Il y a près de cinquante ans, Yvon Bourdet cherchait à déterminer ce qui faisait « courir » les militants (Qu’est-ce qui fait courir les militants ? Analyse sociologique des motivations et des comportements, Stock, 1976). Aujourd’hui, l’heure est manifestement venue de se demander ce qui les fait souffrir. C’est en tout cas ce dont témoigne Le malheur militant.
Issu d’un colloque organisé par le Ceraps en octobre 2016, ce recueil s’inscrit bien sûr dans la continuité des récents travaux sur les émotions en politique, insistant pour sa part sur le spectre de celles que l’on qualifie de « négatives ». Tout en contribuant à l’« emotional turn » en sociologie des mouvements sociaux (voir les travaux publiés sous la direction de Christophe Traïni dans Émotions… Mobilisation ! Presses de Sciences Po, 2009), l’ouvrage passe le « malheur militant » au crible de la sociologie de l’engagement (et plus particulièrement des rétributions du militantisme) et à celui de la sociologie des institutions (voir Jacques Lagroye et Michel Offerlé [dir.], Sociologie de l’institution, Belin, 2011). Au cœur des analyses proposées des conditions de génération du « malheur militant » se trouvent en effet les « désajustements structuraux » susceptibles de se loger entre les investissements individuels et l’institution (partisane, syndicale, associative) qui en est l’objet.
Les principaux désajustements de cette sorte, abordés au gré des contributions, sont au nombre de trois (p. 23). L’on deviendrait ainsi un militant malheureux 1) en cas de « décalages entre les espérances et les chances », quand la succession des épreuves et le manque de rétributions conduisent au désespoir ; 2) lorsque surviennent des « désajustements entre l’incorporé et l’objectivé », après ou au cours d’une rupture entre dispositions individuelles et positions institutionnelles ; 3) sous l’effet de « désaccords entre fractions du corps militant », si les « écarts de propriétés objectives » et les difficultés de « coexistence entre habitus » (p…
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