Couverture de RHIS_081

Article de revue

Quand vertu vient de l'étude des bonnes lettres.

L'éducation humaniste des Enfants de France de François Ier aux derniers Valois

Pages 33 à 59

Notes

  • [1]
    Anatole de Montaiglon (éd.), Latin Themes of Mary Stuart, Queen of Scots, Londres, Warton Club, 1855, p. 4-5 : Lettre de Marie Stuart à Isabelle de Valois en 1554.
  • [2]
    Joël Cornette, Le savoir des enfants du roi sous la Monarchie absolue, dans Le savoir du Prince, Ran Halévi (dir.), Paris, Fayard, 2002, p. 113-114.
  • [3]
    Ibid., p. 117 ; Isabelle Flandrois, L’Institution du Prince au début du XVIIe siècle, Paris, PUF, 1992, p. 2 ; Guillaume Budé, De l’institution du Prince, L’Arrivour, 1547, in-fol. ; François Rabelais, Gargantua, Lyon, 1532, in-4o ; Jean Brèche, Manuel royal, Tours, chez Mathieu Chercelé, 1541, in-4o ; Jean Brèche, Premier livre de l’honneste exercice du Prince, Paris, Enseigne la Fontaine rue Saint-Jacques, 1544, in-4o ; Claude d’Espence, Institution d’un prince chrétien, Lyon, Jean de Tournes, 1548, 75 p. ; Pierre Boaistuau (trad.), L’histoire de Chelidonius Tigurinus sur l’Institution des princes chrestiens et origine des royaumes, Paris, chez V. Sertenas, 1559, 143 fol. ; Michel de l’Hospital, De Sacra Francisci II, Galliarum regis, initiatione, regnique ipsius administrandi providentia, Paris, chez F. Morellum, 1560, in-4o ; Étienne Pasquier, Pourparler du Prince, Paris, chez V. Sertenas, 1560, in-8o ; Pierre de Ronsard, Institution pour l’adolescence du Roy très chrestien, Charles IXe de ce nom, Paris, chez Buon, 1562, in-4o ; Jean Talpin, Institution d’un prince chrestien, Paris, N. Chesneau, 1567, 80 fol. ; Jacques Amyot, Projet d’éloquence royale, Paris, Les Belles Lettres, 1992, 99 p.
  • [4]
    Robert J. Knecht, François Ier et le « miroir des princes », dans Le Savoir du Prince, Ran Halévi (dir.), Paris, Fayard, 2002, p. 85.
  • [5]
    Nathalie Blancardi, Les petits princes : enfance noble à la cour de Savoie au XVe siècle, Cahiers lausannois d’histoire médiévale, 28, 2001, p. 29.
  • [6]
    François Ier et le « miroir des princes », dans Le Savoir du Prince, op. cit. (n. 4), p. 97.
  • [7]
    Ibid., p. 88.
  • [8]
    Introduction de Bernard Jolibert du De Pueris d’Érasme, traduit par Pierre Saliat, Paris, Klincksieck, 1990, p. 10-13.
  • [9]
    Plutarque, De Liberis educandis e greco traductus, par Guarino de Verone (1374-1460), s.l., s.d., in-4o ; traduction rééditée en 1514 à Paris ; réédité encore dans Pietro Paolo Vergerio, De Ingenuis moribus, Paris, 1494, in-4o.
  • [10]
    Érasme, Institutio principis christiano, saluberrimis referta praeceptis per Erasmum cum aliis nonnullis eodem pertinentibus [...] Isocrates ad Nicoclem regem de intsitutione principis, Lovanii, apud T. artinum Alustensem, 1516, in-4o.
  • [11]
    Introduction de Bernard Jolibert du De Pueris d’Érasme, op. cit. (n. 8), p. 19-22.
  • [12]
    Juan Luis Vives, De Institutione foeminae christianae, Antverpiae, apud M. Hillenium Hoochstratanum, 1524, in-4o : « Les femmes savantes sont suspectes à beaucoup de gens, qui pensent que la science ne peut que nourrir leur malignité innée. Je ne plaide pas pour qu’on enseigne à une femme les connaissances qui pourraient la conduire à la tromperie au détriment des bonnes mœurs et de la vertu (...) Qu’elle apprenne donc à lire avec des livres qui lui inculquent les bonnes manières, et si elle apprend à écrire, que ce ne soit pas avec des poésies ou des chansons oiseuses, mais avec des exemples vertueux et prudents, extraits de la Sainte Écriture ou des œuvres de philosophes (...). La femme ne doit pas suivre son propre jugement, de peur qu’avec ses faibles connaissances elle ne se prenne pour sage et savante » (cité dans David Cressy, Education in Tudor and Stuart England, London, E. Arnold, 1975, p. 106).
  • [13]
    Jacques Amyot n’est plus précepteur mais grand aumônier de France lorsqu’il offre son Projet d’éloquence royale à Henri III en 1579.
  • [14]
    BnF, Clairambault 835, p. 2369-2395 ; BnF, Clairambault 836, p. 2631-2661 ; voir la thèse de Cédric Michon, La crosse et le sceptre. Les prélats d’État sous François Ier et Charles VIII, Paris, Tallandier, 2007.
  • [15]
    BnF, Ms. fr. 3007, fol. 129-134 ; BnF, Clairambault 835, p. 2369-2395.
  • [16]
    BnF, Ms. fr. 20508, fol. 12 ; BnF, Ms. fr. 3010, fol. 92.
  • [17]
    Jean Plattard, dans L’humaniste Théocrenus en Espagne, Revue du Seizième siècle, XVI, 1929, p. 3, évoque une correspondance échangée avec Pedro Plaza et Diego Gracian de Alderete ; voir, au sujet du mouvement d’Alcala et du rôle de Diego Gracian dans la défense des œuvres d’Erasme dès les années 1527, Marcel Bataillon, Érasme et l’Espagne, t. 1, Genève, Droz, 1991, p. 285-287.
  • [18]
    Aloïs Gerlo (dir.), La correspondance d’Érasme, Bruxelles, Bruxelles, University Press, 1977, vol. VI, p. 563-564.
  • [19]
    Bibl. nat. Madrid, E47, fol. 358, Dixit mihi verbis tuis dominus Petrus de Peralta tibi me remgratam facturum, si ad te quamprimum mitterem libellum De Tranquillitate animi quem olim in notratem linguam verti. »
  • [20]
    P. Pius Bonifacius Gams, Series Episcoporum ecclesiae catholicae, quotquot innotuerunt a Beato Petro Apostolo, Ratisbonae, Typis et Sumtibus Georgii Josephi Manz, 1973, p. 555 : il est évêque de Grasse de 1534 à 1536 et meurt en charge.
  • [21]
    Benedicti Theocreni episcopi Grassensis, regis Francisci liberorum praeceptoris, poemata, quae juvenis admodum jusit, Ex officina Marnefiorum fratrum, sub Pelicano, Pictavii, 1536 (mois de mars), in-4o, 32 fol.
  • [22]
    Ibid., pièces 1, 2, 5, 9, 10, 28, 29, 37, 38, 41, 43, 46, 47, 52 ; La Correspondance d’Érasme..., op. cit. (n. 18), p. 363 : Théocrène aurait occupé une charge de secrétaire de la ville de Gênes.
  • [23]
    Marie-Madeleine de la Garanderie, Christianisme et lettres profanes. Essai sur l’Humanisme français (1515-1535) et sur la pensée de Guillaume Budé, Paris, Honoré Champion, 1995, p. 148 : elle évoque en effet des liens épistolaires entre Théocrène, Salmon Macrin et Germain de Brie à l’occasion notamment du décès de François Deloynes en juillet 1524.
  • [24]
    Clément Marot, Adolescence clémentine, Paris, Le Livre de poche, « Classique », 2005, p. 291.
  • [25]
    BnF, Clairambault 836, p. 2631-2661.
  • [26]
    Jacques Danès, Abrégé de la vie du célèbre Pierre Danes, ambassadeur du roy François Ier au Concile de Trante, evesque de Lavaur, precepteur et confesseur de François II, Paris, chez Quillau, 1731, p. 6.
  • [27]
    Ibid., p. 3 ; voir aussi l’Épigramme de Charles Bailly et oraison funèbre composée par Genebrard en 1577.
  • [28]
    M.-L. Delaruelle, Deux lettres inédites de Pierre Danès, Mélanges d’Archéologie et d’Histoire (Mélanges de l’École française de Rome), 19, 1899, p. 167-182.
  • [29]
    BnF, Clairambault 836, p. 2631-2661.
  • [30]
    Jacques de Corneillan est évêque de Vabres de 1547 à 1561, puis occupe l’évêché de Rodez de 1562 à 1565 ; voir Nicole Lemaître, Le Rouergue flamboyant. Le clergé et les fidèles du diocèse de Rodez, 1417-1563, Paris, Cerf, 1988, p. 418.
  • [31]
    Georges Soubeille, Humanistes en pays d’Oc, Toulouse, Éditions universitaires du Sud, 2006, p. 31-33.
  • [32]
    Ibid., p. 57-60 ; traductions des lettres 4 et 31 des Epistolae in italica pereginatione exaratae, Venise, 1548, p. 83-94 et 151-155.
  • [33]
    Nathalie Blancardi, Les Petits Princes..., op. cit. (n. 5), p. 35 : Pierre Aronchel fut ainsi précepteur de Charlotte, Annabelle et Marguerite de Savoie.
  • [34]
    Nicholas Orme, From Childhood to Chilvary. The Education of the English Kings and Aristocracy, 1066-1530, Londres, Methuen, 1984, p. 27-28.
  • [35]
    BnF, Clairambault 835, p. 2353-2368 ; BnF, Clairambault 836, p. 2631-2661 et 2537-2631.
  • [36]
    BnF, Ms. fr. 11207, fol. 227 vo.
  • [37]
    BnF, Clairambault 836, p. 2537-2631.
  • [38]
    Ibid., p. 2537-2631.
  • [39]
    Nancy Lyman Roelker, Jeanne d’Albret, reine de Navarre (1528-1572), Paris, Imprimerie nationale, 1979, p. 30 ; Bernard Berdou d’Aas, Jeanne d’Albret. Chronique (1528-1572), Anglet, Atlantica, 2002, p. 56.
  • [40]
    Michel Duchein, Élisabeth Ire d’Angleterre. La parole et la séduction, Paris, Fayard, 1992, p. 54.
  • [41]
    BnF, Ms. fr. 3108, Ms. fr. 3116, Ms. fr. 3120, Ms. fr. 3133, Ms. fr. 3134.
  • [42]
    Hector de la Ferrière, Lettres de Catherine de Médicis, vol. 1, Paris, Imprimerie nationale, 1880-1905.
  • [43]
    BnF, Ms. fr. 3116, Ms. fr. 3133, Ms. fr. 3150.
  • [44]
    M. N. Tommaseo, Relations des ambassadeurs vénitiens sur les affaires de France au XVIe siècle, t. 1, Paris, Imprimerie royale, 1838, p. 285 et 373. Les avis sur l’instruction des jeunes princes peuvent même s’avérer très contradictoires : ainsi au sujet du futur Charles IX, Jean Capello le décrivait, en 1554, « d’une figure agréable, d’un cœur généreux, il aime les lettres, il a du talent », alors qu’en 1561 Jean Michel retenait de sa mission diplomatique que « l’étude ne l’amuse guère ; il s’y résigne cependant pour obéir à sa mère, mais comme il ne s’y livre pas de bon cœur, il fera peu de progrès » (cf. ibid., t. 1, p. 373 et 423).
  • [45]
    Les petits princes..., op. cit. (n. 5), p. 23.
  • [46]
    BnF, Ms. fr. 11207.
  • [47]
    Danièle Alexandre-Bidon, La lettre volée. Apprendre à lire à l’enfant au Moyen Âge, Annales ESC, 44, 1989, p. 972.
  • [48]
    BnF, Ms. fr. 11207, fol. 227 vo.
  • [49]
    Ibid., fol. 199 vo.
  • [50]
    François Genin, Lettres de Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier reine de Navarre, t. 2, Paris, Renouard, 1841, p. 70-71.
  • [51]
    BnF, Ms. fr. 2915, fol. 31.
  • [52]
    BnF, Ms. fr. 3037, fol 5, à dater d’avant janvier 1528 où ils furent transférés à Pedrazza.
  • [53]
    BnF, Ms. fr. 5116, fol. 24-31.
  • [54]
    Les Petits Princes..., op. cit. (n. 5), p. 35.
  • [55]
    De Torsay, La vie, mort, et tombeau du haut et puissant seigneur Philippe de Strozzi, chevalier des deux ordres du Roy, conseiller en ses conseils d’estat et privé, capitaine de cinquante hommes d’armes, colonel général de l’infanterie françoise et despuis amiral en l’armée de Mer dressee par la Roine..., Paris, chez Guillaume Le Noir, 1608, p. 408.
  • [56]
    BnF, Ms. fr. 11207, fol. 95.
  • [57]
    BnF, Ms. fr. 2915, fol. 29.
  • [58]
    Ursula Baurmeister, Marie-Pierre Lafitte, Des Livres et des Rois. La Bibliothèque royale de Blois, Catalogue de l’exposition tenue au château de Blois et à la Bibliothèque nationale de France en 1992, Paris, Bibliothèque nationale, 1992, p. 224.
  • [59]
    Plutarque, Recueil des haultz et nobles faictz de plusieurs femmes vertueuses, escript premierement en grec par Plutarque et maintenant traduict en françoys, Paris, chez Olivier Mallard libraire et imprimeur du Roy, 1538, in-8o.
  • [60]
    BnF, Ms. latin 8660 ; Anatole de Montaiglon, Latin themes..., op. cit. (n. 1).
  • [61]
    Frank-A. Mumby, The Girlhood of Queen Elizabeth. A Narrative in Contemporary Letters, London, Constable & Co., 1909, p. 25-26.
  • [62]
    Latin themes..., op. cit. (n. 1), p. 6-8.
  • [63]
    Diluculum ou « Point du Jour », dialogue entre Néphale et Philypne sur les vertus du réveil matinal pour la formation de l’esprit, dans Érasme, Les Colloques, trad. Victor Delevay, Paris, Librairie des Bibliophiles, 1876, t. 3, p. 145-157.
  • [64]
    Latin Themes..., op. cit. (n. 1), p. 64-65.
  • [65]
    Ibid., p. 30-31.
« Je vous escrivoi hier (ma seur) que vertu vient de l’estude des bonnes lettres, et pour ce a nous princesses sont-elles plus necessaires qu’aux autres. Car tout ainsi qu’un prince surmonte ses subjects en richesses, en puissance, en autorité et commandement : ainsi doit estre entre tous le plus grand en prudence, en conseil, en bonté, en grace, et toute sorte de vertu. » [1]

