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Le clivage gauche/droite en 2017

Pages 1089 à 1112

Notes

  • [1]
    Discours d’Emmanuel Macron prononcé à Orléans au moment des fêtes de Jeanne d’Arc le 8 mai 2016 (<http://www.orleans-metropole.fr/996-9/resource/discours-demmanuel-macron-le-8-mai-2016.htm>).
  • [2]
    Par exemple, par Christophe Castaner, lors de son discours d’investiture à la tête de LREM le 18 novembre 2017.
  • [3]
    C’est particulièrement frappant sur leur site où la présentation de l’avenir en commun ne fait pas mention de la gauche (<https://avenirencommun.fr/avenir-en-commun/>), ni d’ailleurs dans aucun des titres des programmes thématiques (<https ://avenirencommun.fr/livrets-thematiques/>).
  • [4]
    Enquête Ipsos-Sopra Steria « Fractures françaises 2017 », Le Monde, Fondation Jean-Jaurès et Sciences Po (<https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-2017-la-defiance-recule-un-peu>).
  • [5]
    Cf. notamment la controverse ayant opposé Annick Percheron, Michael Lewis-Beck, Roy Pierce et Philip E. Converse : Annick Percheron, Kent Jennings, « Political Continuities in French Families : A New Perspective on an Old Controversy », Comparative Politics, 13 (4), 1981, p. 421-436 ; Christopher Fleury, Michael Lewis-Beck, « Anchoring the French Voter : Ideology versus Party », Journal of Politics, 55 (4), 1993, p. 1100-1109 ; Philip E. Converse, Roy Pierce, « Comment on Fleury and Lewis-Beck : “Anchoring the French voter. Ideology versus Party” », Journal of Politics, 55 (4), 1993, p. 1110-1117.
  • [6]
    Anne Muxel, « Introduction : qu’est-ce que l’âge en politique ? », dans Anne Muxel (dir.), La politique au fil de l’âge, Paris, Presses de Sciences Po, 2011, p. 15-30.
  • [7]
    Jean Chiche, Florence Haegel, Vincent Tiberj, « Érosion et mobilité partisanes », dans Bruno Cautrès, Nonna Mayer (dir.), Le nouveau désordre électoral. Les leçons du 21 avril 2002, Paris, Presses de Sciences Po, 2004, p. 253-277.
  • [8]
    Annick Percheron, L’univers politique des enfants, Paris, Presses de Sciences Po, 1974.
  • [9]
    Wilfried Lignier, Julie Pagis, L’enfance de l’ordre. Comment les enfants perçoivent le monde social, Paris, Seuil, 2017 ; Alice Simon, « Les enfants et la politique : contribution à l’étude des rapports ordinaires à la politique », thèse de doctorat en science politique dirigée par Jean-Yves Dormagen et co-encadrée par Julie Pagis, Montpellier, Université de Montpellier, 2017.
  • [10]
    Christophe Le Digol, « L’amphithéâtre parlementaire idéal : le clivage gauche-droite dans l’analyse politique », dans Jacques Le Bohec, Christophe Le Digol (dir.), Gauche/Droite. Genèse d’un clivage politique, Paris, PUF, 2012, p. 337-364.
  • [11]
    Vincent Tiberj, « Compétence et repérage politiques en France et aux États-Unis : une contribution au modèle de “l’électeur raisonnant” », Revue française de science politique, 54 (2), avril 2004, p. 261-287.
  • [12]
    Par exemple, à propos des partis français les plus importants, les Français interrogés dans l’European Electoral Studies de 2009, ne sont au pire que 68 % à bien situer les Verts dans leur camp (à gauche), tandis que tous les autres partis sont encore mieux repérés à gauche ou à droite de l’échiquier politique français.
  • [13]
    Emeric Deutsch, Pierre Weil, Denis Lindon, Les familles politiques aujourd’hui en France, Paris, Minuit, 1966.
  • [14]
    Martin P. Wattenberg, Russell J. Dalton (eds), Parties without Partisans. Political Change in Advanced Industrial Democracies, Oxford, Oxford University Press, 2000.
  • [15]
    « Entre la tradition plus ou moins déformée mais toujours vivante de l’Ancien Régime, qui est hiérarchique, catholique et conservatrice, et la tradition républicaine ou démocratique, qui est laïque, égalitaire et d’avant-garde » (André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République, Paris, Armand Colin, 1913, p. XXIV-XXV).
  • [16]
    Pierre Martin, Comprendre les évolutions électorales. La théorie des réalignements revisitée, Paris, Presses de Sciences Po, 2000.
  • [17]
    P. Martin, ibid. ; Valdimer O. Key Jr, « A Theory of Critical Elections », The Journal of Politics, 17 (1), 1955, p. 3-18 ; Walter Dean Burnham, Critical Elections and the Mainsprings of American Politics, New York, W. W. Norton, 1970 ; Angus Campbell, Philip E. Converse, Warren Miller, Donald Stokes (eds), Elections and the Political Order, New York, John Wiley & Son, 1966.
  • [18]
    Florent Gougou, Nicolas Sauger, « The 2017 French Election Study (FES 2017) : A Post-electoral Cross-sectional Survey », French Politics, 15 (3), septembre 2017, p. 360-370.
  • [19]
    On retrouve le même phénomène dans les enquêtes menées par TNS-Sofres dans les années 1980 et 1990 (Stéphane Marcel, Didier Witkowski, « Il faut sauver le clivage gauche-droite », dans Sofres, L’État de l’opinion 2003, Paris, Seuil, 2003, p. 95-122).
  • [20]
    Christopher Wlezien, « The Public as Thermostat : Dynamics of Preferences for Spending », American Journal of Political Science, 39 (4), 1995, p. 981-1000.
  • [21]
    Éric Agrikoliansky, Lorenzo Barrault-Stella, Clémentine Berjaud, Thibaud Boncourt, Julien Fretel, Daniel Gaxie, Anne-France Taiclet, Les sens du vote. Une enquête sociologique (France, 2011-2014), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2016.
  • [22]
    Vincent Tiberj, Bernard Denni, Nonna Mayer, « Un choix, des logiques multiples. Préférences politiques, espace des possibles et votes en 2012 », Revue française de science politique, 63 (2), avril 2013, p. 249-78.
  • [23]
    Ce phénomène était déjà visible dans les cotes de confiance envers les partis dès le début du quinquennat de François Hollande (Nonna Mayer, Vincent Tiberj, « Où est passée la gauche ? De la victoire de 2012 à la déroute de 2014 », dans TNS-Sofres, L’État de l’opinion 2015, Paris, Seuil, 2015, p. 17-36).
  • [24]
    Paul F. Lazarsfeld, Bernard Berelson, Hazel Gaudet, The People’s Choice. How the Voter Makes up his Mind in a Presidential Election, New York, Duell, Sloan & Pearce, 1944.
  • [25]
    David Butler, Donald Stokes, Political Change in Britain. Basis of Electoral Choice, Londres, Springer, 1974.
  • [26]
    Guy Michelat, Michel Simon, Classe, religion et comportement politique, Paris, Presses de Sciences Po/Éditions sociales, 1977.
  • [27]
    Seymour M. Lipset, Stein Rokkan, Party Systems and Voter Alignments. Cross-national Perspectives, New York, The Free Press, 1967.
  • [28]
    Richard Rose, Electoral Behavior. A Comparative Handbook, New York, The Free Press, 1973.
  • [29]
    Pierre Bréchon, « Influence de l’intégration religieuse sur les attitudes. Analyse comparative européenne », Revue française de sociologie, 43 (3), 2002, p. 461-483.
  • [30]
    Florent Gougou, « Comprendre les mutations du vote des ouvriers : vote de classe, transformation des clivages et changement électoral en France et en Allemagne depuis 1945 », thèse de doctorat en science politique, sous la direction de Nonna Mayer, Paris, Sciences Po Paris, 2012.
  • [31]
    Claude Dargent, Guy Michelat, « Système symbolique catholique et comportements électoraux », Revue française de science politique, 65 (1), février 2015, p. 27-60 ; Claude Dargent, « La religion, encore et toujours », dans Bruno Cautrès, Nonna Mayer (dir.), Le nouveau désordre électoral. Les leçons du 21 avril 2002, Paris, Presses de Sciences Po, 2004, p. 161-182.
  • [32]
    Ce qu’avaient constaté, après 2012, C. Dargent et G. Michelat (« Système symbolique catholique et comportements électoraux », art. cité).
  • [33]
    Pour une discussion collective de cette question, cf. Jean-Michel De Waele (dir.), Une droitisation de la classe ouvrière en Europe ?, Paris, Economica, 2012.
  • [34]
    Guy Michelat, Vincent Tiberj, « Gauche, centre, droite et vote. Permanence et mutation d’un clivage », Revue française de science politique, 57 (3), juin 2007, p. 371-392 ; Vincent Tiberj, « Les temps changent, renouvellement générationnel et évolutions politiques en France », Revue française de sociologie, 54 (4), 2013, p. 741-776.
  • [35]
    En 2007, seulement 34 % des électeurs se plaçant au centre ont fait le choix de F. Bayrou (Nicolas Sauger, « Le vote Bayrou. L’échec d’un succès », Revue française de science politique, 57 (3), juin 2007, p. 447-458).
  • [36]
    Nonna Mayer, Ces Français qui votent Le Pen, Paris, Flammarion, 2002.
  • [37]
    E. Deutsch, P. Weil, D. Lindon, Les familles politiques..., op. cit.
  • [38]
    N. Mayer, V. Tiberj, « Où est passée la gauche ?.. », art. cité.
  • [39]
    Vincent Tiberj, Les citoyens qui viennent. Comment le renouvellement générationnel transforme la politique en France, Paris, PUF, 2017.
  • [40]
    L’argument du réseau a été récemment repris notamment pour expliquer la persistance du tropisme droitier du monde catholique français. Cf. C. Dargent, G. Michelat, « Système symbolique catholique et comportements électoraux », art. cité.
  • [41]
    Jan Van Deth, Elinor Scarbrough (eds), The Impact of Values, Oxford, Oxford University Press, 1995.
  • [42]
    Ronald Inglehart, Culture Shift in Advanced Industrial Society, Princeton, Princeton University Press, 1990. Le lecteur peut aussi se référer à son article bilan de 2006 : Ronald Inglehart, « Changing Values among Western Publics from 1970 to 2006 », West European Politics, 31 (1-2), 2008, p. 130-146.
  • [43]
    Fabien Escalona, Mathieu Vieira, Jean-Michel De Waele, The Palgrave Handbook of Social Democracy in the European Union, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2013.
  • [44]
    Thibaul Rioufreyt, Les socialistes face à la « Troisième voie » britannique. Vers un social-libéralisme à la française (1997-2015), Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2016.
  • [45]
    Gérard Grunberg, Étienne Schweisguth, « Libéralisme culturel et libéralisme économique », dans Cevipof, L’électeur français en question, Paris, Presses de Sciences Po, 1990, p. 45-68 ; V. Tiberj, Les citoyens qui viennent..., op. cit.
  • [46]
    Shalom Schwartz, « Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications », Revue française de sociologie, 47 (4), 2006, p. 929-968.
  • [47]
    Cees P. Middendorp, « Models for Predicting the Dutch Vote along the Left-Right and the Libertarianism-Authoritarianism Dimensions », International Political Science Review, 10 (4), 1989, p. 279-308.
  • [48]
    Hanspeter Kriesi, Edgar Grande, Romain Lachat, Martin Dolezal, Martin, Simon Bornshier, Timotheos Frey, West European Politics in the Age of Globalization, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.
  • [49]
    Céline Belot, Bruno Cautrès, Sylvie Strudel, « L’Europe comme enjeu clivant. Ses effets perturbateurs sur l’offre électorale et les orientations de vote lors de l’élection présidentielle de 2012 », Revue française de science politique, 63 (6), décembre 2013, p. 1081-1112.
  • [50]
    Simon Persico, « Un clivage, des enjeux : une étude comparée de la réaction des grands partis de gouvernement face à l’écologie », thèse de doctorat de science politique sous la direction de Florence Haegel, Paris, Sciences Po Paris, 2014.
  • [51]
    R. Inglehart, Culture Shift in Advanced Industrial Society, op. cit.
  • [52]
    Gérard Grunberg, Étienne Schweisguth, « Libéralisme culturel, libéralisme économique », dans Cevipof, L’électeur français en question, Paris, Presses de Sciences Po, 1990, p. 45-70.
  • [53]
    Vincent Tiberj, « La politique des deux axes. Variables sociologiques, valeurs et votes en France (1988-2007) », Revue française de science politique, 62 (1), février 2012, p. 71-106.
  • [54]
    Florent Gougou, Simon Labouret, « La fin de la tripartition ? Les recompositions de la droite et la transformation du système partisan », Revue française de science politique, 63 (2), avril 2013, p. 279-302.
  • [55]
    C. Dargent, G. Michelat, « Système symbolique catholique et comportements électoraux », art. cité.
  • [56]
    Par souci de clarté, j’ai choisi de ne pas faire figurer ici les graphiques portant sur 2002 et 2012. Ils sont disponibles auprès de l’auteur ou sur le site de la Revue française de science politique.
  • [57]
    N. Mayer, Ces Français qui votent Le Pen, op. cit.
  • [58]
    Une enquête de l’Ifop réalisée en octobre 2017 confirme cette analyse : LREM suscite 57 % de mauvaises opinions, la France insoumise, 67 %, les Républicains, 69 %, le FN, 75 %, et le PS, 79 %.
  • [59]
    Ce résultat contribue d’ailleurs à remettre en cause l’idée très répandue dans le débat public selon laquelle « les extrêmes se rejoignent ».
  • [60]
    Florent Gougou, Simon Persico, « A New Party System in the Making ? The 2017 French Presidential Election », French Politics, 15 (3), 2017, p. 1-19.
  • [61]
    Pierre Martin, « Un séisme politique. L’élection présidentielle de 2017 », Commentaire, 158 (2), 2017, p. 249-264.
  • [62]
    V. Tiberj, « La politique des deux axes... », art. cité.
  • [63]
    James Stimson, Cyrille Thiebaut, Vincent Tiberj, « The Evolution of Policy Attitudes in France », European Union Politics, 13 (2), 2012, p. 293-316.

