Couverture de RHIS_054

Article de revue

Notes bibliographiques

Pages 933 à 948

English version

1— Cristina Rognoni, Les actes privés grecs de l’Archivio Ducal de Medinaceli (Tolède), I. Les monastères de Saint-Pancrace de Briatico, de Saint-Philippe de Bojôannès et de Saint-Nicolas-des-Drosi (Calabre, XIe-XIIe siècles), Paris, Association Pierre-Belon, 2004, 285 p. + un CD-Rom. — Les spécialistes de l’Italie méridionale, de la Sicile médiévale et de leurs communautés grecques se féliciteront de la parution très attendue d’une édition des actes privés grecs de l’Archivio Ducal de Medinaceli, c’est-à-dire des archives du grand monastère du Saint-Sauveur de Messine, une fondation grecque voulue par le roi Roger II, et qui a laissé 213 documents de langue grecque, dont 158 actes privés. Ces pièces inestimables constituent une partie considérable, si ce n’est la plus grande partie de la documentation grecque de l’Italie méridionale médiévale, qui est la zone la mieux documentée de l’Empire byzantin après l’Athos. Pourtant, elles sont restées murées dans un long silence dû aux aléas de l’histoire sicilienne. Redécouvertes dans les années 1970 et rendues accessibles aux chercheurs (avec parcimonie) seulement dans les années 1990, elles sont enfin l’objet d’une édition complète dont le premier volume, consacré aux archives de trois monastères calabrais, vient de paraître. Cristina Rognoni avait fait des actes privés grecs de tout l’Archivio l’objet d’une thèse sous la direction d’André Guillou, soutenue à l’EHESS en 1999, puis d’un inventaire dans un article publié dans Byzantion, en 2002. Les connaisseurs se réjouiront de voir la plupart des erreurs et lacunes de ces deux travaux corrigées dans une édition qui prend à raison pour modèle formel les volumes du Corpus des Actes grecs d’Italie et de Sicile d’André Guillou, qui s’est lui-même fortement inspiré de l’édition des Archives de l’Athos, à laquelle il a contribué. On regrettera seulement, par rapport à ces prestigieux modèles, un maniement pratique moindre de ce volume : une table des matières « légère » qui ne mentionne pas les documents avec leurs dates et leur cote à l’Archivio, un index grec limité aux notions, et excluant des éléments importants (stratègos, droungos), un index latin qui classe les personnes par le prénom et pas le cognomen, le manque de cartes... En revanche, est joint au livre un CD-Rom reproduisant les originaux, et grâce auquel on peut aisément accéder à ces derniers au moyen d’un zoom, une idée excellente qu’on devrait voir se répandre de manière systématique.

2Les 30 documents édités dans ce volume, et suivis par la présentation de huit actes publics, par Vera von Falkenhausen, sont précédés d’une longue introduction qui comprend l’essentiel des informations attendues : historique, description et tradition du fonds, méthode de l’auteur, présentation de chacun des monastères. L’exposition de l’angle d’attaque, centré sur l’étude de la langue comme modalité d’accès aux conditions sociales et culturelles de l’écriture notariée, est particulièrement longue ; il est vrai qu’elle manifeste une appréhension originale de l’édition des documents notariés médiévaux, en privilégiant l’étude philologique, linguistique du document et du scribe, qui est vu non comme un prisme déformant de la réalité mais comme l’expression consciente de cette réalité. Toutefois, on regrettera, à l’égard de ce but explicite d’histoire culturelle, quelques lacunes : l’absence de distinction entre acte privé et document public, notamment dans le contexte de la féodalité normande, l’absence d’interrogation sur le concept d’acculturation, ainsi que, plus important, sur la nature même des communautés italo-grecques. Cristina Rognoni, suivant ainsi André Guillou, postule implicitement la permanence de ce qu’elle appelle l’ « être grec », le « Byzantin », alors même que sa réalité en Italie du Sud n’est pas une évidence avant même la conquête normande. De manière générale, les précisions historiques fournies par cette introduction sont un peu trop concises, notamment sur l’archimandritat de Messine.

3L’édition des documents est claire et systématiquement commentée, explicitant rigoureusement les faits, et assortie d’une bibliographie complète. Toutefois, les analyses si utiles des formules, du style, de l’écriture, ou celle des stratégies foncières des monastères, rendent un peu pâles les considérations sociales. L’étude des familles, des réseaux, qui sont les fondements de l’ossature des communautés dominées, est maigrement représentée, et il manque des arbres généalogiques (notamment pour les actes 2, 4 et 9, 29 et 30, ou le document 37), des études anthroponymiques précises, des analyses sur le droit des femmes, des identifications topographiques... En outre, les considérations sur l’histoire administrative de la Calabre méridionale ne rendent pas compte des débats, notamment sur la fameuse « tourma » des Salines, fortement contestée, tout comme l’existence même des tourmai, par Jean-Marie Martin et d’autres avec lui. La mention d’un « tourmarque du droungos de Briatico », dans l’acte 10, est lui aussi sujet à caution. Non seulement cette lecture du document et de ses abréviations est contestable (ce n’est pas la lecture qui avait été retenue ni dans la thèse ni dans l’inventaire de Cristina Rognoni), mais l’expression même aurait dû susciter une critique, du fait de son inadéquation avec le modèle administratif byzantin.

4L’ouvrage marque une avancée indéniable et nécessaire dans l’accessibilité aux sources italo-grecques, dans la connaissance des communautés hellénophones de l’époque byzantine et post-byzantine, et dans l’usage historique de l’analyse linguistique, juridique et philologique. Les quelques remarques critiques présentées ici ne peuvent masquer l’impatience qu’on a de lire les volumes suivants de cette entreprise prometteuse.

5Annick PETERS-CUSTOT.

6— John Gillingham (ed.), Anglo-Norman Studies XXV : Proceedings of the Battle Conference 2002, Woodbridge (Suffolk), The Boydell Press, 2003, XII-238 p. — Les réunions régulières, dans le cadre des conférences de Battle, de spécialistes de l’espace anglo-normand – défini très largement, puisqu’il englobe notamment l’ensemble des territoires britanniques touchés par la pénétration normande – permettent de vérifier les tendances récentes de la recherche. La conférence tenue en 2002, si elle couvrait des thèmes très divers, comme l’histoire de l’architecture (Richard Fawcett) ou encore les destinées des familles prises entre les allégeances anglaise et française après le rattachement de la Normandie à la France (Daniel Power), laissait toutefois une large place à deux thématiques. La première est celle des rapports entre diplomatique et histoire. Dauvit Brown tente de discerner la spécificité de la royauté écossaise à travers l’étude de ses usages diplomatiques : l’absence d’une couronne sur le sceau, tout comme celle du pluriel de majesté dans les chartes royales, semblent indiquer que la royauté écossaise ne se considérait pas comme figurant dans la même catégorie que les rois anglais. A contrario, l’apparition de ces éléments au XIIIe siècle reflète les ambitions nouvelles de la monarchie écossaise. John Hudson démontre, quant à lui, la manière dont l’étude diplomatique peut éclairer l’évolution du droit : par le recours systématique à des clauses standardisées dans leurs chartes, les rois des Écossais encouragèrent l’adoption de formes communes de tenure de la terre dans leur royaume. Et ce fut bien leur intervention qui donna corps à la « loi commune » du royaume, une situation qui fut aussi celle de l’Angleterre jusqu’au milieu du XIIe siècle et l’apparition d’un système judiciaire complexe et routinier. Richard Mortimer, dans son étude des chartes laïques du XIe siècle, détermine les grandes caractéristiques diplomatiques de la période, afin de pouvoir jeter les jalons d’une authentification plus sûre des chartes enregistrées plus tard dans les cartulaires. On comprend ainsi la tentation, pour les scribes du XIIe siècle confrontés à des documents souvent vagues, d’insérer des interpolations, de préciser certaines clauses, donnant naissance à des documents partiellement authentiques.