1La jeunesse de la plume n’enlève rien à la sagesse du discours. Du haut de ses 12 ans, et sous couvert d’une correspondance épistolaire qui n’est ni plus ni moins qu’un exemple des exercices pédagogiques de son temps, la jeune Marie Stuart dépose de quelques mots soigneusement distillés les ornements essentiels au portrait d’un prince humaniste de la Renaissance. Tous les poncifs du bon prince sont ici rassemblés et savamment mis en contradiction pour faire du juste équilibre de la force et de la raison l’essence du bon gouvernement. Ainsi, à l’ascendant que confère la fortune, la jeune princesse oppose l’indispensable usage de la prudence qui prévient de l’éphémère des richesses terrestres. Face au pouvoir que lui inspire la puissance de son rang, Marie suggère au prince le gouvernement en conseil qui le garde de la tyrannie. Aux côtés de l’orgueil que peut engendrer l’autorité naturelle du prince, la jeune élève avance la bonté indispensable à celui qui doit agir en bon père de ses sujets. Enfin, à la supériorité que lui donne le commandement suprême, elle propose la clémence d’un prince agissant en juge. Le portrait est finalement très classique, du moins ressemble-t-il à s’y tromper à l’idéal diffusé à la même époque par les Miroirs et Institutions du Prince, celui d’un souverain pondérant la force née de son rang et de sa fonction par la sagesse d’une éducation appropriée à sa charge. Cependant, si ce portrait ne revêt que peu d’originalité, si ce discours relève probablement davantage de la pensée du précepteur de la jeune princesse, ce document présente l’intérêt remarquable de mettre en lumière la conception du prince savant enseignée auprès de la jeunesse princière de la cour de France. Car, en proposant ce thème d’exercice pédagogique, le précepteur de la jeune Marie Stuart – qui devait être également celui d’Élisabeth de Valois – invitait ses royales élèves à méditer sur l’importance du savoir et de l’étude des bonnes lettres pour acquérir les vertus nécessaires au rang auquel elles étaient prédestinées. Alors que l’intérêt suscité par les traités d’éducation du prince a longtemps éclipsé la définition du réel savoir dispensé aux jeunes princes de France au profit d’un exposé très théorique sur les réflexions pédagogiques du temps, ces propos liminaires de Marie Stuart sont ici une belle invitation à venir mesurer la pénétration de l’idéal humaniste dans le savoir prodigué aux princes et princesses de France évoluant à la cour des enfants de François Ier et des derniers Valois. En effet, à l’époque où s’épanouit ce style littéraire de l’Institution du Prince, se met en place la petite cour des Enfants de France organisée autour d’un véritable vivier de princes que constituent les nombreuses fratries des enfants de François Ier et d’Henri II, sans que pour autant on se soit intéressé jusque-là à l’éducation et au savoir qui leur étaient dispensés. Une réflexion qui impose dans un premier temps de réévaluer la place à accorder aux traités d’éducation du prince dans l’analyse du savoir réservé à ces enfants royaux.

À l’OMBRE DES INSTITUTIONS DU PRINCE

2L’épanouissement du genre littéraire de l’Institution du Prince au XVIe siècle a concentré l’intérêt des historiens pour le savoir des monarques de la Renaissance, sur l’intention pédagogique et philosophique des hérauts de l’humanisme ou de leurs apôtres que diffusait largement cette production d’un nouveau type. Le savoir du prince de la Renaissance a ainsi tendance, aujourd’hui encore, à rimer exclusivement avec Miroirs et Institutions du Prince au point d’assimiler, souvent involontairement, l’éducation réelle du prince aux visions idéalisées que distillent ces traités d’éducation. Il est vrai que le phénomène est d’importance. De ce que Joël Cornette définit comme « les traités d’éducation spécialisés destinés aux futurs souverains », il dresse une généalogie ramenant les origines au Regimine principum de Gilles de Rome composé entre 1277 et 1278 pour le futur Philippe le Bel ou au Rosier des Guerres commandé en 1482 par Louis XI pour son fils Charles VIII [2]. La postérité affirma le genre introduit par ces deux textes et dont l’essence reposait alors sur une série d’exempla puisés dans les grandes figures bibliques, antiques ou dynastiques et offerte en modèles aux jeunes héritiers de la couronne. Érasme lui offrit ses lettres de noblesse avec l’Institutio principis christiani qu’il dédie en 1516 à Charles d’Autriche ; suivra dès lors en France une longue tradition d’éducateurs royaux depuis Guillaume Budé à Jacques Amyot en passant par Claude d’Espence, Michel de L’Hospital, Étienne Pasquier, Pierre Ronsard, et bien d’autres encore qui s’éprirent de réflexions pédagogiques [3]. Mais le foisonnement de ces traités d’éducation du prince allait de pair avec l’appauvrissement de la forme et l’épuisement du fond caractérisant ces écrits d’un manque d’originalité du sujet et d’une absence de qualité stylistique du texte, pour devenir finalement un support rhétorique du discours adressé aux souverains. En effet, ces traités se teintent au fil du XVIe siècle d’une exaltation des vertus personnelles d’une figure utopique du prince devant briguer de concert savoir humaniste et valeurs traditionnelles ; une évolution qui fait alors tendre ces écrits vers le panégyrique courtisan. C’est ainsi que Robert Knecht en vient à conclure que l’ouvrage de Guillaume Budé n’avait pour objectif que d’informer, distraire et attirer les faveurs du roi et bien moins de réfléchir à ce qui devait constituer le savoir d’un monarque de la Renaissance [4].

3Quelle pouvait donc être l’incidence réelle de tels écrits théoriques sur le savoir attendu et enseigné aux futurs souverains quand force est de constater qu’ils sont presque toujours dédiés, au XVIe siècle, à un souverain en pleine jouissance de son autorité et non à un enfant dans l’attente de sa couronne. Guillaume Budé dédie son Institution du Prince en 1518 à François Ier lorsque ce dernier est dans sa troisième année de règne ; de même, Symphorien Champier, pour son entreprise du Régime d’un jeune prince, dédicace son manuscrit à Louise de Savoie quand son fils a déjà revêtu la couronne et le sceptre. De la même manière, Érasme ne dédie-t-il pas son Institutio principis christiani à Charles de Habsbourg, alors roi d’Espagne et archiduc d’Autriche en 1516 ? Il en va également ainsi de l’Institution pour l’adolescence du roi que Pierre de Ronsard destine à Charles IX en 1562 ou encore du Projet d’éloquence royale que Jacques Amyot offre à Henri III en 1579. Sans nier pour autant l’intérêt des traités d’éducation du prince à la Renaissance, ne sommes-nous pas contraints de les replacer à leur juste mesure dans la compréhension des logiques pédagogiques destinées à la gent princière ? Si l’on considère qu’en Bourgogne Charles le Téméraire quittait son précepteur à l’âge de 12 ans, ou encore qu’en Angleterre les jeunes aristocrates achevaient leur éducation à 14 ans, ces Institutions du Prince arrivaient un peu tard pour avoir une réelle fonction prescriptive de préceptes éducatifs, à l’exception peut-être de Charles IX alors mineur lorsque Pierre de Ronsard lui dédie son texte [5]. De même, ces textes ne semblent pas s’apparenter à des actes de candidature à la charge de précepteur des enfants royaux, dans la mesure où leur publication ne coïncide jamais avec les années au cours desquelles les princes devaient être placés sous la tutelle de leurs précepteurs. Certes, la profusion de ce type de traités autour des années 1559-1567 pourrait suggérer une conjonction entre leur publication et la nécessité d’éduquer les cadets du jeune François II cependant, ces derniers bénéficiaient déjà des enseignements de Jacques Amyot et, par ailleurs, le contenu de ces écrits relève davantage d’un plaidoyer pour la légitimité de souverains que la jeunesse voire la minorité, faisaient chanceler à l’aube des premières guerres civiles. Ces traités d’éducation du prince mettent donc en scène le savoir idéal du prince humaniste et chrétien à la Renaissance, mais ils ne constituent en aucun cas les manuels pour y parvenir. Ils sont l’expression d’une figure utopique du souverain, d’un imaginaire du bon gouvernement, vers lequel doit tendre le prince ; ils sont cette forme d’illusion qu’aime à manier Érasme pour ce qu’elle est l’émulation nécessaire à l’homme pour se dépasser, et en cela ils édifient leur destinataire. Mais ils ne sont pas des manuels pédagogiques à la seule lumière desquels on pourrait évaluer les méthodes et les objectifs des savoirs attendus et dispensés aux jeunes princes de la Renaissance.

