Couverture de RFSP_695

Article de revue

Rationalisation des pratiques professionnelles en maisons de santé pluriprofessionnelles

Le paradoxe d’un exercice libéral sous contraintes

Pages 821 à 843

Notes

  • [1]
    Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les soins primaires sont « le premier niveau de contacts des individus avec le système national de santé » (Conférence internationale sur les soins de santé primaires à Alma-Ata, 1978). Cette définition renvoie à de nouveaux principes d'organisation des systèmes de santé, en matière d'accessibilité pour les patients, de coordination entre professionnels, de suivi des patients et d'articulation entre la prévention, les soins curatifs et les soins de suivi (Barbara Starfield, « Is Primary Care Essential ? », The Lancet, 344 (8930), 1994, p. 1129-1133 ; James Macinko, Barbara Starfield, Leiyu Shi, « The Contribution of Primary Care Systems to Health Outcomes Within Organization for Economic Cooperation and Development (OECD) Countries, 1970-1998 », Health Services Research, 38 (3), 2003, p. 831-865).
  • [2]
    En vertu de la loi no 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, les remboursements de l'Assurance maladie sont minorés si le patient n'a pas déclaré de médecin traitant ou s'adresse directement à un spécialiste sans passer par lui.
  • [3]
    Loi no 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST.
  • [4]
    Les préconisations des différents rapports préfigurant la loi HPST s'appuient entre autres sur les auditions de médecins généralistes impliqués localement dans des projets de regroupements pluriprofessionnels, qui sont par ailleurs à l'origine de la création d'une fédération professionnelle en 2008 (la Fédération française des maisons et des pôles de santé, FFMPS, qui s'appelle aujourd'hui AVECsanté, le mouvement pour l'avenir des équipes coordonnées) se donnant pour missions de représenter les professionnels libéraux exerçant dans ces structures et d'être « force de proposition » auprès des autorités publiques pour l'organisation des soins primaires (www.avecsante.fr/qui-sommes-nous/presentation/).
  • [5]
    Marc Bernier, « Rapport d'information déposé par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales en conclusion des travaux de la mission d'information sur l'offre de soins sur l'ensemble du territoire », Assemblée nationale, 2008 ; Jean-Marc Juilhard et al., Le bilan des maisons et des pôles de santé et les propositions pour leur déploiement, Paris, La Documentation française, 2010.
  • [6]
    HCAAM, « Rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie », 2007, p. 86.
  • [7]
    Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2005.
  • [8]
    Bien que les instruments d'action publique affectent différents publics de diverses manières (Anneliese Dodds, Comparative Public Policy, Londres, Palgrave, 2018), notre analyse se concentre ici sur les effets de l'instrument MSP sur les professionnels de santé libéraux, sans nier que la réorganisation de l'offre de soins qu'il sert impacte également les patients.
  • [9]
    Herbert Blumer, « Social Problems as Collective Behavior », Social Problems, 18 (3), 1971, p. 298-306 ; Patrick Hassenteufel, Sociologie politique. L'action publique, Paris, Armand Colin, 2008 ; Stephen Hilgartner, Charles L. Bosk, « The Rise and Fall of Social Problems : A Public Arenas Model », American Journal of Sociology, 94 (1), p. 53-78.
  • [10]
    Philippe Bezes, Christine Musselin, « Le New Public Management :  entre rationalisation et marchandisation », dans Laurie Boussaguet, Sophie Jacquot, Pauline Ravinet, Une “French touch” dans l'analyse des politiques publiques ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2015, p. 125-152.
  • [11]
    John W. Meyer, Brian Rowan, « Institutionalized Organizations : Formal Structure as Myth and Ceremony », American Journal of Sociology, 83 (2), 1977, p. 340-363.
  • [12]
    Si Philippe Bezes et Christine Musselin considèrent la rationalisation de l'action publique (i. e. le processus de bureaucratisation managériale de la bureaucratie elle-même), nous nous intéressons dans cet article à la rationalisation des pratiques de professionnels de santé, qui ne sont pas des agents de l'État. Ceux-ci sont toutefois souvent considérés comme des professionnels du secteur public (voir le dossier coordonné par Philippe Bezes et al., « New Public Management et professions dans l'État : au-delà des oppositions, quelles recompositions ? », Sociologie du travail, 53 (3), 2011, p. 293-348). Ce processus de rationalisation participe, selon nous, à stabiliser une forme d'action collective entre professionnels et autorités publiques, comme nous le verrons dans la dernière partie de l'analyse.
  • [13]
    OECD, Financing and Delivering Health Care. A Comparative Analysis of OECD Countries, Paris, OECD, 1987 ; Julio Frenk, Avedonis Donabedian, « State Intervention in Medical Care : Types, Trends and Variables », Health Policy and Planning, 2 (1), 1987, p. 17-31 ; Claus Wendt, « Mapping European Healthcare Systems : A Comparative Analysis of Financing, Service Provision and Access to Healthcare », Journal of European Social Policy, 19 (5), 2009, p. 432-445.
  • [14]
    Olivier Nay et al., « Achieving Universal Health Coverage in France : Policy Reforms and The Challenge of Inequalities », The Lancet, 387 (10034), 2016, p. 2236-2249, ici p. 2247.
  • [15]
    Patrick Hassenteufel, Bruno Palier, « Towards Neo-Bismarckian Health Care States ? Comparing Health Insurance Reformes in Bismarckian Welfare Systems », Social Policy and Administration, 41 (6), 2007, p. 574-596, ici p. 594.
  • [16]
    Ibid. ; Nadine Reibling, Claus Wendt, « Gatekeeping and Provider Choice in OECD Healthcare Systems », Current Sociology, 60 (4), 2012, p. 489-505.
  • [17]
    Le cas du Canada présente cependant des similitudes avec le cas français : voir Brian Hutchison et al., « Primary Health Care in Canada : System in Motion », The Milbank Quarterly, 89 (2), 2011, p. 256-288.
  • [18]
    Circulaire NOR no EATV1018866C, 27 juillet 2010.
  • [19]
    Dans cet article, nous faisons référence aux autorités publiques pour désigner à la fois l'administration sanitaire régionale (agences régionales de santé, ARS) et le financeur public (caisses primaires d'assurance maladie, CPAM).
  • [20]
    Les professionnels peuvent également toucher des rémunérations supplémentaires s'ils diversifient l'offre de soins proposée dans la MSP, notamment par des activités de prévention et d'éducation thérapeutique. Le développement de ces activités ne conditionne toutefois pas l'octroi des rémunérations complémentaires. Pour ces nouvelles activités, voir notamment Cécile Fournier, « Les maisons de santé pluriprofessionnelles, une opportunité pour transformer les pratiques de soins de premier recours. Place et rôle des pratiques préventives et éducatives dans les organisations innovantes », thèse de doctorat en santé publique et sociologie, université Paris-Sud, 2015.
  • [21]
    Avant de faire l'objet de l'ACI, signé au niveau national en 2017 par les autorités publiques et plusieurs syndicats professionnels, les rémunérations complémentaires étaient octroyées à certaines MSP de manière expérimentale (dans le cadre de l'expérimentation des nouveaux modes de rémunérations, ENMR), puis dans le cadre d'un règlement arbitral de 2015 à 2017.
  • [22]
    Il ne nous a pas été possible de faire de restitution dans la MSP 3 : les professionnels ont dit ne pas être disponibles du fait de « difficultés internes ».
  • [23]
    Haute autorité de santé.
  • [24]
    Des rémunérations forfaitaires existaient déjà pour les médecins généralistes libéraux : rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) ; forfait médecin traitant pour chaque patient inscrit en affection de longue durée (ALD) ; forfait médecin traitant pour chaque patient non inscrit en ALD ; majoration pour les consultations de patients de plus de 80 ans.
  • [25]
    Cinq MSP sur six ont été accompagnées par des consultants spécialisés dans l'organisation des soins.
  • [26]
    P. Bezes, C. Musselin, « Le New Public Management... », art. cité ; John W. Meyer, John Boli, George M. Thomas, « Ontology and Rationalization in The Western Cultural Account », dans G. M. Thomas et al. (dir.), Institutional Structure. Constructing State, Society and The Individual, Newbury Park, Sage, 1987, p. 2-37.
  • [27]
    George Ritzer, David Walczak, « Rationalization and The Deprofessionalization of Physicians », Social Forces, 67 (1), 1988, p. 1-22 ; John Clarke, Janet Newman, The Managerial State. Power, Politics and Ideology in The Remaking of Social Welfare, Londres, Sage, 1997 ; Marie R. Haug, « A Re-examination of The Hypothesis of Physician Deprofessionalization », The Milbank Quarterly, 66 (2), 1988, p. 48-56 ; Donald W. Light, « Managed Competition, Governmentality and Institutional Response in The United Kingdom », Social Science and Medicine, 52 (8), 2001, p. 1167-1181 ; Richard W. Scott et al., Institutional Change and Healthcare Organizations. From Professional Dominance to Managed Care, Chicago/Londres, University of Chicago Press, 2000 ; Jane Broadbent, Richard Laughlin, « Public Service Professionals and The New Public Management : Control of The Professions in The Public Services », dans Kate McLaughlin, Stephen Osborne, Ewan Ferlie, New Public Management. Current Trends and Future Prospects, Abingdon, Routledge, 2002.
  • [28]
    Ruth McDonald et al., « Rules and Guidelines in Clinical Practice : A Qualitative Study in Operating Theatres of Doctors' and Nurses' Views », Quality and Safety in Health Care, 14 (4), 2005, p. 290-294 ; Gwyn Bevan, Christopher Hood, « What's Measured is What Matters : Targets and Gaming in The English Public Health Care System », Public Administration, 84 (3), 2006, p. 517-538 ; Gerry McGivern, Ewan Ferlie, « Playing Tick-Box Games : Interrelating Defences in Professional Appraisal », Human Relations, 60 (9), 2007, p. 1361-1385 ; Mirko Noordegraaf, « From “Pure” to “Hybrid” Professionalism. Present-Day Professionnalism in Ambiguous Public Domains », Administration &Society, 39 (6), 2007, p. 761-785 ; Julia Evetts, « A New Professionalism ? Challenges and Opportunities », Current Sociology, 59 (4), 2011, p. 406-422 ; Daniel Benamouzig, Frédéric Pierru, « Le professionnel et le “système” : l'intégration institutionnelle du monde médical », Sociologie du travail, 53 (3), 2011, p. 293-348 ; Pierre-André Juven, « “Des trucs qui rapportent” : enquête ethnographique autour des processus de capitalisation à l'hôpital public », Anthropologie & Santé, 16, 2018, p. 1-23, en ligne : http://journals.openedition.org/anthropologiesante/2860.
  • [29]
    Nancy North, Stephen Peckham, « Analysing Structural Interests in Primary Care Groups », Social Policy and Administration, 35 (4), 2001, p. 426-440.
  • [30]
    Frédéric Pierru, « L'hôpital-entreprise, une self-fulfilling prophecy avortée », Politix, 46, 1999, p. 7-47 ; Id., « Le mandarin, le gestionnaire et le consultant. Le tournant néolibéral de la politique hospitalière », Actes de la recherche en sciences sociales, 194, 2012, p. 32-51 ; Jean-Claude Moisdon, « Quelle est la valeur de ton point ISA ? Nouveaux outils de gestion et de régulation dans le système hospitalier français », Sociologie du travail, 42 (1), 2000, p. 31-49 ; Magali Robelet, « Les figures de la qualité des soins. Rationalisations et normalisation dans une économie de la qualité », thèse de doctorat en sociologie, université Aix-Marseille II, 2002 ; Nicolas Belorgey, L'hôpital sous pression. Enquête sur le « nouveau management public », Paris, La Découverte, 2010.
  • [31]
    François-Xavier Schweyer, « Le travail en réseau : un consensus ambigu et un manque d'outils », Sociologies pratiques, 11, 2005, p. 89-104 ; Id., « L'outil qui cache la réforme, les généralistes dans les réseaux de santé », dans Géraldine Bloy, F.-X. Schweyer (dir.), Singuliers généralistes. Sociologie de la médecine générale, Paris, Presses de l'EHESP, 2010, p. 283-305.
  • [32]
    Jean-Daniel Reynaud, « Les régulations dans les organisations : régulation de contrôle et régulation autonome », Revue française de sociologie, 29 (1), 1988, p. 5-18.
  • [33]
    Sarah Wadmann, Christina Holm-Petersen, Charlotta Levay, « “We Don't Like The Rules and Still We Keep Seeking New Ones” : The Vicious Circle of Quality Control in Professional Organizations », Journal of Professions and Organizations, 0, 2018, p. 1-16, ici p. 3.
  • [34]
    Patrick Castel, Ivanne Merle, « Quand les normes de pratiques deviennent une ressource pour les médecins », Sociologie du travail, 44, 2002, p. 337-355 ; Justin Waring, Graeme Currie, « Managing Expert Knowledge : Organizational Challenges and Managerial Futures for The UK Medical Profession », Organization Studies, 30 (7), 2009, p. 755-778 ; Charlotta Levay, Caroline Waks, « Professions and The Pursuit of Transparency in Healthcare : Two Cases of Soft Autonomy », Organization Studies, 30 (5), 2009, p. 509-527 ; Patrick Castel, Magali Robelet, « Comment rationaliser sans standardiser la médecine ? Production et usages des recommandations de pratiques cliniques », Journal d'économie médicale, 27 (3), 2009, p. 98-115 ; Thomas Le Bianic, « Les bureaucraties professionnelles face à la nouvelle gestion publique : déclin ou nouveau souffle ? », Sociologie du travail, 53 (3), 2011, p. 305-313 ; Dino Numerato, Domenico Salvatore, Giovani Fattore, « The Impact of Management on Medical Professionalism : A Review », Sociology of Health & Illness, 34 (4), 2012, p. 626-644 ; Hugo Bertillot, « Des indicateurs pour gouverner la qualité hospitalière. Sociogenèse d'une rationalisation en douceur », Sociologie du travail, 58 (3), 2016, p. 227-252.
  • [35]
    J. Waring, G. Currie, « Managing Expert Knowledge... », art. cité.
  • [36]
    D. Numerato, D. Salvatore, G. Fattore, « The Impact of Management... », art. cité.
  • [37]
    C. Levay, C. Waks, « Professions and The Pursuit of Transparency... », art. cité.
  • [38]
    T. Le Bianic, « Les bureaucraties professionnelles... », art. cité.
  • [39]
    P. Castel, I. Merle, « Quand les normes de pratiques... », art. cité ; J. Waring, G. Currie, « Managing Expert Knowledge... », art. cité ; D. Numerato, D. Salvatore, G. Fattore, « The Impact of Management... », art. cité.
  • [40]
    Stefan Timmermans, Marc Berg, « Standardization in Action : Achieving Local Universality through Medical Protocols », Social Studies of Science, 27 (2), 1997, p. 273-305.
  • [41]
    P. Castel, I. Merle, « Quand les normes de pratiques... », art. cité ; Renaud Crespin, « Critiques et formes de résistance d'une médecine sous influence. Les médecins du don face à la rationalisation de leurs pratiques », Sciences sociales et santé, 34 (4), 2016, p. 45-69.
  • [42]
    Ruth McDonald et al., « Rethinking Collegiality : Restratification in England General Medical Practice, 2004-2008 », Social Science and Medicine, 68 (7), 2009, p. 1199-1205.
  • [43]
    P. Castel, I. Merle, « Quand les normes de pratiques... », art. cité ; J. Waring, G. Currie, « Managing Expert Knowledge... », art. cité ; George Weisz et al., « The Emergence of Clinical Practice Guidelines », The Milbank Quarterly, 85 (4), 2007, p. 691-727.
  • [44]
    Kath Checkland, « National Service Frameworks and UK General Practitioners : Street-Level Bureaucrats at Work ? », Sociology of Health & Illness, 26 (7), 2004, p. 951-975.
  • [45]
    Michael Lipsky, Street-Level Bureaucracy. Dilemmas of The Individual in Public Services, New York, Russell Sage Foundation, 1980.
  • [46]
    Rod Sheaff, Keri Smith, Marny Dickson, « Is GP Restratification Beginning in England ? », Social Policy and Administration, 36 (7), 2002, p. 765-779.
  • [47]
    Magali Robelet, Marina Serré, Yann Bourgueil, « La coordination dans les réseaux de santé : entre logiques gestionnaires et dynamiques professionnelles », Revue française des affaires sociales, 1, 2005, p. 231-260.
  • [48]
    Ibid., p. 296.
  • [49]
    Ibid., p. 295.
  • [50]
    Patrick Hassenteufel, Les médecins face à l'État. Une comparaison européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.
  • [51]
    J. Evetts, « A New Professionalism... », art. cité ; P. Bezes et al., « New Public Management... », dossier cité.
  • [52]
    Yann Bourgueil, « L'organisation des soins de premiers recours en France : une réforme en quête de projet ? », Santé, Société et Solidarité, 7 (2), 2008, p. 105-114 ; Yann Bourgueil, Anna Marek, Julien Mousquès, « Trois modèles types d'organisation des soins primaires en Europe, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande », Questions d'économie de la santé, 141, 2009 ; Id., « La pratique collective en soins primaires dans six pays européens, en Ontario et au Québec : état des lieux et perspectives dans le contexte français », Santé publique, 21 (1), 2009, p. 27-38 ; Cécile Fournier, « Concevoir une maison de santé pluri-professionnelle : paradoxes et enseignements d'une innovation en actes », Sciences sociales et santé, 32 (2), 2014, p. 67-95 ; Id., « Les maisons de santé... », cité ; Nadège Vézinat, Vers une médecine collaborative. Politique des maisons de santé pluri-professionnelles en France, Paris, PUF, 2019.
  • [53]
    Plus de la moitié des professionnels interrogés a exercé auparavant dans un cabinet libéral de ville, seuls ou en groupe monoprofessionnel, ce qui leur permet de comparer les deux modes d'exercice.
  • [54]
    Se reporter à l'annexe pour un descriptif des six MSP.
  • [55]
    R. McDonald et al., « Rethinking Collegiality... », art. cité.
  • [56]
    P. Castel, I. Merle, « Quand les normes de pratiques... », art. cité.
  • [57]
    C. Levay, C. Waks, « Professions and The Pursuit of Transparency... », art. cité.
  • [58]
    P. Castel, I. Merle, « Quand les normes de pratiques... », art. cité ; R. Crespin, « Critiques et formes de résistance... », art. cité.
  • [59]
    Relatifs à la bronchiolite du nourrisson, à la vaccination, au diabète de type 2, à l'hypertension artérielle, aux traitements par anticoagulants des accidents thromboemboliques, aux lombalgies, et aux plaies chroniques et ulcères de jambes.
  • [60]
    Les plaies aux pieds font partie des signes cliniques à surveiller chez les patients diabétiques.
  • [61]
    L'Asip Santé (agence française de la santé numérique au sein du ministère) a publié une liste de logiciels conformes aux besoins des professionnels exerçant en MSP.
  • [62]
    T. Le Bianic, « Les bureaucraties professionnelles... », art. cité.
  • [63]
    Les professionnels rencontrés précisent ne pas gagner financièrement davantage en MSP que dans un mode d'exercice traditionnel, les nouvelles rémunérations compensant le temps non passé en consultation.
  • [64]
    Cette MSP a proposé un protocole encadrant la prise en charge des nourrissons par des infirmières formées à la puériculture qui ne figure pas dans la liste validée par la HAS.
  • [65]
    Entretien par téléphone (non enregistré) avec un médecin à l'origine du projet de regroupement de la MSP 3.
  • [66]
    Entretien (non enregistré) avec deux représentants de l'ARS en lien avec la MSP 2.
  • [67]
    Entretiens (non enregistrés) avec des représentants de l'ARS et de la CPAM en lien avec la MSP 2 et de l'ARS et du conseil départemental en lien avec la MSP 6.
  • [68]
    Même dans la MSP « résistante », les professionnels ont procédé à la formalisation de leurs pratiques existantes, sans quoi elle n'aurait pas obtenu la reconnaissance de l'ARS.
  • [69]
    Blandine Mesnel, « Les agriculteurs face à la paperasse : Policy feedback et bureaucratisation de la politique agricole commune », Gouvernement et action publique, 1 (1), 2017, p. 33-60.
  • [70]
    Ibid., p. 47.
  • [71]
    La question des relations interprofessionnelles n'est toutefois pas l'objet de cet article. Pour explorer cette question, voir, notamment, N. Vézinat, Vers une médecine collaborative..., op. cit. ; Irdes, « Dynamiques et formes du travail pluriprofessionnel dans les maisons et pôles de santé », rapport, 557, 2014 ; Anne Moyal, « Division du travail en maisons de santé pluriprofessionnelles : vers une reconfiguration des territoires professionnels ? » (titre provisoire), Revue française des affaires sociales, 2020, à paraître.
  • [72]
    Le terme « leader » est utilisé par les professionnels en entretien, ainsi que par les représentants des autorités publiques.
  • [73]
    Elles recoupent toutefois des observations déjà formulées par l'Irdes : voir Irdes, « Dynamiques et formes du travail... », cité.
  • [74]
    S. Timmermans, M. Berg, « Standardization in Action... », art. cité.
  • [75]
    Aline Sarradon-Eck et al., « Créer des liens : les relations soignants-soignés dans les réseaux de soins informels », Revue d'épidémiologie et de santé publique, 56 (4), 2008, p. 197-206.
  • [76]
    Anticoagulants utilisés pour le traitement des accidents thromboemboliques.
  • [77]
    F.-X. Schweyer, « Le travail en réseau... », art. cité ; « L'outil... », art. cité.
  • [78]
    Ou « treasure » dans la typologie classique des instruments de Christopher Hood (Christopher Hood, The Tools of Government, Chatham N. J., Chatham House, 1986.)
  • [79]
    P. Lascoumes, P. Le Galès, Gouverner par les instruments, op. cit., p. 361.
  • [80]
    P. Hassenteufel, Sociologie politique..., op. cit., p. 16.
  • [81]
    P. Hassenteufel, Les médecins..., op. cit.

