Notes
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[1]
28 septembre 1286, Ad Bouches-du-Rhône, ms. VI G 27. Se fait-il l’écho du poète Montanhagol qui, à la même époque, accuse le « clerc (de convoiter) le bien d’autrui, alors qu’il sait que tout ce qu’il emploie ou dépense en plus d’une nourriture et de vêtements ordinaires, il l’enlève aux pauvres » ? (J. Coulet, Le troubadour Montanhagol, Toulouse, 1898, pièce XII, 189, cité par René Nelli, dans L’aumône dans la littérature occitane. Le Breviari d’Amor de Matfre Ermengau, Assistance et charité. Cahiers de Fanjeaux, no 13, Toulouse, Privat, 1978, p. 48-49, n. 11). Cependant, les troubadours toulousains ne ménagent pas non plus dans leurs sirventés les frères mendiants auxquels ils reprochent de « retenir des aumônes destinées aux pauvres, beaucoup plus qu’il ne leur était nécessaire pour se vêtir et se nourrir » (René Nelli, ibid., p. 47).
-
[2]
21 mars 1320, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 14, fol. 93.
-
[3]
Cet état de fait n’est pas sans rappeler le cas normand où les plus riches marchands de Rouen, fondateurs de la confrérie de la cathédrale, dispensent le secours aux miséreux depuis au moins le début du XIIIe siècle (Catherine Vincent, Les charités bien ordonnées. Les confréries normandes de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle, Paris, École normale supérieure, 1988, p. 91). Il est difficile d’établir avec certitude l’ancienneté de la gestion laïque de l’aumônerie de la cathédrale marseillaise puisque le statut des prédécesseurs de maître Victor n’est pas précisé dans les documents, qu’il s’agisse de Ponce Raymond, cité dans le testament de Jean Raynaud (4 septembre 1268, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 23) ou de Gaufride de Serverie mentionné par Jacques de Cologne (testament, 5 août 1266, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 19), bien que Jean Raynaud révèle dans ses derniers vœux que l’aumônerie avait été « établie » (rétablie ?) par le chanoine Guillaume Ricau sans en mentionner la date (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 23).
-
[4]
L. K. Little, Religious Poverty and the Profit Economy in Medieval Europe, Ythaca (NY), Cornell University Press, 1978.
-
[5]
Tiré du Breviari d’Amor (citation, René Nelli, L’aumône dans la littérature occitane, op. cit. (n. 1), p. 54) que Matfre Ermengau rédigea en 1288-1289 (Valérie Galent-Fasseur, Mort et salut des troubadours. Le Breviari d’Amor de Matfre Ermengau, Église et culture en France méridionale (XIIe-XIVe siècle). Cahiers de Fanjeaux, no 35, Toulouse, Privat, 2000, p. 422).
-
[6]
Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà. Les hommes, la mort et la religion dans la région comtadine à la fin du Moyen Âge (v. 1330 - v. 1480), Rome, École française de Rome, 1981, p. 7, 38-41.
-
[7]
D’office, nous avons mis à l’écart non seulement les religieux de profession, mais aussi les laïcs en quête de perfection spirituelle, aux destins individuels ou collectifs extraordinaires souvent marqués à cette époque par le mysticisme, telles les béguines de Roubaud dont les témoignages documentés renvoient à des pratiques expiatoires d’un autre ordre, davantage portées, semble-t-il, sur un ascétisme contemplatif. Sur la piété des béguines marseillaises, voir Francine Michaud, The pilgrim, the priest, and the beguine. Ascetic tradition vs Christian humanism in late medieval religious practices, Pecia. Ressources en médiévistique, vol. 1, 2002, p. 157-180. D’ailleurs, à partir de l’époque de la condamnation générale contre les béguinages prononcée lors du concile de Vienne (1311-1318) et à laquelle échappe de près la maison de Roubaud, l’estamen marseillais se transforme subrepticement en institution monastique traditionnelle. Guillaume de Montolieu, fils de chevalier, témoigne de cette évolution lorsqu’en 1327 il désigne sa fille légataire Marita, alors membre du béguinage de Roubaud, monialis seu soror de Robaudo (30 décembre 1327, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 33, fol. 72 vo).
-
[8]
À ce sujet, Matfre Ermengau évoque sans doute ce que les curés et les prédicateurs de son temps ne devaient inlassablement manquer de répéter à leur auditoire : « L’aumône a incomparablement plus de prix quand on la prélève (...) alors qu’on est sain et bien portant, que si on la fait alors qu’on se prépare à mourir et qu’on n’est plus en état de conserver ses biens » (citation, René Nelli, L’aumône dans la littérature occitane, op. cit. (n. 1), p. 54). Les historiens habitués aux séries testamentaires pourront néanmoins objecter que les considérations patrimoniales en présence d’une descendance légitime tempèrent ce genre de générosité de dernière heure.
-
[9]
La catéchèse, notamment celle « du curé dans son action pastorale (et) celle du confesseur à l’occasion du sacrement de pénitence », aurait été particulièrement efficace dans la vulgarisation du thème de la miséricorde au cours de la deuxième moitié du XIIIe siècle (M.-H. Vicaire, La place des œuvres de miséricorde dans la pastorale en pays d’Oc, Assistance et charité. Cahiers de Fanjeaux, no 13, Toulouse, Privat, 1978, p. 33).
-
[10]
Dono hospitali Dorutipas duodecim denarios pro restitutione cujusdam rauberie quam feci cuidam questori dicti hospitalis (24 septembre 1280, AM Marseille, ms. 1 II 9, fol. 25 vo).
-
[11]
Sur le déclin économique de la cité phocéenne dès les dernières années du XIIIe siècle, voir Édouard Baratier et Félix Reynaud, Histoire du commerce de Marseille, t. II : 1291-1480, 1re partie, 1291-1423, Paris, Plon, 1951, p. 304 et s.
-
[12]
Comme on le sait, la crise éclata autour de la doctrine de l’usus pauper (Pierre Peano, « Ministres provinciaux de Provence et spirituels », Franciscains d’Oc. Les Spirituels ca 1280-1324. Cahiers de Fanjeaux, no 10, Toulouse, Privat, 1975, p. 41-65). Cet épisode aura assurément marqué les contemporains.
-
[13]
Robert-Henri Bautier, Jeanine Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale du Moyen Âge, vol. II, Paris, Éditions du Centre de la recherche scientifique, 1971, p. 1142 et 1183. Les chartriers d’institutions ecclésiastiques ont également été consultés.
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[14]
À moins d’indication contraire, nous ne considérons ici que les testaments intégraux : nous avons donc retranché des calculs statistiques les codicilles isolés et les extraits provenant des chartriers ecclésiastiques.
-
[15]
Rappelons qu’au lendemain de la Peste noire, dans le diocèse de Narbonne, les pauvres furent persécutés : d’après la chronique de Jaime Villanueva, Viage literario a las iglesias de Espana XI viage a Gerona : texte traduit et reproduit par Rosemary Horrox, The Black Death, Manchester / New York, Manchester University Press, 1994, coll. « Manchester Medieval Sources Series », p. 222-223.
-
[16]
Nous aimerions ici reconsidérer la position inverse de Jacques Chiffoleau à l’effet que « (l)e legs charitable est rarement personnel, individuel, original » et que les testateurs de modeste fortune n’échappent guère, ce faisant, aux legs ritualisés par la coutume (La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 304).
-
[17]
Jacques Chiffoleau suggère que ce n’est qu’ « au cours du XVe et du XVIe siècle, avec en particulier la diffusion massive des artes moriendi, que la pastorale de la préparation à la mort va se révéler plus efficace » (Pratiques funéraires et images de la mort à Marseille, en Avignon et dans le Comtat Venaissin (vers 1280 - vers 1350), La religion populaire en Languedoc du XIIIe siècle à la moitié du XIVe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 11, Toulouse, Privat, 1976, p. 288-289).
-
[18]
L’adoption de la règle de saint Benoît incita les moines à installer les religieuses de l’ancien monastère double sur la rive occidentale du port, dans le couvent dorénavant connu sous le vocable Saint-Sauveur.
-
[19]
Édouard Baratier, La démographie provençale du XIIIe au XVIe siècle, Paris, École pratique des hautes études, 1961, p. 66.
-
[20]
Fondation marseillaise originale dédiée au rachat des captifs et aux pauvres malades, le couvent des Trinitaires figure dans l’Occidentalium historia de Jacques de Vitry, au chapitre XXV. Le prédicateur français souligne même les trois fonctions budgétaires de l’ordre : unam partem ad redemptionem captivorum qui in vinculis sarracenorum detientur ; aliam ad sustentationem pauperum infirmorum quos in domibus suis misericorditer recipunt, eis in propriis personis humiliter ministrantes ; terciam partem ad usus suos reservant, ut sobriam et pauperem vitam utcumque valeant sustentare (John Hinnebusch, The Historia Occidentalis of Jacques de Vitry. A Critical Edition, Fribourg, The University Press of Fribourg, 1972, p. 140).
-
[21]
Si les Carmes se dotèrent à cette date d’un simple oratoire, ils érigèrent en 1285 un couvent au nord de la ville (Édouard Baratier, Félix Reynaud, Le diocèse de Marseille, sous la dir. de J.-R. Palanque, Paris, Letouzey & Ané, 1967, p. 82).
-
[22]
Selon Baratier, le couvent fut fondé vers 1224 (Le mouvement mendiant à Marseille, Les mendiants en pays d’Oc au XIIIe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 8, Toulouse, Privat, 1973, p. 180). Pour sa part, Marie-Humbert Vicaire propose 1225 comme date d’incorporation (Le développement de la province dominicaine de Provence (1215-1295), Les mendiants en pays d’Oc au XIIIe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 8, Toulouse, Privat, 1973, p. 46).
-
[23]
La date de fondation du couvent marseillais est « à fixer peu après celle de leurs frères jumeaux dominicains » (Édouard Baratier, Le mouvement mendiant à Marseille, op. cit. (n. 22), p. 181).
-
[24]
Elles se sont installées dans la cité en 1254 (ibid., p. 187).
-
[25]
Maison fondée vers 1255 par Douceline, sœur du Franciscain Hugues de Digne (J..H. Albanès, La vie de sainte Douceline, Marseille, Étienne Camoin, 1879).
-
[26]
Édouard Baratier, Le mouvement mendiant à Marseille, op. cit. (n. 22), p. 186.
-
[27]
Vingt-trois ordres auraient été visés par le canon 23 du concile réuni par le pape Grégoire X, d’après le poème anonyme Concile en roman : sur les sources relatives à la suppression de ces ordres, se reporter à l’article d’Isabelle Rava-Cordier, L’expansion d’un ordre mendiant originaire de Provence : les frères sachets, Provence historique, t. LV, fasc. 219, 2005, p. 3, n. 3.
-
[28]
Dans l’article précité, Isabelle Rava-Cordier reprend certaines conclusions émises par Paul Amargier dans Les frères de la pénitence de Jésus-Christ ou du Sac, Provence historique, t. XV, fasc. 60-61, 1965, p. 158-167.
-
[29]
Protégés par le chapitre cathédral, ils furent aussi populairement connus sous le vocable de « Frères pies » (Édouard Baratier, Le mouvement mendiant, op. cit. (n. 22), p. 184-186), bien que le terme n’apparaisse pas dans les testaments. La date de leur établissement à Marseille n’est pas connue, mais la première mention de l’ordre surgit dans une disposition testamentaire de Léonce Brémond rédigée en 1260 (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 H 142) ainsi que dans les dernières volontés de l’évêque Benoît d’Alignan dressées la même année : testament transcrit dans J.-H. Albanès, Gallia Christiana Novissima. Histoire des archevêchés, évêchés et abbayes de France. Marseille (évêques, prévôts, statuts), Marseille, Imprimerie universitaire E. Fourcine, 1935, p. 163.
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[30]
L’hôpital marseillais aurait été fondé vers 1180 (Augustin Fabre, Histoire des hôpitaux et des institutions de bienfaisance de Marseille, t. I, Marseille, Laffitte Reprints, 1973 (réimpr. de 1854-1855), p. 27-28), bien que la première mention dans les séries testamentaires n’apparaisse qu’en 1277 (testament de Huguette Manche, 11 mars 1277, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 H 142, XIV G. Sur la diffusion dans le Midi rhôdanien de l’ordre de Saint-Antoine-en-Viennois à partir du XIIIe siècle, voir Daniel Le Blevec, L’Ordre canonical et hospitalier des Antonins, Le monde des chanoines (XIe-XIVe s.). Cahiers de Fanjeaux, no 24, Toulouse, Privat, 1989, p. 243-248.
-
[31]
Fondé en 1204 : Augustin Fabre, Histoire des hôpitaux, op. cit. (n. 30), t. I, p. 24.
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[32]
Cet établissement appartient à l’initiative des moines de Cruïs, originaires de Sisteron, au début du XIIIe siècle (ibid.). On en relève que de rares mentions dans les actes pour cause de mort à Marseille.
-
[33]
Les chevaliers de Saint-Jacques-des-Épées, originaires d’Espagne, établirent une maison à Marseille en 1200 (ibid., t. II, p. 108).
-
[34]
Dans son testament du 27 août 1260, l’évêque de Marseille, Benoît d’Alignan, parsème de ses aumônes une dizaine d’établissements hospitaliers et de maladeries : Sainte-Marthe, Saint-Esprit, Saint-Antoine, Saint-Jacques, Saint-Benoît (aucune mention dans nos testaments), Saint-Martin, l’hôpital du Paradis et celui dit de Bertrani Bausani, ainsi que la léproserie. La clause se termine prudemment par : et si qua alia hospitalia sint in civitate Massilie, singulis dentur V solidos (voir ci.dessus, n. 29). Pour une énumération plus exhaustive des hôpitaux marseillais, se reporter à Augustin Fabre, Histoire des hôpitaux, op. cit. (n. 30), t. I. Édouard Baratier et Félix Reynaud relèvent également un nombre de fondations qui « n’eurent qu’une existence éphémère (ainsi les hôpitaux Notre-Dame de l’Espérance et Notre-Dame de l’Humilité) » (Le diocèse de Marseille, op. cit. (n. 21), p. 86).
-
[35]
Paul Amargier, La situation hospitalière à Marseille, Assistance et charité. Cahiers de Fanjeaux, no 13, Toulouse, Privat, 1978, p. 246.
-
[36]
Ibid., Mouvements populaires et confrérie du Saint-Esprit à Marseille au seuil du XIIIe siècle, La religion populaire en Languedoc du XIIIe siècle à la moitié du XIVe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 11, Toulouse, Privat, 1976, p. 305-319 ; Jacques Chiffoleau, Entre le religieux et le politique : les confréries du Saint-Esprit en Provence et dans le Comtat Venaissin à la fin du Moyen Âge, Le mouvement confraternel au Moyen Âge. France, Italie, Suisse, Genève, Rome, Paris, Éditions du Cerf, 1987, p. 9-40.
-
[37]
Se reporter à la note 20.
-
[38]
Huguette Longe ordonne ainsi la distribution de 20 livres de royaux marseillais aux pauperibus fratribus minoribus Massilie (9 février 1292, AM Marseille, ms. 1 II 12, fol. 26).
-
[39]
Jacques Le Goff, Saint François d’Assise, Paris, Gallimard, 1999, p. 30-31.
-
[40]
L’enquête de canonisation du petit-fils de Charles Ier d’Anjou, qui débute à Marseille en 1307 pour se terminer dix années plus tard, dépeint un saint homme dont la compassion envers les pauvres n’a d’égal que celle de saint François lui-même, voir Jacques Paul, Évangélisme et franciscanisme chez Louis d’Anjou, Les mendiants en pays d’Oc au XIIIe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 8, Toulouse, Privat, 1973, p. 387-294, ainsi que, du même auteur, Perception et critères de sainteté en France méridionale, XIIIe-XVe siècle, Hagiographie et culte des saints en France méridionale (XIIIe-XVe siècle). Cahiers de Fanjeaux, no 37, Toulouse, Privat, 2002, p. 31-62.
-
[41]
Comme on le sait, Robert d’Anjou composa un traité sur la pauvreté au début des années 1320 ; le manuscrit, conservé à la Bibliothèque nationale de Paris, n’a jamais fait l’objet d’une édition complète. Sur cette question, il faudra consulter (Samantha Kelly, The New Solomon. Robert of Naples (1309-1343) and Fourteenth-Century Kingship, Leiden/Boston, Brill, 2003, p. 71-81).
-
[42]
Les filleuls, les orphelins de collègues ou confrères, les apprentis, les enfants illégitimes, les nièces à marier, une parente veuve représentent autant de « pauvres » dont il est mal aisé de connaître l’indigence véritable.
-
[43]
Nous disposons de peu d’études statistiques sur les attitudes devant la charité pour le reste de la Provence au début du XIVe siècle, et les quelques indices disponibles semblent suggérer une importante fluctuation d’une communauté à l’autre, d’où la « difficulté d’expliquer de façon univoque ces différences de comportement » (Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 302).
-
[44]
Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 H 162.
-
[45]
Il faudrait poursuivre systématiquement l’étude dans les fonds hospitaliers, notamment ceux de l’hôpital Saint-Esprit, dont les registres rapportent diverses fondations charitables (Augustin Fabre, Histoire des hôpitaux, op. cit. (n. 30), t. II, p. 89 et s.).
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[46]
Item lego amore Dei fratri Petro Riverie ordinis fratrum minorum qui pro salute anime mee rogabis Dominum octo libras dictem monete (...) Item lego centum solidos quos tradere volo eidem fratri Petro Reverie et ipse distribuere ad voluntatem suam pro salute anime mee juxta {de}clarationem per me sibi factam in {mea} confessione (19 août 1332, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 6, fol. 87 vo-88). Les accolades renvoient aux passages mouillés reconstitués.
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[47]
Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 431.
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[48]
Lego L libras pro meis forefactis esmendandis juxta formam et tenorem et prout continetur in quadam sedula scripta et sigillata sigillo meo et solvantur illis personis qui seu quibus per dictam sedulam {provi...} nisi ego illa solvissem in solido vel in parte in vita mea (6 avril 1346, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 44, fol. 9).
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[49]
À commencer par le port phocéen : sur cette question, il suffit de se reporter aux études récentes de John Pryor, Business Contracts of Medieval Provence. Selected « Notulae » from the Cartulary of Giraud Amalric of Marseilles, 1248, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1981, coll. « Studies and Texts, 54 » et de Daniel L. Smail, The Consumption of Justice. Emotions, Publicity, and Legal Culture in Marseille, 1264-1423, Ithaca (NY), Cornell University Press, 2003.
-
[50]
Concept relatif, bien évidemment, la liberté testamentaire connaît des limites subjectives qui échappent à l’historien : l’influence du groupe familial ou de personnalités religieuses persuasives peut en effet compromettre la volonté individuelle. Mais des pressions diverses et simultanées peuvent également finir par se neutraliser réciproquement. Par ailleurs, l’examen minutieux de centaines de testaments laisse plutôt transparaître l’expression de volontés fortement individualisées, en dépit des contraintes – de nature surtout familiales – qui dans cette culture orale devaient puissamment s’exercer sur le mourant. Ainsi Béatrice de Besse n’a-t-elle pas hésité à retirer par acte codicillaire un legs à sa cousine en raison des méchancetés que celle-ci lui aurait proférées, vraisemblablement en réaction à la modestie du don : in primis adhimo et detraho Batrone de Gappo illos centum solidos quos sibi legaveram in dicto meo testamento pro ea maritanda ceteris contentis in ipso meo testamento in suis roboribus propter tuis duraturis (29 juillet 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 77, fol. 76 vo). Cette éloquente admonition, adressée à la deuxième personne, comme s’il s’agissait d’un dialogue, rappelle le caractère à la fois public et personnalisé du testamentum nuncupativum (voir note suivante). Enfin, le testament offre une ultime occasion d’autorité à ceux et à celles qui s’en trouvent peut-être dépourvus de leur vivant. Ainsi Richarde Jean menace-t-elle de déshériter son mari et héritier unique s’il refuse, pour son dernier repos, d’être enseveli auprès d’elle, au cimetière de l’église Saint-Sauveur : volo et ordino quod heres meus (magister Johannes de Auriaco maritus meus) quandocumque eum mori contigerit se faciat cepeleri in tumulo in quo ego cepeleri (...). Puis un rajout annonce : eo casu quod contrarium fieri adhimo eidem et ex nunc in eo casu predicto remitto et annulo (1341, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 393, fol. 18).
-
[51]
Le testament nuncupativum, c’est-à-dire solennellement déclaré, détient toute sa force pendant la période qui nous occupe. Ainsi la validité du testament oral non notarié d’une jeune épouse ne fut jamais mis en cause, bien qu’il dut être consigné par écrit au moment de son exécution, sur la foi de la mère de la défunte et du mari de celle-ci, ainsi que de plusieurs femmes citées à titre de témoins oculaires présentes au chevet de la testatrice mourante – autre manifestation de la sociabilité de la mort : Cum dicta Garcenda ex infirmitate detenta fuerit ex inde mortua post vero mortem dicte Garcendis propria mortua existentis in lecto Adalacia Cordineria mater dicte Garcendis et dictus Johannes Ruffi maritus interrogaverunt in presencia mei notarii et testium infrascriptorum Guillelme Augerie, Bartholomee Manegote et Bellieutz uxoris Johannis Carbona et Dulcie de Podio qualiter ipso Garcenda suam feceret ordinationem de bonis suis qui testes omnes juraverunt ad sancta Dei euvangelia (...) (1er mars 1310, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 25, fol. 37). La tradition orale testamentaire ne s’entoure pas moins d’un formalisme juridique assez rigoureux. Le 13 septembre 1346, le testament de Jacqueline Missonier consigné par écrit devant huit témoins est déclaré invalide faute d’avoir été dûment récité, comme le révèle une note au bas du folio : cassatur quare non fuit recitatum (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 18, fol. 25 vo).
-
[52]
Il se pourrait que dans la ville portuaire la spiritualité franciscaine ait joué un rôle déterminant sur la piété féminine : les résultats de la présente étude vont en ce sens, et corroborent ceux d’une enquête antérieure conduite sur une chronologie plus courte et sous un angle différent (Francine Michaud, Liaisons particulières ? Franciscains et testatrices à Marseille (1248-1320), Annales du Midi, t. 104, no 197, 1992, p. 7-18).
-
[53]
Sur la base d’un échantillon assez large, Jacques Chiffoleau avait noté l’importante proportion des femmes dans les testaments (établie à 51 %), mais sans toutefois l’expliquer au-delà du fait qu’il semblerait se rapporter à une culture fortement urbanisée (Pratiques funéraires et images de la mort, op. cit. (n. 17), p. 273-274).
-
[54]
En Angleterre, en France, en Avignon, la proportion des testaments féminins fluctue entre 30 % et 40 % : Michael M. Sheehan, The influence of canon law on the property rights of married women in England, Medieval Studies, 25 (1963), p. 122 ; Jacques Beauroy, Family patterns and relations of Bishop’s Lynn will-makers in Fourteenth-Century, The World We Have Gained, éd. Lloyd Bonfield, Richard M. Smith and Keith Wrightson, Oxford, 1986, p. 25 ; Marie-Thérèse Lorcin, Vivre et mourir en Lyonnais, à la fin du Moyen Âge, Paris, 1981, p. 59 ; et Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 50. À Lausanne au XVe siècle, elle est de 42 % : Lisiane Lavanchy, Écrire sa mort, décrire sa vie. Testaments de laïcs lausannois (1400-1450), Lausanne, Cahiers Lausannois d’histoire médiévale, 2003, p. 48. Marie-Claude Mirandet, dont la récente étude sur les pratiques testamentaires dans le Toulousain, notamment dans le second versant du XIVe siècle, confirme que la présence féminine dans ce genre d’actes n’est que de seulement 36 % (Le souci de l’au-delà : la pratique testamentaire dans la région toulousaine (1300-1450), Presses universitaires de Perpignan, 1998, p. 85). Cependant, dans l’Italie urbanisée dès la fin du XIIe siècle, hommes et femmes revendiquent ce droit à peu près également : à Gênes, de 1150 à 1250, les femmes représentent tout près de la moitié du corpus, de même qu’à Venise au XIVe siècle (Steven Epstein, Wills and Wealth in Medieval Genoa, 1150-1350, Harvard, 1984, p. 38 ; Stanley Chojnacki, Dowries and Kinsmen in Early Renaissance Venice, Women in Medieval Society, Suzan Mosher Stuard (éd.), Philadelphie, 1976, p. 177).
-
[55]
En revanche, la patria potestas paraît faire écran à la générosité spontanée. En effet, les donations propter mortis, ces rares testaments d’individus en puissance de père (à peine 1 % du corpus), font état d’une étonnante mainmise du géniteur sur les biens de l’enfant parvenu à l’âge adulte, notamment la fille mariée, c’est-à-dire, munie de sa dot, cet héritage parental anticipé. Prenons un exemple typique. En 1319, Cartenette Guillaume gît malade, entourée de son père Jacques, dont elle a conservé le patronyme, de son mari, Giraud André, et de ses trois fils héritiers nés d’un premier lit. Désireuse d’être ensevelie auprès de sa mère, Cartenette laisse toutefois à la discrétion de son père, à même les sommes dotales, le soin d’organiser les obsèques et d’acheter les messes rédemptrices au sanctuaire de son choix à lui. Aucune provision n’est ménagée pour les pauvres du Christ (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 30, fol. 47).
-
[56]
Dans la société romaine, du Bas-Empire à l’ère justinienne, les femmes jouissaient en toute plénitude du droit de tester (P.-F. Girard, Manuel élémentaire de droit romain, Paris, 1924, p. 865).
