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Article de revue

Un projet méconnu de « décentralisation » au temps de Laverdy (1763-1768) : les grands États d'Aquitaine

Pages 533 à 554

Notes

  • [1]
    Il s’agissait de réunir dans un même ressort les diocèses de Toulouse, d’Auch, de Pamiers, de Rieux, Lombez, Tarbes, Couserans, Lectoure, Lescar et de Comminges.
  • [2]
    Par exemple, Jean-Yves Guiomar, L’idéologie nationale. Nation, représentation, propriété, Paris, Éd. Champ Libre, 1974, p. 42.
  • [3]
    Sur le système d’ordres en général : Denis Richet, La France moderne. L’esprit des institutions, Paris, Flammarion, 1973 ; Otto Hintze, Typologie des systèmes d’ordres en Occident, dans Féodalité, capitalisme et État moderne. Essais d’histoire sociale comparée choisis et présentés par Hinnerk Bruhns, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1991, p. 127-146.
  • [4]
    AN, K 680, p. 51. [Mirabeau], Mémoire sur les États provinciaux. Lettre à M. de S. C., vers 1751.
  • [5]
    Arlette Jouanna, Valeurs et identités nobiliaires : le journal de l’assemblée de février-mars 1651 par Charles d’Ailly, seigneur d’Annery, dans AAAAÉtat et société en France aux XVIIe et XVIIIe siècles,BBBB Mélanges offerts à Yves Durand, Paris, 2000, p. 347-356. Jean-Marie Constant, La troisième Fronde : les gentilshommes et les libertés nobiliaires, XVIIe siècle, no 145, octobre-décembre 1984, p. 348.
  • [6]
    Roland Mousnier, Pourquoi États généraux et États provinciaux ont-ils joué un si faible rôle pendant la Fronde ?, Parliaments, Estates and Representation, vol. 1, décembre 1981, p. 139-145.
  • [7]
    AN, H1 591, pièce 2, lettre de Bertrand de Molleville, intendant, au contrôleur général des finances, 21 décembre 1785.
  • [8]
    AN, H1 356-357 (cote unique), 3 octobre 1764.
  • [9]
    AN, H1 127, plaquette 1, pièces 14 à 29.
  • [10]
    Id., pièce 24, extrait d’une lettre de M. de Blancey à M. de Varenne, 28 septembre 1763.
  • [11]
    Frédéric Bidouze, Les remontrances du parlement de Navarre au XVIIIe siècle, Pau, Atlantica, 2000, p. 406.
  • [12]
    SHAT, A1 registre 3699, pièce 18, lettre de D’Étigny aux États, 17 mai 1765. Voir aussi Christian Desplat, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, t. II, 1992, p. 1257.
  • [13]
    René Grevet, L’absolutisme en province : l’échec de l’intendant Caumartin en Artois, 1759-1773, Revue d’histoire moderne et contemporaine, 44-2, avril-juin 1997, p. 217.
  • [14]
    Marie-Laure Legay, Les États provinciaux dans la construction de l’État moderne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Genève, Droz, 2001, p. 116. Sur la famille Stoupy, voir la version initiale de la thèse L’État royal et les provinces septentrionales : le pouvoir administratif et politique des États provinciaux de Louis XIV à la Révolution, t. 3, « Dictionnaire des administrateurs provinciaux », Université Charles-de-Gaulle - Lille III, 1998, p. 679.
  • [15]
    AM Lille, Registres aux cahiers d’aides, 15 983, année 1764.
  • [16]
    A. Floquet, Histoire du parlement de Normandie, t. VI, Rouen, 1842, p. 369-370.
  • [17]
    Cité par Jean Egret, Le parlement du Dauphiné et les affaires publiques dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, t. I, Grenoble, 1942, p. 76, n. 78.
  • [18]
    Joël Félix, Finances et politique au siècle des Lumières. Le ministère Laverdy, 1763-1768, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999, p. 233. L’auteur précise qu’Isaac de Bacalan était « lié d’une amitié intellectuelle et personnelle avec L’Averdy ».
  • [19]
    A. Le Moy, Les remontrances du parlement de Bretagne au XVIIIe siècle, Angers, 1909, p. 50 ; Armand Rébillon, Les États de Bretagne de 1661 à 1789, Rennes, 1932, p. 217.
  • [20]
    AN, H1 870, pièce 14, copie de la lettre écrite par l’archevêque de Narbonne au comte de Saint-Florentin, 21 décembre 1959.
  • [21]
    Marie-Laure Legay, L’État, les pouvoirs intermédiaires et la réforme cadastrale en France au XVIIIe siècle, dans De l’estime au cadastre en Europe (XVe-XVIIIe siècle), colloque des 4 et 5 décembre 2003, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, à paraître.
  • [22]
    Armand Rébillon, Les États de Bretagne..., op. cit., p. 117.
  • [23]
    AN, H1 851, pièce 32, lettre de Saint-Priest, 25 juillet 1752.
  • [24]
    AN, H1 870, pièce 37, lettre du maréchal de Thomond, 5 décembre 1759 : « Le troisième ordre et le plus nombreux des états sont des gens qui par leur position sont dans une plus grande dépendance du Parlement que les autres. Ils redoutent non seulement les décrets, mais les moindres mécontentements qui peuvent mettre du trouble et de l’incertitude dans leurs petites fortunes. Plusieurs même de ces députés du tiers état sont suppôts du Parlement ou parens et attachés intimement à ses ministres. »
  • [25]
    Sur la collaboration entre Mirabeau et Quesnay, voir François Quesnay et la physiocratie, t. II, textes annotés, INEd, 1958 ; Georges Weulersse, Les manuscrits économiques de François Quesnay et du marquis de Mirabeau aux Archives nationales, thèse complémentaire pour le doctorat ès lettres, 1911.
  • [26]
    Cité par K. M. Baker, Representation, dans Political Culture of the Old Regime, Oxford, 1985, p. 481, à partir de Mirabeau, Lettres sur la législation ou l’ordre légal, dépravé, rétabli et perpétué par L. D. H., t. I, Berne, 1775, p. 198.
  • [27]
    Dieter Gembicki, Histoire et politique à la fin de l’Ancien Régime, Jacob-Nicolas Moreau (1718-1803), Paris, 1979. Blandine Barret-Kriegel, Jean Mabillon, Paris, PUF, 1988, p. 233-234.
  • [28]
    Jean-Yves Guiomar, La Nation entre l’histoire et la raison, Paris, La Découverte, 1990, p. 33.
  • [29]
    Joël Félix, Finances et politique..., op. cit., p. 256. L’auteur mentionne un rapport de François-Joseph Harvoin transcrivant les propos du roi de Sardaigne, selon lequel la réforme des municipalités était une condition indispensable pour réussir celle des cadastres. Voir aussi De l’estime au cadastre en Europe (XVe - XVIIIe siècles), colloque des 4 et 5 décembre 2003, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, à paraître.
  • [30]
    On trouvera ce projet dans les Mémoires du duc de Choiseul, 1719-1785, p. p. François Calmettes, Paris, 1904, p. 436.
  • [31]
    Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, Mémoires (1711-1714). Additions au Journal de Dangeau, édition établie par Yves Coirault, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. IV, p. 424.
  • [32]
    François Salignac de La Mothe Fénelon, Œuvres, t. IV, édition de 1854, p. 198-212.
  • [33]
    Après l’archevêque de Cambrai, le marquis d’Argenson jugea ces États comme « les plus soigneux du bien public » [Mémoires et journal inédit, t. V, Paris, P. Jannet, 1858, p. 375], Claude Dupin précisa qu’ils avaient « le règlement le meilleur et le plus avantageux à l’intérêt commun » [Œconomiques, 1745, publié par Marc Aucuy, t. II, Paris, 1913, p. 380] ; Mirabeau, bien sûr, les prit aussi comme modèle d’administration.
  • [34]
    Voir note 21.
  • [35]
    AN, H1 140, pièce 92. Extrait d’un mémoire dans lequel le prince de Condé demande le rétablissement d’une commission de vérification des dettes des communautés, sous sa direction, 1766.
  • [36]
    AN, H1 1132, pièce 6, lettre de Louis Joseph de Bourbon, 20 février 1764.
  • [37]
    D’Argenson, Considérations sur le gouvernement de la France, Amsterdam, 1764.
  • [38]
    Voir note 30.
  • [39]
    Maurice Bordes, L’administration provinciale et municipale en France au XVIIIe siècle, Paris, SEDES, 1972.
  • [40]
    Joël Félix, Finances et politique..., op. cit.
  • [41]
    Ibid., p. 299. Rapport de Laverdy sur les impositions en France, 1768.
  • [42]
    Il s’agit de la branche aînée des Laverdy de Bernieulles.
  • [43]
    AN, Ad I, 14/2. Lettres patentes du roi portant établissement d’un corps d’administration pour la régie de l’octroi et des autres affaires communes du comté et gouvernement de Boulonnois, 6 mai 1766, 28 p.
  • [44]
    AN, H1 1165, par exemple pièce 166, lettre de Loménie de Brienne à Laverdy, 26 juillet 1768 : « Permettez moy de vous faire mon compliment sur la fin de vos inquiétudes. Voilà Mademoiselle de Laverdy tirée d’un grand danger. Je me flatte que vous êtes bien persuadé que personne n’y a pris plus de part que moy. »
  • [45]
    Joël Félix, Finances et politique..., op. cit., p. 297 et sq.
  • [46]
    AN, H1 1165, pièce 155 : « Mémoire préliminaire sur la tenue des nouveaux États du Comminges ».
  • [47]
    Sur les arguments en faveur de telle ou telle dénomination, voir H1 1165, pièce 154, n. 8.
  • [48]
    Sur le Comminges, voir René Souriac, Décentralisation administrative dans l’ancienne France. Autonomie commingeoise et pouvoir d’État, 1540-1630, Toulouse, Les Amis des Archives de la Haute-Garonne, 1992.
  • [49]
    AN, H1 1165, pièce 156 : « Questions sommaires sur les nouveaux États », question 15.
  • [50]
    Ibid., pièce 154, projets d’arrêts.
  • [51]
    Ibid., pièce 154, art. 1.
  • [52]
    Ibid.., pièce 154, art. 10.
  • [53]
    Ibid.., préambule.
  • [54]
    Ibid..
  • [55]
    Marie-Laure Legay, Le crédit des provinces au secours de l’État : les emprunts des États provinciaux pour le compte du roi (France, XVIIIe siècle), dans Pourvoir les finances en province, Journée d’études tenue à Bercy le 9 décembre 1999, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002, p. 151-171. Soixante emprunts furent ouverts par les États provinciaux pour le compte du roi entre 1740 et 1789, mobilisant près de 330 millions de livres tournois.
  • [56]
    AN, H1 1165, pièce 155, art. 1.
  • [57]
    Ibid., pièce 156, question 8.
  • [58]
    Dans le projet d’arrêt (pièce 154), il est mentionné 30 membres du clergé, 30 barons et 70 membres députés des villes, bourgs et communautés.
  • [59]
    Deux cent cinquante ans dans le projet d’arrêt.
  • [60]
    Ibid., pièce 154, art. 3.
  • [61]
    De Véri, Journal, t. I, Paris, Plon, 1928, p. 200, cité par Pierre Chevallier, Loménie de Brienne et l’ordre monastique (1766-1789), Paris, Librairie Vrin, 1959, p. 272.
  • [62]
    AN, H1 1165, second projet d’arrêt.
  • [63]
    Ibid., pièce 160, lettre du 20 décembre 1768.
  • [64]
    AN, H1 1064, pièce 125, lettre de Joubert à Mesnard, 12 octobre 1768 ; pièce 140, lettre de Montferrier à Mesnard, 6 octobre 1768.
  • [65]
    AN, H1 1165, pièce 154.
  • [66]
    Ibid., PIèCE 157. « EXTRAIT D’UN MéMOIRE ADRESSé PAR LES OFFICIERS DE L’éLECTION DE COMMINGES », 1768.