1Le clivage gauche/droite a-t-il survécu après la séquence électorale de 2017 ? La question se pose du côté des commentateurs de la vie politique, pour les partis qui s’en réclamaient, mais aussi pour les électeurs qui s’y situaient. La victoire d’un candidat qui se déclare « et de la gauche et de la droite »  [1] et le fait que beaucoup dans La République en marche (LREM) relèguent les notions de gauche et de droite aux reliques du « vieux monde politique »  [2] en disent long sur l’actualité de cette interrogation. Cette tentation de l’obsolescence se retrouve aussi du côté des organisations partisanes plus anciennes. Le Parti socialiste (PS) s’interroge sur un possible changement de nom après sa défaite historique du premier tour de l’élection présidentielle de 2017. Quant à la France insoumise, son programme met en avant le peuple, mais pas forcément la gauche en tant que référence ou filiation historique  [3]. Enfin, du côté des électrices et des électeurs, 71 % des personnes interrogées par Ipsos considéraient en juin 2017 que « les notions de gauche et de droite sont dépassées : ce n’est plus comme ça qu’on peut juger les prises de position »  [4]. Mis bout à bout, ces éléments pourraient bien sonner le glas d’une division politique qui a pourtant longtemps structuré la vie politique française.

2Pourtant, les notions de gauche et de droite étaient prégnantes dans les identités politiques des Français  [5], particulièrement stables dans le temps  [6], surtout si on compare au vote ou à la proximité partisane  [7]. La gauche et la droite apparaissaient très tôt chez les enfants interrogés par Annick Percheron  [8] dans les années 1970. De manière frappante, on en trouve encore également trace chez les enfants des années 2010  [9].