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[57]
Il est ainsi peu probable que les veuves soient surreprésentées dans notre corpus. En fait, les épouses le sont pendant les crises de mortalité (1286, 1348) lors desquelles, vraisemblablement rivées au chevet des malades plus souvent que les hommes, elles sont les premières victimes de la maladie : sur les 23 femmes qui ont testé en 1348, 13 sont mariées. Cette observation est corroborée par l’expérience des populations africaines affligées de la peste à l’époque contemporaine (Myron Echenberg, Black Death, White Medicine. Bubonic Plague and the Politics of Public Health in Colonial Senegal, 1914-1945, Oxford, 2001, p. 202).
-
[58]
Avant 1300, les femmes représentent 61 % des testateurs issus des couches supérieures de la population : noblesse, bourgeoisie, marchandise et justice. Au XIVe siècle, cette proportion décroît à 50 %.
-
[59]
Notons que 76 % des hommes (152/200) dévoilent leur identité socioprofessionnelle contre seulement 64 % des femmes (150/236).
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[60]
D’après Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 41. Il faut pourtant nuancer la notion de « démocratisation » de la pratique testamentaire, car pour spectaculaire qu’elle fût en Provence au début du XIVe siècle, elle n’affecte d’abord que la gente masculine, pour s’étendre ensuite petit à petit aux femmes des couches plus modestes. Cette observation souligne encore davantage la surreprésentation des testatrices provenant des milieux aisés de la ville.
-
[61]
Les bourgeois, classe dirigeante de la société marseillaise, ne recourent évidemment pas aux référents professionnels dans les actes pour cause de mort. Figure de proue de la collectivité, placée bien au-dessus de la marchandise et de l’artisanat, l’élite urbaine peut en effet se passer de repères identitaires de cette nature, ce qui n’en va pas de même pour les classes laborieuses, anciens résidents ou nouveaux arrivés dans la ville portuaire.
-
[62]
Quia ab experto scio dictum filium meum esse prodigum et bonorum suorum dissipatorem magnum : [...] octobre 1293, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 H 179.
-
[63]
Il est par conséquent difficile d’y voir, ne serait-ce que sous l’angle statistique, « une propension naturelle à la compassion, plus développée chez elles (les femmes) que chez les hommes » (Daniel Le Blevec, Le rôle des femmes dans l’assistance et la charité, La femme dans la vie religieuse du Languedoc (XIIIe-XIVe siècles). Cahiers de Fanjeaux, no 23, Toulouse, Privat, 1988, p. 179).
-
[64]
« Ce n’est pas un hasard si ce sont les nobles qui montrent la voie : la largesse est une vertu proprement féodale » (Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 306).
-
[65]
« La raison de la désaffectation des milieux conventuels féminins face au devoir évangélique de charité est peut-être à rechercher dans l’évolution de la conception que l’on se fait alors de la vie féminine cloîtrée et qui privilégie de plus en plus, surtout au XIVe siècle, le choix de Marie, au détriment de celui de Marthe » (Daniel Le Blevec, Le rôle des femmes dans l’assistance, op. cit. (n. 63), p. 174).
-
[66]
Francine Michaud, Liaisons particulières ? Franciscains et testatrices à Marseille, op. cit. (n. 52),
-
[67]
« (L)a spiritualité d’Umiliana, telle qu’elle s’exprime dans sa vita, porte la marque d’une autre orientation à laquelle les Frères Mineurs qui l’entouraient ne sont sans doute pas étrangers. Sous leur influence, nous voyons la sainte renoncer progressivement aux œuvres de miséricorde et de bienfaisance auxquelles elle s’était adonnée pendant plusieurs années et privilégier de plus en plus la contemplation et la recherche des grâces mystiques » (André Vauchez, Les laïcs au Moyen Âge. Pratiques et expériences religieuses, Paris, Le Cerf, 1987, p. 201).
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[68]
Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 3, feuille volante.
-
[69]
La requête du fidèle se limite parfois à une formule générique qui ne laisse cependant aucun doute sur la confiance que ce dernier ressent envers le clerc désigné pour choisir et assurer l’exécution des œuvres pies (ad salutem anime mee melius videbitur expedire), comme l’exprime éloquemment en 1248 Pierre de Saint-Paul, originaire de Montpellier : Item accipio de bonis meis pro anima mea et redempcione meorum peccaminum et pro forefactis meis esmendandis et pro expensis funerariis faciendis L libras melgoriensium de quibus lego priori dicte ecclesie Sancti Jacobi de Melgiorio Sancti Ruffi, compatri meo, C solidos quos debeat idem prior per fideicomissum (sic) pro anima mea distribuere secundum quod ei ad salutem anime mee melius videbitur expedire : 30 mars 1248, d’après l’édition de Louis Blancard du registre de Giraud Amalric, Documents inédits sur le commerce de Marseille au Moyen Âge, édités intégralement ou analysés, t. II, Marseille, Barlatier-Feissart, 1885, p. 314.
-
[70]
Hormis les parentes placées dans les couvents marseillais et provençaux, très peu de religieuses ont été citées dans les testaments. Nous avons néanmoins tenu compte de celles qui se trouvent en situation d’autorité (abbesses) ou d’autonomie (béguines), ainsi que celles dont le suffrage spirituel est spécifiquement requis (commandes de prières).
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[71]
De même que les témoins instrumentaires.
-
[72]
La seule note discordante au tableau se rapporte à la décennie 1310, époque qui coïncide avec la crise institutionnelle franciscaine autour de la notion de pauvreté absolue réprimée par le pape Jean XXII, ainsi que la disparition effective d’un groupuscule mendiant particulièrement actif sur le plan pastoral, les Servites.
-
[73]
Comme le suggère Daniel Le Blevec, ces deux fonctions sont loin d’être exclusives, à l’instar des frères hospitaliers de Saint-Antoine qui « entretenaient avec les laïcs accueillis dans leurs maisons, l’obligation économique à laquelle ils étaient soumis d’organiser des tournées de quêtes à travers les diocèses, en les accompagnant de sermons destinés à susciter la charité des fidèles » (L’Ordre canonical et hospitalier des Antonins, op. cit. (n. 30), p. 237). Sans doute la popularité de nombreux clercs, dont le frère antonin Bérenger Repelin à Marseille, s’explique-t-elle de cette façon : voir tableau 7.
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[74]
L’enquête fut mise sur pied en mars 1339 (Édouard Baratier, Paul Amargier, Le diocèse de Marseille, op. cit. (n. 21), p. 69).
-
[75]
Et sub tali conditione quod nichil de bonis meis legat vel donet aliqua causa alicui ecclesie vel clericis vel alicui persone ecclesiastice : codicille daté du 25 novembre 1335, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 37, fol. 130 vo.
-
[76]
Il est difficile de déterminer dans quelle mesure cet anticléricalisme laïque est la somme d’une mûre réflexion ou simple mouvement d’humeur, par opposition à la contestation foncière définissant « l’anticléricalisme médiéval (qui) ne peut être que clérical » (Claude Carozzi, Praelatus. L’anticléricalisme médiéval, L’anticléricalisme en France méridionale (fin XIIe - début XIVe siècle). Cahiers de Fanjeaux, no 38, Toulouse, Privat, 2003, p. 34). Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’être perplexe devant le nombre de testateurs (3 % des testateurs), tous à partir de 1305, qui, hormis le lieu de sépulture et les frais funéraires afférents, ne citent aucun établissement religieux ou clerc à titre de bénéficiaire.
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[77]
Jean Gasc mourut en 1346. Édouard Baratier, Paul Amargier, Le diocèse de Marseille, op. cit. (n. 21), p. 55-56.
-
[78]
6 juillet 1299, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 23 H 8.
-
[79]
1er janvier 1315, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 28 H 1.
-
[80]
20 octobre 1340, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 14, fol. 1-7.
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[81]
9 février 1292, AM Marseille, ms. 1 II 11, fol. 65.
-
[82]
Jubeo dari alias XXV libras predicto fratri Raymundo de Vestra quas volo dari et distribui pauperibus fratribus conventis Massilie et aliorum conventuum (9 février 1292, AM Marseille, ms. 1 II 12, fol. 26).
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[83]
L’engouement pour le nouvel ordre s’étend jusqu’à la société cléricale : déjà en 1268, Jean Raynaudi, neveu du prévôt du Chapitre et jeune novice de la cathédrale, fit dresser son testament le jour de son admission au couvent des Frères Servites, intendens religioni Sancte Marie Matris Christi servire (4 septembre 1268, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 23).
-
[84]
Sur cette question, voir également Micheline de Fontette, Les Mendiants supprimés au 2e concile de Lyon (1274). Frères Sachets et Frères de la Pie, Les mendiants en pays d’Oc au XIIIe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 8, Toulouse, Privat, 1973, p. 193-216.
-
[85]
Item lego domui elemosine Sancti Victoris Massilie V solidos. Item lego hospitali Sancti Spiritus III solidos quos volo dari pauperibus dicti hospitalis in comesticibus seu cibo. Item lego fratri Oliverio ordinis Beate Marie Matris Christi XII denarios et ipse teneatur celebrare pro anima mea tot missas sicut ei videbitur esse justum. Item lego luminarie ecclesie Sancti Jacobi ville superioris Massilie XII denarios. Item lego Repenticis XII denarios quod dentur Guillelme prioresse pro expendendis inter eas (22 octobre 1278, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 1, fol. 67 vo).
-
[86]
In claustro domus olim dictorum fratrum ordinis Beate Marie Matris Christi de Porta Gallica juxta et infra muros civitatis Massilie (22 octobre 1309, BNF, Nouvelles Acquisitions latines, Fonds Mortreuil, p. 73).
-
[87]
Octobre 1293, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 H 179.
-
[88]
4 mai 1286, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 3, fol. 41 vo.
-
[89]
9 février 1292, AM Marseille, ms. 1 II 12, fol. 26.
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[90]
Item lego filiis Petri Andree et aliis Christi pauperibus de Maserolis in caritate et amore Dey (sic) duo sestaria bladi (10 mai 1336, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 10, fol. 25).
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[91]
Comme le suggère le tableau 7, les personnalités religieuses citées à plusieurs reprises sont issues de diverses congrégations, des maisons mendiantes en passant par les ordres hospitaliers, ainsi que du clergé canonial desservant les églises paroissiales de la ville.
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[92]
Dicta Garcenda in dicta infirmitate in presencia domini Bertrandi de Ecclesia Sancti Martini capellani et confessoris dicte Garcendis, dixit et ordinavit quod eligit sepulturam in cyminterio de Acuis (1er mars 1310, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 25, fol. 37). Il importe de souligner ici que l’appel au confesseur s’observe également au sein du petit peuple : Garsende n’a en effet que des moyens assez réduits, puisque, hormis les 40 sous faits en legs, l’inventaire après décès révèle qu’elle ne déteint qu’une panoplie d’articles personnels et domestiques de peu de valeur. Sans se généraliser, cette forme d’encadrement pastoral individualisé se rencontre au sein des classes artisanales à partir du premier tiers du XIVe siècle. Dans le corpus constitué, nous l’avons repérée auprès d’aubergistes, de pâtissiers, de fustiers, de fabricants de litières, de calfats, de laboureurs, etc.
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[93]
41 testateurs ont cité 44 confesseurs ; les parenthèses renvoient aux citations différentielles entre testateurs masculins et féminins (hommes/femmes).
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[94]
31 août 1329, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 68, fol. 11 vo.
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[95]
Huguette Béroard, veuve de damoiseau, dévoile en outre avoir promis d’assister l’un d’eux à couvrir les frais du vestiaire lors de son entrée au couvent : Item confiteor me olim promisse fratri Bernardo Giraudi de ordine fratrum minorum layco quando intravit monasterium predictum dare et solvere sibi vestiarum et cum nondum eidem satisfecerum lego sibi ob causam predictam, ita quod nichil amplius petere heredi meo subscripto predicta occasione XV librarum regalium (20 octobre 1340, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 14, fol. 1 vo).
-
[96]
21 août 1287, AM Marseille, ms. 1 II 11, fol. 14.
-
[97]
Item lego centum solidos sacerdotibus pauperibus ecclesie majoris Sedis Massilie qui distribuantur ad arbitrium fratris Arnaudi Fabri confessoris mei lectoris Carmelii Massilie (9 mars 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 355 E 1, fol. 39).
-
[98]
À partir des années 1310, 36 % des confesseurs déclarés dans les testaments appartiennent au clergé séculier.
-
[99]
Item lego amore Dei fratri Petro Riverie ordinis Fratrum Minorum qui pro salute anime mee rogabit Dominum octo libras dicte monete (...). Item lego c solidos quos tradere volo eidem fratri Petro Riverie et ipse {mot illisible} distribuere declarationem per me sibi factam in mea confessione (19 août 1332, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 6, fol. 87 vo-88).
-
[100]
Paraphrase d’un vers tiré du Breviari d’Amor de Matfre Ermengau, cité dans René Nelli, L’aumône dans la littérature occitane, op. cit. (n. 1), p. 54.
-
[101]
Les testateurs qui laissent derrière soi une forte progéniture, soit plus de trois enfants, désignent une œuvre charitable dans une proportion égale ou supérieure à la moyenne.
-
[102]
On se souviendra qu’en 1286 Maître Victor fut désigné héritier universel en sa qualité d’aumônier de la cathédrale par Bertrand de Beaumont (voir supra, n. 1). L’année suivante, Cécile Alvina fit de même en spécifiant bien que quidem bona mea predicta volo et mando distribui atque dari per dictum helemosynarium (sic) et successores suos pauperibus (13 avril 1287, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 27). Or en 1302, Me Victor fut nommé à titre personnel héritier unique d’une autre testatrice, Aycarde Rostang, avec laquelle il ne semble entretenir pourtant aucun lien de parenté (1er juillet 1302, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 23, fol. 30 vo). Il y a tout lieu de croire que si les contemporains de Victor l’entourèrent d’une certaine aura de son vivant, les recettes de l’aumônerie, lorsqu’il en avait la charge, ont dû selon toute vraisemblance en bénéficier. À la lecture de son testament, il est possible de saisir la nature du rapport qui l’unissait à plusieurs de ses contemporains : il fonde à grands renforts de moyens une chapellenie pour la rédemption de son âme et celle de ses parents, ainsi que pour le salut de tous les fidèles, in redemptionem meorum peccaminorum et parentum meorum et fidelium animarum (9 février 1297, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 31).
-
[103]
D’après le testament qu’il fait dresser le 9 février 1297 dans une maison appartenant à l’institution : in omnibus autem aliis bonis meis facio michi heredem universalem et gadiatorem elemosinam ecclesie Sedis. Actum Massilie in quadam domo dicte elemosine quam dictus testator inhabitat (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 31).
-
[104]
À cet effet, il faudrait nuancer l’interprétation avancée par Édouard Baratier et Félix Reynaud, du moins pour la première moitié du XIVe siècle : « Au XIVe siècle, de nombreux hôpitaux furent fondés par dispositions testamentaires de riches bourgeois », Le diocèse de Marseille, op. cit. (n. 21), p. 86.
-
[105]
17 juin 1310, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 26, fol. 11 vo.
-
[106]
S’apprêtant à effectuer un voyage d’affaires, Jacques Grasset soumet cependant son héritier, l’hôpital Saint-Esprit au nom des pauvres qui s’y trouvent, à une clause viagère en faveur de sa veuve (13 mars 1337, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B 48, liasse 4).
-
[107]
15 avril 1347, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 76, fol. 11.
-
[108]
Déjà en 1297, lorsque Pierre Béroard, le successeur de Me Victor, recueille l’héritage de dame Nicole Ferrer, il est tenu de retrancher 60 livres pour la fondation de cens anniversaires à la cathédrale, à l’église franciscaine et à l’église des Prêcheurs pour le salut de l’âme de la bienfaitrice (30 août 1297, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 32). De même Jacqueline Bérenger distribue ses biens pour moitié à son cousin Albéric de Monaco et, pour l’autre, aux pauvres du Christ et à l’achat de messes salvatrices : in medietate dictorum bonorum meorum et rerum dictum Albaricum de Moyniaco consanguineum meum presentem et suos heredes et successores relinquo vero medietatem volo, jubeo et ordino dari et distribui pauperibus Christi et pro missis celebrandis pro anima mea et parentum meorum ad omnimodam distributionem dicti Albarici consanguinei mei (15 avril 1347, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 76, fol. 11).
-
[109]
Les trois testateurs qui recourent à cette formule le font après 1295, deux n’allouant en substitution qu’une portion de leur patrimoine à des œuvres caritatives.
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[110]
2 septembre 1318, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 14, fol. 63 vo.
-
[111]
Sur les 198 donateurs il faut compter 97 hommes et 101 femmes.
-
[112]
Très symbolique, cette somme se retrouve dans les habitudes testamentaires en d’autres régions provençales, telles qu’en Avignon (Anne-Marie Hayez, Clauses pieuses de testaments avignonnais au XIVe siècle, La piété populaire au Moyen Âge. Actes du 99e congrès national des Sociétés savantes, Besançon, Bulletin philologique et historique du comité des travaux scientifiques jusqu’à 1610, t. I, Paris, 1977, p. 155).
-
[113]
AM Marseille, ms. 381 E 16, fol. 140-141 vo.
-
[114]
Sur les tendances inflationnistes du XIVe siècle, se référer à l’ouvrage d’Étienne Fournial, Histoire monétaire de l’Occident, Paris, Nathan, 1970, p. 97-126, ainsi qu’à celui de Peter Spufford, Money and its Use in Medieval Europe, Cambridge, 1988, p. 289-318. Entre 1319 et 1350, la valeur du menu marseillais vis-à-vis le florin d’or décroît de 24 sous et 4 deniers à 30 sous : cette question est abordée dans un article récent : Francine Michaud, « From apprentice to waged-earner : Child labour before and after the black death », Medieval Childhood, éd. Joël Rosenthal, Donington (Lincolnshire, G.-B.), Shaun Tyas / Paul Watkins Publishing, 2006, p. 82-83, n. 29-31. L’inflation aura en outre contribué à l’augmentation des salaires déjà perceptible dans les années 1340, selon nos recherches en cours.
-
[115]
AM Marseille, ms. 1 II 47, fol. 11 vo.
-
[116]
Decem lectos pannorum scilicet quemlibet ipsorum munitum de bassaca et culcitra cum pluma et pulvinari cum pluma et de duobus linteaminibus et de cohopertorum vel saltim [...] cohopertoria et flassatas (5 août 1266, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 19).
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[117]
Le premier registre de délibérations municipales évoque en effet la pénurie de pain qui sévit dans la ville à partir de décembre 1318 (AM Marseille, ms. BB 11, fol. 13 et s.).
-
[118]
Il s’agit soit de l’église, soit de l’hôpital du même nom.
-
[119]
Item volo quod venditis fructibus vine mee singulis annis perpetuo site apud Sanctam Martham sub dominio domine Dragonete ad quartam partem fructuum et deductis expensis factis annis singulis in culturanda ea per dictam uxorem meam totum residuum amore Dei annis singulis in pane vel alias Christi pauperibus largiatur de consilio dicte Margarite sororis mee (1er août 1318, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 14, fol. 6).
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[120]
Suivant la formule de Guillaume Benoît : 24 février 1296, AM Marseille, ms. 1 II 6, fol. 17.
-
[121]
Assurément, Ponce B{iperii}, dont la dot de sa fille s’élève à 100 livres, appartient aux couches artisanales aisées de la ville (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 14, fol. 60 vo), puisqu’à cette époque la valeur médiane de l’apport dotal est de 64 livres et 5 sous de royaux marseillais (Francine Michaud, Un signe des temps. Accroissement des crises familiales autour du patrimoine à Marseille à la fin du XIIIe siècle, Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, 1994, coll. « Studies and Texts 117 », p. 95, n. 51).
-
[122]
Item cereo ejusdem domine (nostre de Majori) qui portatur per villam cum corpore Christi ad comunandum infirmos decem solidos (...) Item cereo ejusdem (domine nostre de Acuis) cum corpore Christi per villam ad communicandum infirmos decem solidos (28 mars 1292, AM Marseille, ms. 1 II 12, fol. 52 vo).
-
[123]
Elles sont toutes issues de l’élite, à une exception près : en 1301 Jérémie Richard, s’apprêtant à quitter la ville (pour un pèlerinage ?), dédie 10 sous pour le rachat de la Croix en Terre sainte (3 octobre 1301, AM Marseille, ms. 1 II 17, fol. 31 vo).
-
[124]
Francine Michaud, The pilgrim, the priest, and the beguine, op. cit. (n. 7). Il y a peut-être lieu de penser que l’influence des Mendiants – en particulier celle des Frères Mineurs – y est pour quelque chose, compte tenu de leur étroite association avec les dames de la bonne société d’une part et, d’autre part, en raison de leur engagement auprès du Saint-Siège à faire de la croisade un thème de prédication auprès des fidèles marseillais (Christoph T. Maier, Preaching the Crusades. Mendicant Friars and the Cross in the Thirteenth Century, Cambridge University Press, 1994, p. 85).
-
[125]
Item lego cuidam capellano de novo promovendo ad sacerdotem ordinem eligendo per heredem meum infrascriptum dum promovebitur X libras (22 août 1341, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 393, fol. 17 vo).
-
[126]
Se distinguent à leur nombre une dame de la bourgeoisie, une aubergiste, une épouse de fustier, une femme et une fille de bouchers, l’épouse d’un maçon, etc.
-
[127]
Testament de Marie, épouse du laboureur Hugues Roux (27 novembre 1286, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 3, fol. 77 vo).
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[128]
Depuis 1278, des disposants, surtout des laboureurs et leurs épouses, avaient souhaité participer aux frais des travaux projetés, tels que Plendossa, femme de Raymond Roger : Item lego operi aquae faciende in civitate superiori Massilie XVIII denarios (13 octobre 1278, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 1, fol. 63 vo). Mais en 1286, le changeur Bertrand de Beaumont consacra 100 sous pour ce qui semble être toujours à l’état de projet : Item lego operi aqueductus Massilie centum solidos quos volo dari et solvi de bonis meis operario seu operariis qui constituentur per homines Praepositure dicte Sedis eo tempore quo in dicta Praepositura operabitur pro aqua adducenda et non ante (28 septembre 1286, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 27).
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[129]
Au milieu du XIIIe siècle on encourageait même les pauvres à prendre la croix, comme le fit Giraud Cardaillac : Item lego X libras crucesignatis pauperibus ad transfretandum ad subsidium Terre Sancte (Louis Blancard, Documents inédits sur le commerce de Marseille, op. cit. (n. 69), t. II, p. 323). Mais lorsque, un siècle plus tard, une testatrice lègue une somme identique pour le même projet, elle soulève néanmoins le doute qu’il ne se réalise jamais : Item lego passagio Sancte Terre ultra marine decem libras quando {fieri ?} sed non aliter (6 avril 1346, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 44, fol. 5 vo). Jacques Chiffoleau ne relève aucune trace de cette nature dans les testaments en Comtat pour tout le XIVe siècle (La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 291), ce qui n’est tout de même pas le cas à Marseille, tant s’en faut.
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[130]
Ce qui explique le tarissement des legs alloués aux Trinitaires (voir tableau 14).
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[131]
Item lego centum solidos dandos diversis pauperibus carceratis pro sustentatione vice eorum vel liberationem per se eorum ad arbitrium dictorum excequtorum (sic) pro debitis captis : testament de Guillaume Égide, 25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 73 vo : une clause identique se retrouve dans le testament de sa femme : 25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 76 vo.
-
[132]
« À Marseille également, la population est en très forte diminution par rapport au XIIIe siècle, mais dans une proportion inconnue (...) (C)ette dépopulation s’expliquerait par la crise commerciale (...). Le déclin économique et démographique du grand port semble avoir précédé de plus d’un demi-siècle celui de l’intérieur du pays » (Édouard Baratier, La démographie provençale, op. cit. (n. 19), p. 81).
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[133]
À Pise, Sienne et Florence, « the consolidation of services by earlier established institutions (...) succeeded in rationalizing hospital space that had structured such social services in the early communes of the late Middle Ages » (Samuel K. Cohn Jr, The Cult of Remembrance and the Black Death. Six Renaissance Cities in Central Italy, Baltimore/London, The Johns Hopkins University Press, 1992, p. 70).
-
[134]
On voit bien ici que ce développement dépasse les retombées de la réforme entreprise par l’Église depuis le concile de Vienne dans cet effort de la rationalisation de la bienfaisance (Jacqueline Caille, Assistance et hospitalité au Moyen Âge, Bulletin de la Société des Études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, t. CII, 1981, p. 300).
-
[135]
Le phénomène s’observe aussi en Avignon ; en revanche, dans la seconde moitié du XIVe siècle, les legs en faveur des lépreux augmentent, en raison d’une « recrudescence de la maladie ? » (Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 319). Pour les premières décennies du siècle, le recul de la lèpre ne saurait suffire d’explication. D’ailleurs, l’hôpital Saint-Antoine reçoit toujours les bienfaits des fidèles alors que l’ergotisme est en régression à la même époque (Daniel Le Blevec, L’Ordre canonical et hospitalier des Antonins, op. cit. (n. 30)).
-
[136]
Item lego elemosine ecclesie Beate Marie Sedis Massilie quatuor libras predicte monete quas volo dari et solvi dicte elemosine hinc ad tres annos proximos continuos et complendos a die obitus mei in antea computandis et complendis (5 avril 1314, AM Marseille, ms. 1 II 7, fol. 1).
-
[137]
Il s’agit à l’occasion des membres du personnel hospitalier, tels que sœur Sybille, œuvrant à Saint-Lazare, qui reçut du chevalier Bertrand Amel 20 sous pour la confection d’une tunique, au moment où celui-ci étendait ses largesses aux infirmes de la maison en leur accordant chacun 20 deniers pour l’achat d’une chemise : Item lego sorori Sibilie Sancti Lazari Massilie XX solidos pro una tunica. Item volo et mando quod emantur septem camisiae precio cuilibet earum XX denariorum regalium quas septem camisias lego infirmis Sancti Lazari Massilie (2 août 1286, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 3, fol. 60).
