Ce livre de C. Moricot fait suite à plusieurs recherches dans le domaine de l’aviation (elle en est une spécialiste) et marque un intérêt plus nouveau de l’autrice pour le secteur de la santé, relativement à des évolutions technologiques qui concernent la chirurgie. En tirant toujours la substance de ses analyses de terrains d’enquête alimentés par des observations, des documents écrits et surtout des entretiens approfondis, C. Moricot focalise sa réflexion sur ce que l’on perçoit alternativement comme un paradigme et un registre d’action : l’action à distance, c’est-à-dire plus précisément « le découplage du geste et de la matière agie » (p. 9) et la projection d’une action « ailleurs » avec des professionnels se trouvant dans un autre endroit. Autrement dit, le théâtre de l’action se dédouble, le geste technique se délocalise, pour reprendre le sous-titre du livre. Il s’agit d’être présent dans deux espaces en même temps, avec un foyer d’action principal qui n’est plus accessible par le toucher et qui se dérobe, ce faisant, bien qu’il faille avoir une prise sur lui. L’autrice nous convie ainsi à un parcours extrêmement riche et stimulant avec la technique aux premières loges, en l’appréhendant en tant que prolongement du geste et du regard humain (on pourrait parler de constitutivité mutuelle). C. Moricot s’inscrit de ce fait dans les pas de penseurs classiques sur la technique comme André Leroi-Gourhan, Marcel Mauss et Gilbert Simondon, convoqués à de nombreuses reprises.
Le livre s’attache à décrire et à décrypter par le menu les manifestations et les implications multiples de cette modalité d’action de plus en plus répandue, en prenant toujours en considération les glissements et déplacements à partir d’un schème d’action initial, qui pouvait comporter une coprésence des acteurs, en prise avec des objets techniques…