1En France, l'organisation des soins primaires [1] est longtemps restée une question périphérique du système de santé et ce n'est qu'à partir des années 2000 qu'a lieu un renforcement de la régulation étatique dans ce secteur. Celle-ci repose principalement sur deux dispositifs. Une loi de 2004 introduit dans un premier temps un mécanisme de barrière à l'entrée du système de santé, obligeant les patients à s'inscrire auprès d'un « médecin traitant » qui coordonne leur parcours de soin [2]. La régulation pèse alors sur les patients et ne touche pas encore les professionnels de santé, en majorité libéraux dans ce secteur. La loi « Hôpital, patients, santé et territoires » de 2009 [3] (dite loi HPST) s'attèle dans un second temps à l'organisation de l'offre libérale ambulatoire : l'État fait le choix d'une politique incitative encourageant les professionnels libéraux (notamment médecins généralistes et paramédicaux) à se regrouper dans des structures pluriprofessionnelles, appelées maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). Ces nouvelles organisations, inspirées d'initiatives conduites localement par des professionnels [4], sont présentées dans plusieurs rapports publics [5] comme l'une des réponses au problème de déficit de l'offre médicale dans certains territoires, dans la mesure où elles permettraient non seulement d'attirer de jeunes médecins généralistes mais aussi d'améliorer la coordination, facilitant ce faisant le transfert de tâches des médecins vers les autres professionnels pour compenser le manque de médecins. Elles sont notamment considérées par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie comme une solution susceptible d'« améliorer l'efficacité productive de la médecine générale » et d'« élargir la gamme de services » dans le secteur ambulatoire [6].