4En revanche, s’il ne revient pas à ces textes de nous renseigner sur les méthodes et contenus d’une éducation princière, ces derniers n’en reflètent pas moins les inflexions du temps sur l’imaginaire symbolique du prince savant. Chez un Guillaume Budé, le savoir du prince se limite à une bonne connaissance de l’Histoire et des autorités de l’Antiquité pour en extraire des enseignements pratiques qui, associés à l’expérience personnelle du prince, lui garantiront le succès politique [6]. Pour un autre défenseur du gouvernement monarchique tel que Symphorien Champier, le Prince, en bon pasteur de ses sujets, doit se montrer un exemple de vertu et de savoir pour incliner son peuple à l’imiter ; et c’est dans cette finalité qu’il considère qu’une attention toute particulière doit être portée à l’éducation du futur souverain dès ses plus jeunes années. Chez Érasme, que Jean-Claude Margolin qualifie de « théoricien de la pédagogie pratique », la formation de l’esprit et du corps du prince est suspendue à un idéal philosophique où la figure du vir humanus de l’Antiquité se double de la tradition chrétienne de l’homme créé à l’image de Dieu. Ainsi puise-t-il, pour son Institution du Prince chrétien, aux sources de la sagesse antique empruntant respectivement à Platon, Cicéron et Sénèque la nécessité de voir à la tête des royaumes un prince philosophe garant par sa justice, sa prudence et ses mœurs de la paix et stabilité de son État [7]. L’imitation du Christ et la connaissance des Saintes Écritures interviennent pour enjoindre le prince à se dégager des chaînes de sa condition humaine de pécheur pour accéder à la liberté de l’esprit et briguer l’amour des vertus. Cependant, les ressorts de la pédagogie érasmienne sont bien plus explicites dans trois autres de ses œuvres – à savoir, le De pueris, le De ratione studii ou encore dans le De recta prononciatione. La finalité de l’éducation qu’il y développe se veut un acte de liberté par lequel l’homme se détache de la bestialité qui le menace par nature. Selon l’humaniste de Rotterdam, l’homme se façonne par son éducation, seul rempart face à l’emprise des opinions, des idéologies ou du fanatisme aveugle [8]. L’enseignement que prône Érasme ne se mesure pour autant pas à la quantité de savoir assimilé, mais à la capacité de raisonnement, de discernement et de jugement de l’élève à partir de ses connaissances. C’est pourquoi il dénonce avec véhémence les pratiques pédagogiques abrutissantes et préconise le recours aux Anciens pour puiser aux préceptes des premiers pédagogues grecs. Érasme se tourne alors vers Isocrate qui, dans son Ad Nicoclem regem de institutione principis, dispensait déjà au roi de Salamine ses conseils en matière de gouvernement du monarque et de son royaume ; il y adjoint les précieux raisonnements de Plutarque contenus dans le De Liberis educandis, traduction qui connaissait au début du XVIe siècle de nombreuses rééditions [9]. À ces deux ouvrages, qu’il joint en 1516 à une réédition de son Institutio principis christiani, il reprend la nécessité d’une éducation dès le plus jeune âge des enfants, prône l’adaptation des méthodes au développement de l’élève, défend la vertu pédagogique du jeu et refuse la brutalité du maître d’école pour instruire ses élèves [10]. Dans son traité De la Civilité puérile, il affirme la politesse comme la condition de l’humanisation de l’enfant dans sa dimension sociale, propédeutique essentielle pour se libérer des dérives asservissantes du corps et des sentiments. Enfin, il prend position dans le débat sur la nature de l’éducation réservée à la gent féminine. S’appuyant sur Xénophon, Érasme plaide pour une éducation des femmes dépassant les vagues préceptes moraux qu’on avait coutume de leur concéder ; alors que, dans les mêmes années, un de ses plus fidèles émules fustigeait au contraire la figure de la femme savante [11]. Juan Luis Vives, qui développait en 1523 dans le De Ratione studiis puerilis des ambitions pédagogiques similaires à celles de son maître de Louvain, s’élevait en effet dans le De institutione foeminae christianae contre une éducation féminine qui irait au-delà des connaissances nécessaires à leur statut premier d’épouse et de mère [12].

5L’éducation tant dans son contenu que dans ses méthodes et ses finalités se trouve donc indéniablement au cœur d’une réflexion philosophique et sociale menée par les figures de proue de l’humanisme, sur l’homme et son rôle dans l’harmonie du monde. Les traductions des auteurs anciens, la défense de l’étude des bonnes lettres, l’affirmation de la force que conférait la prudence d’un esprit bien formé ont fait émerger un intérêt nouveau pour l’enfant, et surtout pour le temps de l’enfance, temps de l’humanisation sociale propre à l’éducation. Dans ce foisonnement d’idées sur l’enjeu pédagogique des premières années de l’individu, il était alors logique et noble de définir le savoir attendu de ceux que l’avenir destinait aux plus hautes charges. Et c’est probablement là que s’opérait le glissement ; d’un questionnement sur l’éducation on passait à la définition d’un savoir, d’une réflexion sur les contenus et méthodes pédagogiques, on ne s’intéressait plus qu’à l’exposé de leurs finalités. Si bien que les traités et Institutions du Prince délivraient davantage l’idéal humaniste du bon gouvernement qu’ils ne contenaient les concrets préceptes d’une éducation princière. Un phénomène qui a longtemps réduit l’étude de la formation des jeunes princes à l’hypothèse d’une simple imitation du modèle diffusé dans ces écrits. Témoins de l’inflexion que prenait le poids du savoir et des vertus dans la définition du bon souverain, ces traités, à l’exception peut-être de celui d’Érasme, n’ont certainement jamais eu l’intention d’être les sommes d’une éducation des princes-enfants à l’usage de leurs précepteurs. Ils ont affirmé, relayé et diffusé une figure utopique du prince-savant qui a dû peser dans l’attention portée à l’éducation des Fils et Filles de France et au choix de leurs pédagogues, mais ils ne peuvent pas suffire à eux seuls à appréhender le contenu de l’éducation réservée aux jeunes princes de France, ni à mesurer leurs effets sur la place accordée au savoir humaniste dans les connaissances qui leur étaient dispensées. Il faut pour cela rendre à ceux qui eurent la réelle charge d’éducateurs des enfants princiers l’autorité et l’efficience de leurs enseignements.

LES PEDAGOGUES PRINCIERS

6Il y a en effet, pour estimer l’éducation des jeunes princes de France, deux types de savants à convoquer : ceux que Joël Cornette appelle les éducateurs royaux, auteurs des traités évoqués précédemment. Et il y a les précepteurs princiers, ceux qui sont couchés sur les « États des officiers » des maisons des Enfants de France sous ce titre ou sous un synonyme plus évocateur encore de « maître d’école ». Chose étonnante et remarquable, ils ne sont jamais l’un et l’autre à la fois, preuve que les uns édifient le roi quand les seconds éduquent le prince [13].

7La charge de précepteur représente une des plus importantes dépenses des états des officiers des maisons des Enfants de France. De 1527 à 1535, le précepteur des fils et filles de François Ier perçoit 1 200 livres tournois de gages annuels, soit l’équivalent des gages réservés à la gouvernante, quand le premier maître d’hôtel reçoit 800 livres de gages annuels. Pour les fils d’Henri II, les trois précepteurs qui se succèdent à cette charge perçoivent respectivement 500 livres tournois de gages annuels, bien qu’il s’agisse pour chacun d’eux de prélats titulaires de charges épiscopales dont ils tirent traditionnellement leurs revenus principaux, constituant ce vivier de gracieux serviteurs de l’État [14]. En effet, si les précepteurs des fils d’Henri II perçoivent des gages à la hauteur de ceux réservés aux chambellans et maîtres d’hôtel, les aumôniers tels Charles d’Humières, évêque de Bayeux, ou Guillaume de Joyeuse, évêque d’Alet, servent sans gages. Cette lecture comptable qui retient l’attention sur la première place tenue par le maître d’école dans l’entourage des jeunes princes est par ailleurs corroborée par l’identification des titulaires de cette charge. Alors qu’il est souvent difficile de justifier les motifs des nominations des officiers domestiques tant de la Maison du Roi que de celle de ses enfants autrement qu’à l’aune du complexe jeu de la grâce et de la faveur, la charge du précepteur semble au contraire relever d’un choix avisé parmi les figures de proue de l’humanisme.

8C’est à un Italien, Benoît Théocrène Tagliacarne, que revient cette charge auprès des enfants de François Ier de 1527 à 1535. Couché en l’état des enfants de François Ier dès 1527, il fait partie des proches serviteurs accompagnant le dauphin et le duc d’Orléans envoyés otages en Espagne en application des dispositions du traité de Madrid, tandis que Charles d’Angoulême et ses sœurs Madeleine et Marguerite recevaient pour maître d’école Mellin de Saint-Gelais [15]. Les deux jeunes princes sont alors âgés respectivement de 8 et 7 ans, et il est intéressant de remarquer que, lorsque le roi et son conseil réfléchissent à l’entourage restreint qui doit suivre ses fils, le maître d’école y trouve une des premières places. La proximité du maître d’école avec les deux Fils de France est par ailleurs attestée, puisqu’il se retrouve coauteur de deux lettres adressées au roi depuis la forteresse de Villalpande où il est retenu prisonnier aux côtés de René de Cossé-Brissac et de son épouse Charlotte Gouffier, tous deux gouverneurs du Dauphin, et de Madeleine de Boisy-Gouffier, gouvernante du duc d’Orléans [16]. L’enseignement dispensé par ce dernier au cours de la période espagnole fut certes réduit à la portion congrue car, devant les réticences du roi de France à s’acquitter des dispositions du traité de Madrid, le dauphin et le duc d’Orléans passèrent d’otages à prisonniers du roi d’Espagne et se virent retirer le 24 janvier 1528 l’ensemble de leur entourage français.