1Le 20 octobre 1768 devait se tenir à L’Isle-Jourdain la première assemblée des États d’Aquitaine. Destinés à faire pendant aux États du Languedoc, ces États d’un genre nouveau, inspirés par l’archevêque de Toulouse, Loménie de Brienne, et agréés par le contrôleur général des finances, Laverdy, réunissaient en un seul corps les représentants des divers pays du Sud-Ouest [1], à proportion de 18 membres du clergé, 18 membres de la noblesse et 66 du tiers état. Ce vaste projet, dont on envisagea l’extension au Dauphiné et à la Provence, sombra dans l’oubli avec la disgrâce de Laverdy et renaîtra sous une autre forme en 1787, au moment de la formation des assemblées provinciales. Méconnu, il révèle pourtant l’état de la réflexion sur la nécessité de réformer l’administration du royaume dix ans avant les premières assemblées de Necker, mais également la formidable occasion qui s’est présentée à la noblesse de diriger la province au temps du ministère Laverdy. A-t-on assez vu en effet qu’au lendemain de la guerre de Sept Ans, les élites traditionnelles du royaume tombèrent d’accord pour associer les sujets du roi à la réforme fiscale annoncée ? La fronde parlementaire faisait voir l’urgence dans laquelle se trouvait le pouvoir central de renouer les liens politiques avec la province. Non seulement les cours souveraines évoquaient le sort de la nation face au roi, mais elles soulevaient aussi la question de l’organisation administrative du royaume, remettant en cause les pouvoirs exécutifs des intendants. En certaines villes, la noblesse des États provinciaux participa à la fronde au côté des parlementaires. Cette collusion des noblesses provinciales, robine et militaire, n’inquiéta pas outre mesure le gouvernement, sûr du loyalisme des assemblées d’États. Elle l’engagea néanmoins à répondre aux attentes exprimées au moment où, précisément, les ministres recherchaient des relais intermédiaires efficaces pour exécuter leurs décisions. Les conseillers d’État savaient à cette époque la nécessité de promouvoir des pouvoirs locaux pour améliorer le prélèvement fiscal. L’on débattait alors de la réforme cadastrale du roi de Sardaigne dans ses États italiens et l’on convenait d’une nécessaire adaptation à la France. D’où l’oreille bienveillante accordée par Laverdy aux réformateurs attachés à la régénération des États provinciaux. Il faut insister ici sur le fait que, dès les années 1760, le gouvernement envisageait la généralisation de telles assemblées en veillant à la place donnée au tiers état : le vote par tête et le doublement des représentants du tiers furent acquis dès cette époque, et non en 1788 comme le soulignent certains auteurs [2]. Cette conjonction des réformateurs au plus haut sommet de l’État donna naissance à des projets d’assemblées hybrides, dont certaines virent le jour comme dans le Boulonnais en 1766, l’année de la séance de la Flagellation. Le projet des États d’Aquitaine fut conçu dans le même esprit en 1768 et finalisé lorsque les tenants de l’absolutisme le firent capoter.

2L’histoire du rendez-vous manqué des États d’Aquitaine révèle donc la volonté de l’État de réformer la monarchie sur la base d’une nouvelle représentation de la nation, tout à la fois inspirée par l’idéologie nobiliaire qui insistait encore sur la prééminence de la sanior pars et par l’école physiocratique qui défendait la représentation du tiers et poussait la monarchie à se débarrasser du système d’ordres sur lequel elle reposait [3].

LES ÉTATS PROVINCIAUX DANS LA FRONDE PARLEMENTAIRE OU LA COLLUSION DES NOBLESSES PROVINCIALES

D’une fronde à l’autre

3« Les troubles de la régence de Marie de Médicis, du règne de Louis XIII et de la minorité de Louis XIV furent touts excités par les grands qui trouvoient l’impunité et la fortune dans la désobéissance. Quels troubles sont venus des provinces ? », se demandait le marquis de Mirabeau en 1751 [4]. Il est vrai que les États provinciaux restèrent inactifs lors de la Fronde de 1648-1653. Pour quelles raisons ? La principale explication tient dans l’impossibilité, pour ces assemblées, de faire aboutir à l’échelle de la province de quelconques revendications politiques. S’agissait-il de promouvoir le bien commun et l’idéal d’une monarchie mixte ? Les assemblées provinciales ne pouvaient l’espérer qu’à travers la convocation d’États généraux. Les noblesses souhaitaient avant tout défendre les franchises et immunités de leur ordre à l’échelle nationale [5]. S’agissait-il d’entrer en rébellion ouverte contre les agents du fisc ? Dans ce cas, l’unité topographique d’action demeurait la « patrie », la paroisse, le bourg, la ville, mais non la province tout entière qui, malgré sa cohésion juridique, ne constituait guère une communauté unie autour des mêmes intérêts politiques [6]. La division des ordres perturbait le fonctionnement décisionnel de ces États. Au demeurant, qu’était la province au milieu du XVIIe siècle ? Une aire coutumière de gouvernement local, certes, mais sans investiture administrative encore clairement établie. Bien sûr, la noblesse provinciale craignait la diminution de son rôle politique et défendait la tradition des assemblées de « pays » face à la menace que constituait la généralisation des intendants ou des élus. Mais elle ne pouvait pas encore s’appuyer sur la reconnaissance effective de la province comme cadre d’administration, sur l’unanimité qui réunit les élites au cours du XVIIIe siècle autour de la nécessité d’un gouvernement provincial, doté de compétences élargies et capable de remédier à l’engorgement décisionnel de Versailles. En d’autres termes, la province de la première fronde était encore perçue comme un pays primitif, et non comme une entité administrative à vocation unitaire. Les noblesses provinciales ne pouvaient donc profiter de la vague du réformisme qui se forma au XVIIIe siècle.