3Cette lecture par le dépassement ou l’obsolescence est trop rapide et pas si nouvelle. D’abord, il y a déjà eu dans le passé des périodes politiques lors desquelles les partis de gouvernement professaient le dépassement de ce clivage, notamment sous la Quatrième République  [10]. Leur but était alors de former une alliance du juste milieu contre les communistes et les gaullistes, quitte à ranimer stratégiquement les notions de gauche et de droite uniquement lors des élections des années 1950.

4Ensuite, cette question de sondage mesure une opinion loin d’être nouvelle. Elle a été posée plusieurs fois depuis les années 1980 par les instituts de sondage. En 1981, par exemple, seulement un tiers des Français considérait que les notions de gauche et de droite étaient dépassées, contre 42 % qui les jugeaient toujours valables. Depuis lors, il y a toujours eu plus de répondants qui jugent que gauche et droite sont des notions dépassées plutôt que valables. En 1988, ils ont dépassé la barre des 50 % et, de 1991 à 2011, entre 55 % et 60 % des répondants adoptent cette position.

5Autrement dit, l’obsolescence de la gauche et de la droite est une opinion largement partagée depuis longtemps, à tel point qu’on peut se demander ce que ces réponses de sondage signifient réellement. Les électrices et électeurs français se placent sur l’axe gauche/droite, beaucoup plus souvent et de manière beaucoup plus cohérente que leurs homologues américains face à l’alternative libéral/conservateur  [11]. Elles/Ils sont plutôt capables d’y placer les partis politiques et les candidats  [12]. Autrement dit, l’« obsolescence » n’est peut-être que l’écho d’un discours médiatique et politique récurrent plutôt qu’une réelle opinion. Ainsi, dans leur exposition des familles politiques françaises au début des années 1960, Emeric Deutsch, Pierre Weil et Denis Lindon écrivent déjà que « les révélateurs traditionnels de la gauche et de la droite ont presque tous disparu »  [13], ce qui, avec le recul, cadre mal avec notre perception contemporaine sur cette époque historique.

6Ces réponses obsolescentes peuvent aussi refléter une différence entre ce que les électeurs considèrent comme étant de gauche et de droite avec ce qu’ils perçoivent des positions des partis censés les incarner aujourd’hui sur la scène politique. Dans ce cas, la gauche et la droite d’en bas existeraient toujours, mais elles auraient du mal à se satisfaire de l’offre politique qui entend les représenter. En cela s’exprimerait aussi une défiance à l’égard des responsables politiques qui transformerait durablement le rapport à l’offre politique dans les pays occidentaux développés  [14].

7Se pose donc la question de ce que signifie être de gauche ou de droite. Difficile de considérer que leurs définitions n’ont pas évolué en fonction des acteurs politiques, des contextes politiques, des clivages actifs, dormants ou en voie de politisation, ou d’autres facteurs électoraux. Dans le Tableau politique de la France de l’Ouest – publié en 1913 par André Siegfried –, la gauche, c’était la République et la droite, la réaction [15], avant que le débat s’oriente autour des clivages Église/État et ouvriers/possédants [16]. Autrement dit, il faut comprendre ce que signifie être de gauche ou de droite aujourd’hui, avant de statuer sur la disparition ou non de cette manière de se positionner politiquement. Surtout, il apparaît essentiel de se pencher sur les positions des électeurs ordinaires, plutôt que de se focaliser sur les seuls discours des responsables politiques.

8C’est d’autant plus nécessaire qu’on ne peut pas trancher sur la nature de la victoire d’Emmanuel Macron du point de vue de la théorie des élections  [17]. Cette élection présidentielle est-elle une élection déviante résultant de l’accumulation de facteurs de court terme ou bien une élection de réalignement qui préfigure de l’émergence d’un nouvel ordre électoral ? Après tout, la conjoncture a été particulièrement favorable à E. Macron : un PS divisé après cinq ans au pouvoir, un parti de droite qui désigne un candidat très clivant et touché par des affaires personnelles, un candidat socialiste qui peine à trouver son espace entre Jean-Luc Mélenchon et E. Macron, une candidature du Front national (FN) à la fois suffisamment forte pour être au second tour (et l’atteindre) et suffisamment rejetée pour ne pas l’emporter. E. Macron aurait très bien pu perdre comme François Bayrou en 2007 et 2012.

9 La large victoire d’En Marche aux élections législatives pourraient être la confirmation de l’effacement de « l’ancien monde politique » ou l’amplification classique des résultats de l’élection présidentielle qu’on connaît depuis 2002. La victoire d’E. Macron peut aussi être la traduction électorale d’évolutions socio-politiques plus durables, notamment autour des questions de mondialisation, d’Europe ou de reconfiguration du rôle de l’État.

10 Cet article se focalisera sur le clivage gauche/droite, sa survivance ou son obsolescence, et ce qu’implique être de gauche, de droite ou d’ailleurs, aujourd’hui par rapport à hier, et ainsi contribuera à éclairer cette élection. Dans un premier temps, il analysera la répartition des placements gauche/droite dans le temps. On pourra ainsi mesurer combien ces placements évoluent, notamment en fonction de la couleur politique du gouvernement. Dans un deuxième temps, l’article fera le point sur les logiques sociales qui sont derrière ces évolutions. On verra ainsi que certaines, comme la religion, perdurent mais qu’on assiste à des désalignements sociaux particulièrement marquants, notamment entre 2012 et 2017. Dans un troisième temps, l’article se penchera sur le lien entre valeurs et positionnement politique. On démontrera le poids que prennent les valeurs culturelles dans la manière aujourd’hui de se penser de gauche ou de droite. Enfin, dans une dernière partie, l’article analysera les liens entre placement gauche/droite et vote. Pour ce faire, on utilisera l’enquête électorale française 2017 réalisée en face-à-face en mai-juin auprès de 1 830 personnes  [18]. Dans la mesure du possible, l’analyse a été menée en comparaison avec les enquêtes présidentielles françaises disponibles depuis 1988, ainsi qu’avec un fichier cumulé des Eurobaromètres réalisés par nos soins.

Les évolutions du positionnement gauche/droite

Graphique 1. Le placement gauche/droite dans les eurobaromètres

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Graphique 1. Le placement gauche/droite dans les eurobaromètres

Sources : Mannheim Eurobarometer Trend File complété par l’auteur. Les données ont été lissées sur une période de trois ans. Lecture : proportions annuelles de personnes interrogées se plaçant à gauche, à droite ou ni à gauche ni à droite.

11Sur la période étudiée, le positionnement gauche/droite évolue en France, et de manière conséquente. Sur l’ensemble de la période, 34 % des personnes interrogées se sont placées à gauche, mais cette fréquence oscille entre un minimum annuel de 30 % (en 1985) et un maximum de 41 % (en 1996)  [19]. Les variations du placement à droite sont encore plus importantes puisque la moyenne sur l’ensemble de la période est de 29 %, mais le minimum est de 24 % (en 2000) et le maximum de 36 % (en 1985). Le non-placement et le placement au centre de l’axe gauche/droite oscillent entre 31 % en 1979 et 42 % en 1991. Ces évolutions suivent une logique thermostatique  [20]. Quand un camp est au pouvoir, le nombre de Français qui s’en réclame diminue. Ensuite, la montée de la défiance des électeurs français à l’encontre de la politique s’exprime ici par l’augmentation des « non-alignés ». Le refus de se positionner est devenu le positionnement modal des Français à partir de 2002 et a pu frôler les 40 % de placement dans les années 2005-2006 ou encore en 2010. Cela ne s’était produit qu’à une reprise au début des années 1990.

Graphique 2. Le placement gauche/droite lors des présidentielles

tableau im2

Graphique 2. Le placement gauche/droite lors des présidentielles

Sources : enquêtes post-électorales Cevipof-Sofres 1988 et 1995, Panel électoral français 2002, enquête postélectorale Cevipof-Ministère de l’Intérieur-Ifop 2007, Enquêtes électorales françaises 2012 et 2017.