7La seconde tendance que l’on peut discerner à l’œuvre dans les études récentes est l’importance accordée à la transmission et à l’hérédité. Dans son étude de la transformation des structures de l’aristocratie écossaise au XIIe siècle, Nigel M. Webb introduit le concept d’heritability : c’est, en l’occurrence, la possibilité de jouir d’une succession relativement sûre et stable qui permit de renforcer l’autorité locale de certaines familles, leurs liens avec des établissements ecclésiastiques voisins comme avec d’autres familles de la localité, et le développement par elles d’une structure familiale linéaire. Et c’est sans doute cette stabilité de la succession qui donna une assise aux prétentions de nombreuses familles écossaises à descendre des compagnons anglais d’Edgar Atheling (G. W. S. Barrow). Les questions liées à la parenté sont aussi au cœur de l’étude de Michael H. Gelting : mettant à l’épreuve de la société scandinave les théories d’Eleanor Searle sur la « parenté prédatrice » et sur sa place dans la construction du pouvoir normand, l’auteur démontre que la vision d’une société scandinave marquée par une parenté large, aux structures primitives, est en fait le produit d’une remise en ordre idéologique générale produite par l’Église aux XIe et XIIe siècles. Finalement, dans un essai sur l’adolescence de Guillaume le Conquérant, David Bates explique un certain nombre d’événements de la période à la lumière de l’étude des structures de parenté : la guerre de 1046-1047 doit être comprise non comme l’effet d’une quelconque régionalisation, mais comme la conséquence de conflits au sein de la parenté dominante à la cour ducale. La personne de Guillaume ne fut toutefois jamais mise en danger, ce qui révèle le ralliement de sa parenté paternelle aux principes de légitimité et de succession.

8La notion de transmission culturelle et la lecture du passé font aussi l’objet de plusieurs communications. Julia Crick suggère de replacer l’écriture de l’histoire en Angleterre et en Normandie après la Conquête dans un temps long : on observe en effet des similitudes frappantes entre l’effort de réappropriation du passé en Angleterre à la suite des invasions vikings de la fin du IXe siècle et l’entreprise des historiens après 1066, une conclusion qui va à l’encontre des théories récentes sur l’écriture de l’histoire comme produit de la rencontre des conquérants et des conquis et de l’acculturation qui en résulta. Dans un essai sur les Instituta Cnuti, Bruce O’Brien met au jour la méthode du traducteur, qui n’hésita pas à transformer le texte vieil-anglais pour refléter les évolutions contemporaines du droit, donnant par exemple une part plus grande à l’ordalie. De manière plus fondamentale, il convient toutefois pour lui de s’interroger sur la pertinence de ces textes dans un système judiciaire dominé par l’oralité. Il suggère d’y voir un « ancrage symbolique et intellectuel » pour la pratique du droit ; mais l’entreprise de traduction des codes antérieurs à la Conquête est peut-être aussi le reflet de la curiosité des savants de la fin du XIe et du début du XIIe siècle pour les sagesses « barbares » et exotiques. C’est également ce thème qu’évoque Michael Angold dans son étude de la connaissance de l’histoire byzantine chez les historiens normands, dans la mesure où la pénétration normande en Italie du Sud renforça certainement l’intérêt pour Byzance chez les historiens normands du nord de l’Europe. Finalement, M. J. Kennedy revient sur la vision des Juifs dans l’œuvre de William de Newburgh : le poids donné au passé du peuple juif, ainsi que sa place dans une histoire du salut, permettent de rendre compte de la vision nuancée et, en tout cas, inhabituelle de William de Newburgh.

9Frédérique LACHAUD.

10— XXXa Semana de Estudios medievales, Estella (14-18 juillet 2003), Ante el Milenario del Reinado de Sancho el Mayor. Un rey navarro para España y Europa, Pampelune, Ed. Gobierno de Navarra, 2004, 387 p. — Sanche III le Grand, qui régna de 1004 à 1035, méritait bien un rendez-vous international pour célébrer son millénaire ; les organisateurs des Semaines d’Études médiévales qui se réunissent tous les ans à Estella en Navarre ne pouvaient manquer cette occasion. Les spécialistes de l’an mil ont pu donner des synthèses ou des coups d’œil sur des points particuliers à la faveur de ce colloque.

11Angel J. Martin Duque (« Sanche III el Mayor de Navarra, entre la leyenda y la historia », p. 19-41) a donné tout d’abord le point de l’historiographie de Sanche le Grand, le défenseur de la foi chrétienne selon les premiers chroniqueurs, ou le constructeur du royaume de Navarre par la suite, puis le maître de toute l’Espagne chrétienne ; aujourd’hui, ce roi est vu surtout comme le protecteur du monachisme clunisien en Espagne, des premiers pèlerins de Santiago, en tout cas un point de référence dans l’Histoire. Firmín Miranda García (« Monarquía y espacios de poder político en el reino de Pamplona, 1000-1035 », p. 43-70) fait un tableau politique des diverses terres relevant de sa domination, les tenures nobles et les seigneuries laïques ou ecclésiastiques structurant ce royaume. Dominique Barthélemy (« Sainte Foy de Conques et les violences de l’an mil », p. 71-107) a élargi les frontières, analysant l’ordre seigneurial de l’Occident à la faveur du Livre des Miracles de sainte Foy. Princes et évêques collaborent pour faire régner la paix, les nobles entre eux pratiquant leur droit personnel, étayé par le principe de la vengeance et de la réconciliation en alternance (au passage, notons le vocabulaire de D. Barthélemy : la « baraka », le « racket », le « système visqueux »). Le Livre des Miracles campe une sainte Foy alliée des chevaliers, secourant ceux qui sont captifs, les aidant à tenir leur rang, protégeant la faide quasi sacralisée, cautionnant la classe seigneuriale sans lui demander de changer ses comportements. Pascual Martínez Sopena (« Reyes, condes e infanzones. Aristocracia y Alfetena en el reino de León », p. 109-154) fait l’histoire des comtés et de leurs princes du royaume de León ; les liens matrimoniaux soudent tous les lignages nobles, juxtaposés autour de la monarchie qui concède les châteaux et règne avec ses grands. L’unité de la terre ancestrale y est préservée par les fondations de monastères familiaux (le lignage du comte de Castille García Fernández fonde ainsi en 1011 San Salvador de Oña). Mais ces groupes lignagers vivent en conflits, le terme le plus employé à ce sujet étant celui d’Alfetena venu de l’arabe Fitna, « la guerre ouverte ». Répond, à ce tableau du Nord, celui du Sud : Eduardo Manzano Moreno (« Algunas reflexiones sobre el fin del Califato Omeya de Cordoba », p. 155-172) insiste sur cette fin lamentable des derniers princes portant le sang des Quraisites de Damas, l’éclatement en bandes rivales, les Taífas, aux pouvoirs si différents.