4La situation se présenta différemment dans les années 1750-1760. Certes, les parlements campaient sensiblement sur les mêmes arguments qu’un siècle plus tôt, érigeant leurs compagnies comme autant de remparts protégeant la nation de l’arbitraire exécutif. Cependant, leur prétention trouva dans la province un terrain d’application immédiat. À cette époque en effet, les parlementaires pouvaient plus sûrement dénoncer le despotisme des administrateurs locaux et trouvaient parmi les gentilshommes des États des alliés politiques pour lutter efficacement contre l’autorité des intendants ou celle des bureaux exécutifs des assemblées.

L’union des noblesses provinciales et la question administrative

5On observe aisément cette collusion des noblesses provinciales dans les villes à la fois sièges de parlements et d’États. Au temps du ministre Bertin, c’était le cas de Rennes, Dijon, Pau, Arras (qui ne disposait que d’un conseil souverain), Aix (dont les États avaient été réduits à l’assemblée de communautés) et Bastia (conseil souverain). À Rennes, on le sait, l’union des deux corps constituait, au-delà de l’affaire de Bretagne, une donnée politique permanente :

Le Parlement d’un côté et les États de l’autre asservissent tout, veulent tout gouverner, tout administrer et tout faire... Il en résulte que l’administration est sans cesse arrêtée par la résistance opiniâtre qu’ils lui opposent et qu’on ne peut vaincre que par des coups d’autorité auxquels il est toujours fâcheux d’avoir recours. Le moyen le plus sûr de les éviter est d’affaiblir l’union de ces deux corps en diminuant les rapports qu’ils ont ensemble... Depuis qu’elle [l’intendance de Bretagne] existe, aucun intendant n’y a encore résidé, si ce n’est ceux qui, comme MM. Le Bret et Pontcarré, ont voulu se contenter de donner des bals et des soupers et ne se mêler d’aucune affaire [7].

6Or, en 1763, les corps provinciaux bretons mettaient en cause non seulement les demandes fiscales du roi, mais désapprouvaient également les tentatives de contrôle de la commission intermédiaire des États. Ces derniers députèrent donc vers le duc d’Aiguillon pour dénoncer l’arrêt du conseil du 7 février 1763 « duquel on auroit pu induire dans la suite que les membres de la commission intermédiaire devoient être approuvés par les commissaires du roi » [8]. Le gouverneur s’inclina. À Dijon, les parlementaires enrôlèrent des membres de la noblesse d’États dans une cabale qui chercha à imposer une commission intermédiaire en Bourgogne, sur le modèle de la commission des États de Bretagne [9]. Dirigée par Bouhier de Versalieu et Joly de Bevy, deux parlementaires traditionnellement opposés à l’administration des élus de Bourgogne et qui s’étaient procuré le procès-verbal de la dernière assemblée bretonne, cette fronde obligea le roi à délocaliser provisoirement les États de 1763 à Autun (au lieu de Dijon) afin de faire cesser les intelligences entre parlementaires et gentilshommes [10]. À Pau, l’entente entre les États et le parlement de Navarre se manifestait souvent [11]. Lors de la suppression de ce dernier en 1765, l’assemblée accorda son soutien aux parlementaires [12]. À cette époque néanmoins, il ne semble pas que les intérêts des deux corps provinciaux se soient opposés à ceux de l’intendant d’Étigny. Celui-ci administrait la province en collaboration avec la commission permanente des États, créée en 1755. Ce ne fut que plus tard, après le rétablissement du parlement, que la collusion du Grand corps des États, dans lequel près de 500 gentilshommes avaient en théorie le droit d’entrer, et des conseillers s’en prit à l’autorité du commissaire du roi. À Arras, en revanche, l’esprit de cabale s’anima assez tôt. L’intendant Caumartin fut confronté, à la fin de la guerre de Sept Ans, aux attaques simultanées des États et du Conseil provincial, notamment à propos des questions fiscales, de l’administration des marais et de la juridiction sur les communautés d’habitants [13]. Dans cette province, il apparaît clairement qu’on débattait des compétences administratives et judiciaires dévolues à l’intendant et qu’on prétendait les lui ôter au profit des noblesses locales, naturellement disposées à gouverner le pays. La fronde s’organisait autour de l’évêque d’Arras, Louis de Conzié, Alexandre-Auguste-Joseph de Beaulincourt, comte de Marles, Jules-César de Raulin de Belval et le comte Louis-Eugène-Marie de Beauffort, tous membres de la chambre de la noblesse et députés des États, mais trouvait aussi des appuis parmi les conseillers de la cour provinciale, et notamment la famille Stoupy, familière des intrigues [14]. Non loin de là, à Lille, les ecclésiastiques et nobles des États de Flandre wallonne, qui ne participaient pas à l’administration permanente de la province, introduisirent en 1764 une nouveauté, en refusant de siéger pour accorder leur part des aides [15]. Ailleurs dans le royaume, la fronde parlementaire s’intéressa aussi à la question administrative. Le parlement de Rouen réclama le retour des États provinciaux de Normandie, par deux fois, en 1759 et 1760 [16]. Les magistrats de Grenoble demandèrent également « une administration plus conforme à [leurs] besoins » dans leurs remontrances du 18 août 1760, ou encore le rétablissement des « règles primitives de l’administration » dans leurs remontrances du 18 septembre de la même année [17]. Ce fut néanmoins un conseiller du parlement de Bordeaux, Jean-Charles de Lavie, apparenté à Montesquieu et à Isaac de Bacalan [18], qui exposa avec plus de précision la nécessité de recourir à des assemblées de districts pour réformer la monarchie. Cependant, son essai publié en 1764, Des corps politiques et de leurs gouvernements, insistait surtout sur le pouvoir intermédiaire des corps de justice. De fait, les parlementaires ne s’attachèrent pas outre mesure à défendre l’administration des États. Concernant le gouvernement de la province, ils comptaient surtout réduire l’autorité de l’intendant, et pouvaient espérer parvenir à leurs fins en s’associant les gentilshommes du cru dans ce combat acharné.

Le loyalisme fragile des États et le contrôle des représentants des villes

7La monarchie se trouvait donc dans une situation délicate : elle faisait le constat d’une nécessaire réforme de l’administration des provinces, se disposait à rechercher parmi les élites locales des appuis utiles pour mener sa politique à bien, et se trouva confrontée à une opposition sans précédent de ses parlements. Par comparaison, les États provinciaux pouvaient passer pour des parangons de loyauté monarchique au yeux des dirigeants. De fait, si les gentilshommes avaient participé localement à la fomentation des troubles, comme nous venons de le voir, l’équilibre des forces politiques au sein des assemblées d’États garantissait globalement le loyalisme de ces dernières. Comme en 1648-1653, la division des ordres empêchait tout radicalisme. Par ailleurs, les occasions d’opposition entre les deux corps provinciaux, lorsqu’ils coexistaient, étaient fréquentes et ruinaient tout effort de conciliation. Les conflits de compétences juridictionnelles en particulier rendaient illusoires les perspectives d’action commune. Surtout, les deux corps s’opposaient précisément sur la politique financière. Dès lors que les États provinciaux prenaient le pli de se subroger dans les droits du roi en cette matière, moyen pour eux de conserver prérogatives et prestige, les parlements étaient amenés à dénoncer plus fréquemment leurs consentements abusifs aux demandes royales. A-t-on assez observé que l’édit de 1756, en créant le deuxième vingtième, rendait aux États provinciaux l’administration de cet impôt ? À partir de cette date, donc, la dénonciation de la politique fiscale du roi obligeait les juges à dénoncer aussi celle des États. Les années suivantes mirent constamment aux prises les deux corps sur cette question. L’achat des droits du domaine par les États de Bretagne en 1759 provoqua l’indignation du parlement de Rennes [19]. La même année, les juges de Toulouse réagirent violemment à la délibération des États du Languedoc qui, le 11 décembre, au terme d’une séance de plus de cinq heures, accepta le projet de subvention générale de Silhouette [20]. Les années 1760 se présentaient sous les mêmes augures. Assurément, le succès de la réforme financière dans les pays d’États passait par le soutien actif de ces institutions.