12Les équilibres entre gauche, droite et non-alignés évoluent aussi dans les enquêtes électorales. Ainsi, entre 1988 et 2012, le placement à gauche a oscillé entre 39 % et 44,5 %, mais il chute à 34 % en mai 2017. La droite est généralement moins choisie par les répondants (environ 30 %). L’année électorale 1995 correspond à un pic (38 %), probablement à cause de l’effet de ralliement au vainqueur consécutif à l’élection de Jacques Chirac à la présidence de la République. En termes de différentiel gauche/droite, les écarts oscillent entre 3 points en faveur de la gauche en 1995 et 12 points en 2012. En 2017, l’écart entre les deux camps n’est que de 4 points, l’un des plus faibles de la période.

13Le non-placement ou le placement au centre concernent généralement moins de 30 % des répondants, ce qui s’avère plus faible que dans les Eurobaromètres. Cela s’explique avant tout par les effets de repolitisation qui accompagnent les campagnes présidentielles françaises [21]. La multiplication des messages politiques, les discussions quotidiennes, la mise en évidence de débats et de positions antagonistes aboutissent à ce que les individus soient mieux informés, situent mieux les candidats [22] et surtout reprennent position.

14L’année 2017 constitue une exception notable puisque le non-placement devient le premier choix avec 36 % des répondants. Ce phénomène s’explique, selon nous, de deux façons : d’abord le camp au pouvoir a perdu des partisans (effet thermostatique) mais, pour la première fois, l’opposition (la droite) n’en a pas profité en gagnant de nouveaux supporteurs [23] ; ensuite, on retrouve un phénomène de ralliement au vainqueur nourri par E. Macron.

Classes, religions, cohortes et placement gauche/droite

15Très tôt, les travaux fondateurs de Paul Lazarsfeld  [24] et de ses collègues aux États-Unis, de David Butler et Donald Stokes  [25] au Royaume-Uni, de Guy Michelat et Michel Simon  [26] en France ont montré que ces positionnements étaient fortement liés à des variables sociologiques, notamment la religion et la classe sociale. Ainsi, Seymour M. Lipset et Stein Rokkan  [27] ont démontré le lien très fort entre partis de gauche et classe ouvrière d’une part et entre partis de droite et classes moyennes et supérieures d’autre part, tandis que Richard Rose  [28] ou Pierre Bréchon  [29] notamment ont montré la force du lien entre confessions religieuses et positionnements politiques.

16En termes d’équilibres sociaux, des tendances de long terme se confirment, notamment autour du désalignement des ouvriers avec la gauche  [30] ou de la persistance des logiques religieuses d’affiliation électorale  [31]. Mais des évolutions particulièrement importantes apparaissent aussi entre 2012 et 2017.

17Le rapport à la religion reste encore en 2017 très lié au positionnement gauche/droite  [32]. Parmi les catholiques pratiquants réguliers, le placement à droite dépasse de plus de 30 points celui à gauche pour l’ensemble de la période étudiée. À l’opposé, on trouve les sans-religion pour qui le placement à gauche reste largement le plus fréquent, même si ce groupe tend à se désaligner : en 1988, le placement à gauche dépasse de 57 points celui à droite, contre 25 points en 2017. On retrouve cette érosion du placement à gauche également chez les autres religions, où le différentiel est revenu à 22 points en 2017, son niveau de 1988. Cette évolution peut être le signe d’une prise de distance d’avec la gauche des Français d’origine maghrébine ou africaine.

18Il faut toutefois prendre en compte les évolutions démographiques depuis la fin des années 1980 : les catholiques comptent pour moins de 6 % des électeurs de 2017 contre 14,5 % en 1988, tandis que les sans-religion n’étaient que 13 % des répondants de 1988 contre 32 % en 2017. Ce changement est principalement porté par le renouvellement générationnel : les athées comptent pour environ 40 % des cohortes nées entre 1971 et 1990 et même 52 % parmi la cohorte née en 1991 ou après.

Graphique 3. Le différentiel de placement gauche/droite selon la religion

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Graphique 3. Le différentiel de placement gauche/droite selon la religion

Sources : enquêtes postélectorales Cevipof-Sofres 1988 et 1995, Panel électoral français 2002, enquête post-électorale Cevipof-Ministère de l’Intérieur-Ifop 2007, Enquêtes électorales française 2012 et 2017. Lecture : pour chaque année et chaque groupe, on a soustrait à la proportion des individus se plaçant à gauche de celle de ceux se situant à droite. Un score nul signifie un équilibre entre gauche et droite ; un score négatif correspond à un alignement sur la droite du groupe et un score positif à un alignement sur la gauche du groupe.

Graphique 4. Le différentiel de placement gauche/droite selon la profession

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Graphique 4. Le différentiel de placement gauche/droite selon la profession

Graphique 5. Le différentiel de placement gauche/droite selon la cohorte de naissance

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Graphique 5. Le différentiel de placement gauche/droite selon la cohorte de naissance

19En matière de profession, le désalignement des catégories populaires avec la gauche se confirme. Chez les ouvriers, le placement à gauche dépassait de 33 points celui à droite en 1988, il n’est plus que de 13 points depuis 2007. En 2017, seulement 37 % des ouvriers se situent à gauche, à peine plus que l’ensemble de la population, mais ils ne se « droitisent » [33] pas puisque seulement 23 % se situent à droite. Ils se mettent à distance des deux camps politiques. Les employés se distinguent plus du reste de la population sur le placement gauche/droite depuis 1995.

20Le positionnement à gauche avait considérablement progressé parmi les catégories moyennes et supérieures dans les années 1980 et après. L’année 2017 marque pourtant un recul conséquent. En 2012, la gauche avait une avance sur la droite de 19 points parmi les cadres et de 24 points parmi les professions intermédiaires. En 2017, autant de cadres se placent à gauche qu’à droite et, parmi les professions intermédiaires, l’avance n’est plus que de 7 points, un niveau historiquement bas depuis 1988. En revanche, la droite – même en léger recul – continue de dominer largement dans le monde des indépendants. C’est sans doute le seul « positionnement de classe » qu’on peut encore évoquer en France en 2017.

21Jusqu’en 2017, on pouvait mettre en évidence une polarisation politique des cohortes  [34]. Les cohortes nées avant-guerre se distinguaient depuis le début de la Cinquième République par un alignement très fort sur la droite, tandis que les cohortes arrivées sur la scène électorale dans les années 1970 et après se caractérisaient par un positionnement marqué à gauche. En 2017, on assiste à un recul de la gauche dans toutes les cohortes. Par exemple, dans la cohorte 1931-1940, désormais la plus ancienne, la droite domine de 26 points contre 5 en 2012. Dans la cohorte née dans les années 1940, le placement à droite domine désormais alors qu’il avait toujours été au second plan. On constate également une chute particulièrement forte du placement à gauche parmi la cohorte 1971-1980 (celle que certains journalistes avaient qualifiée de « génération Chirac » en 1995). Ce changement ne profite pas à la droite, comme chez les ouvriers et les employés. Ce camp ne gagne aucun point dans les cohortes nées après 1951, 3 points parmi les individus nés dans les années 1940 et 5 points parmi ceux nés avant-guerre.

Graphique 6. La progression des non-alignés

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Graphique 6. La progression des non-alignés

22Les « non-alignés » sont particulièrement nombreux en 2017 et cette hausse ne se cantonne pas à quelques groupes. Ils progressent dans les catégories populaires (de 27 % à 39 % chez les ouvriers), mais aussi dans les catégories intermédiaires (de 20 % à 34 %) et supérieures (de 19 % à 26 %). Leur augmentation est particulièrement forte chez les post-baby-boomers (de 28 % à 42 % dans la génération 1971-1980 par exemple), mais aussi chez les baby-boomers (de 23 % à 34 % dans la génération 1951-1960). Enfin, ils progressent chez les catholiques, les autres religions ou les sans-religion.