2Cet article se propose d'étudier les MSP en France, considérées comme un instrument d'action publique participant à un processus de rationalisation des pratiques des professionnels de santé libéraux. Nous empruntons à Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès [7] leur conception d'instrument d'action publique, dans la mesure où les MSP ont pour objet d'organiser les relations entre la puissance publique et ses destinataires (en l'occurrence, et de manière originale comme nous le verrons, des professionnels de santé libéraux [8]) et qu'elles sont porteuses d'une représentation spécifique du problème public [9] de déficit de l'offre médicale qu'elles entendent traiter. Comme eux, nous privilégions une approche par la mise en  uvre de l'instrument et plus précisément des dispositifs techniques qui l'opérationnalisent (protocoles de soins, réunions, logiciel informatique, etc.) afin de comprendre leurs effets inattendus du fait de leur appropriation par les destinataires de l'action publique. Cette entrée par la mise en  uvre est également celle défendue par Philippe Bezes et Christine Musselin [10] dans leur analyse de la rationalisation de l'action publique. Nous nous appuyons notamment sur leur définition de la rationalisation, qu'ils empruntent eux-mêmes aux sociologues néo-institutionnalistes, comme un processus de diffusion de savoirs et de règles standardisés (ou de « mythes [11] » rationnels) au service de l'efficacité de l'action publique ou collective [12]. Le processus de rationalisation prend toutefois une forme particulière dans le champ de la santé (a fortiori dans le secteur ambulatoire en France, en raison de l'autonomie traditionnellement forte des professionnels libéraux) que nous présenterons dans la première partie de cet article.

3L'étude de cet instrument de rationalisation nous semble particulièrement intéressante à deux égards. D'une part, la France est souvent présentée comme un exemple de système de santé assurantiel corporatiste, caractérisé par une offre de soins majoritairement privée, un contrôle de l'État limité et un attachement au principe de liberté (à la fois pour les patients qui sont libres dans le choix des professionnels et pour les professionnels libéraux qui s'autorégulent [13]). Parmi les systèmes assurantiels, la France s'est toutefois distinguée par son centralisme et un contrôle étatique plus marqué, ce qui a amené plus récemment certains auteurs à la considérer comme un système « hybride [14] » ou un « nouvel État sanitaire régulateur [15] ». La politique d'organisation des soins primaires initiée dans les années 2000 est, selon nous, un nouvel exemple de cette singularité française : si les autres systèmes assurantiels ont également renforcé la régulation de l'accès aux soins par des mécanismes de barrière à l'entrée (ou gatekeeping) [16], ils n'ont pas développé de politiques comparables d'organisation de l'offre libérale de soins [17].

4D'autre part, le choix de faire reposer le processus de rationalisation sur des professionnels libéraux nous semble avoir des implications particulières quant à la méthode de réforme et à l'évolution des relations entre État et professionnels. En effet, sans toucher au statut libéral des professionnels (l'État continuant à garantir le monopole d'exercice de chaque profession, le paiement à l'acte et directement par le patient, la liberté d'installation, ainsi que la liberté de prescription pour les médecins), les MSP visent toutefois à encadrer l'organisation de leurs pratiques. L'État a ainsi fait le choix d'une politique incitative pour encourager et non contraindre les professionnels libéraux à se regrouper dans ces structures et à mettre en  uvre les procédures de rationalisation qui les sous-tendent. Celles-ci sont diverses : à un premier niveau, une structure peut obtenir la reconnaissance officielle en tant que MSP par l'agence régionale de santé (ARS), à condition qu'elle respecte un cahier des charges [18] qui lui impose de regrouper a minima deux médecins généralistes et un professionnel paramédical et qu'elle élabore un projet de santé définissant l'offre de soins de la structure, correspondant aux priorités de santé de l'ARS. À un second niveau, la MSP peut contractualiser avec les autorités publiques ­ ARS et Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [19] ­ pour bénéficier de rémunérations qui dédommagent le temps passé aux nouvelles activités administratives et de coordination qu'implique l'exercice pluriprofessionnel. Ces rémunérations sont directement versées par la CPAM à la MSP (et non aux professionnels individuellement) et viennent s'ajouter aux rémunérations à l'acte payées par les patients. Leur obtention est conditionnée au respect de critères s'ajoutant à ceux du cahier des charges initial et touchant à la fois à l'organisation de l'offre de soins (horaires d'ouverture, offre de soins médicaux en continu sur ces horaires, consultations médicales sans rendez-vous) et à la coordination entre professionnels (réunions de concertation pluriprofessionnelle sur des cas de patients, protocoles pluriprofessionnels de soins, partage d'informations sur un logiciel commun, personnel en charge de la coordination et de la gestion administrative de la structure) [20]. L'ensemble de ces critères fait l'objet d'un contrat signé entre les professionnels exerçant dans la MSP, l'ARS et la CPAM, appelé accord conventionnel interprofessionnel (ACI [21]).

5Bien que ne remettant pas en cause le statut libéral des professionnels de santé, cette nouvelle contractualisation entre autorités publiques et professionnels de santé s'accompagne donc de transformations potentiellement importantes des pratiques professionnelles, aussi bien au niveau de leur organisation que de leur contenu, comme le résume le tableau 1.

6La présentation de cet instrument d'action publique, qui instaure une nouvelle relation contractuelle entre autorités publiques et professionnels de santé libéraux en encadrant leurs pratiques, nous amène à interroger le processus de rationalisation auquel il contribue. Dans quelle mesure la rationalisation à l' uvre dans ces nouvelles organisations du système de santé français transforme-t-elle les pratiques des professionnels libéraux qui y exercent ? S'accompagne-t-elle d'une réduction de leur autonomie du fait d'une plus grande immixtion des autorités publiques dans leurs pratiques ?

7Pour répondre à ces questions, nous avons mené une étude qualitative dans six MSP, qui s'est déroulée en quatre étapes, de décembre 2016 à février 2019. Dans un premier temps, trois MSP ont été étudiées afin de faire émerger des hypothèses de manière inductive. Dans un second temps, nous avons testé ces hypothèses de manière systématique dans trois autres MSP. Nous avons, dans un troisième temps, croisé toutes les données récoltées afin de faire apparaître des pistes d'analyse généralisables quant aux effets du processus de rationalisation sur les pratiques professionnelles. Enfin, dans un quatrième temps, nous avons restitué nos résultats dans chaque MSP pour recueillir certaines données manquantes et affiner nos hypothèses [22].

8Les six MSP ont été choisies pour représenter une variété de situations qui, si elles ne peuvent être représentatives de la totalité des MSP sur le territoire français, nous permettent cependant de tester nos hypothèses sur une diversité de cas (voir tableau 3 en annexe). Si les six structures du panel ont obtenu la reconnaissance officielle de l'ARS en tant que MSP et ont souhaité s'engager dans une contractualisation avec l'ARS et la CPAM pour toucher les rémunérations complémentaires, l'une d'entre elles n'a finalement pas signé l'ACI et ne touche pas ces rémunérations. Ce cas particulier sera considéré dans l'analyse.

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Tableau 1. La transformation de l'exercice libéral en MSP

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Tableau 1. La transformation de l'exercice libéral en MSP

10Les données ont été récoltées grâce à un travail intensif de terrain d'une semaine en moyenne dans chaque structure, composé d'entretiens semi-directifs, d'observations et d'analyse de documents (rapports d'activité annuels et protocoles de soins pluriprofessionnels). Dans chaque structure, plus de la moitié des professionnels de santé a été rencontrée (n = 98). Ils ont été interrogés sur l'impact des procédures de l'ACI sur leurs pratiques quotidiennes et sur leurs relations avec les autorités publiques. Les entretiens ont été enregistrés avec l'accord des interviewés et retranscrits en verbatims pour illustrer les résultats. Afin de mieux comprendre le contexte de chaque projet, des entretiens complémentaires ont été réalisés avec les partenaires des professionnels (représentants des ARS et CPAM ainsi que consultants [23]) (n = 24). Les séances d'observation ont eu lieu lors de réunions formelles ainsi que d'échanges informels dans les espaces collectifs des MSP (couloirs, salles d'attente, salles de réunion). Les professionnels n'ont toutefois pas accepté d'être observés pendant leurs consultations, invoquant le respect du secret médical. Ce recueil de données a permis de croiser l'observation des pratiques et la représentation que les professionnels ont de celles-ci, l'objectif étant de faire discuter les différents points de vue et de les confronter aux pratiques, afin de pallier les limites de l'enquête par entretiens qui permet de récolter des données partiales et partielles en fonction de ce que veulent dire les personnes interrogées.

11Cet article se divise en trois parties. Nous discutons en premier lieu les travaux ayant analysé les effets de la rationalisation sur les pratiques et l'autonomie des professionnels de santé et situons notre contribution dans cette littérature (partie 1). Nous présentons nos principaux résultats dans les deux parties suivantes. Nous mettons d'abord en lumière un processus d'appropriation des procédures de rationalisation par les professionnels des MSP, qui leur permet non seulement de maintenir leurs pratiques existantes mais aussi, dans certains cas, d'en développer de nouvelles qui n'ont pas été anticipées par les autorités publiques (partie 2). Nous analysons ensuite les implications de ce processus d'appropriation des procédures de rationalisation sur la relation entre autorités publiques et professionnels libéraux des MSP. Nous concluons à un renforcement de leur interdépendance dont les effets sont paradoxaux : alors que l'instrument de rationalisation considéré touche des aspects de l'exercice libéral jusque-là épargnés par les politiques de régulation, il s'accompagne de nouveaux espaces de liberté pour les professionnels qui leur permettent de participer eux-mêmes au processus de rationalisation (partie 3).

Les effets de la rationalisation sur les pratiques et l'autonomie des professionnels de santé

12La notion de rationalisation, comprise comme un processus de diffusion de savoirs et de règles standardisés au service de l'efficacité de l'action collective [24], a été mobilisée dans de nombreux travaux s'intéressant aux professionnels de santé et plus généralement aux professionnels du secteur public. Une revue de la littérature française et internationale permet d'identifier deux lectures souvent opposées du processus. Précisons que la majorité des travaux concerne la profession médicale et que les effets de la rationalisation sur les autres professionnels de santé sont moins documentés.

13D'un côté, la rationalisation est considérée comme une menace pour l'autonomie professionnelle et un potentiel facteur de déprofessionnalisation, dans la mesure où les nouvelles règles et procédures (qualifiées de bureaucratiques ou néomanagériales, selon les travaux) permettraient un contrôle accru sur les pratiques [25]. Les professionnels auraient ainsi tendance à développer des stratégies de résistance ou d'évitement pour maintenir leur autonomie [26]. Bien que les études spécifiques sur les soins primaires soient encore rares, Nancy North et Stephen Peckham [27] ont montré en Angleterre que le National Health Service (NHS) exerçait un contrôle accru sur les general practitioners (GPs) contractuellement tenus de mettre en  uvre de nouvelles procédures et de rendre des comptes sur leur exercice quotidien. Les auteurs identifient une nouvelle figure de médecins « hybrides », devenant des « exécutants » de la rationalisation promue par les autorités publiques tout en cherchant à préserver leur légitimité parmi leurs pairs. En France, beaucoup de travaux ont documenté la rationalisation des pratiques dans le secteur hospitalier et ont également mis en lumière le risque de réduction de l'autonomie des professionnels, du fait de l'immixtion de la puissance publique dans leurs pratiques [28]. Moins nombreux sont les travaux qui considèrent la question de l'autonomie dans le secteur ambulatoire, mais François-Xavier Schweyer [29] a mis en évidence une nouvelle régulation du monde libéral dans son étude sur les professionnels libéraux des réseaux de santé. Celle-ci s'apparenterait à une « régulation de contrôle » pour reprendre la terminologie de Jean-Daniel Reynaud [30], se développant à travers des bonnes pratiques, des prescriptions et des règles visant à réguler le fonctionnement des professionnels des réseaux.

