L’exercice biographique des spécialistes de sciences humaines et sociales a récemment connu de profondes transformations. Que l’on songe ici à la tentative de recomposition des différentes étapes de la vie de Jacques Derrida par Benoît Peeters (Derrida, Flammarion, 2010) ou bien encore aux propositions théoriques et empiriques de Nicolas Adell visant à cerner le continuum entre la vie et l’œuvre des savants (La vie savante, La question biographique dans les sciences humaines, Paris, 2022). D’une certaine façon, Y. Winkin, dans ce livre consacré au sociologue américain Erving Goffman, s’inscrit dans le sillage de ce renouvellement de la question biographique.
L’ouvrage s’ouvre sur le décryptage de la plus célèbre photographie d’E. Goffman, publiée dans la Book Review du New York Times. Le sociologue, remarque Y. Winkin, déjoue les attendus du cliché de l’intellectuel : « pas de stylo en main, pas de livres dans le dos, pas de lunettes sur le nez » ; E. Goffman « garde une distance à l’égard de son personnage, tout en jouant le jeu pour le magazine » (p. 15). L’argument biographique que développe ensuite Y. Winkin dans le reste du livre, tient, tout entier, dans cette représentation photographique très travaillée du sociologue. L’auteur de La présentation de soi sait, mieux que quiconque, ce que sont les attentes sociales et la façon dont on y répond – jusque dans les maladresses du corps ou les imprécisions du langage. E. Goffman a – et ce n’est pas un paradoxe – cherché à éviter la captation de ses performances publiques, repoussant le plus possible les photographes…
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