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[138]
Sans doute est-ce là la raison qui motive le marchand Jacques de Cologne à désigner Gaufride de Serverie, héritier en fiducie de sa fortune au nom de l’aumônerie de la cathédrale qu’il dirige alors, gardien de son fils illégitime pendant une période de dix ans : Et volo et jubeo quod dictus Guirardinus (filius meus naturalis) usque ad dictos X annos sit sub custodia dicti Gaufridi de Cerveriis vel alterius helemosinarii qui pro tempore fuerit in dicta helemosina (5 août 1266, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 19). Notons que la moitié des testateurs dont on connaît l’origine sociale et qui confient un legs à l’administrateur d’une œuvre de charité ou d’un hôpital se disent changeurs ou marchands.
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[139]
AM Marseille, ms. BB 11, fol. 89. Nous ignorons cependant la cause et les résultats de l’enquête.
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[140]
À une exception près cependant : au moment où la Peste noire vient de ravager la population de la ville, Nicole Payrolier, veuve de pâtissier, estime urgent de participer au financement d’un nouvel hôpital projeté par la confrérie de Saint-Jacques en l’honneur du saint, et lègue « à ses recteurs ou gouverneurs » une somme de 20 livres et à cette fin seulement : Item lego rectoribus seu gubernatoribus luminarie Sancti Jacobi Massilie viginti libras regalium convertendas in emptionibus domorum per ipsos faciendis pro hospitali construendo et edifficando per ipsos ad honorem Beati Jacobi quas volo et jubeo dari, solvi et expederi in pecunia ipsis rectoribus dum emptionem vel emptiones aliquas facient pro ipso hospitali construendo et non ante nec alio modo (21 octobre 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 77, fol. 145 vo). Peut-être s’agit-il d’une contribution à l’initiative du négociant Bernard Garnier qui, par une disposition testamentaire de 1344, laissa une rente de 50 livres pour la fondation d’un nouvel hôpital appelé à prendre le vocable de Saint-Jacques-de-Gallice (Paul Amargier, La situation hospitalière à Marseille, op. cit. (n. 35), p. 253-260).
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[141]
Jusqu’en 1304, l’hôpital a à sa tête un « précepteur », frère laïque membre du personnel de la maison (la première référence remonte à Frère Hugo, preceptor seu commandator, le 20 août 1276 (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B73) et la dernière à celle de Ponce Guyssard, praeceptor, le 19 novembre 1304 (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 13, fol. 35). Selon Paul Amargier, la mention de prud’hommes à titre de recteurs de l’institution n’apparaît qu’en 1329 dans les testaments et non « après l’érection de la confrérie en 1212 » (La situation hospitalière à Marseille, op. cit. (n. 35), p. 247). Cependant, il est possible que le contrôle municipal externe sur la direction de l’hôpital intervint peu de temps après novembre 1304, puisque déjà en 1306, Marcel Cacata et Pierre Guillaume Viadi sont identifiés comme « recteurs ». Il s’agit alors peut-être d’une période transitoire, car un précepteur, Jean Lombard, est mentionné dans les registres de l’hôpital en 1311 (Augustin Fabre, Histoire des hôpitaux, op. cit. (n. 30), t. I, p. 43, n. 4). D’après les premiers registres de l’hôpital datés du début des années 1330, les recteurs sont nommés par le viguier assisté de six conseillers et approuvés par le conseil général (Paul Amargier, La situation hospitalière à Marseille, op. cit. (n. 35), p. 247-248).
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[142]
Ces gestionnaires arrivent même à susciter les bienfaits des Marseillais pour leurs besoins personnels. Ainsi Jacqueline Barthélémy, veuve de maçon, dirige une somme de 20 livres (soit les deux tiers de la valeur de sa dot) vers la table des recteurs : Ita quod dicte XX libre tradantur rectoribus Sancti Spiritus Massilie et pro dictis XX libris provideant sibi in omnibus alimentis suis. En revanche, la testatrice ne lègue que 20 sous et une livre de farine à l’intention des pauvres du Christ (17 septembre 1343, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 42, fol. 58 ro-vo).
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[143]
Les registres de comptes impeccablement tenus de l’hôpital démontrent une solide administration financière, susceptible d’avoir inspiré la confiance de maints bienfaiteurs ; en 1350, l’hôpital réussit même à enregistrer un solde budgétaire créditeur (Paul Amargier, La situation hospitalière à Marseille, op. cit. (n. 35), p. 248).
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[144]
Item lego dominis Jacobo Bonnacrucis et Guillelmo Messerii mercatoribus civibus Massilie rectoribus nunc domus Sancti Spiritus massiliensis qui nunc sunt sive aliis qui pro tempore rectores nominate fuerint dicte domus quocumque nomine nuncupentur quadraginta solidos per heredes meas universales infrasciptas (...) quos quadraginta solidos per me dictum testatorem supradictis rectoribus dicte domus superius nominatis legatos qui nunc sunt vel qui pro tempore fuerunt distribuantur et per eos expendantur in illis vero comodis in quibus magis necessarium et opportunum fuerit pauperibus infirmis dicti hospitalis pro anima mea et super hoc honero (sic) animam meam et onero animas dictorum rectorum et cuilibet eorum (29 septembre 1329, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD 74).
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[145]
Item ordino et volo et precipio quod si forte contingeret me mori post mortem dicte Alayete uxoris mee ubicumque in illo casu volo et jubeo quod dicti fratres et rectores dicti hospitalis pauperum Christi Sancti Spiritus Massilie {debeant continui ?} in usu substentationis (sic) pauperum dicti hospitalis Sancti Spiritus Massilie omni alienatione et titulo venditionis et alienationis et permutationis ac ex cambiis eis penitus interdicta. Et cum hac retentione et conditione et non aliter volo et ordino quod dicti fratres et rectores dicti hospitalis teneantur et debeant facere selebrari perpetuo annis singulis in ecclesia monasterii Sancti Victoris Massilie pro salute anime mee husque (sic) vinginti solidos regalium post mortem dicte uxoris mee et mei. Item lego X solidos regalium conventui Fratrum Sancti Augustini Massilie pro uno cantari faciendo. Item sub conditionibus et retentionibus predictis et non aliter nec alio modo dictos pauperes Christi dicti hospitalis michi heredes instituo (13 mars 1337, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B48).
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[146]
Selon Du Cange, solidata équivaut à une livre de denrées, laine, viande ou pain, dont la valeur est estimée à un sous-solidus (Du Cange, Charles Dufresne, Glossarium mediae et infirmae latinitatis, Verlagsanstalt, Graz, 1954 (réimpr. de l’édition de 1883-1887), t. 6-7, p. 516).
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[147]
Ita quod census ipsi et loqueria dictarum possessionium percipantur per ipsos rectores annuatim terminis statuendis super perceptione jamdicta de quibus censibus et loqueriis bladum per eos in messibus ematur annuatim vel aliis prout videbitur ipsis quod detritari faciant et duabus diebus septimane perpetuo videlicet diebus singulis sabatinis et dominicis dari et elargiri teneantur et dent, erogent ac etiam elargiantur seu erogari faciant pauperibus Christi pro anima mea (...) minus perfecte persolvi de eorum stipendiis et aliis s forefactis meis viginta solidatas panis in loco ubi placaverint et ordinaverunt frater Hugo Atulphi ordinis minorum et Johannes Atulphi filii mei predicti que predicta omnia volo fieri et concede per ipsos rectores justa et cum voluntate dictorum filiorum meorum ipsis filiis meis viventibus et post eorum decessiorum successorum (extrait testamentaire, 22 mars 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B75).
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[148]
Rappelons que la famine sévit dans la cité dans la troisième décennie du XIVe siècle : les délibérations municipales font en effet état de la crise frumentaire qui atteint son paroxysme entre janvier et mai 1323 (AM Marseille, ms. BB 11, fol. 33 et s.). Gaston Lepage discute de cette question dans Marseille angevine. Recherches sur son évolution administrative, économique et urbaine, de la victoire de Charles d’Anjou à l’arrivée de Jeanne 1re (1264-1348), Paris, E. de Boccard, 1950, p. 145-148.
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[149]
L’assistance relativement limitée envers les pauvres filles à marier s’observe également à Toulouse à la même époque (Marie-Simone de Nucé de Lamothe, Les diverses formes de charité à Toulouse d’après les testaments, Assistance et charité. Cahiers de Fanjeaux, no 13, Toulouse, Privat, 1978, p. 180).
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[150]
Significativement, les seuls disposants qui, au XIVe siècle, désignent nommément des indigents parmi leurs connaissances sont des villageois, la distance les prédisposant sans doute à les avantager par legs testamentaire, tel que Guillaume Girard qui provient d’une petite communauté villageoise en Narbonnais (10 mai 1336, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 10, fol. 25).
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[151]
Entre autres aumônes, Pierre-Guillaume Viadier affecte huit sous au luminaire des latrines de l’hôpital Saint-Esprit (11 juillet 1314, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 27, fol. 26 vo).
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[152]
Le marchand Guillaume Égide et son épouse Cécile lèguent chacun 25 suaires de lin pour recouvrir le corps des pauvres (quinque sudaria linea danda mortuis pauperibus causa recipiendi corpora eorum) (25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 73 vo et 76 vo).
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[153]
Item lego hospitali Sancti Spiritus unum lectum garnitum meliorem hospitii mei garnitum bassachia, culcitra, duobus linteaminibus, pulvinari et vanea vel flaciata (24 juin 1299, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 11, fol. 93). À la Toussaint 1334, Bermonde Ayraud, veuve de boucher, alloue une copieuse somme d’argent pour les pauvres, une provision annuelle de pain, des chemises de lin et des tuniques de drap blanc, ainsi qu’un lit complet muni d’un matelas de plumes pour le bénéfice de l’hôpital Saint-Esprit, lieu « d’accueil et de repos des pauvres du Christ » : pro recolligendis et cubandis pauperibus Christi unum lectum pannorum munitum de bossachia plumare (sic), duobus linteaminibus, uno copertore (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 7, fol. 124 vo).
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[154]
Item lego hospitali Sancti Spiritus Massilie centum libras regalium de quibus C libris volo emi per heredem meum universalem infrascriptum centum solidos regalium censuales quos centum solidos censuales predictos, volo, jubeo annis singulis in proprium dari, solvi in festo Beate Marie mensis augusti ipsosque centum solidos volo converti in reparatione linteaminum lectorum et aliorum pannorum necessariorum dictorum lectorum (extrait testamentaire, 2 juillet 1307, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B45).
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[155]
Item volo, jubeo et mando quod sex camisie nove dentur amore Dei post dies meos de tela domus mee (20 août 1330, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 35, fol. 79-80 vo).
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[156]
Nous n’avons repéré qu’un seul legs de cette nature avant 1300 : il émane du testament de Pierre de Saint-Paul, originaire de Montpellier, qui en 1248 laisse 100 sous pour l’achat de vêtement de lin (Louis Blancard, Documents inédits sur le commerce de Marseille, op. cit. (n. 69), t. II, p. 315).
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[157]
Tandis que Guillaume Égide ordonne la distribution de 15 tuniques de laine neuves aux pauvres orphelins : Item lego XV tunicas laneas novas dandas pauperibus liberis orfanis (sic) (25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 73 vo), Nicole Payrolier donne 100 cannes de drap d’agneau de laine blanche aux pauvres du Christ : Item lego dari amore Dei Christi pauperibus {pro ?} meorum redemptione peccaminum et pro salute anime mee centum cannas panni annhinorum (sic) albi pro tunicis faciendis ipsis pauperibus dandas et distribuendas (21 octobre 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 77, fol. 145). On pourrait multiplier ces exemples.
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[158]
4 mai 1341, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 15, fol. 20 vo.
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[159]
Il ordonne l’achat de 25 émines de blé pour en faire du pain à l’intention des pauvres et, en complément, une certaine quantité de viande de porc (3 mai 1342, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 73, fol. 25 vo). Un fabricant de bannières prescrit l’achat d’une quinzaine de paniers garnis de pains et de viande pour les indigents (19 avril 1315, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 14, fol. 38 vo), alors que Pierre-Guillaume Viadier procure du pain, du vin et de la viande en quantité suffisante pour sustenter les pauvres malades de l’hôpital Saint-Esprit pendant une période de vingt-cinq ans (11 juillet 1314, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 27, fol. 26 vo).
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[160]
Tiré du Breviari d’Amor, cité dans René Nelli, L’aumône dans la littérature occitane, op. cit. (n. 1), p. 53.
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[161]
Quod corpus meums portetur in quadam litheria indutum tunica, caputio et caligis copertum de una scuera et cum IV candelis ardentibus quelibet ponderis medie libre cere (...) Item volo et ordino quod me defuncto incontinenti pro anima mea dentur amore Dei me existente infra ospitium de pane pauperibus solidos sex. Item et die eadem cum cepultum fuerit corpus meum fiat elemosina et dentur pauperibus solidos sex (1er mars 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 355 E 1, fol. 7 vo-8).
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[162]
19 septembre 1343, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 42, fol. 58 vo.
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[163]
Juillet 1330, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 35, fol. 33 vo.
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[164]
Fille de notaire et veuve de marchand, Béatrice Roger souhaite lors de la procession funèbre qui emportera sa dépouille au cimetière de l’abbaye Saint-Victor que son corps soit entouré de cierges de quatre livres - plutôt que de brandons - et revêtu d’un pallium d’une valeur de dix livres royales, destiné par la suite au service perpétuel de l’église : Item volo, jubeo et mando quod unus palius (sic) ematur de bonis meis qui porteretur supra corpus meum ad sepeliendum de quo fiat unum cohopertorium usque computatis precio dicti palii et aliis necessariis dicto cohopertorio usque ad decem libras regalium qui cohopertorius (sic) semper sit quantum duravit ad servicium dicte ecclesie Sancti Victoris Massilie. Item volo quod cerei mei qui portabuntur ad sepeliendum corpus mei quibus sit IV libre sere ponderis, ita quod non sint brandoni (3 février 1320, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 30, fol. 68). D’aisance et de condition sociale supérieures, le damoiseau Guillaume de Montolieu partage ce souhait, à cette différence près que le pallium soit orné de ses propres armes et qu’il serve pour toujours pendant les jours fériés, dans l’église des Frères Mineurs, le tabernacle décemment décoré et érigé sur sa tombe où doit être décrit et peint le récit de la Vierge de la Consolation : volo quod de bonis meis per heredum meum infrascritpum edificetur in solo dicte ecclesie unum sepulcrum sive tumba et in pariate super tumulum depingatur storia Beate Virginis de Consolatione et fiat unum tabernaculum de fusta pictum dicta storia et decenter decoratum (...). Item volo quod portetur et habeatur die obitus mei super corpus meum quoddam pallium usque ad valorem X florinorum auri sit ita que quod heredes mei in mediate ornari faciant dictum pallium armis et signo meo quod pallium perpetuo sit et esse debat in servicium dicti tabernaculi in diebus festivis et ornamentum etiam in diebus festivis (6 septembre 1347, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 75, fol. 78-vo).
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[165]
Dans les testaments marseillais, le recours aux messes cumulatives se manifeste à partir des années 1320. Cette comptabilité accompagne, voire favorise la croyance au purgatoire (Jacques Chiffoleau, Pratiques funéraires et images de mort, op. cit. (n. 17), p. 293 ; Id., La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 323 et s.).
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[166]
Pierre désigne héritier unique, s’il s’avère mâle, le fœtus de l’épouse de son frère Guillaume, mais à la condition qu’il reçoive son nom de baptême ; si cet héritier homonyme devait mourir à son tour sans enfants légitimes, sa fortune échoira aux quatre autres fils de Guillaume : Et si Alayseta cognata mea (uxor dicti Guillelmi Laurentii fratris mei) ex ventre seu postumo ventris sui filium masculum perceperet, volo, ordino, jubeo atque mando quod vocatur Petrus Laurentii et in baptismo nomen meum Petrus Laurentii imponatur eidem (...) in omnibus aliis bonis meis mobilibus et immobilibus juribus et actionibus et nominibus debitum michi heredem instituo. Si vero dictus filius heres ut supra institutus ventris seu postumus et ad lucem perventus in pupillari etate vel alias quandocumque decedere sine prole legitima ex suo corpore substituo eidem heredi mei predictos Laurentum, Hugetum, Guillelmetum, Bartholemeum nepotes meos (16 avril 1343, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 394, fol. 1 vo - 5 vo).
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[167]
Item volo, jubeo et mando quod de bonis meis pro salute mee et in redemptione peccatorum meorum post dies meos in perpetuum singulis annis de bonis meis dentur pauperibus Christi diebus inferius expressatis tribus terminis per me assignatis (...) dentur in pane totto (sic) usque quantitatem trium eminarum annone videlicet in die mortuorum unam eminam panis supra sepulcrum meum et aliam eminam in pane ad portas domus mee in festo Natalis Domini prima die kalendarum et aliam eminam annone in pane totto (sic) in die Domini Nostri Jhesus Christi quo portatur hostia Domini Nostri Jhesu Chrsiti per civitatem (21 novembre 1330, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 35, fol. 126 vo-127).
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[168]
Jacques Chiffoleau en a relevé la pratique en Avignonnais à partir du XIVe siècle, mais souvent par l’intermédiaire d’une helemosina (Charité et assistance en Avignon et dans le Comtat Venaissin (fin XIIIe - fin XIVe), Assistance et charité. Cahiers de Fanjeaux, no 13, Toulouse, Privat, 1978, p. 75).
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[169]
(...) terminis infrascriptis videlicet in festo Beate Marie medii augusti decem solidos et in festo Sancti Blasii tunc proxime sequenti alios decem solidos et in festo apparitionis Domini tunc proxime subsequenti alios decem solidos et in crastinum festi Pentecostis ex tunc proxime subsequenti alios decem solidos (29 septembre 1329, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD 74).
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[170]
Comme l’exprime en 1277 le marin Arnaud Vital qui souhaite favoriser les pauvres dans la détresse, sans autre condition (5 juillet 1270, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B73).
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[171]
Laure de Saint-Mathieu octroie un revenu annuel de 30 sous à sa sœur Aycarde seulement si cette dernière se trouvait dans le besoin, mais pas autrement : Item lego Aycarde Maye sorori mee triginta solidos regalium annis singulis quamdiu vixerit sibi dandos et solvendos per heredem meam infrascriptam si indigerit et non aliter (juillet 1330, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 35, fol. 42).
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[172]
Cécile Égide demande à ce que ses exécuteurs testamentaires en fassent le constat (constabunt) avant de procéder à la distribution d’aumônes : 25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 76. De même le laboureur Pierre Girard exhorte son héritier à bien discerner les personnes indigentes : Item lego pauperibus Christi decem solidos regalium dandos per heredem meum infrascriptum personis egentibus quibus sibi videbitur faciendum (14 mars 1345, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 43, fol. 107 vo).
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[173]
Item lego amore Dei omnes et singulas vestes meas quecumque sint (...) jubeo atque mando dari, distribui post mortem meam per heredem meam subscriptam et predictam Jacobam Pandulpham alias Bariola (sic) pauperibus personis quibus eis melius videbitur faciendum et distribuendum (4 mai 1341, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 15, fol. 20 vo).
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[174]
C’est bien ainsi qu’une autre testatrice, Laurence Sial, épouse de drapier, qualifie ces oblations pro cantaris faciendis consuetudis (28 août 1344, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 43, fol. 38 vo).
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[175]
2 janvier 1346, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 9, fol. 122 vo-125. Le terme vergonosus ou vergonhosus évoque le sens de la honte qui appelle au comportement vertueux : voir vergonner, dans le glossaire français de Du Cange, Charles Dufresne, Glossarium mediae et infirmae latinitatis, op. cit. (n. 149), t. 8, p. 390.
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[176]
Alice Briançon fait elle aussi distribuer une vingtaine de sous pour l’amour de Dieu aux pauperibus vergonhosis (25 février 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 355 E 1, fol. 2).
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[177]
Voir le testament du marchand Guillaume Égide, celui de sa femme n’y faisant pas allusion (25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 74).
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[178]
Item lego pauperibus domicellis et virginibus maritandis dari amore Dei pro salute anime mee in meorum redemptione peccaminum sexaginta libras regalium (21 octobre 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 77, fol. 145).
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[179]
Si tamen bene sicut bona mulier se habuerit et bonum facieret (28 novembre 1324, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 379, fol. 107 vo). Jadis, ce genre de recommandation inconditionnelle était adressé aux enfants illégitimes que l’on croyait naturellement prédisposés à une vie dissolue.
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[180]
Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 306.
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[181]
Jacques Chiffoleau note la tendance dans la région avignonnaise, mais seulement à partir du deuxième quart du XVe siècle (ibid., p. 305).
INTRODUCTION
1Dans un très long et bel acte de dernières volontés rédigé en octobre 1286, Bertrand de Beaumont, changeur affluent, marié mais sans enfant légitime de son corps, décide de faire de l’aumônerie de la cathédrale Notre-Dame de Marseille son héritière universelle. Ce geste peu commun s’accompagne cependant d’une clause comminatoire assez révélatrice du sentiment religieux de l’époque : tant et aussi longtemps que Me Victor, médecin de profession, administrera l’helemosina et que ses successeurs seront comme lui laïques et le resteront (seculariter viveret) ; si par malheur la charge devait revenir à un chanoine, la fortune du cambiste passerait alors immédiatement au patrimoine franciscain [1]. La méfiance enracinée des Marseillais à l’endroit de la charge canoniale ne semble pas tarir avec les années. Dans les premières décennies du siècle suivant, une donatrice exprime un sentiment analogue à l’endroit de la hiérarchie diocésaine lorsqu’elle s’apprête à pourvoir généreusement, outre les indigents, le sieur Raymond de Viridis nonobstant sa fonction d’archidiacre (non ut archidiacono sed ut domino) [2]. À n’en pas douter, le premier témoignage évoque également, dans le contexte de l’efflorescence mendiante dans la ville portuaire, la profondeur du mouvement de laïcisation des œuvres charitables, l’une des plus antiques institutions caritatives médiévales – l’aumônerie épiscopale – étant gérée par des mains laïques [3]. Le second témoignage rappelle l’importance auprès des fidèles du charisme de personnalités religieuses et peut-être aussi, plus largement, de l’activité pastorale au-delà de l’appartenance institutionnelle.
2À la faveur de l’expansion économique occidentale du Moyen Âge central, les couches urbaines se sont accoutumées à manipuler les espèces sonnantes jusqu’au soir de leur vie. Au rythme de cet accroissement relatif de l’aisance matérielle des classes marchandes et artisanales, s’est creusé un écart de fortune avec les moins nantis que ni la morale chrétienne et ni, par conséquent, la survie spirituelle des hommes ne purent ignorer. D’abord le mouvement hospitalier, puis les ordres mendiants vinrent remédier au malaise spirituel [4]. Or si la part du pauvre préoccupe le fidèle dans son économie du salut, l’historien ne dispose hélas que de traces obliques et ponctuelles pour l’apprécier. Force est bien sûr d’examiner finement les documents les plus aptes à révéler les pratiques charitables, à commencer par les actes de dernières volontés, même si le testament interdit toute spéculation sur la fortune réelle de l’individu qui s’en prévaut, et par là même, sur la portion de l’avoir destiné à la charité chrétienne. Il n’empêche que les hommes et les femmes du Moyen Âge finissant se voient exhortés à délier les cordons de leur bourse en fonction de leurs moyens, soit, mais aussi de leur état. Dans son traité À qui et de quelle façon doit-on faire l’aumône ? Matfre Ermengau, Franciscain occitan, ne rappelle-t-il pas que « celui qui veut faire l’aumône comme il faut doit regarder premièrement sa puissance et sa richesse telles que Dieu les lui a confiées » [5] ? L’avantage énorme que présente l’étude des pratiques testamentaires à cette époque réside en ce que les actes qui nous sont parvenus appartiennent aux couches sociales les plus variées. Les médiévistes l’ont maintes fois démontré, le recours au testament s’est nettement « démocratisé » depuis la fin du XIIIe siècle [6]. Ainsi, du point de vue méthodologique, l’acte pour cause de mort se prête tout à la fois au traitement sériel et textuel, favorisant non seulement une meilleure compréhension des tendances collectives mais également des particularités individuelles.