14D'un autre côté, nombreux sont les travaux qui appellent à ne pas considérer les professionnels comme des « victimes passives [31] » des procédures néomanagériales et à nuancer la menace que la rationalisation fait peser sur leur autonomie [32]. Les travaux de Justin Waring et Graeme Currie [33], d'une part, et de Dino Numerato, Domenico Salvatore et Giovani Fattore [34], d'autre part, identifient notamment une variété de réponses des professionnels aux procédures managériales, depuis la conformité jusqu'à l'opposition, en passant par des situations d'adaptation des procédures. Considérer ces situations d'entre-deux permet de dépasser l'idée de déprofessionnalisation en analysant les stratégies des professionnels pour conserver leur autonomie tout en mettant en  uvre les procédures qui leur sont imposées. Le concept d'adaptation renvoie à différentes activités de la part des professionnels. À un premier niveau, l'adaptation peut prendre la forme d'un respect apparent des procédures pour se protéger des remises en cause extérieures, alors que les pratiques demeurent inchangées. Charlotta Levay et Caroline Waks [35] ont ainsi montré que les médecins pouvaient garder leurs pratiques réelles invisibles aux yeux du régulateur tout en respectant de manière ritualiste ce qui était attendu d'eux et, dans le même sens, Thomas Le Bianic [36] a théorisé un « découplage » entre les bonnes pratiques du New Public Management et les pratiques réelles des médecins. À un deuxième niveau, cette adaptation peut également être le moyen pour les médecins de faire évoluer les procédures au cours de leur mise en  uvre, en les réinterprétant dans un sens qui leur convient [37]. Pour Stefan Timmermans et Marc Berg [38], le « bricolage » (tinkering) avec les protocoles est d'ailleurs une condition sine qua non de l'adhésion des médecins à ceux-ci. Cette réinterprétation des procédures au cours de leur mise en  uvre est notamment possible du fait de l'imprécision de celles-ci [39] et est d'autant plus facile qu'elles reprennent en grande partie ce que les professionnels faisaient déjà [40]. Enfin, à un troisième niveau, les professionnels peuvent aller jusqu'à participer à la création de nouvelles procédures qui vont contribuer à modifier leurs pratiques et celles de leurs pairs [41]. En Angleterre, Kath Checkland [42] compare finalement les GPs à des « street-level bureaucrats[43] » dans la mesure où leur autonomie dans les interactions avec les patients leur permet de procéder à des arrangements quotidiens avec les procédures et de prendre des décisions discrétionnaires qui ont, in fine, un impact sur la substance même de la politique publique qu'ils mettent en  uvre. Dans le même sens, Rod Sheaff, Keri Smith et Marny Dickson [44] identifient une coalition dominante parmi les GPs anglais, qui profite du processus de rationalisation pour influencer l'organisation des soins primaires. En France, certains travaux sur les réseaux de santé ont également mis en lumière les marges de man uvre des professionnels. Magali Robelet, Marina Serré et Yann Bourgueil [45] considèrent notamment les « aménagements » possibles des professionnels par rapport aux « logiques gestionnaires » des autorités sanitaires et François-Xavier Schweyer observe la « marge de liberté [46] » que les médecins parviennent à se ménager malgré les nouvelles « règles du jeu formalisées à l'extérieur de la profession médicale [47] », acceptée par les autorités publiques car elles ont besoin de l'adhésion des médecins pour faire vivre les réseaux. Il en résulte selon ce dernier une relation d'interdépendance entre médecins libéraux et autorités publiques, déjà mise en lumière, notamment dans les travaux de Patrick Hassenteufel [48].

15C'est dans la lignée de ces travaux que s'inscrit cette étude, qui s'attache à identifier la capacité d'appropriation des procédures de rationalisation par les professionnels des MSP, afin de ne pas céder à une lecture binaire qui opposerait professionnalisation et rationalisation [49]. Certainement du fait de leur apparition récente, ces nouvelles organisations du système de santé français sont encore peu étudiées et, bien que de plus en plus de travaux leur soient dédiés, ils analysent davantage les conditions de leur émergence et leur fonctionnement [50] que les effets des procédures de rationalisation sur l'autonomie professionnelle. Cet article se propose ainsi de compléter ces travaux en testant sur cet objet les hypothèses des travaux fondateurs sur la rationalisation. Au-delà de l'intérêt empirique à documenter un cas national et à considérer un objet peu étudié, il y a selon nous une valeur heuristique à mener cette analyse sur un système de santé qui fait reposer le processus de rationalisation sur des professionnels libéraux, historiquement peu régulés par l'État et conservant une large autonomie dans leurs pratiques.

Quand les professionnels libéraux s'approprient les procédures de rationalisation qui les contraignent

16Notre enquête révèle que les procédures de rationalisation imposées par l'ACI ne vont pas nécessairement à l'encontre des professionnels exerçant en MSP. Nous observons que ceux-ci parviennent à s'approprier les procédures et à les utiliser non seulement pour protéger leurs pratiques existantes mais aussi pour en développer de nouvelles qui correspondent à leurs besoins. Comme nous allons le voir, cette appropriation procède de trois principaux mécanismes : à un premier niveau, les professionnels opèrent une simple formalisation de leurs pratiques existantes, leur permettant de respecter de manière apparente les procédures ; à un second niveau, ils réinterprètent les procédures au cours de leur mise en  uvre pour les adapter à leurs pratiques existantes ; à un troisième niveau, ils utilisent les procédures de manière stratégique pour développer de nouvelles pratiques répondant à leurs besoins. La diversité des cas considérés nous permet finalement de distinguer différents profils de MSP selon leur niveau d'appropriation des procédures de rationalisation.

Formaliser les pratiques existantes pour les faire correspondre aux procédures

17Invités à comparer leurs pratiques actuelles et celles avant l'installation en MSP [51], les professionnels considèrent en majorité qu'il y a peu de changements dans leur exercice quotidien, exceptée la nouvelle proximité géographique avec d'autres professionnels du fait du regroupement dans une même structure. Ils affirment pour le reste avoir maintenu l'essentiel de leur organisation et continuer à pratiquer leurs soins comme ils le faisaient auparavant. Par exemple, dans cinq MSP, les médecins étaient pour la plupart déjà regroupés dans un même cabinet et organisaient leurs consultations de manière à assurer une offre en continu aux mêmes horaires que ceux imposés par l'ACI. Concernant la coordination entre professionnels, ils affirment qu'ils partageaient déjà de l'information sur certains cas de patients quand ils l'estimaient nécessaire, de manière informelle par téléphone, par e-mail ou (plus rarement) de visu. Le maintien de l'existant est d'ailleurs une condition du choix d'installation en MSP pour certains professionnels, à l'image de cette infirmière :

18

« C'était l'une de mes conditions pour venir m'installer ici, continuer à faire mes soins, continuer à faire mes tournées, à aller au domicile de mes patients. Enfin, à faire mon travail d'infirmière, quoi ! C'est ce que j'aime. Après, j'ai un bureau ici, je passe, je viens déposer un papier, je croise untel... Mais je continue comme avant. (infirmière, MSP 4 [52])

19Nous faisons l'hypothèse que les professionnels acceptent d'autant mieux la contractualisation avec les autorités publiques qu'elle reprend en grande partie ce qu'ils faisaient déjà informellement [53].

20

« Globalement, ça n'a pas non plus changé nos pratiques quotidiennes. On faisait déjà ces choses-là avant que ce soit chiffrable, avant que ce soit écrit. (médecin généraliste, MSP 2)

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« Quand on a vu ce que ça voulait dire de monter une maison, c'était de formaliser des choses qu'on faisait déjà. Parce qu'en fait, on était déjà réunis en groupe médical. Même si, bien sûr, on n'avait pas de projet de santé tel que l'entend l'ARS maintenant. Mais à l'époque, c'était déjà travailler ensemble, partager des charges, un mode de fonctionnement. C'était pas formalisé mais c'était déjà ça. (médecin généraliste, MSP 3)

22Un travail de formalisation est toutefois nécessaire pour que les professionnels puissent justifier du respect des critères obligatoires de l'ACI. Il s'agit pour eux de rendre compte de ce qu'ils font déjà, par écrit : présenter certaines prises en charge sous forme de protocoles, rédiger des documents prouvant la tenue des réunions (ordres du jour, comptes rendus) et rassembler divers documents (pour attester, par exemple, du nombre de professionnels présents dans la MSP ou de l'utilisation du logiciel commun). L'ensemble de ces informations est présenté dans un rapport d'activité envoyé annuellement par les MSP aux CPAM et aux ARS, dont dépend l'octroi des rémunérations complémentaires. Cette formalisation permet aux professionnels de se prémunir d'une remise en cause par les autorités publiques, comme l'ont déjà observé Patrick Castel et Ivanne Merle [54] ainsi que Charlotta Levay et Caroline Waks [55].

Réinterpréter les procédures pour les adapter aux pratiques existantes

23Le respect de certaines procédures de l'ACI, qui ne renvoient pas directement à des pratiques existantes, suppose toutefois plus qu'une simple formalisation par écrit. Nos observations révèlent que le caractère parfois imprécis de ces procédures (déjà constaté dans d'autres secteurs du système de santé [56]) crée une marge de man uvre pour les professionnels qui peuvent les réinterpréter dans un sens qui leur convient. Ce faisant, ils adaptent les procédures au cours de leur mise en  uvre.

24En effet, l'ACI ne définit pas strictement ce qu'est une réunion pluriprofessionnelle de concertation (durée, professionnels présents, modalités de prise de décision, documents produits, etc.). Concernant les protocoles, si la Haute autorité de santé (HAS) a publié une liste de sept protocoles validés au niveau national [57], ceux-ci peuvent être interprétés différemment au niveau local : le protocole relatif au diabète, par exemple, prend la forme d'une coordination entre médecins généralistes et pédicures-podologues [58] dans les MSP 4 et 5, alors qu'il renvoie à des actions de prévention réalisées par une infirmière dans la MSP 2. Quant au logiciel informatique commun, si le ministère de la Santé a publié une liste de logiciels « labellisés » parmi lesquels les professionnels doivent choisir [59], il n'est pas précisé combien de professionnels, ni lesquels, doivent l'utiliser pour qu'il soit considéré comme effectif.

25Ces imprécisions permettent aux professionnels d'adapter les procédures à leurs situations quotidiennes. Par exemple, pour atteindre le nombre annuellement requis de réunions pluriprofessionnelles, les MSP 2 et 4 comptabilisent les discussions informelles pendant la pause du déjeuner : si les professionnels échangent bien des informations nécessaires aux prises en charge coordonnées de certains patients, ils le font en dehors des réunions prévues à cet effet par l'ACI. Dans une autre structure (MSP 6), afin de respecter le nombre de protocoles demandé, ils présentent dans leur rapport d'activité un protocole intitulé « Démarche qualité » (consistant en des réunions régulières avec un médecin extérieur à la structure proposant un audit de la qualité des prises en charge), qui ne correspond à aucun de ceux listés par la HAS. Les professionnels justifient son existence par le fait que la qualité est un objectif commun à tous les protocoles développés dans la MSP. Nous observons ainsi bien un « découplage [60] » entre les procédures de l'ACI et les pratiques réelles des professionnels.

26Mais ce respect des procédures, qu'il passe par une formalisation des pratiques existantes ou une réinterprétation des procédures, n'est pas sans poser de difficultés aux professionnels. Il suppose différentes activités en marge des soins, indispensables à la contractualisation avec les autorités publiques : organisation des réunions, remplissage de documents administratifs, écriture de protocoles, gestion du personnel, relations avec les autorités publiques, etc. Les rémunérations complémentaires ont d'ailleurs pour objet de dédommager le temps passé à ces activités afin qu'elles ne représentent pas un manque à gagner pour les professionnels qui acceptent de leur dédier du temps en plus (ou au détriment) de leur temps de consultation [61]. Les professionnels qui font le choix de s'impliquer dans ces activités (deux à trois par structure, le plus souvent un médecin généraliste en binôme avec un professionnel paramédical) soulignent unanimement leur caractère « lourd » ou « contraignant » et certains craignent de ne pas trouver de professionnels pour les seconder ou les remplacer dans ces activités (c'est le cas notamment de médecins dans les MSP 1, 2 et 6, dont les départs à la retraite approchent).