12José Enrique Ruiz Domenec ouvre la série des communications concernant la vie religieuse et intellectuelle (« El abad Oliba, un hombre de paz en tiempos de guerra », p. 173-195). L’abbé Oliba de Ripoll, élu en 1008 à la suite de l’abbé Séniofred, à 38 ans, est l’arrière-petit-fils de Guifré el Pilos de Cerdagne-Besalú, et neveu de l’évêque de Gérone Miró Bonfill qui fut l’ami de Gerbert d’Aurillac. Oliba de Ripoll dirige la réforme ecclésiastique dans l’ensemble catalan, d’autant plus qu’il est élu évêque de Vic en 1017 ; il dirige donc une société guidée par les évêques, conseille les comtes et les rois, dans la mouvance de l’Église de ce mouvement de Trêve de Dieu, réunit les conciles de paix de Toulouges en 1027 et de Vic en 1030 et 1033. Il meurt en 1047. Manuel Díaz y Díaz (« Tradiciones culturales librarias en el Reino de Pamplona », p. 197-211) insiste sur la richesse du livre, possédé par les meilleurs centres ibériques depuis les Wisigoths, à San Salvador de Leire, dans les monastères pyrénéens (Siresa) ou de la Haute Rioja (Albelda) où on lit Virgile, Horace, Juvénal, autant que saint Augustin. À San Millan de la Cogolla ou à Albelda, on garde des Codices (la règle de saint Benoît, les Différences d’Isidore de Séville). Les monastères ou l’évêché de Najera possèdent des ouvrages tout à fait remarquables, compilés grâce à des échanges de manuscrits et des apports des centres andalous ou des monastères du Nord. La région de Najera est alors le centre d’irradiation des Beatus, comme celui des manuscrits mozarabes, ou des livres d’histoire romains ou wisigoths. José Angel García de Cortázar (« Monasterios hispanos en torno al año mil : función social y observancia regular », p. 213-269) revient à l’abbé Oliba envoyant une lettre à Sanche III le Grand en 1023, pour mieux développer à propos de cet exemple les liens établis entre le monde monastique et la royauté de ce temps. La Règle de saint Benoît, l’observance clunisienne rejoignent en Espagne les anciennes coutumes monastiques. Les monastères créés par les aristocrates constituent sous Sanche III une hiérarchie du pouvoir. San Juan de la Peña, San Salvador de Leire, Santa Maria de Irache, San Millan de la Cogolla, San Salvador de Oña, San Pedro de Cardeña, San Pedro de Arlanza, Santos Facundo y Primitivo de Sahagun structurent l’espace politique dans lequel le roi Sanche III le Grand a voulu uniformiser par la seule règle de saint Benoît son monde priant et combattant. Luis A. García Moreno (« Estirpe goda y legitimidad del poder en tiempos de Sancho el Mayor », p. 271-299) rappelle la croyance de la transmission du sang royal wisigothique chez les rois des Asturies. Or les rois de Navarre sont issus des princes de la Rioja. Mais à Najera on rédige une histoire (dans les Codex de Roda) de la Translatio Regni à Pampelune, la ville invaincue, siège de la monarchie légitime qui descend aussi des Leonais et des Asturiens, donc des Goths. Julio Samsó (« L’introduction de l’astronomie arabe en Catalogne à la fin du Xe siècle », p. 301-317) évoque Lobet de Barcelone, Seniofred, Gerbert, leurs livres, leurs astrolabes : le manuscrit Ripoll 225 prouve la passion des Catalans pour l’astronomie hellénistique et latine, véhiculée par les Arabes. Dominique Iogna-Prat (« Les moines et la “blanche robe d’églises” à l’âge roman », p. 319-347) est heureux de montrer que la réforme clunisienne « gagne par capillarité » depuis San Juan de la Peña et Oña, en Navarre et en Castille. Faire construire une église revient à faire pèlerinage. La consécration du monastère est une expression du pouvoir. L’église est référence, inscription du christianisme dans la terre, l’église consacrée équivaut à une sainte personne.

13Enfin, Klaus Herbers (« El Imperio entre Oton I y Conrado II. Interpretaciones y tendencias de la historiografía actual », p. 349-389) donne une comparaison avec le grand roi Sanche III et la vaste monarchie chrétienne, celle de l’empereur saint Henri II mort en 1024, qui lui aussi règne avec les nobles et les évêques. Une très riche bibliographie peut servir à tous ceux qui travaillent sur l’an mil et qui ne peuvent ignorer les articles réunis dans cette publication.

14Béatrice LEROY.

15— François-Olivier Touati (dir.), Archéologie et architecture hospitalières de l’Antiquité tardive à l’aube des Temps modernes, Paris, La Boutique de l’Histoire, ouvrage publié avec le concours du CREPHE (Université de Paris XII), 437 p., cartes et ill., 2004, 29 E. — Dix-neuf auteurs ont travaillé à cet ouvrage. Universitaires, enseignants, chercheurs, archéologues, conservateurs, mais aussi un infirmier et un médecin se sont attelés à défricher les questions de l’histoire, de l’architecture et de l’archéologie hospitalières dans l’Europe médiévale. Faisant tout d’abord état des cadres historiographiques, François-Olivier Touati tente de cerner au plus près les causes d’un désintérêt dans la discipline de l’histoire de l’art, « jusqu’aux plus récents ouvrages ». En archéologie, les constats ne sont guère plus reluisants. Il est vrai que les synthèses manquent et seuls les aspects les plus monographiques (descriptifs et rares relevés) dominent le maquis des centres de documentation des DRAC (SRA, Inventaire, Monuments historiques), ou celui des revues et publications très diverses. Toutefois, à en juger par la qualité des sources et des travaux (y compris universitaires à Pont-Saint-Esprit), le bilan exploratoire est certainement moins affligeant que peut le laisser penser la seule introduction. Cela ne retire évidemment rien à l’absolue nécessité de conduire une recherche de fond dans ce domaine où les manques devenaient visiblement insupportables. Voici donc de quoi nous réjouir en nous proposant de tracer de nouvelles pistes de recherche.