9Il est difficile, au-delà de ces quelques échanges épistolaires avec le roi ou le connétable de Montmorency au cours de la captivité des enfants en Espagne, de situer Théocrène dans la société des lettres de ce premier XVIe siècle. Seule l’affaire qui le préoccupa en Espagne offre quelques renseignements sur ses talents qui purent emporter le choix du roi. Preuve de son appartenance à la « république des lettres », Théocrène mit à profit sa détention en Espagne pour entretenir des échanges épistolaires avec l’élite érasmisante d’Alcala [17]. Il ne semblait cependant pas se distinguer aux côtés des défenseurs de l’humaniste de Rotterdam ; bien au contraire, Pierre-Jean Olivarus, dans une lettre adressée à Érasme depuis Valladolid en mars 1527, lui décernait cette diatribe pour être le « précepteur des fils du roi de France, qui, à l’ordinaire des Italiens, fait preuve d’une énorme prétention, érudition aucune, vu qu’il n’est qu’un maître de grammaire grecque et latine, avec cela homme d’une effronterie extrême, dépourvu de jugement, mais connaissant à merveille le toscan, te traite de Batave. Je me suis emporté de la belle façon, pour te défendre contre ce butor » [18]. Mais ce n’est pas là le cœur de son intrigue. Profitant de ses relations avec le connétable de Castille, il tenta de passer au service de Charles Quint ; plusieurs lettres conservées à la Bibliothèque nationale de Madrid ainsi qu’aux archives du ministère des Affaires étrangères en France font paraître les négociations menées par Théocrène pour mettre ses talents d’écrivain au service d’une œuvre à la gloire de Charles Quint. Cette affaire, qui mobilise Théocrène pendant un an, n’aboutit pas mais elle révèle quelques bribes du savoir du précepteur des Enfants de France. Il est en effet question, dans la correspondance qu’il entretient avec le connétable de Castille, d’une traduction italienne établie par Théocrène du De Tranquillitate animi de Sénèque que le connétable de Castille aimerait consulter et faire copier [19]. Par ailleurs, lorsque, à la suite du traité de Cambrai, les dispositions sont prises pour le rapatriement des otages en France, le connétable de Castille suggère à Charles Quint d’offrir à Théocrène une chaire dans une université du royaume pour sa grande connaissance du latin. Ce projet, bien en deçà de ses ambitions, convainc l’humaniste de privilégier sa position en France et de suivre le retour des Enfants, d’obtenir le pardon du roi et de recevoir en 1534 le bénéfice de l’évêché de Grasse en récompense de sa charge de précepteur qu’il délaissait peut-être à cette même date [20]. Pour ce qui est de son œuvre d’humaniste, il faut se contenter pour l’estimer d’une édition poitevine de 1536 sous le titre Benedicti Theocreni episcopi Grassensis, regis Francisci liberorum praeceptoris, poemata, quae juvenis admodum jusit ; édition probablement posthume dont l’initiative pourrait revenir à Salmon Macrin qui en signe l’avis au lecteur [21]. Cette compilation de près de 53 épigrammes ou élégies s’avère être un parfait résumé de ce que fut vraisemblablement la vie de cet Italien, ses mécènes successifs et son insertion dans le monde des lettres. Outre les pièces de circonstance, il y apparaît originaire d’Italie du Nord, partagé entre la protection des Fregoso à Gênes et celle des Gonzague de Mantoue, puis, passant en France peut-être sous le patronage des Robertet, il gagne la protection de François Ier pour lequel il compose deux élégies sur son mariage avec Éléonore ainsi qu’une épitaphe à Louise de Savoie [22]. Enfin, les épigrammes qu’il écrit pour Salmon Macrin mais aussi pour Guillaume Budé témoignent de ses liens avec la Gallia Poetica, tout comme le laisse à penser le rondeau que Clément Marot lui consacre dans l’Adolescence Clémentine où il dresse un portrait particulièrement élogieux de la renommée de l’humaniste [23]. Traducteur et poète mais aussi maître et pédagogue, tels sont les visages que Marot retient en ces vers :

« Au Seigneur Theocrenus, lisant à ses disciples
Plus profitable est de t’écouter lire
Que d’Apollo ouïr toucher la lyre,
Où ne se prend plaisir que pour l’oreille :
Mais en ta langue ornée et nonpareille
Chacun y peut plaisir et fruit élire.
Ainsi, d’autant qu’un Dieu doit faire et dire
Mieux qu’un mortel, chose où n’ait que redire,
D’autant il faut estimer ta merveille
Plus profitable.
Bref, si dormir plus que veiller peut nuire,
Tu dois en los par sus Mercure bruire
Car il endort l’œil de celui qui veille,
Et ton parler les endormis éveille,
Pour quelque jour à repos les conduire
Plus profitable. » [24]

10Aussi obscur que pouvait paraître ce Théocrène, sa nomination comme précepteur des enfants de François Ier reflète la double fascination du temps pour les disciples transalpins des hérauts de la culture antique et le cénacle des hommes de plume édifié autour de la défense des belles-lettres et de l’expression lyrique.

11À la petite cour des enfants d’Henri II, il semble en être de même. La charge de maître d’école du dauphin revient à Pierre Danès – une charge qu’il cumule alors avec celle d’aumônier [25]. Le choix de Pierre Danès est éloquent sur le soin porté à l’instruction du dauphin, car c’est précédé d’une solide réputation d’humaniste, de philologue de renom et d’excellent diplomate qu’il est nommé par le roi à cette charge. Formé au Collège de Navarre où il y apprend le latin, le grec et l’hébreu, il est choisi en 1530, en qualité d’helléniste, pour occuper l’une des deux chaires du Collège royal ; une fonction qu’il abandonne très vite pour privilégier un voyage en Italie et fuir ce qu’il qualifie comme les soucis absorbants de l’enseignement au profit de la recherche et de l’écriture de l’œuvre qu’on lui réclame alors. En philologue et critique érudit, Danès fait paraître en 1533, sous le nom d’emprunt de Bellocirius, une correction des œuvres de Pline l’Ancien [26]. Si aujourd’hui le premier a éclipsé le second, les contemporains n’hésitaient pas à égaler Danès à Budé dans la connaissance de la langue grecque [27]. Les succès de son ambassade au concile de Trente en 1545 lui confèrent l’estime du roi et la reconnaissance de ses contemporains à la cour. Aussi, lorsque Henri II le choisit pour précepteur de son fils, Pierre Danès a déjà 57 ans ; la preuve de ses vertus de pédagogue auprès de Georges de Selve dont il fut le précepteur est faite et sa notoriété d’humaniste le précède [28].

12En 1558, Pierre Danès est remplacé à la charge de maître d’école et aumônier du dauphin par Jacques de Corneillan, tandis que Jacques Amyot occupe la même fonction pour le duc d’Orléans et le duc d’Angoulême [29]. Il est certain que dans le choix de Corneillan interfère la conjoncture politique des années 1558-1559. Bénéficiaire de 500 livres de gages annuels pour sa fonction de précepteur du dauphin, cet évêque de Vabres depuis 1547 n’a laissé que peu d’empreinte dans le cercle des hommes de plume du moment, contribuant à laisser planer le doute sur les logiques de sa nomination [30]. Pourtant, si la postérité l’a exclu du monde humaniste pour ne retenir qu’une discrète figure de prélat rouergat, il n’en demeure pas moins que ce dernier faisait partie des hommes de savoir du cardinal d’Armagnac, dont il était le neveu, et qui eurent le vent en poupe quand leur mécène bénéficia de la faveur royale. Corneillan appartenait à ces protégés du cardinal parmi lesquels se comptaient les noms d’Arnaud Sorbin, Guillaume Philandrier, ou encore Pierre Paschal – toute une cour de théologiens, hellénistes, architectes, savants et poètes qui accompagnait Georges d’Armagnac de Venise à Rome entre 1547 et 1550 où, sous motif diplomatique, l’humaniste faisait traduire et copier manuscrits et inscriptions antiques [31]. La nomination de Corneillan comme précepteur du dauphin intervient quelque temps après celle de Pierre Paschal à la charge d’historiographe du roi ; un ami qui le décrivait ainsi dans une lettre adressée à son ami Pierre de Mauléon depuis Rome en 1547 où il déclarait se rendre « chez le cardinal d’Armagnac, auprès de Corneillan et de Philandrier avec lesquels, tu le sais, je suis lié par des affinités durables et qui s’adonnent comme nous aux lettres et arts, et là nous passons le temps en conversations sur des sujets variés ». Pierre Paschal évoquait encore dans sa correspondance son compagnon Corneillan comme un « évêque si pétri d’humanité, si digne d’éloges de toute sorte » [32]. Sans avoir l’aura et la postérité d’humaniste qui distinguera son homologue Jacques Amyot dans les décennies qui suivent, le choix de Jacques de Corneillan pour former l’esprit du jeune dauphin relevait certes de la protection de son oncle, le cardinal d’Armagnac, mais aussi de sa reconnaissance par ses contemporains de sa qualité d’homme de lettres.

13Enfin, pour ce qui est de Jacques Amyot, il serait long de présenter l’ensemble des qualités d’helléniste et philologue qui le prédisposait à la charge de maître d’école des cadets d’Henri II. Élève de Pierre Danès et héritier de sa tradition philologique, il fut précepteur des neveux de l’aumônier du roi Jacques Colin. Parcourant les bibliothèques de Saint-Marc de Venise et du Vatican en quête de manuscrits, il travailla entre les années 1542 et 1546 aux traductions des Vies des hommes illustres et du Traité de la loquacité de Plutarque ainsi qu’à celle de l’Histoire éthiopique d’Héliodore. En 1554, profitant de la protection que lui accordait le cardinal de Tournon qu’il accompagnait à Venise, il publiait les manuscrits inédits des Histoires de Diodore de Sicile. Il jouissait donc d’une solide réputation d’humaniste lorsqu’il fut choisi pour devenir le précepteur de Charles-Maximilien et d’Édouard-Alexandre en 1557.

14La charge de précepteur du dauphin et des frères cadets semble donc, à l’image des brillantes figures qui en furent titulaires, faire l’objet d’une attention particulière du couple souverain. Cette fonction n’est jamais un tremplin, mais le couronnement d’une carrière reconnue dans la maîtrise de la pensée des Antiquités gréco-latines comme chrétiennes et de la critique des textes sacrés et profanes. Force est de constater alors que le choix des pédagogues princiers reflète une perméabilité du couple royal et de leur entourage à l’idéal délivré par les éducateurs royaux, auteurs des Miroirs et Institutions du Prince. Il y a probablement, dans la volonté de placer la jeunesse princière sous le patronage spirituel d’humanistes de renom, l’ambition de façonner en ces enfants l’idéal du prince savant et vertueux diffusé par ces traités.