27La MSP 3 est un cas particulier intéressant à considérer car il révèle que les difficultés à respecter les procédures peuvent s'avérer bloquantes dans le processus de contractualisation avec les autorités publiques. À un premier niveau, les professionnels ont bien formalisé leurs pratiques existantes, sous forme d'un projet écrit présenté à l'ARS, comportant plusieurs protocoles de soins notamment. Dix-huit mois et de nombreuses réunions de travail ont été nécessaires pour ce travail de formalisation, mais la CPAM a refusé de signer l'ACI car la cible des cinq protocoles n'avait pas été atteinte : d'une part, les professionnels n'en ont formalisé que quatre et, d'autre part, l'un des protocoles (prévoyant un suivi des nourrissons par des infirmières puéricultrices) ne correspond pas à ceux listés par la HAS. Elle proposera aux professionnels de reculer le moment de la signature de l'ACI pour leur laisser le temps de reformuler leurs protocoles, mais ceux-ci refuseront le travail supplémentaire demandé et préféreront abandonner l'idée de contractualiser :

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« L'ARS nous a dit que notre projet de santé était très beau. Ils ont quand même un peu tiqué sur la puériculture, ils ont trouvé que c'était trop novateur, alors que c'était vraiment le truc qui nous tenait à c ur parce que y'a plus de pédiatres, que ça nous prend du temps à nous les médecins alors que certaines consultations pourraient être largement faites par des infirmières puéricultrices [62]. Mais au final, c'est passé, l'ARS a validé le projet. Ensuite, la CPAM est venue pour nous faire signer le contrat. Quand la personne de la CPAM a vu notre projet, elle nous a dit : C'est bien, mais va falloir écrire d'autres protocoles. Sur la BPCO, par exemple [broncho-pneumopathie chronique obstructive, maladie pulmonaire chronique], ou l'obésité de l'adolescent. Ohhhh ! J'ai cru que certains allaient se taper dessus ! Parce que ça faisait 18 mois qu'on bossait dessus, c'était des protocoles qui nous tenaient à c ur, qui allaient nous faire gagner du temps. Et fallait faire autre chose pour remplir leurs cases ? [Silence] Et puis quelques mois après, ils sont revenus en nous disant que nos protocoles pouvaient finalement rentrer ! Mais mes collègues, là, ils étaient complètement braqués, c'était fini. On aurait peut-être pu rédiger un cinquième protocole... mais je ne pouvais rien faire. Et je les comprends. (médecin généraliste, MSP 3)

29La médecin généraliste à l'initiative du projet, citée ci-dessus, s'est finalement dite épuisée de tout porter à bout de bras » et prête à « jeter l'éponge » [63]. Ce cas particulier nous permet d'identifier deux facteurs pouvant bloquer la contractualisation avec les autorités publiques : d'un côté, certaines autorités publiques peuvent se montrer moins flexibles dans l'application des procédures et, de l'autre, certains professionnels semblent moins disposés à réinterpréter les procédures afin de les adapter à leurs objectifs.

Utiliser les procédures pour développer de nouvelles pratiques

30Bien que les rémunérations complémentaires de la CPAM aient été conçues comme un moyen de dédommager les professionnels pour le temps passé aux nouvelles activités administratives et de coordination, aucune obligation n'existe quant à leur utilisation. Ainsi certains professionnels décident-ils de les employer différemment, pour acheter du matériel médical, par exemple (MSP 4), ou pour financer de nouvelles activités qu'ils estiment répondre à leurs besoins mais qui n'ont pas été prévues par les autorités publiques (MSP 2 et 6).

31Le cas de la MSP 2 illustre cette utilisation stratégique des rémunérations. Les professionnels ont prévu d'utiliser une partie de la somme versée par la CPAM pour financer de nouvelles prises en charge (en matière de veille psychologique pour les personnes âgées, d'accès à la contraception pour les patientes mineures et de coordination avec l'hôpital pour prévoir les entrées et les sorties de patients) qui ne sont pas reconnues dans la nomenclature des actes couverts par l'Assurance maladie et pour lesquelles les patients ne peuvent donc pas être remboursés. Les professionnels de la MSP 2 ont vu dans les rémunérations complémentaires un moyen de rémunérer le temps dédié à ces activités sans faire payer les patients :

32

- Interviewée : Bon, on rentre dans le jeu, hein, on rentre dans les cases de la CPAM et on touche les rémunérations. Mais après, on fait ce qu'on veut. Non mais en plus, on y rentre réellement ! Je veux dire que ce qu'ils demandent, on le fait. Mais pour moi, c'est pas le principal. Ça nous donne les moyens de faire ce qu'on a vraiment envie de faire, sur des sujets que la Caisse [d'assurance maladie] n'a pas forcément repérés mais qui nous semblent importants.
- !Enquêtrice : Et... par exemple ?
- Interviewée : Par exemple, on est en train de mettre en place une veille psychologique avec la psychologue. Mais ça rentre pas dans leurs cases alors qu'il nous faut un financement pour lui payer ses interventions. Pareil pour la contraception, on veut mettre en place un accès facile et anonyme à la contraception, donc sans passer la carte vitale des patientes. Mais on a besoin de financements pour se payer [les consultations]. Donc faut qu'on dégage des sous pour faire des actions comme ça, qui nous paraissent primordiales. (médecin généraliste, MSP 2)

33Si rien n'empêche légalement cette utilisation discrétionnaire des rémunérations complémentaires, elle sort du cadre pensé par les autorités publiques. L'avis de celles-ci sur les libertés prises par les professionnels est d'ailleurs ambivalent. En entretien, deux représentants de l'ARS regrettent de ne pas avoir été consultés avant la mise en place de ce qu'ils définissent comme des « prestations dérogatoires », tout en considérant « louable » [64] ce choix de rémunérer certains professionnels pour développer une nouvelle offre de soins plutôt que de rémunérer le temps passé aux activités administratives et de coordination. Par la suite, cette ARS proposera d'ailleurs aux professionnels de la MSP 2 de les accompagner dans le développement d'une de ces activités qu'elle juge « innovantes ». Elle souhaite en l'occurrence faire de la coordination avec l'hôpital un protocole qui pourrait être généralisé sur tout le territoire régional. Depuis, des réunions régulières sont organisées par l'ARS avec les professionnels de la MSP afin d'écrire conjointement ce protocole.

34La MSP 6 fournit un autre exemple de cette utilisation stratégique des rémunérations de la CPAM. En plus des réunions de concertation internes à la structure, les professionnels organisent trois autres types de réunions avec des professionnels extérieurs à la MSP, en matière de maintien à domicile des personnes âgées, de santé mentale et de prise en charge des addictions. Les rémunérations complémentaires servent ici à rémunérer le temps passé à ces réunions non prévues par l'ACI.

Une appropriation différenciée des procédures de rationalisation

35La diversité des cas considérés dans cette étude nous permet finalement de distinguer trois profils types de MSP, selon leur niveau d'appropriation des procédures de rationalisation. Bien qu'ils ne puissent rendre compte de la diversité des situations sur le territoire national ni des particularités de chaque structure, ils nous semblent pouvoir être un outil pour appréhender le processus d'appropriation différenciée des procédures de rationalisation d'une MSP à une autre.

36Nous identifions d'abord un profil de MSP que nous qualifions de « résistantes » et qui correspond, en l'espèce, à la MSP 3. Bien qu'ayant procédé à la formalisation de pratiques existantes dans l'objectif de signer l'ACI, cette structure n'a que partiellement réalisé le travail d'adaptation des procédures : les professionnels n'ont notamment pas réussi à élaborer des protocoles qui auraient pu à la fois répondre aux exigences de la CPAM et correspondre à leurs pratiques quotidiennes. N'ayant finalement pas signé l'ACI et ne percevant ainsi pas les rémunérations complémentaires, il ne leur est pas possible d'en faire une utilisation discrétionnaire pour développer de nouvelles pratiques. Les professionnels s'estiment non reconnus par les autorités publiques pour leur effort de transformation de leurs pratiques.

37Un autre profil de MSP, qualifiées de « stratégiques », renvoie aux MSP 2 et 6. Dans ces structures, le travail de formalisation et d'adaptation des procédures n'a pas posé de difficulté majeure et a été considéré par les professionnels davantage comme un moyen pour atteindre d'autres objectifs. Ces deux structures, qui ont mis les autorités publiques devant le fait accompli de nouvelles pratiques financées grâce aux rémunérations complémentaires, sont qualifiées de « modèles » ou de « vitrines » [65] des MSP par les représentants des ARS et des CPAM. Certaines de ces pratiques sont d'ailleurs reprises par les autorités publiques dans l'objectif de les généraliser dans d'autres structures.

38Entre les deux, nous identifions des MSP « dociles », correspondant aux MSP 1, 4 et 5. Les professionnels de ces structures ont bien formalisé leurs pratiques existantes afin de respecter les critères de l'ACI et ont également réussi à réinterpréter certaines des procédures pour les faire correspondre à leurs pratiques. Ils ont ainsi obtenu la reconnaissance officielle des ARS en tant que MSP et signé l'ACI, ce qui leur permet de toucher les rémunérations complémentaires. Au moment de l'enquête, ces structures n'avaient toutefois pas fait une utilisation stratégique de celles-ci. Le tableau 2 modélise ces trois profils types de MSP rencontrés sur le terrain.

Tableau 2. Différents niveaux d'appropriation des procédures de rationalisation en MSP [66][67]

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Tableau 2. Différents niveaux d'appropriation des procédures de rationalisation en MSP [66][67]

39Une étude dans le secteur agricole a identifié de la même manière des réponses différenciées des agriculteurs face à l'augmentation de la « paperasse » (ou du travail bureaucratique) dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC), en fonction de la capacité d'apprentissage des nouvelles normes et procédures par les agriculteurs et de mise en conformité de leurs activités avec celles-ci [68]. L'un des intérêts de cette étude est de faire la lumière sur la dimension symbolique de la paperasse, considérée par certains agriculteurs comme une remise en cause de leurs efforts et de leur conscience professionnelle alors que d'autres y voient le moyen de s'affirmer comme des « pionniers » de la réforme [69], en gérant de manière stratégique le travail bureaucratique qui leur incombe. L'auteure explique ces différentes réponses par les trajectoires des agriculteurs, mais ne considère toutefois pas les formes organisationnelles comme des variables déterminantes. Dans notre cas d'espèce, si les trajectoires de certains professionnels se distinguent, nous identifions également des variables organisationnelles renvoyant à la structure formelle des MSP ainsi qu'aux relations informelles qui se jouent au cours de l'action collective, entre professionnels et avec les autorités publiques [70].

40La mise en perspective des MSP « résistantes » et « stratégiques » permet en effet d'identifier quatre variables principales qui pourraient expliquer l'appropriation différenciée des procédures : la taille de la structure, l'identité du professionnel « leader[71] », le partage entre plusieurs professionnels du travail de mise en  uvre des procédures et la souplesse des autorités publiques face aux adaptations des procédures (nous détaillons ce point dans la troisième partie). Nos données révèlent que dans les MSP « stratégiques », un médecin est particulièrement investi dans la mise en  uvre des procédures de l'ACI et qu'il s'agit d'un professionnel sénior (proche de la retraite), ayant en parallèle des fonctions de représentation (syndicales ou ordinales) et connu sur le territoire pour son investissement de longue date dans la transformation de l'offre de soins. Cet investissement particulier se conjugue avec un partage du travail de mise en  uvre des procédures avec d'autres professionnels de la MSP qui permet à ce leader de ne pas être seul à absorber cette surcharge de travail. De plus, les professionnels de ces structures qualifient de « bonnes » leurs relations avec les autorités publiques. Enfin, ces structures sont de petite taille (environ 15 professionnels). Dans la MSP « résistante », au contraire, le médecin le plus investi dans la mise en  uvre des procédures n'est reconnu dans son rôle de leader que par une partie des professionnels. Plus jeune que les médecins leaders des autres MSP, il n'a pas de fonction particulière de représentation. De plus, il réalise l'essentiel du travail de mise en  uvre des procédures, peu de professionnels souhaitant s'investir dans ces tâches à ses côtés. Par ailleurs, les professionnels de cette MSP témoignent de relations historiquement « tendues » avec les autorités publiques. Enfin, la MSP regroupe près de trois fois plus de professionnels que les MSP « stratégiques ». Les MSP dites « dociles » présentent quant à elles des combinaisons différentes de ces variables explicatives (voir tableau 3 en annexe).

41Ces hypothèses sur les déterminants de l'appropriation des procédures sont bâties sur un échantillon restreint de MSP et mériteraient d'être testées à une plus large échelle [72]. Par ailleurs, l'identification de profils types ne doit pas masquer les points de convergence entre MSP. La MSP 3 n'est en effet pas la seule à ne pas respecter l'ensemble des procédures de l'ACI. Ainsi, la MSP 1 n'a-t-elle pas encore mis en place de protocoles et la MSP 5 n'a-t-elle pas de logiciel commun (la mise en place de ces procédures était, au moment de notre enquête, en cours de discussion parmi les professionnels). Bien qu'il s'agisse de critères conditionnant la signature de l'ACI, les deux structures ont pu contractualiser avec les autorités publiques. Ces cas particuliers révèlent que les autorités publiques locales ne font pas la même application des textes officiels, ce qui laisse une plus ou moins grande marge de man uvre aux professionnels pour les mettre en  uvre.