16 Accueillir, construire et répartir, tels sont les trois premiers axes tracés. Le premier axe consiste à préciser ce qui a trait aux lieux, qu’il s’agisse d’hôtelleries, d’infirmeries, de léproseries et de maladreries. Ensuite, sont considérés les espaces annexes permettant d’insérer ces bâtiments dans un paysage large grâce à ces très intéressants « chemins dans l’église » dotés de reposoirs, ou encore aux cimetières fouillés (pathologies à partir des ossements). Le second axe précise les interprétations possibles des plans choisis. Dans un premier temps, les hôtels-Dieu dénotent l’usage de plans peu réguliers, aux constructions enchevêtrées, réduites et vétustes, aux espaces étroitement imbriqués (Blois, Seclin). C’est seulement dans une seconde phase, plus tardive, que les r4econstructions proposent des plans régularisés. Selon les lieux (Melun), les sites sont difficiles à interpréter, alors même que les documentations historiques sont riches. L’hôpital est alors conçu comme une maison de Dieu, un espace où se mêlent intimement le sacré et le profane. Une des conclusions possibles consiste également à repérer un vocabulaire architectural très proche de celui des demeures princières, tout en étant fortement lié aux choix décoratifs récurrents de l’architecture religieuse : c’est le cas pour l’hôtel-Dieu de Beaune à la suite d’un examen critique des restaurations.

17 Le troisième axe propose enfin d’élargir les champs de vision en envisageant la question des liens entre assistance médiévale et architecture (Portugal). Les petits établissements du début sont marqués par la précarité et la simplicité des aménagements. Ensuite seulement, ils sont bouleversés par l’importance accordée aux soins médicaux, ainsi que par l’intervention des princes. La présence de ces hôpitaux nécessite alors une réflexion à propos de leur emplacement, dans la ville ou hors la ville, près des portes et le long des voies de passage. Les maillages hospitaliers diocésains (Bayeux, région Centre) sont interrogés, tout comme les conditions de la réception des malades et des pauvres. Enfin, plusieurs corpus s’essaient à l’inventaire en insistant sur les sources inégales disponibles (site, vocables en Lazare et Marie-Madeleine, textes, vestiges, parcellaires...), la modélisation des architectures et les stéréotypes.

18Bruno PHALIP.

19— Paul Delsalle, Lexique pour l’étude de la Franche-Comté à l’époque des Habsbourg (1493-1674), Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, coll. « Didactiques/Histoire », 2004, 347 p. — Ce lexique est destiné aux étudiants, mais aussi à tous autres chercheurs et curieux d’histoire comtoise des XVIe et XVIIe siècles. Il leur rendra les plus grands services. Sans prétentions scientifiques (les renvois aux sources sont volontairement abrégés), il réunit les mots rencontrés dans les documents d’archives de cette période et vient ainsi compléter très heureusement les dictionnaires existants, trop exclusivement fondés sur les textes littéraires. L’auteur commence par une utile mise au point sur la langue de ces documents, dominée par le français savant plus que par un français régional. Les mots sont donnés avec les différentes orthographes rencontrées. Le lexique retenu couvre de très nombreux domaines : politique, administratif, judiciaire, financier, économique, monétaire, rural, urbain. L’auteur y a ajouté des cartes extrêmement utiles, une liste des dates et une liste des fêtes des saints en rapport avec les réalités comtoises. Au-delà d’un simple lexique, nombre de mots sont l’occasion de précisions historiques et encyclopédiques. On aurait pu souhaiter que l’enquête fût étendue au XVe siècle avec le concours d’un médiéviste. Mais souhaitons que M. Delsalle fasse école et que d’autres provinces se dotent de lexiques de cette qualité.

20Henri DUBOIS.

21— Shirley J. Black, Louis-Napoléon and Strasbourg, Silverston, Ferrell Publications, 2004, 135 p. — Après avoir publié Napoléon III and Mexican Silver, l’historienne américaine Shirley J. Black s’intéressait à la façon dont celui qui devint le second empereur des Français s’était fait connaître, par une journée brumeuse de l’automne 1836 qui lui rappelait celles de Brumaire an VIII, lorsqu’elle décéda brutalement, en 1996. Son collègue Brison D. Gooch, lui-même spécialiste du XIXe siècle français, hérita de son manuscrit, le mit en forme, le compléta et l’édita.

22Rappelons d’abord les faits et les enjeux de cet ouvrage. Le 30 octobre 1836, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, essaie, avec quelques complices, de s’emparer de la ville de Strasbourg, en s’appuyant sur le prestige de son nom et en comptant sur sa bonne étoile. Il entend ensuite marcher triomphalement vers Paris, en un nouveau vol de l’aigle, pour renverser Louis-Philippe. Néanmoins, le refus énergique du commandant de la place militaire, le général Voirol, de le suivre, la résistance d’une partie des officiers et la discipline de la troupe font rapidement échouer sa tentative. Quelques heures plus tard, Le Moniteur, journal officiel de la monarchie de Juillet, apprend laconiquement la nouvelle aux Français. Il se contente d’évoquer l’inéluctabilité du dénouement, en raison de la nullité des misérables conjurés. Cette version qui minimise l’affaire a été relayée par une partie de l’historiographie de la IIIe République et a longtemps prévalu. Cependant, l’importance de l’échauffourée ne se mesure pas à sa seule réalisation, mais aussi à la façon dont le gouvernement l’a vécue, à l’issue qu’il a entendu lui donner et aux conséquences qui en ont résulté pour Louis-Napoléon Bonaparte. Impopulaire, fragilisé par de multiples complots et confronté à la vogue extraordinaire du napoléonisme qu’il tente d’ailleurs de détourner à son profit, Louis-Philippe suit le déroulement des faits avec anxiété. Comme jadis avec la duchesse de Berry, il décide ensuite d’étouffer l’affaire, tout en faisant preuve de mansuétude et en cherchant à discréditer Louis-Napoléon Bonaparte. Ce dernier n’est pas jugé comme il l’aurait souhaité, mais est embarqué à destination des États-Unis. Parallèlement, la propagande gouvernementale prétend qu’il n’a cessé de pleurer dans sa prison et d’implorer grâce et qu’il s’est engagé, pour obtenir celle-ci, à rester pour toujours en Amérique. Mais, l’opinion n’est pas dupe, comme l’atteste son attitude lors du procès des comparses du prince, en janvier 1837 ou le succès de la brochure justificative éditée par l’un d’entre eux, le colonel Laity, en juin 1838. Jusque-là inconnu de ses compatriotes en raison de vingt années d’exil, Louis-Napoléon Bonaparte entre dans leur actualité grâce à sa tentative de Strasbourg.

23À la suite des ouvrages devenus classiques d’Henri Thirria (Napoléon III avant l’Empire, Paris, 1895) et d’André Lebey (Les trois coups d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, Paris, 1906), le travail de Shirley J. Black rétablit les faits et nous livre un honnête récit de l’affaire, en une langue élégante et neuf chapitres vifs et denses. La chercheuse a été puiser aux meilleures sources qui, rappelons-le, ont été malheureusement expurgées par Louis-Napoléon Bonaparte lui-même, au lendemain de son élection à la présidence de la République, en décembre 1848. En revanche, il est fort regrettable que le livre ne contienne aucune note, s’appuie sur une bibliographie singulièrement vieillie, puisque les références les plus récentes ont plus de soixante-dix ans, et use d’une graphie parfois déroutante.

24Éric ANCEAU.