8Plus précisément, la monarchie devait s’assurer le contrôle des bureaux exécutifs de ces dernières. Il faut en effet distinguer l’attitude des exécutifs permanents des États de celle des assemblées. Les premières faisaient le jeu de la politique royale. Le gouvernement savait pouvoir s’appuyer sur les élus généraux de Bourgogne, constamment critiqués par les parlementaires, sur les députés ordinaires de l’Artois, sur la commission intermédiaire de Bretagne, sur les procureurs syndics généraux du Languedoc, dont le zèle pour le service du roi était connu de tous... Ces structures exécutives assuraient la pérennité de l’action administrative. Leur composition devint un enjeu politique majeur dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Les gentilshommes convoitaient ces bureaux et leurs offensives commençaient à mettre les intendants en difficulté. Néanmoins, ces derniers parvenaient encore, au début des années 1760, à travailler en bonne intelligence avec ces exécutifs provinciaux. En Artois par exemple, Joseph Ignace Gosse d’Ostrel, un avocat soutenu par l’intendant Caumartin, député ordinaire des États, supervisait un projet de réfection du cadastre achevé avant même la déclaration de Bertin d’avril 1763 [21]. En Bourgogne, le secrétaire des États, Varenne de Béost, passait pour un physiocrate susceptible de relayer la réforme fiscale.

9Par ailleurs, les commissaires du roi pouvaient contrer l’influence des gentilshommes en faisant agir des membres du troisième ordre, députés des corps de villes. En Artois ou en Bourgogne, ces derniers appartenaient le plus souvent à la clientèle des intendants. En Bretagne, les députés des villes (les maires en réalité) se soumettaient à l’autorité des représentants du roi. L’arrêt du conseil du 11 juin 1763 vint encore renforcer cette allégeance en exigeant l’agrément du roi pour toute désignation de maire [22]. Il faut insister sur cette propension du gouvernement à vouloir resserrer les liens qui unissaient les agents royaux et les députés des villes. En Languedoc, l’intendant Saint-Priest tira les enseignements de l’affaire du vingtième et de la suspension des États entre 1750 et 1752 pour proposer une stratégie politique en ce sens :

Ils [les abus des États] dérivent presque tous de l’autorité trop grande des évêques. Je crois qu’il faut l’attaquer à petite sappe en diminuant successivement le pouvoir qu’ils ont de faire des grâces au tiers état et quand on sera insensiblement parvenu à ce but désirable, ce sera le moment, après le rachapt des offices municipaux, de frapper le dernier coup en deffendant à ceux que les communautés pourvoyeront de ces offices de faire aucun exercice qu’ils n’ayent obtenu l’autorisation de l’intendant [23].

10Néanmoins, le succès n’était pas garanti à cette époque. Dans cette province, le tiers état demeura sous influence des prélats, certes, mais aussi des parlementaires de Toulouse, avec lesquels certains députés du tiers avaient contracté des alliances [24]. De ce fait, la marge de manœuvre des commissaires du roi y demeurait étroite.

11À la fin de la guerre de Sept Ans, le modèle de gouvernement par assemblées d’États pouvait encore paraître comme une alternative raisonnable pour le pouvoir central. En effet, dans les provinces dotées de telles assemblées, l’équilibre des forces politiques et l’influence des commissaires du roi semblaient maintenues. Face aux privilégiés, les intendants gardaient le contrôle des chambres du tiers, sauf en Languedoc. Néanmoins, la fronde parlementaire changeait radicalement la donne. Localement, des gentilshommes en mal de reconnaissance et d’activité se laissèrent entraîner dans la contestation. Cette collusion des noblesses n’eut pas d’incidence directe, sauf en Bretagne, sur l’administration économique des provinces. Cependant, la fronde radicalisa les opinions et contribua au réveil des ambitions politiques des noblesses d’États. Dès lors, le principal enjeu dans ces provinces devint la maîtrise des bureaux exécutifs permanents, base d’action de toute politique fiscale. D’un côté, des gentilshommes qui se fixèrent pour objectif de gouverner leur pays par ce biais. De l’autre, les représentants du roi, habitués à travailler en cheville avec les commissions des États, mais conscients que ces instances pouvaient opter pour une attitude ouvertement hostile à leur égard.

ÉLARGIR LA REPRÉSENTATION

La conjonction des partis réformateurs

12En 1763, le gouvernement sait qu’il ne pourra faire l’économie d’une réforme administrative du royaume pour mettre en place la nouvelle politique fiscale. Plusieurs possibilités s’ouvraient à lui : la promotion des municipalités, voulue par l’école physiocratique, ou celle d’assemblées plus traditionnelles, défendue par les élites aristocratiques. Il faut surtout souligner, pour comprendre la formation des États d’Aquitaine, la conjonction des deux modèles au début des années 1760. Certains réformateurs initièrent en effet des projets « mixtes », puisant dans les deux écoles les éléments propres à satisfaire les vues gouvernementales. Ce dialogue entre les deux partis réformateurs avait commencé dans les années 1750, lorsque le marquis de Mirabeau reprit, sous l’influence du physiocrate François Quesnay, son Mémoire concernant l’utilité des États provinciaux, rédigé en 1750, remanié en 1751 et inséré dans L’Ami des hommes en 1756. L’édition de 1759 de L’Ami des hommes fut encore augmentée, dans sa quatrième partie, des « réponses aux objections sur les États provinciaux ». Dans ces écrits, l’auteur ne se contentait pas d’insister sur l’opposition traditionnelle entre l’ancien mode d’administration, fondé sur l’épanouissement des corps intermédiaires, et le nouveau, basé sur l’autorité renforcée des commissaires départis. D’accord avec Quesnay, qui avait annoté son mémoire, il voulut approfondir l’idée selon laquelle les États provinciaux étaient utiles « relativement à l’autorité royale » [25]. Le modèle administratif qui émergeait alors révélait une réalité, la mutation des États provinciaux sous le règne de Louis XV, et une nécessité, celle d’un lestage représentatif de toutes les provinces. Plus tard, les nouvelles mesures fiscales décidées à partir de 1759 suggérèrent à Mirabeau une Théorie de l’impôt (1760) à partir de laquelle il prévit un impôt sur le revenu net de tous les propriétaires. « Le souverain et les propriétaires du produit net, voilà ce qui compose l’État », écrira-t-il [26]. En 1763, il revint à Jacob-Nicolas Moreau, protégé par Bertin, de trouver la parade à cette proposition excessive et de rappeler les fondements historiques des hiérarchies sociales [27]. En acceptant de créer le cabinet des Chartes, dans lequel les descendants des Francs libres allaient pouvoir puiser les sources de leur histoire « nationale », le ministre Bertin faisait non seulement du système historiographique un « instrument d’État » [28], mais rejoignait le parti de Boulainvilliers sur un point au moins : la nécessité de faire entrer la nation en politique. Pour réaliser son projet de cadastre général, il envisagea d’ailleurs de confier la répartition des impôts à des corps municipaux. Les expériences étrangères, et notamment celle des États du Milanais, confortaient le gouvernement dans cette idée [29]. Au demeurant, l’attitude de Choiseul ne décourageait personne. Le secrétaire d’État de la Guerre optait lui-même pour un certain libéralisme. Ces réflexions sur l’établissement des États provinciaux, plus tard reprises sous le titre Projet d’États provinciaux, ne révélèrent a posteriori rien d’original, un parti pris classique pour des États traditionnels dans leur composition [30]. On conclura de cette première analyse que, à défaut d’un accueil enthousiaste, le gouvernement pouvait réserver aux projets des aristocrates libéraux une oreille attentive.

