Dans le contexte de l’actuel conflit militaire en Ukraine qui se traduit chaque jour par un nombre croissant de femmes, vieillards et enfants fuyant ce pays pour toucher dans le dénuement et l’urgence d’autres États frontaliers, la lecture de L’asile et l’exil tombe évidemment à point nommé. Sa lecture n’est toutefois pas seulement salutaire sous cet angle politique.
Cette recherche offre une démonstration réussie de cette exigence du travail sociologique de dénaturalisation de catégories toutes faites – celles de réfugiés et migrants – qui résistent pourtant si efficacement à leur déconstruction (p. 11). S’inscrivant dans la droite ligne des théories de l’étiquetage mises en œuvre par Howard Becker, l’auteur montre que l’octroi du label « réfugié » est en France devenu indissociable du travail accompli depuis les années 1950 par les agents (les officiers de protection) d’une institution (Office français de protection des réfugiés et des apatrides – Ofpra). La démonstration de l’auteur permet en tout cas d’apprécier concrètement comment ces agents ont contribué, en effectuant un tri entre demandeurs d’asile, à construire et à redéfinir la figure du réfugié au cours des soixante dernières années. Et ce n’est pas le moindre de ses mérites que de réussir à mettre en lumière les reconfigurations organisationnelles, les systèmes d’interdépendances et les soubassements politiques qui contribuent à façonner les usages et les effets de ces catégories de l’asile. Ce travail permet aussi de remettre en question toute une série de préjugés et de fausses évidences – détournement de procédures par les demandeurs d’asile, perte d’autonomie des institutions censées les protéger, inadaptation du droit et notamment de la Convention de Genève, aux évolutions contemporaines du contexte géopolitique (p…
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