25— Mineke van Essen et Rebecca Rogers (dir.), Les enseignantes. Formations, identités, représentations, XIXe-XXe siècles. Histoire de l’éducation, no 98 (numéro spécial), Millau, INRP, Service d’histoire de l’éducation, mai 2003, 194 p. — Dirigé par Mineke van Essen, de l’Université de Groningue (Pays-Bas), et par Rebecca Rogers de l’Université Marc-Bloch à Strasbourg, ce numéro spécial de la revue Histoire de l’éducation s’intéresse à la figure de l’enseignante qu’il prend pour objet d’analyse. Six articles déclinent des situations très diverses, concernant la situation de ces femmes, toutes confrontées à la représentation sociale et professionnelle de leur sexe. Dans un premier article, « La sous-maîtresse française au XIXe siècle : domestique ou enseignante stagiaire ? », Rebecca Rogers analyse la place de cette aide éducatrice au sein de l’enseignement secondaire français avant l’ouverture des premiers lycées de filles en 1880. Christine Mayer (Université de Hamburg) étudie la formation des institutrices à Hamburg à partir de l’expérience de Doris Lütkens autour des années 1850. Andréa Jacobs (King Alfred’s College, Winchester) observe le rôle des examens dans la professionnalisation des enseignantes du secondaire en Angleterre dans la seconde moitié du XIXe siècle. Joyce Goodman (King Alfred’s College, Winchester) examine les liens entre identités professionnelles des enseignantes du secondaire et mission religieuse dans les possessions coloniales britanniques en Afrique du Sud. Mineke van Essen met au jour les visions sexuées de la profession enseignante aux Pays-Bas en étudiant un sondage à grande échelle effectué auprès des instituteurs et institutrices en 1920 sur l’idée qu’ils et elles avaient de leur métier et de leur carrière. Enfin, Joséphine May (Université de Newcastle, Nouvelle Galle du Sud, Australie) propose une analyse narrative et linguistique des souvenirs que quarante anciens et anciennes élèves d’établissements secondaires non mixtes d’Australie conservaient de leurs professeurs respectifs des années 1930-1950. Ces six articles sont donc divers tant par l’aire géographique choisie que par les thématiques qu’ils proposent et par les périodes observées, puisqu’ils parcourent deux siècles. Au-delà de cette diversité, pourtant, les différents textes permettent d’apprécier le renouvellement de l’historiographie concernant à la fois l’étude des femmes dans des situations concrètes et l’enseignement. L’approche par l’histoire du genre est largement mise en œuvre, sans exclusion pour autant d’autres méthodes plus traditionnelles de l’histoire socioculturelle ou de l’histoire des représentations. L’article introductif « Écrire l’histoire des enseignantes. Enjeux et perspectives internationales » de Mineke van Essen et Rebecca Rogers éclaire ainsi la grande richesse de cette histoire. Il nous propose un panorama historiographique (depuis les années 1960) de ce thème d’étude, impressionnant par son foisonnement et sa précision analytique. Les auteures y soulignent le poids de l’approche anglo-saxonne et l’importance du renouvellement de l’écriture de l’histoire permis par le concept de genre. Elles en rappellent la première « définition » donnée par l’historienne américaine Joan Scott dès 1986 : « Le genre est un élément constitutif de rapports sociaux fondés sur des différences perçues entre les sexes, et le genre est une façon première de signifier des rapports de pouvoir. » Grâce à cette approche, jointe à un travail plus classique sur des sources et des écrits souvent inédits, l’écriture de ce numéro spécial de la revue Histoire de l’éducation permet de montrer la fécondité du concept du genre en histoire et met finement au jour la question de la construction d’identités de femmes et d’hommes dans le milieu enseignant en étudiant le poids des représentations sexuées dans la vie, la formation et la carrière de ces enseignantes.

26Nicole EDELMAN.

27— Jean-Pierre Moisset, Les Biens de ce monde. Les finances de l’Église catholique au XIXe siècle dans le diocèse de Paris (1802-1905), Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2004, 392 p. — Jean-Pierre Moisset a effectué un travail pionnier en étudiant dans sa thèse les finances de l’Église catholique à partir des Archives nationales et des sources archiépiscopales de Paris et en examinant plus particulièrement les comptes de 13 paroisses parisiennes qui, pour la période concordataire, ont laissé une documentation importante conservée principalement aux archives de l’archevêché de Paris. Au XIXe siècle, une église urbaine représente une entreprise relativement complexe. Son conseil de fabrique dispose de fonds non négligeables et son curé exerce une autorité sur un personnel qui peut atteindre plusieurs dizaines d’individus. Le choix de Paris ne permet pas de tirer des conclusions au niveau national car les diocèses provinciaux, majoritairement ruraux, sont très divers, mais il fait apparaître avec netteté l’évolution des subventions au cours du siècle.

28Napoleon Ier a voulu faire de Paris la capitale religieuse de l’Empire et le sacre du 2 décembre 1804 a lieu à Notre-Dame de Paris et non à Reims. Les fonds publics proviennent très majoritairement de la Ville de Paris (52 %) et de l’État (44 %) et secondairement du département de la Seine (4 %). Ils comprennent les traitements du clergé séculier, les secours accordés aux prêtres âgés, aux séminaristes pauvres (bourses) et à certains établissements religieux, hospitaliers le plus souvent, et surtout les subventions destinées à l’entretien et à la construction des édifices religieux. Pendant un siècle où la monnaie reste stable, les sommes les plus élevées sont accordées sous Charles X au temps de l’alliance du trône et de l’autel et sous le Second Empire lors des grandes transformations urbanistiques de la capitale dirigées par le préfet Haussmann.

29En revanche, sous la République laïque, la rémunération de l’archevêque est ramenée au niveau du Premier Empire, baissant de 61 000 F en 1879 à 15 000 F en 1885 et les subventions pour construire des églises sont supprimées : les quartiers périphériques qui se peuplent manquent de lieux de culte. Le financement privé, qui ne cesse d’augmenter au cours du siècle, commence alors à relayer le financement public défaillant et il se substituera à lui au lendemain de la Séparation. L’auteur sait à la fois jongler avec les chiffres (63 graphiques ayant trait aux recettes et aux dépenses du diocèse et des 13 paroisses étudiées) et présenter très clairement les résultats de ses recherches qui restituent des aspects méconnus de la vie religieuse concrète des Parisiens à travers les réalités matérielles.

30Yves-Marie HILAIRE.

31— Brigitte Wache (dir.), Militants catholiques de l’Ouest. De l’action religieuse aux nouveaux militantismes, XIXe-XXe siècles, Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2004, 250 p. — Comme le précise René Rémond dans la conclusion, l’ouvrage traite d’un « grand sujet qui intéresse l’histoire générale de notre temps » : le caractère apaisé de la vie démocratique française depuis quelques décennies s’explique notamment par l’implication d’une partie de l’élite catholique dans la modernisation de la vie économique française, tout au moins jusqu’aux années 1960 : le monde agricole est travaillé par les militants de la JAC puis du MRJC mais aussi du Mouvement familial rural, le secteur industriel où la JOC et FACO forment des générations ayant investi syndicats, organisations professionnelles et partis politiques. Le secteur tertiaire, largement dominant désormais, est absent de cette étude croisée du religieux et du socio-économique : il n’a pas généré d’organisations catholiques à la taille des deux composantes précédentes. Dans son introduction, Brigitte Waché signale les limites de ce colloque qui s’est déroulé au Mans en janvier 2003 : le monde scolaire et étudiant n’est étudié que sous l’angle de la lutte en faveur de la liberté de l’enseignement et la Seconde Guerre mondiale n’est pas abordée d’une manière spécifique. Il n’en reste pas moins que cet ouvrage offre une approche pluridisciplinaire et donne la parole aux anciens militants qui réagissent avec spontanéité et sincérité aux exposés relatifs à leurs engagements.