Le réformisme aristocratique : la promotion des grands États

13L’on connaît bien le programme politique conçu autour du duc de Bourgogne par les tenants du libéralisme aristocratique. Il n’y a pas lieu de le présenter ici avec force détails. Le fait important, nous semble-t-il, est que les partisans du mode de gouvernement par États provinciaux, depuis Fénelon jusqu’à Loménie de Brienne, ont toujours imaginé un découpage du royaume de manière à ne laisser vivre que de grands États ou, plus exactement, des États compétents sur de grandes circonscriptions. La réforme exigeait une simplification des administrations, suggérée par le duc de Saint-Simon au duc de Bourgogne : « La comparaison qu’il faisait des pays d’états avec les autres lui avait donné la pensée de partager le royaume en parties autant qu’il se pourrait égales pour la richesse, de faire administrer chacune par ses états, de les simplifier tous extrêmement pour en bannir la cohue et le désordre. » [31] Dans son projet de gouvernement, Saint-Simon partagea la France en douze parties égales pour le produit. Songeait-il aux douze anciens gouvernements militaires qui constituèrent toujours une référence, malgré leur multiplication, dans l’idéologie nobiliaire ? Ces douze gouvernements formaient les aires de convocation traditionnelles des gentilshommes lors de la formation des États généraux, comme ceux de 1651. Pour sa part, Fénelon ne mentionna pas la nécessité d’une stricte égalité économique entre les aires, mais s’appuya sur le modèle des grands États du Languedoc pour parfaire sa démonstration [32]. La promotion sans précédent dont l’administration du Languedoc fit l’objet au cours du XVIIIe siècle [33] contribua à imprimer dans l’esprit des réformateurs l’idée qu’une généralisation possible des États à partir de ce modèle. On admirait la composition de l’assemblée, dans laquelle la proportion des députés des villes était double de celle des évêques et barons, et l’emboîtement des cadastres dans lesquels les terres nobles étaient comprises. On évitait évidemment de préciser que les membres du tiers y étaient entièrement dépendants des prélats et que les compoix avaient besoin d’être réactualisés dans l’urgence. La réfection des tarifs de la province, pour laquelle l’assemblée de 1764 sera saisie, ne fut d’ailleurs jamais entreprise [34].

14Pour les partisans des grands États provinciaux, l’essentiel demeurait de supprimer les assemblées trop coûteuses aux contribuables (tels étaient considérés les États de petits pays dénoncés avec tant d’insistance par Colbert) et incapables de prendre en considération l’intérêt commun à un ensemble géographique plus vaste. Voilà pourquoi un prince comme Louis-Joseph de Bourbon, tout en voulant s’investir personnellement dans l’administration de Bourgogne [35], s’opposa en 1764 au maintien de celle du Macônnais [36]. Seul le marquis d’Argenson, dans ses Considérations sur le gouvernement de la France, rédigées dans les années 1730, mais publiées en 1764, souhaitait diviser le royaume en petites entités actives, les communautés locales, jugées peu dangereuses pour le bien de l’État [37]. Plus tard, le duc de Choiseul proposa un découpage en dix-huit provinces, dont la douzième était constituée de « la Guyenne, haute et basse, et la généralité de Montauban » [38].

Les réformes provinciales de Laverdy

15Si nous connaissons bien la réforme municipale du contrôleur général Laverdy, nous ne savons presque rien, en revanche, de ses intentions à l’égard des administrations provinciales. Ni Maurice Bordes, dans son incontournable ouvrage sur les institutions locales [39], ni Joël Félix, dans sa remarquable enquête consacrée au ministère Laverdy [40], n’évoquent d’ailleurs un quelconque plan de réforme concernant les assemblées provinciales. Cependant, si le ministre n’a pas annoncé de programme en cette matière, il initia des projets ambitieux, notamment la mise en œuvre de l’administration du Boulonnais (1766), et l’assemblée préliminaire des nouveaux États d’Aquitaine. Ces réalisations nous obligent à revenir sur la position du contrôleur général dans le débat sur la réforme fiscale du royaume. Laverdy en admettait la nécessité, mais en mesurait parfaitement les enjeux politiques et sociaux. Quant à l’application de la réforme dans les provinces, il déclara :

On ne peut agir avec trop de circonspection dans une matière où les fautes tireraient aux conséquences les plus funestes pour l’État entier dont chaque province fait partie, dont chaque habitant est membre et enfin où tout est tellement lié par des chaînons visibles et invisibles que la plus légère agitation se communique de proche en proche du centre aux extrémités les plus reculées de la circonférence [41].

16Ces observations sont essentielles pour comprendre le pragmatisme de Laverdy qui ne voulut pas imposer l’impôt unique, même sous le contrôle des juges, et préféra respecter les particularités locales, procéder par touches, obtenir la participation des élites locales à toute réforme fiscale, conçue d’abord localement.

17Les cousins de Laverdy possédaient des terres dans le Boulonnais [42]. On peut donc supposer qu’il connaissait bien l’administration de ce pays, représenté depuis 1731 par des syndics permanents chargés de l’administration des routes et des octrois. Parce qu’il s’agissait essentiellement de pourvoir à l’aménagement de ce territoire, la réforme administrative du Boulonnais ne pouvait se limiter aux unités urbaines. Il fallut donc imaginer une organisation représentant non seulement les villes, mais également les campagnes. Les lettres patentes de 1766 créèrent six arrondissements dans lesquels les 129 paroisses furent réparties afin de procéder à l’élection de six syndics. Au total, l’assemblée du Boulonnais rassemblait dix-neuf députés, à savoir, six députés des campagnes, cinq députés des villes – quatre nobles et quatre ecclésiastiques [43]. Cette administration peut néanmoins être perçue comme le prolongement, à l’échelle d’une province, de la réforme sur les municipalités, dans la mesure où les édits des mois d’août 1764 et mai 1765 y sont expressément mentionnés dans le préambule. Peut-on déduire de là que, si le ministre avait eu le loisir de poursuivre son œuvre, il eût procédé à la généralisation de cette forme d’administration dans les provinces ? Nous avons trop peu d’éléments pour conclure. Il faut cependant insister sur le vocabulaire utilisé dans ces lettres patentes, et notamment sur cette mention d’un « corps d’officiers électifs » que Jean-Charles de Lavie n’aurait sans doute pas démenti. Quant à la direction effective des affaires, Laverdy en laissa le soin à un corps d’administration élu par les députés et composé d’un président (ecclésiastique ou noble) et de huit administrateurs (deux du clergé, deux de la noblesse et quatre du tiers état indistinctement choisis parmi les onze députés de cet ordre). On voit par là que la composition des États du Languedoc dut influencer la décision du ministre, surtout si l’on tient compte par ailleurs du fait que le vote, au sein de chaque instance, se faisait par tête.

18À nos yeux, l’assemblée du Boulonnais de 1766 constitue la première administration provinciale du royaume, formée douze ans avant celle du Berry. Elle procède d’un mixage entre les idées physiocratiques, aristocratiques et officières du temps et révèle donc la conjonction des partis réformateurs qui s’opéra sous les ministères de Laverdy et Choiseul.

LES ÉTATS D’AQUITAINE

19Le projet de formation des États d’Aquitaine en est un autre témoignage. Il fut porté par Loménie de Brienne, nommé à l’archevêché de Toulouse en 1763, et accepté par Laverdy. D’après leur correspondance, les deux hommes s’estimaient [44]. Néanmoins, leur rapprochement ne se comprend que dans le contexte précis de l’été 1768, au cours duquel le débat sur la réforme fiscale et les moyens de la mettre en œuvre fut relancé [45]. Comme nous l’avons vu, le ministre s’opposa dans ce débat aux partisans de l’impôt territorial. D’après lui, les réalités provinciales demeuraient incontournables. Les arguments de Loménie de Brienne séduisaient Laverdy au moment où celui-ci recherchait des alternatives au projet physiocratique. Il donna donc son accord pour l’assemblée préliminaire des États d’Aquitaine le 20 août 1768 à L’Isle-Jourdain.

L’ambition du projet

20Il s’agissait d’établir « une forme nouvelle d’administration » [46], dénommée « États d’Aquitaine » ou « États de Novempopulanie » ou « États de Guyenne » ou encore « États de Gascogne » [47], comprenant les diocèses de Toulouse, d’Auch, de Pamiers, de Rieux, Lombez, Tarbes, Couserans, Lectoure, Lescar et de Comminges. En d’autres termes, la nouvelle administration devait tout à la fois restaurer les États de Comminges [48], intégrer les États de Foix, de Nébouzan, de Bigorre et des Quatre-Vallées, mais aussi ceux du Béarn et de la Basse-Navarre et s’étendre à des pays d’élections qui n’appartenaient pas aux États du Languedoc. Elle fut conçue comme un essai susceptible d’être élargi à la Provence ou au Dauphiné qui seraient dans le cas de réclamer la même organisation [49].

Il est à présumer que ces états se tiendroient et alors, on auroit fait naitre une nouvelle source de crédit, on auroit fait l’expérience d’un projet bien voulu du public qui consiste à multiplier les païs d’états, on en auroit donné l’exemple et la forme si par la suite on vouloit étendre ce projet [50].