Une autonomie professionnelle de plus en plus dépendante des autorités publiques

42Nous avons vu, dans la partie précédente, que le processus d'appropriation des procédures de rationalisation permettait aux professionnels des MSP de garder la main sur l'organisation et le contenu de leurs pratiques, non seulement par le maintien de l'existant mais aussi par le développement de nouvelles activités non prévues par les autorités publiques. Nos observations révèlent que les autorités publiques ne remettent que rarement en cause cette appropriation par les professionnels car elles dépendent de leur adhésion pour mener leur politique de développement des MSP. De leur côté, les professionnels libéraux acceptent de rendre des comptes aux autorités publiques car ils dépendent de leur reconnaissance et de leurs aides financières pour assurer la pérennité de leurs pratiques. En découle une relation d'interdépendance renforcée entre autorités publiques et professionnels de santé libéraux, dont les effets sont paradoxaux : alors même que la nouvelle relation contractuelle touche à des dimensions de l'exercice libéral jusque-là épargnées par la rationalisation, elle permet l'apparition de nouveaux espaces de liberté dont certains professionnels se saisissent pour participer au processus de rationalisation.

Des autorités publiques qui dépendent de l'adhésion des professionnels libéraux

43Nos observations révèlent que les autorités publiques ont une capacité limitée à remettre en cause les éléments formalisés par les professionnels dans leurs rapports d'activité à travers lesquels ils rendent compte de leurs pratiques. D'abord, parce que l'activité quotidienne des professionnels reste largement invisible aux yeux des autorités publiques : les visites de l'ARS et de la CPAM en MSP sont rares (l'ACI en prévoit une par an) et parfois spontanément demandées par les professionnels eux-mêmes. C'est le cas de la MSP 5 qui, ne parvenant pas à choisir un logiciel qui convienne à tous, a sollicité l'ARS et la CPAM pour venir constater la difficulté et aider les professionnels à faire un choix. Ensuite, car les autorités publiques font souvent preuve de souplesse quand elles constatent que les professionnels n'appliquent pas strictement les procédures. Le refus de la CPAM de signer l'ACI avec la MSP 3 est un cas isolé, les autres structures de notre panel continuant en effet de toucher les rémunérations complémentaires bien que leurs rapports d'activité attestent que certaines procédures de l'ACI ne sont pas mises en place. Nous venons de le voir avec la MSP 5, qui n'a pas de logiciel commun, et avec la MSP 1, qui n'a pas encore élaboré de protocoles, et nous avons également évoqué le cas de la MSP 6 dont l'un des protocoles ne correspond pas aux recommandations de la HAS.

44Ces éléments sont, selon nous, le signe de la dépendance des autorités publiques vis-à-vis des professionnels, celles-ci tenant davantage au développement du nombre de MSP qu'à l'application stricte des procédures de l'ACI dans chacune d'elles. Elles acceptent ce faisant le « bricolage [73] » des professionnels au cours de la mise en  uvre des procédures, qui apparaît comme une condition de leur adhésion. Une représentante d'une CPAM reconnaissait d'ailleurs cette tolérance :

45

« C'est vrai que quand un texte sort, c'est extrêmement théorique. Mais un texte, ça doit vivre. Et dans l'application, c'est assez souple. Par exemple, pour les protocoles, si on lit le texte, on se dit Waouh ! Mais en fait, on n'a jamais refusé les protocoles qui nous ont été soumis. On arrive toujours à les raccrocher à une priorité nationale. Y'a vraiment eu des tolérances à la Caisse nationale [de l'assurance maladie]. Parce qu'elle veut que ça marche. (responsable d'une CPAM)

Des professionnels libéraux qui acceptent de rendre des comptes aux autorités publiques

46Exceptés quelques rares cas isolés, les professionnels interrogés partagent l'idéal de l'autonomie professionnelle et revendiquent leur statut libéral [74] : liberté dans leurs décisions de prise en charge, liberté d'organisation (congés, horaires, etc.), refus d'une hiérarchie avec les autres professionnels, etc. Ils sont ainsi majoritaires à se plaindre en entretiens des comptes à rendre aux autorités publiques. De plus, tous les professionnels impliqués dans les activités de gestion des MSP estiment que le travail bureaucratique s'est accru entre la phase d'expérimentation des rémunérations complémentaires (qui a débuté en 2010 et ne concernait alors que quelques structures) et la phase actuelle de contractualisation avec l'ACI qui a vocation à être généralisée à toutes les MSP. À l'image de ce médecin : [75]

47

«Les premières années, c'était tout beau, tout rose. Et puis après... On était depuis le début dans l'expérimentation des nouvelles rémunérations. Mais après, y'a eu le Règlement arbitral et maintenant l'ACI. Et ça a été de plus en plus lourd, avec plus de critères à remplir, plus d'exigences de la part de l'ARS et de la CPAM. Et franchement, c'est là que le modèle a ses limites. Tout ce qui est source de conflit entre nous, c'est ça, c'est l'administratif et tout ce qui est imposé. Parce que même si on travaille en MSP, on reste libéraux. Et parfois on a l'impression qu'on n'a plus la liberté d'exercer comme on le voudrait. Parce qu'on nous impose de tout faire rentrer dans des cases, de tout formaliser. Enfin voilà, parfois on a l'impression de faire plus de paperasse et de réunions que de vraie médecine, quoi. (médecin généraliste, MSP 6)

48Les professionnels acceptent toutefois les contraintes qu'ils évoquent, comme en attestent leur choix de s'installer en MSP et leur volonté de signer l'ACI (le cas de la MSP 3 illustrant d'ailleurs la liberté de refuser cette contractualisation). Cela s'explique selon nous de deux manières. D'abord, les professionnels estiment que l'exercice regroupé en MSP est un moyen d'attirer de jeunes médecins, car ceux-ci veulent pouvoir demander des avis à leurs confrères et organiser un roulement dans les plannings de consultations afin d'alléger leur rythme de travail, or exercer seul ne permet pas cette organisation. Ce souci d'attirer de jeunes médecins répond non seulement à une préoccupation unanimement partagée par les professionnels (par les médecins qui craignent une surcharge de travail, mais aussi par les autres professionnels qui dépendent des prescriptions médicales et donc de la présence de médecins sur le territoire) mais également à une préoccupation des autorités publiques et des patients eux-mêmes. Dans ce contexte, les professionnels considèrent que la reconnaissance officielle en tant que MSP est un signal à l'attention des jeunes médecins et de la population. Cet extrait d'entretien illustre ce souci d'assurer l'offre de soins médicale :

49

« Pourquoi on a fait tout ça ? Pour qu'il y ait une pérennisation de l'offre de soins. Parce que même les cabinets de groupe comme nous, on était en danger. Si quelqu'un s'en allait, il était pas remplacé. Mais là, le mode de fonctionnement qu'on a, il attire les jeunes. Pourquoi ? Parce qu'ici, on peut prendre des congés quand on veut parce que y'a toujours quelqu'un. Enfin voilà, ça correspond aux désirs des jeunes médecins. (médecin généraliste, MSP 1)

50 Ensuite, les professionnels considèrent les rémunérations complémentaires comme une reconnaissance de ce qu'ils faisaient déjà (sans oublier les professionnels qui voient dans ces rémunérations le moyen de développer de nouvelles pratiques, comme nous l'avons déjà évoqué) :

51

« Le temps informel, c'est du vrai temps de travail. Donc ce qui nous motive, c'est de se dire que quand on se réunit, c'est normal que ce soit du temps qui est payé. Est-ce que c'est ça qui nous a fait bouger ? Non. Mais que maintenant ce soit reconnu par les rémunérations, c'est bien, oui. Et si on les touchait plus, ça nous ferait c**** quand même car y'aurait plus la reconnaissance de ce qu'on fait ! (médecin généraliste, MSP 4)

52

« Mais c'est vrai que le protocole AVK [76], l'adaptation des traitements, c'est des choses que nous, on sait faire. Qu'on faisait déjà même. Faut pas trop le dire parce qu'on n'a pas trop le droit, mais je crois que c'est le cas partout. Mais on était contents de pouvoir officialiser ça avec un protocole, que ce soit reconnu par la Sécu. Et même plus, avec les nouvelles rémunérations, on pouvait être rémunérés pour le faire ! (infirmière, MSP 3)

53Dès lors, les professionnels acceptent de manière ambivalente de justifier du respect des procédures qui font l'objet de leurs plaintes, sans quoi ils ne peuvent obtenir la reconnaissance des autorités publiques et les rémunérations complémentaires. Ils disent d'ailleurs comprendre l'obligation de rendre des comptes pour percevoir de l'argent public. Nous touchons ici au paradoxe de ce que nous appelons un nouveau statut libéral sous contraintes, sur lequel certains ironisent :

54

« Alors je dis souvent que je suis dans une structure hybride. Je suis à la fois libérale et en structure. On fait des réunions, on met en place des protocoles, on rend des comptes..., ce qu'un libéral ne fait pas en général. Parce que forcément, on nous donne des sommes importantes, donc c'est normal qu'on justifie de notre travail. (psychologue, MSP 2)

55

« Mais nous, on n'est pas des libéraux purs finalement. On est quand même un peu des salariés de la caisse d'assurance maladie [rire]. Moi, je dis que si un jour, on devient salariés, ça nous ira très bien ! Ça nous changera pas beaucoup la vie. (médecin généraliste, MSP 2)

Une relation d'interdépendance renforcée entre autorités publiques et professionnels de santé libéraux

56De ces éléments résulte une dépendance réciproque entre les autorités publiques et les professionnels libéraux des MSP, déjà mise en lumière par François-Xavier Schweyer dans le cas des réseaux de santé [77]. D'un côté, les professionnels acceptent leur nouvelle obligation de rendre des comptes dans l'objectif d'obtenir la reconnaissance des autorités publiques ainsi que les rémunérations complémentaires, dont dépend la pérennité de leur organisation et des activités qu'ils ont développées. D'un autre côté, les autorités publiques dépendent des professionnels libéraux pour assurer le développement en nombre des MSP et, afin d'obtenir leur adhésion, acceptent leur adaptation des procédures ainsi que les activités qu'ils développent de manière discrétionnaire. Ce faisant, les professionnels s'approprient l'instrument d'action publique au cours de sa mise en  uvre et participent, selon nous, à en définir les procédures qui l'opérationnalisent. Si une analyse trop rapide pourrait mener à voir dans les MSP un instrument de type économique [78], dans la mesure où l'État fait usage de rémunérations pour tenter d'orienter le comportement des professionnels, notre analyse a montré qu'elles présentaient toutes les caractéristiques d'un instrument de type conventionnel et incitatif, à travers lequel un « État mobilisateur » recherche l'engagement volontaire des professionnels destinataires [79] et « fait faire plus qu'il ne fait lui-même [80] », à travers un dispositif contractuel. Dès lors, l'État fait le choix implicite de voir la forme de l'instrument MSP et ses effets dépendre de son appropriation par des acteurs non étatiques.

57Cette relation d'interdépendance n'est pas nouvelle, a fortiori dans un système de santé considéré comme corporatiste, dans lequel l'État s'en remet aux professionnels de santé pour organiser l'offre de soins mais où les professionnels entretiennent une relation paradoxale de dépendance vis-à-vis de l'État puisque celui-ci continue de garantir la plupart de leurs libertés professionnelles [81]. Toutefois, elle prend une forme originale en MSP, dans la mesure où elle touche à de nouveaux aspects de l'exercice libéral, jusque-là épargnés par les politiques de régulation : lieu d'installation, organisation de l'offre de soins et organisation de la coordination. Finalement, comme P. Lascoumes et P. Le Galès, nous nous interrogeons sur le choix d'un instrument d'apparence consensuelle (qui répondrait à la fois aux attentes des professionnels de santé, des autorités publiques et des patients) mais dont les effets, notamment sur l'autonomie professionnelle, ne se feront sentir que dans la durée. N'est-ce pas un moyen de dépolitiser le processus de rationalisation en cours dans le secteur des soins primaires ?

Conclusion

58Dans cette étude, nous nous sommes attachés à considérer la mise en  uvre d'un nouvel instrument d'action publique au service d'un processus de rationalisation des pratiques professionnelles. Cet instrument de rationalisation nous semble particulièrement intéressant à étudier car il se déploie dans un secteur professionnel caractérisé par une autonomie traditionnellement forte et dans un contexte national où l'État garantit depuis toujours l'autonomie des professionnels libéraux.