32La première partie est logiquement consacrée aux « héritages » : la mobilisation en faveur de l’Église dans la Sarthe, dans le Finistère et les diocèses de Coutances et d’Avranches lors des événements liés à la querelle scolaire et à la Séparation permet de mesurer l’attachement des populations à leur Église : le rôle des femmes présentes dans la Ligue patriotique des Françaises et la Ligue des femmes françaises est particulièrement souligné par Marie-Thérèse Cloître qui rejoint les travaux de Bruno Dumons en la matière. L’importance des personnalités se retrouve dans le dévouement contagieux du vicomte Paul de Gibon, président de l’Union de la Jeunesse catholique de la Manche, qui parvient à éviter les reproches de la hiérarchie toujours sourcilleuse de sa suprématie. La mesure de la fécondité de l’Action catholique spécialisée est décrite sous ses aspects professionnels et religieux : le contraste semble clairement se dessiner entre un succès constaté dans le domaine de la modernisation des structures socio-économiques, notamment en matière de production agricole, et un « échec religieux » clairement énoncé par Yvon Tranvouez pour les jacistes du Finistère sans que les témoignages viennent clairement confirmer cette présentation. La question mérite d’être en effet présentée dans toute son ampleur ; les militants ne représentent qu’une minorité dans un monde rural qui se diversifie et s’ouvre aux influences d’une société de consommation à partir des Trente Glorieuses, entraînant des réactions identitaires régionalistes soulignées par Yohan Abiven et Eugène Calvez. Cette diversification se retrouve dans la dernière partie consacrée aux autres formes de militantisme : la composante catholique intransigeante se maintient depuis le concile Vatican II comme le montre Arnaud Ferron tandis que se développe un nouveau visage de « militants » catholiques avec les groupes du Renouveau charismatique de l’Ouest évoqué par Jean-René Bertrand et Colette Muller, auteurs de l’ouvrage Où sont passés les catholiques ?.

33La précision des données permet de se faire une idée de l’importance d’un phénomène finalement assez circonscrit dans le temps qui fait passer l’Église d’une position défensive, de forteresse assiégée, à un investissement au cœur de la modernité, et d’une attitude de soumission au clergé à des prises de position anticipant l’émancipation vis-à-vis de l’autorité. Derrière la question récurrente d’un éventuel déclin de l’influence du catholicisme français mesurée au sein d’une partie de ses élites, l’ouvrage a le mérite d’installer des problématiques variées qui pourraient s’avérer très pertinentes dans d’autres espaces nationaux ou européens.

34Bruno BéTHOUART.

35— Michel Lagrée, Religion et modernité. France, XIXe-XXe siècles, Rennes, PUR, 2000, 318 p. — Ce recueil d’articles de Michel Lagrée, publié par Étienne Fouilloux et Jacqueline Sainclivier, est un hommage rendu au grand historien, prématurément disparu en 2001. Dans sa préface, Claude Langlois met en valeur la variété des talents et l’originalité des recherches de Michel Lagrée. Ce professeur très apprécié, auteur de deux grandes thèses sur Religion et culture en Bretagne, a apporté une contribution importante à la statistique religieuse et à la prosopographie de la Bretagne. Animateur inlassable de groupes de recherches, traducteur d’un ouvrage australien sur l’Église gallicane au XIXe siècle, Michel Lagrée s’est intéressé aux langues régionales, protégées le plus souvent par l’Église, et à l’accueil par le catholicisme de la culture de masse du XXe siècle à travers le sport et le cinéma. La relation du catholicisme avec la modernité technologique est le sujet de son « chef-d’œuvre », La bénédiction de Prométhée. Sa biographie et la recension de ses publications à la fin du volume illustrent la diversité de ses curiosités.

36Un article : « Durkheim, Weber et Troeltsch un siècle après », fait découvrir la dette de Michel Lagrée à l’égard des grands sociologues. Une comparaison entre les travaux de Joseph Turmel et ceux de Jean Delumeau éclaire le retournement de l’herméneutique au XXe siècle. Les glissements de l’anthropologie historique sont évoqués à propos du « Démoniaque et de l’histoire » à l’époque contemporaine. L’approche comparée des « chocs » et des « ruptures » en histoire religieuse au XIXe siècle suggère des rapprochements entre Irlande et Québec, Pologne et Ouest armoricain. Structures pérennes et événements brutaux sont observés dans l’Ouest à propos des troubles de 1589, des canonisations spontanées de l’ère révolutionnaire et impériale (1793-1815) et de l’épidémie de violence de 1903 autour de la liberté des processions. La curiosité de Michel Lagrée s’est portée également sur les mandements de Carême à Rennes au XIXe siècle, sur la diffusion du culte marial à travers les répliques de la grotte de Lourdes, sur un héros de l’imaginaire catholique ; le président de l’Équateur Garcia Moreno, républicain, contre-révolutionnaire et modernisateur, assassiné en 1875 et considéré comme un martyr. Un article important et peu accessible reproduit dans cet ouvrage fait le point sur « La christianisation des campagnes au temps du déclin de la civilisation rurale » au XXe siècle. Ce recueil d’articles est un grand livre qui incite fortement à la réflexion sur les relations entre histoire religieuse et histoire culturelle.

37Yves-Marie HILAIRE.

38— Régis Bertrand (dir.), La Nativité et le temps de Noël, XVIIe-XXe siècle, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, coll. « Le Temps de l’histoire », 2003, 254 p. — Seize communications présentées au Colloque d’Aix « La Nativité et le temps de Noël » en décembre 2000 sont publiées dans ce livre. Fixée au 25 décembre lors du IVe siècle, la fête de Noël se trouve enrichie au Moyen Âge par la rencontre d’une sensibilité nouvelle avec saint Bernard et saint François d’Assise : accueil de Jésus enfant, Verbe de Dieu qui s’abaisse à la condition humaine dans la crèche. Lors de la Réforme catholique, Ignace de Loyola et Pierre de Bérulle insistent sur la spiritualité de l’Incarnation, et le Carmel réformé diffuse le culte de l’Enfant-Jésus que diverses confréries répandent en Espagne, en Italie, en France et en Europe centrale (L’Enfant-Jésus de Prague). La représentation de la Nativité est étudiée à travers ses conventions iconographiques, ses règles artistiques, ses crèches et ses statues. Chants et rites populaires de Noël sont observés dans cinq communications en Provence, en Alsace, en Allemagne, en Pologne et au Portugal. Deux sortes de célébrations extrêmes sont évoquées : celle animée par Thérèse de Lisieux écrivain et metteur en scène d’une pièce pieuse au carmel, et celle tentée par les libres-penseurs pour fêter un Noël purement humain, voire païen, qui ne parvinrent pas à s’imposer du fait de la sécularisation croissante de la fête. Un livre qui apporte des éclairages neufs sur une grande fête chrétienne qui est restée populaire.