21En délimitant ainsi la future administration et en imaginant sa transposition à d’autres grandes provinces, Loménie de Brienne condamnait dans le même temps les petits États. D’après lui, ces derniers « ne présent[ai]ent que médiocrité et lorsqu’ils s’assembl[ai]ent, c’ét[ai]t presque toujours plus pour demander des secours que pour en accorder » [51]. Pour couper court à toute protestation des États dûment établis, l’archevêque prévit de les maintenir comme assemblées particulières, à l’instar des assemblées du Vivarais ou du Gévaudan en Languedoc, mais de ne les réunir que tous les deux ans dans un premier temps, pour commencer à réduire les dépenses [52]. Ces États particuliers devaient par ailleurs se subordonner aux administrateurs des États d’Aquitaine pour tous les objets traités.

22Car ces États d’un type nouveau devaient être « utiles au souverain », c’est-à-dire non seulement « répandre l’activité dans ces provinces, multiplier les débouchés, le travail et les productions, adoucir le poids des impositions, faciliter le moyen de les supporter, animer l’industrie et ouvrir de nouvelles sources de richesse » [53], mais aussi, argument rarement utilisé dans les correspondances du bureau des pays d’États, « offrir un crédit assuré dans les momens de crise » [54]. L’on comprend dès lors pourquoi Laverdy put accorder une attention soutenue au projet de Loménie de Brienne. Le prélat, qui espérait bien présider la future administration, laissait entrevoir au ministre des perspectives d’emprunts garantis par les États. Or, au cours de la guerre de Sept Ans, les corps provinciaux, particulièrement les États du Languedoc et de Bourgogne, avaient été fortement sollicités par le roi et leur contribution fut loin d’être négligeable (60 millions de livres au moins, mobilisés en douze emprunts) [55]. En temps de paix, Laverdy pouvait par ailleurs utiliser ce crédit pour racheter à taux plus intéressants la dette de l’État.

23Le ministre ne négligea pas non plus l’avantage politique du projet. Il lui permettait de répondre aux attaques des juges, et particulièrement de Malesherbes, contre la déclaration du 7 février 1768 et la nomination des commissaires aux rôles de taille. Le recours à l’autorité de ces commissaires pour réformer l’impôt direct avait de nouveau engagé les magistrats à critiquer le despotisme ministériel. La formation des États d’Aquitaine limitait la portée de ces critiques en proposant une nouvelle participation des élites à la mise en œuvre de la réforme. Certes, le projet de Loménie de Brienne n’insista guère sur les modalités fiscales à prévoir – ce fut là son principal défaut – mais il permettait au ministre de rejeter la collaboration de la Cour des aides.

Les conditions de réalisation

24Pour être utile à l’État, cette administration devait présenter la même tranquillité que les États du Languedoc – en d’autres termes, ne pas ressembler aux États de Bretagne, dénoncés par Loménie de Brienne [56]. Cinq conditions devaient être rassemblées : « n’avoir qu’un nombre déterminé de députés » en multipliant les entrées de tour, « mettre une proportion entre les députés des trois ordres », « avoir un chef commun et toujours le même », « opiner par teste », « mûrir les affaires dans les commissions » [57].

25Quant à la composition de ces États, l’archevêque de Toulouse s’appuya sur le modèle languedocien, en prévoyant 18 membres du clergé, 18 barons et 66 membres du tiers, « ce qui fait presque le double des deux ordres réunis » [58]. Dans ce schéma, la participation de la noblesse était strictement limitée. Pour éviter le tumulte dû à la présence des gentilshommes, l’on proposa que chaque noble fît preuve de 4 000 livres de possession en fonds de terre, de 150 ou 200 ans de noblesse [59] et n’entre qu’après l’âge de 25 ans. D’après le projet, toute la noblesse devait être soumise à la représentation par tour, ce qui risquait de soulever bien des mécontentements parmi les ayants droit des États de Béarn, Basse-Navarre, Nébouzan, Bigorre, des Quatre-Vallées et de Foix. Les 66 membres du tiers état étaient choisis parmi les députés des villes (60), certes, mais aussi parmi les syndics des villages (6), à l’image de ce qui se faisait dans les six arrondissements du Boulonnais. Toute la question était de savoir comment ces députés devaient voter. Loménie de Brienne annonça le vote par tête, comme dans les États du Languedoc et l’administration du Boulonnais, mais il précisa aussi que chaque ville, représentée par deux députés, aurait une voix. Dans ce cas, les voix du tiers seraient limitées à 36, soit exactement le nombre de voix parmi les députés privilégiés, l’arbitrage revenant au président... Dans le cas où l’on choisirait d’élargir la représentation à 30 ecclésiastiques, 30 barons et 70 députés des villes et communautés, on calcula que le nombre de voix du tiers avoisinerait les 40 [60]. On voit par là que l’archevêque sacrifiait à l’idée couramment admise selon laquelle la constitution languedocienne était la plus équilibrée, la plus parfaite, la plus juste, et qu’il suffisait de suivre son modèle pour mettre fin aux maux de la monarchie. Elle présentait l’avantage de confier l’administration aux prélats, tout en donnant des gages de bonne volonté au tiers état. S’agissait-il de cynisme politique de la part de l’archevêque de Toulouse ? On peut toujours avancer l’idée que Loménie était avant tout un ambitieux, mais il faut également tenir compte des accointances du prélat avec le parti philosophique et rappeler ce propos de l’abbé de Véri, selon lequel Turgot souhaita plus tard avoir l’archevêque de Toulouse « comme appui de son opinion sur les principes d’administration » [61]. Au demeurant, Laverdy aurait-il adhéré à un projet résolument conçu pour les seuls intérêts des privilégiés ?

26Le choix d’administration par commissions est également révélateur, à bien des égards, de l’état d’esprit dans lequel se trouvaient les ordres privilégiés à cette époque. Comme nous l’avons indiqué, ces derniers espéraient la généralisation des bureaux exécutifs provinciaux pour réduire les compétences dévolues aux intendants. La commission intermédiaire de Bretagne, les multiples commissions du Languedoc, et notamment celle créée en 1734 pour la liquidation des dettes des communautés, la commission béarnaise créée en 1755... servaient de référence aux réformateurs patentés. Là où elles existaient, ces commissions, tout en supervisant l’administration de la province, collaboraient avec les bureaux d’intendance et rendaient effective l’utilité des États pour le service du roi. La commission intermédiaire des États d’Aquitaine devait se tenir à Auch, également siège d’intendance [62]. Nul doute que la répartition et le prélèvement de l’impôt lui étaient destinés, d’où la question fondamentale de sa composition. Malheureusement, Loménie de Brienne ne dit rien à ce propos.

27In fine, l’archevêque pécha par précipitation. Le rejet de l’impôt territorial par Laverdy en 1768 ouvrait des perspectives intéressantes pour les tenants du libéralisme aristocratique. Loménie de Brienne le saisit et s’immisça dans le débat. Son projet répondait aux vœux de nombreux réformateurs subjugués par le modèle languedocien (doublement du tiers et vote par tête). Cependant, il demeurait superficiel. Il ne réglait qu’artificiellement la question de l’équilibre des forces politiques en présence et particulièrement la place effective du tiers. Il ne disait rien sur la composition de la commission intermédiaire, et ne présentait pas de méthode de travail pour la réforme des rôles d’imposition. Il est vrai que le prélat voulut procéder par ordre et obtenir en tout premier lieu la convocation de l’assemblée préliminaire, espérant créer une émulation de tous les députés à partir de celle-ci. C’était là une démarche à laquelle le ministre pragmatique pouvait adhérer, mais qui s’exposait à bien des critiques.

L’échec

28La première cause de l’insuccès de Loménie de Brienne fut le départ de Laverdy. Après la disgrâce du contrôleur général des finances, le prélat tenta de revenir à la charge (« bien loin d’abandonner son projet d’établissement des états à cause de la démission de M. de Laverdy, auquel il a su le faire gouter, l’archevêque de Toulouse se donne de nouvelles espérances », lit-on dans la correspondance des élus du Comminges [63]), mais ce fut en vain. L’on peut même se demander si le successeur de Laverdy, Maynon d’Invault, ne prit pas des dispositions radicalement contraires à celles de son prédécesseur. En effet, l’on sait par ailleurs qu’il fut question en octobre 1768 de remanier le bureau des pays d’États au Contrôle général et que ce remaniement visait en particulier Mesnard de Conichard qui en avait la charge [64]. Mesnard était assez bien disposé à l’égard des administrateurs des pays d’États et facilitait l’acheminement de leurs requêtes jusqu’au ministre. Les tentatives de Maynon révélaient-elles a posteriori la crainte où l’on était, au lendemain du ministère Laverdy, de voir les provinces d’États accroître trop sensiblement leurs prérogatives ?