23Ces non-alignés forment un ensemble disparate. On y trouve bien des électeurs « centristes », proches des partis qui s’en réclament, mais ils n’en constituent qu’une minorité  [35]. La plupart sont soit des « ninistes » qui rejettent la politique et les principaux partis de gauche et de droite (et pour certains votent alors pour l’extrême droite  [36]), soit des citoyens ordinaires faiblement compétents et politisés, que E. Deutsch, P. Weil et P. Lindon  [37] assimilaient jadis au marais.

24La progression récente des non-alignés s’explique sans doute par le rejet des partis de gouvernement de gauche et de droite  [38]. C’est ainsi qu’on peut comprendre l’augmentation de ce non-placement chez les ouvriers et les employés mais aussi dans des groupes soutenant traditionnellement la gauche (les autres religions ou les sans-religion) ou la droite (les catholiques pratiquants). Du côté des post-baby-boomers, on peut aussi faire l’hypothèse d’un rejet informé des différents partis  [39] : les post-baby-boomers sont souvent des « citoyens distants » relativement bien armés pour décoder le politique, et qui ont conséquemment développé un rapport particulièrement critique à l’égard des responsables politiques. Leur choix de placement peut donc être un rejet motivé et informé, produit aussi par leurs expériences des alternances politiques et, pour certains, des déceptions qu’elles ont causées.

Les gauches des valeurs

25La gauche et la droite ont longtemps été analysées selon un prisme sociologique. L’appartenance des individus a des groupes, leurs positions respectives dans la société et en termes de répartition des richesses, les réseaux d’interconnaissance et les normes des groupes pèsent dans la manière de se positionner en politique  [40].

26Mais, les alignements politiques sont aussi affaire de valeurs  [41] et, de ce point de vue, on postule qu’ils permettent de mieux comprendre comment les identités politiques ont évolué depuis les années 1980. Le choix de la gauche (et la droite) est-il encore affaire de valeurs socio-économiques, de taille et de rôle de l’État face au marché, de redistribution ? Ronald Inglehart  [42] postule le dépassement des valeurs matérialistes (et de la « vieille politique » qui incarnait ses divisions). De manière plus diffuse, le discours thatchérien du there is no alternative semble s’être diffusé à l’ensemble des partis de gauche en Europe  [43] et en France  [44]. En va-t-il de même des électeurs ?

27Se pose aussi la question du poids des autres dimensions de valeurs et notamment celle des valeurs culturelles qui regroupent les opinions sur l’immigration, l’autorité, les rôles de genre ou la tolérance à l’égard des minorités. Ces valeurs ne sont pas l’équivalent du post-matérialisme  [45]. La dimension des valeurs culturelles ne doit pas être réduite à des enjeux de court terme ; ces valeurs se retrouvent dans le modèle des valeurs fondamentales de Shalom Schwartz  [46] à travers les notions d’universalisme, ou de conformité/tradition ou et de sécurité. Enfin, leur lien avec le placement gauche/droite a pu à être identifié dès les années 1980. C. P. Middendorp  [47] note par exemple que les électeurs néerlandais de cette époque se définissent politiquement selon deux axes, l’un socio-économique, l’autre libertarien-autoritaire.

28Néanmoins des évolutions récentes, notamment en termes de clivages politiques, peuvent rendre obsolètes tant la dimension socio-économique que la dimension culturelle des valeurs dans le positionnement gauche/droite. La globalisation semble transformer fortement les systèmes partisans européens  [48]. Hanspeter Kriesi et ses collègues postulent ainsi que ce phénomène produit des gagnants et des perdants de la mondialisation tant en termes de situations économiques que de représentations culturelles. De même, on peut se demander si d’autres valeurs et clivages, comme la construction européenne  [49] ou encore les problématiques environnementales  [50], ne viennent pas redéfinir ce que gauche et droite signifient.

29Dans cette nouvelle partie, il s’agira donc de vérifier si effectivement l’approche par les valeurs permet de comprendre les placements des individus ; de déterminer quelles sont les valeurs qui fondent, le cas échéant, ces placements ; et de vérifier si les questions socio-économiques ainsi que les valeurs culturelles demeurent notamment face aux nouvelles dimensions normatives émergentes.

Expliquer le placement gauche/droite en 2017

30Dans un premier temps, on se fondera sur l’enquête 2017 et ses différentes questions de valeurs regroupées en dimensions (socio-économique, culturelle, environnementale, pro- ou anti-Europe, pro- ou anti-globalisation). On emploiera ici indistinctement les termes « social » ou « socio-économique » pour traiter des valeurs de la « vieille politique » [51] ayant trait à la redistribution des richesses, à la taille et au rôle économique de l’État. On parlera de préférences « culturelles » ou « sociétales » pour couvrir la dimension des valeurs de la « nouvelle politique » relatives aux questions d’autoritarisme, de mœurs, d’immigration et de multiculturalisme. Ces deux axes de valeurs s’inscrivent dans l’approche des libéralismes économique et culturel développée par Gérard Grunberg et Étienne Schweisguth [52].

31Pour approcher les positions des individus sur ces deux dimensions de valeurs, nous avons procédé par une analyse en composante principale, reprenant la méthode que nous avions utilisée précédemment [53] et reprise ailleurs [54]. Elle consiste à partir de l’ensemble des indicateurs de valeurs disponibles ayant été répétés dans le temps (gage d’une certaine qualité) et d’en extraire des facteurs de préférences socio-économiques et des facteurs de préférences culturelles. Les autres dimensions étant nouvelles dans l’analyse, seuls les indicateurs disponibles dans le questionnaire de l’enquête post-électorale de 2017 ont été mobilisés et traités également par des analyses de composantes principales pour chaque dimension. La liste des questions utilisées et les principes de la méthode sont fournis en annexe.

32Le tableau 1 répond simultanément à plusieurs questions. D’abord, l’approche par les valeurs fait sens, comme le montrent les parts de variance expliquées. Le modèle 3 fondé uniquement sur les variables sociologiques permet d’identifier des effets significatifs, notamment du côté du rapport à la religion, mais il n’explique que marginalement les placements à gauche, à droite ou ailleurs. Le R2 plafonne à 4 %, contre 14 % et 16 % pour les modèles 1 et 2 fondés sur les valeurs. Le modèle 4 rassemble valeurs et caractéristiques sociologiques, et clairement, ces dernières n’ont qu’un apport marginal sur l’explication du phénomène par rapport au modèle 2 qui n’inclut que les facteurs normatifs.

33Bien sûr, mettre en concurrence des variables de nature très différentes est souvent trompeur, mais il s’agit ici de prouver que l’approche par les valeurs est légitime et pertinente sur le positionnement gauche/droite. Le modèle 4 montre bien que si les catholiques sont encore à droite, c’est avant tout pour des questions de valeurs et pas forcément à cause de la fréquentation de coreligionnaires, comme le proposaient Claude Dargent et Guy Michelat [55]. Les coefficients pour les catholiques pratiquants vont bien dans le sens attendu d’un placement plus fort à droite, mais ils restent peu ou faiblement significatifs. En revanche, on note une aversion significative des ouvriers – par rapport aux cadres – face au placement à droite, indépendamment de leurs valeurs, y compris économiques ou culturelles.

34Le placement politique dépend essentiellement des valeurs socio-économiques et des valeurs culturelles. À elles deux, ces dimensions expliquent 14 % de la variance ; les autres ne permettent d’améliorer la capacité explicative du modèle que de 2 points. Les rapports à la globalisation ou à l’Europe n’ont pas d’impact significatif, sans doute parce que les interviewés les pensent à travers des cadres autour des inégalités sociales (valeurs socio-économiques) ou multiculturelles (valeurs culturelles). Enfin, deux dimensions normatives ajoutent une part d’explication au placement politique. Le rapport à l’environnement est devenu une des logiques de différenciation entre la gauche et la droite, à côté des valeurs économiques et culturelles. Enfin, se défier des responsables politiques induit un retrait d’un camp ou d’un autre. Un individu qui aurait pu être de gauche (ou de droite) compte tenu de son profil de valeurs ne s’y place pas à cause du rejet que lui inspirent les responsables politiques censés incarner ce camp. L’identification à la gauche ou à la droite est donc aussi influencée par les responsables politiques qui veulent les incarner. Ici se donne à voir l’un des mécanismes qui font que les placements gauche/droite varient selon les logiques de l’approche thermostatique de l’opinion.