39Yves-Marie HILAIRE.

40— Frédéric Le Moigne, Les évêques français de Verdun à Vatican II. Une génération en mal d’héroïsme, Rennes, PUR, 2005, 376 p. — Ce livre important est la version abrégée d’une thèse de doctorat dirigée par le regretté Michel Lagrée. Dans sa préface, Étienne Fouilloux sait gré à Frédéric Le Moigne d’avoir clairement montré, grâce à l’exploitation de sources inédites et à « un art consommé de l’analyse des symboles », comment les évêques de la « génération du feu » ont rejoint leurs aînés dans un maréchalisme quasi mystique jusqu’en 1944 et au-delà. En effet, après la Libération, ils se comportent en « émigrés de l’intérieur », selon la crainte exprimée par Pie XII devant l’ambassadeur Jacques Maritain. On pourra objecter à l’auteur de cette thèse que les contemporains n’ont, en grande majorité, ni perçu ni retenu tous les faits qu’il signale, mais sa démonstration reste impressionnante. Cette thèse confirme et précise avec rigueur ce que les historiens savaient sur la période de l’Occupation, apporte des informations nouvelles sur l’attitude de plusieurs évêques, parmi lesquels le cardinal Suhard, et surtout éclaire le comportement des prélats les plus notables durant les vingt années qui vont de la Libération au concile Vatican II.

41L’auteur insiste à juste titre sur la longue durée des épiscopats qu’il a observés : entre 1928 et 1940, sous les nonciatures de Maglione et de Valerio Valeri, sont nommés 16 évêques qui vont être responsables d’un diocèse, entre vingt-six et quarante ans, avec une fin d’épiscopat qui se situe pendant le concile (1962-1965) ou quelques années après. Parmi eux se trouvent au début des années 1960 les titulaires de Paris, Lyon, Rennes, Bordeaux, Cambrai, Rouen, Bourges, Sens, soit la moitié des archevêchés, et ceux de Lille, Nantes, Nice, Lourdes, Dijon, Limoges, Périgueux, Aire et Dax, soit huit évêchés. Ces prélats, anciens combattants en grande majorité, jeunes lors de leur nomination, modernes dans leur genre de vie, utilisant largement l’automobile, organisateurs de l’Action catholique dans leur diocèse, contribuant à donner une nouvelle vitalité au catholicisme français, ont été mis à l’épreuve lors de la période de l’Occupation. À la différence de leurs confrères italiens, les défenseurs de la cité (defensores civitatis) ont été minoritaires parmi eux. Aussi ces évêques de Pie XI vont-ils se trouver en 1945 « prématurément vieillis du fait de leur adhésion à l’Ancien Régime » (É. Fouilloux), à quelques exceptions près.

42Sur l’après-guerre, les titres des chapitres sont éloquents : « Charité contre Justice » à propos de l’épuration, « Un maréchalisme définitif » avec l’entretien de la mémoire de Pétain et les messes solennelles dites après sa mort, une « Défense scolaire » très vigoureuse allant jusqu’à la grève de l’impôt engagée par quelques évêques de l’Ouest. Le conflit algérien divise ensuite la génération des prélats anciens combattants tiraillés entre pacifisme et acceptation de la guerre. Une division analogue s’était manifestée lors des années 1930 devant la menace germanique, mais ici l’auteur ne tient pas assez compte de la lucidité de la plupart des évêques face au péril nazi pendant les années 1937-1940.

43La thèse de Frédéric Le Moigne, très bien documentée, ne remet guère en question ce qui était considéré comme acquis, mais montre comment une génération d’hommes d’Église, éprouvée et fortement marquée par la Première Guerre mondiale, s’est adaptée difficilement aux vicissitudes dramatiques de l’histoire de sa patrie, la France. Les prélats qui ont vu juste en 1940-1944 – Tisserant, Théas, Saliège – sont qualifiés de « figures périphériques ». La démonstration rigoureuse de la thèse au ton parfois incisif entraîne la conviction et invite à des débats et à de nouvelles recherches.

44Yves-Marie HILAIRE.

45— Henry Rousso (dir.), Le dossier Lyon III. Le rapport sur le racisme et le négationnisme à l’Université Jean-Moulin, Paris, Fayard, 2004, 314 p. — Alors que s’était installé le soupçon d’un lien mal élucidé entre l’Université et un certain nombre d’ « affaires », la soutenance d’une thèse négationniste (affaire Roques), la publication d’un article raciste et négationniste dans une grande revue scientifique (affaire Notin), la soutenance d’une maîtrise complaisante sur un auteur révisionniste, suivie d’un DEA (affaire Plantin), le ministère de l’Éducation nationale avait commandé une mission historique à une « Commission sur le racisme et le négationnisme au sien de l’Université Jean-Moulin - Lyon III ».

46Cette Commission, présidée par Henry Rousso et constituée en outre d’Annette Becker, Philippe Burrin et Florent Brayard, devait faire le point sur la situation et sur les accusations croisées de polarisation excessive et d’occultation injustifiée. Ses conclusions n’établissent pas que Lyon soit devenue la « capitale du négationnisme », structurée autour du sulfureux Institut d’Études indo-européennes de Lyon III, comme le dénonçaient bruyamment un certain nombre d’associations antiracistes nationales et locales. Au contraire, dans le rapport, les affaires sont analysées comme les symptômes de l’échec d’une stratégie d’ « entrisme intellectuel » esquissée par le GRECE à la fin des années 1970. L’Université s’est révélée un milieu réfractaire au négationnisme et les tentatives apparaissent comme celles d’individus isolés, les rares enseignants d’extrême droite ayant plutôt soin d’éviter les comportements professionnels fautifs.

47Il reste d’abord l’histoire d’une idée étrange, celle du négationnisme et de son développement en France, et, de façon complémentaire, celle d’une rumeur antiraciste sur la prise de pouvoir universitaire et intellectuelle des négationnistes. Le même fantasme du complot se retrouve ; cela vient souligner le problème du statut difficile des idées et des hommes d’extrême droite à l’Université, seul le négationnisme clairement exprimé relevant du délit. Il reste surtout l’esquisse d’une histoire contemporaine d’une université importante et représentative dans le paysage universitaire français. On constate la difficulté de l’institution à sanctionner les siens, travers général dans l’administration française mais ici lié à la liberté d’expression et à l’indépendance universitaires ; la faute suscite d’abord le déni et la défense du corps. Tout le contrôle est le fait de quelques individus souvent isolés et débordés, les professeurs d’université. Le recrutement et la délivrance des diplômes reposent sur beaucoup de confiance et de cooptation, ce qui peut dans de tels cas trouver ses limites, même si le total des errements, à l’échelle d’une nation et d’une décennie, n’est pas désavantageux pour un système qui peut paraître bien libéral et archaïque. À travers les archives écrites et les témoignages oraux – rectorat de Lyon, universités, ministère, associations antiracistes, professeurs et dirigeants des Universités de Lyon II et III – se dessine l’éclatement traumatique de l’après-68 dans un milieu marqué par la tradition ; le partage en deux universités distinctes selon des critères d’affichage politique double les rivalités individuelles, institutionnelles et scientifiques de soupçon et de jalousie politiques. La rumeur des affaires prospère sur un terreau bien établi où les ennuis de l’un réjouissent l’autre et le confortent dans le soupçon qu’il avait de la légèreté scientifique et de l’esprit partisan de son rival, le premier soupçonnant alors le second de nourrir obligeamment le scandale.