29Pour autant, le projet serait-il passé au Conseil si Laverdy était resté ? Choiseul et Saint-Florentin auraient peut-être suivi, mais la magistrature se serait ensuite opposée à son application. Loménie de Brienne ne souhaitait d’ailleurs pas de lettres patentes sur son arrêt :

On ne parle point de lettres patentes sur le premier arrest. C’est une chose incertaine, si elles sont nécessaires et utiles. Mais en tout cas, ce ne peut être dans ce moment car il n’y a encore que des volontés d’annoncées et il faut attendre l’effet de cette première assemblée pour prendre un party définitif [65].

30Les élus de Comminges furent les premiers mobilisés contre les États d’Aquitaine, mais il ne fait pas de doute que leurs arguments auraient facilement été repris par les officiers des cours souveraines parisiennes. Les élus dénoncèrent les prétentions du haut clergé qui, sous prétexte d’utilité, cherchaient à étendre leur autorité. Ils exposèrent que le développement des pays d’États ne servait ni l’intérêt du souverain, ni celui du peuple, dans la mesure où ces assemblées propageaient « des idées de libertés outrées » et recouraient trop systématiquement aux « emprunts excessifs » [66]. Au-delà de cette polémique classique concernant le bien-fondé des États provinciaux, il faut admettre que la partie se jouait à trois : gouvernement, noblesse traditionnelle, magistrature, et que l’idée de nation différait dans ces trois composantes. Tandis que les ministres étaient dans l’obligation de respecter les avertissements de Louis XV, selon lequel la nation ne pouvait être séparée du monarque, les privilégiés fondaient leurs espoirs sur une représentation renouvelée de la nation nobiliaire, et les juges, à défaut d’une représentation « ordinale » du tiers état, se posait en porte-parole d’une volonté nationale encore toute théorique.

31L’étude du projet des États d’Aquitaine permet une triple mise au point historiographique. En premier lieu, on doit admettre que le gouvernement songea au développement des assemblées provinciales dans le royaume dès 1768 au temps de Laverdy, soit dix ans avant les créations de Necker. Peut-on vraiment s’en étonner ? Tous les réformateurs se préoccupaient alors de la question fiscale qui ne pouvait se résoudre sans une participation minimale des contribuables, et donc sans une réforme administrative du royaume. L’essai de 1768 apparaît, de ce point de vue, comme la première tentative de réponse du pouvoir central aux attentes, confuses mais légitimes, de la nation dont les parlementaires se faisaient alors les porte-parole. Ni les municipalités de Turgot (1776), dont la mise en œuvre ne fut pas même envisagée, ni les premières assemblées provinciales de Necker (1778-1779), inféodées aux intendants, n’engagèrent plus avant la monarchie dans la remise en cause de l’absolutisme. Quant à la forme que devaient prendre ces assemblées, on fit dès cette époque le choix de privilégier l’héritage institutionnel, plutôt que d’innover. Le rejet de la solution physiocratique mit le modèle des États provinciaux en valeur. Cependant, ce modèle fut adapté. Administrativement, il fallait prendre en compte la gestion de vastes unités territoriales indépendamment de toute légitimité historique. La province comme unité d’administration s’était, entre-temps, largement affirmée. Politiquement, l’on adoptait le doublement des représentants du tiers état et le vote par tête. C’est là le second point sur lequel il faut insister : il n’était pas question, à Versailles, de laisser les mains libres aux noblesses provinciales. L’on souhaitait au contraire brider leur influence en étoffant la représentation du tiers état sur lequel le pouvoir central s’appuyait pour faire exécuter ces réformes. Les députés des villes comme alliés du pouvoir exécutif face aux gentilshommes, telle était la réalité en pays d’États. Toute extension du modèle nécessitait donc l’élargissement de la représentation du tiers. Dès lors, les États du Languedoc s’imposèrent aux esprits réformateurs. À partir de leur généralisation, les partisans du libéralisme aristocratique pouvaient espérer prendre les rênes du gouvernement provincial. Quant aux ministres, ils pouvaient tirer un profit politique et financier non négligeable de cette réforme, faisant taire les accusations de despotisme tout en sollicitant le crédit provincial et l’amélioration des rôles d’imposition. En dernier lieu, il faut convenir qu’un tel projet ne put être bâti que sur un malentendu : si les gentilshommes étaient prêts à admettre un élargissement de la représentation du tiers état, ils ne songeaient pas à renforcer son rôle au sein des bureaux exécutifs, comme le fit Laverdy en Boulonnais. L’objectif principal de la noblesse provinciale restait l’éviction de l’intendant, et donc le contrôle des commissions intermédiaires. En ce sens, son réformisme demeura limité.


Mots-clés éditeurs : Loménie de Brienne, fronde nobiliaire, États provinciaux, Mots clés : XVIIIe siècle, France, réforme administrative