Tableau 1. modèles du placement gauche droite

Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4
droite droite versus gauche centre/nsp versus gauche droite versus gauche centre/nsp versus gauche droite versus gauche centre/nsp versus gauche droite versus gauche centre/nsp versus gauche
Facteur culturel (vers conservatisme) .59 *** .30*** .55*** .29*** .57*** .29***
Facteur social (vers libéral) .86*** .39*** .88*** .43*** .85*** .42***
Facteur Europe (vers europhobe) .11 -.04 .16* -.02
Facteur politique (vers confiance) -.02 -.19*** -.07 -.20***
Facteur globalization (vers favorable) -.03 .06 -.012 .06
Facteur environnement (vers défavorable) .27*** .06 .28*** .06
Religion
Catholique pratiquant 1.67*** 1.11*** .60 .22
Catho., prat. irrég. 1.05*** .63*** .39* .18
Catholique non pratiquant .41 .47** -.72 -.07
Zutre religion -.02 .24 -.44 -.13
Sans-religion (réf.)
Profession
Indépendants .44* .68*** .22 .54
Prof. intermédiaires -.23 .19 -.35 -.08
Employés -.09 .51*** -.57* -.11
Ouvriers -.36* .41*** -1.13*** -.26
Inactifs -.06 .36 -.094 -.08
Cadres (réf.)
Cohortes
1941-1950 -.55** -.15 -.44 -.13
1951-1960 -.92*** -.30 -1.21** -.72
1961-1970 -.74*** -.07 -.00 -.09
1971-80 -.36 .27 -.05 .12
1981-90 -.66** -.05 -.31 -.05
1991 et après -.65** -.07 -.50 -.26
1940 et avant (réf.)
Constante -.20** -.21** -.25** -.12 -.05 -.60 -.41 .34
R2 14 % 16 % 4 % 18 %
tableau im7

Tableau 1. modèles du placement gauche droite

Les évolutions des logiques normatives des positions gauche/droite et non-alignés depuis 1988

Graphique 7. Les logiques normatives des placements (1988-2017) [56]

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Graphique 7. Les logiques normatives des placements (1988-2017) [56]

Sources : enquêtes post-électorales Cevipof-Sofres 1988 et 1995, enquête post-électorale Cevipof-Ministère de l’Intérieur-Ifop 2007, Enquête électorale française 2017. Les données sont les probabilités de se placer dans un camp prédit par un modèle de régression logistique multinomiale.

35Être de gauche, de droite ou d’ailleurs signifie-t-il toujours la même chose en 2017 qu’en 1988 ? C’est ce qu’on va essayer de vérifier en mesurant comment les placements sont reliés aux valeurs socio-économiques et culturelles des individus depuis la fin des années 1980.

36Les fondements normatifs du positionnement gauche-droite ont considérablement évolué dans le temps. On le comprend bien quand on réfléchit à partir d’idéaux-types. On peut en considérer quatre : le libéral-libertaire (contre la régulation de l’État et très tolérant culturellement), le libéral-autoritaire (contre l’État et culturellement conservateur), le social-autoritaire (pour la redistribution des richesses et culturellement conservateur) et le social-libertaire (socialement et culturellement progressiste).

37La gauche et la droite de 1988 renvoient à un monde passé, celui d’une opposition essentiellement fondée sur des valeurs et attitudes socio-économiques, comme la redistribution des richesses ou le rôle économique de l’État. À cette époque, les questions culturelles étaient présentes dans les valeurs des individus, mais ne coloraient pas leur positionnement politique. Les idéaux-types social-autoritaire et social-libertaire se plaçaient presque uniquement à gauche (82 % et 95 % respectivement) et s’opposaient très fortement aux deux idéaux-types libéraux qui penchaient très fortement pour la droite (65 % de chances pour les autoritaires, 86 % pour les libertaires).

38Dès 1995, la nature normative de la gauche (et dans une moindre mesure de la droite) a évolué et s’est teintée de valeurs culturelles. Le refus ou le soutien à l’autoritarisme, la tolérance ou le rejet de l’immigration et les combats culturels autour du rôle des femmes et de l’acceptation des minorités sexuelles deviennent un des moteurs d’une appartenance à un camp, particulièrement à celui de la gauche ou d’une prise de distance à ce camp. Les sociaux-libertaires ont 88 % de chances de choisir la gauche alors que les socio-autoritaires ne sont plus que 46 %. Dans le premier cas, la probabilité de se placer à gauche est restée stable par rapport à 1988, dans le second elle a presque été divisée par deux... Parmi les libéraux-libertaires, la probabilité d’un placement à gauche devient de 29 % (+ 24 points par rapport à 1988), tandis que leur probabilité d’être à droite n’est plus que de 50 %. La droite continue d’attirer fortement les libéraux-autoritaires. Les résultats sont sensiblement les mêmes en 2007.

39 En revanche, en 2017, la gauche et la droite se resserrent autour des seuls idéaux-types social-libertaire ou libéral-autoritaire : 84 % de chances de s’y placer dans le premier cas, 82 % dans le second. À l’opposé, la probabilité de se placer à gauche parmi les sociaux-autoritaires n’est plus que de 25 %, quand les libéraux-libertaires n’ont plus que 20 % de chances de se placer à droite. Autrement dit, les valeurs culturelles ont pris aujourd’hui encore plus d’importance dans le choix d’un camp politique.

40 Les non-alignés d’hier et d’avant-hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui quand on analyse le poids des valeurs. En 1988, comme pour le placement à gauche, c’est le positionnement des individus sur les questions de « la vieille politique » qui s’avère déterminant : la probabilité du non-alignement culmine parmi les électeurs à « mi-chemin » entre le progressisme social et le libéralisme économique. La probabilité de ce placement oscille entre 35 % et 40 % dans les déciles centraux, tandis qu’elle se situe autour de 5 % à 15 % chez les 10 % des électrices et électeurs les plus socialement progressistes.

41 En 1995, à un moment de basses eaux pour les « non-alignés », ce placement culmine parmi les sociaux-autoritaires (jusqu’à 25 % de chance de se placer ainsi). Ils se distinguent désormais des sociaux-libertaires avec qui ils partageaient le même placement à gauche sept ans aupravant. À ce moment émergent les ouvriéro-lepenistes identifiés par Nonna Mayer  [57] : ces individus sont particulièrement sensibles au discours welfare-chauvinism qui répond à leur demande de protection et à leur rejet fort de l’immigration. En revanche, le non-alignement n’est plus autant caractéristique des individus ayant une position moyenne sur les valeurs socio-éconmiques qui se positionnent plus à gauche désormais (s’ils sont culutrellement libéraux) ou à droite (s’ils sont culturellement conservateurs). En 2007, le non-alignement est plus répandu, mais les logiques de 1995 se reproduisent et le poids des valeurs culturelles s’accroît.