48Emmanuel DREYFUS.

49— Alain Clavien, Hervé Gullotti et Pierre Marti, La province n’est plus la province, Lausanne, Antipodes, 2003, 365 p. — Ce livre examine les relations entre les espaces politico-culturels suisse et français entre 1940 et 1946 et la réversibilité de leurs traditionnels rapports de force intervenue après la crise majeure de mai-juin 1940. Pour les quelques années de l’Occupation, les élites intellectuelles et politiques suisses francophones ont tenté de remettre en cause la domination culturelle française, de niveler l’ancienne hiérarchie qui établissait la Suisse dans un statut d’espace dominé et de « province » subordonnée à la capitale parisienne. L’un des signes les plus manifestes de ce renversement provisoire des hiérarchies culturelles fut, de fait, donné par la rapide progression des tirages, jusqu’en 1942 du moins, connue par les deux grands quotidiens de l’Helvétie francophone : La Gazette de Lausanne bondit de 12 900 exemplaires (1939) à 38 000 (1941), tandis que le Journal de Genève passa de 13 300 exemplaires (1939) à 61 300 (avril 1942) grâce aux nouveaux débouchés français. Ainsi, la force et l’intérêt que provoque cet ouvrage alertement rédigé résident dans ses deux partis pris d’enquête. D’une part, il croise deux grands axes, souvent dissociés : l’un, qui ressort de l’histoire de la diplomatie culturelle (rôle des conférences promues par les diplomates des deux pays, par exemple) ; et l’autre, d’une histoire des sociabilités intellectuelles franco-suisses avec leur tonalité idéologique et leurs principaux moyens d’action (les revues surtout). D’autre part, l’ouvrage, grâce à un riche travail d’archives réalisé concurremment dans les deux pays (notamment, pour la France, au Quai d’Orsay, à Nantes et Paris), met en miroir les politiques et stratégies menées par tous les acteurs suisses et français engagés dans cette nouvelle donne des relations culturelles bilatérales.

50Et, en effet, la Suisse des années 1940-1944 fut parée, aux yeux de nombre d’intellectuels français, des vertus d’un pays de cocagne, providentiel relais de la pensée française contrainte à plusieurs titres, doublées par la réconfortante image d’une terre d’accueil pour les réfugiés et les vaincus des guerres idéologiques (du gaulliste Pierre-Jean Jouve aux vichystes René Gillouin, Bertrand de Jouvenel ou Paul Morand). Elle fut donc investie, en général, par des personnalités françaises soucieuses de s’assurer des rentrées de revenu, soit par le biais de conférences (Benjamin Crémieux, Pierre Emmanuel), soit par l’obtention de postes universitaires (Henri Guillemin), soit surtout par le truchement de collaboration régulière à de grands journaux (Edmond Jaloux et Francis de Miomandre au Journal de Genève) ou de publications éditoriales. En revanche, en dépit des efforts de la diplomatie culturelle suisse qui tenta de soutenir quelques tournées de conférenciers (Gonzague de Reynold) en France, les écrivains helvétiques ne parvinrent pas vraiment à conquérir dans l’Hexagone une meilleure situation. Parallèlement aux jours fastes vécus par la presse quotidienne suisse, les revues et maisons d’édition francophones se multiplièrent, fortes des propositions de collaboration lancées par divers écrivains français, et promises à une nouvelle rentabilité grâce à l’exportation, à l’image des Cahiers du Rhône (1941) d’Albert Béguin. Avec la mobilisation des liens de la sociabilité intellectuelle d’avant guerre, essentiellement le petit réseau personnaliste autour d’un Béguin et le plus large réseau conservateur autour d’un De Traz, trois milieux littéraires et politiques se constituèrent qui, bien que les autorités suisses aient interdit toute intervention politique ouverte, prolongèrent par-delà la frontière l’affrontement franco-français des années d’occupation. Le réseau libéral-conservateur devint le relais privilégié de l’idéologie vichyssoise ; il lui revint d’ailleurs de lancer, dès l’été 1940, la fameuse querelle des « mauvais maîtres » dans le Journal de Genève, et d’accueillir par la suite au sein des pages littéraires de ses deux grands quotidiens, voire au sein d’une revue pourtant de plus en plus pro-allemande comme Le Mois suisse, les plumes d’écrivains maréchalistes et pétainistes (Jaloux, René Benjamin, Lacretelle, Gillouin). Le réseau des intellectuels proches de la Résistance française se constitua autour de maisons d’édition à l’instar des Éditions des Trois Collines et des Cahiers du Rhône, et surtout de petites revues telles Traits et La Suisse contemporaine, les unes et les autres dotées de très bons contacts avec la France non occupée grâce, en particulier, au jeune diplomate helvétique François Lachenal qui fut l’un des passeurs essentiels entre des revues françaises telles Confluences, Fontaine ou Poésie et leurs homologues suisses ; des numéros spéciaux furent publiés dont « Message français » aux Éditions des Trois Collines et « 14 Juillet » (1944) de Traits, alors qu’inversement des numéros consacrés à la Suisse virent le jour aux Cahiers du Sud et à Confluences, signe de l’importance nouvelle acquise par l’Helvétie intellectuelle. Un dernier réseau, celui des intellectuels fascisants, permet de reconstituer le va-et-vient des Suisses « montés » à Paris pour participer pleinement à la collaboration (Georges Oltramare devient rédacteur en chef de La France au Travail avant de jouer un rôle important à Radio-Paris), puis le reflux en catastrophe de tous ceux désireux d’échapper à l’Épuration et qui trouvèrent près du Léman, protection ouverte, cachettes et occasions de publication chez un éditeur tel Le Cheval ailé. Or ce fut ce réseau des nostalgiques de Vichy et de la collaboration installés en Suisse qui prolongea, mais sur un terrain intellectuel bien marginal désormais, la situation de centralité suisse des années 1940-1944. Car, très vite, en dépit des graves problèmes matériels de l’édition française en 1944-1945, Paris recouvra sa prééminence et les intellectuels suisses (Béguin, par exemple) reprirent de nouveau le voyage en direction de la « capitale ». Le livre est peut-être un peu rapide sur certains épisodes de ce dénouement, et on aurait aimé un peu plus de détails, par exemple sur quelques-uns des conflits qui opposèrent la principale maison d’édition romande, La Baconnière (qui n’est, d’ailleurs, pas du tout abordée dans le livre), et ses concurrents français qui s’employèrent à la gêner de manière assez systématique. Il reste que ce livre demeure un beau travail d’enquête et de fine reconstitution des différents niveaux de la vie culturelle bilatérale entre France et Suisse qui servira incontestablement de référence.

51François CHAUBET.


Date de mise en ligne : 01/12/2007.

https://doi.org/10.3917/rhis.054.0933
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