59Notre analyse a mis en lumière la singularité de l'instrument MSP et de ses effets sur l'autonomie professionnelle, qui peut se résumer en deux points. D'une part, loin de simplement s'imposer aux professionnels, ceux-ci s'approprient l'instrument MSP dans un sens qui leur convient. Nous soutenons l'idée que cette appropriation est la condition même de la mise en  uvre de l'instrument. D'autre part, la nouvelle relation d'interdépendance qui se dessine entre autorités publiques et professionnels libéraux, alors même qu'elle touche à des dimensions jusque-là non régulées et renvoyant aux libertés traditionnelles de ces professions (liberté d'organisation des soins, liberté d'organisation de la coordination et liberté d'installation), crée paradoxalement de nouveaux espaces de liberté que les professionnels investissent pour faire évoluer l'organisation et le contenu de leurs pratiques et, potentiellement, la substance même de la politique qu'ils mettent en  uvre. De cette interdépendance renforcée naît ce que nous proposons d'appeler un nouveau statut libéral sous contraintes. Les effets sur l'autonomie professionnelle de cet instrument de rationalisation, d'apparence consensuelle et contractuelle, mériteront toutefois d'être considérés à plus long terme (rappelons que les MSP n'ont que dix ans d'existence) afin de juger de la marge de liberté dont disposeront les professionnels à l'intérieur de ce nouveau cadre : si les premiers professionnels ont pu tirer parti de procédures parfois imprécises et malléables, les suivants ne pourraient-ils pas être davantage contraints par une nouvelle forme d'action collective stabilisée qu'ils n'auront pas participé à définir ?

60Pour conclure, il nous semble que ce cas d'étude national invite à reconsidérer les typologies classiques qui font de la France un exemple de système assurantiel corporatiste (aux côtés de l'Allemagne) en la distinguant notamment des systèmes de santé nationaux (dont le Royaume-Uni serait l'archétype). La réforme actuelle des soins primaires, et plus précisément l'instrument de rationalisation considéré, sont pour nous le signe de l'émergence d'une régulation du secteur libéral qui vient réinterroger le principe de liberté des professionnels de santé, historiquement au c ur du système français.


Annexe

Tableau 3. Présentation des six MSP

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Tableau 3. Présentation des six MSP


Mots-clés éditeurs : instrument d'action publique, maison de santé pluriprofessionnelle, MSP, rationalisation, soins primaires