Mise en ligne 01/07/2007

https://doi.org/10.3917/rhis.043.0533

Notes

  • [1]
    Il s’agissait de réunir dans un même ressort les diocèses de Toulouse, d’Auch, de Pamiers, de Rieux, Lombez, Tarbes, Couserans, Lectoure, Lescar et de Comminges.
  • [2]
    Par exemple, Jean-Yves Guiomar, L’idéologie nationale. Nation, représentation, propriété, Paris, Éd. Champ Libre, 1974, p. 42.
  • [3]
    Sur le système d’ordres en général : Denis Richet, La France moderne. L’esprit des institutions, Paris, Flammarion, 1973 ; Otto Hintze, Typologie des systèmes d’ordres en Occident, dans Féodalité, capitalisme et État moderne. Essais d’histoire sociale comparée choisis et présentés par Hinnerk Bruhns, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1991, p. 127-146.
  • [4]
    AN, K 680, p. 51. [Mirabeau], Mémoire sur les États provinciaux. Lettre à M. de S. C., vers 1751.
  • [5]
    Arlette Jouanna, Valeurs et identités nobiliaires : le journal de l’assemblée de février-mars 1651 par Charles d’Ailly, seigneur d’Annery, dans AAAAÉtat et société en France aux XVIIe et XVIIIe siècles,BBBB Mélanges offerts à Yves Durand, Paris, 2000, p. 347-356. Jean-Marie Constant, La troisième Fronde : les gentilshommes et les libertés nobiliaires, XVIIe siècle, no 145, octobre-décembre 1984, p. 348.
  • [6]
    Roland Mousnier, Pourquoi États généraux et États provinciaux ont-ils joué un si faible rôle pendant la Fronde ?, Parliaments, Estates and Representation, vol. 1, décembre 1981, p. 139-145.
  • [7]
    AN, H1 591, pièce 2, lettre de Bertrand de Molleville, intendant, au contrôleur général des finances, 21 décembre 1785.
  • [8]
    AN, H1 356-357 (cote unique), 3 octobre 1764.
  • [9]
    AN, H1 127, plaquette 1, pièces 14 à 29.
  • [10]
    Id., pièce 24, extrait d’une lettre de M. de Blancey à M. de Varenne, 28 septembre 1763.
  • [11]
    Frédéric Bidouze, Les remontrances du parlement de Navarre au XVIIIe siècle, Pau, Atlantica, 2000, p. 406.
  • [12]
    SHAT, A1 registre 3699, pièce 18, lettre de D’Étigny aux États, 17 mai 1765. Voir aussi Christian Desplat, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, t. II, 1992, p. 1257.
  • [13]
    René Grevet, L’absolutisme en province : l’échec de l’intendant Caumartin en Artois, 1759-1773, Revue d’histoire moderne et contemporaine, 44-2, avril-juin 1997, p. 217.
  • [14]
    Marie-Laure Legay, Les États provinciaux dans la construction de l’État moderne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Genève, Droz, 2001, p. 116. Sur la famille Stoupy, voir la version initiale de la thèse L’État royal et les provinces septentrionales : le pouvoir administratif et politique des États provinciaux de Louis XIV à la Révolution, t. 3, « Dictionnaire des administrateurs provinciaux », Université Charles-de-Gaulle - Lille III, 1998, p. 679.
  • [15]
    AM Lille, Registres aux cahiers d’aides, 15 983, année 1764.
  • [16]
    A. Floquet, Histoire du parlement de Normandie, t. VI, Rouen, 1842, p. 369-370.
  • [17]
    Cité par Jean Egret, Le parlement du Dauphiné et les affaires publiques dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, t. I, Grenoble, 1942, p. 76, n. 78.
  • [18]
    Joël Félix, Finances et politique au siècle des Lumières. Le ministère Laverdy, 1763-1768, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999, p. 233. L’auteur précise qu’Isaac de Bacalan était « lié d’une amitié intellectuelle et personnelle avec L’Averdy ».
  • [19]
    A. Le Moy, Les remontrances du parlement de Bretagne au XVIIIe siècle, Angers, 1909, p. 50 ; Armand Rébillon, Les États de Bretagne de 1661 à 1789, Rennes, 1932, p. 217.
  • [20]
    AN, H1 870, pièce 14, copie de la lettre écrite par l’archevêque de Narbonne au comte de Saint-Florentin, 21 décembre 1959.
  • [21]
    Marie-Laure Legay, L’État, les pouvoirs intermédiaires et la réforme cadastrale en France au XVIIIe siècle, dans De l’estime au cadastre en Europe (XVe-XVIIIe siècle), colloque des 4 et 5 décembre 2003, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, à paraître.
  • [22]
    Armand Rébillon, Les États de Bretagne..., op. cit., p. 117.
  • [23]
    AN, H1 851, pièce 32, lettre de Saint-Priest, 25 juillet 1752.
  • [24]
    AN, H1 870, pièce 37, lettre du maréchal de Thomond, 5 décembre 1759 : « Le troisième ordre et le plus nombreux des états sont des gens qui par leur position sont dans une plus grande dépendance du Parlement que les autres. Ils redoutent non seulement les décrets, mais les moindres mécontentements qui peuvent mettre du trouble et de l’incertitude dans leurs petites fortunes. Plusieurs même de ces députés du tiers état sont suppôts du Parlement ou parens et attachés intimement à ses ministres. »
  • [25]
    Sur la collaboration entre Mirabeau et Quesnay, voir François Quesnay et la physiocratie, t. II, textes annotés, INEd, 1958 ; Georges Weulersse, Les manuscrits économiques de François Quesnay et du marquis de Mirabeau aux Archives nationales, thèse complémentaire pour le doctorat ès lettres, 1911.
  • [26]
    Cité par K. M. Baker, Representation, dans Political Culture of the Old Regime, Oxford, 1985, p. 481, à partir de Mirabeau, Lettres sur la législation ou l’ordre légal, dépravé, rétabli et perpétué par L. D. H., t. I, Berne, 1775, p. 198.
  • [27]
    Dieter Gembicki, Histoire et politique à la fin de l’Ancien Régime, Jacob-Nicolas Moreau (1718-1803), Paris, 1979. Blandine Barret-Kriegel, Jean Mabillon, Paris, PUF, 1988, p. 233-234.
  • [28]
    Jean-Yves Guiomar, La Nation entre l’histoire et la raison, Paris, La Découverte, 1990, p. 33.
  • [29]
    Joël Félix, Finances et politique..., op. cit., p. 256. L’auteur mentionne un rapport de François-Joseph Harvoin transcrivant les propos du roi de Sardaigne, selon lequel la réforme des municipalités était une condition indispensable pour réussir celle des cadastres. Voir aussi De l’estime au cadastre en Europe (XVe - XVIIIe siècles), colloque des 4 et 5 décembre 2003, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, à paraître.
  • [30]
    On trouvera ce projet dans les Mémoires du duc de Choiseul, 1719-1785, p. p. François Calmettes, Paris, 1904, p. 436.
  • [31]
    Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, Mémoires (1711-1714). Additions au Journal de Dangeau, édition établie par Yves Coirault, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. IV, p. 424.
  • [32]
    François Salignac de La Mothe Fénelon, Œuvres, t. IV, édition de 1854, p. 198-212.
  • [33]
    Après l’archevêque de Cambrai, le marquis d’Argenson jugea ces États comme « les plus soigneux du bien public » [Mémoires et journal inédit, t. V, Paris, P. Jannet, 1858, p. 375], Claude Dupin précisa qu’ils avaient « le règlement le meilleur et le plus avantageux à l’intérêt commun » [Œconomiques, 1745, publié par Marc Aucuy, t. II, Paris, 1913, p. 380] ; Mirabeau, bien sûr, les prit aussi comme modèle d’administration.
  • [34]
    Voir note 21.
  • [35]
    AN, H1 140, pièce 92. Extrait d’un mémoire dans lequel le prince de Condé demande le rétablissement d’une commission de vérification des dettes des communautés, sous sa direction, 1766.
  • [36]
    AN, H1 1132, pièce 6, lettre de Louis Joseph de Bourbon, 20 février 1764.
  • [37]
    D’Argenson, Considérations sur le gouvernement de la France, Amsterdam, 1764.
  • [38]
    Voir note 30.
  • [39]
    Maurice Bordes, L’administration provinciale et municipale en France au XVIIIe siècle, Paris, SEDES, 1972.
  • [40]
    Joël Félix, Finances et politique..., op. cit.
  • [41]
    Ibid., p. 299. Rapport de Laverdy sur les impositions en France, 1768.
  • [42]
    Il s’agit de la branche aînée des Laverdy de Bernieulles.
  • [43]
    AN, Ad I, 14/2. Lettres patentes du roi portant établissement d’un corps d’administration pour la régie de l’octroi et des autres affaires communes du comté et gouvernement de Boulonnois, 6 mai 1766, 28 p.
  • [44]
    AN, H1 1165, par exemple pièce 166, lettre de Loménie de Brienne à Laverdy, 26 juillet 1768 : « Permettez moy de vous faire mon compliment sur la fin de vos inquiétudes. Voilà Mademoiselle de Laverdy tirée d’un grand danger. Je me flatte que vous êtes bien persuadé que personne n’y a pris plus de part que moy. »
  • [45]
    Joël Félix, Finances et politique..., op. cit., p. 297 et sq.
  • [46]
    AN, H1 1165, pièce 155 : « Mémoire préliminaire sur la tenue des nouveaux États du Comminges ».
  • [47]
    Sur les arguments en faveur de telle ou telle dénomination, voir H1 1165, pièce 154, n. 8.
  • [48]
    Sur le Comminges, voir René Souriac, Décentralisation administrative dans l’ancienne France. Autonomie commingeoise et pouvoir d’État, 1540-1630, Toulouse, Les Amis des Archives de la Haute-Garonne, 1992.
  • [49]
    AN, H1 1165, pièce 156 : « Questions sommaires sur les nouveaux États », question 15.
  • [50]
    Ibid., pièce 154, projets d’arrêts.
  • [51]
    Ibid., pièce 154, art. 1.
  • [52]
    Ibid.., pièce 154, art. 10.
  • [53]
    Ibid.., préambule.
  • [54]
    Ibid..
  • [55]
    Marie-Laure Legay, Le crédit des provinces au secours de l’État : les emprunts des États provinciaux pour le compte du roi (France, XVIIIe siècle), dans Pourvoir les finances en province, Journée d’études tenue à Bercy le 9 décembre 1999, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002, p. 151-171. Soixante emprunts furent ouverts par les États provinciaux pour le compte du roi entre 1740 et 1789, mobilisant près de 330 millions de livres tournois.
  • [56]
    AN, H1 1165, pièce 155, art. 1.
  • [57]
    Ibid., pièce 156, question 8.
  • [58]
    Dans le projet d’arrêt (pièce 154), il est mentionné 30 membres du clergé, 30 barons et 70 membres députés des villes, bourgs et communautés.
  • [59]
    Deux cent cinquante ans dans le projet d’arrêt.
  • [60]
    Ibid., pièce 154, art. 3.
  • [61]
    De Véri, Journal, t. I, Paris, Plon, 1928, p. 200, cité par Pierre Chevallier, Loménie de Brienne et l’ordre monastique (1766-1789), Paris, Librairie Vrin, 1959, p. 272.
  • [62]
    AN, H1 1165, second projet d’arrêt.
  • [63]
    Ibid., pièce 160, lettre du 20 décembre 1768.
  • [64]
    AN, H1 1064, pièce 125, lettre de Joubert à Mesnard, 12 octobre 1768 ; pièce 140, lettre de Montferrier à Mesnard, 6 octobre 1768.
  • [65]
    AN, H1 1165, pièce 154.
  • [66]
    Ibid., PIèCE 157. « EXTRAIT D’UN MéMOIRE ADRESSé PAR LES OFFICIERS DE L’éLECTION DE COMMINGES », 1768.
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