15Le soin porté aux éducateurs de cette petite cour des princes est tout aussi perceptible dans le sort réservé aux jeunes princesses. Nathalie Blancardi constatait à travers l’exemple de la cour de Savoie au XVe siècle que l’éducation féminine était encore largement l’affaire des femmes et des gouvernantes sous la tutelle desquelles elles étaient placées ; seules faisaient alors exception les filles d’Amédée VIII qui bénéficiaient de l’enseignement d’un précepteur particulier [33]. Nicholas Orme relevait cependant une inflexion très sensible en Angleterre avec la présence attestée dès le début du XVIe siècle d’un précepteur personnel pour la sœur et la fille d’Henri VIII [34]. En France, il s’avère toujours très délicat d’appréhender l’éducation des princesses de France, soit qu’elles s’effacent dans l’organisation de la maison du dauphin et de leurs frères tel qu’il est sensible pour les périodes 1521-1524 et 1547-1554, soit qu’elles se fondent dans celle de la reine, comme dans le cas des filles de Catherine de Médicis qui intègrent la maison de leur mère dès 1554 [35]. L’analyse comparative des états des officiers des maisons dans lesquelles évoluaient ces jeunes princesses invite néanmoins à dresser plusieurs constats. On observe en effet que l’état de la maison de Madeleine et Marguerite de France de 1530 à 1533 ne mentionne pas la présence d’un maître d’école ; or ces dernières ont respectivement entre 10 et 13 ans pour l’aînée, et 7 et 10 ans pour la seconde, années privilégiées pour l’éducation. Il en est de même pour les années suivantes où elles rejoignent la maison de la dauphine, Catherine de Médicis, sans que ces trois princesses âgées alors de 10, 14 et 15 ans ne bénéficient de l’enseignement d’un précepteur, ou d’une personne qui en porterait le titre explicite. En revanche, l’inflexion est indéniable pour la génération suivante. Isabelle et Claude de France grandissent dans un premier temps au milieu de cette petite cour de Saint-Germain avec leurs frères, François, Louis et Charles-Alexandre – petite cour placée sous le patronage éducatif de Pierre Danès depuis 1547, dont elles ont pu tirer les enseignements comme le laissent supposer les comptes qui révèlent l’achat de matériels pédagogiques pour ces jeunes princesses [36]. On ne peut cependant que formuler l’hypothèse selon laquelle les leçons de Pierre Danès étaient destinées autant aux Fils qu’aux Filles de France, car aucune source n’en fait état explicitement. Il en va tout autrement en 1554, lorsque Catherine de Médicis décrète que ses filles grandiront sous son contrôle à la cour. La maison des jeunes princesses s’évanouit alors dans l’immense entourage de la reine, mais un sondage dans les comptes de la maison de la reine révèle la mention d’un « Claude Mullot », aumônier de la reine, recevant 200 livres de gages pour assurer la charge de « précepteur et maître d’école de Mmes Élisabeth et Claude » de 1554 à 1559 [37]. Il semble donc qu’entre les deux générations de Filles de France se joue l’évolution de la conception du savoir nécessaire à une princesse de France – une évolution directement visible par la nomination d’un précepteur particulier aux jeunes filles. Cette remarque n’est pas isolée, car dans la même maison de Catherine de Médicis se trouve également mentionnée la présence d’un dénommé « Albice » recevant 240 livres de gages pour la charge de précepteur de Madame la bâtarde, Diane légitimée de France, fille naturelle d’Henri II et d’une Piémontaise, Filippa Duci, alors âgée de 6 ans [38]. Quelques années plus tôt, Marguerite de Navarre avait pris le même soin de choisir pour la jeune Jeanne d’Albret un précepteur apte à dispenser à la princesse une éducation digne de son rang ; Nicolas Bourbon, fin latiniste membre actif de la Gallia Poetica et virulent pourfendeur de la scolastique, fut ainsi chargé dès 1536 de l’éducation de la princesse d’Albret – éducation qu’il assura probablement de très loin entre ses exils répétés [39]. À la même époque, la jeune Élisabeth d’Angleterre bénéficiait des enseignements des hellénistes Jean Cheke et Guillaume Grindal, du Français Jean Bellemain, de l’Italien Battista Castiglione et des talents de Roger Ascham, tous choisis parmi l’entourage humaniste protestant de Catherine Parr [40]. L’apparition d’un maître d’école réservé à l’éducation des princesses à partir de la seconde moitié du XVIe siècle ne préjuge pas l’ignorance des Filles de France dans les décennies qui précédèrent : les figures d’Anne de France, Marguerite d’Angoulême ou même Marguerite de Savoie ne peuvent guère laisser planer ce doute. Ce constat témoigne simplement d’une prise en main d’un enseignement jusque-là très pragmatique, transmis essentiellement par la mère ou la gouvernante, pour cheminer vers la définition d’un savoir nécessaire aux princesses, à leur rang ainsi qu’à leur rôle politique à venir.

16L’étude des titulaires des charges de maître d’école auprès de cette jeunesse princière, la place qu’y tiennent les figures de proue de l’humanisme français, la mise en évidence de l’attribution d’un précepteur aux Filles de France témoignent de l’importance qui doit être concédée aux traités d’institution du prince qui diffusèrent un portrait idéal du monarque de la Renaissance dont la première conséquence semble d’avoir été une attention nouvelle portée aux pédagogues auxquels revenait l’instruction des Enfants de France. Qu’en est-il cependant de leur influence sur le contenu du savoir qui était réservé à ces princes et princesses ? Est-il lui aussi empreint de ce renouveau pédagogique que sous-tendaient les traités théoriques et comment l’estimer ?

LES BELLES-LETTRES DANS L’EDUCATION DES PETITS PRINCES A LA RENAISSANCE

17En la matière, les sources font souvent défaut et, malgré les nombreux échanges épistolaires entretenus entre le roi ou la reine et la petite cour des enfants, le recours à une quelconque injonction éducative décernée par le couple souverain est vaine. En effet, sur 43 lettres adressées entre 1546 et 1551 par Henri II à Jean d’Humières ou à son épouse, gouverneurs des Enfants de France, aucune ne mentionne l’éducation que devrait dispenser le maître d’école nouvellement nommé [41]. Il en va de même pour la correspondance de Catherine de Médicis où, sur une trentaine de lettres adressées au couple d’Humières entre ces mêmes dates, pas une n’évoque l’instruction de ses enfants [42]. Soumises au même examen, les 17 lettres adressées par Anne de Montmorency à Jean d’Humières entre 1547 et 1552 imposent un résultat similaire [43]. Ce constat laisserait entendre que, une fois le précepteur idoine choisi, l’investissement royal dans l’éducation des princes cédait la place à la liberté du maître d’école d’enseigner comme il l’entendait. Quels seraient alors les moyens d’estimer la perméabilité de cet enseignement aux préceptes humanistes diffusés par les chantres de l’éducation idéale du bon prince ? Il y a bien les portraits d’ambassadeurs, de mémorialistes ou d’hagiographes qui dressent le constat souvent magnifié d’une éducation bien menée et qui nous livrent tant bien que mal une série de spéculations sur le contenu de l’éducation reçue par ces nobles élèves. Aussi est-il souvent délicat de conclure sur l’éducation reçue par ces jeunes princes lorsque, d’un côté, l’ambassadeur vénitien Marino Cavalli évoque en 1546 la jeune Marguerite comme une princesse « digne des plus grands princes de la terre, tant elle a de prudence, de modestie, de bonté et de talent ; elle est fort versée dans le latin, dans le grec, et même dans l’italien », alors qu’à l’inverse, d’un autre côté, son confrère Jean Capello en 1554 décrivait le jeune dauphin François, âgé alors de 10 ans, tel un « beau jeune homme, bien constitué, très convenablement élevé ; mais il manque de vigueur, il n’aime guère les lettres, ce qui déplaît fort à Sa Majesté. On lui a donné de très bons précepteurs qui lui apprennent à ne jamais rien refuser de ce qu’on lui demande, afin qu’il puisse acquérir, par une continuelle habitude, tout ce qu’il faut à la libéralité et à la grandeur royales ; et cependant on n’y réussit pas beaucoup » [44].

18Pourtant, aussi laconiques que puissent être les sources en la matière, la confrontation des archives comptables, administratives, épistolaires et littéraires, glanées sur deux générations d’Enfants de France, permet de dresser un portrait assez précis du contenu éducatif offert aux jeunes princes. Le rapprochement des états des officiers des maisons princières met par exemple en lumière l’évolution constatée précédemment dans l’attention portée à l’éducation des princes et princesses de France. En effet, à travers l’étude de la cour de Savoie, il apparaissait que la nomination d’un précepteur attaché à l’instruction des jeunes princes intervenait autour de l’âge de 7 ans, véritable tournant dans l’éducation des enfants où ces derniers passaient des mains des femmes, nourrices et gouvernantes, à celles des hommes qui en avaient dorénavant la charge, précepteurs et gouverneurs [45]. Le cas des rejetons de François Ier se situe dans cette continuité car Théocrène est attaché à la maison des fils du roi lorsque le dauphin et le duc d’Orléans fêtent respectivement leurs 8 et 7 ans. La nomination du précepteur semble également intervenir au moment où les enfants se répartissent en deux maisons, celle du dauphin et des fils cadets, et celle des filles quand elles ont leur propre maison, ou celle de la reine ou de la dauphine, quand les Filles de France y sont intégrées. Cette tendance pourrait se trouver corroborée par l’exemple des filles d’Henri II qui reçoivent un maître d’école particulier à l’âge de 7 et 8 ans quand elles quittent la cour de leurs frères pour rejoindre celle de Catherine de Médicis en 1554. Cependant, la logique présidant à la nomination d’un précepteur auprès des enfants royaux est légèrement différente pour la génération des enfants d’Henri II ; le dauphin n’a en effet que 3 ans lorsque Pierre Danès est appelé à cette charge, et cette précocité de la nomination de l’humaniste tend une fois encore dans le sens d’une attention toute nouvelle portée par le couple royal à l’éducation de ces jeunes princes. Le tournant de 1554 pour l’éducation d’Élisabeth et Claude de Valois doit ainsi être largement relativisé car le compte des dépenses engagées pour les jeunes prince en 1551 témoigne que l’instruction des jeunes princesses avait débuté bien avant l’attribution d’un précepteur particulier, profitant probablement, dès leur plus jeune âge, des enseignements de Pierre Danès [46].