42En 2017, la diversité des raisons du non-alignement est frappante. On retrouve ainsi dans ce groupe des libéraux et des antilibéraux économiques, des progressistes et des conservateurs culturels, mais aussi des modérés sur ces deux dimensions de valeurs. Si on reprend le cas des individus qui occupent les positions médianes en termes de valeurs culturelles (les déciles 5 et 6), leur chance de choisir cet alignement oscille entre 30 % et 40 % selon leurs positions socio-économiques et culmine justement quand ils sont également modérés en matière de libéralisme économique. Ces doublements modérés vont se retrouver avec des électrices et électeurs aux profils très différents : les sociaux-autoritaires (comme en 1995 et 2007), mais aussi les libéraux-libertaires. Surtout, le poids des valeurs culturelles a encore progressé : parmi le décile le plus social, l’écart entre les plus autoritaires et les plus libertaires est encore de 27 points et, parmi les plus libéraux économiquement, l’écart est passé de 6 points en 1995 à 17 points en 2007 et 24 en 2017. Pour résumer, le non-alignement rassemble donc des électrices et électeurs qui pourraient être attirés par des candidats aux positionnements idéologiques très différents, voire antagonistes : par exemple un candidat favorable aux globalisations économique et culturelle (pour les libéraux-libertaires) et un autre qui défendrait un État interventionniste en économie et la fermeture des frontières (pour les sociaux-autoritaires).

Gauche, droite, non-alignés et vote

Graphique 8. Le vote selon le positionnement gauche/droite

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Graphique 8. Le vote selon le positionnement gauche/droite

43 Analyser le placement gauche/droite et le vote permet de mettre en évidence plusieurs résultats. Le premier est que ce positionnement reste relié au choix électoral. Les votes pour les candidats de droite se retrouvent d’abord parmi les individus qui se placent dans ce camp et de la même façon à gauche, en 1988 ou en 2017. D’ailleurs, les votes d’électeurs de droite pour un candidat de gauche étaient marginaux en 1988 (7 %), tout comme lors des trois autres élections présentées ici (entre 4 % et 7 %). De même, les proportions d’électeurs de gauche « passant de l’autre côté » oscillent entre 9 % en 1995 et 4 % en 2007 et 1988.

44L’élection de 2017 a ceci de particulier qu’un candidat « et de gauche et de droite » a attiré des électeurs de l’ensemble du spectre. En 1988, Raymond Barre avait réussi autant à droite que chez les non-alignés. Édouard Balladur, du fait de son passé de gaulliste et du soutien de l’UDF avait également attiré dans ces deux groupes. Mais E. Macron prend fortement à gauche (24 %) et à droite (17 %). Cependant, il n’est pas le seul, puisque F. Bayrou avait déjà su attirer de la même façon en 2007.

45Enfin, la nature composite et changeante des non-alignés permet d’expliquer la variation des choix électoraux d’une élection à l’autre et particulièrement en 2017. Lors de la dernière présidentielle, E. Macron arrive en tête, mais avec seulement 35 % de leur voix, tandis que Marine Le Pen en attire 23 % et J.-L. Mélenchon 19 %. Les non-alignés ne constituent pas un entre-deux électoral entre la gauche et la droite, et leur hétérogénéité, qu’on avait déjà remarqué en termes de valeurs, se retrouve ici encore. Si le vote FN s’avère plus fort parmi les non-alignés qu’à droite en 1995 (20 % contre 17 %) et aussi fort qu’à droite en 2007, cela s’explique par la forte proportion de sociaux-autoritaires en leur sein. Autrement dit, la prégnance de ce positionnement n’induit pas un alignement électoral stable.

46 Au-delà du choix exprimé le 23 avril 2017, il est toutefois utile de mesurer comment se structure le potentiel électoral des différentes alternatives politiques.

Tableau 2. Le potentiel électoral des partis après la présidentielle 2017

PCF FI PS EELV LREM LR FN
Gauche++ 5,0 7,3 5,2 5,3 3,6 1,4 1,0
Gauche+ 3,1 5,5 6,0 5,3 5,4 2,1 0,9
Centre/refus 2,0 3,5 3,8 4,0 5,0 3,4 2,5
Droite+ 0,9 1,8 2,2 2,7 4,9 6,2 2,9
Droite++ 1,4 2,2 1,2 2,1 1,3 3,2 8,7
Total 2,3 3,9 3,9 4,0 4,7 3,6 2,4
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Tableau 2. Le potentiel électoral des partis après la présidentielle 2017

47Indubitablement, on ne peut pas considérer que la défiance face aux partis politiques ait disparu en 2017  [58]. Ainsi, aucun parti n’est capable de susciter un vote potentiel chez la majorité des électeurs. LREM est le parti qui pourrait bénéficier du vote potentiel le plus large, mais il reste inférieur à 4,7/10. Surtout, LREM apparaît plutôt comme un choix par défaut, à la différence de partis plus polarisants, qui rassemblent moins large mais de manière plus intense. Les chances de voter pour la France insoumise parmi les électrices et électeurs très à gauche sont de 7,3/10, et le FN atteint 8,7/10 chez les électrices et électeurs très à droite. En revanche, LREM suscite des probabilités de vote moyennes assez faibles, mais sur un spectre politique plus large : 5/10 chez les « centristes », de 5,4/10 chez les électrices et électeurs assez à gauche, ce qui met ce parti au niveau de la France insoumise, d’Europe écologie – Les Verts (EELV) et donc derrière le PS, et de 4,9/10 chez les électrices et électeurs assez à droite (derrière les Républicains).

48 Il est donc trop tôt pour conclure à la fin du PS ou d’EELV sur la base de cette enquête. Ces organisations conservent une aura dans l’électorat, même après leurs résultats catastrophiques en avril 2017. Ni LREM, ni la France insoumise ne peuvent donc prétendre incarner à eux seuls le peuple de gauche. Les électrices et électeurs très à gauche sont nombreux à intégrer dans leur espace des possibles les trois partenaires historiques de la gauche plurielle, tandis que chez les électeurs assez à gauche, le PS reste le premier choix, même si ces électrices et électeurs penchent aussi pour les écologistes ou les insoumis. L’espace des possibles reste donc particulièrement fluide à gauche. Les mouvements électoraux internes qu’on connaît depuis 2002 risquent donc bien de persister après 2017.

Graphique 9. Les potentiels de vote selon les valeurs

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Graphique 9. Les potentiels de vote selon les valeurs

49L’analyse des probabilités de vote selon les deux principales dimensions de valeurs fait apparaître clairement quatre pôles qui chacun renvoie à l’un de nos idéaux-types. La France insoumise attire essentiellement des électeurs sociaux et libertaires (8,2/10 parmi les plus attachés à ces valeurs) alors que les libéraux économiques – quelle que soit leur position sur les valeurs culturelles – la rejettent. Les socio-autoritaires soutiennent essentiellement le Front national  [59]. Les Républicains sont soutenus principalement par les libéraux-autoritaires, même s’ils recrutent encore parmi les libéraux-libertaires. Mais ce dernier groupe privilégie désormais largement LREM. En revanche, le PS semble pris en étau en ce qu’il garde encore un certain écho parmi les libéraux culturels, mais il apparaît la plupart du temps comme un second choix.

50Il est encore trop tôt pour conclure sur ce que 2017 implique en termes d’offre et d’ordre partisans. Cette élection présidentielle pourrait ouvrir la voie à un système partisan à quatre pôles, ce que Florent Gougou et Simon Persico [60] qualifient de nouveau « quadrille bipolaire » : un premier social-libertaire (FI, PS, EELV), un deuxième libéral-autoritaire (LR), un troisième libéral-libertaire (LREM) et un quatrième social-autoritaire (FN). Une autre possibilité, suggérée par Pierre Martin  [61] à partir d’une approche inspirée par la théorie de Hanspeter Kriesi, serait qu’on se dirige vers un système partisan à trois pôles : un pôle « démocrate-écosocialiste », un pôle « libéral-mondialisateur », un pôle « conservateur-identitaire ». Cependant, cette séquence électorale peut tout aussi bien être une élection déviante, produite par un ensemble de phénomènes conjoncturels. Si certains électeurs de gauche ont soutenu E. Macron, cela s’explique en partie par le rejet des socialistes, mais aussi par la crainte de voir un second tour opposer F. Fillon à M. Le Pen. Rien ne dit que ces électeurs referont ce choix à l’avenir. Plusieurs futurs politiques sont donc possibles. On peut assister au début d’un réalignement faisant d’En marche un parti dominant qui pourrait marginaliser durablement la gauche d’en haut (et conséquemment d’en bas). On peut aussi assister à une transformation de l’offre de gauche avec l’émergence de nouvelles organisations (comme la France insoumise ou Génération•s) ; on peut aussi sous-estimer la capacité de résilience du PS ou d’EELV.