3La présente enquête a pour objet de saisir chez les laïcs du commun, « ordinaires » [7], le sens de la caritas, l’amour et le souci de la souffrance humaine, tels exprimés dans les dispositions pour cause de mort. Bien qu’ils ne représentent qu’un instantané de la pratique charitable au cours d’une vie [8], les testaments ne sont pas moins le canevas d’une réflexion mûrie et finalement concrétisée dans l’anticipation du trépas et, surtout, dans l’espérance de la vie éternelle. À n’en pas douter, l’inquiétude eschatologique prédispose le laïc à la « bonne mort » et, a fortiori, à la réception in extremis de la catéchèse paroissiale axée sur les œuvres de miséricorde [9] ; le développement spectaculaire des institutions hospitalières depuis le XIIe siècle ne pourrait se comprendre autrement. Le souci de régler ses comptes envers et contre tous, dans l’attente du Jugement dernier, a ainsi vraisemblablement contraint au repentir le vieux et malade Pierre Chabaud qui, dans sa jeunesse, avait détroussé un quêteur d’aumônes hospitalières [10]. Notre questionnement s’applique à la cité phocéenne, mais dans un contexte en pleine mutation : terrain propice à l’implantation des communautés mendiantes, Marseille commence déjà vers la fin du XIIIe siècle à ressentir les soubresauts du retour de la conjoncture économique qui ébranlera toute la Chrétienté latine au siècle suivant [11]. Elle se trouve aussi aux premiers rangs de la crise franciscaine qui déchire les factions spirituelle et conventuelle pour se solder, dans la mouvance des premiers papes avignonnais, par la mort au bûcher le 7 mai 1318 dans un cimetière marseillais, de quatre Frères Mineurs accusés d’hérésie [12]. Aussi s’agira-t-il ici, grâce aux recensements effectués dans la plus ancienne série notariale du Moyen Âge français [13], d’identifier les gestes caritatifs de 436 testateurs marseillais [14] – 200 hommes et 236 femmes – et d’en suivre l’évolution sur une centaine d’années, soit jusqu’à la Peste noire. Il n’est pas sûr qu’en face de l’adversité, les nouvelles générations de Chrétiens aient conservé intactes les images et attitudes devant le pauper Christi qu’entretinrent leurs prédécesseurs [15]. Aussi sera-t-il pertinent d’aborder dans un premier temps les notions de charité et de pauvreté, pour ensuite s’attarder au profil sociologique des donateurs, à la nature et l’importance du don et enfin, bien évidemment, à l’identité des bénéficiaires. Et cela, avec l’intime conviction que le geste charitable, du plus petit au plus grand, a la capacité de révéler une pensée personnelle, individuelle et originale, au-delà du don rituel [16]. Mais il conviendra aussi d’observer en filigrane la proximité des hommes de Dieu dans la voie charitable qu’empruntent les testateurs pour assurer leur salut : car l’encadrement pastoral des gestes destinés à soulager la misère humaine ne saurait être mésestimé ou conçu dans une perspective strictement linéaire [17], notamment dans cette terre provençale particulièrement réceptive à la prédication évangélique.
MARSEILLE : FOYER MENDIANT
4De par son exceptionnelle configuration géographique, Marseille offre depuis le début de l’ère chrétienne un abri naturel aux formations religieuses naissantes. Au temps de l’Église primitive, la cathédrale Notre-Dame et la vénérable abbaye Saint-Victor, future congrégation bénédictine [18], veillent sur le salut des fidèles. C’est cependant au tournant du XIIIe siècle que l’histoire religieuse de la cité connaît un essor spectaculaire. Au moment où la ville médiévale atteint son apogée démographique (environ 20 000 âmes) [19], se met en branle le grand déferlement mendiant. En l’espace d’une vingtaine d’années, en effet, on y voit s’établir aux côtés des Hospitaliers et des Templiers récemment installés sur les rives du port, les Trinitaires (1203) [20], les Prémontrés (1204), les Carmes (1207) [21], les Dominicains (c. 1224) [22] et les Franciscains (après 1224) [23], incontestablement les plus influents. Viendront se joindre à partir des années 1250 les Clarisses [24], un béguinage [25], les Frères augustins [26] et autres groupuscules également gagnés à l’idéal de la pauvreté volontaire dont plusieurs devaient disparaître à l’issue du concile de Lyon de 1274 [27]. Parmi ces derniers, distinguons la communauté provençale des Frères de la Pénitence ou Sachets (avant 1248) [28], ainsi que les Frères Servites (c. 1260), d’origine italienne [29].
5Déjà à la fin du XIIe siècle, diverses fondations hospitalières, indépendantes des aumôneries traditionnelles – épiscopale et monastique - ont vu le jour dans la ville portuaire, soutenues à la fois par le vent de réforme apostolique, les premières croisades et le développement urbain. Si de nombreux hôpitaux viennent dès lors porter diversement assistance aux démunis et aux voyageurs, leur importance et leur longévité varient beaucoup ; on y retrouve un lazaret, une commanderie de l’ordre de Saint-Antoine offrant refuge aux victimes d’ergotisme ou mal des ardents [30], l’hôpital des Frères du Saint-Sépulcre [31], de Sainte-Marthe [32], de Saint-Jacques-des-Épées voué au logement des pèlerins démunis [33], ainsi qu’une myriade de petites fondations privées [34]. Mais de loin, l’hôpital Saint-Esprit, création de la confrérie du même nom, demeure le plus important, blason de la fierté municipale, première création laïque [35] qui, pour un temps, se double d’aspiration politique communale [36].
CARITAS ET PAUPERTAS
6Dans ce contexte de renouveau évangélique, les testateurs marseillais disposent vraisemblablement de nombreuses sources d’inspiration pour convertir une portion de leur avoir en œuvres de miséricorde à l’intention des démunis. Encore faut-il tenter de cerner ce qu’ils entendent par les notions de charité et de pauvreté. Les gestes de piété pro anima et amore Dei invoquent la médiation d’intercesseurs privilégiés et dotés de pouvoirs distincts et complémentaires : le prêtre bien sûr, grâce à l’office divin, et le pauvre, à l’image du Christ dont il faut soulager la misère. De ces gestes, se dégage l’acte caritatif qui profite soit à l’un, soit à l’autre ou, le plus souvent, aux deux à la fois. Les disciples de Dieu qui se sont volontairement dénués pour le suivre, sont devenus non seulement les nouveaux modèles de sainteté dans la ville médiévale, mais également les dignes récipients de la charité chrétienne. Comme le signale Jacques de Vitry dans son Historia occidentalis en parlant des Trinitaires au train de vie frugale et dépouillé (sobriam et pauperem vitam), les frères doivent forcément affecter le tiers de leurs ressources à leur propre subsistance [37]. Les paroissiens admiratifs devant tant de dévouement et de sacrifice librement consentis participent non moins, suivant leurs moyens et leur inclination, au maintien des ordres mendiants dans leur cité. Plusieurs testateurs attribuent à leurs membres le titre de pauvres indigents [38]. Mais dès lors, un paradoxe dût indéniablement se poser à leur esprit, comme il n’avait pas manqué d’inquiéter saint François lui-même : quelle est l’authentique pauvreté, celle que l’on subit ou celle que l’on choisit [39] ? Et cette question en amène inévitablement une autre, tout aussi irrésolue : dans quelle mesure les aumônes destinées au pauvre volontaire ont-elles tronqué la part traditionnellement assignée au pauvre réel ? En d’autres termes, dans le paysage urbain de la fin du XIIIe siècle où la pauvreté volontaire s’est hissée au rang de vertu cardinale, qu’elle fut l’inclination du fidèle à secourir le misérable « involontaire » ? L’idéal de la pauvreté évangélique a viscéralement imprégné la culture laïque provençale jusqu’au siècle suivant où, à l’époque de la canonisation de Louis d’Anjou [40], les débats de théologie et de morale détiennent une place d’honneur au sein de la haute aristocratie, à commencer par le comte de Provence et roi de Naples, Robert d’Anjou, qui disserte sur le sujet [41].
7La charité et la pauvreté se déploient alors, comme à d’autres époques, sur plusieurs registres. La caritas à proprement parler, tel que le terme surgit dans les testaments, peut indifféremment s’appliquer à une cause spirituelle, professionnelle, confraternelle, familiale [42] confondue ou non avec la déchéance matérielle. En revanche, la paupertas, envisagée sans équivoque par les testateurs marseillais sous l’angle économique, est directement associée aux causes pies (pias causas) ou œuvres de miséricorde (operibus misericordie) ; à ce titre, deux types de bénéficiaires se voient favorisés : d’une part, les pauvres du Christ (pauperes Christi) – rarement identifiés, le plus souvent génériquement désignés – et d’autre part, les institutions caritatives traditionnelles, telles que les aumôneries et les hôpitaux, avec l’expresse mention de pourvoir aux infirmis et pauperibus Christi.
8D’entrée de jeu, établissons parmi les Marseillais dont les testaments nous sont parvenus, la proportion de ceux qui offrent une portion de leur avoir, si minime soit-elle, aux plus démunis de la société. Entre 1248 et 1348, 198 individus sur 436, soit un peu moins de la moitié des testateurs marseillais (45 %), ont désigné à ce titre une charité ou simplement les pauperes Christi [43]. Ce n’est certes pas faute d’indigents dans la cité. S’il faut en croire l’aumônier de l’abbaye Saint-Victor sommé par la cour en 1298 de verser une pension alimentaire au petit-fils illégitime et destitué de Marie Baussan, une aristocrate qui avait quelque vingt ans auparavant laissé sa fortune à l’aumônerie, les facultés de celle-ci ne suffisent plus alors à satisfaire la multitude de pauvres qui affluent quotidiennement à ses portes et encore moins, insiste le moine, à nourrir une bouche supplémentaire [44]. À cette enseigne, l’affaissement contemporain des legs caritatifs semble lui donner raison (tableau 1).
9Il ne faudrait pas pour autant conclure que la majorité des Marseillais restent impassibles devant la misère et qu’ils répugnent à la charité au moment du trépas : sans compter ce qu’ils distribuent en marge de l’acte testamentaire [45], plusieurs d’entre eux ont prévu une allocation globale destinée aux dons pro anima ou forefactis esmendandis laissés à la discrétion de leurs exécuteurs testamentaires ou mieux, de leur directeur de conscience, témoin secret de leurs volontés entendues sous le sceau de la confession auriculaire. Ainsi à la fin de l’été 1322, Huguette Sémini, épouse de calfat, octroie à son directeur spirituel, un Frère Mineur, une large somme d’argent, soit 8 livres, pour ses prières ; mais elle lui confie également 100 sous afin qu’il les distribue suivant ses directives privément dévoilées lors d’une confession [46]. Le recours au secret confessionnel pour faire exécuter ses œuvres de bienfaisance à l’insu des proches semble s’affirmer avec le temps ; est-ce là un signe de « la montée de l’individualisme » face aux pressions du groupe familial et social [47] ? Cette préoccupation se retrouverait peut-être aussi chez ceux qui, lorsqu’ils en ont l’habileté comme le sieur Hugues Bourgogne, feront remettre à leur exécuteur de confiance, le moment venu, des notes personnelles tenues scellées jusqu’à la mort [48].
10Malgré cela, force est de constater la tendance à la baisse des dons charitables au détour du XIVe siècle, comme le démontre le tableau 1. Des facteurs à la fois exogènes et endogènes sont de toute évidence à la source de cette contraction relativement rapide, dont la crise économique et le malaise institutionnel ressenti au cœur de la vie religieuse de la cité. Nous y reviendrons. Pour l’instant, portons l’objectif sur la composition sociale du groupe des bienfaiteurs testamentaires au cours de cette période agitée.
LA SOCIOLOGIE DE LA CHARITÉ
11Les fonds documentaires marseillais ne sont pas uniquement anciens, ils jouissent d’une richesse incomparable puisque les séries notariales ininterrompues débutent en 1277. On parle souvent du développement phénoménal de la culture notariale du Midi français, notamment en Provence, dès les dernières décennies du XIIIe siècle [49]. Cela ne fait aucun doute, mais il faut également associer ce phénomène à l’effervescence religieuse évoquée plus haut : si les diverses formations religieuses qui pullulent alors dans la cité tentent avec un succès variable de répondre aux attentes spirituelles du grand nombre, on ne saurait se surprendre que cette sensibilité se manifeste sur la production testamentaire. Bien ancré dans les habitudes juridiques des Marseillais à l’orée du XIVe siècle, le testament ne se limite pas à traduire la volonté individuelle mais, dans une certaine mesure, la promeut en dépit de tout un faisceau de pressions familiales et sociales qui en limite l’expression [50] dans le contexte d’une tradition testamentaire orale encore bien vivante [51]. En outre, le mouvement de piété laïque a sans doute été vécu avec une intensité particulière par les Marseillaises au tournant du XIVe siècle [52] ; ceci contribuerait à expliquer la proportion dominante des femmes dans le corpus [53], phénomène pratiquement inconnu dans les autres régions de la Chrétienté latine, à l’exception peut-être de l’Italie communale [54]. Il est en effet remarquable de constater que le corpus testamentaire, somme du dépouillement systématique de tous les registres notariés connus entre 1248 et 1348, dévoile une majorité de femmes dans une proportion de 54 %. C’est que dans le port phocéen, les épouses jouissent d’une complète liberté testamentaire [55], et que le rigoureux principe de séparation des biens entre époux, cher à la culture juridique romaine, prédispose les femmes à se prévaloir de ce droit [56], dont une grande proportion d’épouses (43 %) [57].
12Mais à y regarder de près, il appert que les classes aisées sont davantage représentées, surtout chez les femmes au début de la période envisagée [58]. Par ailleurs, les pratiques testamentaires se répandent plus lentement au sein de la population féminine des couches marchandes et artisanales moyennes que parmi les hommes issus de ce milieu (tableau 2). Si 69 % des testateurs révèlent leurs origines socioprofessionnelles – une tendance un peu plus marquée chez les hommes [59] – ils le font avec une plus grande régularité à mesure que l’on avance dans le temps : au tournant du XIVe siècle, ils sont plus de 75 % à s’identifier de la sorte contre 57 % à l’époque précédente. Il faut voir là un effet de la « popularisation » progressive [60] de la pratique testamentaire [61]. Même chez les femmes. Veuve de marin, Guillemette Thomas fait dresser en 1298 un testament digne des plus illustres dames de la cité. Après avoir nommé un tuteur légal pour veiller sur les affaires de son fils héritier unique qu’elle sait trop prodigue [62], elle demande à recevoir l’habit des Bénédictines de Saint-Sauveur, avant d’être ensevelie dans l’abbaye Saint-Victor où son petit-fils s’est fait moine ; elle ventile ensuite un pécule assez conséquent en faveur d’une vingtaine d’institutions religieuses et hospitalières, sans négliger de pourvoir à une pauvrette de son voisinage (pauperi puelle). D’origine modeste, économe, munie de quelques ressources et dévote, Guillemette est bien de son temps.
13La base démographique de la présente étude permet par ailleurs de sonder les gestes caritatifs suivant le profil sociologique des disposants. D’emblée, deux ordres de fait méritent d’être soulignés. D’une part, plus d’hommes (49 %) que de femmes (43 %) s’adonnent aux œuvres de bienfaisance au moment de tester (tableau 3) [63]. D’autre part, ce sont les hommes des couches supérieures de la population (nobles, domini, juristes, notaires et marchands) qui, toute proportion gardée, expriment plus volontiers ce vœu (52 %), suivis des hommes et des femmes des milieux plus populaires (46 % et 42 %) ; les femmes de la bonne société (37 %) occupent, quant à elles, le dernier rang de la piété caritative testamentaire (tableau 4). À l’instar du paterfamilias auquel échoit la responsabilité de pourvoir aux membres de sa maisonnée, les hommes de bien et de pouvoir étendent de la même manière leur protection sur la place publique, c’est-à-dire aux faibles de la communauté, suivant l’éthique des féodaux pour qui la largesse est vertu [64]. En revanche, les femmes de leur milieu semblent adopter une forme de piété moins militante et matérielle, plus « spirituelle », apte à favoriser un viatique orienté vers les messes et les prières plutôt que la charité. Ne seraient-elles pas conviées à embrasser l’idéal contemplatif imposé à leurs tantes, sœurs et cousines placées en religion [65] ? La compagnie des Frères Mineurs que plusieurs d’entre elles semblent fortement apprécier, sinon rechercher, pourrait expliquer cette tendance [66], comme le symbolise un épisode marquant de la vie de la Bienheureuse Umiliana Dei Cerchi ( 1246), cette veuve florentine d’origine marchande que persuada son confesseur franciscain de renoncer aux œuvres charitables pour se consacrer à temps plein à la contemplation et à la poursuite des « grâces mystiques » [67]. Paradoxalement, pour le plus grand nombre des bienfaiteurs marseillais, les élans de générosité envers les dépossédés se révèlent au dynamisme avec lequel le clergé, toutes affiliations confondues, anime la cure des âmes.
L’ENCADREMENT PASTORAL
14Dans son testament daté du 1er juillet 1286, le laboureur Pierre Ganet réserve pour le pain des pauvres une somme de 8 sous qu’il confie à cette fin aux représentants de trois maisons mendiantes de la ville : les Frères Servites, les Frères Saint-Augustins et les Frères Sachets [68]. S’il n’est pas aisé de déterminer avec certitude l’influence cléricale dans l’économie du salut à l’échelle collective, il est encore plus aléatoire d’en évaluer l’impact dans les œuvres de miséricorde des laïcs [69]. Nous avons pourtant tenté d’estimer le rapport susceptible d’exister entre la présence cléricale dans les testaments et les legs caritatifs, en favorisant comme indice d’influence les hommes [70] de Dieu personnellement cités – à titre de légataire ou d’exécuteur – dans les actes de dernières volontés des 436 testateurs, à l’exclusion des relations familiales identifiables [71]. Bien que plusieurs fidèles donnent aux misérables en l’absence de membres du clergé nommément identifiés dans leurs testaments, et que le tiers seulement des disposants identifient des religieux dans leurs testaments, la nette majorité de ces derniers ménagent une portion de leur avoir – si minime soit-elle – en faveur des pauvres du Christ. Le tableau 5 révèle hors de tout doute l’existence d’un lien corollaire entre ces deux ordres de fait pour l’époque étudiée [72] : alors que 45 % de l’ensemble des testateurs donnent à la charité, cette proportion s’élève à 59 % lorsqu’ils citent des clercs. Force est donc de considérer l’incidence de l’activité pastorale sur les consciences individuelles devant l’obligation chrétienne d’assister le misérable, engagement qui s’observe au sein d’ordres hospitaliers dont les responsabilités économiques associent étroitement quêtes et prêche [73].
15Ce rapport fluctue évidemment au cours de la période, sans doute en fonction du contexte religieux ambiant. Les trois dernières décennies du XIIIe siècle semblent bien refléter l’intensité du courant de piété mendiante caractéristique de la période, époque où 50 % des testateurs nomment des membres du clergé ; en revanche, c’est à la fin des années 1330, lorsque la représentation cléricale atteint son plus bas niveau dans la documentation (20 %), qu’une enquête canonique est jugée nécessaire pour remédier à « la diminution du culte et de la pénurie des chanoines et clercs desservant la cathédrale » [74]. Est-ce par pure coïncidence qu’en 1335 le drapier Hugues Massard ordonne à sa veuve et héritière viagère de ne rien céder de ses biens, sous forme de legs ou de donation, à aucun clerc ou institution religieuse et pour quelque cause que ce soit [75] ? Ne se fait-il pas l’écho du climat morose qui pourrait alors régner dans la cité entre les laïcs et les serviteurs de Dieu [76] ? Or le hasard voulut aussi que cette année-là, Jean Gasc, évêque réformateur de la cité gagné à l’idéal de pauvreté, prit la destinée des affaires de l’église marseillaise [77]. La représentation cléricale tout comme les largesses envers les pauvres reprennent, sans grande surprise, peu après (tableau 5).
16L’encadrement pastoral tel qu’il se manifeste, bien qu’obliquement, dans la pratique testamentaire, s’observe à la fois sous l’angle institutionnel et individuel. On ne saurait se surprendre de l’immense attraction qu’exercent sur les fidèles les ordres mendiants (69 % des citations) jusqu’au tournant du siècle, à commencer par les Frères Mineurs : en effet, plus d’un religieux sur cinq nommés dans les testaments appartient à l’ordre de Saint-François (tableau 6 a). Or ce constat mérite d’être sensiblement nuancé à mesure que l’on rapproche l’objectif sur ce groupe. Il importe de tenir compte, d’une part, de la forte proportion de femmes qui aiment à s’entourer de ces nouveaux pauvres (66 % sont cités dans les testaments féminins), et d’autre part, de la surreprésentation des membres des deux couvents mendiants les plus puissants dans la cité à l’époque, les Franciscains et les Dominicains, dans les actes de dernières volontés de l’élite urbaine (tableau 6 b). Ainsi le sieur Raoul Béguet cite-t-il une dizaine de Prêcheurs qu’il gratifie de largesses édifiantes [78]. En règle générale, cependant, ce sont presque toujours des femmes de la bonne société qui tiennent en grande estime un nombre particulièrement élevé de frères mendiants : Montolive de Montolieu, veuve du damoiseau Bérenger de Trets, offre son patronage à cinq Frères Mineurs [79] ; Huguette de Bouc, veuve du damoiseau Foulques Béroard, nomme huit membres de cet ordre [80], alors que dame Jeanne Frézier [81] et Huguette Longe citent respectivement sept et neuf Franciscains, cette dernière s’assurant même de faire remettre une copieuse somme d’argent à ceux de la communauté marseillaise et des autres couvents de Provence qui sont frappés par l’indigence (pauperibus fratribus) [82]. On pourrait multiplier ces exemples à l’envi.
17Au cours des dernières décennies du XIIIe siècle, d’autres communautés mendiantes de moindre envergure semblent détenir une base populaire beaucoup plus large, dont les Frères Servites de la Bienheureuse Mère du Christ [83], ordre reconnu par le pape en 1259 mais supprimé lors du deuxième concile de Lyon de 1274 [84] (tableaux 5 et 6). On aurait tort de croire qu’il s’agit là d’une pure coïncidence statistique. Certes, les sommes copieuses que perçoivent les Franciscains et les Dominicains – à la faveur du culte croissant de leurs saints – contrastent fortement avec les petits legs destinés aux Servites : mais alors que les premiers obtiennent les faveurs intéressées des Marseillais désireux d’assurer la pérennité de leur mémoire en messes perpétuelles, les seconds collectent quelques deniers, le plus souvent à titre gratuit, pour leur pitance et l’entretien de leur maison, ce qui permet sans doute d’accorder un peu plus aux pauperes Christi. Même lorsque Jordanne Malafaus, épouse de laboureur, commande la célébration de messes à Olivier, Frère Servite, pour la modique somme de 12 deniers (à une époque où le cantar s’élève à 20 sous chez les Mineurs et les Prêcheurs), elle lui laisse significativement la liberté d’en déterminer le juste nombre après avoir distribué 8 sous entre diverses fondations caritatives : l’aumônerie Saint-Victor, les pauvres de l’hôpital Saint-Esprit, l’église de l’hôpital Saint-Jacques-des-Épées, ainsi que les sœurs du couvent des Repenties de la ville [85].
18La solidité du lien qui transparaît à l’époque entre ces humbles religieux et les testateurs repose de toute évidence sur l’habileté de l’ordre à animer la vie spirituelle et à ainsi susciter l’admiration des Marseillais. Il ne s’agit pas, comme on le voit surtout chez les Mineurs, à l’occasion chez les Dominicains, d’un rapport individuel privilégié tissé privément sous le seau de la confession. De manière fort évocatrice, les Servites apparaissent très souvent dans les dispositions testamentaires par groupe de deux, écho probable de leur activité pastorale. Pour se convaincre de leur influence dans le port phocéen à la fin du XIIIe siècle, il suffira de souligner que nuls religieux issus d’autres congrégations ou du clergé séculier ne sont aussi souvent mentionnés à titre individuel (tableau 7). Évoquons tout particulièrement le rôle joué à cet égard par frère Guillaume Bernard cité 18 fois par les disposants, soit trois fois plus souvent qu’aucun des Franciscains les plus prisés. Les références aux membres de cette communauté s’éteignent dans les actes pour cause de mort en 1300 avec la dernière mention de Frère Bernard. Dressé dans le cloître qui jadis appartenait aux Frères de la Bienheureuse Marie Mère du Christ, le testament du notaire Hugues de la Font confirmait en 1309 la disparition de l’Ordre [86].
19L’importance de l’encadrement pastoral des fidèles au tournant du XIVe siècle s’exprime encore davantage par les rapports personnels qui se tissent entre religieux et laïcs, sous le sceau ou non de la confession déclarée. Dans ses dernières pensées, une Marseillaise révèle ne pas avoir oublié Étienne, l’ancien prieur du couvent augustin, et lui réserve un petit pécule dans l’éventualité où il reviendrait dans la ville [87]. Bon nombre de testateurs évoquent cette relation à caractère spirituel susceptible d’entretenir la confiance qu’ils ont en certains clercs à poursuivre leur volonté outre-tombe. Huguette Trenquier charge le prieur des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, Martin de Narbonne, de remettre à une pauvrette de son choix une somme de 40 sous royaux [88]. Huguette Longe demande au Franciscain Raymond des Tours qu’il donne des chemises à trois pauvres (1292) [89]. Immobilisé par « une grave maladie » à l’hôpital Saint-Esprit, Guillaume Gérard, originaire d’un village du diocèse de Narbonne, confie une copie de son testament au prêtre Bertrand Sabatier dans l’espoir que ses derniers vœux soient exaucés, dont la promesse de transmettre deux setiers de blé aux fils de Pierre André et « autres pauvres du Christ » de son village au nom de la charité et de l’amour de Dieu [90]. Il n’est pas rare en effet de compter au rang des exécuteurs testamentaires de nombreux membres du clergé, toute appartenance institutionnelle confondue [91].
20En outre, la déférence qu’inspirent certaines personnalités religieuses incite plusieurs fidèles à les solliciter à titre particulier pour le salut de leur âme. En d’autres termes, dès les dernières années du XIIIe siècle, s’immisce progressivement dans les pratiques dévotionnelles le recours au directeur de conscience, depuis l’élite jusqu’aux classes artisanales. C’était à son confesseur, un desservant de l’église paroissiale Saint-Martin, qu’en 1310 Garcende Cordonnier, femme d’origine modeste alitée par la maladie, avait confié ses dernières volontés, en l’absence de notaire [92]. Ainsi près d’une quarantaine de testateurs, en nette majorité des femmes [93], ont dévoilé le rapport spirituel privilégié qu’ils entretiennent personnellement avec certains membres du clergé qualifiés de confessores (tableau 8).
21Ce recours caractérise d’abord les pratiques dévotionnelles de la bonne société, ce qui expliquerait la prédominance des femmes sur ce plan (34/44), mais seulement en partie, puisqu’il se répand dans la première moitié du XIVe siècle aux couches marchandes et artisanales de la population (tableau 9). Dans son testament de 1329, Garcende Ollières, épouse de fustier, illustre à son tour éloquemment ce rapport d’intimité spirituelle avec les hommes de Dieu : elle gratifie non seulement deux frères dominicains placés à son écoute, mais également un troisième Prêcheur, Raymond de Miremonde, confesseur appointé aux Dominicaines du couvent Notre-Dame de Nazareth d’Aix-en-Provence [94]. Quelques années plus tard, une autre disposante avouait s’être entourée d’au moins deux confesseurs issus du couvent franciscain de Marseille [95]. À l’instar de plusieurs testateurs, Marthe Vincent, veuve de drapier, n’hésite pas à allier sagesse spirituelle et habileté administrative, et nomme son confesseur, le franciscain Raymond des Tours, coexécuteur testamentaire [96]. Il arrive que le testateur soit parfois directif dans ses derniers vœux à l’endroit de son guide spirituel : à telle enseigne, Pierre Bedot charge son confesseur et exécuteur testamentaire, le lecteur des Carmélites de Marseille, Arnaud Fabre, de distribuer 100 sous aux pauvres prêtres de l’Église cathédrale [97].
22Comme on pouvait s’y attendre, les Frères Mineurs furent au début sollicités dans ce rôle. Avec le temps cependant, d’autres formations mendiantes reçurent la confiance des fidèles – les Prêcheurs, les Augustins et les Carmes – mais aussi, de plus en plus, les desservants d’églises paroissiales [98]. La question est de déterminer, pour le propos qui nous occupe, l’importance du confesseur dans les œuvres de rédemption au moment où le fidèle se prépare à passer dans l’au-delà. Or en raison même de la nature de son rôle, le directeur de conscience fait souvent écran à la divulgation des legs de miséricorde souhaités. Ainsi Huguette Sémini, épouse de calfat, confie au Franciscain Pierre Rivière 8 livres pour intercéder en sa faveur auprès du Tout-Puissant, ainsi que la somme de 5 livres afin qu’il la distribue à sa guise pour le bénéfice de son âme, sans toutefois négliger son opinion entendue en confession [99]. Pierre Bedot, mentionné plus haut, exprime un vœu similaire à son confesseur Arnaud Fabre en lui confiant la tâche d’exécuter ses œuvres de miséricorde. Ainsi échappe à l’entourage du testateur, comme à l’historien, la destination exacte de ses bonnes œuvres. Ce genre de requête ne se développant qu’au XIVe siècle, il est néanmoins intéressant de constater qu’au siècle précédent, la correspondance entre la présence du confesseur et les actes de bienfaisance dans les testaments est totale : tous les disposants qui s’entourent alors d’un guide spirituel attitré donnent publiquement à la charité, à commencer par les plus nantis.
L’AUMONE : SELON SA PUISSANCE ET SA RICHESSE [100]
23Ces données, bien qu’indicatives en raison de la faiblesse de la base statistique, suggèrent malgré tout que l’aisance matérielle ne prédispose pas, tant s’en faut, au geste caritatif. Cependant, lorsque le fidèle l’inscrit dans ses derniers vœux, sa valeur marchande reflète plus fidèlement le niveau de fortune de ce dernier. Dans le même ordre d’idée, il ne semble exister aucune corrélation entre le coefficient familial et la fréquence du don même si son importance est inversement proportionnelle à la présence d’enfants ou de petits-enfants survivants ; en d’autres termes, une forte descendance incite à l’économie de moyens, et non au sacrifice de la charité elle-même [101].
24De tout le corpus, dix fidèles – quatre femmes et six hommes – ont songé à laisser le cœur de leur patrimoine à une institution caritative (tableau 10). Tous privés de descendance légitime, ils ont d’abord favorisé les aumôneries traditionnelles, l’abbaye Saint-Victor et, particulièrement, celle de la cathédrale notamment grâce au charisme de l’aumônier Me Victor [102], qui lui-même lègue en 1297 sa propre fortune à l’œuvre qu’il a servie pendant de nombreuses années [103]. Passé le tournant du siècle, on ne retrouve que trois dispositions de cette nature et en faveur, cette fois, des hôpitaux de la ville et des pauperes Christi [104]. En 1310, Raymond du Bourg [105], officier du roi, laisse l’ensemble de ses biens à l’hôpital Saint-Lazare ; en 1337, il s’agit du sieur Jacques Grasset qui déclare l’hôpital Saint-Esprit son héritier unique [106] ; enfin, en 1348, Jacqueline Bérenger, femme de marin, dédie la moitié de son avoir directement aux indigents sans passer par l’intermédiaire d’une institution caritative [107]. Tout se passe comme si, dans le second versant de la période à l’étude, cette générosité exceptionnelle ne suscite plus qu’un intérêt fort mitigé et prudent [108], prenant même la forme de la substitution testamentaire [109]. Ainsi Pierre Lieuthaud exige-t-il de l’aumônerie de la cathédrale, son héritière substitut, qu’elle retranche de la succession 75 livres en faveur des trois fillettes d’un ami défunt, en sus d’une somme de 50 livres destinée à l’hôpital Saint-Esprit [110].
25La nette majorité des donateurs (87 %) [111] offrent plutôt aux destitués un montant d’argent fixe, parfois substantiel mais le plus souvent modeste, accompagné ou non de biens en nature. À l’instar des oblations qu’ils font en faveur des institutions religieuses et pour l’achat de messes, les fidèles marseillais ont très tôt pris l’habitude, quasi coutumière, de parsemer diverses charités et maladeries de petits legs, par tranches de 12 deniers et plus fréquemment encore de 5 sous, comme l’indique le tableau 11 [112]. Notons que les disposantes destinent aux œuvres de miséricorde des sommes moins imposantes que celles de leurs homologues masculins, et que 62 % de leurs legs ne dépassent pas, significativement, 5 sous, contre seulement 48 % chez les hommes. Bien entendu, ce rapport évoque la disparité des revenus entre hommes et femmes, nonobstant la proportion importante des testatrices issues des classes aisées de la ville dans la documentation rassemblée. Mais il faut également se demander si cet écart ne reflète pas aussi une attitude plus conventionnelle, voire rituelle, qu’adopteraient les femmes envers la charité. Qu’elles proviennent de l’élite ou de l’artisanat, elles ont davantage tendance à égrener plus volontiers leurs aumônes en faveur d’un éventail d’institutions, quitte à ne leur promettre respectivement qu’un pécule tout symbolique. Ainsi en 1290, une Marseillaise de la bonne société ne distribue qu’une poignée de deniers à l’aumônerie de la cathédrale, celle de Saint-Victor, ainsi qu’aux hôpitaux Saint-Esprit, Sainte-Trinité, Sainte-Marthe et Saint-Jacques-des-Épées, tout en gratifiant le Dominicain Jean Chabert de la coquette somme de 10 livres [113].
26Quoi qu’il en soit, à mesure que l’on avance dans la période, on ne peut manquer d’observer qu’hommes et femmes augmentent la valeur de leurs offrandes (tableau 11). En effet, à partir de 1320, les dons inférieurs à 2 sous disparaissent des testaments, seuil qui s’élève à 5 sous au début des années 1340, comme s’il leur fallait ajuster leur générosité au rythme de la fluctuation monétaire et conséquemment de l’inflation qui secouent l’économie marseillaise à partir du second quart du XIVe siècle [114]. À titre indicatif, nous avons relevé les équivalences monétaires assignées aux lits légués par une vingtaine de testateurs afin de suivre l’évolution séculaire de ce qui représente sans aucun doute la valeur marchande de ce bien essentiel : entre 1248 et 1348, le montant est passé de 5 à 15 sous jusqu’à 5 et même 10 livres (tableau 12) !
27Cette tendance s’accompagne néanmoins du souci de 39 % des donateurs de pourvoir les misérables en denrées et autres biens essentiels (pain, vin, vêtements, lits, chandelles) : ils chargent alors leurs héritiers ou leurs exécuteurs de procéder à l’achat de ces nécessités avant de les remettre soit aux institutions caritatives gratifiées soit directement aux pauvres ainsi désignés (tableau 13). Le 14 janvier 1315, le notaire Jacques de Saint-Pierre commande à ses fils de verser à chacun des hôpitaux Saint-Esprit, Saint-Antoine, Saint-Jacques-des-Épées et Saint-Lazare 5 sous nécessaires à l’achat du pain des malades, ainsi qu’aux orphelins malades logés en face de l’église Sainte-Catherine [115].
28Il est intéressant de constater l’inclination marquée des testateurs masculins envers le bien-être domestique des indigents. Déjà en 1266, Jacques de Cologne, citoyen de Marseille, avait jugé opportun, s’il devait mourir sans héritier légitime au cours du voyage qu’il s’apprêtait à entreprendre, de concéder à l’aumônerie de la cathédrale une vigne de neuf quarterées, en sus d’une petite habitation (casale) ainsi que d’une maison sise dans le quartier de la Prévôté, avec toutes ses dépendances, du cellier au jardin, y compris une dizaine de lits complets [116]. Si une telle prodigalité demeure somme toute exceptionnelle et limitée essentiellement au XIIIe siècle, ce qui frappe plus encore est le souci des hommes d’approvisionner les indigents en victuailles, particulièrement en rations frumentaires vitales (30/43 disposants), comme s’ils se faisaient l’écho plus ou moins lointain des litanies maintes fois émises au cours des délibérations municipales de l’époque, notamment à partir de la seconde décennie du XIVe siècle [117]. En août 1318, un laboureur aisé de la cité prend mille précautions pour que les pauvres du Christ reçoivent ses largesses sous forme de pain à perpétuité : il intime sa veuve de vendre les fruits de sa vigne sise au-dessus de Sainte-Marthe [118] afin d’en convertir prioritairement le produit en pain (in pane vel alias) pour les miséreux, une fois déduits le copieux cens annuel du quart ainsi que les dépenses reliées à son exploitation, et ce, sous la supervision étroite de sa sœur Marguerite [119]. Parmi les sept testateurs masculins qui, dans les années 1310, font des aumônes pour « l’achat et la distribution du pain, du vin et autres nécessités » [120], figurent aux côtés du laboureur évoqué plus haut [121] deux bourgeois, deux notaires, un marchand et un drapier fabricant de bannières, tous susceptibles de participer plus ou moins activement aux assemblés urbaines. Apanage masculin certes, la chose publique n’explique qu’en partie cette observation, d’autant plus que les testatrices proviennent majoritairement jusqu’à cette époque des classes dirigeantes de la cité, et qu’elles devaient par conséquent être informées des débats municipaux par leurs conjoints ou parents. Demandons-nous une fois de plus si ces testatrices ne sont pas plus enclines à considérer les œuvres de rédemption sous un angle moins matériel. Certaines songent à la nourriture spirituelle des souffrants. Dame Jacqueline de Ners réserve 20 sous à la cathédrale et à l’église des Accoules pour l’achat de la cire liturgique servant à la communion des malades, lors de la procession du Corpus Christi [122]. D’autres testatrices de bonne naissance, en plus grand nombre que les hommes, entretiennent toujours le rêve de voir se réaliser un pèlerinage armé en Terre sainte [123], un souhait d’ailleurs partagé par plusieurs béguines de la ville [124]. Enfin, l’élévation aux ordres sacerdotaux représente un autre motif digne d’une attention charitable : peut-être sensibilisée par le déclin de la cure pastorale qui affectait alors le Chapitre cathédral, Richarde Jean, épouse de notaire, consacre en 1341 la somme de 10 livres pour l’accession aux ordres d’un chapelain choisi par son héritier [125].
29En outre, il faut attendre les lendemains de la crise frumentaire de 1323 pour que les legs destinés à l’alimentation des pauvres se répandent parmi les testatrices et ce, à tous les échelons de la société, de l’élite aux métiers artisanaux en passant par la marchandise [126]. Si la destination des legs pies épouse les contours de la sensibilité religieuse et sociale ambiante d’une époque donnée, force est de constater que les préoccupations des contemporains se sont modifiées au cours de notre période : ainsi, passé le XIIIe siècle, les travaux civiques ne retiennent plus l’attention des fidèles (rectification du pont Saint-Esprit [127], l’adduction des eaux dans la ville haute [128], etc.), et surtout, l’espoir d’une reprise de la croisade en Terre sainte s’amenuise [129] alors que le rachat des captifs aux mains des pirates barbaresques n’est plus jamais évoqué [130]. Désormais les testateurs se soucient des prisonniers d’un autre ordre, à savoir ceux dont la gêne économique a réduit à l’emprisonnement pour insolvabilité : dans leur testament respectif daté de juin 1326, Cécile et son époux, le négociant Guillaume Égide, désirent assurer l’entretien de prisonniers pour dettes, voire même financer leur liberté [131]. Tout se passe comme si la récession économique qui sévit alors dans la ville portuaire poussait la conscience d’un plus grand nombre de disposants à concevoir, au-delà du minimum vital, un certain confort matériel comme condition essentielle à la dignité humaine.
INSTITUTIONS HOSPITALIÈRES ET PAUVRES DU CHRIST
30Assurément, dans les gestes quotidiens posés à l’écart de toute trace écrite, l’octroi des nécessités de la vie représente un mode d’expression concret de la compassion humaine qui transcende le sexe, le milieu social et passage du temps. Cependant, dans la mesure où les actes de dernières volontés traduisent ce sentiment, l’effervescence charitable qui caractérise la piété des laïcs à la fin du XIIIe siècle s’estompe brusquement à l’aube du siècle suivant. Sans doute la difficulté des temps conjuguée à la décroissance démographique [132] aide à comprendre que la charité testamentaire, tout en se raréfiant, réduit son rayon d’action à un nombre limité de bénéficiaires institutionnels. Cette vague de concentration, également observée dans certaines cités de Toscane avant la Peste noire [133], fait bien évidemment des victimes et, au premier rang, les charités de tradition ancienne, monastique et épiscopale [134], mais aussi les petites et moyennes fondations hospitalières – dont Saint-Lazare (tableau 14) [135]. Quant aux aumôneries anciennes que les fidèles avaient l’habitude de favoriser en accordant des montants plus substantiels qu’aux autres œuvres, elles n’arrivent plus à stimuler la charité commune ; l’aumônier victorin avait bien raison en 1291 de se plaindre du manque à gagner. Nous l’avons vu, les héritages universels dédiés aux charités se tarissent à l’aube du XIVe siècle. Il n’y a pas de doute : le geste jadis largement déployé se contracte en privilégiant un nombre réduit de bénéficiaires, avant tout l’hôpital Saint-Esprit et, dans une moindre mesure, l’hôpital Saint-Antoine. En ces temps de cherté, les testateurs préfèrent rationaliser leur générosité. Fille de cordonnier, Sibinda Cuemde consacre certes une jolie somme pour ses aumônes – 4 livres – exclusivement consacrées à l’helemosina de la cathédrale, mais elle enjoint prudemment son exécuteur testamentaire de ne l’acquitter qu’au terme de trois années révolues après son décès [136].
31Les fidèles donnent vraisemblablement en fonction de la confiance qu’ils éprouvent envers certains individus [137] ou congrégations, tout spécialement ceux de leurs représentants pleinement engagés, comme on l’a vu, sur le plan pastoral. De même les dirigeants d’institutions caritatives reconnus pour leur intégrité et leurs compétences administratives retiennent l’attention de ceux et celles qui ont l’œil exercé aux affaires [138]. En outre, ne faut-il pas rapprocher l’influence auprès de plusieurs testateurs de Me Victor, physicus et aumônier de la cathédrale au tournant des années 1280-1300, de la popularité évidente dont jouit l’aumônerie à la même époque pour décliner par la suite ? Plus vénérable encore auprès des paroissiens, celle de l’abbaye bénédictine Saint-Victor subit pourtant un sort semblable à partir des années 1310 où s’annonce un affaissement irréversible des offrandes : or, n’existe-t-il pas quelque rapport entre ce revers et la commission que crée le conseil de ville en mars 1319 pour enquêter sur l’administration de l’aumônerie de Saint-Victor [139] ? Est-il possible que les contemporains, suspectant les communautés religieuses de réallouer les aumônes destinées aux pauvres pour parer à d’autres urgences en cette période de crise économique, aient jugé plus prudent de maximiser le profit de leur investissement spirituel en dirigeant leurs bienfaits vers des institutions essentiellement dévouées au secours des pauperes Christi ?
32Dès l’aube du XIVe siècle, c’est-à-dire au moment où les testateurs resserrent les cordons de leur bourse, nombre de fidèles qui continuent de favoriser les institutions charitables par le biais de leurs administrateurs ne désignent plus pour ce faire que les recteurs de l’hôpital Saint-Esprit [140] – presque tous d’origine mercantile [141] –, comme s’ils cherchaient à garantir, sinon à contrôler (et non aliter) l’exécution réelle de leurs vœux [142]. Ils réagissent sans doute aussi favorablement à la rigoureuse administration de ces derniers [143]. Quoi qu’il en soit, en 1329, l’homme d’affaires Pierre de Berre lègue aux recteurs de la maison, les marchands Jacques Bonnecroix et Guillaume Messie, ainsi qu’à leurs successeurs, un cens perpétuel de 40 sous pour les besoins des pauvres malades, dont la nature et l’importance demeurent toutefois à la discrétion judicieuse des dirigeants de l’hôpital ; grâce à ce don, conclut le bienfaiteur, non seulement son âme mais également celle des gestionnaires en tireront grand profit [144]. Par ailleurs, à la veille d’entreprendre un voyage d’affaires à l’hiver 1337, le négociant Jacques Grasset confie ses biens aux recteurs de l’hôpital advenant le décès de son épouse ; s’il devait mourir avant son retour, il offre à ces derniers l’usufruit de sa fortune, moyennant l’achat d’une messe anniversaire perpétuelle à l’abbaye Saint-Victor [145]. Enfin, au cœur de l’épidémie pesteuse à la fin de l’hiver 1348, le chevalier Jean Atulfe concède aux recteurs « des pauvres du Christ de l’hôpital Saint-Esprit » la plus grande partie de ses terres, vignes et jardins francs et serviles sis dans la vallée de l’Arenc, dans la mesure où les cens et loyers permettront l’achat annuel de blé aux temps des moissons en vue de la distribution bi-hebdomadaire de pain aux indigents, le samedi et le dimanche ; ce faisant, il ordonne toutefois aux dirigeants de l’institution de retrancher 20 « solidatas » [146] de pain à l’usage exclusif de ses fils, frère Hugues, membre de la communauté franciscaine de la ville, et Jean, pour qu’ils les prodiguent en aumônes à leur discrétion [147].
33À y regarder de plus près cependant, l’assistance portée directement au pauvre à l’écart de toute ingérence institutionnelle devient le principal objectif des bienfaiteurs dans les dernières décennies de la période à l’étude [148] comme le suggère le tableau 15. Si les indigents « sociaux » particulièrement vulnérables que sont les filles et les femmes à marier et, dans une moindre mesure, la veuve et l’orphelin attirent toujours modérément les aumônes [149], certaines autres catégories telles que les malades et estropiés reçoivent progressivement moins des fidèles. En revanche, rarement identifiés [150], ce sont les pauvres du Christ, ainsi symboliquement désignés, qui suscitent la bienfaisance, surtout à partir des années 1330 (tableau 16). En outre, ce phénomène coïncide, comme on l’a vu, avec une plus grande attention portée aux besoins réels et personnels des nécessiteux et ce, malgré l’affaissement général de la courbe des legs charitables. Cette tendance correspond également au désir accru des disposants de prescrire des dépenses qui ne semblent pas pour autant se limiter à la seule subsistance du pauvre : comme si la misère humaine leur paraissant alors moins criante, ils lui prescrivent une modeste mesure de confort digne de l’homme faite à l’image de Dieu et, peut-être, du mourant lui-même. Par force de détails, on discute de la qualité du couvert, du vestiaire, du repos, jusqu’au luminaire des cabinets d’aisance [151], sans négliger, à l’instar du couple Égide [152], la dépense de suaires de lin dont sera enveloppé le corps de ceux et de celles qui auront facilité le passage des bienfaiteurs dans l’au-delà. Guillaume de Gap réserve le « meilleur » lit de sa maison, garni d’un luxe de matelas, coussins, oreillers, draps, couvertures de laine, pour l’hôpital Saint-Esprit [153]. À la même institution, Douce, veuve du damoiseau Bérenger Hugolin, dédie la somme de 100 livres à l’achat d’un cens annuel pour défrayer les coûts de réparation des draps de lits et autres articles de literie [154]. Le laboureur Bulgare Calette laisse à l’hôpital 50 sous pour l’achat d’un lit, mais entend procurer à six pauvres des chemises neuves confectionnées avec le tissu provenant de sa propre maison [155]. Visiblement, on se préoccupe davantage qu’autrefois [156] de la délicatesse du vêtement destiné aux miséreux, le lin et la laine d’agneau étant particulièrement à l’honneur [157]. Quant à Thomassette Milon, elle préfère transmettre « aux personnes pauvres » son propre vestiaire plutôt que la bure blanche pénitentielle [158]. Enfin, les disposants voient également à enrichir la table des indigents au-delà du pain quotidien, par l’adjonction de vin et même de viande de porc comme le souhaite très publiquement, pour sa mémoire, Raymond Bérend (in mea commemoratione publice) [159].
DE LA DÉTRESSE A LA VERTU DU PAUVRE
34À la fin du XIIIe siècle, Matfre Ermengau engageait les Chrétiens à ne « pas la faire (l’aumône) avec pompe ni publiquement au son de la trompette pour que tout le monde l’honore comme fait le misérable hypocrite » [160]. Or, à l’exemple de Raymond Bérend, on aurait tort de croire que le bien-être du pauper Christi dont se soucient plus d’un fidèle soit resté tout à fait désintéressé. Quand s’amorce le siècle suivant, la charité chrétienne semble s’être transformée au même moment où, l’idéal ascétique s’estompant, apparaît la mise-en-scène du dernier repos, la « mort-spectacle » commémorative. Jacques Pourcieux, fils de pêcheur, ordonne que du pain soit donné aux indigents avant ses obsèques, lors desquelles son corps, précédé d’une croix portée par les Frères Augustins, sera entouré de quatre cierges ardents au poids d’une demi-livre chacun, décemment vêtu et recouvert d’un suaire ; au terme de l’enterrement, seront répartis entre les pauvres assemblés 6 sous de royaux marseillais [161]. C’est dorénavant au son de centaines, de milliers de messes chantées et de trompettes que maints testateurs désirent associer leur mémoire. Alors que les héritiers de Jacqueline Barthélémy, veuve de maçon, devront pour l’amour de Dieu financer les trompettes de Saint-Sauveur aux vigiles de la fête de l’Ascension [162], de même Laurence d’Alanis charge son mari de faire distribuer 10 livres de pain aux nécessiteux à la Veille pascale, ainsi que de remettre 10 sous à chacun des trompettistes qui joueront dans l’église des Accoules à l’occasion de la Fête-Dieu [163].
35Cette préoccupation de la mémoire individuelle [164] qui coïncide avec la nouvelle habitude de s’attribuer, outre la messe anniversaire perpétuelle, des messes cumulatives [165] doit être de toute évidence rapprochée de la manière dont les fidèles entendent relever les misérables de leur destitution matérielle, souvent pour les attirer au cortège funèbre depuis la résidence du bienfaiteur jusqu’au lieu de sépulture. Grâce à un copieux legs paternel de 100 florins d’or, Pierre Laurent prévoit l’achat de 3 000 messes ainsi que la distribution de 100 tuniques et de 10 livres en monnaie aux pauvres du Christ lors de la cérémonie funèbre au cimetière de l’église Saint-Augustin, de même que deux deniers à chaque pauvre personne de Berre, son village d’origine ; privé de descendance directe, Pierre désire coûte que coûte perpétuer son souvenir, au point d’exiger que son héritier présumé porte ses nom et prénom [166]. Les motifs de Jacques Bouvier, ne sont pas éloignés de ceux du testateur précédent. En novembre 1330, il lègue trois setiers de blé pour les pauperes Christi, chacun devant être distribué suivant des lieux et des temps prescrits : sur sa tombe, à la Fête des morts ; aux portes de sa demeure, le premier janvier ; enfin, à travers les rues de la ville, au moment de la procession du Saint-Sacrement à la Fête Dieu [167]. Ainsi s’immiscent les repas calendaires à l’intention du pauvre [168] : plusieurs disposants étendent leurs bienfaits aux cycles des fêtes liturgiques dans l’espoir d’accroître l’efficacité du pouvoir eschatologique du pauvre. Les quatre versements annuels du cens légué par le marchand Pierre de Berre aux recteurs de l’hôpital Saint-Esprit pour le bénéfice des indigents malades devaient ainsi s’ajuster à un calendrier à dessein propitiatoire : à la fête de la Vierge, à celle de Saint-Blaise, à Pâques et au lendemain de la Pentecôte [169].
36Or l’indigence (pauperibus egenis) [170] seule ne suffit plus toujours à attribuer au pauvre le pouvoir d’intercession pénitentielle au moment du trépas. En d’autres termes, sa condition, même « véritable », n’est plus garante de dons gratuits dans la mesure où l’aumône acquiert le prix du mérite. Le pauvre doit d’abord démontrer sa détresse économique ; il arrive même que les proches du fidèle n’échappent pas à cette condition [171]. Puisque l’on désire les associer de près aux solennités du rituel post mortem assurant la transition entre l’ici-bas et l’au-delà, il est recommandé à l’exécuteur testamentaire de choisir avec discernement les indigents à gratifier [172], préférablement les vertueux, ceux qui possèdent cette décence morale digne de susciter le respect pour la mémoire du défunt. Dans ses derniers vœux, Tomassette Milon demande à son amie et légataire Jacqueline Pandulphi de discerner les « meilleures », soit les plus méritantes parmi les pauvrettes à recevoir ses vêtements [173]. D’autres bienfaiteurs se font plus explicites, telle que Huguette de Roussillon qui entend disposer de ses 80 livres dotales de manière à maximiser ses chances de passage auprès du Tout-Puissant : outre les dépenses funèbres versées au bénéfice du couvent des Frères Mineurs qui recevra sa dépouille, ainsi que d’indispensables et coutumières messes anniversaires [174], elle alloue ce qui lui reste, soit 30 livres, aux Augustins, aux Carmes, aux Antonins, à son confesseur, le curé de sa paroisse, Saint-Martin, aux Cisterciennes de Syon, à la confection d’un retable dédié à saint Bernard, à deux lits complets à remettre aux hôpitaux Saint-Esprit et Saint-Antoine, aux pauvres assemblés aux portes de son domicile et lors de la procession funèbre et, enfin, elle consacre 5 livres à deux bons pauvres honteux (vergonosis) [175]. Cette dernière condition, appel à la vertu sans égard au sexe [176], se multiplie dans les actes testamentaires depuis les années 1320 [177] ; elle s’accompagne parfois de l’idéal virginal associé aux jeunes filles de bonne famille, comme le souhaite à l’automne 1348 la veuve du pâtissier Jean Payrolier, Nicole, qui réserve la plus grosse portion de ses aumônes aux pauvres demoiselles à marier, soit 60 livres, trois fois la somme destinée à la fondation hospitalière de la confrérie Saint-Jacques [178].
37Par conséquent, il n’est pas inutile de se demander si réside dans ces quelques témoignages le signe précurseur de la morale bourgeoise qui, au lendemain de l’hécatombe de 1348, impose un modèle de conduite qui sied au système de valeur d’une nouvelle classe montante, économiste et rigoriste. Ce qui transparaît de la base documentaire rassemblée pour cette étude, c’est que les testateurs marseillais, de plus en plus nombreux à provenir du monde artisanal pécunieux, semblent déjà vouloir imposer cette morale au miséreux en échange de quelques deniers comme en témoigne une mère, aubergiste de profession, qui exhorte en 1324 sa propre fille au mode de vie de femme honnête, mais non moins charitable, afin de mériter le legs de 10 livres qu’elle lui réserve [179].
CONCLUSION
38L’examen des testaments marseillais du deuxième versant du XIIIe siècle jusqu’à la Peste noire nous a permis de mettre en équation le phénomène complexe des pratiques caritatives de simples laïcs envers les plus démunis dans une société commerciale dont la prospérité est, avec le temps, mise à dure épreuve. Dans la mesure où, croyons-nous, l’acte de dernières volontés traduit l’expression du sentiment spirituel de son auteur, un lien étroit semble se tisser entre les œuvres de miséricorde, l’encadrement pastoral et l’idéal mendiant qui transcende la culture religieuse de l’époque. En outre, lorsqu’elles se trouvent étroitement guidées par les clercs militant dans cette voie, les consciences individuelles répondent sensiblement à l’effusion des valeurs chrétiennes centrées sur la charité. Poignant témoignage, peut-on sans peine déduire, du rôle croissant que joue le confesseur dans l’univers religieux des Marseillais, des plus puissants aux plus besogneux.
39Si, sur le plan de la générosité, les féodaux ont montré la voie aux bourgeois [180], en ville, la largesse s’avère une vertu qui distingue d’abord l’élite masculine. Fait remarquable, les dames de la bonne société marseillaise semblent plutôt immunisées face à ce comportement exemplaire, puisqu’elles favorisent dans l’économie du salut un viatique plus intériorisé, davantage « spirituel », qu’assure le suffrage des clercs, d’abord et avant tout les Mendiants. Malgré tout, une compassion certaine envers les faibles et les dépourvus se manifeste dans l’ensemble de la population qui dispose d’un peu de bien.
40Or le contexte historique du tournant du siècle – récession économique, suppression institutionnelle, crise « spirituelle » franciscaine, négligence canoniale de la cure des âmes, etc. – commence d’ébranler les habitudes de piété à l’égard du pauper Christi. L’offrande se raréfie tout en se transformant. Il faut néanmoins évoquer un élément essentiel qui dynamise cette métamorphose du don destiné au pauvre : au moment où, à l’aube du XIVe siècle, le recours testamentaire – jadis apanage de l’élite – s’immisce dans les couches marchandes et artisanales de la cité, se met en place un modèle d’intercession rationnel et concentrique qui, sans exclure le pauvre à l’image du Christ, l’humanise tout en le moralisant et l’invite, ce faisant, à mériter sa part. Dès lors, « le souci de distinguer les bons pauvres, les pauvres honteux, de la masse des indigents » [181] apparaît bien avant le XVe siècle, avant même la grande catastrophe de 1348. Dès les premières décennies du XIVe siècle, ponctuées de disette et famine, commerçants et artisans marseillais convient les miséreux aux comptoirs de leurs comptes spirituels, quitte à leur déverser prudemment et au prix du mérite un pécule durement et laborieusement gagné. L’émergence de travailleurs autonomes, payeurs de taxes, payeurs d’aumônes dictent ainsi leur façon de concevoir la charité par le truchement de l’argent dont ils disposent désormais.
Notes
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[1]
28 septembre 1286, Ad Bouches-du-Rhône, ms. VI G 27. Se fait-il l’écho du poète Montanhagol qui, à la même époque, accuse le « clerc (de convoiter) le bien d’autrui, alors qu’il sait que tout ce qu’il emploie ou dépense en plus d’une nourriture et de vêtements ordinaires, il l’enlève aux pauvres » ? (J. Coulet, Le troubadour Montanhagol, Toulouse, 1898, pièce XII, 189, cité par René Nelli, dans L’aumône dans la littérature occitane. Le Breviari d’Amor de Matfre Ermengau, Assistance et charité. Cahiers de Fanjeaux, no 13, Toulouse, Privat, 1978, p. 48-49, n. 11). Cependant, les troubadours toulousains ne ménagent pas non plus dans leurs sirventés les frères mendiants auxquels ils reprochent de « retenir des aumônes destinées aux pauvres, beaucoup plus qu’il ne leur était nécessaire pour se vêtir et se nourrir » (René Nelli, ibid., p. 47).
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[2]
21 mars 1320, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 14, fol. 93.
-
[3]
Cet état de fait n’est pas sans rappeler le cas normand où les plus riches marchands de Rouen, fondateurs de la confrérie de la cathédrale, dispensent le secours aux miséreux depuis au moins le début du XIIIe siècle (Catherine Vincent, Les charités bien ordonnées. Les confréries normandes de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle, Paris, École normale supérieure, 1988, p. 91). Il est difficile d’établir avec certitude l’ancienneté de la gestion laïque de l’aumônerie de la cathédrale marseillaise puisque le statut des prédécesseurs de maître Victor n’est pas précisé dans les documents, qu’il s’agisse de Ponce Raymond, cité dans le testament de Jean Raynaud (4 septembre 1268, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 23) ou de Gaufride de Serverie mentionné par Jacques de Cologne (testament, 5 août 1266, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 19), bien que Jean Raynaud révèle dans ses derniers vœux que l’aumônerie avait été « établie » (rétablie ?) par le chanoine Guillaume Ricau sans en mentionner la date (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 23).
-
[4]
L. K. Little, Religious Poverty and the Profit Economy in Medieval Europe, Ythaca (NY), Cornell University Press, 1978.
-
[5]
Tiré du Breviari d’Amor (citation, René Nelli, L’aumône dans la littérature occitane, op. cit. (n. 1), p. 54) que Matfre Ermengau rédigea en 1288-1289 (Valérie Galent-Fasseur, Mort et salut des troubadours. Le Breviari d’Amor de Matfre Ermengau, Église et culture en France méridionale (XIIe-XIVe siècle). Cahiers de Fanjeaux, no 35, Toulouse, Privat, 2000, p. 422).
-
[6]
Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà. Les hommes, la mort et la religion dans la région comtadine à la fin du Moyen Âge (v. 1330 - v. 1480), Rome, École française de Rome, 1981, p. 7, 38-41.
-
[7]
D’office, nous avons mis à l’écart non seulement les religieux de profession, mais aussi les laïcs en quête de perfection spirituelle, aux destins individuels ou collectifs extraordinaires souvent marqués à cette époque par le mysticisme, telles les béguines de Roubaud dont les témoignages documentés renvoient à des pratiques expiatoires d’un autre ordre, davantage portées, semble-t-il, sur un ascétisme contemplatif. Sur la piété des béguines marseillaises, voir Francine Michaud, The pilgrim, the priest, and the beguine. Ascetic tradition vs Christian humanism in late medieval religious practices, Pecia. Ressources en médiévistique, vol. 1, 2002, p. 157-180. D’ailleurs, à partir de l’époque de la condamnation générale contre les béguinages prononcée lors du concile de Vienne (1311-1318) et à laquelle échappe de près la maison de Roubaud, l’estamen marseillais se transforme subrepticement en institution monastique traditionnelle. Guillaume de Montolieu, fils de chevalier, témoigne de cette évolution lorsqu’en 1327 il désigne sa fille légataire Marita, alors membre du béguinage de Roubaud, monialis seu soror de Robaudo (30 décembre 1327, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 33, fol. 72 vo).
-
[8]
À ce sujet, Matfre Ermengau évoque sans doute ce que les curés et les prédicateurs de son temps ne devaient inlassablement manquer de répéter à leur auditoire : « L’aumône a incomparablement plus de prix quand on la prélève (...) alors qu’on est sain et bien portant, que si on la fait alors qu’on se prépare à mourir et qu’on n’est plus en état de conserver ses biens » (citation, René Nelli, L’aumône dans la littérature occitane, op. cit. (n. 1), p. 54). Les historiens habitués aux séries testamentaires pourront néanmoins objecter que les considérations patrimoniales en présence d’une descendance légitime tempèrent ce genre de générosité de dernière heure.
-
[9]
La catéchèse, notamment celle « du curé dans son action pastorale (et) celle du confesseur à l’occasion du sacrement de pénitence », aurait été particulièrement efficace dans la vulgarisation du thème de la miséricorde au cours de la deuxième moitié du XIIIe siècle (M.-H. Vicaire, La place des œuvres de miséricorde dans la pastorale en pays d’Oc, Assistance et charité. Cahiers de Fanjeaux, no 13, Toulouse, Privat, 1978, p. 33).
-
[10]
Dono hospitali Dorutipas duodecim denarios pro restitutione cujusdam rauberie quam feci cuidam questori dicti hospitalis (24 septembre 1280, AM Marseille, ms. 1 II 9, fol. 25 vo).
-
[11]
Sur le déclin économique de la cité phocéenne dès les dernières années du XIIIe siècle, voir Édouard Baratier et Félix Reynaud, Histoire du commerce de Marseille, t. II : 1291-1480, 1re partie, 1291-1423, Paris, Plon, 1951, p. 304 et s.
-
[12]
Comme on le sait, la crise éclata autour de la doctrine de l’usus pauper (Pierre Peano, « Ministres provinciaux de Provence et spirituels », Franciscains d’Oc. Les Spirituels ca 1280-1324. Cahiers de Fanjeaux, no 10, Toulouse, Privat, 1975, p. 41-65). Cet épisode aura assurément marqué les contemporains.
-
[13]
Robert-Henri Bautier, Jeanine Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale du Moyen Âge, vol. II, Paris, Éditions du Centre de la recherche scientifique, 1971, p. 1142 et 1183. Les chartriers d’institutions ecclésiastiques ont également été consultés.
-
[14]
À moins d’indication contraire, nous ne considérons ici que les testaments intégraux : nous avons donc retranché des calculs statistiques les codicilles isolés et les extraits provenant des chartriers ecclésiastiques.
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[15]
Rappelons qu’au lendemain de la Peste noire, dans le diocèse de Narbonne, les pauvres furent persécutés : d’après la chronique de Jaime Villanueva, Viage literario a las iglesias de Espana XI viage a Gerona : texte traduit et reproduit par Rosemary Horrox, The Black Death, Manchester / New York, Manchester University Press, 1994, coll. « Manchester Medieval Sources Series », p. 222-223.
-
[16]
Nous aimerions ici reconsidérer la position inverse de Jacques Chiffoleau à l’effet que « (l)e legs charitable est rarement personnel, individuel, original » et que les testateurs de modeste fortune n’échappent guère, ce faisant, aux legs ritualisés par la coutume (La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 304).
-
[17]
Jacques Chiffoleau suggère que ce n’est qu’ « au cours du XVe et du XVIe siècle, avec en particulier la diffusion massive des artes moriendi, que la pastorale de la préparation à la mort va se révéler plus efficace » (Pratiques funéraires et images de la mort à Marseille, en Avignon et dans le Comtat Venaissin (vers 1280 - vers 1350), La religion populaire en Languedoc du XIIIe siècle à la moitié du XIVe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 11, Toulouse, Privat, 1976, p. 288-289).
-
[18]
L’adoption de la règle de saint Benoît incita les moines à installer les religieuses de l’ancien monastère double sur la rive occidentale du port, dans le couvent dorénavant connu sous le vocable Saint-Sauveur.
-
[19]
Édouard Baratier, La démographie provençale du XIIIe au XVIe siècle, Paris, École pratique des hautes études, 1961, p. 66.
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[20]
Fondation marseillaise originale dédiée au rachat des captifs et aux pauvres malades, le couvent des Trinitaires figure dans l’Occidentalium historia de Jacques de Vitry, au chapitre XXV. Le prédicateur français souligne même les trois fonctions budgétaires de l’ordre : unam partem ad redemptionem captivorum qui in vinculis sarracenorum detientur ; aliam ad sustentationem pauperum infirmorum quos in domibus suis misericorditer recipunt, eis in propriis personis humiliter ministrantes ; terciam partem ad usus suos reservant, ut sobriam et pauperem vitam utcumque valeant sustentare (John Hinnebusch, The Historia Occidentalis of Jacques de Vitry. A Critical Edition, Fribourg, The University Press of Fribourg, 1972, p. 140).
-
[21]
Si les Carmes se dotèrent à cette date d’un simple oratoire, ils érigèrent en 1285 un couvent au nord de la ville (Édouard Baratier, Félix Reynaud, Le diocèse de Marseille, sous la dir. de J.-R. Palanque, Paris, Letouzey & Ané, 1967, p. 82).
-
[22]
Selon Baratier, le couvent fut fondé vers 1224 (Le mouvement mendiant à Marseille, Les mendiants en pays d’Oc au XIIIe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 8, Toulouse, Privat, 1973, p. 180). Pour sa part, Marie-Humbert Vicaire propose 1225 comme date d’incorporation (Le développement de la province dominicaine de Provence (1215-1295), Les mendiants en pays d’Oc au XIIIe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 8, Toulouse, Privat, 1973, p. 46).
-
[23]
La date de fondation du couvent marseillais est « à fixer peu après celle de leurs frères jumeaux dominicains » (Édouard Baratier, Le mouvement mendiant à Marseille, op. cit. (n. 22), p. 181).
-
[24]
Elles se sont installées dans la cité en 1254 (ibid., p. 187).
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[25]
Maison fondée vers 1255 par Douceline, sœur du Franciscain Hugues de Digne (J..H. Albanès, La vie de sainte Douceline, Marseille, Étienne Camoin, 1879).
-
[26]
Édouard Baratier, Le mouvement mendiant à Marseille, op. cit. (n. 22), p. 186.
-
[27]
Vingt-trois ordres auraient été visés par le canon 23 du concile réuni par le pape Grégoire X, d’après le poème anonyme Concile en roman : sur les sources relatives à la suppression de ces ordres, se reporter à l’article d’Isabelle Rava-Cordier, L’expansion d’un ordre mendiant originaire de Provence : les frères sachets, Provence historique, t. LV, fasc. 219, 2005, p. 3, n. 3.
-
[28]
Dans l’article précité, Isabelle Rava-Cordier reprend certaines conclusions émises par Paul Amargier dans Les frères de la pénitence de Jésus-Christ ou du Sac, Provence historique, t. XV, fasc. 60-61, 1965, p. 158-167.
-
[29]
Protégés par le chapitre cathédral, ils furent aussi populairement connus sous le vocable de « Frères pies » (Édouard Baratier, Le mouvement mendiant, op. cit. (n. 22), p. 184-186), bien que le terme n’apparaisse pas dans les testaments. La date de leur établissement à Marseille n’est pas connue, mais la première mention de l’ordre surgit dans une disposition testamentaire de Léonce Brémond rédigée en 1260 (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 H 142) ainsi que dans les dernières volontés de l’évêque Benoît d’Alignan dressées la même année : testament transcrit dans J.-H. Albanès, Gallia Christiana Novissima. Histoire des archevêchés, évêchés et abbayes de France. Marseille (évêques, prévôts, statuts), Marseille, Imprimerie universitaire E. Fourcine, 1935, p. 163.
-
[30]
L’hôpital marseillais aurait été fondé vers 1180 (Augustin Fabre, Histoire des hôpitaux et des institutions de bienfaisance de Marseille, t. I, Marseille, Laffitte Reprints, 1973 (réimpr. de 1854-1855), p. 27-28), bien que la première mention dans les séries testamentaires n’apparaisse qu’en 1277 (testament de Huguette Manche, 11 mars 1277, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 H 142, XIV G. Sur la diffusion dans le Midi rhôdanien de l’ordre de Saint-Antoine-en-Viennois à partir du XIIIe siècle, voir Daniel Le Blevec, L’Ordre canonical et hospitalier des Antonins, Le monde des chanoines (XIe-XIVe s.). Cahiers de Fanjeaux, no 24, Toulouse, Privat, 1989, p. 243-248.
-
[31]
Fondé en 1204 : Augustin Fabre, Histoire des hôpitaux, op. cit. (n. 30), t. I, p. 24.
-
[32]
Cet établissement appartient à l’initiative des moines de Cruïs, originaires de Sisteron, au début du XIIIe siècle (ibid.). On en relève que de rares mentions dans les actes pour cause de mort à Marseille.
-
[33]
Les chevaliers de Saint-Jacques-des-Épées, originaires d’Espagne, établirent une maison à Marseille en 1200 (ibid., t. II, p. 108).
-
[34]
Dans son testament du 27 août 1260, l’évêque de Marseille, Benoît d’Alignan, parsème de ses aumônes une dizaine d’établissements hospitaliers et de maladeries : Sainte-Marthe, Saint-Esprit, Saint-Antoine, Saint-Jacques, Saint-Benoît (aucune mention dans nos testaments), Saint-Martin, l’hôpital du Paradis et celui dit de Bertrani Bausani, ainsi que la léproserie. La clause se termine prudemment par : et si qua alia hospitalia sint in civitate Massilie, singulis dentur V solidos (voir ci.dessus, n. 29). Pour une énumération plus exhaustive des hôpitaux marseillais, se reporter à Augustin Fabre, Histoire des hôpitaux, op. cit. (n. 30), t. I. Édouard Baratier et Félix Reynaud relèvent également un nombre de fondations qui « n’eurent qu’une existence éphémère (ainsi les hôpitaux Notre-Dame de l’Espérance et Notre-Dame de l’Humilité) » (Le diocèse de Marseille, op. cit. (n. 21), p. 86).
-
[35]
Paul Amargier, La situation hospitalière à Marseille, Assistance et charité. Cahiers de Fanjeaux, no 13, Toulouse, Privat, 1978, p. 246.
-
[36]
Ibid., Mouvements populaires et confrérie du Saint-Esprit à Marseille au seuil du XIIIe siècle, La religion populaire en Languedoc du XIIIe siècle à la moitié du XIVe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 11, Toulouse, Privat, 1976, p. 305-319 ; Jacques Chiffoleau, Entre le religieux et le politique : les confréries du Saint-Esprit en Provence et dans le Comtat Venaissin à la fin du Moyen Âge, Le mouvement confraternel au Moyen Âge. France, Italie, Suisse, Genève, Rome, Paris, Éditions du Cerf, 1987, p. 9-40.
-
[37]
Se reporter à la note 20.
-
[38]
Huguette Longe ordonne ainsi la distribution de 20 livres de royaux marseillais aux pauperibus fratribus minoribus Massilie (9 février 1292, AM Marseille, ms. 1 II 12, fol. 26).
-
[39]
Jacques Le Goff, Saint François d’Assise, Paris, Gallimard, 1999, p. 30-31.
-
[40]
L’enquête de canonisation du petit-fils de Charles Ier d’Anjou, qui débute à Marseille en 1307 pour se terminer dix années plus tard, dépeint un saint homme dont la compassion envers les pauvres n’a d’égal que celle de saint François lui-même, voir Jacques Paul, Évangélisme et franciscanisme chez Louis d’Anjou, Les mendiants en pays d’Oc au XIIIe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 8, Toulouse, Privat, 1973, p. 387-294, ainsi que, du même auteur, Perception et critères de sainteté en France méridionale, XIIIe-XVe siècle, Hagiographie et culte des saints en France méridionale (XIIIe-XVe siècle). Cahiers de Fanjeaux, no 37, Toulouse, Privat, 2002, p. 31-62.
-
[41]
Comme on le sait, Robert d’Anjou composa un traité sur la pauvreté au début des années 1320 ; le manuscrit, conservé à la Bibliothèque nationale de Paris, n’a jamais fait l’objet d’une édition complète. Sur cette question, il faudra consulter (Samantha Kelly, The New Solomon. Robert of Naples (1309-1343) and Fourteenth-Century Kingship, Leiden/Boston, Brill, 2003, p. 71-81).
-
[42]
Les filleuls, les orphelins de collègues ou confrères, les apprentis, les enfants illégitimes, les nièces à marier, une parente veuve représentent autant de « pauvres » dont il est mal aisé de connaître l’indigence véritable.
-
[43]
Nous disposons de peu d’études statistiques sur les attitudes devant la charité pour le reste de la Provence au début du XIVe siècle, et les quelques indices disponibles semblent suggérer une importante fluctuation d’une communauté à l’autre, d’où la « difficulté d’expliquer de façon univoque ces différences de comportement » (Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 302).
-
[44]
Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 H 162.
-
[45]
Il faudrait poursuivre systématiquement l’étude dans les fonds hospitaliers, notamment ceux de l’hôpital Saint-Esprit, dont les registres rapportent diverses fondations charitables (Augustin Fabre, Histoire des hôpitaux, op. cit. (n. 30), t. II, p. 89 et s.).
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[46]
Item lego amore Dei fratri Petro Riverie ordinis fratrum minorum qui pro salute anime mee rogabis Dominum octo libras dictem monete (...) Item lego centum solidos quos tradere volo eidem fratri Petro Reverie et ipse distribuere ad voluntatem suam pro salute anime mee juxta {de}clarationem per me sibi factam in {mea} confessione (19 août 1332, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 6, fol. 87 vo-88). Les accolades renvoient aux passages mouillés reconstitués.
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[47]
Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 431.
-
[48]
Lego L libras pro meis forefactis esmendandis juxta formam et tenorem et prout continetur in quadam sedula scripta et sigillata sigillo meo et solvantur illis personis qui seu quibus per dictam sedulam {provi...} nisi ego illa solvissem in solido vel in parte in vita mea (6 avril 1346, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 44, fol. 9).
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[49]
À commencer par le port phocéen : sur cette question, il suffit de se reporter aux études récentes de John Pryor, Business Contracts of Medieval Provence. Selected « Notulae » from the Cartulary of Giraud Amalric of Marseilles, 1248, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1981, coll. « Studies and Texts, 54 » et de Daniel L. Smail, The Consumption of Justice. Emotions, Publicity, and Legal Culture in Marseille, 1264-1423, Ithaca (NY), Cornell University Press, 2003.
-
[50]
Concept relatif, bien évidemment, la liberté testamentaire connaît des limites subjectives qui échappent à l’historien : l’influence du groupe familial ou de personnalités religieuses persuasives peut en effet compromettre la volonté individuelle. Mais des pressions diverses et simultanées peuvent également finir par se neutraliser réciproquement. Par ailleurs, l’examen minutieux de centaines de testaments laisse plutôt transparaître l’expression de volontés fortement individualisées, en dépit des contraintes – de nature surtout familiales – qui dans cette culture orale devaient puissamment s’exercer sur le mourant. Ainsi Béatrice de Besse n’a-t-elle pas hésité à retirer par acte codicillaire un legs à sa cousine en raison des méchancetés que celle-ci lui aurait proférées, vraisemblablement en réaction à la modestie du don : in primis adhimo et detraho Batrone de Gappo illos centum solidos quos sibi legaveram in dicto meo testamento pro ea maritanda ceteris contentis in ipso meo testamento in suis roboribus propter tuis duraturis (29 juillet 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 77, fol. 76 vo). Cette éloquente admonition, adressée à la deuxième personne, comme s’il s’agissait d’un dialogue, rappelle le caractère à la fois public et personnalisé du testamentum nuncupativum (voir note suivante). Enfin, le testament offre une ultime occasion d’autorité à ceux et à celles qui s’en trouvent peut-être dépourvus de leur vivant. Ainsi Richarde Jean menace-t-elle de déshériter son mari et héritier unique s’il refuse, pour son dernier repos, d’être enseveli auprès d’elle, au cimetière de l’église Saint-Sauveur : volo et ordino quod heres meus (magister Johannes de Auriaco maritus meus) quandocumque eum mori contigerit se faciat cepeleri in tumulo in quo ego cepeleri (...). Puis un rajout annonce : eo casu quod contrarium fieri adhimo eidem et ex nunc in eo casu predicto remitto et annulo (1341, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 393, fol. 18).
-
[51]
Le testament nuncupativum, c’est-à-dire solennellement déclaré, détient toute sa force pendant la période qui nous occupe. Ainsi la validité du testament oral non notarié d’une jeune épouse ne fut jamais mis en cause, bien qu’il dut être consigné par écrit au moment de son exécution, sur la foi de la mère de la défunte et du mari de celle-ci, ainsi que de plusieurs femmes citées à titre de témoins oculaires présentes au chevet de la testatrice mourante – autre manifestation de la sociabilité de la mort : Cum dicta Garcenda ex infirmitate detenta fuerit ex inde mortua post vero mortem dicte Garcendis propria mortua existentis in lecto Adalacia Cordineria mater dicte Garcendis et dictus Johannes Ruffi maritus interrogaverunt in presencia mei notarii et testium infrascriptorum Guillelme Augerie, Bartholomee Manegote et Bellieutz uxoris Johannis Carbona et Dulcie de Podio qualiter ipso Garcenda suam feceret ordinationem de bonis suis qui testes omnes juraverunt ad sancta Dei euvangelia (...) (1er mars 1310, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 25, fol. 37). La tradition orale testamentaire ne s’entoure pas moins d’un formalisme juridique assez rigoureux. Le 13 septembre 1346, le testament de Jacqueline Missonier consigné par écrit devant huit témoins est déclaré invalide faute d’avoir été dûment récité, comme le révèle une note au bas du folio : cassatur quare non fuit recitatum (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 18, fol. 25 vo).
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[52]
Il se pourrait que dans la ville portuaire la spiritualité franciscaine ait joué un rôle déterminant sur la piété féminine : les résultats de la présente étude vont en ce sens, et corroborent ceux d’une enquête antérieure conduite sur une chronologie plus courte et sous un angle différent (Francine Michaud, Liaisons particulières ? Franciscains et testatrices à Marseille (1248-1320), Annales du Midi, t. 104, no 197, 1992, p. 7-18).
-
[53]
Sur la base d’un échantillon assez large, Jacques Chiffoleau avait noté l’importante proportion des femmes dans les testaments (établie à 51 %), mais sans toutefois l’expliquer au-delà du fait qu’il semblerait se rapporter à une culture fortement urbanisée (Pratiques funéraires et images de la mort, op. cit. (n. 17), p. 273-274).
-
[54]
En Angleterre, en France, en Avignon, la proportion des testaments féminins fluctue entre 30 % et 40 % : Michael M. Sheehan, The influence of canon law on the property rights of married women in England, Medieval Studies, 25 (1963), p. 122 ; Jacques Beauroy, Family patterns and relations of Bishop’s Lynn will-makers in Fourteenth-Century, The World We Have Gained, éd. Lloyd Bonfield, Richard M. Smith and Keith Wrightson, Oxford, 1986, p. 25 ; Marie-Thérèse Lorcin, Vivre et mourir en Lyonnais, à la fin du Moyen Âge, Paris, 1981, p. 59 ; et Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 50. À Lausanne au XVe siècle, elle est de 42 % : Lisiane Lavanchy, Écrire sa mort, décrire sa vie. Testaments de laïcs lausannois (1400-1450), Lausanne, Cahiers Lausannois d’histoire médiévale, 2003, p. 48. Marie-Claude Mirandet, dont la récente étude sur les pratiques testamentaires dans le Toulousain, notamment dans le second versant du XIVe siècle, confirme que la présence féminine dans ce genre d’actes n’est que de seulement 36 % (Le souci de l’au-delà : la pratique testamentaire dans la région toulousaine (1300-1450), Presses universitaires de Perpignan, 1998, p. 85). Cependant, dans l’Italie urbanisée dès la fin du XIIe siècle, hommes et femmes revendiquent ce droit à peu près également : à Gênes, de 1150 à 1250, les femmes représentent tout près de la moitié du corpus, de même qu’à Venise au XIVe siècle (Steven Epstein, Wills and Wealth in Medieval Genoa, 1150-1350, Harvard, 1984, p. 38 ; Stanley Chojnacki, Dowries and Kinsmen in Early Renaissance Venice, Women in Medieval Society, Suzan Mosher Stuard (éd.), Philadelphie, 1976, p. 177).
-
[55]
En revanche, la patria potestas paraît faire écran à la générosité spontanée. En effet, les donations propter mortis, ces rares testaments d’individus en puissance de père (à peine 1 % du corpus), font état d’une étonnante mainmise du géniteur sur les biens de l’enfant parvenu à l’âge adulte, notamment la fille mariée, c’est-à-dire, munie de sa dot, cet héritage parental anticipé. Prenons un exemple typique. En 1319, Cartenette Guillaume gît malade, entourée de son père Jacques, dont elle a conservé le patronyme, de son mari, Giraud André, et de ses trois fils héritiers nés d’un premier lit. Désireuse d’être ensevelie auprès de sa mère, Cartenette laisse toutefois à la discrétion de son père, à même les sommes dotales, le soin d’organiser les obsèques et d’acheter les messes rédemptrices au sanctuaire de son choix à lui. Aucune provision n’est ménagée pour les pauvres du Christ (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 30, fol. 47).
-
[56]
Dans la société romaine, du Bas-Empire à l’ère justinienne, les femmes jouissaient en toute plénitude du droit de tester (P.-F. Girard, Manuel élémentaire de droit romain, Paris, 1924, p. 865).
-
[57]
Il est ainsi peu probable que les veuves soient surreprésentées dans notre corpus. En fait, les épouses le sont pendant les crises de mortalité (1286, 1348) lors desquelles, vraisemblablement rivées au chevet des malades plus souvent que les hommes, elles sont les premières victimes de la maladie : sur les 23 femmes qui ont testé en 1348, 13 sont mariées. Cette observation est corroborée par l’expérience des populations africaines affligées de la peste à l’époque contemporaine (Myron Echenberg, Black Death, White Medicine. Bubonic Plague and the Politics of Public Health in Colonial Senegal, 1914-1945, Oxford, 2001, p. 202).
-
[58]
Avant 1300, les femmes représentent 61 % des testateurs issus des couches supérieures de la population : noblesse, bourgeoisie, marchandise et justice. Au XIVe siècle, cette proportion décroît à 50 %.
-
[59]
Notons que 76 % des hommes (152/200) dévoilent leur identité socioprofessionnelle contre seulement 64 % des femmes (150/236).
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[60]
D’après Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 41. Il faut pourtant nuancer la notion de « démocratisation » de la pratique testamentaire, car pour spectaculaire qu’elle fût en Provence au début du XIVe siècle, elle n’affecte d’abord que la gente masculine, pour s’étendre ensuite petit à petit aux femmes des couches plus modestes. Cette observation souligne encore davantage la surreprésentation des testatrices provenant des milieux aisés de la ville.
-
[61]
Les bourgeois, classe dirigeante de la société marseillaise, ne recourent évidemment pas aux référents professionnels dans les actes pour cause de mort. Figure de proue de la collectivité, placée bien au-dessus de la marchandise et de l’artisanat, l’élite urbaine peut en effet se passer de repères identitaires de cette nature, ce qui n’en va pas de même pour les classes laborieuses, anciens résidents ou nouveaux arrivés dans la ville portuaire.
-
[62]
Quia ab experto scio dictum filium meum esse prodigum et bonorum suorum dissipatorem magnum : [...] octobre 1293, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 H 179.
-
[63]
Il est par conséquent difficile d’y voir, ne serait-ce que sous l’angle statistique, « une propension naturelle à la compassion, plus développée chez elles (les femmes) que chez les hommes » (Daniel Le Blevec, Le rôle des femmes dans l’assistance et la charité, La femme dans la vie religieuse du Languedoc (XIIIe-XIVe siècles). Cahiers de Fanjeaux, no 23, Toulouse, Privat, 1988, p. 179).
-
[64]
« Ce n’est pas un hasard si ce sont les nobles qui montrent la voie : la largesse est une vertu proprement féodale » (Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 306).
-
[65]
« La raison de la désaffectation des milieux conventuels féminins face au devoir évangélique de charité est peut-être à rechercher dans l’évolution de la conception que l’on se fait alors de la vie féminine cloîtrée et qui privilégie de plus en plus, surtout au XIVe siècle, le choix de Marie, au détriment de celui de Marthe » (Daniel Le Blevec, Le rôle des femmes dans l’assistance, op. cit. (n. 63), p. 174).
-
[66]
Francine Michaud, Liaisons particulières ? Franciscains et testatrices à Marseille, op. cit. (n. 52),
-
[67]
« (L)a spiritualité d’Umiliana, telle qu’elle s’exprime dans sa vita, porte la marque d’une autre orientation à laquelle les Frères Mineurs qui l’entouraient ne sont sans doute pas étrangers. Sous leur influence, nous voyons la sainte renoncer progressivement aux œuvres de miséricorde et de bienfaisance auxquelles elle s’était adonnée pendant plusieurs années et privilégier de plus en plus la contemplation et la recherche des grâces mystiques » (André Vauchez, Les laïcs au Moyen Âge. Pratiques et expériences religieuses, Paris, Le Cerf, 1987, p. 201).
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[68]
Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 3, feuille volante.
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[69]
La requête du fidèle se limite parfois à une formule générique qui ne laisse cependant aucun doute sur la confiance que ce dernier ressent envers le clerc désigné pour choisir et assurer l’exécution des œuvres pies (ad salutem anime mee melius videbitur expedire), comme l’exprime éloquemment en 1248 Pierre de Saint-Paul, originaire de Montpellier : Item accipio de bonis meis pro anima mea et redempcione meorum peccaminum et pro forefactis meis esmendandis et pro expensis funerariis faciendis L libras melgoriensium de quibus lego priori dicte ecclesie Sancti Jacobi de Melgiorio Sancti Ruffi, compatri meo, C solidos quos debeat idem prior per fideicomissum (sic) pro anima mea distribuere secundum quod ei ad salutem anime mee melius videbitur expedire : 30 mars 1248, d’après l’édition de Louis Blancard du registre de Giraud Amalric, Documents inédits sur le commerce de Marseille au Moyen Âge, édités intégralement ou analysés, t. II, Marseille, Barlatier-Feissart, 1885, p. 314.
-
[70]
Hormis les parentes placées dans les couvents marseillais et provençaux, très peu de religieuses ont été citées dans les testaments. Nous avons néanmoins tenu compte de celles qui se trouvent en situation d’autorité (abbesses) ou d’autonomie (béguines), ainsi que celles dont le suffrage spirituel est spécifiquement requis (commandes de prières).
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[71]
De même que les témoins instrumentaires.
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[72]
La seule note discordante au tableau se rapporte à la décennie 1310, époque qui coïncide avec la crise institutionnelle franciscaine autour de la notion de pauvreté absolue réprimée par le pape Jean XXII, ainsi que la disparition effective d’un groupuscule mendiant particulièrement actif sur le plan pastoral, les Servites.
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[73]
Comme le suggère Daniel Le Blevec, ces deux fonctions sont loin d’être exclusives, à l’instar des frères hospitaliers de Saint-Antoine qui « entretenaient avec les laïcs accueillis dans leurs maisons, l’obligation économique à laquelle ils étaient soumis d’organiser des tournées de quêtes à travers les diocèses, en les accompagnant de sermons destinés à susciter la charité des fidèles » (L’Ordre canonical et hospitalier des Antonins, op. cit. (n. 30), p. 237). Sans doute la popularité de nombreux clercs, dont le frère antonin Bérenger Repelin à Marseille, s’explique-t-elle de cette façon : voir tableau 7.
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[74]
L’enquête fut mise sur pied en mars 1339 (Édouard Baratier, Paul Amargier, Le diocèse de Marseille, op. cit. (n. 21), p. 69).
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[75]
Et sub tali conditione quod nichil de bonis meis legat vel donet aliqua causa alicui ecclesie vel clericis vel alicui persone ecclesiastice : codicille daté du 25 novembre 1335, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 37, fol. 130 vo.
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[76]
Il est difficile de déterminer dans quelle mesure cet anticléricalisme laïque est la somme d’une mûre réflexion ou simple mouvement d’humeur, par opposition à la contestation foncière définissant « l’anticléricalisme médiéval (qui) ne peut être que clérical » (Claude Carozzi, Praelatus. L’anticléricalisme médiéval, L’anticléricalisme en France méridionale (fin XIIe - début XIVe siècle). Cahiers de Fanjeaux, no 38, Toulouse, Privat, 2003, p. 34). Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’être perplexe devant le nombre de testateurs (3 % des testateurs), tous à partir de 1305, qui, hormis le lieu de sépulture et les frais funéraires afférents, ne citent aucun établissement religieux ou clerc à titre de bénéficiaire.
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[77]
Jean Gasc mourut en 1346. Édouard Baratier, Paul Amargier, Le diocèse de Marseille, op. cit. (n. 21), p. 55-56.
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[78]
6 juillet 1299, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 23 H 8.
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[79]
1er janvier 1315, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 28 H 1.
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[80]
20 octobre 1340, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 14, fol. 1-7.
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[81]
9 février 1292, AM Marseille, ms. 1 II 11, fol. 65.
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[82]
Jubeo dari alias XXV libras predicto fratri Raymundo de Vestra quas volo dari et distribui pauperibus fratribus conventis Massilie et aliorum conventuum (9 février 1292, AM Marseille, ms. 1 II 12, fol. 26).
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[83]
L’engouement pour le nouvel ordre s’étend jusqu’à la société cléricale : déjà en 1268, Jean Raynaudi, neveu du prévôt du Chapitre et jeune novice de la cathédrale, fit dresser son testament le jour de son admission au couvent des Frères Servites, intendens religioni Sancte Marie Matris Christi servire (4 septembre 1268, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 23).
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[84]
Sur cette question, voir également Micheline de Fontette, Les Mendiants supprimés au 2e concile de Lyon (1274). Frères Sachets et Frères de la Pie, Les mendiants en pays d’Oc au XIIIe siècle. Cahiers de Fanjeaux, no 8, Toulouse, Privat, 1973, p. 193-216.
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[85]
Item lego domui elemosine Sancti Victoris Massilie V solidos. Item lego hospitali Sancti Spiritus III solidos quos volo dari pauperibus dicti hospitalis in comesticibus seu cibo. Item lego fratri Oliverio ordinis Beate Marie Matris Christi XII denarios et ipse teneatur celebrare pro anima mea tot missas sicut ei videbitur esse justum. Item lego luminarie ecclesie Sancti Jacobi ville superioris Massilie XII denarios. Item lego Repenticis XII denarios quod dentur Guillelme prioresse pro expendendis inter eas (22 octobre 1278, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 1, fol. 67 vo).
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[86]
In claustro domus olim dictorum fratrum ordinis Beate Marie Matris Christi de Porta Gallica juxta et infra muros civitatis Massilie (22 octobre 1309, BNF, Nouvelles Acquisitions latines, Fonds Mortreuil, p. 73).
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[87]
Octobre 1293, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 H 179.
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[88]
4 mai 1286, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 3, fol. 41 vo.
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[89]
9 février 1292, AM Marseille, ms. 1 II 12, fol. 26.
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[90]
Item lego filiis Petri Andree et aliis Christi pauperibus de Maserolis in caritate et amore Dey (sic) duo sestaria bladi (10 mai 1336, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 10, fol. 25).
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[91]
Comme le suggère le tableau 7, les personnalités religieuses citées à plusieurs reprises sont issues de diverses congrégations, des maisons mendiantes en passant par les ordres hospitaliers, ainsi que du clergé canonial desservant les églises paroissiales de la ville.
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[92]
Dicta Garcenda in dicta infirmitate in presencia domini Bertrandi de Ecclesia Sancti Martini capellani et confessoris dicte Garcendis, dixit et ordinavit quod eligit sepulturam in cyminterio de Acuis (1er mars 1310, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 25, fol. 37). Il importe de souligner ici que l’appel au confesseur s’observe également au sein du petit peuple : Garsende n’a en effet que des moyens assez réduits, puisque, hormis les 40 sous faits en legs, l’inventaire après décès révèle qu’elle ne déteint qu’une panoplie d’articles personnels et domestiques de peu de valeur. Sans se généraliser, cette forme d’encadrement pastoral individualisé se rencontre au sein des classes artisanales à partir du premier tiers du XIVe siècle. Dans le corpus constitué, nous l’avons repérée auprès d’aubergistes, de pâtissiers, de fustiers, de fabricants de litières, de calfats, de laboureurs, etc.
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[93]
41 testateurs ont cité 44 confesseurs ; les parenthèses renvoient aux citations différentielles entre testateurs masculins et féminins (hommes/femmes).
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[94]
31 août 1329, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 68, fol. 11 vo.
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[95]
Huguette Béroard, veuve de damoiseau, dévoile en outre avoir promis d’assister l’un d’eux à couvrir les frais du vestiaire lors de son entrée au couvent : Item confiteor me olim promisse fratri Bernardo Giraudi de ordine fratrum minorum layco quando intravit monasterium predictum dare et solvere sibi vestiarum et cum nondum eidem satisfecerum lego sibi ob causam predictam, ita quod nichil amplius petere heredi meo subscripto predicta occasione XV librarum regalium (20 octobre 1340, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 14, fol. 1 vo).
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[96]
21 août 1287, AM Marseille, ms. 1 II 11, fol. 14.
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[97]
Item lego centum solidos sacerdotibus pauperibus ecclesie majoris Sedis Massilie qui distribuantur ad arbitrium fratris Arnaudi Fabri confessoris mei lectoris Carmelii Massilie (9 mars 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 355 E 1, fol. 39).
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[98]
À partir des années 1310, 36 % des confesseurs déclarés dans les testaments appartiennent au clergé séculier.
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[99]
Item lego amore Dei fratri Petro Riverie ordinis Fratrum Minorum qui pro salute anime mee rogabit Dominum octo libras dicte monete (...). Item lego c solidos quos tradere volo eidem fratri Petro Riverie et ipse {mot illisible} distribuere declarationem per me sibi factam in mea confessione (19 août 1332, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 6, fol. 87 vo-88).
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[100]
Paraphrase d’un vers tiré du Breviari d’Amor de Matfre Ermengau, cité dans René Nelli, L’aumône dans la littérature occitane, op. cit. (n. 1), p. 54.
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[101]
Les testateurs qui laissent derrière soi une forte progéniture, soit plus de trois enfants, désignent une œuvre charitable dans une proportion égale ou supérieure à la moyenne.
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[102]
On se souviendra qu’en 1286 Maître Victor fut désigné héritier universel en sa qualité d’aumônier de la cathédrale par Bertrand de Beaumont (voir supra, n. 1). L’année suivante, Cécile Alvina fit de même en spécifiant bien que quidem bona mea predicta volo et mando distribui atque dari per dictum helemosynarium (sic) et successores suos pauperibus (13 avril 1287, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 27). Or en 1302, Me Victor fut nommé à titre personnel héritier unique d’une autre testatrice, Aycarde Rostang, avec laquelle il ne semble entretenir pourtant aucun lien de parenté (1er juillet 1302, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 23, fol. 30 vo). Il y a tout lieu de croire que si les contemporains de Victor l’entourèrent d’une certaine aura de son vivant, les recettes de l’aumônerie, lorsqu’il en avait la charge, ont dû selon toute vraisemblance en bénéficier. À la lecture de son testament, il est possible de saisir la nature du rapport qui l’unissait à plusieurs de ses contemporains : il fonde à grands renforts de moyens une chapellenie pour la rédemption de son âme et celle de ses parents, ainsi que pour le salut de tous les fidèles, in redemptionem meorum peccaminorum et parentum meorum et fidelium animarum (9 février 1297, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 31).
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[103]
D’après le testament qu’il fait dresser le 9 février 1297 dans une maison appartenant à l’institution : in omnibus autem aliis bonis meis facio michi heredem universalem et gadiatorem elemosinam ecclesie Sedis. Actum Massilie in quadam domo dicte elemosine quam dictus testator inhabitat (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 31).
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[104]
À cet effet, il faudrait nuancer l’interprétation avancée par Édouard Baratier et Félix Reynaud, du moins pour la première moitié du XIVe siècle : « Au XIVe siècle, de nombreux hôpitaux furent fondés par dispositions testamentaires de riches bourgeois », Le diocèse de Marseille, op. cit. (n. 21), p. 86.
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[105]
17 juin 1310, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 26, fol. 11 vo.
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[106]
S’apprêtant à effectuer un voyage d’affaires, Jacques Grasset soumet cependant son héritier, l’hôpital Saint-Esprit au nom des pauvres qui s’y trouvent, à une clause viagère en faveur de sa veuve (13 mars 1337, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B 48, liasse 4).
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[107]
15 avril 1347, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 76, fol. 11.
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[108]
Déjà en 1297, lorsque Pierre Béroard, le successeur de Me Victor, recueille l’héritage de dame Nicole Ferrer, il est tenu de retrancher 60 livres pour la fondation de cens anniversaires à la cathédrale, à l’église franciscaine et à l’église des Prêcheurs pour le salut de l’âme de la bienfaitrice (30 août 1297, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 32). De même Jacqueline Bérenger distribue ses biens pour moitié à son cousin Albéric de Monaco et, pour l’autre, aux pauvres du Christ et à l’achat de messes salvatrices : in medietate dictorum bonorum meorum et rerum dictum Albaricum de Moyniaco consanguineum meum presentem et suos heredes et successores relinquo vero medietatem volo, jubeo et ordino dari et distribui pauperibus Christi et pro missis celebrandis pro anima mea et parentum meorum ad omnimodam distributionem dicti Albarici consanguinei mei (15 avril 1347, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 76, fol. 11).
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[109]
Les trois testateurs qui recourent à cette formule le font après 1295, deux n’allouant en substitution qu’une portion de leur patrimoine à des œuvres caritatives.
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[110]
2 septembre 1318, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 14, fol. 63 vo.
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[111]
Sur les 198 donateurs il faut compter 97 hommes et 101 femmes.
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[112]
Très symbolique, cette somme se retrouve dans les habitudes testamentaires en d’autres régions provençales, telles qu’en Avignon (Anne-Marie Hayez, Clauses pieuses de testaments avignonnais au XIVe siècle, La piété populaire au Moyen Âge. Actes du 99e congrès national des Sociétés savantes, Besançon, Bulletin philologique et historique du comité des travaux scientifiques jusqu’à 1610, t. I, Paris, 1977, p. 155).
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[113]
AM Marseille, ms. 381 E 16, fol. 140-141 vo.
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[114]
Sur les tendances inflationnistes du XIVe siècle, se référer à l’ouvrage d’Étienne Fournial, Histoire monétaire de l’Occident, Paris, Nathan, 1970, p. 97-126, ainsi qu’à celui de Peter Spufford, Money and its Use in Medieval Europe, Cambridge, 1988, p. 289-318. Entre 1319 et 1350, la valeur du menu marseillais vis-à-vis le florin d’or décroît de 24 sous et 4 deniers à 30 sous : cette question est abordée dans un article récent : Francine Michaud, « From apprentice to waged-earner : Child labour before and after the black death », Medieval Childhood, éd. Joël Rosenthal, Donington (Lincolnshire, G.-B.), Shaun Tyas / Paul Watkins Publishing, 2006, p. 82-83, n. 29-31. L’inflation aura en outre contribué à l’augmentation des salaires déjà perceptible dans les années 1340, selon nos recherches en cours.
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[115]
AM Marseille, ms. 1 II 47, fol. 11 vo.
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[116]
Decem lectos pannorum scilicet quemlibet ipsorum munitum de bassaca et culcitra cum pluma et pulvinari cum pluma et de duobus linteaminibus et de cohopertorum vel saltim [...] cohopertoria et flassatas (5 août 1266, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 19).
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[117]
Le premier registre de délibérations municipales évoque en effet la pénurie de pain qui sévit dans la ville à partir de décembre 1318 (AM Marseille, ms. BB 11, fol. 13 et s.).
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[118]
Il s’agit soit de l’église, soit de l’hôpital du même nom.
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[119]
Item volo quod venditis fructibus vine mee singulis annis perpetuo site apud Sanctam Martham sub dominio domine Dragonete ad quartam partem fructuum et deductis expensis factis annis singulis in culturanda ea per dictam uxorem meam totum residuum amore Dei annis singulis in pane vel alias Christi pauperibus largiatur de consilio dicte Margarite sororis mee (1er août 1318, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 14, fol. 6).
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[120]
Suivant la formule de Guillaume Benoît : 24 février 1296, AM Marseille, ms. 1 II 6, fol. 17.
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[121]
Assurément, Ponce B{iperii}, dont la dot de sa fille s’élève à 100 livres, appartient aux couches artisanales aisées de la ville (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 14, fol. 60 vo), puisqu’à cette époque la valeur médiane de l’apport dotal est de 64 livres et 5 sous de royaux marseillais (Francine Michaud, Un signe des temps. Accroissement des crises familiales autour du patrimoine à Marseille à la fin du XIIIe siècle, Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, 1994, coll. « Studies and Texts 117 », p. 95, n. 51).
-
[122]
Item cereo ejusdem domine (nostre de Majori) qui portatur per villam cum corpore Christi ad comunandum infirmos decem solidos (...) Item cereo ejusdem (domine nostre de Acuis) cum corpore Christi per villam ad communicandum infirmos decem solidos (28 mars 1292, AM Marseille, ms. 1 II 12, fol. 52 vo).
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[123]
Elles sont toutes issues de l’élite, à une exception près : en 1301 Jérémie Richard, s’apprêtant à quitter la ville (pour un pèlerinage ?), dédie 10 sous pour le rachat de la Croix en Terre sainte (3 octobre 1301, AM Marseille, ms. 1 II 17, fol. 31 vo).
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[124]
Francine Michaud, The pilgrim, the priest, and the beguine, op. cit. (n. 7). Il y a peut-être lieu de penser que l’influence des Mendiants – en particulier celle des Frères Mineurs – y est pour quelque chose, compte tenu de leur étroite association avec les dames de la bonne société d’une part et, d’autre part, en raison de leur engagement auprès du Saint-Siège à faire de la croisade un thème de prédication auprès des fidèles marseillais (Christoph T. Maier, Preaching the Crusades. Mendicant Friars and the Cross in the Thirteenth Century, Cambridge University Press, 1994, p. 85).
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[125]
Item lego cuidam capellano de novo promovendo ad sacerdotem ordinem eligendo per heredem meum infrascriptum dum promovebitur X libras (22 août 1341, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 393, fol. 17 vo).
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[126]
Se distinguent à leur nombre une dame de la bourgeoisie, une aubergiste, une épouse de fustier, une femme et une fille de bouchers, l’épouse d’un maçon, etc.
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[127]
Testament de Marie, épouse du laboureur Hugues Roux (27 novembre 1286, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 3, fol. 77 vo).
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[128]
Depuis 1278, des disposants, surtout des laboureurs et leurs épouses, avaient souhaité participer aux frais des travaux projetés, tels que Plendossa, femme de Raymond Roger : Item lego operi aquae faciende in civitate superiori Massilie XVIII denarios (13 octobre 1278, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 1, fol. 63 vo). Mais en 1286, le changeur Bertrand de Beaumont consacra 100 sous pour ce qui semble être toujours à l’état de projet : Item lego operi aqueductus Massilie centum solidos quos volo dari et solvi de bonis meis operario seu operariis qui constituentur per homines Praepositure dicte Sedis eo tempore quo in dicta Praepositura operabitur pro aqua adducenda et non ante (28 septembre 1286, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 27).
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[129]
Au milieu du XIIIe siècle on encourageait même les pauvres à prendre la croix, comme le fit Giraud Cardaillac : Item lego X libras crucesignatis pauperibus ad transfretandum ad subsidium Terre Sancte (Louis Blancard, Documents inédits sur le commerce de Marseille, op. cit. (n. 69), t. II, p. 323). Mais lorsque, un siècle plus tard, une testatrice lègue une somme identique pour le même projet, elle soulève néanmoins le doute qu’il ne se réalise jamais : Item lego passagio Sancte Terre ultra marine decem libras quando {fieri ?} sed non aliter (6 avril 1346, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 44, fol. 5 vo). Jacques Chiffoleau ne relève aucune trace de cette nature dans les testaments en Comtat pour tout le XIVe siècle (La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 291), ce qui n’est tout de même pas le cas à Marseille, tant s’en faut.
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[130]
Ce qui explique le tarissement des legs alloués aux Trinitaires (voir tableau 14).
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[131]
Item lego centum solidos dandos diversis pauperibus carceratis pro sustentatione vice eorum vel liberationem per se eorum ad arbitrium dictorum excequtorum (sic) pro debitis captis : testament de Guillaume Égide, 25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 73 vo : une clause identique se retrouve dans le testament de sa femme : 25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 76 vo.
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[132]
« À Marseille également, la population est en très forte diminution par rapport au XIIIe siècle, mais dans une proportion inconnue (...) (C)ette dépopulation s’expliquerait par la crise commerciale (...). Le déclin économique et démographique du grand port semble avoir précédé de plus d’un demi-siècle celui de l’intérieur du pays » (Édouard Baratier, La démographie provençale, op. cit. (n. 19), p. 81).
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[133]
À Pise, Sienne et Florence, « the consolidation of services by earlier established institutions (...) succeeded in rationalizing hospital space that had structured such social services in the early communes of the late Middle Ages » (Samuel K. Cohn Jr, The Cult of Remembrance and the Black Death. Six Renaissance Cities in Central Italy, Baltimore/London, The Johns Hopkins University Press, 1992, p. 70).
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[134]
On voit bien ici que ce développement dépasse les retombées de la réforme entreprise par l’Église depuis le concile de Vienne dans cet effort de la rationalisation de la bienfaisance (Jacqueline Caille, Assistance et hospitalité au Moyen Âge, Bulletin de la Société des Études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, t. CII, 1981, p. 300).
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[135]
Le phénomène s’observe aussi en Avignon ; en revanche, dans la seconde moitié du XIVe siècle, les legs en faveur des lépreux augmentent, en raison d’une « recrudescence de la maladie ? » (Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 319). Pour les premières décennies du siècle, le recul de la lèpre ne saurait suffire d’explication. D’ailleurs, l’hôpital Saint-Antoine reçoit toujours les bienfaits des fidèles alors que l’ergotisme est en régression à la même époque (Daniel Le Blevec, L’Ordre canonical et hospitalier des Antonins, op. cit. (n. 30)).
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[136]
Item lego elemosine ecclesie Beate Marie Sedis Massilie quatuor libras predicte monete quas volo dari et solvi dicte elemosine hinc ad tres annos proximos continuos et complendos a die obitus mei in antea computandis et complendis (5 avril 1314, AM Marseille, ms. 1 II 7, fol. 1).
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[137]
Il s’agit à l’occasion des membres du personnel hospitalier, tels que sœur Sybille, œuvrant à Saint-Lazare, qui reçut du chevalier Bertrand Amel 20 sous pour la confection d’une tunique, au moment où celui-ci étendait ses largesses aux infirmes de la maison en leur accordant chacun 20 deniers pour l’achat d’une chemise : Item lego sorori Sibilie Sancti Lazari Massilie XX solidos pro una tunica. Item volo et mando quod emantur septem camisiae precio cuilibet earum XX denariorum regalium quas septem camisias lego infirmis Sancti Lazari Massilie (2 août 1286, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 3, fol. 60).
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[138]
Sans doute est-ce là la raison qui motive le marchand Jacques de Cologne à désigner Gaufride de Serverie, héritier en fiducie de sa fortune au nom de l’aumônerie de la cathédrale qu’il dirige alors, gardien de son fils illégitime pendant une période de dix ans : Et volo et jubeo quod dictus Guirardinus (filius meus naturalis) usque ad dictos X annos sit sub custodia dicti Gaufridi de Cerveriis vel alterius helemosinarii qui pro tempore fuerit in dicta helemosina (5 août 1266, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 6 G 19). Notons que la moitié des testateurs dont on connaît l’origine sociale et qui confient un legs à l’administrateur d’une œuvre de charité ou d’un hôpital se disent changeurs ou marchands.
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[139]
AM Marseille, ms. BB 11, fol. 89. Nous ignorons cependant la cause et les résultats de l’enquête.
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[140]
À une exception près cependant : au moment où la Peste noire vient de ravager la population de la ville, Nicole Payrolier, veuve de pâtissier, estime urgent de participer au financement d’un nouvel hôpital projeté par la confrérie de Saint-Jacques en l’honneur du saint, et lègue « à ses recteurs ou gouverneurs » une somme de 20 livres et à cette fin seulement : Item lego rectoribus seu gubernatoribus luminarie Sancti Jacobi Massilie viginti libras regalium convertendas in emptionibus domorum per ipsos faciendis pro hospitali construendo et edifficando per ipsos ad honorem Beati Jacobi quas volo et jubeo dari, solvi et expederi in pecunia ipsis rectoribus dum emptionem vel emptiones aliquas facient pro ipso hospitali construendo et non ante nec alio modo (21 octobre 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 77, fol. 145 vo). Peut-être s’agit-il d’une contribution à l’initiative du négociant Bernard Garnier qui, par une disposition testamentaire de 1344, laissa une rente de 50 livres pour la fondation d’un nouvel hôpital appelé à prendre le vocable de Saint-Jacques-de-Gallice (Paul Amargier, La situation hospitalière à Marseille, op. cit. (n. 35), p. 253-260).
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[141]
Jusqu’en 1304, l’hôpital a à sa tête un « précepteur », frère laïque membre du personnel de la maison (la première référence remonte à Frère Hugo, preceptor seu commandator, le 20 août 1276 (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B73) et la dernière à celle de Ponce Guyssard, praeceptor, le 19 novembre 1304 (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 13, fol. 35). Selon Paul Amargier, la mention de prud’hommes à titre de recteurs de l’institution n’apparaît qu’en 1329 dans les testaments et non « après l’érection de la confrérie en 1212 » (La situation hospitalière à Marseille, op. cit. (n. 35), p. 247). Cependant, il est possible que le contrôle municipal externe sur la direction de l’hôpital intervint peu de temps après novembre 1304, puisque déjà en 1306, Marcel Cacata et Pierre Guillaume Viadi sont identifiés comme « recteurs ». Il s’agit alors peut-être d’une période transitoire, car un précepteur, Jean Lombard, est mentionné dans les registres de l’hôpital en 1311 (Augustin Fabre, Histoire des hôpitaux, op. cit. (n. 30), t. I, p. 43, n. 4). D’après les premiers registres de l’hôpital datés du début des années 1330, les recteurs sont nommés par le viguier assisté de six conseillers et approuvés par le conseil général (Paul Amargier, La situation hospitalière à Marseille, op. cit. (n. 35), p. 247-248).
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[142]
Ces gestionnaires arrivent même à susciter les bienfaits des Marseillais pour leurs besoins personnels. Ainsi Jacqueline Barthélémy, veuve de maçon, dirige une somme de 20 livres (soit les deux tiers de la valeur de sa dot) vers la table des recteurs : Ita quod dicte XX libre tradantur rectoribus Sancti Spiritus Massilie et pro dictis XX libris provideant sibi in omnibus alimentis suis. En revanche, la testatrice ne lègue que 20 sous et une livre de farine à l’intention des pauvres du Christ (17 septembre 1343, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 42, fol. 58 ro-vo).
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[143]
Les registres de comptes impeccablement tenus de l’hôpital démontrent une solide administration financière, susceptible d’avoir inspiré la confiance de maints bienfaiteurs ; en 1350, l’hôpital réussit même à enregistrer un solde budgétaire créditeur (Paul Amargier, La situation hospitalière à Marseille, op. cit. (n. 35), p. 248).
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[144]
Item lego dominis Jacobo Bonnacrucis et Guillelmo Messerii mercatoribus civibus Massilie rectoribus nunc domus Sancti Spiritus massiliensis qui nunc sunt sive aliis qui pro tempore rectores nominate fuerint dicte domus quocumque nomine nuncupentur quadraginta solidos per heredes meas universales infrasciptas (...) quos quadraginta solidos per me dictum testatorem supradictis rectoribus dicte domus superius nominatis legatos qui nunc sunt vel qui pro tempore fuerunt distribuantur et per eos expendantur in illis vero comodis in quibus magis necessarium et opportunum fuerit pauperibus infirmis dicti hospitalis pro anima mea et super hoc honero (sic) animam meam et onero animas dictorum rectorum et cuilibet eorum (29 septembre 1329, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD 74).
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[145]
Item ordino et volo et precipio quod si forte contingeret me mori post mortem dicte Alayete uxoris mee ubicumque in illo casu volo et jubeo quod dicti fratres et rectores dicti hospitalis pauperum Christi Sancti Spiritus Massilie {debeant continui ?} in usu substentationis (sic) pauperum dicti hospitalis Sancti Spiritus Massilie omni alienatione et titulo venditionis et alienationis et permutationis ac ex cambiis eis penitus interdicta. Et cum hac retentione et conditione et non aliter volo et ordino quod dicti fratres et rectores dicti hospitalis teneantur et debeant facere selebrari perpetuo annis singulis in ecclesia monasterii Sancti Victoris Massilie pro salute anime mee husque (sic) vinginti solidos regalium post mortem dicte uxoris mee et mei. Item lego X solidos regalium conventui Fratrum Sancti Augustini Massilie pro uno cantari faciendo. Item sub conditionibus et retentionibus predictis et non aliter nec alio modo dictos pauperes Christi dicti hospitalis michi heredes instituo (13 mars 1337, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B48).
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[146]
Selon Du Cange, solidata équivaut à une livre de denrées, laine, viande ou pain, dont la valeur est estimée à un sous-solidus (Du Cange, Charles Dufresne, Glossarium mediae et infirmae latinitatis, Verlagsanstalt, Graz, 1954 (réimpr. de l’édition de 1883-1887), t. 6-7, p. 516).
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[147]
Ita quod census ipsi et loqueria dictarum possessionium percipantur per ipsos rectores annuatim terminis statuendis super perceptione jamdicta de quibus censibus et loqueriis bladum per eos in messibus ematur annuatim vel aliis prout videbitur ipsis quod detritari faciant et duabus diebus septimane perpetuo videlicet diebus singulis sabatinis et dominicis dari et elargiri teneantur et dent, erogent ac etiam elargiantur seu erogari faciant pauperibus Christi pro anima mea (...) minus perfecte persolvi de eorum stipendiis et aliis s forefactis meis viginta solidatas panis in loco ubi placaverint et ordinaverunt frater Hugo Atulphi ordinis minorum et Johannes Atulphi filii mei predicti que predicta omnia volo fieri et concede per ipsos rectores justa et cum voluntate dictorum filiorum meorum ipsis filiis meis viventibus et post eorum decessiorum successorum (extrait testamentaire, 22 mars 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B75).
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[148]
Rappelons que la famine sévit dans la cité dans la troisième décennie du XIVe siècle : les délibérations municipales font en effet état de la crise frumentaire qui atteint son paroxysme entre janvier et mai 1323 (AM Marseille, ms. BB 11, fol. 33 et s.). Gaston Lepage discute de cette question dans Marseille angevine. Recherches sur son évolution administrative, économique et urbaine, de la victoire de Charles d’Anjou à l’arrivée de Jeanne 1re (1264-1348), Paris, E. de Boccard, 1950, p. 145-148.
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[149]
L’assistance relativement limitée envers les pauvres filles à marier s’observe également à Toulouse à la même époque (Marie-Simone de Nucé de Lamothe, Les diverses formes de charité à Toulouse d’après les testaments, Assistance et charité. Cahiers de Fanjeaux, no 13, Toulouse, Privat, 1978, p. 180).
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[150]
Significativement, les seuls disposants qui, au XIVe siècle, désignent nommément des indigents parmi leurs connaissances sont des villageois, la distance les prédisposant sans doute à les avantager par legs testamentaire, tel que Guillaume Girard qui provient d’une petite communauté villageoise en Narbonnais (10 mai 1336, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 10, fol. 25).
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[151]
Entre autres aumônes, Pierre-Guillaume Viadier affecte huit sous au luminaire des latrines de l’hôpital Saint-Esprit (11 juillet 1314, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 27, fol. 26 vo).
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[152]
Le marchand Guillaume Égide et son épouse Cécile lèguent chacun 25 suaires de lin pour recouvrir le corps des pauvres (quinque sudaria linea danda mortuis pauperibus causa recipiendi corpora eorum) (25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 73 vo et 76 vo).
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[153]
Item lego hospitali Sancti Spiritus unum lectum garnitum meliorem hospitii mei garnitum bassachia, culcitra, duobus linteaminibus, pulvinari et vanea vel flaciata (24 juin 1299, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 11, fol. 93). À la Toussaint 1334, Bermonde Ayraud, veuve de boucher, alloue une copieuse somme d’argent pour les pauvres, une provision annuelle de pain, des chemises de lin et des tuniques de drap blanc, ainsi qu’un lit complet muni d’un matelas de plumes pour le bénéfice de l’hôpital Saint-Esprit, lieu « d’accueil et de repos des pauvres du Christ » : pro recolligendis et cubandis pauperibus Christi unum lectum pannorum munitum de bossachia plumare (sic), duobus linteaminibus, uno copertore (Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 7, fol. 124 vo).
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[154]
Item lego hospitali Sancti Spiritus Massilie centum libras regalium de quibus C libris volo emi per heredem meum universalem infrascriptum centum solidos regalium censuales quos centum solidos censuales predictos, volo, jubeo annis singulis in proprium dari, solvi in festo Beate Marie mensis augusti ipsosque centum solidos volo converti in reparatione linteaminum lectorum et aliorum pannorum necessariorum dictorum lectorum (extrait testamentaire, 2 juillet 1307, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B45).
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[155]
Item volo, jubeo et mando quod sex camisie nove dentur amore Dei post dies meos de tela domus mee (20 août 1330, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 35, fol. 79-80 vo).
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[156]
Nous n’avons repéré qu’un seul legs de cette nature avant 1300 : il émane du testament de Pierre de Saint-Paul, originaire de Montpellier, qui en 1248 laisse 100 sous pour l’achat de vêtement de lin (Louis Blancard, Documents inédits sur le commerce de Marseille, op. cit. (n. 69), t. II, p. 315).
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[157]
Tandis que Guillaume Égide ordonne la distribution de 15 tuniques de laine neuves aux pauvres orphelins : Item lego XV tunicas laneas novas dandas pauperibus liberis orfanis (sic) (25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 73 vo), Nicole Payrolier donne 100 cannes de drap d’agneau de laine blanche aux pauvres du Christ : Item lego dari amore Dei Christi pauperibus {pro ?} meorum redemptione peccaminum et pro salute anime mee centum cannas panni annhinorum (sic) albi pro tunicis faciendis ipsis pauperibus dandas et distribuendas (21 octobre 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 77, fol. 145). On pourrait multiplier ces exemples.
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[158]
4 mai 1341, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 15, fol. 20 vo.
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[159]
Il ordonne l’achat de 25 émines de blé pour en faire du pain à l’intention des pauvres et, en complément, une certaine quantité de viande de porc (3 mai 1342, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 73, fol. 25 vo). Un fabricant de bannières prescrit l’achat d’une quinzaine de paniers garnis de pains et de viande pour les indigents (19 avril 1315, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 14, fol. 38 vo), alors que Pierre-Guillaume Viadier procure du pain, du vin et de la viande en quantité suffisante pour sustenter les pauvres malades de l’hôpital Saint-Esprit pendant une période de vingt-cinq ans (11 juillet 1314, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 27, fol. 26 vo).
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[160]
Tiré du Breviari d’Amor, cité dans René Nelli, L’aumône dans la littérature occitane, op. cit. (n. 1), p. 53.
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[161]
Quod corpus meums portetur in quadam litheria indutum tunica, caputio et caligis copertum de una scuera et cum IV candelis ardentibus quelibet ponderis medie libre cere (...) Item volo et ordino quod me defuncto incontinenti pro anima mea dentur amore Dei me existente infra ospitium de pane pauperibus solidos sex. Item et die eadem cum cepultum fuerit corpus meum fiat elemosina et dentur pauperibus solidos sex (1er mars 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 355 E 1, fol. 7 vo-8).
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[162]
19 septembre 1343, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 42, fol. 58 vo.
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[163]
Juillet 1330, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 35, fol. 33 vo.
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[164]
Fille de notaire et veuve de marchand, Béatrice Roger souhaite lors de la procession funèbre qui emportera sa dépouille au cimetière de l’abbaye Saint-Victor que son corps soit entouré de cierges de quatre livres - plutôt que de brandons - et revêtu d’un pallium d’une valeur de dix livres royales, destiné par la suite au service perpétuel de l’église : Item volo, jubeo et mando quod unus palius (sic) ematur de bonis meis qui porteretur supra corpus meum ad sepeliendum de quo fiat unum cohopertorium usque computatis precio dicti palii et aliis necessariis dicto cohopertorio usque ad decem libras regalium qui cohopertorius (sic) semper sit quantum duravit ad servicium dicte ecclesie Sancti Victoris Massilie. Item volo quod cerei mei qui portabuntur ad sepeliendum corpus mei quibus sit IV libre sere ponderis, ita quod non sint brandoni (3 février 1320, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 30, fol. 68). D’aisance et de condition sociale supérieures, le damoiseau Guillaume de Montolieu partage ce souhait, à cette différence près que le pallium soit orné de ses propres armes et qu’il serve pour toujours pendant les jours fériés, dans l’église des Frères Mineurs, le tabernacle décemment décoré et érigé sur sa tombe où doit être décrit et peint le récit de la Vierge de la Consolation : volo quod de bonis meis per heredum meum infrascritpum edificetur in solo dicte ecclesie unum sepulcrum sive tumba et in pariate super tumulum depingatur storia Beate Virginis de Consolatione et fiat unum tabernaculum de fusta pictum dicta storia et decenter decoratum (...). Item volo quod portetur et habeatur die obitus mei super corpus meum quoddam pallium usque ad valorem X florinorum auri sit ita que quod heredes mei in mediate ornari faciant dictum pallium armis et signo meo quod pallium perpetuo sit et esse debat in servicium dicti tabernaculi in diebus festivis et ornamentum etiam in diebus festivis (6 septembre 1347, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 75, fol. 78-vo).
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[165]
Dans les testaments marseillais, le recours aux messes cumulatives se manifeste à partir des années 1320. Cette comptabilité accompagne, voire favorise la croyance au purgatoire (Jacques Chiffoleau, Pratiques funéraires et images de mort, op. cit. (n. 17), p. 293 ; Id., La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 323 et s.).
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[166]
Pierre désigne héritier unique, s’il s’avère mâle, le fœtus de l’épouse de son frère Guillaume, mais à la condition qu’il reçoive son nom de baptême ; si cet héritier homonyme devait mourir à son tour sans enfants légitimes, sa fortune échoira aux quatre autres fils de Guillaume : Et si Alayseta cognata mea (uxor dicti Guillelmi Laurentii fratris mei) ex ventre seu postumo ventris sui filium masculum perceperet, volo, ordino, jubeo atque mando quod vocatur Petrus Laurentii et in baptismo nomen meum Petrus Laurentii imponatur eidem (...) in omnibus aliis bonis meis mobilibus et immobilibus juribus et actionibus et nominibus debitum michi heredem instituo. Si vero dictus filius heres ut supra institutus ventris seu postumus et ad lucem perventus in pupillari etate vel alias quandocumque decedere sine prole legitima ex suo corpore substituo eidem heredi mei predictos Laurentum, Hugetum, Guillelmetum, Bartholemeum nepotes meos (16 avril 1343, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 394, fol. 1 vo - 5 vo).
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[167]
Item volo, jubeo et mando quod de bonis meis pro salute mee et in redemptione peccatorum meorum post dies meos in perpetuum singulis annis de bonis meis dentur pauperibus Christi diebus inferius expressatis tribus terminis per me assignatis (...) dentur in pane totto (sic) usque quantitatem trium eminarum annone videlicet in die mortuorum unam eminam panis supra sepulcrum meum et aliam eminam in pane ad portas domus mee in festo Natalis Domini prima die kalendarum et aliam eminam annone in pane totto (sic) in die Domini Nostri Jhesus Christi quo portatur hostia Domini Nostri Jhesu Chrsiti per civitatem (21 novembre 1330, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 35, fol. 126 vo-127).
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[168]
Jacques Chiffoleau en a relevé la pratique en Avignonnais à partir du XIVe siècle, mais souvent par l’intermédiaire d’une helemosina (Charité et assistance en Avignon et dans le Comtat Venaissin (fin XIIIe - fin XIVe), Assistance et charité. Cahiers de Fanjeaux, no 13, Toulouse, Privat, 1978, p. 75).
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[169]
(...) terminis infrascriptis videlicet in festo Beate Marie medii augusti decem solidos et in festo Sancti Blasii tunc proxime sequenti alios decem solidos et in festo apparitionis Domini tunc proxime subsequenti alios decem solidos et in crastinum festi Pentecostis ex tunc proxime subsequenti alios decem solidos (29 septembre 1329, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD 74).
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[170]
Comme l’exprime en 1277 le marin Arnaud Vital qui souhaite favoriser les pauvres dans la détresse, sans autre condition (5 juillet 1270, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 1 HD B73).
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[171]
Laure de Saint-Mathieu octroie un revenu annuel de 30 sous à sa sœur Aycarde seulement si cette dernière se trouvait dans le besoin, mais pas autrement : Item lego Aycarde Maye sorori mee triginta solidos regalium annis singulis quamdiu vixerit sibi dandos et solvendos per heredem meam infrascriptam si indigerit et non aliter (juillet 1330, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 35, fol. 42).
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[172]
Cécile Égide demande à ce que ses exécuteurs testamentaires en fassent le constat (constabunt) avant de procéder à la distribution d’aumônes : 25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 76. De même le laboureur Pierre Girard exhorte son héritier à bien discerner les personnes indigentes : Item lego pauperibus Christi decem solidos regalium dandos per heredem meum infrascriptum personis egentibus quibus sibi videbitur faciendum (14 mars 1345, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 43, fol. 107 vo).
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[173]
Item lego amore Dei omnes et singulas vestes meas quecumque sint (...) jubeo atque mando dari, distribui post mortem meam per heredem meam subscriptam et predictam Jacobam Pandulpham alias Bariola (sic) pauperibus personis quibus eis melius videbitur faciendum et distribuendum (4 mai 1341, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 15, fol. 20 vo).
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[174]
C’est bien ainsi qu’une autre testatrice, Laurence Sial, épouse de drapier, qualifie ces oblations pro cantaris faciendis consuetudis (28 août 1344, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 43, fol. 38 vo).
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[175]
2 janvier 1346, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 391 E 9, fol. 122 vo-125. Le terme vergonosus ou vergonhosus évoque le sens de la honte qui appelle au comportement vertueux : voir vergonner, dans le glossaire français de Du Cange, Charles Dufresne, Glossarium mediae et infirmae latinitatis, op. cit. (n. 149), t. 8, p. 390.
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[176]
Alice Briançon fait elle aussi distribuer une vingtaine de sous pour l’amour de Dieu aux pauperibus vergonhosis (25 février 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 355 E 1, fol. 2).
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[177]
Voir le testament du marchand Guillaume Égide, celui de sa femme n’y faisant pas allusion (25 juin 1326, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 32, fol. 74).
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[178]
Item lego pauperibus domicellis et virginibus maritandis dari amore Dei pro salute anime mee in meorum redemptione peccaminum sexaginta libras regalium (21 octobre 1348, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 77, fol. 145).
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[179]
Si tamen bene sicut bona mulier se habuerit et bonum facieret (28 novembre 1324, Ad Bouches-du-Rhône, ms. 381 E 379, fol. 107 vo). Jadis, ce genre de recommandation inconditionnelle était adressé aux enfants illégitimes que l’on croyait naturellement prédisposés à une vie dissolue.
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[180]
Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, op. cit. (n. 6), p. 306.
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[181]
Jacques Chiffoleau note la tendance dans la région avignonnaise, mais seulement à partir du deuxième quart du XVe siècle (ibid., p. 305).