19Il est indéniable que les Fils et Filles de France commencent l’apprentissage de la lecture et de l’écriture autour de 5 ou 6 ans, bien avant parfois l’arrivée d’un maître d’école. Ainsi, le Fitzwilliam Museum de Cambridge conserve un magnifique abécédaire de Claude de France, fille aînée de Louis XII et Anne de Bretagne, réalisé autour des années 1505 par Guiddo Mazzoni que le couple royal avait déjà sollicité pour la réalisation du tombeau de Charles VIII. Cet ouvrage atteste que la jeune princesse faisait ses premières armes dans le b-a-ba de la lecture dès l’âge de 6 ans, et cela suivant un enseignement assez traditionnel fondé sur les prières et textes de base de la dévotion chrétienne. En sus d’un abécé formé de lettres de grande taille, les versets lus aux Laudes dans les Heures de la Vierge, l’Ave Maria et le Benedicite constituaient les exercices de lecture de cette royale élève. Un premier enseignement qui se voulait à effet double, du déchiffrage des lettres à la mémorisation des prières majeures. Les textes bibliques, les psautiers et livres de prières restèrent ainsi longtemps le premier livre de lecture des enfants et a fortiori des princes et princesses de France [47]. En 1551, dans le compte de la maison des enfants d’Henri II, un dénommé Étienne Gangan reçoit 60 sous tournois pour avoir fourni 10 cahiers de parchemin de vélin pour « faire les heures de Madame Élisabeth », laissant entendre que la jeune Élisabeth de France n’a alors que 5 ans lorsqu’elle s’initie à la lecture [48]. Son apprentissage ne s’arrête d’ailleurs pas à ces rudiments ; le même compte fait apparaître plusieurs dépenses pour la fabrication « d’un pupitre en bois de noyer pour servir à ladite dame quand elle étudie », pour l’achat de « deux châssis doublés et garnis de papier », de même que pour la réparation d’une fenêtre « au cabinet où madame étudie » à Blois [49]. Il semble donc que, à peine âgée de 5 ans, la jeune princesse s’exerçait à la calligraphie et à l’écriture. Cette maîtrise de la lecture comme de la plume se retrouve déjà très tôt chez les enfants de François Ier. En janvier ou février 1526, Marguerite d’Angoulême prend soin de réconforter le roi, son frère, captif en Espagne, en lui brossant un tendre tableau de l’évolution de ses enfants et de l’application de ceux-ci à apprendre les leçons de leur maître. Après avoir rapporté l’issue heureuse des maladies infantiles dont ils avaient été victimes, Marguerite décrit en ces termes l’éducation des trois fils de François Ier :

« Et maintenant sont tous entièrement gueris et bien sains, et fait merveille M. le dauphin d’estudier, meslant avecques l’escole cent mille aultres mestiers ; et n’est plus question de colère mais de toutes vertus. M. d’Orléans est cloué sur son livre et dist qu’il veult estre saige ; mais M. d’Angoulesme sait plus que les aultres et fait des choses qui sont aultant a estimer propheties que enfances, dont Monseigneur, vous seriez esbahy de les entendre. » [50]

20Le jeune Henri atteint à peine ses 7 ans lorsqu’il surprend sa tante de son assiduité à l’apprentissage de la lecture. Quant au jeune Charles, âgé de 5 ans, il semble porter tous les espoirs de cette dernière sans que pour autant elle nous en détaille les prouesses. Il existe par ailleurs une série de lettres adressées autour des années 1529-1530 par Madeleine, Marguerite et Charles à leur père et au connétable Anne de Montmorency au moment où leurs frères aînés sont encore retenus en Espagne. Il s’agit à chaque fois de lettres autographes des enfants âgés de 7 à 9 ans et qui présentent une très belle calligraphie bien liée pour les filles quand celle de Charles est encore anguleuse et irrégulière. L’une des lettres de la jeune Marguerite témoigne de l’application que mettait la princesse à maîtriser sa plume. Elle écrivait ainsi, à son père :

« Au roi mon souverain seigneur,
« Mon seigneur tant et si tres humblement que je puys a votre bonne grace me recommande. Monseigneur jusques ycy je n’ay osé vous donner la peine de lyre ma maulvaise lectre craingnant faillir ce que ne veulx jamais principallement envers vous comme j’ay prye ce porteur ce porteur (sic) mieulx vous dire et plustost vous obbeir que d’avoir des perles. Monseigneur je prye Dieu qu’il vous doinct tres bonne vie et longue.
« Vostre tres humble et tres obeissante fille Marguerite. » [51]

21Au contraire, les lettres adressées au roi à la même période par ses fils retenus en Espagne ne sont jamais autographes, seule la signature est de la main des garçons. Une signature souvent très hésitante qui semble d’ailleurs inquiéter le roi de l’éducation donnée à ses deux héritiers. Aussi le jeune Henri adresse-t-il une lettre depuis la forteresse de Villalpande pour rassurer son père en ces termes :

« À mon Père
« Mon pere je me recommande très humblement à votre bonne grace. Mon pere je vous advertiz que j’aprens bien suyvant la lettre qu’il vous a pleu m’escripre. Car je seroys bien marry d’y faillir a tout ce qu’il vous plaira me commander. Je grand envie de vous voir. Nous sommes ici a Villalpande chez monsieur le connestable ou madame la duchesse et ses enffans nous traictent fort bien. Mon pere je prie a dieu vous donnes tres bonne vie et longue.
« De Villalpande, Votre tres humble et tres obeissant filz subgect et serviteur. » [52]

22La lettre originelle de François Ier à laquelle celle du duc d’Orléans fait ici réponse devait témoigner de l’inquiétude du roi sur l’éducation que pourraient recevoir ses fils en Espagne. Un motif d’inquiétude qui devait par ailleurs trouver un très large écho auprès des contemporains, puisque ce fut sur cet argument symbolique que l’huissier Bodin, autorisé à visiter les enfants otages à Pedrazza en 1529, réussit à emporter l’indignation des puissances européennes sur le traitement des petits princes, insistant alors sur la méconnaissance du dauphin de sa propre langue maternelle au profit de l’espagnol [53].

23Il serait décevant cependant de limiter le savoir attendu des jeunes princes et celui transmis par leurs doctes précepteurs aux seuls rudiments de la lecture et de l’écriture. Si les sources sur les contenus et supports pédagogiques des enseignements réservés à ces royaux enfants sont très lacunaires, nombre d’indices permettent pourtant d’estimer la diffusion du savoir humaniste à la petite cour des Enfants de France. Il faut naturellement faire sans les précieux renseignements que pouvaient fournir par exemple les inventaires des bibliothèques des ducs de Savoie au XVe donnant à voir une liste d’ouvrages à disposition du précepteur et de ses élèves [54]. Il y a bien les inventaires de la bibliothèque royale de Blois, mais la mobilité incessante de la cour de François Ier et de celle de ses enfants ainsi que l’installation progressive de la petite cour au château de Saint-Germain-en-Laye limitent considérablement son rôle de réservoir de livres d’études. Néanmoins les mentions de l’application de cette jeunesse princière à l’étude des belles-lettres sont récurrentes tel qu’en témoigne Philippe Strozzi, élevé pendant huit ans comme enfant d’honneur des fils d’Henri II, qui retient dans ses mémoires que le dauphin de France et toute cette jeune noblesse y avait « maîtres à danser, à voltiger et tirer des armes, sans compter les particulières études des lettres, musiques, mathématiques, voire la peinture mêmement pour l’ingenierie et semblables sciences bienséantes, voire nécessaires à tels écoliers » [55].

24Loin d’être aussi défini que semble le faire croire a posteriori Philippe Strozzi, l’enseignement dispensé aux jeunes princes de France consacre une place importante à l’étude des belles-lettres et des auteurs antiques, grecs ou latins. Les supports de cet enseignement restent en revanche délicats à appréhender tant la présence d’un précepteur n’impliquait pas pour autant l’existence d’une bibliothèque et de matériels pédagogiques à l’usage du maître d’école qui semblait faire alors feu de tout bois. En 1551, on achète pour le jeune dauphin François de 6 ans un livre « nommé les Iliades de Homère pour lire devant Monsieur » [56]. Il serait tentant de l’ériger en emblème de l’étude des belles-lettres, en preuve de l’influence des traités d’éducation dans le renouveau humaniste de l’enseignement des princes, mais les lectures pédagogiques, justifiées par un pragmatisme matériel, sont bien plus hétéroclites. Ainsi, en 1529, le jeune Charles d’Angoulême âgé de 7 ans adresse une missive à sa tante et reine de Navarre, Marguerite, pour lui demander de lui faire parvenir ce que Mellin de Saint-Gelais juge nécessaire à ses études [57]. Par ailleurs, l’inventaire de la bibliothèque de Blois de 1544 mentionne en marge une série de livres manquants prêtés par le roi en 1532 parmi lesquels figurent le prêt d’un Brevarium legum en grec à Pierre Danès, ainsi que celui des « Fables du Pogge » en français, emprunté par le dauphin François âgé de 14 ans [58]. Quelques années plus tard, c’est pour la jeune Marguerite de France âgée de 15 ans qu’est réalisée une traduction française du Recueil des hauts et nobles faits de plusieurs femmes vertueuses de Plutarque [59]. Qu’il s’agisse de l’épopée d’Homère, qu’il s’agisse des enseignements de Plutarque, ou qu’il s’agisse encore des Faceties moralisantes du Pogge, il est indéniable que le savoir dispensé aux jeunes Enfants de France puise aux sources de l’humanisme à ceci près qu’il est souvent question d’une confrontation en français aux textes antiques et non pas d’une fréquentation régulière des textes en grec ou en latin. Force est également de constater à la lumière de ces exemples qu’ils répondent tous à une volonté de fournir des modèles de vie à imiter. Le recours aux textes antiques, l’emprunt aux écrits des hérauts de l’humanisme sont chargés d’un empirisme pédagogique dont le projet est d’exhumer les exempla devant guider ces princes. Il n’est pas question des traités aristotéliciens, platoniciens ou cicéroniens, mais des récits intelligibles et ludiques car, à puiser chez Le Pogge, il s’y trouvait bien des traités plus philosophiques et politiques avant de choisir les anecdotes caustiques et moralisantes du Florentin. Si les traditionnelles hagiographies ont donc cédé le pas devant le renouveau des belles-lettres, le fondement pédagogique qui en sous-tend l’étude n’en demeure pas moins l’imitation vertueuse.

