionnelles des discours.
  • [57]
    RGASPI : 1/34/734/123. Courrier de Vokrug sveta (Autour du monde), septembre 1973.
  • [58]
    RGASPI : 1/34/649/12. Rapports de la PP et de la presse de jeunesse sur les lettres des lecteurs en janvier-juillet 1972.
  • [59]
    RGASPI : 1/34/797/77. Courrier du Studentcheski meridian (Le Méridien de l’étudiant) du 5 mars 1974.
  • [60]
    RGASPI : 1/34/649/86-87. Courrier de Rovesnik. Lettres de Kazan d’août 1972.
  • [61]
    RGASPI : 1/34/734/32-33. Note sur le courrier de la PP de janvier-février 1973.
  • [62]
    RGASPI : 1/34/798/49. Courrier de Pioner, janvier 1974 (6 février 1974). Référence à « Un peuple trompé », article paru dans le no 1 de 1974.
  • [63]
    RGASPI : 1/34/734/120. Courrier d’Autour du monde, juin 1973.
  • [64]
    Voir, par exemple, RGASPI : 1/34/649/95. Courrier de Rovesnik. Décembre 1972. RGASPI : 1/34/734/32-33. Note sur le courrier de la PP de janvier-février 1973. RGASPI : 1/34/797/112. Courrier de Rovesnik, juin 1974.
  • [65]
    Voir le travail classique de Timothy Ryback : Rock around the Block : A History of Rock Music in Eastern Europe and Soviet Union, 1954-1989, Oxford, Oxford University Press, 1990.
  • [66]
    RGASPI : 1/34/797/108. Courrier d’Autour du monde, janvier 1974.
  • [67]
    RGANI : 5/64/92/17-18. Lettre du 3 février 1972 de Iakovlev au CC sur le contenu des questions reçues par les lecteurs du DP du CC du PCUS en 1971.
  • [68]
    RGASPI : 1/34/797/115. Courrier de Rovesnik, septembre 1974.
  • [69]
    RGASPI : 1/34/734/134-135. Lettre de « Mikhaïl » du 3 janvier 1973.
  • [70]
    RGASPI : 1/34/756/35-37. Lettre de Mikhaïl Moukhine, Moscou, 27 juin 1974.
  • [71]
    Rovesnik se traduit par « personne du même âge ». Dans le rapport du courrier de juin 1974 mentionné précédemment, le lecteur du service de propagande du VLKSM annote au crayon : « Le périodique ne serait-il pas en cause dans cette curiosité ? Demandez des copies des lettres. »
  • [72]
    Comme le signale une mention manuscrite en haut de la lettre de « Mikhaïl ».
  • [73]
    RGASPI : 1/34/608/27. Sténogramme du 2 novembre 1972 (deuxième jour de la conférence) de la section « Formation d’une vision du monde marxiste-léniniste de la jeunesse » dans la conférence « Le XXIVe Congrès et les problèmes actuels de l’éducation de la jeunesse », Moscou. Intervention de Ramazonov.
  • [74]
    Voir The Soviet perception of the American “Negro Question”, dans Allison Blakely, Russia and the Negro : Blacks in Russia History and Thought, Washington, Howard University Press, 1986, p. 105-121.
  • [75]
    RGANI : 5/63/104/1-6. Note du CC du 20 janvier 1971 sur la publication à l’étranger de matériaux d’APN suite à la campagne de défense de la communiste américaine Angela Davis. Note signée par le directeur d’APN, I. Oudaltsov.
  • [76]
    RGANI : 5/64/77/79. Lettre du 3 mai 1972 d’Arbatov, directeur de l’ISKAN, à Iakovlev. Le directeur de l’ISKAN fournit une annexe de 15 pages très détaillée en explications (f. 80-92).
  • [77]
    RGASPI : 3/8/431/152, 162-165.
  • [78]
    RGASPI : 1/34/649/12. Rapports de la PP et de la presse de jeunesse sur les lettres des lecteurs en 1972.
  • [79]
    Voir Andreï Kozovoï, « Pour ou contre l’Amérique : le courrier des jeunes Soviétiques et la propagande de guerre froide », La Revue russe, 32, 2009, p. 151-163.
  • [80]
    Un exemple parmi d’autres de ce type de rassemblement « spontané » est décrit par Eric Shiraev et Vladislav Zubok dans Anti-Americanism in Russia : From Stalin to Putin, New York, Palgrave, 2000, p. 7-8.
  • [81]
    Http://masterstudio.narod.ru/bucher/bucher4/devis.htm. Site consulté en juin 2009.
  • [82]
    RGASPI : 1/34/734/135. Lettre de 1973 de Mikhaïl Moukhine vue ci-dessus (n. 71).
  • [83]
    Voir le début de sa biographie sur hhttp:// www. tonnel. ru/ ? l= gzl&uid= 521. Site consulté en juin 2009.
  • [84]
    Note d’Aleksandrov à Brezhnev du 20 octobre 1972, Vestnik, p. 115.
  • [85]
    Tcherniaev, 1995, p. 299.
  • [86]
    Ibid., p. 290.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.173

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions