Notes
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[1]
L’auteur remercie vivement M. Stéphane Benoist pour sa relecture attentive et ses remarques qui ont permis d’améliorer cet article.
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[2]
Les traités hellénistiques sur la royauté ont été édités et traduits par Louis Delatte (éd.), Les traités de la royauté d’Ecphante, Diotogène et Sthénidas, Paris, Droz, 1942.
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[3]
Pour la biographie de Dion, voir John L. Moles, The career and conversion of Dio Chrysostom, JHS, 98, 1978, p. 79-100 ; Paolo Desideri, Dion Cocceianus de Pruse dit Chrysostome, dans Richard Goulet (dir.), Dictionnaire des philosophes antiques, II, Paris, CNRS Éd., 1994, p. 841-846.
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[4]
Son grand-père maternel, qui semble s’être distingué par sa paideia, et sa mère avaient reçu la citoyenneté romaine d’un empereur (Dion, Or., XLI, 5-6).
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[5]
Notamment Or., XVIII (lettre Sur l’entraînement oratoire, peut-être adressée à Titus ?), XXVIII et XXIX (discours en l’honneur du boxeur Mélancomas qui, selon Thémistios, X, 139, aurait été aimé par Titus), XXXII (Discours aux Alexandrins, dans lequel Dion rappelle à l’ordre les Alexandrins, peut-être à la demande de Vespasien). La proximité du sophiste avec les Flaviens est cependant remise en question par Harry Sidebottom, Dio of Prusa and the Flavian dynasty, CQ, 46, 2, 1996, p. 447-456.
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[6]
Or., XLV, 2. Voir notamment John L. Moles, The career, op. cit., p. 86, selon une hypothèse formulée par Ewen L. Bowie.
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[7]
PIR2 F355 ; Suétone, Domitien, 10, 4 : Flavius Sabinus fut tué parce qu’un héraut l’avait accidentellement qualifié d’empereur. Harry Sidebottom, Dio of Prusa, op. cit., p. 452-453, propose une autre hypothèse possible : le protecteur de Dion pourrait être L. Salvius Otho Cocceianus, neveu de Nerva et de l’empereur Othon ; il fut exécuté par Domitien pour avoir célébré l’anniversaire de son oncle Othon (Suétone, Domitien, 10, 5).
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[8]
Ces témoignages ont été réunis et analysés par Paolo Desideri, Dione di Prusa : un intellettuale greco nell’Impero romano, Messine-Florence, G. d’Anna, 1978, p. 1-60.
-
[9]
Pline, Lettres, III, 18, 2.
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[10]
La théorie de la royauté chez Dion a déjà été étudiée par Vladimir Valdenberg, La théorie monarchique de Dion Chrysostome, REG, 40, 1927, p. 142-162 ; Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit., p. 283-318 ; John L. Moles, The kingship orations of Dio Chrysostom, dans Papers of the Leeds International Latin Seminar, 6, Francis Cairns, Malcom Heath (eds), Leeds, F. Cairns, 1990, p. 297-375 ; Harry Sidebottom, Studies in Dio Chrysostom On Kingship, DPhil thesis, Oxford, 1992, que nous n’avons pas pu consulter ; Anne Gangloff, Dion Chrysostome et les mythes. Hellénisme, communication et philosophie politique, Grenoble, Jérôme Millon, 2006, p. 255-273, 321-351.
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[11]
Voir Andrew Wallace-Hadrill, The emperor and his virtues, Historia, 30, 1981, p. 298-323, en particulier p. 317, à propos du contraste entre l’image de Trajan dans le Panégyrique de Pline et son image dans les Lettres.
-
[12]
Dion, Or., XLV, 2.
-
[13]
H. Lamar Crosby (ed.), Dio Chrysostom. Discourses XXXVII-LX, Cambridge-Londres, Harvard University Press - W. Heineman LTd (The Loeb Classical Library), t. IV, 1986 (1946), p. 417, estime que le Nestor introduisait peut-être le deuxième discours Sur la royauté, en raison de la fréquence des citations homériques.
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[14]
D’autres discours de Dion abordent également, de manière indirecte, le thème de la royauté politique : Diogène ou sur la tyrannie (Or., VI), qui traite la question de la tyrannie sous un angle moral ; le Discours troyen (Or., XI) et le Chryséis (Or., LXI), par le biais de la figure d’Agamemnon ; la fin du Sur Homère (Or., LIII) ; Achille ou Chiron (Or., LVIII).
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[15]
Dion Cassius, LXVIII, 29, 1, et 30, 1 ; Julien, Césars, 333 a, 335 d ; Hist. Aug., Hadrien, 4, 9. Voir Jean Beaujeu, La religion romaine à l’apogée de l’Empire, I : La politique religieuse des Antonins, Paris, Les Belles Lettres, 1955, p. 98-101 ; Gerhard Wirth, Alexander und Rom, dans Alexandre le Grand. Image et réalité. Entretiens sur l’Antiquité classique, Olivier Reverdin (éd.), Genève, Fondation Hardt, 1976, p. 181-210, en particulier p. 196-200 ; Domingo Plácido, Alejandro y los emperadores romanos en la historiografia griega, dans Neronia IV, Alejandro Magno, modelo de los emperadores romanos. Actes du IVe Colloque international de la SIEN, Jean-Michel Croisille, Domingo Plácido (éd.), Bruxelles, coll. " Latomus ", no 109, 1990, p. 58-75, en particulier p. 70-72. La Souda attribue à Dion huit ouvrages Sur les vertus d’Alexandre, qui s’inscrivaient peut-être dans cette réflexion sur le bon roi, à partir du modèle d’Alexandre et en relation avec le règne de Trajan. Peut-être les deuxième et quatrième discours Sur la royauté font-ils partie de cet ensemble.
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[16]
Cette évolution a été bien mise en valeur par John L. Moles, The Kingship Orations, op. cit. (n. 10), qui a souligné les critiques apparaissant dans le deuxième et le quatrième discours Sur la royauté.
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[17]
Sur cette théorie dans la littérature, voir J. Rufus Fears, Princeps a diis electus. The Divine Election of the Emperor as a Political Concept at Rome, Rome, American Academy in Rome, 1977, p. 121-188.
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[18]
Pline, Pan., 8, 1.
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[19]
Marcel Durry (éd.), Pline le Jeune. Panégyrique de Trajan, Paris, Les Belles Lettres, 1938, p. 231-232. Sur les circonstances de l’adoption de Trajan, voir John D. Grainger, Nerva and the Roman Succession Crisis of Ad 96-99, Londres-New York, Routledge, 2003, p. 73-125.
-
[20]
Jean Béranger, La notion du principat sous Trajan et Hadrien, dans Principatus. Études de notions et d’histoire politiques dans l’Antiquité gréco-romaine, Jean Béranger, François Paschoud, Pierre Ducrey (éd.), Genève, Droz, 1973, p. 281-299, en particulier p. 284.
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[21]
Dans le Chryséis (Or., LXI) en particulier, Agamemnon possède les principales caractéristiques morales des tyrans : il est trompé par le désir (§ 2), instable, vaniteux, démesuré et licencieux ; voir aussi Or., LVI, 11, XI, LVII. Pour Domitien, voir Or., XLV, 1 ; L, 8 ; LXVI, 6.
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[22]
Voir également Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 296-297.
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[23]
Cet apologue est rapporté par Xénophon, Mém., II, 1, 21-34 : le jeune Héraclès doit choisir entre le chemin du Vice et celui de la Vertu.
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[24]
Or., XL, 13-15. Cela ne signifie pas que Dion soit venu avec les autres ambassadeurs de Pruse ; il a aussi pu les retrouver à Rome, où il attendait peut-être le retour de Trajan. Sur les difficultés de retracer les déplacements et les actions de Dion entre la mort de Domitien et son retour à Pruse, voir la synthèse de Marcel Cuvigny (éd.), Les discours bithyniens : discours 38-51, Dion de Pruse, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 110-113. Fergus Millar, The Emperor in the Roman World (31 BC - Ad 337), Londres, Duckworth, 19922 (1977), p. 414-415, considère que cette ambassade a été envoyée en Germanie avant le retour de Trajan à Rome, tout comme Gunnar Seelentag, Taten und Tugenden Traians. Herrschaftsdarstellung im Principat, Stuttgart, Steiner, 2004, p. 89-90.
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[25]
Or., XL, 15 ; XLV, 3, 7.
-
[26]
Sur ces points communs, soulignés par tous ceux qui ont travaillé sur le premier discours de Dion, voir en particulier John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 305-337.
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[27]
BMC, III, p. 38, no 56, pl. 10 . 5 ; voir aussi nos 81 à 93, 137, 138, 142 (pour la période de 101-102).
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[28]
Or., I, 61-63. Sur le manque de correspondance avec le type de l’Héraclès Gaditanus, voir Harold Mattingly, BMC, III, p. LXVIII ; Martin Galinier, L’image publique de Trajan, dans Images romaines. Actes de la Table ronde organisée à l’ENS (24-26 octobre 1996), Florence Dupont, Claire Auvray-Assayas (éd.), Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1998, p. 115-141, en particulier p. 126. Sur la prédilection de Trajan pour Hercule, voir aussi Jean Beaujeu, La religion romaine, op. cit. (n. 15), p. 80-87 ; Maria Jaczynowska, Le culte de l’Hercule romain au temps du Haut-Empire, ANRW, II, 17, 2, Berlin-New York, De Gruyter, 1981, p. 631-661, en particulier p. 635-637 ; J. Rufus Fears, The cult of virtues and Roman imperial ideology, ANRW, II, 17, 2, p. 827-948, en particulier p. 913, 917-918, et Id., The theology of victory at Rome : Approaches and problems, ANRW, II, 17, 1, 1981, p. 736-826, en particulier p. 819-821.
-
[29]
BMC, III, p. LXIX-LXX. Voir aussi Martin Galinier, L’image publique, op. cit., p. 128 : Hercule Victor figure sur les listes des dieux invoqués par les Frères Arvales lors du départ en guerre de Trajan ; voir John Scheid (éd.), Commentarii fratrum Arvalium qui supersunt. Les copies épigraphiques des protocoles annuels de la confrérie arvale (21 av. - 304 apr. J.-C.), Rome, École française de Rome, 1998, p. 177-182, no 62 a, l. 67 (pour l’année 101). Hercule fut également donné comme emblème à la legio II Traiana en 102-104.
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[30]
Or., I, 84 ; voir aussi § 63 pour le caractère militaire de cet Héraclès adapté à Trajan. Sur cette adaptation, voir John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 323-324. Pline, Pan., 82, 6-7, établit également une comparaison entre Trajan et Hercule sous le double rapport des qualités athlétiques et de la sagesse.
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[31]
Xénophon, Banquet, IV, 6 ; Philodème de Gadara, Le bon roi selon Homère, Tiziano Dorandi (éd.), Naples, Bibliopolis, 1982.
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[32]
Voir Plutarque, Alexandre, 8, 2 ; 15, 8-9 ; 26, 2-6 ; La fortune d’Alexandre, 327 E ; 331 C-D.
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[33]
Sur les nombreux points communs entre le traité de Philodème, Sur le bon roi selon Homère, et le discours II de Dion, voir Anne Gangloff, Le princeps et le bon roi selon Homère, à paraître dans les actes du séminaire " Figures d’Empire, fragments de mémoire ", organisé par Stéphane Benoist à Lille (automne 2008).
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[34]
John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 337-348, a mis en lumière les ambigu ïtés et les critiques présentes dans le portrait d’Alexandre ; voir aussi Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 262-263.
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[35]
Vie simple : Or., II, 26. Caractère guerrier : Or., II, 29, 45-47, 49, 57-58.
-
[36]
Sur cette expression de J. Rufus Fears, qui désigne l’image de l’empereur telle qu’elle est construite à partir de l’ensemble des sources littéraires, monétaires, numismatiques, iconographiques, et sur l’importance des restitutions monétaires républicaines de Trajan, voir Martin Galinier, L’image publique, op. cit. (n. 28), p. 118-132.
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[37]
Hans von Arnim, Leben und Werke des Dio von Prusa. Mit einer Einleitung : Sophistik, Rhetorik, Philosophie in ihrem Kampf um die Jugendbildung, Berlin, Weidmann, 1898, p. 407, date ce discours en 104, juste avant la seconde guerre dacique, de même que Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 360, note 10. Contra John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 346, qui propose une date avant la première guerre dacique. Nous serions plutôt favorable à la première hypothèse, qui explique mieux le décalage entre le premier et le deuxième discours Sur la royauté.
-
[38]
BMC, III, p. LXIX-LXX.
-
[39]
Or., XII, 16-20. Nous pensons que ce Discours olympique doit être daté de 105 plutôt que de 101 : voir Hans von Arnim, Leben und Werke, op. cit., p. 405-407 ; Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 279 ; Giovanni Salmeri, La politica e il potere. Saggio su Dione di Prusa, Quaderni del Siculorum Gymnasium, 9, Catane, 1982. Voir Nicole Méthy, Une critique de l’optimus princeps. Trajan dans les Principia historiae de Fronton, Mus. Helv., 60, 2003, p. 105-123, en particulier p. 109, sur le jugement plutôt négatif de Fronton au sujet de l’imperator Trajan, trop soucieux de sa propre gloire militaire.
-
[40]
Arnoldo Momigliano, Dio Chrysostomus (Unpublished Lecture 1950), dans Quarto contributo alla storia degli studi classici e del mondo antico, Id. (éd.), Rome, Storia e letteratura, 19882 (1969), p. 256-269, en particulier p. 265, et Id. (éd.), Quinto contributo alla storia degli studi classici e del mondo antico, Rome, Storia e letteratura, 1975, p. 1005-1007, pense aux guerres parthiques, suivi par Christopher P. Jones, The Roman World of Dio Chrysostom, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1978, p. 121 ; John L. Moles, The date and purpose of the fourth kingship oration, Class. Ant., 2, 1983, p. 251-278, en particulier p. 277-278, est d’avis que le discours doit être antérieur et qu’il est plutôt préventif, dans la mesure où l’ambition de Trajan devait être détectable assez tôt. Ragnar Höistad, Cynic Hero and Cynic King. Studies in the Cynic Conception of Man, Uppsala, 1948, p. 220, et Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 287, sont favorables à une datation durant l’exil de Dion, à cause de la portée critique du discours. Dion Cassius, LXVIII, 29, 1, a évoqué l’ambition de Trajan et sa rivalité avec Alexandre (au moment de l’expédition parthique).
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[41]
Christopher P. Jones, The Roman World, op. cit., considère que ce discours a sans doute été prononcé devant une assemblée de Grecs ; contra John L. Moles, The date and purpose, op. cit., qui analyse le jeu des masques et des décalages et le juge suffisant pour protéger l’orateur. Les avis sont également partagés au sujet de la fin abrupte de ce discours, au moment où le sophiste évoque la célébration de l’esprit sage et bon. Le discours se prolongeait-il par une description de cet esprit (susceptible de renvoyer à Trajan, et d’adoucir les critiques) ? Cette hypothèse est hasardeuse, dans la mesure où un grand nombre des discours de Dion s’achèvent de manière assez brusque. Pour l’examen des critiques et de la position de Dion, voir aussi Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 264-271.
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[42]
Sont favorables à une datation sous Trajan : Hans von Arnim, Leben und Werke, op. cit. (n. 37), p. 405 ; Christopher P. Jones, The Roman World, op. cit., p. 119-120 ; John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 360-361. H. Lamar Crosby (ed.), Dio Chrysostom, op. cit. (n. 13), t. V, 1985 (1951), p. 23. Christopher P. Jones, The Roman World, op. cit., p. 138, et John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 361-362, soulignent les points communs que ce troisième discours Sur la royauté présente avec le discours LXII. Selon Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 288, 297, le discours III est plutôt adressé à Nerva, en raison de son ton très amical.
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[43]
Le goût de Trajan pour la chasse est connu : voir Pline, Pan., 81, 1 et 3 ; pour Nerva, voir le type monétaire de la Diane chasseresse qui date de 96 et les commentaires de Harold Mattingly, BMC, III, p. XXXIX.
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[44]
Or., III, 86-118. Voir David Konstan, Friendship and monarchy. Dio of Prusa’s third oration on kingship, SO, 72, 1997, p. 124-143, en particulier p. 138-140 ; Antonino M. Milazzo, Dimensione retorica e realtà politica. Dione di Prusa nelle orazioni III, V, VII, VIII, Hildesheim-Zürich-New York, Olms, 2007, p. 50-107.
-
[45]
Pline, Pan., 85 ; Epitome de Caesaribus, 13, 4, éd. François Pichlmayr (le passage énumère les qualités attendues chez le bon roi et possédées par Trajan) ; Aurelius Victor, Liber de Caesaribus, 13, 8.
-
[46]
Or., I, 30-32.
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[47]
BMC, III, p. XLIV.
-
[48]
Voir supra, n. 6.
-
[49]
Philostrate, Vies de sophistes, 488, rapporte une anecdote à caractère symbolique : Trajan affirme à Dion qu’il ne comprend pas ce qu’il dit, mais qu’il l’aime comme lui-même ; selon Dion Cassius, LXVIII, 7, 4, l’empereur ne maîtrisait pas la culture rhétorique, mais pensait et agissait comme un homme cultivé ; voir aussi l’Epitome de Caesaribus, 13, 8.
-
[50]
L’idée que le gouvernement d’un seul peut aisément sombrer dans l’hubris est traditionnelle : Hérodote, III, 80 ; Platon, République, IX, 571 c - 572 b (sur la présence des désirs sauvages, tyranniques, chez tous les hommes) ; Lois, IV, 714 a, IX, 875 b-c ; Aristote, Pol., III, 15 (par exemple, § 5, 1286 : toute âme humaine possède des passions). Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 327-331.
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[51]
Voir Stéphane Benoist, Le prince, magister legum : réflexion sur la figure du législateur dans la Rome impériale, dans Le législateur et la loi dans l’Antiquité. Hommage à Françoise Ruzé. Actes du Colloque de Caen (Caen, 2003), Pierre Sineux (éd.), Caen, Presses universitaires de Caen, 2005, p. 225-240, sur l’activité normative du prince et sur la réflexion au sujet de sa position par rapport aux lois (du Ier au Ve siècle).
-
[52]
Sur ces conceptions, voir Andrew Wallace-Hadrill, Civilis princeps : Between citizen and king, JRS, 72, 1982, p. 32-48.
-
[53]
Or., LVI, 5 : " Ce commandement même dont tu parles, qui consiste à commander l’ensemble des hommes et à donner des ordres aux hommes en étant dispensé de rendre des comptes (3νυπεΑθυνον), s’appelle la royauté " (éd. H. Lamar Crosby, traduction personnelle).
-
[54]
Or., LVI, 5-7. Voir Hérodote, V, 32 ; VII, 20 ; VIII, 3 ; Thucydide, I, 95, 3-6 ; I, 128, 3-134. Dion, comme d’autres intellectuels grecs d’époque romaine qui sont " conservateurs " (Plutarque, par exemple), admire la politeia lacédémonienne et critique la démocratie athénienne.
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[55]
Sur les libertés que le sophiste prend avec le texte homérique, voir C. Affholder, L’exégèse morale chez Dion de Pruse, BFS, 45, 1966, p. 287-293, en particulier p. 290.
-
[56]
Sur cette conception (et sur celle du roi parfait qui se dégage de l’Odyssée), voir Pierre Carlier, La royauté en Grèce avant Alexandre, Strasbourg, De Boccard, 1984, p. 195-209.
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[57]
Or., LVI, 8 : τΡς 3ρχΡς ΧπBτροπον.
-
[58]
Or., LVI, 10, traduction personnelle.
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[59]
Dion s’appuie sur le chant IX de l’Iliade, dans lequel Nestor, devant le Conseil des chefs, rappelle à Agamemnon ses torts et suggère une réparation.
-
[60]
Or., LVI, 11, traduction personnelle.
-
[61]
Platon, Pol., 291 e - 303 e, et Aristote, Pol., III, 14, 15, 1285 b, et 17, 5-8, 1288 a, ont imaginé une figure de roi idéal, semblable à un dieu, qui serait au-dessus des lois écrites. Mais l’existence de ce roi parfait est considérée comme très improbable ; la meilleure solution, dans la réalité, est que le roi soit soumis au respect de la loi (le tyran, inversement, est caractérisé par le non-respect de la loi écrite). Pour la réflexion hellénistique au sujet du respect de la loi des cités, voir H. Volkmann, ôEνδοξος δουλεBα als ehrenvoller Knechtsdienst gegenüber dem Gesetz, Philologus, 100, 1956, p. 52-61.
-
[62]
Aristote, Pol., III, 14, 3-5, 1285 a : c’est le type de la royauté fondée sur la loi et dont la souveraineté est limitée ; le philosophe la conçoit comme une charge de général exercée à vie, selon l’exemple d’Agamemnon dans l’Iliade.
-
[63]
Or., LIII, 11-12.
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[64]
Dans le discours III, la royauté est définie comme un commandement qui n’est pas soumis à reddition de compte (3νυπεΑθυνος 3ρχΠ, § 43), la loi comme une décision du roi (τ δΑ νπμος βασιλ≅ως δπγμα). Dans le Panégyrique, 65, 1, Pline maintient en revanche l’idéal de l’empereur soumis aux lois. Voir aussi Stéphane Benoist, Le prince, op. cit. (n. 51), p. 233-240.
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[65]
Aristote, Pol., III, 14, 15, 1285 b.
-
[66]
Or., II, 78 ; Or., III, 60.
-
[67]
Voir Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 301-307 ; p. 308-309 sur la définition des vertus chez les Anciens : " Virtue is the moral quality of a man, whether innate or developed by education and practice. "
-
[68]
Dans les Vies des Césars de Suétone, qui écrivit sous Hadrien, les empereurs sont jugés selon leurs vertus et leurs vices : voir l’analyse d’Eugène Cizek, Structures et idéologies dans Les vies des douze Césars de Suétone, Paris, Les Belles Lettres, 1977, en particulier p. 106-118 (le jeu de l’antinomie entre vertus et vices) et p. 160-167 (l’inspiration " platonicienne ").
-
[69]
Ce modèle du roi perfectionné par un philosophe est aussi représenté dans le quatrième discours Sur la royauté, dans la confrontation entre Alexandre le Grand et le Cynique Diogène (qui, loin de renvoyer le jeune roi par le fameux " te-toi de mon soleil ", comme le veut l’anecdote, entreprend chez Dion de l’éduquer) ; il coexiste avec le modèle du bon roi évoqué par Diogène devant Alexandre.
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[70]
Sur la nécessité pour les philosophes de régner, ou pour les rois de devenir philosophes, voir Platon, Rép., 473 d.
-
[71]
Or., I, 70-82 ; voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 324-325. Pour d’autres passages opposant le roi et le tyran, voir Or., I, 13-36 ; Or., II, 42-43, 73-77 ; Or., III, 32-35, 39-41 ; Or., IV, 21-22 ; Or., LXII, 2-3.
-
[72]
Voir Francis Dvornik, Early Christian and Byzantine Political Philosophy, t. I, Washington, Dumbarton Oaks, 1966, p. 177-204 ; Pierre Carlier, La royauté, op. cit. (n. 56), p. VII, 234 et 512 ; Pedro Barceló, Basileia, Monarchia, Tyrannis. Untersuchungen zu Entwicklung und Beurteilung von Alleinherrschaft im vorhellenistischen Griechenland, Historia, 79, 1993, p. 11-345.
-
[73]
Platon, Rép., IX, 588 c - 589 a ; Aristote, Pol., III, 16, 5, 1287 a. Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 325-326.
-
[74]
Le roi doit être capable de se contrôler lui-même et de dominer ses désirs chez Platon, Rép., III, 389 d-e ; IV, 431 c-d ; IX, 580 c ; Xénophon, Agés., 10, 2 ; Isocrate, À Nicoclès, 26, 29, 31, et Nicoclès, 29, 36-42 ; cette idée est aussi présente, à l’époque de Dion, chez Musonius Rufus, Les rois, eux aussi, doivent philosopher ; Plutarque, À un chef mal éduqué, 780 A-B.
-
[75]
Or., IV, 12 : Diogène condamne la " fumée de l’orgueil " (θ′φος) du roi. Ce trait, qui faisait aussi référence à la pompe dont s’entouraient certains successeurs d’Alexandre, comme Démétrios Poliorcète, était condamné par les auteurs hellénistiques : voir Andrew Wallace-Hadrill, Civilis princeps, op. cit. (n. 52), p. 33-34.
-
[76]
BMC, III, p. XXXIV.
-
[77]
Pline, Pan., XXI, 1.
-
[78]
Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 312 ; la liste de ces vertus (également courantes) est dressée dans la note 67.
-
[79]
Regula Frei-Stolba, Inoffizielle Kaisertitulaturen im 1. und 2. Jahrhundert n. Chr., Mus. Helv., 26, 1969, p. 18-39, en particulier p. 27, a noté la fréquence des superlatifs utilisés pour caractériser Trajan dans les titulatures non officielles.
-
[80]
Dans le quatrième discours Sur la royauté, les trois mauvais démons dépeints – l’ambitieux, l’avaricieux, le jouisseur – concernent la foule aussi bien que les rois (voir la présentation, § 82-84) ; voir aussi Or., III, 85.
-
[81]
Or., XLIX, 3, trad. Marcel Cuvigny, Les discours bithyniens, op. cit. (n. 24). La suite de la citation exploite cet argument de la fonction politique des philosophes pour affirmer que les rois sensés ont besoin d’eux pour les conseiller.
-
[82]
Max Weber, Économie et société. Les catégories de la sociologie, I, Paris, PUF, 1995, p. 320-336.
-
[83]
Ces vertus récurrentes ne sont pas toujours mentionnées toutes les quatre ensemble, et elles sont parfois aussi associées à d’autres vertus secondaires ; il existe donc une certaine souplesse dans la manière dont le sophiste y fait référence, mais elles n’en constituent pas moins les pivots de sa représentation du bon roi. Voir Or., I, 6 ; II, 54, 70-71, 76 ; III, 5, 7, 32, 58, 60 ; IV, 21, 24 ; LXII, 3-4.
-
[84]
Sur la constitution de ce canon, voir Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 301, 305.
-
[85]
Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 313, 316 ; voir aussi Carlos F. Noreña, The Communication of the Emperor’s Virtues, JRS, 91, 2001, p. 146-168. On peut rapprocher ces vertus " monétaires " des personnifications divines qui entourent Royauté et Tyrannie dans le mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins " du premier discours Sur la Royauté : Justice, Paix, Ordre (Eunomia), Loi (appelé aussi Logos Orthos ou Symboulos) pour l’une, Démesure, Absence de loi, Guerre civile pour l’autre. Justice et Paix apparaissent sur le monnayage de Trajan (voir BMC, III, p. LXV et LXX). Associées avec Eunomia, elles renvoient cependant d’abord aux Heures de la mythologie hésiodique (Théogonie, v. 901-902), qui jouent un rôle essentiel dans la régulation des saisons. Logos Orthos renvoie à Zeus dans la philosophie sto ïcienne : ainsi ces quatre vertus ont-elles une dimension cosmique.
-
[86]
Or., I, 6 ; II, 26, 76 ; IV, 24.
-
[87]
Voir par exemple, pour ΧυνοBα : Or., II, 69 et 76. ΒEπιμελεBα : Or., I, 6 et 15 ; III, 39 ; LIII, 12. E≤εργεσBα : Or., I, 23 ; II, 26 ; IV, 65.
-
[88]
Paul Veyne, Le pain et le cirque. Sociologie historique d’un pluralisme politique, Paris, Le Seuil, 2001 (1976), p. 569-613.
-
[89]
Voir Isocrate, À Nicoclès, 15-16.
-
[90]
Voir par exemple Or., I, 21 ; III, 5 et 62-85 ; LXII, 3.
-
[91]
Esclavage du soleil : Or., III, 73-81. Image du berger du peuple : par exemple, Or., I, 15 ; II, 6. Comparaison d’Agamemnon avec un taureau : Or., II, 65-74. Image du père : par exemple, Or., I, 22 ; III, 5 ; LIII, 12.
-
[92]
Lien entre philanthropie et justice : Or., II, 77. L’image du roi guerrier, très redevable à la conception du roi hellénistique, est particulièrement visible dans la métaphore du taureau (Or., II, 67-72).
-
[93]
Or., I, 20 et 35. Voir Pline, Pan., 86, 4 : l’amour du souverain pour ses sujets légitime la monarchie et la rend populaire.
-
[94]
Louis François, Essai sur Dion Chrysostome : philosophe et moraliste cynique et sto ïcien, Paris, Librairie Delagrave, 1921, p. 80, 89-91, 198 ; Francis Dvornik, Early Christian and Byzantine Political Philosophy, op. cit. (n. 72), t. I, p. 255-258. Pour la même image, voir aussi Stobée, IV, 44, 66.
-
[95]
La métaphore du taureau est tirée de l’Iliade, II, 480-483, et celle du roi " berger des peuples ", ποιμΘν λα″ν, est très fréquente chez Homère ; sur ces deux images, voir Vladimir Valdenberg, La théorie monarchique, op. cit. (n. 10), p. 147 ; la comparaison avec le taureau était utilisée par les Sto ïciens selon Ernst Thomas, Quaestiones Dioneae, Leipzig, Seele, 1909, p. 59 ; elle paraît aussi avoir été exploitée par les anciens Pythagoriciens : leurs adversaires politiques leur reprochaient d’encourager les tyrannies en affirmant qu’il vaut mieux être un taureau un jour plutôt qu’un bœuf toute sa vie, et de louer l’expression homérique " berger des peuples " pour en conclure que les chefs sont d’une autre essence que la foule (Jamblique, Vie de Pythagore, 260, éd. Luc Brisson et Alain Philippe Segonds). Pour l’analyse du vocabulaire philosophique employé, voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 339, note 284. Pour l’usage de la métaphore du roi " berger ", protecteur de son peuple, voir Platon, Rép., I, 345 c-d ; Xénophon, Cyr., VIII, 2, 14.
-
[96]
Platon, Rép., VIII, 568 e ; Xénophon, Cyr., VIII, 1, 1 ; VIII, 1, 44 ; VIII, 2, 9 ; VIII, 8, 1 ; Agés., 7, 3 ; Gottlob Barner, Comparantur inter se Graeci de regentium hominum virtutibus auctores, Marbourg, Schirling, 1889, p. 8. Sur l’image de Cyrus comme père bienveillant pour la société, voir Vincent Azoulay, Xénophon et les grâces du pouvoir. De la charis au charisme, Paris, Publications de la Sorbonne (Histoire ancienne et médiévale), 2004, p. 357-370 (p. 363) : la correspondance entre royauté et paternité apparaît aussi chez Aristote, Éth. à Nic., VIII, 13, 1161 a 10-19 (qui fait référence à Homère), et Pol., III, 14, 15, 1285 b (au sujet de la notion de pambasileia, royauté conçue selon le modèle du pouvoir domestique et susceptible de s’exercer sur plusieurs poleis ou ethnè). Le modèle de l’autorité paternelle, qui s’exerce pour le bien de ceux qui y sont soumis, est utilisé pour réfléchir sur la fin de l’État, Pol., III, 6, 7, 1278 b.
-
[97]
Pline, Pan., 21, 1-4. Sur le refus comme style distinctif de la monarchie romaine, voir Andrew Wallace-Hadrill, Civilis princeps, op. cit. (n. 52), p. 41. Dion fait référence au titre officiel de pater patriae dans Or., I, 22.
-
[98]
Regula Frei-Stolba, Inoffizielle Kaisertitulaturen, op. cit. (n. 79), p. 36-37, a remarqué que les adjectifs indulgentissimus et liberalissimus, qui désignent l’ " État-providence " (pour reprendre son expression), sont souvent employés sous Trajan et Hadrien seulement. Voir aussi Hannah Cotton, The concept of indulgentia under Trajan, Chiron, 14, 1984, p. 245-266 ; plus généralement, sur l’indulgentia principis, voir Mireille Corbier, Le discours du Prince d’après une inscription de Banasa, Ktèma, 2, 1977, p. 211-232 ; Id., Indulgentia principis : l’image et le mot, dans Religio Deorum, Actas del Coloquio internacional de epigrafía : culto y sociedad en Occidente, Marc Mayer (éd.), Sabadell (Barcelone), Ausa, 1988, p. 95-123 (p. 102-105 à propos de Trajan) ; Id., Indulgentia principis : continuità e discontinuità del vocabolario del dono, dans Politica retorica e simbolismo del primato : Roma e Costantinopoli (secoli IV-VII), Atti del Convegno internazionale (Catania, 4-7 ottobre 2001), Febronia Elia (éd.), Catane, Spazio Libri, 2004, t. II, p. 259-277. Pour l’analyse des panneaux de l’arc de Bénévent et le débat à propos de la datation, voir Paul Veyne, Une hypothèse sur l’arc de Bénévent, MEFRA, 72, 1960, p. 191-219 ; Michel Molin, L’arc de Trajan à Bénévent : un monument de la première partie du règne, dans L’Afrique, la Gaule, la religion à l’époque romaine. Mélanges à la mémoire de Marcel Le Glay, Yann Le Bohec et Jean-Louis Voisin (éd.), Bruxelles, Latomus, 1994, p. 716-722. Dans l’arc de Bénévent notamment, l’aspect philanthrope et paternaliste de Trajan se manifeste de manière plus concrète. Le rôle de l’empereur pour dynamiser le commerce et nourrir ses sujets est souligné : ainsi sont exposés l’œuvre portuaire sur le panneau de l’étage moyen, à droite, façade côté ville, et les alimenta sur le panneau de l’étage moyen, à droite, façade côté campagne. Sur les thèmes de la sollicitude de l’empereur pour ses sujets et de son dévouement pour l’Empire sous le Principat, voir en particulier Wolfgang Kuhoff, " Felicior Augusto, melior Traiano " : Aspekte der Selbstdarstellung der römischen Kaiser während der Prinzipatszeit, Frankfort-sur-le-Main - Berlin, Peter Lang, 1993, p. 139-316, en particulier p. 214-236 sur l’arc de Bénévent.
-
[99]
Or., I, 6 et 15 ; III, 51-54. Pour l’importance de cette qualité royale dans la réflexion grecque du IVe siècle avant J.-C., voir Gottlob Barner, Comparantur, op. cit., p. 8 ; piété et dévouement pour les sujets sont aussi mis en avant dans l’ " image publique " de Trajan : voir Eugène Cizek, L’époque de Trajan. Circonstances politiques et problèmes idéologiques, Paris, Les Belles Lettres, 1983, p. 215-220.
-
[100]
Voir Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 301 : chez Platon, Prot., 349 B, l’3ρετΠ était subdivisée en cinq parts constituées par les quatre vertus cardinales et l’τσιπτης ou ε≤σ≅εια ; voir également Xénophon, Agés., III, IV, V, VI, 1-3, VI, 4-8. C’est à partir de l’Eutyphron que Platon limite le nombre des subdivisions à quatre, ce qui donnera lieu au canon philosophique.
-
[101]
Or., I, 6 et 15-16 ; III, 51-57.
-
[102]
Or., III, 51.
-
[103]
Or., I, 37-41 ; II, 75.
-
[104]
Or., III, 52. Sur cette notion (d’obédience sto ïcienne ici) et sur son exploitation par le pouvoir impérial, par Dion et par Pline, voir Jean-Pierre Martin, Providentia deorum. Recherches sur certains aspects religieux du pouvoir impérial romain, Rome, École française de Rome, 1982, p. 233-248.
-
[105]
Or., I, 30-32, et surtout Or., III, 87, 89, 94. Sur le rôle et le titre semi-officiel d’amicus, voir notamment Fergus Millar, The Emperor, op. cit. (n. 24), p. 110-122 ; John Crook, Consilium principis. Imperial Councils and Counsellors from Augustus to Diocletian, New York, Cambridge University Press, 1955.
-
[106]
Or., III, 96-115 ; l’idée que le roi tente de nouer une relation d’amitié avec les dieux apparaît à la fin du développement, § 115. Dans Or., IV, 42 (au sujet des liens d’affection entre dieux et rois), la philia est définie comme une communauté de volonté et d’esprit, une sorte de concorde, τμπνοια ; les Sto ïciens considèrent le cosmos comme une cité universelle pour la communauté des dieux et des hommes, régie par le logos ou raison universelle.
-
[107]
Le bon roi ne dissocie pas son intérêt de celui de ses sujets : Or., III, 39. Une ambivalence similaire se retrouve chez Pline, Pan., 2, 4.
-
[108]
Voir Andrew Wallace-Hadrill, Civilis princeps, op. cit. (n. 52).
-
[109]
εμνπν, Or., I, 71 ; II, 49. Dans le mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins ", la vision de Royauté, digne et " brillante ", est influencée, selon Louis Delatte, Les traités de la royauté, op. cit. (n. 2), p. 196-197, par la notion perse de Hvarena : la gloire royale est créée par Ahura Mazda, comme une sorte de halo lumineux qui entoure le roi et fonde sa légitimité. Comme nous l’avons déjà montré, le deuxième Sur la royauté paraît s’inscrire dans une tradition exégétique d’Homère bien définie.
-
[110]
Or., II, 49 ; cf. Isocrate, À Nicoclès, 19, 32. Dans une perspective proche, le bon roi ne doit pas trop rechercher la gloire : Or., I, 27 ; voir surtout Or., IV, 4, 84-132.
-
[111]
Or., II, 66, 73.
-
[112]
Or., I, 61 ; II, 26. Cf. Isocrate, À Nicoclès, 34. Sur la simplicité et l’intégrité de Trajan, voir Pline, Pan., 49, 5 ; 82, 9 ; son caractère civilis est souligné : Pan., 2, 3 ; 16, 1 ; 63, 2. Sur ses rapports affables avec le peuple et dignes avec le Sénat, voir aussi Dion Cassius, LXVIII, 7, 3.
-
[113]
BMC, III, p. LXX.
-
[114]
Pour une étude du jugement de Dion par rapport à la guerre, voir Harry Sidebottom, Philosophers’ attitudes to warfare under the Principate, dans War and Society in the Roman World, John Rich, Graham Shipley (eds), New York, Routledge, 1993, p. 241-264, en particulier p. 245-256 ; Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 295-299.
-
[115]
Sur la condamnation sto ïcienne de la guerre, voir Marc Pena, Le sto ïcisme et l’Empire romain. Historicité et permanences, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1990, p. 188. Sur l’idéal de la concorde chez Dion de Pruse ou chez ses contemporains, voir Dietmar Kienast, Die Homonoiaverträge in der römischen Kaiserzeit, JNG, 14, 1964, p. 51-64 ; Antonio Pedro Bravo Garcia, Notas sobre el tema de la concordia en Dion de Prusa, Habis, 4, 1973, p. 81-92 ; O. Andrei, Il tema della concordia in Dione di Prusa (Or., XXXVIII ; XXXIX ; XL ; XLI) ; ceti dominanti ed ideologia nel II sec. DC, Studi e ricerche, I, Florence, 1981, p. 89-120 ; A. R. R. Sheppard, Homonoia in the Greek cities of the Roman Empire, Anc. Soc., 15-17, 1984-1986, p. 229-252.
-
[116]
Or., I, 27, 84 ; Or., II, 54, 69, 71.
-
[117]
Or., I, 27. On peut comparer ce message avec celui d’émissions monétaires un peu postérieures, datant d’après la victoire contre les Daces ; voir BMC, III, p. LXXV, pour une monnaie avec un aigle sur le sceptre (symbole de Jupiter Conservator selon Harold Mattingly, cf. BMC, II, p. 309, no 51), ou pour une monnaie avec la couronne civique dédiée à l’Optimus Princeps, sauveur de la patrie, qui a préservé les vies de son peuple.
-
[118]
Or., IV, 43-44 ; cette opposition, qui s’inscrit dans l’antithèse générale entre le bon roi et le tyran, apparaît aussi chez Suétone, Tib., 32.
-
[119]
Pour une étude détaillée de ce mythe, voir John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 318-331.
-
[120]
Or., I, 12 ; Il., II, 206. Sur le sens des thémistes, voir Pierre Carlier, La royauté, op. cit. (n. 56), p. 192-193 : ce sont les décisions politiques ou judiciaires et les règles de vie en société. Sur la présence de l’idée d’élection divine dans l’Iliade, voir J. Rufus Fears, Princeps a diis electus, op. cit. (n. 17), 1977, p. 29-34.
-
[121]
Suétone, Auguste, 94 ; sur le développement de la " théologie jovienne du pouvoir ", voir J. Rufus Fears, Princeps a diis electus, op. cit. (n. 17), p. 189-252.
-
[122]
Or., I, 45-46, et 84 (Héraclès protecteur des rois et destructeur des tyrans) ; II, 75-78. L’idée que les dieux élèvent les rois vertueux, mais sont courroucés contre les autres, apparaît aussi chez Plutarque, À un chef mal éduqué, 781 A.
-
[123]
Pan., 67, 4-7 : Trajan lie ainsi sa sauvegarde à celle des hommes soumis à son pouvoir ; la bienveillance des dieux à son égard dépend de sa propre bienveillance à l’égard de ses sujets.
-
[124]
Or., IV, 31 : cette paideia est aussi appelée courage (andreia) ou grandeur d’âme (megalophrosunè). Sur la théorie de la double éducation qui est développée dans ce passage, voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 344. Voir aussi Or., I, 64-65, à propos des bonnes impulsions que Zeus a insufflées à son fils Héraclès ; Or., II, 78 : on pense qu’Héraclès est fils de Zeus à cause de sa vertu.
-
[125]
Or., IV, 21 ; il est aussi question d’une connaissance royale, épistémè (§ 26), sans qu’on sache davantage si connaissance, art et éducation désignent ici la même chose.
-
[126]
Or., LIII, 11.
-
[127]
Or., I, 37-38 ; voir les correspondances avec le Pseudo-Aristote, Sur le cosmos, 7. Voir aussi Or., LIII, 12, sur le dévouement paternel de Zeus.
-
[128]
Or., I, 75. Voir aussi Or., I, 37-38 ; IV, 39-43. Cette relation d’imitation divine est aussi présente dans la comparaison du roi avec le taureau du deuxième discours Sur la royauté. C’est Apollon qui est donné à imiter dans le troisième discours, juste après la métaphore de l’esclavage du soleil (§ 82).
-
[129]
Pour l’analyse des liens métaphoriques entre Zeus et le roi, voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 337-338.
-
[130]
Platon, Alcibiade, 133 a-c ; Eusèbe, Praep. Ev., XI, 27, 5 ; Stobée, III, 21, 24. Pour la présence de cette notion dans le sto ïcisme moyen, voir Cicéron, De la nature des dieux, II, 14, 37 = SVF, II, 1153 von Arnim.
-
[131]
Sur les traces d’une influence sto ïcienne dans ces traités, voir Francis Dvornik, Early Christian and Byzantine Political Philosophy, op. cit. (n. 72), t. I, p. 253, 258, 261 et 263.
-
[132]
Musonius Rufus, Les rois, eux aussi, doivent philosopher (Or., VIII ; voir Musonius Rufus, Entretiens et fragments : introduction, traduction et commentaire, Armand Jagu (éd.), Hildesheim-New York, Olms, 1979, p. 45) ; Plutarque, À un chef mal éduqué, 780 C. Voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 341-342.
-
[133]
Il n’utilise pas non plus la notion de " loi animée " comme le font Musonius Rufus et Plutarque, après les auteurs des traités hellénistiques.
-
[134]
Sur la conception de Trajan comme vice-régent des dieux, voir Francis Dvornik, Early Christian and Byzantine Political Philosophy, op. cit. (n. 72), t. II, p. 503-504 ; J. Rufus Fears, Princeps a diis electus, op. cit. (n. 17), p. 145-153, 225-237.
-
[135]
Voir aussi Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 300 et 308.
-
[136]
Sur cette aura chez Pline, voir Eugène Cizek, L’époque de Trajan, op. cit. (n. 99), p. 20, 210-215, 231-232 ; Martin Fell, " Optimus Princeps ? " Anspruch und Wirklichkeit der imperialen Programmatik Kaiser Trajans, Munich, Tuduv, 1992, p. 22-27, et p. 106 sur l’opposition entre la " zone diffuse " dans laquelle Pline situe l’empereur et la hiérarchie clairement établie chez Dion entre les hommes, le roi, les dieux ; sur les relations entre Trajan et les dieux dans le Panégyrique, Daniel N. Schowalter, The Emperor and the Gods, Minneapolis, Fortress Press, 1993, p. 67-80.
-
[137]
Sénèque, De la clém., I, 2 ; I, 3, 5-I, 4, 1.
-
[138]
Plutarque se montre aussi hostile à l’idée de la divinisation du roi ; Francis Dvornik, Early Christian and Byzantine Political Philosophy, op. cit. (n. 72), t. I, p. 273-276, et t. II, p. 542-545.
-
[139]
Or., I, 61 et 63. Selon M. I. Rostovtseff, Histoire économique et sociale de l’Empire romain, trad. O. Demange, Paris, 1988, p. 102, le mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins " propose à l’empereur des " normes éternelles ". Cette interprétation est acceptée par Arnoldo Momigliano, Dio Chrysostomus, op. cit. (n. 40), p. 263, par Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 304 et 309, par John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 312-316, 331-333 et 336-337. Contra Christopher P. Jones, The Roman World, op. cit. (n. 40), p. 115.
-
[140]
BMC, III, p. 38, no 53, pl. 10.3 ; Julian Bennett, Trajan Optimus Princeps. A Life and Times, Londres-New York, Routledge, 1997, p. 71-72.
-
[141]
Sur les convergences entre le sto ïcisme et l’idéologie impériale, voir Marc Pena, Le sto ïcisme, op. cit. (n. 115), p. 181, 211, 215 et 219-223. Voir aussi un autre type monétaire représentant Trajan qui porte avec l’aide d’un sénateur le globe céleste, entouré de la bande oblique du cercle zodiacal. La légende est PROVIDENTIA SENATUS (cette monnaie souligne surtout la concorde entre l’empereur et le Sénat) : BMC, III, p. 38, no 55*, pl. 10 . 4.
-
[142]
Martin Galinier, L’image publique, op. cit. (n. 28), p. 125, interprète cette disposition comme un " écho suggestif à la définition du bon souverain selon Dion Chrysostome " ; p. 126, il renvoie à la découverte sur le forum de Trajan d’un relief aujourd’hui perdu qui associait les têtes de Trajan, Mercure et Hercule.
-
[143]
Klaus Fittschen, Das Bildprogramm des Trajansbogens zu Benevent, Archäologischer Anzeiger, 87, 4, 1972, p. 742-788, en particulier p. 778, interprète Mercure et Hercule comme des divinités protectrices des marchands ; il semble plus probable qu’Hercule soit le héros à la fois de la vertu et de la victoire militaire, qui apparaît sur les monnaies vers 100, puisque l’arc de Bénévent célèbre essentiellement la victoire dacique de Trajan.
-
[144]
BMC, III, p. XCII.
-
[145]
Gunnar Seelentag, Taten und Tugenden, op. cit. (n. 24), p. 448-454.
-
[146]
Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 316.
-
[147]
Voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 268-269.
-
[148]
Or., IV, 70.
-
[149]
Or., LX, 7 : la peau de lion d’Héraclès est le symbole de son endurance et de sa maîtrise de soi.
-
[150]
Or., IV, 70, traduction personnelle.
-
[151]
Sur l’imitation d’Héraclès par Alexandre, qui semble avoir eu un caractère historique, voir Waldemar Heckel, John C. Yardley, Alexander the Great : Historical Texts in Translation, Malden (Mass.) - Oxford, Carlton-Blackwell, 2004, p. 208.
-
[152]
Maria Jaczynowska, Le culte de l’Hercule, op. cit. (n. 28), p. 633-634. À partir du IIe siècle avant J.-C., l’Hercule romain est devenu le dieu de la victoire (voir ibid.).
-
[153]
Suétone, César, 7.
-
[154]
Maria Jaczynowska, Le culte de l’Hercule, op. cit. (n. 28), p. 633 : Q. Fabius Maximus Aemilianus, fils de Paul-Émile et consul en 145, avait sacrifié une victime à l’Hercule de Gadès au début de la guerre contre les Lusitaniens ; p. 636-637 sur la pluralité des traditions romaines auxquelles a puisé Trajan (mais, selon l’auteur, l’Hercule du type monétaire apparu vers 100 est le dieu de Gadès).
-
[155]
Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 260-273.
-
[156]
Sur les rapports de Trajan avec les Flaviens, voir la mise au point d’Harry Sidebottom, Dio of Prusa, op. cit. (n. 5), qui remet en cause l’opinion habituelle selon laquelle Dion aurait été un amicus de Vespasien et de Titus. Contra John L. Moles, Dio und Trajan, dans Philosophie und Lebenswelt in der Antike, Karen Piepenbrink (éd.), Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2003, p. 187-207. Rappelons que Dion, qui semble avoir été proche de Nerva, n’a pu rejoindre celui-ci à Rome durant son règne (selon son propre témoignage).
-
[157]
Voir Fergus Millar, The Emperor, op. cit. (n. 24), p. 114 ; John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 332 ; Id., Dio und Trajan, op. cit. ; Paul Veyne, L’Empire gréco-romain, Paris, Le Seuil, 2005, p. 241 ; Antonino M. Milazzo, Dimensione retorica e realtà politica, op. cit. (n. 44), p. 80-81 ; contra Christopher P. Jones, The Roman World, op. cit. (n. 40), p. 115-119 ; Sylvia Fein, Die Beziehungen der Kaiser Trajan und Hadrian zu den Litterati, Stuttgart, Teubner, 1994, p. 233-236 ; Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 347. Harry Sidebottom, Dio of Prusa, op. cit. (n. 5), p. 454, n. 62, exprime également des réserves.
-
[158]
Or., XLV, 3 ; XLVII, 22.
-
[159]
Or., XLV, 3 : Dion n’a pas profité de la bienveillance que lui montrait l’empereur (à l’occasion de l’ambassade envoyée par Pruse au début du règne de Trajan ?) pour demander une faveur personnelle – richesse, charge ou pouvoir – mais il a usé de son crédit seulement pour le bien de sa cité.
-
[160]
Pline, Lettres, X, 81, 82.
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[161]
Philostrate, Vie d’Ap., V, 27-38 : Dion joue alors le rôle du défenseur de l’aristocratie, ce qui renverrait plutôt à la conception politique exprimée dans l’Agamemnon (Or., LVI), qui prône un régime mixte, une royauté tempérée par l’aristocratie. Le sophiste affirme que la royauté est la meilleure forme de gouvernement dans Or., III, 45 ; l’aristocratie vient en seconde position (§ 45-46).
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[162]
Philostrate, Vies de sophistes, 489, traduction personnelle.
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[163]
Voir, par exemple, Sylvia Fein, Die Beziehungen, op. cit., p. 233 ; Antonio M. Milazzo, Dimensione retorica e realtà politica, op. cit. (n. 44), p. 56. Pour l’analyse du caractère symbolique de cette anecdote, voir Tim Whitmarsh, Reading power in Roman Greece : The paideia of Dio Chrysostom, dans Pedagogy and Power : Rhetorics of Classical Learning, Y. L. Too, N. Livingstone (eds), Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 192-213, en particulier p. 208-209. L’auteur explique cette anecdote par l’incompréhension de Trajan pour la paideia grecque ou pour son indifférence aux propos du sophiste, dans la mesure où la présence de Dion à ses côtés souligne son caractère libéral.
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[164]
Thémistios, V, 63 d.
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[165]
Photios, Bibl. cod. 209, et la Souda, s.v. Dion, rapportent que Dion a passé beaucoup de temps dans la société de Trajan (ce qui semble être une glose du terme sunètheia employé par Dion, Or., XLV, 3, et XLVII, 22) et qu’il a obtenu le très grand honneur de s’asseoir à ses côtés dans le char impérial. Aréthas de Césarée, qui fut l’élève de Photios, semble tributaire de la Vie d’Apollonios de Tyane : il présente le sophiste comme un amicus de Vespasien auquel il croit qu’étaient destinés les discours Sur la royauté.
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[166]
Eutrope, Abrégé de l’Histoire romaine, VIII, 2. Voir Martin Galinier, L’image publique, op. cit. (n. 28), p. 115-117.
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[167]
Dans le deuxième discours Sur la royauté, il est aussi brièvement question du philosophe Aristote, précepteur d’Alexandre le Grand. Pour l’analyse de la figure du philosophe, voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 342-348.
1Le corpus attribué à Dion de Pruse contient plusieurs discours concernant la définition du bon roi, qui présentent l’intérêt d’être des documents relativement complets (bien plus que les traités lacunaires sur la royauté datant de l’époque hellénistique), et viennent ainsi compléter la tradition de pensée politique grecque sur ce sujet [2].
2Leur auteur est l’un des premiers et des plus fameux représentants de la Seconde Sophistique, mouvement intellectuel et littéraire que l’on a qualifié de " renaissance grecque " aux IIe et IIIe siècles de notre ère. Dio Cocceianus, ultérieurement surnommé Chrysostome, est né à Pruse de l’Olympe en Bithynie (actuelle Bursa au nord-ouest de la Turquie) entre 40 et 50 après J.-C., et l’on perd sa trace après 110 [3]. Il est issu d’une famille de notables qui comptait parmi les plus riches et les plus influentes de Pruse [4]. Il a reçu une excellente formation rhétorique et philosophique et a peut-être étudié à Rome, entre 62-65 ou après 68 : il fut l’élève du " Socrate romain " Musonius Rufus, un sto ïcien influencé par le cynisme, qui fut aussi le maître d’Épictète. Le réseau de relations de Musonius Rufus lui permettait de fréquenter la cour, et plusieurs discours datés du règne de Vespasien suggèrent une certaine proximité avec celui-ci et avec Titus [5]. Dion a peut-être obtenu la citoyenneté romaine grâce au truchement du futur empereur Cocceius Nerva ( " ami de longue date " ) [6]. Sur ordre de l’empereur Domitien, il subit une relégation hors d’Italie et de Bithynie, qui aurait débuté en 82-83 quand son protecteur, habituellement identifié à T. Flavius Sabinus, petit-fils du frère aîné de Vespasien, consul ordinaire en 82, fut exécuté sur ordre de son cousin Domitien [7]. À la mort de celui-ci, en 96, Dion fut rappelé par Nerva. On considère souvent qu’il a ensuite soutenu et servi Trajan, notamment en diffusant l’idéologie de son règne. Dans la dernière partie de sa vie, le sophiste est essentiellement resté dans sa cité, où il a exercé des activités d’homme d’affaires, d’évergète et de magistrat. Cet ancrage est entrecoupé par des voyages fréquents qui paraissent avoir surtout eu des objectifs politiques (ambassades, conseils et interventions dans les affaires de cités grecques). Nos principales informations sont fournies par les discours de Dion – et sont donc redevables de l’image qu’il souhaitait donner à ses auditeurs –, par sa biographie rédigée par Philostrate à la fin du IIe siècle ou dans la première moitié du IIIe siècle, ainsi que par quelques autres témoignages littéraires, essentiellement grecs [8].
3Dion a donc connu différents types de principats sous les Julio-Claudiens et sous les deux premiers Antonins. La crise de 68-69 et la rupture dynastique après l’assassinat de Domitien créent un contexte favorable au développement de la réflexion politique sur le bon modèle de gouvernement. On peut comparer les discours du sophiste au " miroir au prince " composé par son contemporain Pline le Jeune, qui a développé dans son Panégyrique l’actio gratiarum qu’il avait prononcée en revêtant la charge de consul suffect le 1er septembre 100. La version définitive, fixée entre 101-102 et 103-104, entend encourager l’empereur Trajan dans ses vertus et le fixer comme modèle à imiter par ses successeurs [9]. Généralement compris comme l’expression d’une idéologie sénatoriale, le Panégyrique ne donne pas lieu aux débats qui concernent les discours de Dion sur le bon roi [10]. Ceux-ci soulèvent en effet un certain nombre de questions, liées les unes aux autres, sur lesquelles nous souhaitons revenir dans l’objectif d’examiner comment on peut utiliser historiquement ces documents : dans quelle mesure permettent-ils de reconstruire une idéologie impériale, ou de comprendre la réception de l’image de l’empereur par un représentant de l’élite intellectuelle et sociale de la moitié orientale de l’Empire ? Dans quelle mesure Dion a-t-il adapté la réflexion politique grecque sur la royauté au modèle du principat ?
4À cause de la nature des sources relatives au sophiste, il est souvent malaisé de déterminer les dates et les destinataires précis des discours sur le bon roi et de savoir s’ils ont été prononcés ou non devant l’empereur. Or différents contextes peuvent entraîner différentes formulations et des variations plus ou moins importantes dans la théorisation de la monarchie [11]. Analyser les images du bon roi et réfléchir sur les objectifs poursuivis par le sophiste permet de revenir sur le rôle politique que celui-ci a joué, ou bien a voulu jouer : a-t-il été un conseiller, un amicus de l’empereur (notamment de Trajan, comme l’ont suggéré certains), peut-on le voir comme le représentant d’une élite grecque qui souhaitait participer au gouvernement de l’Empire ?
CIRCONSTANCES DE RÉDACTION OU DE PRONONCIATION DES DISCOURS
5Les discours de Dion qui concernent la figure du roi sont au nombre de six : les quatre discours Sur la royauté, qui ouvrent le corpus attribué au sophiste et qui sont les plus connus et les plus intéressants ; le discours LVI, Agamemnon ou sur la royauté ; le court (fragmentaire ?) discours LXII, Sur la royauté et la tyrannie. D’autre part, le Mythe libyen (Or., V) constitue un doublon possible pour la fin du quatrième discours Sur la royauté, à partir du § 73. Le Nestor (Or., LVII) est une prolalie qui introduisait un discours auparavant prononcé devant l’empereur (§ 11). Il s’agit certainement de Trajan, puisque Dion, d’après ses propres dires, fut empêché par une maladie de rejoindre l’empereur Nerva à Rome avant la mort de celui-ci, en janvier 98 [12] ; le discours qui suivait portait peut-être également sur la royauté [13]. Le Mythe libyen et le Nestor indiquent ainsi que les discours sur le bon roi pouvaient être répétés avec des variantes devant des publics différents, afin de diffuser la réflexion politique du sophiste [14]. Il ne s’agit donc pas seulement de discours de circonstance, même si celles-ci sont importantes pour comprendre les nuances du message politique.
6Le premier et le troisième discours Sur la royauté, ainsi que le discours Sur la royauté et la tyrannie, sont des basilikoi logoi adressés directement à un empereur. Les deuxième et quatrième discours Sur la royauté ne contiennent pas d’adresse directe et se présentent sous la forme d’un dialogue fictif entre Alexandre le Grand et son père Philippe pour l’un, Diogène pour l’autre. L’Agamemnon ou sur la royauté est une diatribe, un dialogue fictif entre Dion qui tient le rôle du professeur et un interlocuteur anonyme en position de disciple : il n’a certainement pas été prononcé devant un empereur, d’autant plus qu’il développe un modèle de royauté à partir d’une figure de roi imparfait. En revanche, l’intervention d’Alexandre le Grand dans les premier, deuxième et quatrième discours Sur la royauté incite à penser que ceux-ci concernaient Trajan qui éprouvait beaucoup d’admiration pour le conquérant [15].
7Ces discours permettent de distinguer dans la pensée politique de Dion et dans son jugement sur l’empereur, qui ont évolué en fonction des circonstances politiques, des étapes sensiblement différentes [16]. La première étape pourrait être constituée, selon nous, par l’Agamemnon. En effet, ce discours expose, à partir de l’exemple du héros homérique, une théorie monarchique fondée sur la figure du roi imparfait, soumis à tutelle et à reddition de comptes. Cette théorie est à l’opposé de celle de l’Optimus Princeps, a diis electus, selon laquelle le prince, étant le meilleur, a été élu par les dieux [17]. Celle-ci, qui est développée dans le premier discours Sur la royauté, correspond aux événements qui ont marqué le début du règne de Trajan : ce dernier avait, en effet, été adopté par l’empereur Nerva en octobre 97, dans le temple capitolin, devant le pulvinar de Jupiter Optimus Maximus [18] ; la même année, le Sénat lui aurait offert le cognomen d’Optimus, qui n’apparaît pas avant 114 dans les titulatures officielles ; ce surnom est en tout cas connu de Pline dans son Panégyrique [19]. Le modèle du roi imparfait qui devrait être assujetti à des instances de contrôle paraît mieux adapté à la dynastie héréditaire des Flaviens. En effet, le principe qui caractérise en théorie la succession des Antonins est celui de l’adoption [20]. Ce principe, quand il est mis en place pour Trajan, est légitimé par l’ " excellence " du prince choisi, quand bien même les liens de parenté et les affinités ont joué. D’autre part, Domitien comme Agamemnon sont susceptibles de renvoyer chez Dion à la figure du tyran [21]. La théorie monarchique de l’Agamemnon pourrait donc avoir été élaborée sous le règne de Domitien, quand le sophiste fut personnellement confronté au problème du " mauvais roi " [22].
8Le premier discours Sur la royauté date très probablement du début du règne de Trajan. La première partie du discours est consacrée à la description du roi idéal et de ses qualités, la seconde contient le mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins " qui est une réécriture de l’apologue attribué au sophiste Prodicos [23]. Ce récit mythique met en images la théorie de l’Optimus Princeps, a diis electus : Zeus envoie Hermès pour mettre à l’épreuve son fils Héraclès qui désire gouverner ; le héros est conduit devant deux pics, le pic royal et le pic tyrannique, le premier abritant la vision de Royauté et de ses vertus, le second celle de Tyrannie et de ses vices ; Héraclès se détermine naturellement pour Royauté, aussi Zeus lui accorde-t-il de régner sur toute la race humaine. L’exorde du discours trace un parallélisme entre le musicien Timothéos et Alexandre le Grand, d’une part, Dion et l’empereur, d’autre part (§ 1-8). Comme il est précisé qu’il s’agit de la première rencontre entre Timothéos et le conquérant (§ 1), il est possible que ce discours soit le premier à avoir été prononcé devant Trajan par le sophiste. Celui-ci offrait ainsi à l’empereur un mythe fondateur légitimant sa prise de pouvoir. Si la rencontre a eu lieu à Rome, elle n’a pu se produire avant la fin 99, date du retour de Trajan dans la capitale. Dion a peut-être participé à l’ambassade envoyée par Pruse pour féliciter le nouvel empereur [24] ; il semble que ce soit à cette occasion qu’il a utilisé son crédit personnel pour que sa patrie obtienne l’augmentation de cent nouveaux conseillers [25]. C’est peut-être aussi dans ces circonstances qu’il a prononcé devant Trajan le premier discours Sur la royauté. Les nombreux points communs entre celui-ci et le Panégyrique de Pline, souvent relevés, suggèrent que ces discours ont été composés à une date proche, vers 100 [26]. Ils reflètent probablement les principaux aspects idéologiques de ce début de règne, en même temps qu’ils contribuent, chacun de son côté, à les mettre en forme et à leur donner une cohérence. Deux autres éléments plaident en faveur d’une datation vers 100 : l’apparition à Rome et dans les provinces de l’Est d’un monnayage au type d’Hercule (pour la première fois depuis Auguste) [27]. Le héros est nu, sauf sa peau de lion, et il porte à la main sa massue : il s’agirait du héros cynico-sto ïcien de la vertu, également décrit par Dion dans son discours, plutôt que de l’Hercule de Gadès [28]. C’est également, semble-t-il, l’Hercule Victor, dont le culte était resté vivace à Tibur, non loin de Rome : H. Mattingly a souligné le lien entre ce nouveau type monétaire, les guerres daciques et le thème de la victoire [29]. L’Hercule des monnaies est donc celui qui purge le monde de ses maux et combat victorieusement contre les tyrans ; c’est ainsi qu’il est décrit à la fin du premier discours Sur la royauté, qui reflète sans doute aussi le climat précédant le départ pour la première guerre dacique [30].
9Le deuxième discours Sur la royauté est, selon nous, postérieur. Ce dialogue entre le jeune Alexandre le Grand et son père Philippe, situé à Dion en Piérie après la bataille de Chéronée, porte sur l’utilité des poèmes homériques dans l’éducation royale. Il s’inscrit dans une ancienne tradition exégétique d’Homère, qui fait du poète l’éducateur des rois ; celle-ci est attestée à partir de Xénophon et elle semble avoir été adaptée au monde romain à la fin de la République, par le philosophe Philodème de Gadara, auteur d’un traité Sur le bon roi selon Homère, qui était destiné à Pison, le consul de 58 avant J.-C. [31]. Le sujet fait naturellement référence à la vénération qu’Alexandre aurait éprouvée pour l’Iliade, le poème de son modèle Achille [32]. Le discours est ambigu. D’une part, il reprend les lieux communs de cette tradition exégétique, malheureusement trop lacunaire pour nous permettre d’interpréter les écarts, ou bien des lieux communs que l’on trouve dans les traités de philosophie politique grecque d’époque hellénistique, comme la comparaison homérique entre le roi et un taureau [33]. D’autre part, il contient des critiques implicites à l’égard d’Achille et de l’admiration qu’éprouve Alexandre pour ce modèle épique et belliqueux [34]. La description des qualités royales, tout en reposant sur des lieux communs, paraît également adaptée à Trajan sur deux points notamment : l’insistance sur la simplicité du train de vie et sur les capacités militaires, comme dans le premier discours Sur la royauté [35]. Il est très possible que ce deuxième discours ait également été prononcé devant cet empereur. Dion avait peut-être été prié d’imiter un genre que Philodème de Gadara avait fait apprécier à Rome, car la reprise de cette exégèse renforçait l’ancrage républicain de l’ " image publique " de Trajan [36]. L’insistance sur la valeur militaire du roi a incité certains commentateurs à replacer ce discours dans le contexte des guerres daciques (en particulier de la seconde guerre dacique), ce qui est vraisemblable, même si l’on pourrait objecter que cette vertu est un lieu commun, également très développé dans le traité de Philodème, puisque le roi est essentiellement, à l’époque hellénistique, un chef militaire [37]. Les critiques portées contre le caractère belliqueux d’Achille, et donc contre le goût manifesté par Alexandre pour les exploits militaires, paraissent viser indirectement l’aspect belliqueux du règne de Trajan, qui s’était certainement renforcé entre le premier et le deuxième discours Sur la royauté. H. Mattingly a souligné la rupture qui apparaît dès 100-101 entre les monnaies émises sous Trajan et celles qui datent du règne de Nerva, et l’écart avec les assurances du Panégyrique de Pline à l’égard de la concorde et de la liberté, en évoquant notamment les types monétaires des guerres daciques célébrant la victoire et le triomphe de Rome [38]. Ce caractère belliqueux a entraîné le désaveu du sophiste, comme le montre aussi la critique contre la seconde guerre dacique qui est exprimée dans le Discours olympique [39].
10Ce désaveu est beaucoup plus marqué encore dans le quatrième discours Sur la royauté, qui doit être un peu plus tardif. Ce dialogue fictif entre le philosophe cynique Diogène et Alexandre le Grand, situé à Corinthe vers la fin 336, condamne le " désir de gloire " (φιλοτιμBα) du jeune roi, sur le point de se lancer dans la conquête de l’Empire perse. Il a peut-être été composé alors que Trajan s’apprêtait à partir pour une expédition militaire, vers 113 si l’on songe aux guerres parthiques [40]. En revanche, l’importance des attaques à l’encontre d’Alexandre le Grand rend peu probable, selon nous, le fait que ce discours ait été prononcé devant l’empereur, quelle que fût la tolérance de celui-ci envers les lettrés et même si beaucoup de ces critiques sont masquées [41].
11Le très lacunaire Sur la royauté et la tyrannie (Or. LXII) est centré autour d’une thématique qui se rapproche de la leçon du quatrième discours Sur la royauté, et surtout de celle du mythe libyen (Or. V) qui en double la fin : le bon roi doit d’abord savoir se gouverner lui-même. Aucun autre indice ne permet de le dater précisément. La différence de ton est en revanche sensible : ce discours est respectueux comme l’est le premier discours Sur la royauté. L’adresse à l’empereur, qui est très certainement Trajan, affirme que celui-ci appartient au type du bon dirigeant (l’3γαθθς 5ρχων, § 3), qui est décrit par opposition au tyran.
12Il est plus difficile d’identifier le destinataire du troisième discours Sur la royauté : puisque Dion fait référence à sa " résistance " sous Domitien, il peut s’agir de Nerva ou bien de Trajan auquel pensent la plupart des savants [42]. Contrairement aux autres discours Sur la royauté, le troisième ne fait pas référence au groupe constitué par Alexandre, Héraclès ou Achille, qui caractérise Trajan. La plupart des thèmes développés sont des lieux communs qui ne paraissent pas correspondre à un empereur mieux qu’à un autre. Ainsi en est-il de celui de la chasse, sur lequel s’achève abruptement ce discours et qui pourrait être adapté aussi bien à Nerva qu’à Trajan [43]. Le thème de l’amitié, en revanche, occupe une place inhabituellement importante [44]. Il pourrait renvoyer à Trajan, dont les historiens anciens ont souligné la sociabilité et le sens de l’amitié [45] ; celle-ci apparaît aussi comme une vertu royale dans le premier discours Sur la royauté, dans lequel son utilité politique est soulignée, avec moins d’insistance que dans le troisième discours [46]. On peut se demander cependant si ce long développement n’était pas destiné à Nerva, dont le pouvoir était fragilisé par la mésentente avec l’armée : d’où les émissions monétaires au type de la Concordia Exercituum [47]. Bien qu’elles soient générales, certaines remarques contenues dans le développement sur l’amitié du troisième discours Sur la royauté sont appropriées au contexte du règne de Nerva, juste après l’assassinat de Domitien : l’idée que seuls les amis peuvent protéger le roi d’une trahison (§ 88), que la puissance militaire n’est pas utile si elle n’est pas tenue par des amis (§ 94), l’insistance sur le danger d’être proche de personnes mal intentionnées (§ 101) ou d’ennemis (§ 113-114), l’idée que le tyran n’a pas d’ami et qu’il est un objet de haine et de complot (§ 116-117). La caractérisation du destinataire, au début du discours, s’applique mieux à Nerva. Dion affirme en effet qu’il a côtoyé l’empereur et le connaît très bien (§ 2) ; dans le discours XLV, il le qualifie d’ " ami de longue date " (πϖλαι φιλου, § 2), dont il était très aimé – c’est peut-être grâce à lui qu’il aurait reçu le droit de cité romaine [48]. De plus, il le décrit comme quelqu’un qui a l’habitude de fréquenter les auteurs anciens et de comprendre des propos sages et pointus (§ 3), ce qui correspond mal à Trajan si l’on considère l’éducation simple de l’Héraclès du premier discours Sur la royauté (§ 60), ainsi que les témoignages d’autres auteurs anciens [49]. Peut-être ce troisième discours Sur la royauté était-il destiné à Nerva et antérieur aux autres, composé entre la fin de l’exil en 96 et la mort de l’empereur, au début de l’année 98. Si une maladie a empêché Dion de le revoir, le discours n’a jamais été prononcé devant lui, mais il a pu être conservé parce qu’il exprimait une théorie monarchique qui n’était pas limitée à la personnalité de Nerva.
13La difficulté d’utiliser ces documents et de dégager la réflexion politique du sophiste, ainsi que sa position à l’égard du pouvoir romain, réside en effet dans ce que cette réflexion a évolué tout en reposant sur des grands principes que l’on retrouve dans d’autres sources, notamment dans la tradition de philosophie politique grecque antérieure. L’évolution de cette pensée politique, les différentes images du bon roi, sont des réponses à une problématique centrale qui est la suivante : comment peut-on empêcher le dérèglement de l’empereur tout-puissant ? Cette question se pose en termes de morale, dans la mesure où Dion, très influencé par Platon, considère que le tyran est celui qui est incapable de borner ses désirs et que tout roi, même le meilleur, est menacé de tomber dans l’hubris, ou démesure, à cause de l’étendue même de ses pouvoirs [50]. On peut donc la reformuler ainsi : comment borner les désirs du roi ? Cette question a également préoccupé d’autres intellectuels grecs contemporains du sophiste, Musonius Rufus (Les rois, eux aussi, doivent philosopher) et Plutarque (À un roi mal éduqué). Les exemples de Caligula, de Néron et de Domitien au Ier siècle de notre ère la rendaient particulièrement opportune [51].
LES IMAGES DU BON ROI
14On peut distinguer dans la pensée politique de Dion deux théories très différentes, que nous avons déjà évoquées à propos de la datation des discours, celle du roi imparfait et celle de l’Optimus Princeps. Le roi idéal est doublement caractérisé par ses vertus et par sa relation avec le divin : il doit imiter le roi des dieux.
Le roi imparfait, soumis à reddition de compte
15La possibilité qu’un roi imparfait soit néanmoins un bon souverain est exposée dans le discours LVI. Elle repose sur la conception " républicaine " d’un roi magistrat, ou bien d’un roi civilis, citoyen comme les autres, par opposition à la conception du roi tout-puissant, proche du divin [52]. Elle prend donc le contre-pied des aspirations de Domitien à une monarchie de type oriental. Ce roi citoyen a en effet pour originalité, paradoxale par rapport à la définition habituelle de la royauté, d’être soumis à reddition de comptes [53].
16L’exemple historique choisi pour illustrer ce type de royauté est celui des rois spartiates, soumis au pouvoir de contrôle des éphores qui semblent avoir eu justement pour prérogative d’empêcher une dérive tyrannique. Le sophiste fait référence à Pausanias, fils de Cléombrotos et vainqueur de Platées, qui, selon Hérodote et Thucydide, aurait aspiré à devenir tyran de Grèce avec l’aide du roi des Perses, avant d’être rappelé et éliminé par les éphores [54]. Dion élabore ensuite un modèle à partir d’un matériau plus malléable, car mythique : la figure homérique d’Agamemnon [55]. S’il surinterprète ou réécrit parfois le texte de l’Iliade pour l’actualiser, il reste cependant fidèle à l’idée du gouvernement royal qui est présente dans celui-ci : celle d’un roi imparfait qui possède le pouvoir de décision mais accepte d’écouter les conseils des Anciens, chefs moins puissants mais plus avisés ou meilleurs guerriers que lui [56]. Le sophiste distingue trois instances de contrôle qui s’appliquent à l’autorité royale, et c’est là une originalité de sa réflexion : comme celle-ci n’est pas entièrement focalisée sur la personne du roi, elle s’intéresse dans une certaine mesure – qui reste assez vague – aux institutions. La première instance est représentée par la figure de Nestor, qui remplit selon Dion le rôle de tuteur de la royauté [57]. Autorité morale fondée sur la sagesse pratique, l’expérience accumulée par le grand âge, Nestor remplit le double rôle de conseiller et de pédagogue, chargé par exemple d’enseigner à Agamemnon la stratégie militaire (στρατηγικΘν τ≅χνην, § 9). L’analyse de Dion est basée sur la tradition, d’origine platonicienne, du philosophe conseiller des rois ; mais elle insiste surtout sur l’aspect pragmatique des conseils. La fonction du sage se trouve renforcée dans la mesure où ses conseils ont un caractère obligatoire : le roi est tenu de lui obéir, et, lorsque Agamemnon, en dépit de Nestor, arrache Briséis à Achille, il est comparé à un particulier qui a agi illégalement (παρανπμως, § 11).
17La deuxième instance est le Conseil des Anciens, qu’Agamemnon, toujours selon Dion, était tenu de consulter avant d’agir. Le fonctionnement de ce Conseil homérique est comparé par le sophiste à l’exercice du pouvoir législatif d’une cité grecque de son temps : " La plupart des démagogues n’hésitent pas à proposer devant le peuple des décrets qui n’ont pas été examinés au Conseil. En revanche, c’est après avoir délibéré avec les Anciens qu’il faisait, lui, part à la foule du fonctionnement de la guerre. " [58]
18En rapprochant le Conseil des Anciens de la Boulè, Dion exagère le rôle qu’il jouait dans l’Iliade, qui se limitait au pouvoir délibératif. En effet, la Boulè était devenue, au milieu du Ier siècle, une assemblée permanente de notables locaux, auxquels appartenait un pouvoir de décision important.
19Il existe une dernière instance de contrôle, judiciaire, devant laquelle le roi est susceptible de venir rendre compte de ses actes et qui peut le punir quand il n’a pas respecté une autorité supérieure à lui [59]. Le roi est alors comparé à un citoyen ordinaire, aux " nombreux particuliers (χδι°των) " qui, " parce qu’ils n’obéissent pas à ceux qui les commandent ni aux lois, commettent des actes illégaux, pour lesquels ils rendent aussi des comptes (τ1ς ε≤θAνας ⁄π≅χουσιν). Ainsi, une fois qu’ils ont été amenés devant le tribunal, ils sont punis de la peine dont ils sont chacun jugés dignes " [60].
20Le pouvoir royal est donc contrebalancé par la notion de responsabilité civique. Le roi, étant supérieur au simple particulier, pourrait même être châtié plus sévèrement que celui-ci (§ 15). La place du roi par rapport aux lois humaines était l’objet de réflexions depuis le IVe siècle avant J.-C. ; dans le discours LVI, le roi imparfait n’est pas supérieur à ces lois, ce en quoi Dion rejoint les positions de Platon et d’Aristote [61]. La composition de l’instance judiciaire n’est pas clairement définie : si l’on se réfère au texte d’Homère, il s’agirait toujours du Conseil des Anciens. Son équivalent dans la réalité est peut-être le Sénat romain, repensé selon le modèle de la Boulè des provinces orientales afin de lui donner plus de poids politique. Dion semble revendiquer un rééquilibrage des pouvoirs au profit des sénateurs (avec lesquels Domitien entretint des relations tendues) et des notables. Il préconise un type de monarchie limitée, tempérée par les lois et par l’aristocratie, visiblement inspiré de la première forme des régimes monarchiques recensés par Aristote : le modèle de la royauté laconienne [62]. La réflexion du sophiste est donc fondamentalement ancrée dans la culture grecque, exploitant la Politique d’Aristote, l’histoire spartiate et l’Iliade interprétée comme le livre des rois (selon un type d’exégèse qui est aussi mis en pratique dans le deuxième discours Sur la royauté et dans la fin du Sur Homère [63]). Mais elle s’inspire également des réalités de la vie municipale qu’il connaît bien.
21L’idée d’une soumission du roi à des autorités supérieures (les lois, les avis de conseillers) possède un caractère utopique ; elle est mal adaptée aux réalités du gouvernement impérial, en particulier sous l’autoritaire Trajan. Dans les discours que nous pensons postérieurs à l’Agamemnon, le sophiste abandonne cette position pour concevoir un roi supérieur aux lois humaines [64]. Il se tourne ainsi, pour penser le principat romain, vers la cinquième forme des régimes monarchiques selon Aristote : une royauté illimitée, comparable au gouvernement domestique [65].
L’Optimus Princeps
22Le principal modèle du bon roi chez Dion est celui du roi idéal, qui règne sur les hommes parce qu’il est le meilleur d’entre eux ; cette supériorité repose sur sa vertu morale, l’3ρετΠ [66]. La réflexion politique sur les vertus royales est ancienne et grecque à l’origine [67]. Elle est revivifiée par la rupture avec le règne du " mauvais " prince Domitien, qui engendre le retour du gouvernement par les vertus (selon le modèle augustéen) [68]. Elle est particulièrement appropriée aux circonstances de l’avènement de Trajan, choisi sous le patronage de Jupiter Optimus et gratifié du surnom d’Optimus. Le roi vertueux est décrit dans les quatre discours Sur la royauté ainsi que dans le discours LXII. La prolalie du Nestor (Or., LVII), qui introduisait devant un autre public un discours préalablement prononcé devant Trajan, fait en revanche référence à la figure d’Agamemnon, roi défectueux qui a besoin d’avoir à ses côtés un conseiller plus sage. Par conséquent, ce modèle traditionnel et général du roi assisté d’un philosophe ne disparaît pas – il schématise le rôle joué par le sophiste quand il décrit à l’empereur une image idéale de roi – mais il n’est pas développé devant Trajan [69]. Devant lui est en effet exposé le modèle, tout aussi traditionnel dans la pensée philosophique grecque depuis Platon, du roi philosophe [70]. Autrement dit, la démarche de Dion est très différente de celle qui était mise en œuvre dans l’Agamemnon : au lieu de doter la royauté de structures de contrôle extérieures à elle, il s’agit de faire en sorte que le roi soit capable de se contrôler lui-même et de devenir le meilleur.
23Cette théorie du bon roi repose sur une antithèse systématique entre royauté et tyrannie, qui est mise en image par les allégories décrites dans le mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins " [71]. Cette opposition, courante, était déjà inscrite dans la réflexion hellénique sur la monarchie au IVe siècle avant J.-C. La royauté était en effet conçue comme la forme correcte de la monarchie, la tyrannie comme la forme dégénérée [72]. Chez Dion, comme chez Platon et chez Aristote, le tyran est associé aux bêtes sauvages ; il est transformé en bête sauvage par ses désirs sans freins [73]. Une qualité essentielle du bon roi est donc l’Χγκρϖτεια, la " maîtrise de soi " [74] ; elle est d’autant plus indispensable que le roi est au-dessus des lois. C’est justement une qualité essentielle de l’Héraclès cynico-sto ïcien, qui est particulièrement illustrée dans le mythe libyen (Or., V) : le héros combat les Lamias, des monstres féminins très séduisants, incarnant la puissance destructrice des plaisirs. C’est aussi la qualité que Diogène incite Alexandre le Grand à acquérir, dans le quatrième discours Sur la royauté, en lui demandant de se débarrasser de son orgueil et de ses ambitions guerrières excessives [75].
24L’antithèse entre royauté et tyrannie se trouve également dans le Panégyrique de Pline, influencé par la philosophie politique grecque : Trajan y est systématiquement opposé à Domitien. Elle correspond à l’ " image publique " des successeurs de cet empereur. Une des premières actions de Nerva fut de dédier un temple à Libertas Restituta, divinité qui figura aussi sur des émissions monétaires [76]. Après avoir appris la nouvelle de la mort de Nerva, Trajan envoya de Germanie une lettre au Sénat, dans laquelle il affirmait ne jamais vouloir pratiquer la tyrannie [77].
Les vertus du roi
25L’excellence morale est définie par quelques grandes vertus particulières qui constituent la trame des portraits du bon roi. Elles ne sont ni nombreuses ni originales, mais cette pauvreté, cette banalité, ne sont pas inintéressantes en soi. En effet, A. Wallace-Hadrill a bien montré dans sa réflexion sur les vertus impériales que le Panégyrique de Pline a constitué, à ce sujet, un changement important. Trajan n’y est pas décrit comme un dieu, mais comme un homme : le nombre de ses vertus humaines, qui s’élève à vingt, compense en quelque sorte l’absence de qualités proprement divines [78]. Cette accumulation le définit comme optimus [79]. À partir d’Hadrien, de nouvelles vertus apparaissent, de manière à composer une galerie destinée à produire l’impression que l’empereur possède des vertus sans fin. Dion ne participe pas à cette démarche qui vise à accroître le charisme du souverain. Il met en avant quelques vertus fondamentales, qui ne sont pas présentées comme des vertus royales : ce sont des vertus utiles aux simples particuliers [80]. En effet, la royauté est essentiellement conçue comme faculté de contrôler et de réguler – soi-même, les autres, ou bien un empire, l’objet est secondaire – : " Le vrai philosophe ne travaille à rien d’autre qu’à se rendre capable de bien gouverner (5ρχειν καλ″ς) sa propre personne, sa maison, la plus grande des cités et, d’un mot, le genre humain si on lui confie le pouvoir et, tout en n’ayant pas lui-même besoin d’autres chefs que la raison et la divinité, il sera capable de consacrer sa réflexion et ses soins au reste des hommes. " [81]
26L’idéal du bon roi qui sous-tend les discours I, II, III, IV et LXII est donc bien celui du roi philosophe, éloigné de la conception du roi charismatique selon M. Weber [82] ; le premier légitime son pouvoir par sa vertu, le second par des dons ou des talents que ses sujets jugent essentiels et qui sont inaccessibles au commun des mortels. Les vertus de base, selon Dion, sont les quatre vertus cardinales : courage (3νδρεBα), tempérance (σωφροσAνη), justice (δικαιοσAνη) et sagesse (φρπνησις) [83]. Elles représentent un canon philosophique, initialement fixé par Platon, conforté par les Sto ïciens et vulgarisé par les traités de rhétorique [84]. Ces vertus ne concordent ni avec celles du bouclier de la vertu d’Auguste (virtus, clementia, iustitia, pietas), ni avec celles qui apparaissent sur les monnaies et qui renvoient plutôt à des pouvoirs ou bien à des dons mystiques des empereurs, ce qui conforte l’idée que le modèle de Dion est celui du roi sage, légitimé moralement, plutôt que celui du roi charismatique [85].
27Une autre qualité, tout aussi traditionnelle, émerge également : la philanthropie, souvent mentionnée à côté d’une ou de plusieurs vertus cardinales, ce qui atteste son importance [86]. Il s’agit d’une qualité très appréciée, fréquemment mentionnée dans les textes épigraphiques honorifiques d’époque romaine. Dans les discours de Dion, elle est associée aux notions de bienveillance (ε∞νοια), de sollicitude (Χπιμ≅λεια) et de bienfait (ε≤εργεσBα) [87]. Mais elle ne recouvre pas d’actes de magnificence ni de popularité, ni même d’actions concrètes, au rebours de ce que l’on trouve dans le Panégyrique de Pline. Ce discours reflète une conception romaine de la philanthropie, qui renvoie à l’idée que l’empereur justifie sa suprématie par des actes de libéralité volontaires [88]. Dion développe une vision grecque traditionnelle : la philanthropie correspond chez lui à un amour de l’humanité qui légitime la royauté parce que le roi est utile – il sauve, soigne, protège ses sujets [89]. Une autre grande vertu royale, qui caractérise justement l’Héraclès des Cyniques, est l’amour des épreuves et du travail (φιλππονος) [90]. Les différentes facettes de cette philanthropie sont illustrées par les images de l’esclavage du soleil au service des hommes, du berger des peuples, du taureau qui guide le troupeau, du père [91]. Cet amour pour les hommes s’exerce en particulier dans le domaine de la justice et dans celui de la guerre, le roi étant le protecteur de son peuple, qui repousse ses ennemis [92]. La philanthropie apparaît parfois comme un instrument de gouvernement. Elle entraîne en effet un échange réciproque entre le souverain et ses sujets : grâce à ses bienfaits, le bon roi obtient l’amour des hommes, qui assure la stabilité de son règne [93].
28Toutes les images du roi philanthrope que nous avons relevées sont traditionnelles. La comparaison avec le soleil a des échos dans la philosophie politique hellénistique et chez les Sto ïciens [94]. Les trois autres images sont tirées d’Homère et ont nourri la réflexion politique grecque du IVe siècle avant J.-C. [95]. L’association entre paternité et royauté, particulièrement importante, apparaît fréquemment chez Homère ; on la retrouve chez Platon, Xénophon et Aristote, puis dans l’idéologie des rois hellénistiques [96]. Philanthropie et dimension paternaliste sont très accentuées dans le premier discours Sur la royauté qui offrait à Trajan, au début de son règne, un mythe politique légitimant son pouvoir ainsi qu’un programme idéologique. Ces deux qualités appartiennent traditionnellement à l’image officielle de l’empereur, avec le titre de pater patriae qu’ont porté presque tous les empereurs depuis Auguste et que le Sénat, à la mort de Nerva, avait décerné à Trajan. Celui-ci avait commencé par le refuser, avant de l’accepter un peu plus tard, ce qui a eu pour effet de mettre en avant sa modestie, naturellement, mais aussi son dévouement paternel [97]. L’aspect paternaliste de son règne est également souligné dans les titulatures non officielles ainsi que sur les panneaux de l’arc de Bénévent [98].
29La vertu de la philanthropie est aussi étroitement associée avec la piété (ε≤σ≅εια ou τσιπτης), présentée dans certains passages comme une qualité primordiale chez le bon roi [99]. Elle était considérée à l’époque classique comme une subdivision de l’aretè, au même titre que les vertus cardinales [100]. Chez Dion, honorer les dieux et avoir de la considération pour les hommes sont très nettement mis en parallèle [101]. Il ne s’agit pas du même sentiment, mais d’une relation hiérarchisée et symétrique qui se met en place à trois niveaux : les dieux gouvernent le roi qui gouverne les hommes [102] ; ainsi se dégage logiquement un parallélisme entre le roi des hommes et le roi des dieux [103]. Le bon roi fait profiter ses sujets de sa providence (πρπνοια), tout comme lui-même profite de la providence divine [104]. Son état d’esprit et son comportement doivent se modeler sur ceux des dieux et surtout sur ceux de Zeus, père et protecteur des hommes (ou bien sur celui d’Apollon, le soleil, dans Or., III, 82). La notion de piété joue un rôle très important pour instaurer cette relation tripartite : si le roi est pieux, il révère les qualités de Zeus et l’imite en étant comme un père pour ses sujets.
30Une autre vertu, que nous avons déjà évoquée, est également liée à la philanthropie : l’amitié. Elle a chez le sophiste une fonction politique et sociale très importante, à double titre. Elle intervient d’une part comme instrument de gouvernement. Dion souligne le rôle des amici, conseillers de l’empereur [105]. D’autre part, dans une perspective philosophique sto ïcienne, la philia constitue un ciment entre le roi et ses sujets comme entre le roi et les dieux [106].
31Le bon roi est donc un souverain qui à la fois ne dissocie pas son intérêt de celui de ses sujets et qui leur est supérieur, comme un père [107]. Il est en même temps civilis – il possède les qualités d’un citoyen comme les autres – et princeps, premier : ce comportement ambigu caractérise, selon A. Wallace-Hadrill, l’empereur romain depuis Auguste, et il était déjà préconisé auparavant pour les souverains hellénistiques. Il permet de marquer la distance sociale, tout en conservant l’accessibilité requise dans les relations diplomatiques comme dans les rapports avec le Sénat et les notables [108]. Le premier et le deuxième discours Sur la royauté évoquent la dignité du roi dans deux passages qui paraissent très influencés par les traités hellénistiques sur la royauté [109]. Le bon roi doit se distinguer des simples particuliers par son apparence extérieure (son habit et son armure), afin d’apparaître plus grand et plus digne, mais sans excès ni zèle [110]. L’image du taureau met également en avant la prestance physique du souverain ; celui-ci, cependant, ne doit jamais mépriser son troupeau [111]. Dans ces deux discours, la majesté royale est contrebalancée par une vie simple et un caractère bienveillant, qui renvoient à la conduite publique de Trajan [112].
32Un autre point important dérive de l’image du roi hellénistique : la définition du roi comme chef de guerre. C’est aussi un élément essentiel dans l’image de l’empereur romain, ce qui est particulièrement vrai pour Trajan qui se présente d’abord en général victorieux ; les monnaies au type de la Victoire sont très fréquentes dès le début de son règne [113]. Or, sur ce point, le sophiste se démarque en cherchant à infléchir la figure traditionnelle du roi comme chef de guerre [114]. Son attitude s’explique par un rejet de la guerre, qui est peut-être d’obédience sto ïcienne, et par la recherche générale, dans une perspective philosophique et politique, de la concorde (au sein des cités, entre celles-ci, entre les peuples, entre les hommes et les dieux) [115]. Dans le premier et le deuxième discours Sur la royauté, on trouve, en liaison avec la vertu de la philanthropie, l’image du roi protecteur qui combat les ennemis de son peuple [116]. Dans le premier discours, le roi est à la fois guerrier (πολεμικπς) et pacifiste (εχρηνικπς), il mène la guerre dans l’objectif d’assurer la paix [117]. Mais le quatrième discours Sur la royauté, qui semble plus tardif, oppose à la métaphore du roi berger celle du roi boucher, qui fait trop de guerres et saigne son peuple [118]. D’où les critiques à l’égard de la figure d’Alexandre le Grand, qui sont émises dans le deuxième et le quatrième discours. Elles expriment très probablement le jugement négatif de Dion à l’encontre des guerres de conquête trajanes.
33Ces différentes vertus et capacités constituent donc la base du modèle du bon souverain. Celui-ci, en outre, entretient certains liens particuliers avec le divin ; sous ce rapport aussi, il se distingue du mauvais roi.
Le roi fils, disciple, imitateur de Zeus
34Les liens entre le roi et les dieux sont multiples. Le mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins " a pour particularité de développer l’idée que le souverain des dieux élit le bon roi : Jupiter donne son aval une fois qu’il a vérifié les aptitudes de son fils, candidat à la royauté [119]. Le premier discours exprime ainsi une théorie de l’élection divine du meilleur, très proche de celle qui apparaît dans le Panégyrique de Pline. L’idée d’élection divine renvoie naturellement aux circonstances dans lesquelles Trajan a été adopté par Nerva ; mais elle est très ancienne, déjà présente dans les poèmes homériques auxquels Dion fait référence : c’est Zeus qui donne au roi vertueux les thémistes, symboles du pouvoir de décision [120]. Cette idée est également liée dès l’origine au principat, sous une forme non officielle ; selon Suétone, elle était évoquée dans certains présages annonçant le destin politique du futur Auguste [121].
35Le roi doit ainsi son pouvoir aux dieux, qui peuvent également influer sur la longueur, le succès et l’image de son règne. Leur attitude à l’égard du roi dépend ici, selon le parallélisme déjà noté, de son comportement à l’égard des hommes. Si le roi dégénère en tyran, Zeus le dépose ou le châtie en l’affligeant d’une réputation détestable – on songe naturellement à Domitien auquel échurent les deux punitions ; s’il est un bon roi, son existence est prolongée, si possible, ou il obtient un sort heureux et une belle fin, ou encore la gloire [122]. À la fin du premier discours Sur la royauté, le sophiste s’adresse ainsi directement à Trajan pour lui affirmer qu’Héraclès est le sauveur et le protecteur de son gouvernement aussi longtemps qu’il est roi (et non tyran). Cette conclusion évoque l’idée d’un pacte entre l’empereur et les dieux, qui apparaît aussi dans le Panégyrique de Pline : c’est Trajan qui serait à l’origine de cette idée, exposée dans le discours prononcé devant le Sénat le 1er janvier 100, le 1er jour de son troisième consulat [123].
36De Zeus proviennent aussi une éducation et un art royaux dont il est surtout question dans le quatrième discours Sur la royauté, mais qui sont également évoqués ailleurs. Dans ce discours, la paideia ou éducation divine est constituée par la vertu du roi [124] ; l’art, la technè, est évoqué sans être explicitée [125]. En revanche, dans la fin du discours Sur Homère, l’art royal est explicité à partir de l’exemple de Minos : c’est le fait de gouverner en se conformant au caractère de Zeus [126]. Celui-ci est défini dans le premier discours Sur la royauté par une liste d’épiclèses cultuelles, qui est issue d’un éclectisme philosophique et qui semble fixée depuis au moins la fin de l’époque hellénistique ; ces épiclèses soulignent la sollicitude paternelle et protectrice du roi des dieux [127].
37La notion d’imitatio dei est la relation essentielle qui unit le roi au divin. Elle est présente dans les quatre discours Sur la royauté, même dans le premier discours, dans lequel Royauté a pour parèdre Logos Orthos, le dieu des Sto ïciens [128]. Les liens impliqués par les expressions (homériques à l’origine) du roi fils, disciple de Zeus, ou bien semblable ou cher à Zeus, renvoient aussi à cette relation d’imitation : le roi des dieux est un modèle pour le roi des hommes, au même titre que le père pour son fils [129]. La notion d’imitation divine est d’origine platonicienne, mais elle a été reprise par le sto ïcisme moyen [130]. Elle joue un rôle de premier plan dans les traités hellénistiques sur la royauté qui sont attribués à Diotogène et à Ecphante, ainsi que dans la lettre du Pseudo-Aristée [131]. Elle est aussi présente dans les écrits des intellectuels grecs contemporains du sophiste [132]. Dion a développé davantage qu’eux l’idée d’imitation divine et l’a inscrite plus profondément dans le sto ïcisme [133].
38Il place ainsi la royauté à l’intérieur de l’ordre universel et divin : ce sont les lois des dieux et non celles des hommes qui limitent l’exercice de la souveraineté. Sa dépendance à Zeus est mise en avant, sous plusieurs aspects que nous avons dégagés, et des relations hiérarchiques strictes sont établies, par exemple dans la métaphore du roi-taureau dans laquelle le rôle du berger est attribué à Zeus plutôt qu’au roi-taureau, ou bien dans le mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins " dans lequel Zeus exerce son autorité sur Héraclès, qui lui-même protège Trajan à la fin du discours. On ne peut pas dire que le roi apparaisse vraiment, chez Dion, comme le vice-régent de Zeus/Jupiter [134]. De même, la vertu du roi est présentée comme une norme divine [135] ; chez Pline, l’empereur est davantage montré comme un être exceptionnel qui a le mérite de sa propre vertu. Les références que fait le Panégyrique à la relation privilégiée entre le roi des dieux et Trajan créent une sorte d’aura sacrée autour de l’empereur, qui n’apparaît pas chez le sophiste, sauf dans le premier discours Sur la royauté avec l’assimilation partielle entre Trajan et le héros Héraclès [136]. Sénèque, dans le De la clémence, insistait davantage aussi sur le caractère presque surnaturel du prince, qui tient sur terre le rôle des dieux [137]. Dion, quoique très favorable à la royauté, montre de la méfiance à l’égard d’un pouvoir illimité d’ordre divin. Dans cette perspective, il semble plus proche des modèles de royauté construits par les philosophes et intellectuels grecs du IVe siècle avant J.-C. (en particulier par Platon) que des modèles proposés à l’époque hellénistique, pour autant que l’on puisse en juger à partir des traités fragmentaires [138]. Ceux-ci contiennent par ailleurs des idées constitutives de la figure du bon roi selon Dion : harmonie des rapports entre dieu et le monde, le roi et ses sujets, devoir pour le roi de se gouverner soi-même et de dominer ses passions, justice du roi, bienveillance pour ses sujets, philanthropie, gloire.
LE SOPHISTE ET L’EMPEREUR
39À partir de l’analyse des théories sur la royauté, on peut examiner les objectifs poursuivis par le sophiste et sa position à l’égard de Trajan. On ne peut affirmer que Dion a traduit en termes de philosophie politique grecque une idéologie impériale ou sénatoriale. Il a bien davantage cherché à construire des modèles de royauté qui soient appropriés aux réalités romaines, à partir des modèles préexistant dans la réflexion politique grecque d’époque classique et hellénistique. Il connaît bien le pouvoir romain, mais il le pense d’abord comme un intellectuel grec et comme un philosophe qui tente de résoudre une contradiction essentielle : la puissance du roi, étant de fait illimitée, est aussi puissance de nuire et de dérégler, alors que le roi a pour utilité et pour fonction de garantir l’ordre, la justice et la prospérité à ses sujets. Même dans le premier discours Sur la royauté, par lequel l’orateur tente visiblement de se concilier les bonnes grâces de Trajan, il cherche moins à persuader ses auditeurs que celui-ci est l’homme qu’il faut pour le rôle d’empereur, qu’à décrire le bon empereur en s’inspirant des circonstances du début du règne, d’idées politiques qui circulaient, et en instaurant des aménagements pour que Trajan puisse mieux se glisser dans le rôle (par exemple, quand il évoque la simplicité de mœurs ou l’armée d’Héraclès, car, concernant ce second point, il s’écarte sciemment de la tradition mythique relative aux travaux du héros) [139].
40Ainsi, on observe certes des rapprochements entre l’image du souverain idéal dans les discours Sur la royauté et l’image impériale officielle, telle qu’elle est construite notamment par les titres décrétés par le Sénat et par les monnaies de Rome. Nous avons évoqué en particulier la dimension paternaliste de ce roi idéal et le titre de pater patriae offert à Trajan, ainsi que le rôle nouveau de l’Hercule impérial. On peut aussi établir un parallèle plus général entre le mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins ", dans lequel Zeus octroie au bon roi la souveraineté sur la Terre, et des monnaies montrant Trajan recevant ou portant le globe : en particulier, un type monétaire qui a pour légende PROVID(entia) figure Nerva divinisé donnant le globe à Trajan, en habit militaire [140]. Cette monnaie, datée de 98-99, évoque la providence divine de Jupiter présidant à l’adoption de Trajan et les capacités militaires du nouvel empereur, qui sont aussi mises en avant dans le mythe de Dion. Elle souligne les dimensions universelles de l’Empire romain, auxquelles le platonisme et le sto ïcisme, deux grands courants dominants de cette période, étaient bien adaptés [141]. Mais d’autres rapprochements sont plus discutables et il existe des différences notables dans l’emploi de certaines figures de référence ou de certaines vertus. Ainsi, on compare parfois l’association d’Hermès et d’Héraclès dans le mythe du premier discours Sur la royauté et la présence de Mercure et d’Hercule sur le panneau gauche de l’attique côté ville de l’arc de Bénévent : ils encadrent un groupe de divinités constitué par la triade capitoline, Bacchus ou Liber et Cérès [142]. Outre les problèmes d’interprétation générale de cette scène, il est vraisemblable que, sur ce monument soulignant la fonction nourricière et économique de l’empereur, Mercure, aux côtés de Cérès, représente la divinité protectrice du commerce plutôt que le dieu messager et patron des philosophes du mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins " [143]. C’est aussi cette fonction qu’il paraît avoir dans un aureus restitué par Trajan en l’honneur de Vespasien, montrant sur le revers une étoile qui désigne l’apothéose de Vespasien, ainsi que les bustes de Mercure et de Jupiter : selon H. Mattingly, cette association signifie que l’empereur était semblable au roi des dieux pour son gouvernement sage et à Mercure pour son souci du commerce [144]. De même, la vertu traditionnelle de la piété, importante dans le portrait du bon roi selon Dion, est aussi un thème qui ressort dans les monnaies restituées par Trajan. L’analyse de ces dernières par G. Seelentag fait apparaître un usage particulier de cette vertu, différent de celui qu’en a fait le sophiste : c’est la pietas erga parentem, la piété envers un parent (notamment envers Nerva), qui est surtout mise en avant pour souligner une dynastie et revendiquer une future consécration [145].
41Il existe ainsi des décalages et des nuances d’interprétation qui sont d’autant plus discrets que Dion utilise dans sa réflexion sur la royauté des références grecques fondamentales dans l’hellénisme d’époque romaine (notamment Homère et Platon), bien diffusées dans le monde romain, et des références intégrées dans l’idéologie impériale romaine depuis Auguste (Alexandre le Grand et Jupiter). De cette manière, d’une part, il renforce jusqu’à un certain point les ponts entre les deux cultures politiques. Il construit un modèle gréco-romain du bon roi – ou, plus exactement, un modèle hellénisé du bon empereur. D’autre part, ces références fonctionnent pour un empereur particulier, mais elles ont également un caractère général.
42L’objectif de fixer des limites morales à la royauté était également partagé par l’élite romaine cultivée de ce temps, comme on l’observe à partir des ouvrages de Sénèque, Pline le Jeune et Suétone, qui, étant eux aussi des notables, ont des intérêts communs avec Dion. Leurs écrits font également porter l’accent sur des vertus sociales de l’empereur, sur son respect envers ceux qu’il gouverne et sur sa capacité d’autocontrôle. Les qualités requises pour le bon empereur par Pline et Suétone sont en effet l’abstinentia, la moderatio, la liberalitas, la clementia et la civilitas [146]. L’élite sociale et culturelle gréco-romaine a ainsi adopté la même démarche ; puisque l’empereur était de fait au-dessus des lois humaines, la seule solution non violente pour empêcher les abus de pouvoir résidait dans la communication et la pédagogie : il faut prôner de bons modèles de royauté, tâcher de persuader l’empereur et exercer une pression sur lui en diffusant largement le portrait du souverain idéal.
43La réflexion politique de Dion a, en outre, une originalité : elle s’applique également à l’image de l’empereur, en soulignant le rôle des modèles de référence qu’il a choisis et en les critiquant implicitement. C’est le cas d’Alexandre le Grand dans les deuxième et quatrième discours Sur la royauté et, de manière plus inattendue, celui d’Héraclès dans le quatrième discours [147]. Dans le dialogue, Diogène déclare à Alexandre le Grand que celui-ci ferait mieux, aussi longtemps qu’il n’a pas appris à se maîtriser, de vivre en solitaire habillé d’une peau de bête [148]. Cette description fait référence à l’Héraclès cynico-sto ïcien [149]. Alexandre, qui ne comprend pas l’allusion, s’en offusque : " Toi, dit-il, tu m’ordonnes de me munir d’une peau de bête, à moi qui suis le descendant d’Héraclès, le chef des Grecs et le roi des Macédoniens ? " [150]
44C’est donc le rapport entre Héraclès et Alexandre, et plus exactement l’imitation du héros qu’a faite le conquérant, qui est en cause : elle évoque en effet leurs exploits guerriers et le désir de gloire d’Alexandre [151]. De grands généraux républicains ont conjugué imitatio Alexandri et culte de l’Hercule Victor : Scipion l’Africain, Pompée qui avait peut-être installé la statue du conquérant dans le temple d’Hercule à Gadès [152]. Suétone rapporte, dans le cadre de l’imitatio Alexandri de César, que celui-ci, alors qu’il était questeur de l’Espagne ultérieure, vit la statue du roi des Macédoniens près du temple d’Hercule à Gadès ; il aurait aussitôt demandé son congé pour rentrer à Rome, afin de se lancer dans des entreprises mémorables [153]. Cette anecdote a un caractère symbolique : elle renvoie implicitement à la future rivalité entre Pompée et César et inscrit ce dernier dans la tradition de ces imperatores républicains. Il est possible que Trajan, né en Bétique à une centaine de kilomètres de Gadès, ait éprouvé une dévotion particulière pour cet Hercule-Melquart gaditain associé aux victoires militaires et à Alexandre le Grand, même si les représentations iconographiques d’Hercule, datées de son règne, ne présentent aucun trait sémitique [154]. Mais, surtout, l’empereur s’est inscrit à son tour dans cette tradition des grands généraux de la fin de la République. Or, selon les critiques de Dion, ce choix d’Alexandre et d’Hercule comme figures de référence est plus qu’un rappel laudatif du contexte politique ou qu’une propagande. Il jouerait un rôle non négligeable dans l’orientation du règne à cause de la valeur de l’exemplum dans l’éducation antique : les exemples mythiques, ou surtout les grandes figures du passé chez les Romains, sont des modèles à imiter et à dépasser. Aussi les discours Sur la royauté ont-ils également pour fonction de corriger des modèles inadéquats, d’en rectifier le sens ou de leur substituer de meilleurs modèles [155].
45Comment définir, alors, le rôle qu’a rempli le sophiste par rapport à Trajan [156] ? Une opinion souvent partagée est que, dans le premier discours Sur la royauté, Dion revendique une place d’amicus auprès de l’empereur et que sa demande a été couronnée de succès [157]. Outre ce que nous avons dit sur les objectifs de l’orateur, cette hypothèse peut être discutée à partir de trois angles d’approche : les affirmations de Dion, la tradition qui le présente comme un amicus de Trajan, l’analyse du rôle du philosophe dans ces discours (Hermès dans le premier discours Sur la royauté, Diogène dans le quatrième).
46Le sophiste revendique une certaine familiarité avec Trajan à deux reprises, mais il parle de commerce, συνΠθεια, avant d’utiliser le terme d’ " amitié ", φιλBα [158]. Cette proximité est utilisée comme argument dans des circonstances où Dion, à l’origine d’un programme de travaux contesté, est mis en difficulté par ses compatriotes auxquels il s’adresse. D’autre part, il affirme à chaque fois qu’il n’a pas profité de ses relations avec l’empereur ou avec de puissants Romains pour s’associer avec eux et profiter des honneurs [159]. Enfin, il est peu probable qu’il ait pu remplir le rôle d’amicus Caesaris depuis Pruse, où il paraît avoir passé une grande partie de son existence après environ 101.
47La tradition antique qui présente Dion comme le conseiller des empereurs est grecque et non romaine. La correspondance entre Pline et Trajan n’indique pas de familiarité particulière entre le sophiste et l’empereur [160]. Cette tradition est postérieure d’un siècle, puisque le fondateur (et principal garant) en est Philostrate. Dans la Vie d’Apollonios de Tyane, il montre Dion conseillant Vespasien, au début de son règne, en discutant à Alexandrie avec Euphrate, Apollonios et l’empereur au sujet du meilleur régime [161]. Cette scène est aujourd’hui presque unanimement considérée comme une fiction, à caractère symbolique. Dans les Vies de sophistes, l’amitié de Trajan et de Dion est illustrée par l’anecdote suivante : " L’empereur Trajan, du moins, le faisant monter à Rome sur le char doré sur lequel les rois célèbrent leurs triomphes guerriers, répétait, en se tournant vers Dion : ce que tu dis, je ne sais pas, mais je t’aime comme moi-même. " [162]
48Cette anecdote, qui a la forme d’une chrie, paraît tout aussi fictive : les circonstances évoquées sont floues, la déclaration finale de Trajan pour le moins curieuse. Même si son caractère symbolique est reconnu, elle a néanmoins été utilisée pour montrer la proximité entre le sophiste et l’empereur, alors même qu’elle s’achève sur un aveu d’incompréhension de la part de ce dernier [163].
49Au IVe siècle, Thémistios, rhéteur et préfet de Constantinople, évoque brièvement l’engouement de Trajan pour Dion [164]. Au IXe siècle, Photios, le patriarche de Constantinople, paraît s’appuyer à la fois sur les affirmations du sophiste et sur la biographie de Philostrate pour souligner l’amitié entre l’empereur et Dion ; la Souda, au Xe siècle, fournit le même témoignage [165].
50Toutes ces sources ont certainement été influencées par la tradition grecque de l’association idéale entre philosophe et roi. D’autre part, l’image posthume de Trajan a sans doute aussi pesé lourd dans l’interprétation des discours Sur la royauté. Le prestige de celui-ci était tel au IIIe et au IVe siècle que, selon Eutrope, les Sénateurs acclamaient un empereur en lui souhaitant d’être " plus heureux qu’Auguste, meilleur que Trajan " [166]. Ce contexte incitait à penser que les quatre discours Sur la royauté, dont le sujet était le portrait du roi idéal, étaient adressés à l’Optimus Princeps, et à exagérer la proximité entre Dion et Trajan.
51En outre, l’analyse de la figure du philosophe dans les premier et quatrième discours Sur la royauté montre qu’il remplit le rôle de pédagogue plutôt que celui de conseiller impliqué dans la gestion politique [167]. Isocrate, À Nicoclès, 6, établit une distinction entre le rôle des conseillers toujours présents aux côtés du roi, qui donnent leur avis sur chaque affaire, et le rôle de conseiller relativement à la conduite de la vie en général : c’est le second qu’endosse Dion dans les discours Sur la royauté. Dans l’Agamemnon (Or., LVI), inversement, le rôle du philosophe (Nestor) est plus important : il est à la fois pédagogue, conseiller intégré dans le gouvernement, instance de contrôle. Quel que soit le rôle politique que Dion a pu ou a souhaité jouer avant son exil, il est possible que l’expérience de la relégation lui ait enseigné les dangers de la proximité avec le pouvoir ; il semble qu’il se soit essentiellement contenté par la suite d’exercer une activité politique concrète au sein de sa cité, comme magistrat et évergète, tout en poursuivant sa réflexion sur la figure du bon roi. Comme Plutarque, il paraît surtout demander à l’empereur d’assurer l’ordre, la paix et le bon déroulement de la vie civique.
52Ainsi, ces discours sur le bon roi montrent que le sophiste, favorable à la royauté, entretient une position complexe à l’égard du principat aussi bien que de la figure de Trajan. Pour plusieurs raisons, les " miroirs au prince " qu’il a composés sont fondamentalement ambigus, mais ce caractère est certainement nécessaire dans un régime monarchique autoritaire – à moins d’opter pour la flatterie pure et simple. Outre les masques rhétoriques, l’ambigu ïté repose sur deux points. D’une part, ces discours sont destinés à un empereur et correspondent à des circonstances historiques précises, tout en appartenant à la tradition de pensée politique grecque et en diffusant un modèle de royauté qui se veut universel. D’autre part, le portrait du roi est adapté à cet empereur, mais dans l’objectif de le transformer, de le pousser à rejoindre l’idéal.
53Les arguments en faveur d’une certaine proximité de Dion à l’égard de Vespasien et de Titus sont vraisemblables, et encore plus son amitié avec Nerva. Le sophiste paraît avoir été disposé à collaborer avec Trajan au début du règne de celui-ci, comme en témoigne le premier discours Sur la royauté. Dans ce discours, le sophiste met vraiment à disposition de celui-ci son art rhétorique et sa notoriété en élaborant, à partir de l’adoption par Nerva et du projet d’une expédition dacique, le mythe du prince idéal élu par Jupiter, par opposition à l’image du tyran Domitien. Durant les guerres daciques, l’opinion de Dion à l’égard des ambitions militaires de Trajan devient critique et la thèse selon laquelle le sophiste aurait été amicus ou très proche de l’empereur est difficile à soutenir.
54L’exemple de Dion incite donc à ne pas exagérer la proximité entre l’élite intellectuelle et sociale grecque de cette époque et le pouvoir romain, malgré le pragmatisme de ces intellectuels et leur volonté de jouer un rôle politique. Outre leur attachement à leur cité, ils manifestent des réticences par rapport à certains aspects de l’ " image publique " des empereurs, qui concernent un type de charisme surnaturel : on l’observe aussi, selon nous, dans la description que fait Plutarque de l’apothéose de Romulus (Vie de Romulus, 27, 3-28). Leur attachement au modèle grec du roi philosophe semble prévaloir. Il y a bien, chez Dion, la trace d’une sorte de charisme de la vertu, mais elle est ténue : le roi des dieux confère au roi des hommes la vertu, que celui-ci doit cultiver, la hiérarchie entre les hommes et les dieux est solidement établie.
55La mésentente exprimée par l’anecdote de Philostrate pourrait donc se comprendre, de manière symbolique, au sens où Dion n’a pas considéré Trajan comme le souverain idéal qu’il dépeignait, et où l’empereur n’a sans doute pas cherché à comprendre le sens exact des discours du sophiste qui le concernaient. Ceux-ci, en revanche, sont restés attachés à son image et ont été très utiles à sa mémoire. Ils ont contribué à construire la figure de l’Optimus Princeps grâce à leurs échos avec des éléments de l’image officielle de Trajan et grâce à l’association entre le sophiste philosophe et l’empereur ; ils ont renforcé l’opposition entre le bon roi Trajan et le tyran Domitien, responsable de l’exil de Dion.
56Université de Lausanne, Faculté des Lettres
L’Année épigraphique, USR 710.
ANNEXE
57Tableau résumant les circonstances de rédaction ou de prononciation des discours
Notes
-
[1]
L’auteur remercie vivement M. Stéphane Benoist pour sa relecture attentive et ses remarques qui ont permis d’améliorer cet article.
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[2]
Les traités hellénistiques sur la royauté ont été édités et traduits par Louis Delatte (éd.), Les traités de la royauté d’Ecphante, Diotogène et Sthénidas, Paris, Droz, 1942.
-
[3]
Pour la biographie de Dion, voir John L. Moles, The career and conversion of Dio Chrysostom, JHS, 98, 1978, p. 79-100 ; Paolo Desideri, Dion Cocceianus de Pruse dit Chrysostome, dans Richard Goulet (dir.), Dictionnaire des philosophes antiques, II, Paris, CNRS Éd., 1994, p. 841-846.
-
[4]
Son grand-père maternel, qui semble s’être distingué par sa paideia, et sa mère avaient reçu la citoyenneté romaine d’un empereur (Dion, Or., XLI, 5-6).
-
[5]
Notamment Or., XVIII (lettre Sur l’entraînement oratoire, peut-être adressée à Titus ?), XXVIII et XXIX (discours en l’honneur du boxeur Mélancomas qui, selon Thémistios, X, 139, aurait été aimé par Titus), XXXII (Discours aux Alexandrins, dans lequel Dion rappelle à l’ordre les Alexandrins, peut-être à la demande de Vespasien). La proximité du sophiste avec les Flaviens est cependant remise en question par Harry Sidebottom, Dio of Prusa and the Flavian dynasty, CQ, 46, 2, 1996, p. 447-456.
-
[6]
Or., XLV, 2. Voir notamment John L. Moles, The career, op. cit., p. 86, selon une hypothèse formulée par Ewen L. Bowie.
-
[7]
PIR2 F355 ; Suétone, Domitien, 10, 4 : Flavius Sabinus fut tué parce qu’un héraut l’avait accidentellement qualifié d’empereur. Harry Sidebottom, Dio of Prusa, op. cit., p. 452-453, propose une autre hypothèse possible : le protecteur de Dion pourrait être L. Salvius Otho Cocceianus, neveu de Nerva et de l’empereur Othon ; il fut exécuté par Domitien pour avoir célébré l’anniversaire de son oncle Othon (Suétone, Domitien, 10, 5).
-
[8]
Ces témoignages ont été réunis et analysés par Paolo Desideri, Dione di Prusa : un intellettuale greco nell’Impero romano, Messine-Florence, G. d’Anna, 1978, p. 1-60.
-
[9]
Pline, Lettres, III, 18, 2.
-
[10]
La théorie de la royauté chez Dion a déjà été étudiée par Vladimir Valdenberg, La théorie monarchique de Dion Chrysostome, REG, 40, 1927, p. 142-162 ; Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit., p. 283-318 ; John L. Moles, The kingship orations of Dio Chrysostom, dans Papers of the Leeds International Latin Seminar, 6, Francis Cairns, Malcom Heath (eds), Leeds, F. Cairns, 1990, p. 297-375 ; Harry Sidebottom, Studies in Dio Chrysostom On Kingship, DPhil thesis, Oxford, 1992, que nous n’avons pas pu consulter ; Anne Gangloff, Dion Chrysostome et les mythes. Hellénisme, communication et philosophie politique, Grenoble, Jérôme Millon, 2006, p. 255-273, 321-351.
-
[11]
Voir Andrew Wallace-Hadrill, The emperor and his virtues, Historia, 30, 1981, p. 298-323, en particulier p. 317, à propos du contraste entre l’image de Trajan dans le Panégyrique de Pline et son image dans les Lettres.
-
[12]
Dion, Or., XLV, 2.
-
[13]
H. Lamar Crosby (ed.), Dio Chrysostom. Discourses XXXVII-LX, Cambridge-Londres, Harvard University Press - W. Heineman LTd (The Loeb Classical Library), t. IV, 1986 (1946), p. 417, estime que le Nestor introduisait peut-être le deuxième discours Sur la royauté, en raison de la fréquence des citations homériques.
-
[14]
D’autres discours de Dion abordent également, de manière indirecte, le thème de la royauté politique : Diogène ou sur la tyrannie (Or., VI), qui traite la question de la tyrannie sous un angle moral ; le Discours troyen (Or., XI) et le Chryséis (Or., LXI), par le biais de la figure d’Agamemnon ; la fin du Sur Homère (Or., LIII) ; Achille ou Chiron (Or., LVIII).
-
[15]
Dion Cassius, LXVIII, 29, 1, et 30, 1 ; Julien, Césars, 333 a, 335 d ; Hist. Aug., Hadrien, 4, 9. Voir Jean Beaujeu, La religion romaine à l’apogée de l’Empire, I : La politique religieuse des Antonins, Paris, Les Belles Lettres, 1955, p. 98-101 ; Gerhard Wirth, Alexander und Rom, dans Alexandre le Grand. Image et réalité. Entretiens sur l’Antiquité classique, Olivier Reverdin (éd.), Genève, Fondation Hardt, 1976, p. 181-210, en particulier p. 196-200 ; Domingo Plácido, Alejandro y los emperadores romanos en la historiografia griega, dans Neronia IV, Alejandro Magno, modelo de los emperadores romanos. Actes du IVe Colloque international de la SIEN, Jean-Michel Croisille, Domingo Plácido (éd.), Bruxelles, coll. " Latomus ", no 109, 1990, p. 58-75, en particulier p. 70-72. La Souda attribue à Dion huit ouvrages Sur les vertus d’Alexandre, qui s’inscrivaient peut-être dans cette réflexion sur le bon roi, à partir du modèle d’Alexandre et en relation avec le règne de Trajan. Peut-être les deuxième et quatrième discours Sur la royauté font-ils partie de cet ensemble.
-
[16]
Cette évolution a été bien mise en valeur par John L. Moles, The Kingship Orations, op. cit. (n. 10), qui a souligné les critiques apparaissant dans le deuxième et le quatrième discours Sur la royauté.
-
[17]
Sur cette théorie dans la littérature, voir J. Rufus Fears, Princeps a diis electus. The Divine Election of the Emperor as a Political Concept at Rome, Rome, American Academy in Rome, 1977, p. 121-188.
-
[18]
Pline, Pan., 8, 1.
-
[19]
Marcel Durry (éd.), Pline le Jeune. Panégyrique de Trajan, Paris, Les Belles Lettres, 1938, p. 231-232. Sur les circonstances de l’adoption de Trajan, voir John D. Grainger, Nerva and the Roman Succession Crisis of Ad 96-99, Londres-New York, Routledge, 2003, p. 73-125.
-
[20]
Jean Béranger, La notion du principat sous Trajan et Hadrien, dans Principatus. Études de notions et d’histoire politiques dans l’Antiquité gréco-romaine, Jean Béranger, François Paschoud, Pierre Ducrey (éd.), Genève, Droz, 1973, p. 281-299, en particulier p. 284.
-
[21]
Dans le Chryséis (Or., LXI) en particulier, Agamemnon possède les principales caractéristiques morales des tyrans : il est trompé par le désir (§ 2), instable, vaniteux, démesuré et licencieux ; voir aussi Or., LVI, 11, XI, LVII. Pour Domitien, voir Or., XLV, 1 ; L, 8 ; LXVI, 6.
-
[22]
Voir également Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 296-297.
-
[23]
Cet apologue est rapporté par Xénophon, Mém., II, 1, 21-34 : le jeune Héraclès doit choisir entre le chemin du Vice et celui de la Vertu.
-
[24]
Or., XL, 13-15. Cela ne signifie pas que Dion soit venu avec les autres ambassadeurs de Pruse ; il a aussi pu les retrouver à Rome, où il attendait peut-être le retour de Trajan. Sur les difficultés de retracer les déplacements et les actions de Dion entre la mort de Domitien et son retour à Pruse, voir la synthèse de Marcel Cuvigny (éd.), Les discours bithyniens : discours 38-51, Dion de Pruse, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 110-113. Fergus Millar, The Emperor in the Roman World (31 BC - Ad 337), Londres, Duckworth, 19922 (1977), p. 414-415, considère que cette ambassade a été envoyée en Germanie avant le retour de Trajan à Rome, tout comme Gunnar Seelentag, Taten und Tugenden Traians. Herrschaftsdarstellung im Principat, Stuttgart, Steiner, 2004, p. 89-90.
-
[25]
Or., XL, 15 ; XLV, 3, 7.
-
[26]
Sur ces points communs, soulignés par tous ceux qui ont travaillé sur le premier discours de Dion, voir en particulier John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 305-337.
-
[27]
BMC, III, p. 38, no 56, pl. 10 . 5 ; voir aussi nos 81 à 93, 137, 138, 142 (pour la période de 101-102).
-
[28]
Or., I, 61-63. Sur le manque de correspondance avec le type de l’Héraclès Gaditanus, voir Harold Mattingly, BMC, III, p. LXVIII ; Martin Galinier, L’image publique de Trajan, dans Images romaines. Actes de la Table ronde organisée à l’ENS (24-26 octobre 1996), Florence Dupont, Claire Auvray-Assayas (éd.), Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1998, p. 115-141, en particulier p. 126. Sur la prédilection de Trajan pour Hercule, voir aussi Jean Beaujeu, La religion romaine, op. cit. (n. 15), p. 80-87 ; Maria Jaczynowska, Le culte de l’Hercule romain au temps du Haut-Empire, ANRW, II, 17, 2, Berlin-New York, De Gruyter, 1981, p. 631-661, en particulier p. 635-637 ; J. Rufus Fears, The cult of virtues and Roman imperial ideology, ANRW, II, 17, 2, p. 827-948, en particulier p. 913, 917-918, et Id., The theology of victory at Rome : Approaches and problems, ANRW, II, 17, 1, 1981, p. 736-826, en particulier p. 819-821.
-
[29]
BMC, III, p. LXIX-LXX. Voir aussi Martin Galinier, L’image publique, op. cit., p. 128 : Hercule Victor figure sur les listes des dieux invoqués par les Frères Arvales lors du départ en guerre de Trajan ; voir John Scheid (éd.), Commentarii fratrum Arvalium qui supersunt. Les copies épigraphiques des protocoles annuels de la confrérie arvale (21 av. - 304 apr. J.-C.), Rome, École française de Rome, 1998, p. 177-182, no 62 a, l. 67 (pour l’année 101). Hercule fut également donné comme emblème à la legio II Traiana en 102-104.
-
[30]
Or., I, 84 ; voir aussi § 63 pour le caractère militaire de cet Héraclès adapté à Trajan. Sur cette adaptation, voir John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 323-324. Pline, Pan., 82, 6-7, établit également une comparaison entre Trajan et Hercule sous le double rapport des qualités athlétiques et de la sagesse.
-
[31]
Xénophon, Banquet, IV, 6 ; Philodème de Gadara, Le bon roi selon Homère, Tiziano Dorandi (éd.), Naples, Bibliopolis, 1982.
-
[32]
Voir Plutarque, Alexandre, 8, 2 ; 15, 8-9 ; 26, 2-6 ; La fortune d’Alexandre, 327 E ; 331 C-D.
-
[33]
Sur les nombreux points communs entre le traité de Philodème, Sur le bon roi selon Homère, et le discours II de Dion, voir Anne Gangloff, Le princeps et le bon roi selon Homère, à paraître dans les actes du séminaire " Figures d’Empire, fragments de mémoire ", organisé par Stéphane Benoist à Lille (automne 2008).
-
[34]
John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 337-348, a mis en lumière les ambigu ïtés et les critiques présentes dans le portrait d’Alexandre ; voir aussi Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 262-263.
-
[35]
Vie simple : Or., II, 26. Caractère guerrier : Or., II, 29, 45-47, 49, 57-58.
-
[36]
Sur cette expression de J. Rufus Fears, qui désigne l’image de l’empereur telle qu’elle est construite à partir de l’ensemble des sources littéraires, monétaires, numismatiques, iconographiques, et sur l’importance des restitutions monétaires républicaines de Trajan, voir Martin Galinier, L’image publique, op. cit. (n. 28), p. 118-132.
-
[37]
Hans von Arnim, Leben und Werke des Dio von Prusa. Mit einer Einleitung : Sophistik, Rhetorik, Philosophie in ihrem Kampf um die Jugendbildung, Berlin, Weidmann, 1898, p. 407, date ce discours en 104, juste avant la seconde guerre dacique, de même que Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 360, note 10. Contra John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 346, qui propose une date avant la première guerre dacique. Nous serions plutôt favorable à la première hypothèse, qui explique mieux le décalage entre le premier et le deuxième discours Sur la royauté.
-
[38]
BMC, III, p. LXIX-LXX.
-
[39]
Or., XII, 16-20. Nous pensons que ce Discours olympique doit être daté de 105 plutôt que de 101 : voir Hans von Arnim, Leben und Werke, op. cit., p. 405-407 ; Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 279 ; Giovanni Salmeri, La politica e il potere. Saggio su Dione di Prusa, Quaderni del Siculorum Gymnasium, 9, Catane, 1982. Voir Nicole Méthy, Une critique de l’optimus princeps. Trajan dans les Principia historiae de Fronton, Mus. Helv., 60, 2003, p. 105-123, en particulier p. 109, sur le jugement plutôt négatif de Fronton au sujet de l’imperator Trajan, trop soucieux de sa propre gloire militaire.
-
[40]
Arnoldo Momigliano, Dio Chrysostomus (Unpublished Lecture 1950), dans Quarto contributo alla storia degli studi classici e del mondo antico, Id. (éd.), Rome, Storia e letteratura, 19882 (1969), p. 256-269, en particulier p. 265, et Id. (éd.), Quinto contributo alla storia degli studi classici e del mondo antico, Rome, Storia e letteratura, 1975, p. 1005-1007, pense aux guerres parthiques, suivi par Christopher P. Jones, The Roman World of Dio Chrysostom, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1978, p. 121 ; John L. Moles, The date and purpose of the fourth kingship oration, Class. Ant., 2, 1983, p. 251-278, en particulier p. 277-278, est d’avis que le discours doit être antérieur et qu’il est plutôt préventif, dans la mesure où l’ambition de Trajan devait être détectable assez tôt. Ragnar Höistad, Cynic Hero and Cynic King. Studies in the Cynic Conception of Man, Uppsala, 1948, p. 220, et Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 287, sont favorables à une datation durant l’exil de Dion, à cause de la portée critique du discours. Dion Cassius, LXVIII, 29, 1, a évoqué l’ambition de Trajan et sa rivalité avec Alexandre (au moment de l’expédition parthique).
-
[41]
Christopher P. Jones, The Roman World, op. cit., considère que ce discours a sans doute été prononcé devant une assemblée de Grecs ; contra John L. Moles, The date and purpose, op. cit., qui analyse le jeu des masques et des décalages et le juge suffisant pour protéger l’orateur. Les avis sont également partagés au sujet de la fin abrupte de ce discours, au moment où le sophiste évoque la célébration de l’esprit sage et bon. Le discours se prolongeait-il par une description de cet esprit (susceptible de renvoyer à Trajan, et d’adoucir les critiques) ? Cette hypothèse est hasardeuse, dans la mesure où un grand nombre des discours de Dion s’achèvent de manière assez brusque. Pour l’examen des critiques et de la position de Dion, voir aussi Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 264-271.
-
[42]
Sont favorables à une datation sous Trajan : Hans von Arnim, Leben und Werke, op. cit. (n. 37), p. 405 ; Christopher P. Jones, The Roman World, op. cit., p. 119-120 ; John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 360-361. H. Lamar Crosby (ed.), Dio Chrysostom, op. cit. (n. 13), t. V, 1985 (1951), p. 23. Christopher P. Jones, The Roman World, op. cit., p. 138, et John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 361-362, soulignent les points communs que ce troisième discours Sur la royauté présente avec le discours LXII. Selon Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 288, 297, le discours III est plutôt adressé à Nerva, en raison de son ton très amical.
-
[43]
Le goût de Trajan pour la chasse est connu : voir Pline, Pan., 81, 1 et 3 ; pour Nerva, voir le type monétaire de la Diane chasseresse qui date de 96 et les commentaires de Harold Mattingly, BMC, III, p. XXXIX.
-
[44]
Or., III, 86-118. Voir David Konstan, Friendship and monarchy. Dio of Prusa’s third oration on kingship, SO, 72, 1997, p. 124-143, en particulier p. 138-140 ; Antonino M. Milazzo, Dimensione retorica e realtà politica. Dione di Prusa nelle orazioni III, V, VII, VIII, Hildesheim-Zürich-New York, Olms, 2007, p. 50-107.
-
[45]
Pline, Pan., 85 ; Epitome de Caesaribus, 13, 4, éd. François Pichlmayr (le passage énumère les qualités attendues chez le bon roi et possédées par Trajan) ; Aurelius Victor, Liber de Caesaribus, 13, 8.
-
[46]
Or., I, 30-32.
-
[47]
BMC, III, p. XLIV.
-
[48]
Voir supra, n. 6.
-
[49]
Philostrate, Vies de sophistes, 488, rapporte une anecdote à caractère symbolique : Trajan affirme à Dion qu’il ne comprend pas ce qu’il dit, mais qu’il l’aime comme lui-même ; selon Dion Cassius, LXVIII, 7, 4, l’empereur ne maîtrisait pas la culture rhétorique, mais pensait et agissait comme un homme cultivé ; voir aussi l’Epitome de Caesaribus, 13, 8.
-
[50]
L’idée que le gouvernement d’un seul peut aisément sombrer dans l’hubris est traditionnelle : Hérodote, III, 80 ; Platon, République, IX, 571 c - 572 b (sur la présence des désirs sauvages, tyranniques, chez tous les hommes) ; Lois, IV, 714 a, IX, 875 b-c ; Aristote, Pol., III, 15 (par exemple, § 5, 1286 : toute âme humaine possède des passions). Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 327-331.
-
[51]
Voir Stéphane Benoist, Le prince, magister legum : réflexion sur la figure du législateur dans la Rome impériale, dans Le législateur et la loi dans l’Antiquité. Hommage à Françoise Ruzé. Actes du Colloque de Caen (Caen, 2003), Pierre Sineux (éd.), Caen, Presses universitaires de Caen, 2005, p. 225-240, sur l’activité normative du prince et sur la réflexion au sujet de sa position par rapport aux lois (du Ier au Ve siècle).
-
[52]
Sur ces conceptions, voir Andrew Wallace-Hadrill, Civilis princeps : Between citizen and king, JRS, 72, 1982, p. 32-48.
-
[53]
Or., LVI, 5 : " Ce commandement même dont tu parles, qui consiste à commander l’ensemble des hommes et à donner des ordres aux hommes en étant dispensé de rendre des comptes (3νυπεΑθυνον), s’appelle la royauté " (éd. H. Lamar Crosby, traduction personnelle).
-
[54]
Or., LVI, 5-7. Voir Hérodote, V, 32 ; VII, 20 ; VIII, 3 ; Thucydide, I, 95, 3-6 ; I, 128, 3-134. Dion, comme d’autres intellectuels grecs d’époque romaine qui sont " conservateurs " (Plutarque, par exemple), admire la politeia lacédémonienne et critique la démocratie athénienne.
-
[55]
Sur les libertés que le sophiste prend avec le texte homérique, voir C. Affholder, L’exégèse morale chez Dion de Pruse, BFS, 45, 1966, p. 287-293, en particulier p. 290.
-
[56]
Sur cette conception (et sur celle du roi parfait qui se dégage de l’Odyssée), voir Pierre Carlier, La royauté en Grèce avant Alexandre, Strasbourg, De Boccard, 1984, p. 195-209.
-
[57]
Or., LVI, 8 : τΡς 3ρχΡς ΧπBτροπον.
-
[58]
Or., LVI, 10, traduction personnelle.
-
[59]
Dion s’appuie sur le chant IX de l’Iliade, dans lequel Nestor, devant le Conseil des chefs, rappelle à Agamemnon ses torts et suggère une réparation.
-
[60]
Or., LVI, 11, traduction personnelle.
-
[61]
Platon, Pol., 291 e - 303 e, et Aristote, Pol., III, 14, 15, 1285 b, et 17, 5-8, 1288 a, ont imaginé une figure de roi idéal, semblable à un dieu, qui serait au-dessus des lois écrites. Mais l’existence de ce roi parfait est considérée comme très improbable ; la meilleure solution, dans la réalité, est que le roi soit soumis au respect de la loi (le tyran, inversement, est caractérisé par le non-respect de la loi écrite). Pour la réflexion hellénistique au sujet du respect de la loi des cités, voir H. Volkmann, ôEνδοξος δουλεBα als ehrenvoller Knechtsdienst gegenüber dem Gesetz, Philologus, 100, 1956, p. 52-61.
-
[62]
Aristote, Pol., III, 14, 3-5, 1285 a : c’est le type de la royauté fondée sur la loi et dont la souveraineté est limitée ; le philosophe la conçoit comme une charge de général exercée à vie, selon l’exemple d’Agamemnon dans l’Iliade.
-
[63]
Or., LIII, 11-12.
-
[64]
Dans le discours III, la royauté est définie comme un commandement qui n’est pas soumis à reddition de compte (3νυπεΑθυνος 3ρχΠ, § 43), la loi comme une décision du roi (τ δΑ νπμος βασιλ≅ως δπγμα). Dans le Panégyrique, 65, 1, Pline maintient en revanche l’idéal de l’empereur soumis aux lois. Voir aussi Stéphane Benoist, Le prince, op. cit. (n. 51), p. 233-240.
-
[65]
Aristote, Pol., III, 14, 15, 1285 b.
-
[66]
Or., II, 78 ; Or., III, 60.
-
[67]
Voir Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 301-307 ; p. 308-309 sur la définition des vertus chez les Anciens : " Virtue is the moral quality of a man, whether innate or developed by education and practice. "
-
[68]
Dans les Vies des Césars de Suétone, qui écrivit sous Hadrien, les empereurs sont jugés selon leurs vertus et leurs vices : voir l’analyse d’Eugène Cizek, Structures et idéologies dans Les vies des douze Césars de Suétone, Paris, Les Belles Lettres, 1977, en particulier p. 106-118 (le jeu de l’antinomie entre vertus et vices) et p. 160-167 (l’inspiration " platonicienne ").
-
[69]
Ce modèle du roi perfectionné par un philosophe est aussi représenté dans le quatrième discours Sur la royauté, dans la confrontation entre Alexandre le Grand et le Cynique Diogène (qui, loin de renvoyer le jeune roi par le fameux " te-toi de mon soleil ", comme le veut l’anecdote, entreprend chez Dion de l’éduquer) ; il coexiste avec le modèle du bon roi évoqué par Diogène devant Alexandre.
-
[70]
Sur la nécessité pour les philosophes de régner, ou pour les rois de devenir philosophes, voir Platon, Rép., 473 d.
-
[71]
Or., I, 70-82 ; voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 324-325. Pour d’autres passages opposant le roi et le tyran, voir Or., I, 13-36 ; Or., II, 42-43, 73-77 ; Or., III, 32-35, 39-41 ; Or., IV, 21-22 ; Or., LXII, 2-3.
-
[72]
Voir Francis Dvornik, Early Christian and Byzantine Political Philosophy, t. I, Washington, Dumbarton Oaks, 1966, p. 177-204 ; Pierre Carlier, La royauté, op. cit. (n. 56), p. VII, 234 et 512 ; Pedro Barceló, Basileia, Monarchia, Tyrannis. Untersuchungen zu Entwicklung und Beurteilung von Alleinherrschaft im vorhellenistischen Griechenland, Historia, 79, 1993, p. 11-345.
-
[73]
Platon, Rép., IX, 588 c - 589 a ; Aristote, Pol., III, 16, 5, 1287 a. Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 325-326.
-
[74]
Le roi doit être capable de se contrôler lui-même et de dominer ses désirs chez Platon, Rép., III, 389 d-e ; IV, 431 c-d ; IX, 580 c ; Xénophon, Agés., 10, 2 ; Isocrate, À Nicoclès, 26, 29, 31, et Nicoclès, 29, 36-42 ; cette idée est aussi présente, à l’époque de Dion, chez Musonius Rufus, Les rois, eux aussi, doivent philosopher ; Plutarque, À un chef mal éduqué, 780 A-B.
-
[75]
Or., IV, 12 : Diogène condamne la " fumée de l’orgueil " (θ′φος) du roi. Ce trait, qui faisait aussi référence à la pompe dont s’entouraient certains successeurs d’Alexandre, comme Démétrios Poliorcète, était condamné par les auteurs hellénistiques : voir Andrew Wallace-Hadrill, Civilis princeps, op. cit. (n. 52), p. 33-34.
-
[76]
BMC, III, p. XXXIV.
-
[77]
Pline, Pan., XXI, 1.
-
[78]
Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 312 ; la liste de ces vertus (également courantes) est dressée dans la note 67.
-
[79]
Regula Frei-Stolba, Inoffizielle Kaisertitulaturen im 1. und 2. Jahrhundert n. Chr., Mus. Helv., 26, 1969, p. 18-39, en particulier p. 27, a noté la fréquence des superlatifs utilisés pour caractériser Trajan dans les titulatures non officielles.
-
[80]
Dans le quatrième discours Sur la royauté, les trois mauvais démons dépeints – l’ambitieux, l’avaricieux, le jouisseur – concernent la foule aussi bien que les rois (voir la présentation, § 82-84) ; voir aussi Or., III, 85.
-
[81]
Or., XLIX, 3, trad. Marcel Cuvigny, Les discours bithyniens, op. cit. (n. 24). La suite de la citation exploite cet argument de la fonction politique des philosophes pour affirmer que les rois sensés ont besoin d’eux pour les conseiller.
-
[82]
Max Weber, Économie et société. Les catégories de la sociologie, I, Paris, PUF, 1995, p. 320-336.
-
[83]
Ces vertus récurrentes ne sont pas toujours mentionnées toutes les quatre ensemble, et elles sont parfois aussi associées à d’autres vertus secondaires ; il existe donc une certaine souplesse dans la manière dont le sophiste y fait référence, mais elles n’en constituent pas moins les pivots de sa représentation du bon roi. Voir Or., I, 6 ; II, 54, 70-71, 76 ; III, 5, 7, 32, 58, 60 ; IV, 21, 24 ; LXII, 3-4.
-
[84]
Sur la constitution de ce canon, voir Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 301, 305.
-
[85]
Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 313, 316 ; voir aussi Carlos F. Noreña, The Communication of the Emperor’s Virtues, JRS, 91, 2001, p. 146-168. On peut rapprocher ces vertus " monétaires " des personnifications divines qui entourent Royauté et Tyrannie dans le mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins " du premier discours Sur la Royauté : Justice, Paix, Ordre (Eunomia), Loi (appelé aussi Logos Orthos ou Symboulos) pour l’une, Démesure, Absence de loi, Guerre civile pour l’autre. Justice et Paix apparaissent sur le monnayage de Trajan (voir BMC, III, p. LXV et LXX). Associées avec Eunomia, elles renvoient cependant d’abord aux Heures de la mythologie hésiodique (Théogonie, v. 901-902), qui jouent un rôle essentiel dans la régulation des saisons. Logos Orthos renvoie à Zeus dans la philosophie sto ïcienne : ainsi ces quatre vertus ont-elles une dimension cosmique.
-
[86]
Or., I, 6 ; II, 26, 76 ; IV, 24.
-
[87]
Voir par exemple, pour ΧυνοBα : Or., II, 69 et 76. ΒEπιμελεBα : Or., I, 6 et 15 ; III, 39 ; LIII, 12. E≤εργεσBα : Or., I, 23 ; II, 26 ; IV, 65.
-
[88]
Paul Veyne, Le pain et le cirque. Sociologie historique d’un pluralisme politique, Paris, Le Seuil, 2001 (1976), p. 569-613.
-
[89]
Voir Isocrate, À Nicoclès, 15-16.
-
[90]
Voir par exemple Or., I, 21 ; III, 5 et 62-85 ; LXII, 3.
-
[91]
Esclavage du soleil : Or., III, 73-81. Image du berger du peuple : par exemple, Or., I, 15 ; II, 6. Comparaison d’Agamemnon avec un taureau : Or., II, 65-74. Image du père : par exemple, Or., I, 22 ; III, 5 ; LIII, 12.
-
[92]
Lien entre philanthropie et justice : Or., II, 77. L’image du roi guerrier, très redevable à la conception du roi hellénistique, est particulièrement visible dans la métaphore du taureau (Or., II, 67-72).
-
[93]
Or., I, 20 et 35. Voir Pline, Pan., 86, 4 : l’amour du souverain pour ses sujets légitime la monarchie et la rend populaire.
-
[94]
Louis François, Essai sur Dion Chrysostome : philosophe et moraliste cynique et sto ïcien, Paris, Librairie Delagrave, 1921, p. 80, 89-91, 198 ; Francis Dvornik, Early Christian and Byzantine Political Philosophy, op. cit. (n. 72), t. I, p. 255-258. Pour la même image, voir aussi Stobée, IV, 44, 66.
-
[95]
La métaphore du taureau est tirée de l’Iliade, II, 480-483, et celle du roi " berger des peuples ", ποιμΘν λα″ν, est très fréquente chez Homère ; sur ces deux images, voir Vladimir Valdenberg, La théorie monarchique, op. cit. (n. 10), p. 147 ; la comparaison avec le taureau était utilisée par les Sto ïciens selon Ernst Thomas, Quaestiones Dioneae, Leipzig, Seele, 1909, p. 59 ; elle paraît aussi avoir été exploitée par les anciens Pythagoriciens : leurs adversaires politiques leur reprochaient d’encourager les tyrannies en affirmant qu’il vaut mieux être un taureau un jour plutôt qu’un bœuf toute sa vie, et de louer l’expression homérique " berger des peuples " pour en conclure que les chefs sont d’une autre essence que la foule (Jamblique, Vie de Pythagore, 260, éd. Luc Brisson et Alain Philippe Segonds). Pour l’analyse du vocabulaire philosophique employé, voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 339, note 284. Pour l’usage de la métaphore du roi " berger ", protecteur de son peuple, voir Platon, Rép., I, 345 c-d ; Xénophon, Cyr., VIII, 2, 14.
-
[96]
Platon, Rép., VIII, 568 e ; Xénophon, Cyr., VIII, 1, 1 ; VIII, 1, 44 ; VIII, 2, 9 ; VIII, 8, 1 ; Agés., 7, 3 ; Gottlob Barner, Comparantur inter se Graeci de regentium hominum virtutibus auctores, Marbourg, Schirling, 1889, p. 8. Sur l’image de Cyrus comme père bienveillant pour la société, voir Vincent Azoulay, Xénophon et les grâces du pouvoir. De la charis au charisme, Paris, Publications de la Sorbonne (Histoire ancienne et médiévale), 2004, p. 357-370 (p. 363) : la correspondance entre royauté et paternité apparaît aussi chez Aristote, Éth. à Nic., VIII, 13, 1161 a 10-19 (qui fait référence à Homère), et Pol., III, 14, 15, 1285 b (au sujet de la notion de pambasileia, royauté conçue selon le modèle du pouvoir domestique et susceptible de s’exercer sur plusieurs poleis ou ethnè). Le modèle de l’autorité paternelle, qui s’exerce pour le bien de ceux qui y sont soumis, est utilisé pour réfléchir sur la fin de l’État, Pol., III, 6, 7, 1278 b.
-
[97]
Pline, Pan., 21, 1-4. Sur le refus comme style distinctif de la monarchie romaine, voir Andrew Wallace-Hadrill, Civilis princeps, op. cit. (n. 52), p. 41. Dion fait référence au titre officiel de pater patriae dans Or., I, 22.
-
[98]
Regula Frei-Stolba, Inoffizielle Kaisertitulaturen, op. cit. (n. 79), p. 36-37, a remarqué que les adjectifs indulgentissimus et liberalissimus, qui désignent l’ " État-providence " (pour reprendre son expression), sont souvent employés sous Trajan et Hadrien seulement. Voir aussi Hannah Cotton, The concept of indulgentia under Trajan, Chiron, 14, 1984, p. 245-266 ; plus généralement, sur l’indulgentia principis, voir Mireille Corbier, Le discours du Prince d’après une inscription de Banasa, Ktèma, 2, 1977, p. 211-232 ; Id., Indulgentia principis : l’image et le mot, dans Religio Deorum, Actas del Coloquio internacional de epigrafía : culto y sociedad en Occidente, Marc Mayer (éd.), Sabadell (Barcelone), Ausa, 1988, p. 95-123 (p. 102-105 à propos de Trajan) ; Id., Indulgentia principis : continuità e discontinuità del vocabolario del dono, dans Politica retorica e simbolismo del primato : Roma e Costantinopoli (secoli IV-VII), Atti del Convegno internazionale (Catania, 4-7 ottobre 2001), Febronia Elia (éd.), Catane, Spazio Libri, 2004, t. II, p. 259-277. Pour l’analyse des panneaux de l’arc de Bénévent et le débat à propos de la datation, voir Paul Veyne, Une hypothèse sur l’arc de Bénévent, MEFRA, 72, 1960, p. 191-219 ; Michel Molin, L’arc de Trajan à Bénévent : un monument de la première partie du règne, dans L’Afrique, la Gaule, la religion à l’époque romaine. Mélanges à la mémoire de Marcel Le Glay, Yann Le Bohec et Jean-Louis Voisin (éd.), Bruxelles, Latomus, 1994, p. 716-722. Dans l’arc de Bénévent notamment, l’aspect philanthrope et paternaliste de Trajan se manifeste de manière plus concrète. Le rôle de l’empereur pour dynamiser le commerce et nourrir ses sujets est souligné : ainsi sont exposés l’œuvre portuaire sur le panneau de l’étage moyen, à droite, façade côté ville, et les alimenta sur le panneau de l’étage moyen, à droite, façade côté campagne. Sur les thèmes de la sollicitude de l’empereur pour ses sujets et de son dévouement pour l’Empire sous le Principat, voir en particulier Wolfgang Kuhoff, " Felicior Augusto, melior Traiano " : Aspekte der Selbstdarstellung der römischen Kaiser während der Prinzipatszeit, Frankfort-sur-le-Main - Berlin, Peter Lang, 1993, p. 139-316, en particulier p. 214-236 sur l’arc de Bénévent.
-
[99]
Or., I, 6 et 15 ; III, 51-54. Pour l’importance de cette qualité royale dans la réflexion grecque du IVe siècle avant J.-C., voir Gottlob Barner, Comparantur, op. cit., p. 8 ; piété et dévouement pour les sujets sont aussi mis en avant dans l’ " image publique " de Trajan : voir Eugène Cizek, L’époque de Trajan. Circonstances politiques et problèmes idéologiques, Paris, Les Belles Lettres, 1983, p. 215-220.
-
[100]
Voir Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 301 : chez Platon, Prot., 349 B, l’3ρετΠ était subdivisée en cinq parts constituées par les quatre vertus cardinales et l’τσιπτης ou ε≤σ≅εια ; voir également Xénophon, Agés., III, IV, V, VI, 1-3, VI, 4-8. C’est à partir de l’Eutyphron que Platon limite le nombre des subdivisions à quatre, ce qui donnera lieu au canon philosophique.
-
[101]
Or., I, 6 et 15-16 ; III, 51-57.
-
[102]
Or., III, 51.
-
[103]
Or., I, 37-41 ; II, 75.
-
[104]
Or., III, 52. Sur cette notion (d’obédience sto ïcienne ici) et sur son exploitation par le pouvoir impérial, par Dion et par Pline, voir Jean-Pierre Martin, Providentia deorum. Recherches sur certains aspects religieux du pouvoir impérial romain, Rome, École française de Rome, 1982, p. 233-248.
-
[105]
Or., I, 30-32, et surtout Or., III, 87, 89, 94. Sur le rôle et le titre semi-officiel d’amicus, voir notamment Fergus Millar, The Emperor, op. cit. (n. 24), p. 110-122 ; John Crook, Consilium principis. Imperial Councils and Counsellors from Augustus to Diocletian, New York, Cambridge University Press, 1955.
-
[106]
Or., III, 96-115 ; l’idée que le roi tente de nouer une relation d’amitié avec les dieux apparaît à la fin du développement, § 115. Dans Or., IV, 42 (au sujet des liens d’affection entre dieux et rois), la philia est définie comme une communauté de volonté et d’esprit, une sorte de concorde, τμπνοια ; les Sto ïciens considèrent le cosmos comme une cité universelle pour la communauté des dieux et des hommes, régie par le logos ou raison universelle.
-
[107]
Le bon roi ne dissocie pas son intérêt de celui de ses sujets : Or., III, 39. Une ambivalence similaire se retrouve chez Pline, Pan., 2, 4.
-
[108]
Voir Andrew Wallace-Hadrill, Civilis princeps, op. cit. (n. 52).
-
[109]
εμνπν, Or., I, 71 ; II, 49. Dans le mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins ", la vision de Royauté, digne et " brillante ", est influencée, selon Louis Delatte, Les traités de la royauté, op. cit. (n. 2), p. 196-197, par la notion perse de Hvarena : la gloire royale est créée par Ahura Mazda, comme une sorte de halo lumineux qui entoure le roi et fonde sa légitimité. Comme nous l’avons déjà montré, le deuxième Sur la royauté paraît s’inscrire dans une tradition exégétique d’Homère bien définie.
-
[110]
Or., II, 49 ; cf. Isocrate, À Nicoclès, 19, 32. Dans une perspective proche, le bon roi ne doit pas trop rechercher la gloire : Or., I, 27 ; voir surtout Or., IV, 4, 84-132.
-
[111]
Or., II, 66, 73.
-
[112]
Or., I, 61 ; II, 26. Cf. Isocrate, À Nicoclès, 34. Sur la simplicité et l’intégrité de Trajan, voir Pline, Pan., 49, 5 ; 82, 9 ; son caractère civilis est souligné : Pan., 2, 3 ; 16, 1 ; 63, 2. Sur ses rapports affables avec le peuple et dignes avec le Sénat, voir aussi Dion Cassius, LXVIII, 7, 3.
-
[113]
BMC, III, p. LXX.
-
[114]
Pour une étude du jugement de Dion par rapport à la guerre, voir Harry Sidebottom, Philosophers’ attitudes to warfare under the Principate, dans War and Society in the Roman World, John Rich, Graham Shipley (eds), New York, Routledge, 1993, p. 241-264, en particulier p. 245-256 ; Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 295-299.
-
[115]
Sur la condamnation sto ïcienne de la guerre, voir Marc Pena, Le sto ïcisme et l’Empire romain. Historicité et permanences, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1990, p. 188. Sur l’idéal de la concorde chez Dion de Pruse ou chez ses contemporains, voir Dietmar Kienast, Die Homonoiaverträge in der römischen Kaiserzeit, JNG, 14, 1964, p. 51-64 ; Antonio Pedro Bravo Garcia, Notas sobre el tema de la concordia en Dion de Prusa, Habis, 4, 1973, p. 81-92 ; O. Andrei, Il tema della concordia in Dione di Prusa (Or., XXXVIII ; XXXIX ; XL ; XLI) ; ceti dominanti ed ideologia nel II sec. DC, Studi e ricerche, I, Florence, 1981, p. 89-120 ; A. R. R. Sheppard, Homonoia in the Greek cities of the Roman Empire, Anc. Soc., 15-17, 1984-1986, p. 229-252.
-
[116]
Or., I, 27, 84 ; Or., II, 54, 69, 71.
-
[117]
Or., I, 27. On peut comparer ce message avec celui d’émissions monétaires un peu postérieures, datant d’après la victoire contre les Daces ; voir BMC, III, p. LXXV, pour une monnaie avec un aigle sur le sceptre (symbole de Jupiter Conservator selon Harold Mattingly, cf. BMC, II, p. 309, no 51), ou pour une monnaie avec la couronne civique dédiée à l’Optimus Princeps, sauveur de la patrie, qui a préservé les vies de son peuple.
-
[118]
Or., IV, 43-44 ; cette opposition, qui s’inscrit dans l’antithèse générale entre le bon roi et le tyran, apparaît aussi chez Suétone, Tib., 32.
-
[119]
Pour une étude détaillée de ce mythe, voir John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 318-331.
-
[120]
Or., I, 12 ; Il., II, 206. Sur le sens des thémistes, voir Pierre Carlier, La royauté, op. cit. (n. 56), p. 192-193 : ce sont les décisions politiques ou judiciaires et les règles de vie en société. Sur la présence de l’idée d’élection divine dans l’Iliade, voir J. Rufus Fears, Princeps a diis electus, op. cit. (n. 17), 1977, p. 29-34.
-
[121]
Suétone, Auguste, 94 ; sur le développement de la " théologie jovienne du pouvoir ", voir J. Rufus Fears, Princeps a diis electus, op. cit. (n. 17), p. 189-252.
-
[122]
Or., I, 45-46, et 84 (Héraclès protecteur des rois et destructeur des tyrans) ; II, 75-78. L’idée que les dieux élèvent les rois vertueux, mais sont courroucés contre les autres, apparaît aussi chez Plutarque, À un chef mal éduqué, 781 A.
-
[123]
Pan., 67, 4-7 : Trajan lie ainsi sa sauvegarde à celle des hommes soumis à son pouvoir ; la bienveillance des dieux à son égard dépend de sa propre bienveillance à l’égard de ses sujets.
-
[124]
Or., IV, 31 : cette paideia est aussi appelée courage (andreia) ou grandeur d’âme (megalophrosunè). Sur la théorie de la double éducation qui est développée dans ce passage, voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 344. Voir aussi Or., I, 64-65, à propos des bonnes impulsions que Zeus a insufflées à son fils Héraclès ; Or., II, 78 : on pense qu’Héraclès est fils de Zeus à cause de sa vertu.
-
[125]
Or., IV, 21 ; il est aussi question d’une connaissance royale, épistémè (§ 26), sans qu’on sache davantage si connaissance, art et éducation désignent ici la même chose.
-
[126]
Or., LIII, 11.
-
[127]
Or., I, 37-38 ; voir les correspondances avec le Pseudo-Aristote, Sur le cosmos, 7. Voir aussi Or., LIII, 12, sur le dévouement paternel de Zeus.
-
[128]
Or., I, 75. Voir aussi Or., I, 37-38 ; IV, 39-43. Cette relation d’imitation divine est aussi présente dans la comparaison du roi avec le taureau du deuxième discours Sur la royauté. C’est Apollon qui est donné à imiter dans le troisième discours, juste après la métaphore de l’esclavage du soleil (§ 82).
-
[129]
Pour l’analyse des liens métaphoriques entre Zeus et le roi, voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 337-338.
-
[130]
Platon, Alcibiade, 133 a-c ; Eusèbe, Praep. Ev., XI, 27, 5 ; Stobée, III, 21, 24. Pour la présence de cette notion dans le sto ïcisme moyen, voir Cicéron, De la nature des dieux, II, 14, 37 = SVF, II, 1153 von Arnim.
-
[131]
Sur les traces d’une influence sto ïcienne dans ces traités, voir Francis Dvornik, Early Christian and Byzantine Political Philosophy, op. cit. (n. 72), t. I, p. 253, 258, 261 et 263.
-
[132]
Musonius Rufus, Les rois, eux aussi, doivent philosopher (Or., VIII ; voir Musonius Rufus, Entretiens et fragments : introduction, traduction et commentaire, Armand Jagu (éd.), Hildesheim-New York, Olms, 1979, p. 45) ; Plutarque, À un chef mal éduqué, 780 C. Voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 341-342.
-
[133]
Il n’utilise pas non plus la notion de " loi animée " comme le font Musonius Rufus et Plutarque, après les auteurs des traités hellénistiques.
-
[134]
Sur la conception de Trajan comme vice-régent des dieux, voir Francis Dvornik, Early Christian and Byzantine Political Philosophy, op. cit. (n. 72), t. II, p. 503-504 ; J. Rufus Fears, Princeps a diis electus, op. cit. (n. 17), p. 145-153, 225-237.
-
[135]
Voir aussi Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 300 et 308.
-
[136]
Sur cette aura chez Pline, voir Eugène Cizek, L’époque de Trajan, op. cit. (n. 99), p. 20, 210-215, 231-232 ; Martin Fell, " Optimus Princeps ? " Anspruch und Wirklichkeit der imperialen Programmatik Kaiser Trajans, Munich, Tuduv, 1992, p. 22-27, et p. 106 sur l’opposition entre la " zone diffuse " dans laquelle Pline situe l’empereur et la hiérarchie clairement établie chez Dion entre les hommes, le roi, les dieux ; sur les relations entre Trajan et les dieux dans le Panégyrique, Daniel N. Schowalter, The Emperor and the Gods, Minneapolis, Fortress Press, 1993, p. 67-80.
-
[137]
Sénèque, De la clém., I, 2 ; I, 3, 5-I, 4, 1.
-
[138]
Plutarque se montre aussi hostile à l’idée de la divinisation du roi ; Francis Dvornik, Early Christian and Byzantine Political Philosophy, op. cit. (n. 72), t. I, p. 273-276, et t. II, p. 542-545.
-
[139]
Or., I, 61 et 63. Selon M. I. Rostovtseff, Histoire économique et sociale de l’Empire romain, trad. O. Demange, Paris, 1988, p. 102, le mythe d’ " Héraclès à la croisée des chemins " propose à l’empereur des " normes éternelles ". Cette interprétation est acceptée par Arnoldo Momigliano, Dio Chrysostomus, op. cit. (n. 40), p. 263, par Paolo Desideri, Dione di Prusa, op. cit. (n. 8), p. 304 et 309, par John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 312-316, 331-333 et 336-337. Contra Christopher P. Jones, The Roman World, op. cit. (n. 40), p. 115.
-
[140]
BMC, III, p. 38, no 53, pl. 10.3 ; Julian Bennett, Trajan Optimus Princeps. A Life and Times, Londres-New York, Routledge, 1997, p. 71-72.
-
[141]
Sur les convergences entre le sto ïcisme et l’idéologie impériale, voir Marc Pena, Le sto ïcisme, op. cit. (n. 115), p. 181, 211, 215 et 219-223. Voir aussi un autre type monétaire représentant Trajan qui porte avec l’aide d’un sénateur le globe céleste, entouré de la bande oblique du cercle zodiacal. La légende est PROVIDENTIA SENATUS (cette monnaie souligne surtout la concorde entre l’empereur et le Sénat) : BMC, III, p. 38, no 55*, pl. 10 . 4.
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[142]
Martin Galinier, L’image publique, op. cit. (n. 28), p. 125, interprète cette disposition comme un " écho suggestif à la définition du bon souverain selon Dion Chrysostome " ; p. 126, il renvoie à la découverte sur le forum de Trajan d’un relief aujourd’hui perdu qui associait les têtes de Trajan, Mercure et Hercule.
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[143]
Klaus Fittschen, Das Bildprogramm des Trajansbogens zu Benevent, Archäologischer Anzeiger, 87, 4, 1972, p. 742-788, en particulier p. 778, interprète Mercure et Hercule comme des divinités protectrices des marchands ; il semble plus probable qu’Hercule soit le héros à la fois de la vertu et de la victoire militaire, qui apparaît sur les monnaies vers 100, puisque l’arc de Bénévent célèbre essentiellement la victoire dacique de Trajan.
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[144]
BMC, III, p. XCII.
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[145]
Gunnar Seelentag, Taten und Tugenden, op. cit. (n. 24), p. 448-454.
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[146]
Andrew Wallace-Hadrill, The Emperor, op. cit. (n. 11), p. 316.
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[147]
Voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 268-269.
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[148]
Or., IV, 70.
-
[149]
Or., LX, 7 : la peau de lion d’Héraclès est le symbole de son endurance et de sa maîtrise de soi.
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[150]
Or., IV, 70, traduction personnelle.
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[151]
Sur l’imitation d’Héraclès par Alexandre, qui semble avoir eu un caractère historique, voir Waldemar Heckel, John C. Yardley, Alexander the Great : Historical Texts in Translation, Malden (Mass.) - Oxford, Carlton-Blackwell, 2004, p. 208.
-
[152]
Maria Jaczynowska, Le culte de l’Hercule, op. cit. (n. 28), p. 633-634. À partir du IIe siècle avant J.-C., l’Hercule romain est devenu le dieu de la victoire (voir ibid.).
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[153]
Suétone, César, 7.
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[154]
Maria Jaczynowska, Le culte de l’Hercule, op. cit. (n. 28), p. 633 : Q. Fabius Maximus Aemilianus, fils de Paul-Émile et consul en 145, avait sacrifié une victime à l’Hercule de Gadès au début de la guerre contre les Lusitaniens ; p. 636-637 sur la pluralité des traditions romaines auxquelles a puisé Trajan (mais, selon l’auteur, l’Hercule du type monétaire apparu vers 100 est le dieu de Gadès).
-
[155]
Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 260-273.
-
[156]
Sur les rapports de Trajan avec les Flaviens, voir la mise au point d’Harry Sidebottom, Dio of Prusa, op. cit. (n. 5), qui remet en cause l’opinion habituelle selon laquelle Dion aurait été un amicus de Vespasien et de Titus. Contra John L. Moles, Dio und Trajan, dans Philosophie und Lebenswelt in der Antike, Karen Piepenbrink (éd.), Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2003, p. 187-207. Rappelons que Dion, qui semble avoir été proche de Nerva, n’a pu rejoindre celui-ci à Rome durant son règne (selon son propre témoignage).
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[157]
Voir Fergus Millar, The Emperor, op. cit. (n. 24), p. 114 ; John L. Moles, The kingship orations, op. cit. (n. 10), p. 332 ; Id., Dio und Trajan, op. cit. ; Paul Veyne, L’Empire gréco-romain, Paris, Le Seuil, 2005, p. 241 ; Antonino M. Milazzo, Dimensione retorica e realtà politica, op. cit. (n. 44), p. 80-81 ; contra Christopher P. Jones, The Roman World, op. cit. (n. 40), p. 115-119 ; Sylvia Fein, Die Beziehungen der Kaiser Trajan und Hadrian zu den Litterati, Stuttgart, Teubner, 1994, p. 233-236 ; Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 347. Harry Sidebottom, Dio of Prusa, op. cit. (n. 5), p. 454, n. 62, exprime également des réserves.
-
[158]
Or., XLV, 3 ; XLVII, 22.
-
[159]
Or., XLV, 3 : Dion n’a pas profité de la bienveillance que lui montrait l’empereur (à l’occasion de l’ambassade envoyée par Pruse au début du règne de Trajan ?) pour demander une faveur personnelle – richesse, charge ou pouvoir – mais il a usé de son crédit seulement pour le bien de sa cité.
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[160]
Pline, Lettres, X, 81, 82.
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[161]
Philostrate, Vie d’Ap., V, 27-38 : Dion joue alors le rôle du défenseur de l’aristocratie, ce qui renverrait plutôt à la conception politique exprimée dans l’Agamemnon (Or., LVI), qui prône un régime mixte, une royauté tempérée par l’aristocratie. Le sophiste affirme que la royauté est la meilleure forme de gouvernement dans Or., III, 45 ; l’aristocratie vient en seconde position (§ 45-46).
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[162]
Philostrate, Vies de sophistes, 489, traduction personnelle.
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[163]
Voir, par exemple, Sylvia Fein, Die Beziehungen, op. cit., p. 233 ; Antonio M. Milazzo, Dimensione retorica e realtà politica, op. cit. (n. 44), p. 56. Pour l’analyse du caractère symbolique de cette anecdote, voir Tim Whitmarsh, Reading power in Roman Greece : The paideia of Dio Chrysostom, dans Pedagogy and Power : Rhetorics of Classical Learning, Y. L. Too, N. Livingstone (eds), Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 192-213, en particulier p. 208-209. L’auteur explique cette anecdote par l’incompréhension de Trajan pour la paideia grecque ou pour son indifférence aux propos du sophiste, dans la mesure où la présence de Dion à ses côtés souligne son caractère libéral.
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[164]
Thémistios, V, 63 d.
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[165]
Photios, Bibl. cod. 209, et la Souda, s.v. Dion, rapportent que Dion a passé beaucoup de temps dans la société de Trajan (ce qui semble être une glose du terme sunètheia employé par Dion, Or., XLV, 3, et XLVII, 22) et qu’il a obtenu le très grand honneur de s’asseoir à ses côtés dans le char impérial. Aréthas de Césarée, qui fut l’élève de Photios, semble tributaire de la Vie d’Apollonios de Tyane : il présente le sophiste comme un amicus de Vespasien auquel il croit qu’étaient destinés les discours Sur la royauté.
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[166]
Eutrope, Abrégé de l’Histoire romaine, VIII, 2. Voir Martin Galinier, L’image publique, op. cit. (n. 28), p. 115-117.
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[167]
Dans le deuxième discours Sur la royauté, il est aussi brièvement question du philosophe Aristote, précepteur d’Alexandre le Grand. Pour l’analyse de la figure du philosophe, voir Anne Gangloff, Dion Chrysostome, op. cit. (n. 10), p. 342-348.