25À cet égard, l’opuscule comprenant ce qui fut abusivement appelé les thèmes latins de Marie Stuart vient corroborer l’impression laissée par les exemples de littératures offertes aux princes de la petite cour de France [60]. Ce recueil présente en vis-à-vis 64 lettres en français et leur traduction latine – à moins qu’il ne s’agisse de l’inverse, les avis divergeant sur l’antériorité des versions –, toutes rédigées entre 1554 et 1555, et adressées pour la majorité à Élisabeth de France, que la reine d’Écosse apostrophe délicatement comme sa sœur. Cette correspondance, ressemblant à s’y tromper aux exercices pédagogiques auxquels se prêtait à la même époque la jeune Élisabeth d’Angleterre, constitue une des sources les plus cohérentes du contenu de l’enseignement dispensé sur deux années à la jeune Marie d’Écosse élevée à la cour de France et à la princesse Élisabeth de Valois avec laquelle elle partageait vraisemblablement les leçons du même précepteur [61]. Dans ces lettres, Marie Stuart se fait la voix de son précepteur pour enjoindre ses « sœurs » Élisabeth et Claude à suivre l’enseignement de leurs maîtres et la sagesse des anciens. Elle écrivait ainsi le 26 juillet 1554 avoir lu la veille une fable d’Ésope évoquant les périls d’une cigale écervelée face à la prospérité d’une prudente fourmi et déclarait vouloir en partager l’enseignement avec Élisabeth. Elle concluait alors à ce sujet que « la fable signifie, ma seur, que pendant que sommes jeunes devons mettre peine d’apprendre des lettres et vertus pour nous conduire en vieillesse », et de compléter son propos le lendemain en ces termes : « Ce que nous a donné nature est de peu de durée, et le redemandera en vieillesse, ou plus tost. Ce que nous a presté fortune elle nous l’ostera aussi. Mais ce que vertu (laquelle procede des bonnes lettres) nous donne, est immortel, et le garderons a jamais. » [62] Ces deux lettres illustrent parfaitement le discours du temps sur la nécessité de former l’esprit autant que le corps en employant la jeunesse à instruire la sagesse du prince comme de la princesse. L’édification de l’esprit de ces royales élèves passe par le commentaire des moralia puisées ici dans Ésope qui avait l’avantage d’associer histoires ludiques et brèves à de grands enseignements, dans la même veine que les Facetiae du Pogge. Les renvois intertextuels réguliers que fait la jeune Marie – ou son précepteur par sa main – donnent également à voir les écrits que les princesses travaillaient ou, à défaut, entendaient commentés par leurs maîtres. Caton, Cicéron et Socrate sont convoqués pour prouver la valeur et l’utilité du travail quotidien de l’esprit. Les Lois de Cicéron servent d’argument au devoir d’obéissance auquel doivent se plier ceux qui, un jour, seront appelés à gouverner. Marie tient d’ailleurs à faire partager à sa sœur ses découvertes de Plutarque « philosophe digne, selon elle, de la leçon d’un prince », car, comme Platon, il révèle combien le bon souverain est celui qui gouverne avec entendement. L’histoire d’Alexandre exhorte à la libéralité du prince. Enfin, la princesse déclare occuper son dimanche du 20 août à la lecture d’un colloque d’Érasme [63] qu’elle trouve « tant beau, tant joyeux, et tant utile » et d’un « latin si facile et si elegant qui n’est possible d’estre plus poli ». Mais une grande partie de cet exercice épistolaire est consacrée à fournir un corpus d’exempla de femmes de savoir pour armer Élisabeth, dit Marie Stuart, à repondre a ces beaux deviseurs qui disoient hier que c’est affaire aus femmes a ne rien scavoir ». Au panthéon des femmes de science figurent alors : Thémistoclea, sœur de Pythagore ; Corinne de Thèbes, qui vainquit Pindare ; Polla, épouse de Vulcain qui l’aida à corriger les trois premiers livres de Pharsale ; Aspasia, qui enseigna la rhétorique et fut l’épouse de Périclès ; les poétesses Cleobuline, Cornificia, Cornelie, Praxillas, Sosipatra, Theano ; Hypathia, femme du philosophe Isidore qui composa l’astronomie ; Zenobia, la reine de Palmyre, savante en langue grecque et égyptienne ; Lastemia et Axiothea, les deux disciples de Platon qui se rendirent à l’école en habit d’homme ; Cassandre, fille de Priam ; Istrina, reine des Scythes qui, selon Hérodote, avait enseigné les lettres grecques à son fils ; Catherine, fille du roi d’Alexandrie, qui par sa science a gardé son père de l’idolâtrie et d’achever l’énumération sur Constantia, femme d’Alexandre Sforce, qui lisait saint Jérôme, saint Ambroise, saint Grégoire, Cicéron et Lactance.

26La jeune princesse, voix de la morale dispensée par son précepteur, ne s’en tient pas à édifier les jeunes Filles de France mais s’adresse directement à son futur époux, le dauphin François, en ces termes :

« Quand je lisoi les beaus faicts d’Alexandre, le plus grand que fut jamais aus armes, j’ai noté, Monsieur, que n’aimoit rien tant que les lettres. Car quand on lui porta un petit coffret, si beau que rien ne se trouvoit plus excellent entre les richesses de Darius, et qu’on demandoit a quel usage il seroit destiné, les uns disant d’un, les autres d’autre : il lui sera donné Homère a garder, dit-il ; voulant dire qu’il n’estoit tresor plus grand que cela. Ce qu’il approuva une autre fois par autre façon quand quelqu’un s’ejouissant fort accourut a luy, pour luy raconter quelque chose heureusement advenue. Que m’annoncera-tu de grand, dit-il, mon amy, si tu ne disois qu’Homere requist (revequist ?) ? Signifiant toute la gloire de beaux faicts perir, si ni a un tel bon chanteur qu’a esté Homere. Aimés doncques les lettres, Monsieur, lesquelles seullement n’augmenteront vos vertus, mais rendront immortels vos beaus faicts. » [64]

27Voici, derrière la main de Marie, l’habilité du précepteur qui dispense ses enseignements. Car quel serait meilleur exemple à proposer à un jeune prince, futur monarque de France, manifestement rétif à l’étude des belles-lettres, que celui d’Alexandre, qui, au-delà de ses hauts faits et prouesses militaires, privilégiait un trésor : les œuvres d’Homère ? Quelle résonance avec les lectures de l’Iliade faites dès l’âge de 5 ans au dauphin ?...

28L’ensemble de ce manuscrit nous invite à tirer plusieurs remarques en guise de conclusion générale de cette incursion auprès des pédagogues princiers. Tout d’abord, nous sommes là dans une forme de manifeste de la pédagogie humaniste. Tout y est, depuis la formation de l’esprit en jeunesse à l’exhortation à la sagesse en vieillesse, depuis la glose de moralia aux commentaires des Anciens, depuis la mémoire des exempla du passé à l’invitation à l’exemplarité des princes à venir, depuis l’injonction à la libéralité et justice du souverain à l’appel à la raison du bon gouvernement, depuis la célébration des hauts faits à l’amour des belles-lettres. Par ailleurs, il faut remarquer que toute exégèse des belles-lettres n’apparaît pas comme une finalité en soi, chaque trait de la philosophie antique est relié à une vertu, à une valeur que doit briguer le prince ou la princesse. Il s’agit d’un enseignement appliqué à la condition et fonction de ces princiers élèves. Ces lettres pourraient être alors la preuve concrète et parfaite de l’application des traités théoriques d’Institution du prince dans la pédagogie dispensée aux Enfants de France dans cette seconde moitié du XVIe siècle. La place que tiennent à la petite cour les brillants maîtres d’école désignés par le roi en est éloquente, tout comme le foisonnement de traités théoriques sur le savoir d’un bon monarque témoigne du poids symbolique que les vertus tiennent désormais dans l’apanage rhétorique de la gloire du roi. Le détour dans la correspondance, les comptes et les rares exercices pédagogiques conservés attestent de la pénétration de l’idéal humaniste dans la définition du savoir nécessaire aux princes et princesses de France, appelés un jour à gouverner duchés ou royaumes européens. Ce bain culturel et intellectuel façonna a posteriori la science dans laquelle se distingueront certains de ces royaux élèves, mais il faut rendre là à chacun de ces enfants leurs goûts et leur personnalité interférant naturellement dans leur perméabilité au savoir qui leur était dispensé. D’ailleurs il semble bien, à quelques apartés que s’autorise ici et là Marie Stuart, que cette brillante démonstration sur l’étude des belles-lettres n’ait pas nécessairement enthousiasmé beaucoup la jeune Élisabeth de quatre ans sa cadette, telle qu’en témoigne cette lettre de Marie Stuart :

« J’ai entendu, ma seur, qu’hier a votre leçon vous fustes opiniatre. Vous aves promis de ne le plus estre ; je vous prie laisser cette coutume. Et penser que quand la princesse prend le livre entre ses mains, elle le doit prendre non pour se delecter seulement, mais pour s’en retorner meilleure de la leçon. Et la plus grande partie de la bonté est vouloir le bien estre fait. Que si vous le voules, certainement vous le poves, et a fin que bien tost aies l’esprit digne de princesse, pensés que ceux qui vous reprennent, et amonestent librement, sont ceux qui vous aiment le plus. Pour quoi acoutumes vous a ceux la et les aimes aussi. A Villers Cotterets 8 de septembre. » [65]


Mots-clés éditeurs : Premier XVIe siècle, princes, éducation, précepteurs, France, traités d'éducation

Date de mise en ligne : 21/05/2008.