Date de mise en ligne : 17/12/2019

https://doi.org/10.3917/rfsp.695.0821

Notes

  • [1]
    Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les soins primaires sont « le premier niveau de contacts des individus avec le système national de santé » (Conférence internationale sur les soins de santé primaires à Alma-Ata, 1978). Cette définition renvoie à de nouveaux principes d'organisation des systèmes de santé, en matière d'accessibilité pour les patients, de coordination entre professionnels, de suivi des patients et d'articulation entre la prévention, les soins curatifs et les soins de suivi (Barbara Starfield, « Is Primary Care Essential ? », The Lancet, 344 (8930), 1994, p. 1129-1133 ; James Macinko, Barbara Starfield, Leiyu Shi, « The Contribution of Primary Care Systems to Health Outcomes Within Organization for Economic Cooperation and Development (OECD) Countries, 1970-1998 », Health Services Research, 38 (3), 2003, p. 831-865).
  • [2]
    En vertu de la loi no 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, les remboursements de l'Assurance maladie sont minorés si le patient n'a pas déclaré de médecin traitant ou s'adresse directement à un spécialiste sans passer par lui.
  • [3]
    Loi no 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST.
  • [4]
    Les préconisations des différents rapports préfigurant la loi HPST s'appuient entre autres sur les auditions de médecins généralistes impliqués localement dans des projets de regroupements pluriprofessionnels, qui sont par ailleurs à l'origine de la création d'une fédération professionnelle en 2008 (la Fédération française des maisons et des pôles de santé, FFMPS, qui s'appelle aujourd'hui AVECsanté, le mouvement pour l'avenir des équipes coordonnées) se donnant pour missions de représenter les professionnels libéraux exerçant dans ces structures et d'être « force de proposition » auprès des autorités publiques pour l'organisation des soins primaires (www.avecsante.fr/qui-sommes-nous/presentation/).
  • [5]
    Marc Bernier, « Rapport d'information déposé par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales en conclusion des travaux de la mission d'information sur l'offre de soins sur l'ensemble du territoire », Assemblée nationale, 2008 ; Jean-Marc Juilhard et al., Le bilan des maisons et des pôles de santé et les propositions pour leur déploiement, Paris, La Documentation française, 2010.
  • [6]
    HCAAM, « Rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie », 2007, p. 86.
  • [7]
    Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2005.
  • [8]
    Bien que les instruments d'action publique affectent différents publics de diverses manières (Anneliese Dodds, Comparative Public Policy, Londres, Palgrave, 2018), notre analyse se concentre ici sur les effets de l'instrument MSP sur les professionnels de santé libéraux, sans nier que la réorganisation de l'offre de soins qu'il sert impacte également les patients.
  • [9]
    Herbert Blumer, « Social Problems as Collective Behavior », Social Problems, 18 (3), 1971, p. 298-306 ; Patrick Hassenteufel, Sociologie politique. L'action publique, Paris, Armand Colin, 2008 ; Stephen Hilgartner, Charles L. Bosk, « The Rise and Fall of Social Problems : A Public Arenas Model », American Journal of Sociology, 94 (1), p. 53-78.
  • [10]
    Philippe Bezes, Christine Musselin, « Le New Public Management :  entre rationalisation et marchandisation », dans Laurie Boussaguet, Sophie Jacquot, Pauline Ravinet, Une “French touch” dans l'analyse des politiques publiques ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2015, p. 125-152.
  • [11]
    John W. Meyer, Brian Rowan, « Institutionalized Organizations : Formal Structure as Myth and Ceremony », American Journal of Sociology, 83 (2), 1977, p. 340-363.
  • [12]
    Si Philippe Bezes et Christine Musselin considèrent la rationalisation de l'action publique (i. e. le processus de bureaucratisation managériale de la bureaucratie elle-même), nous nous intéressons dans cet article à la rationalisation des pratiques de professionnels de santé, qui ne sont pas des agents de l'État. Ceux-ci sont toutefois souvent considérés comme des professionnels du secteur public (voir le dossier coordonné par Philippe Bezes et al., « New Public Management et professions dans l'État : au-delà des oppositions, quelles recompositions ? », Sociologie du travail, 53 (3), 2011, p. 293-348). Ce processus de rationalisation participe, selon nous, à stabiliser une forme d'action collective entre professionnels et autorités publiques, comme nous le verrons dans la dernière partie de l'analyse.
  • [13]
    OECD, Financing and Delivering Health Care. A Comparative Analysis of OECD Countries, Paris, OECD, 1987 ; Julio Frenk, Avedonis Donabedian, « State Intervention in Medical Care : Types, Trends and Variables », Health Policy and Planning, 2 (1), 1987, p. 17-31 ; Claus Wendt, « Mapping European Healthcare Systems : A Comparative Analysis of Financing, Service Provision and Access to Healthcare », Journal of European Social Policy, 19 (5), 2009, p. 432-445.
  • [14]
    Olivier Nay et al., « Achieving Universal Health Coverage in France : Policy Reforms and The Challenge of Inequalities », The Lancet, 387 (10034), 2016, p. 2236-2249, ici p. 2247.
  • [15]
    Patrick Hassenteufel, Bruno Palier, « Towards Neo-Bismarckian Health Care States ? Comparing Health Insurance Reformes in Bismarckian Welfare Systems », Social Policy and Administration, 41 (6), 2007, p. 574-596, ici p. 594.
  • [16]
    Ibid. ; Nadine Reibling, Claus Wendt, « Gatekeeping and Provider Choice in OECD Healthcare Systems », Current Sociology, 60 (4), 2012, p. 489-505.
  • [17]
    Le cas du Canada présente cependant des similitudes avec le cas français : voir Brian Hutchison et al., « Primary Health Care in Canada : System in Motion », The Milbank Quarterly, 89 (2), 2011, p. 256-288.
  • [18]
    Circulaire NOR no EATV1018866C, 27 juillet 2010.
  • [19]
    Dans cet article, nous faisons référence aux autorités publiques pour désigner à la fois l'administration sanitaire régionale (agences régionales de santé, ARS) et le financeur public (caisses primaires d'assurance maladie, CPAM).
  • [20]
    Les professionnels peuvent également toucher des rémunérations supplémentaires s'ils diversifient l'offre de soins proposée dans la MSP, notamment par des activités de prévention et d'éducation thérapeutique. Le développement de ces activités ne conditionne toutefois pas l'octroi des rémunérations complémentaires. Pour ces nouvelles activités, voir notamment Cécile Fournier, « Les maisons de santé pluriprofessionnelles, une opportunité pour transformer les pratiques de soins de premier recours. Place et rôle des pratiques préventives et éducatives dans les organisations innovantes », thèse de doctorat en santé publique et sociologie, université Paris-Sud, 2015.
  • [21]
    Avant de faire l'objet de l'ACI, signé au niveau national en 2017 par les autorités publiques et plusieurs syndicats professionnels, les rémunérations complémentaires étaient octroyées à certaines MSP de manière expérimentale (dans le cadre de l'expérimentation des nouveaux modes de rémunérations, ENMR), puis dans le cadre d'un règlement arbitral de 2015 à 2017.
  • [22]
    Il ne nous a pas été possible de faire de restitution dans la MSP 3 : les professionnels ont dit ne pas être disponibles du fait de « difficultés internes ».
  • [23]
    Haute autorité de santé.
  • [24]
    Des rémunérations forfaitaires existaient déjà pour les médecins généralistes libéraux : rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) ; forfait médecin traitant pour chaque patient inscrit en affection de longue durée (ALD) ; forfait médecin traitant pour chaque patient non inscrit en ALD ; majoration pour les consultations de patients de plus de 80 ans.
  • [25]
    Cinq MSP sur six ont été accompagnées par des consultants spécialisés dans l'organisation des soins.
  • [26]
    P. Bezes, C. Musselin, « Le New Public Management... », art. cité ; John W. Meyer, John Boli, George M. Thomas, « Ontology and Rationalization in The Western Cultural Account », dans G. M. Thomas et al. (dir.), Institutional Structure. Constructing State, Society and The Individual, Newbury Park, Sage, 1987, p. 2-37.
  • [27]
    George Ritzer, David Walczak, « Rationalization and The Deprofessionalization of Physicians », Social Forces, 67 (1), 1988, p. 1-22 ; John Clarke, Janet Newman, The Managerial State. Power, Politics and Ideology in The Remaking of Social Welfare, Londres, Sage, 1997 ; Marie R. Haug, « A Re-examination of The Hypothesis of Physician Deprofessionalization », The Milbank Quarterly, 66 (2), 1988, p. 48-56 ; Donald W. Light, « Managed Competition, Governmentality and Institutional Response in The United Kingdom », Social Science and Medicine, 52 (8), 2001, p. 1167-1181 ; Richard W. Scott et al., Institutional Change and Healthcare Organizations. From Professional Dominance to Managed Care, Chicago/Londres, University of Chicago Press, 2000 ; Jane Broadbent, Richard Laughlin, « Public Service Professionals and The New Public Management : Control of The Professions in The Public Services », dans Kate McLaughlin, Stephen Osborne, Ewan Ferlie, New Public Management. Current Trends and Future Prospects, Abingdon, Routledge, 2002.
  • [28]
    Ruth McDonald et al., « Rules and Guidelines in Clinical Practice : A Qualitative Study in Operating Theatres of Doctors' and Nurses' Views », Quality and Safety in Health Care, 14 (4), 2005, p. 290-294 ; Gwyn Bevan, Christopher Hood, « What's Measured is What Matters : Targets and Gaming in The English Public Health Care System », Public Administration, 84 (3), 2006, p. 517-538 ; Gerry McGivern, Ewan Ferlie, « Playing Tick-Box Games : Interrelating Defences in Professional Appraisal », Human Relations, 60 (9), 2007, p. 1361-1385 ; Mirko Noordegraaf, « From “Pure” to “Hybrid” Professionalism. Present-Day Professionnalism in Ambiguous Public Domains », Administration &Society, 39 (6), 2007, p. 761-785 ; Julia Evetts, « A New Professionalism ? Challenges and Opportunities », Current Sociology, 59 (4), 2011, p. 406-422 ; Daniel Benamouzig, Frédéric Pierru, « Le professionnel et le “système” : l'intégration institutionnelle du monde médical », Sociologie du travail, 53 (3), 2011, p. 293-348 ; Pierre-André Juven, « “Des trucs qui rapportent” : enquête ethnographique autour des processus de capitalisation à l'hôpital public », Anthropologie & Santé, 16, 2018, p. 1-23, en ligne : http://journals.openedition.org/anthropologiesante/2860.
  • [29]
    Nancy North, Stephen Peckham, « Analysing Structural Interests in Primary Care Groups », Social Policy and Administration, 35 (4), 2001, p. 426-440.
  • [30]
    Frédéric Pierru, « L'hôpital-entreprise, une self-fulfilling prophecy avortée », Politix, 46, 1999, p. 7-47 ; Id., « Le mandarin, le gestionnaire et le consultant. Le tournant néolibéral de la politique hospitalière », Actes de la recherche en sciences sociales, 194, 2012, p. 32-51 ; Jean-Claude Moisdon, « Quelle est la valeur de ton point ISA ? Nouveaux outils de gestion et de régulation dans le système hospitalier français », Sociologie du travail, 42 (1), 2000, p. 31-49 ; Magali Robelet, « Les figures de la qualité des soins. Rationalisations et normalisation dans une économie de la qualité », thèse de doctorat en sociologie, université Aix-Marseille II, 2002 ; Nicolas Belorgey, L'hôpital sous pression. Enquête sur le « nouveau management public », Paris, La Découverte, 2010.
  • [31]
    François-Xavier Schweyer, « Le travail en réseau : un consensus ambigu et un manque d'outils », Sociologies pratiques, 11, 2005, p. 89-104 ; Id., « L'outil qui cache la réforme, les généralistes dans les réseaux de santé », dans Géraldine Bloy, F.-X. Schweyer (dir.), Singuliers généralistes. Sociologie de la médecine générale, Paris, Presses de l'EHESP, 2010, p. 283-305.
  • [32]
    Jean-Daniel Reynaud, « Les régulations dans les organisations : régulation de contrôle et régulation autonome », Revue française de sociologie, 29 (1), 1988, p. 5-18.
  • [33]
    Sarah Wadmann, Christina Holm-Petersen, Charlotta Levay, « “We Don't Like The Rules and Still We Keep Seeking New Ones” : The Vicious Circle of Quality Control in Professional Organizations », Journal of Professions and Organizations, 0, 2018, p. 1-16, ici p. 3.
  • [34]
    Patrick Castel, Ivanne Merle, « Quand les normes de pratiques deviennent une ressource pour les médecins », Sociologie du travail, 44, 2002, p. 337-355 ; Justin Waring, Graeme Currie, « Managing Expert Knowledge : Organizational Challenges and Managerial Futures for The UK Medical Profession », Organization Studies, 30 (7), 2009, p. 755-778 ; Charlotta Levay, Caroline Waks, « Professions and The Pursuit of Transparency in Healthcare : Two Cases of Soft Autonomy », Organization Studies, 30 (5), 2009, p. 509-527 ; Patrick Castel, Magali Robelet, « Comment rationaliser sans standardiser la médecine ? Production et usages des recommandations de pratiques cliniques », Journal d'économie médicale, 27 (3), 2009, p. 98-115 ; Thomas Le Bianic, « Les bureaucraties professionnelles face à la nouvelle gestion publique : déclin ou nouveau souffle ? », Sociologie du travail, 53 (3), 2011, p. 305-313 ; Dino Numerato, Domenico Salvatore, Giovani Fattore, « The Impact of Management on Medical Professionalism : A Review », Sociology of Health & Illness, 34 (4), 2012, p. 626-644 ; Hugo Bertillot, « Des indicateurs pour gouverner la qualité hospitalière. Sociogenèse d'une rationalisation en douceur », Sociologie du travail, 58 (3), 2016, p. 227-252.
  • [35]
    J. Waring, G. Currie, « Managing Expert Knowledge... », art. cité.
  • [36]
    D. Numerato, D. Salvatore, G. Fattore, « The Impact of Management... », art. cité.
  • [37]
    C. Levay, C. Waks, « Professions and The Pursuit of Transparency... », art. cité.
  • [38]
    T. Le Bianic, « Les bureaucraties professionnelles... », art. cité.
  • [39]
    P. Castel, I. Merle, « Quand les normes de pratiques... », art. cité ; J. Waring, G. Currie, « Managing Expert Knowledge... », art. cité ; D. Numerato, D. Salvatore, G. Fattore, « The Impact of Management... », art. cité.
  • [40]
    Stefan Timmermans, Marc Berg, « Standardization in Action : Achieving Local Universality through Medical Protocols », Social Studies of Science, 27 (2), 1997, p. 273-305.
  • [41]
    P. Castel, I. Merle, « Quand les normes de pratiques... », art. cité ; Renaud Crespin, « Critiques et formes de résistance d'une médecine sous influence. Les médecins du don face à la rationalisation de leurs pratiques », Sciences sociales et santé, 34 (4), 2016, p. 45-69.
  • [42]
    Ruth McDonald et al., « Rethinking Collegiality : Restratification in England General Medical Practice, 2004-2008 », Social Science and Medicine, 68 (7), 2009, p. 1199-1205.
  • [43]
    P. Castel, I. Merle, « Quand les normes de pratiques... », art. cité ; J. Waring, G. Currie, « Managing Expert Knowledge... », art. cité ; George Weisz et al., « The Emergence of Clinical Practice Guidelines », The Milbank Quarterly, 85 (4), 2007, p. 691-727.
  • [44]
    Kath Checkland, « National Service Frameworks and UK General Practitioners : Street-Level Bureaucrats at Work ? », Sociology of Health & Illness, 26 (7), 2004, p. 951-975.
  • [45]
    Michael Lipsky, Street-Level Bureaucracy. Dilemmas of The Individual in Public Services, New York, Russell Sage Foundation, 1980.
  • [46]
    Rod Sheaff, Keri Smith, Marny Dickson, « Is GP Restratification Beginning in England ? », Social Policy and Administration, 36 (7), 2002, p. 765-779.
  • [47]
    Magali Robelet, Marina Serré, Yann Bourgueil, « La coordination dans les réseaux de santé : entre logiques gestionnaires et dynamiques professionnelles », Revue française des affaires sociales, 1, 2005, p. 231-260.
  • [48]
    Ibid., p. 296.
  • [49]
    Ibid., p. 295.
  • [50]
    Patrick Hassenteufel, Les médecins face à l'État. Une comparaison européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.
  • [51]
    J. Evetts, « A New Professionalism... », art. cité ; P. Bezes et al., « New Public Management... », dossier cité.
  • [52]
    Yann Bourgueil, « L'organisation des soins de premiers recours en France : une réforme en quête de projet ? », Santé, Société et Solidarité, 7 (2), 2008, p. 105-114 ; Yann Bourgueil, Anna Marek, Julien Mousquès, « Trois modèles types d'organisation des soins primaires en Europe, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande », Questions d'économie de la santé, 141, 2009 ; Id., « La pratique collective en soins primaires dans six pays européens, en Ontario et au Québec : état des lieux et perspectives dans le contexte français », Santé publique, 21 (1), 2009, p. 27-38 ; Cécile Fournier, « Concevoir une maison de santé pluri-professionnelle : paradoxes et enseignements d'une innovation en actes », Sciences sociales et santé, 32 (2), 2014, p. 67-95 ; Id., « Les maisons de santé... », cité ; Nadège Vézinat, Vers une médecine collaborative. Politique des maisons de santé pluri-professionnelles en France, Paris, PUF, 2019.
  • [53]
    Plus de la moitié des professionnels interrogés a exercé auparavant dans un cabinet libéral de ville, seuls ou en groupe monoprofessionnel, ce qui leur permet de comparer les deux modes d'exercice.
  • [54]
    Se reporter à l'annexe pour un descriptif des six MSP.
  • [55]
    R. McDonald et al., « Rethinking Collegiality... », art. cité.
  • [56]
    P. Castel, I. Merle, « Quand les normes de pratiques... », art. cité.
  • [57]
    C. Levay, C. Waks, « Professions and The Pursuit of Transparency... », art. cité.
  • [58]
    P. Castel, I. Merle, « Quand les normes de pratiques... », art. cité ; R. Crespin, « Critiques et formes de résistance... », art. cité.
  • [59]
    Relatifs à la bronchiolite du nourrisson, à la vaccination, au diabète de type 2, à l'hypertension artérielle, aux traitements par anticoagulants des accidents thromboemboliques, aux lombalgies, et aux plaies chroniques et ulcères de jambes.
  • [60]
    Les plaies aux pieds font partie des signes cliniques à surveiller chez les patients diabétiques.
  • [61]
    L'Asip Santé (agence française de la santé numérique au sein du ministère) a publié une liste de logiciels conformes aux besoins des professionnels exerçant en MSP.
  • [62]
    T. Le Bianic, « Les bureaucraties professionnelles... », art. cité.
  • [63]
    Les professionnels rencontrés précisent ne pas gagner financièrement davantage en MSP que dans un mode d'exercice traditionnel, les nouvelles rémunérations compensant le temps non passé en consultation.
  • [64]
    Cette MSP a proposé un protocole encadrant la prise en charge des nourrissons par des infirmières formées à la puériculture qui ne figure pas dans la liste validée par la HAS.
  • [65]
    Entretien par téléphone (non enregistré) avec un médecin à l'origine du projet de regroupement de la MSP 3.
  • [66]
    Entretien (non enregistré) avec deux représentants de l'ARS en lien avec la MSP 2.
  • [67]
    Entretiens (non enregistrés) avec des représentants de l'ARS et de la CPAM en lien avec la MSP 2 et de l'ARS et du conseil départemental en lien avec la MSP 6.
  • [68]
    Même dans la MSP « résistante », les professionnels ont procédé à la formalisation de leurs pratiques existantes, sans quoi elle n'aurait pas obtenu la reconnaissance de l'ARS.
  • [69]
    Blandine Mesnel, « Les agriculteurs face à la paperasse : Policy feedback et bureaucratisation de la politique agricole commune », Gouvernement et action publique, 1 (1), 2017, p. 33-60.
  • [70]
    Ibid., p. 47.
  • [71]
    La question des relations interprofessionnelles n'est toutefois pas l'objet de cet article. Pour explorer cette question, voir, notamment, N. Vézinat, Vers une médecine collaborative..., op. cit. ; Irdes, « Dynamiques et formes du travail pluriprofessionnel dans les maisons et pôles de santé », rapport, 557, 2014 ; Anne Moyal, « Division du travail en maisons de santé pluriprofessionnelles : vers une reconfiguration des territoires professionnels ? » (titre provisoire), Revue française des affaires sociales, 2020, à paraître.
  • [72]
    Le terme « leader » est utilisé par les professionnels en entretien, ainsi que par les représentants des autorités publiques.
  • [73]
    Elles recoupent toutefois des observations déjà formulées par l'Irdes : voir Irdes, « Dynamiques et formes du travail... », cité.
  • [74]
    S. Timmermans, M. Berg, « Standardization in Action... », art. cité.
  • [75]
    Aline Sarradon-Eck et al., « Créer des liens : les relations soignants-soignés dans les réseaux de soins informels », Revue d'épidémiologie et de santé publique, 56 (4), 2008, p. 197-206.
  • [76]
    Anticoagulants utilisés pour le traitement des accidents thromboemboliques.
  • [77]
    F.-X. Schweyer, « Le travail en réseau... », art. cité ; « L'outil... », art. cité.
  • [78]
    Ou « treasure » dans la typologie classique des instruments de Christopher Hood (Christopher Hood, The Tools of Government, Chatham N. J., Chatham House, 1986.)
  • [79]
    P. Lascoumes, P. Le Galès, Gouverner par les instruments, op. cit., p. 361.
  • [80]
    P. Hassenteufel, Sociologie politique..., op. cit., p. 16.
  • [81]
    P. Hassenteufel, Les médecins..., op. cit.

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