https://doi.org/10.3917/rhis.081.0033

Notes

  • [1]
    Anatole de Montaiglon (éd.), Latin Themes of Mary Stuart, Queen of Scots, Londres, Warton Club, 1855, p. 4-5 : Lettre de Marie Stuart à Isabelle de Valois en 1554.
  • [2]
    Joël Cornette, Le savoir des enfants du roi sous la Monarchie absolue, dans Le savoir du Prince, Ran Halévi (dir.), Paris, Fayard, 2002, p. 113-114.
  • [3]
    Ibid., p. 117 ; Isabelle Flandrois, L’Institution du Prince au début du XVIIe siècle, Paris, PUF, 1992, p. 2 ; Guillaume Budé, De l’institution du Prince, L’Arrivour, 1547, in-fol. ; François Rabelais, Gargantua, Lyon, 1532, in-4o ; Jean Brèche, Manuel royal, Tours, chez Mathieu Chercelé, 1541, in-4o ; Jean Brèche, Premier livre de l’honneste exercice du Prince, Paris, Enseigne la Fontaine rue Saint-Jacques, 1544, in-4o ; Claude d’Espence, Institution d’un prince chrétien, Lyon, Jean de Tournes, 1548, 75 p. ; Pierre Boaistuau (trad.), L’histoire de Chelidonius Tigurinus sur l’Institution des princes chrestiens et origine des royaumes, Paris, chez V. Sertenas, 1559, 143 fol. ; Michel de l’Hospital, De Sacra Francisci II, Galliarum regis, initiatione, regnique ipsius administrandi providentia, Paris, chez F. Morellum, 1560, in-4o ; Étienne Pasquier, Pourparler du Prince, Paris, chez V. Sertenas, 1560, in-8o ; Pierre de Ronsard, Institution pour l’adolescence du Roy très chrestien, Charles IXe de ce nom, Paris, chez Buon, 1562, in-4o ; Jean Talpin, Institution d’un prince chrestien, Paris, N. Chesneau, 1567, 80 fol. ; Jacques Amyot, Projet d’éloquence royale, Paris, Les Belles Lettres, 1992, 99 p.
  • [4]
    Robert J. Knecht, François Ier et le « miroir des princes », dans Le Savoir du Prince, Ran Halévi (dir.), Paris, Fayard, 2002, p. 85.
  • [5]
    Nathalie Blancardi, Les petits princes : enfance noble à la cour de Savoie au XVe siècle, Cahiers lausannois d’histoire médiévale, 28, 2001, p. 29.
  • [6]
    François Ier et le « miroir des princes », dans Le Savoir du Prince, op. cit. (n. 4), p. 97.
  • [7]
    Ibid., p. 88.
  • [8]
    Introduction de Bernard Jolibert du De Pueris d’Érasme, traduit par Pierre Saliat, Paris, Klincksieck, 1990, p. 10-13.
  • [9]
    Plutarque, De Liberis educandis e greco traductus, par Guarino de Verone (1374-1460), s.l., s.d., in-4o ; traduction rééditée en 1514 à Paris ; réédité encore dans Pietro Paolo Vergerio, De Ingenuis moribus, Paris, 1494, in-4o.
  • [10]
    Érasme, Institutio principis christiano, saluberrimis referta praeceptis per Erasmum cum aliis nonnullis eodem pertinentibus [...] Isocrates ad Nicoclem regem de intsitutione principis, Lovanii, apud T. artinum Alustensem, 1516, in-4o.
  • [11]
    Introduction de Bernard Jolibert du De Pueris d’Érasme, op. cit. (n. 8), p. 19-22.
  • [12]
    Juan Luis Vives, De Institutione foeminae christianae, Antverpiae, apud M. Hillenium Hoochstratanum, 1524, in-4o : « Les femmes savantes sont suspectes à beaucoup de gens, qui pensent que la science ne peut que nourrir leur malignité innée. Je ne plaide pas pour qu’on enseigne à une femme les connaissances qui pourraient la conduire à la tromperie au détriment des bonnes mœurs et de la vertu (...) Qu’elle apprenne donc à lire avec des livres qui lui inculquent les bonnes manières, et si elle apprend à écrire, que ce ne soit pas avec des poésies ou des chansons oiseuses, mais avec des exemples vertueux et prudents, extraits de la Sainte Écriture ou des œuvres de philosophes (...). La femme ne doit pas suivre son propre jugement, de peur qu’avec ses faibles connaissances elle ne se prenne pour sage et savante » (cité dans David Cressy, Education in Tudor and Stuart England, London, E. Arnold, 1975, p. 106).
  • [13]
    Jacques Amyot n’est plus précepteur mais grand aumônier de France lorsqu’il offre son Projet d’éloquence royale à Henri III en 1579.
  • [14]
    BnF, Clairambault 835, p. 2369-2395 ; BnF, Clairambault 836, p. 2631-2661 ; voir la thèse de Cédric Michon, La crosse et le sceptre. Les prélats d’État sous François Ier et Charles VIII, Paris, Tallandier, 2007.
  • [15]
    BnF, Ms. fr. 3007, fol. 129-134 ; BnF, Clairambault 835, p. 2369-2395.
  • [16]
    BnF, Ms. fr. 20508, fol. 12 ; BnF, Ms. fr. 3010, fol. 92.
  • [17]
    Jean Plattard, dans L’humaniste Théocrenus en Espagne, Revue du Seizième siècle, XVI, 1929, p. 3, évoque une correspondance échangée avec Pedro Plaza et Diego Gracian de Alderete ; voir, au sujet du mouvement d’Alcala et du rôle de Diego Gracian dans la défense des œuvres d’Erasme dès les années 1527, Marcel Bataillon, Érasme et l’Espagne, t. 1, Genève, Droz, 1991, p. 285-287.
  • [18]
    Aloïs Gerlo (dir.), La correspondance d’Érasme, Bruxelles, Bruxelles, University Press, 1977, vol. VI, p. 563-564.
  • [19]
    Bibl. nat. Madrid, E47, fol. 358, Dixit mihi verbis tuis dominus Petrus de Peralta tibi me remgratam facturum, si ad te quamprimum mitterem libellum De Tranquillitate animi quem olim in notratem linguam verti. »
  • [20]
    P. Pius Bonifacius Gams, Series Episcoporum ecclesiae catholicae, quotquot innotuerunt a Beato Petro Apostolo, Ratisbonae, Typis et Sumtibus Georgii Josephi Manz, 1973, p. 555 : il est évêque de Grasse de 1534 à 1536 et meurt en charge.
  • [21]
    Benedicti Theocreni episcopi Grassensis, regis Francisci liberorum praeceptoris, poemata, quae juvenis admodum jusit, Ex officina Marnefiorum fratrum, sub Pelicano, Pictavii, 1536 (mois de mars), in-4o, 32 fol.
  • [22]
    Ibid., pièces 1, 2, 5, 9, 10, 28, 29, 37, 38, 41, 43, 46, 47, 52 ; La Correspondance d’Érasme..., op. cit. (n. 18), p. 363 : Théocrène aurait occupé une charge de secrétaire de la ville de Gênes.
  • [23]
    Marie-Madeleine de la Garanderie, Christianisme et lettres profanes. Essai sur l’Humanisme français (1515-1535) et sur la pensée de Guillaume Budé, Paris, Honoré Champion, 1995, p. 148 : elle évoque en effet des liens épistolaires entre Théocrène, Salmon Macrin et Germain de Brie à l’occasion notamment du décès de François Deloynes en juillet 1524.
  • [24]
    Clément Marot, Adolescence clémentine, Paris, Le Livre de poche, « Classique », 2005, p. 291.
  • [25]
    BnF, Clairambault 836, p. 2631-2661.
  • [26]
    Jacques Danès, Abrégé de la vie du célèbre Pierre Danes, ambassadeur du roy François Ier au Concile de Trante, evesque de Lavaur, precepteur et confesseur de François II, Paris, chez Quillau, 1731, p. 6.
  • [27]
    Ibid., p. 3 ; voir aussi l’Épigramme de Charles Bailly et oraison funèbre composée par Genebrard en 1577.
  • [28]
    M.-L. Delaruelle, Deux lettres inédites de Pierre Danès, Mélanges d’Archéologie et d’Histoire (Mélanges de l’École française de Rome), 19, 1899, p. 167-182.
  • [29]
    BnF, Clairambault 836, p. 2631-2661.
  • [30]
    Jacques de Corneillan est évêque de Vabres de 1547 à 1561, puis occupe l’évêché de Rodez de 1562 à 1565 ; voir Nicole Lemaître, Le Rouergue flamboyant. Le clergé et les fidèles du diocèse de Rodez, 1417-1563, Paris, Cerf, 1988, p. 418.
  • [31]
    Georges Soubeille, Humanistes en pays d’Oc, Toulouse, Éditions universitaires du Sud, 2006, p. 31-33.
  • [32]
    Ibid., p. 57-60 ; traductions des lettres 4 et 31 des Epistolae in italica pereginatione exaratae, Venise, 1548, p. 83-94 et 151-155.
  • [33]
    Nathalie Blancardi, Les Petits Princes..., op. cit. (n. 5), p. 35 : Pierre Aronchel fut ainsi précepteur de Charlotte, Annabelle et Marguerite de Savoie.
  • [34]
    Nicholas Orme, From Childhood to Chilvary. The Education of the English Kings and Aristocracy, 1066-1530, Londres, Methuen, 1984, p. 27-28.
  • [35]
    BnF, Clairambault 835, p. 2353-2368 ; BnF, Clairambault 836, p. 2631-2661 et 2537-2631.
  • [36]
    BnF, Ms. fr. 11207, fol. 227 vo.
  • [37]
    BnF, Clairambault 836, p. 2537-2631.
  • [38]
    Ibid., p. 2537-2631.
  • [39]
    Nancy Lyman Roelker, Jeanne d’Albret, reine de Navarre (1528-1572), Paris, Imprimerie nationale, 1979, p. 30 ; Bernard Berdou d’Aas, Jeanne d’Albret. Chronique (1528-1572), Anglet, Atlantica, 2002, p. 56.
  • [40]
    Michel Duchein, Élisabeth Ire d’Angleterre. La parole et la séduction, Paris, Fayard, 1992, p. 54.
  • [41]
    BnF, Ms. fr. 3108, Ms. fr. 3116, Ms. fr. 3120, Ms. fr. 3133, Ms. fr. 3134.
  • [42]
    Hector de la Ferrière, Lettres de Catherine de Médicis, vol. 1, Paris, Imprimerie nationale, 1880-1905.
  • [43]
    BnF, Ms. fr. 3116, Ms. fr. 3133, Ms. fr. 3150.
  • [44]
    M. N. Tommaseo, Relations des ambassadeurs vénitiens sur les affaires de France au XVIe siècle, t. 1, Paris, Imprimerie royale, 1838, p. 285 et 373. Les avis sur l’instruction des jeunes princes peuvent même s’avérer très contradictoires : ainsi au sujet du futur Charles IX, Jean Capello le décrivait, en 1554, « d’une figure agréable, d’un cœur généreux, il aime les lettres, il a du talent », alors qu’en 1561 Jean Michel retenait de sa mission diplomatique que « l’étude ne l’amuse guère ; il s’y résigne cependant pour obéir à sa mère, mais comme il ne s’y livre pas de bon cœur, il fera peu de progrès » (cf. ibid., t. 1, p. 373 et 423).
  • [45]
    Les petits princes..., op. cit. (n. 5), p. 23.
  • [46]
    BnF, Ms. fr. 11207.
  • [47]
    Danièle Alexandre-Bidon, La lettre volée. Apprendre à lire à l’enfant au Moyen Âge, Annales ESC, 44, 1989, p. 972.
  • [48]
    BnF, Ms. fr. 11207, fol. 227 vo.
  • [49]
    Ibid., fol. 199 vo.
  • [50]
    François Genin, Lettres de Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier reine de Navarre, t. 2, Paris, Renouard, 1841, p. 70-71.
  • [51]
    BnF, Ms. fr. 2915, fol. 31.
  • [52]
    BnF, Ms. fr. 3037, fol 5, à dater d’avant janvier 1528 où ils furent transférés à Pedrazza.
  • [53]
    BnF, Ms. fr. 5116, fol. 24-31.
  • [54]
    Les Petits Princes..., op. cit. (n. 5), p. 35.
  • [55]
    De Torsay, La vie, mort, et tombeau du haut et puissant seigneur Philippe de Strozzi, chevalier des deux ordres du Roy, conseiller en ses conseils d’estat et privé, capitaine de cinquante hommes d’armes, colonel général de l’infanterie françoise et despuis amiral en l’armée de Mer dressee par la Roine..., Paris, chez Guillaume Le Noir, 1608, p. 408.
  • [56]
    BnF, Ms. fr. 11207, fol. 95.
  • [57]
    BnF, Ms. fr. 2915, fol. 29.
  • [58]
    Ursula Baurmeister, Marie-Pierre Lafitte, Des Livres et des Rois. La Bibliothèque royale de Blois, Catalogue de l’exposition tenue au château de Blois et à la Bibliothèque nationale de France en 1992, Paris, Bibliothèque nationale, 1992, p. 224.
  • [59]
    Plutarque, Recueil des haultz et nobles faictz de plusieurs femmes vertueuses, escript premierement en grec par Plutarque et maintenant traduict en françoys, Paris, chez Olivier Mallard libraire et imprimeur du Roy, 1538, in-8o.
  • [60]
    BnF, Ms. latin 8660 ; Anatole de Montaiglon, Latin themes..., op. cit. (n. 1).
  • [61]
    Frank-A. Mumby, The Girlhood of Queen Elizabeth. A Narrative in Contemporary Letters, London, Constable & Co., 1909, p. 25-26.
  • [62]
    Latin themes..., op. cit. (n. 1), p. 6-8.
  • [63]
    Diluculum ou « Point du Jour », dialogue entre Néphale et Philypne sur les vertus du réveil matinal pour la formation de l’esprit, dans Érasme, Les Colloques, trad. Victor Delevay, Paris, Librairie des Bibliophiles, 1876, t. 3, p. 145-157.
  • [64]
    Latin Themes..., op. cit. (n. 1), p. 64-65.
  • [65]
    Ibid., p. 30-31.
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