51Mais il se dégage de nos analyses que la gauche et la droite d’en bas – celles des électrices et des électeurs – n’ont pas disparu. Bien sûr, le nombre de citoyens qui s’en réclament est particulièrement faible, mais cela s’était déjà produit, notamment au début des années 1990. Surtout, gauche et droite ne sont pas des notions vides de sens, elles renvoient à des oppositions de valeurs majeures et loin d’être obsolètes. Ces placements continuent de se nourrir des valeurs socio-économiques, mais aussi de progressisme ou de conservatisme culturel, et commencent à se cliver autour de l’écologie. Conséquemment, nos analyses s’éloignent de la conception essentialiste des divisions politiques. La gauche comme la droite évoluent en fonction de la politisation de certains débats et de certaines valeurs, du maintien ou non de certains clivages historiquement stablisés. Ces camps peuvent être en mal d’incarnation politique faute d’un parti ou d’une alliane capable de les rassembler, mais cela s’est déjà produit par le passé, notamment à gauche. Le nombre d’électeurs qui se réclament de la gauche et de la droite peut être faible, mais on a vu que les placements sont aussi une affaire de contexte politique – et pour peu que certains enjeux comme l’immigration ou les inégalités soient réanimés et réincarnés politiquement, alors on peut s’attendre à voir ces deux camps grossir à nouveau. Il est trop tôt pour enterrer le clivage gauche/droite...


Annexe 1. Listes des questions utilisées pour construire les facteurs de valeurs

Facteur socio-économique

52 Les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient vraiment (accord/désaccord en 4 modalités).

53 Pour établir la justice sociale, il faudrait prendre aux riches pour donner aux pauvres (accord/désaccord en 4 modalités).

54 Il faudrait réduire le nombre de fonctionnaires (accord/désaccord en 4 modalités).

55 Pour faire face aux difficultés économiques, pensez-vous qu’il faille ?

56

  1. Que l’État fasse confiance aux entreprises et leur donne plus de liberté ;
  2. Ou, au contraire, que l’État les contrôle et les réglemente plus étroitement.

57 Pensez-vous qu’il faille accorder la priorité dans les prochaines années... ?

58

  1. À la compétitivité de l’économie française ;
  2. À l’amélioration de la situation des salariés.

Facteur culturel

59La femme est faite avant tout pour avoir des enfants et les élever (accord/désaccord en 4 modalités).

60 Il est normal qu’une femme puisse choisir d’avorter (accord/désaccord en 4 modalités).

61 Dans la société, il faut une hiérarchie et des chefs (accord/désaccord en 4 modalités).

62 L’homosexualité est une manière acceptable de vivre sa vie (accord/désaccord en 4 modalités).

63 Il est normal que des couples homosexuels puissent adopter des enfants (accord/désaccord en 4 modalités).

64 Il faudrait rétablir la peine de mort (accord/désaccord en 4 modalités).

65 La présence d’immigrés en France est une source d’enrichissement culturel (accord/désaccord en 4 modalités).

66 Les Français musulmans sont des Français comme les autres (accord/désaccord en 4 modalités).

67 Il y a trop d’immigrés en France (accord/désaccord en 4 modalités).

68 En pensant à l’École, avec laquelle de ces deux opinions êtes-vous le plus d’accord ?

69

  1. L’École devrait donner avant tout le sens de la discipline et de l’effort ;
  2. L’École devrait former avant tout des gens à l’esprit éveillé et critique.

Facteur Europe

70Il faut renforcer les pouvoirs de décision de l’Europe, même si cela doit conduire à réduire la souveraineté de la France (accord/désaccord en 4 modalités).

71 L’Union européenne est un problème pour le fonctionnement de la démocratie en France (accord/désaccord en 4 modalités).

72 D’une façon générale, pensez-vous que le fait pour la France de faire partie de l’Union européenne est...

73

  1. Une bonne chose ;
  2. Une mauvaise chose ;
  3. Ou une chose ni bonne, ni mauvaise.

74Tout bien considéré, estimez-vous que la France a bénéficié ou non de son appartenance à l’Union européenne ?

75

  1. La France a bénéficié de son appartenance à l’Union européenne ;
  2. La France n’a pas bénéficié de son appartenance à l’Union européenne.

Facteur globalisation

76Les conséquences économiques de la mondialisation sont extrêmement négatives pour la France (accord/désaccord en 4 modalités).

77 Des barrières douanières et le protectionnisme économique devraient être rétablis (accord/désaccord en 4 modalités).

78 La mondialisation réduit beaucoup le pouvoir des gouvernements nationaux (accord/désaccord en 4 modalités).

79 La mondialisation empêche la démocratie de bien fonctionner actuellement en France (accord/désaccord en 4 modalités).

Facteur environnement

80 Si on veut vraiment préserver l’environnement pour les générations futures, on sera obligé de ralentir très sérieusement notre croissance économique (accord/désaccord en 4 modalités).

81 Êtes-vous tout à fait favorable, plutôt favorable, plutôt opposé.e ou tout à fait opposé.e à la production d’énergie par des centrales nucléaires ?

82

  1. Tout à fait favorable ;
  2. Plutôt favorable ;
  3. Plutôt opposé.e ;
  4. Tout à fait opposé.e.

83Pour vous, le changement climatique dont on entend parler est-il avant tout... ?

84

  1. Un phénomène provoqué par l’activité humaine ;
  2. Un phénomène naturel comme la Terre en a toujours connu dans son histoire ;
  3. Un phénomène dont on ne connaît pas l’origine.

Facteur défiance

85Dans l’ensemble, êtes-vous très satisfait.e, assez satisfait.e, pas très satisfait.e ou pas satisfait.e du tout du fonctionnement de la démocratie en France ?

86 La plupart des responsables politiques ne se préoccupent pas des gens comme nous (accord/désaccord en 5 modalités).

87 La plupart des responsables politiques sont dignes de confiance (accord/désaccord en 5 modalités).

88 Les responsables politiques sont le principal problème en France (accord/désaccord en 5 modalités).

Annexe 2. Les mesures des préférences normatives

89On se propose ici de rappeler à grands traits la méthode suivie pour construire les mesures des préférences culturelles et socio-économiques des électeurs. Le lecteur qui souhaite en savoir plus pourra se référer à notre article « La politique des deux axes. Variables sociologiques, valeurs et votes en France (1988-2007) », publié dans cette même revue en 2012 [62], et notamment à son annexe méthodologique. Nous avons deux objectifs : 1/ la comparabilité dans le temps ; 2/ la robustesse des mesures empiriques des dimensions socio-économique et culturelles.

90Les enquêtes électorales françaises se sont caractérisées par une faible culture des séries de questions. C’est ainsi qu’entre 1988 et 2017, seules deux questions de valeurs socio-économiques ont été posées systématiquement : les opinions à l’égard des privatisations et à l’égard du profit. La situation est moins mauvaise pour les valeurs culturelles puisqu’on dispose de séries sur la peine de mort, le nombre d’immigrés ou encore du rôle de l’école. Mais dans les deux cas, on ne dispose pas de suffisamment de questions couvrant l’ensemble de la période pour constituer des échelles d’attitudes suffisamment robustes et fiables.

91Face à cette situation, nous avons émis les postulats suivants : à la suite de la littérature sur la question, il existe bien deux dimensions de valeurs, l’une culturelle, l’autre socio-économique ; les questions de sondage disponibles sont donc autant d’épreuves pour mesurer ces préférences normatives ; certaines questions sont plus à même de le faire que d’autres.

92Dès lors, il s’agissait – à partir des méthodes d’analyse de données – d’extraire des facteurs pour chaque dimension de valeurs et chaque enquête (soit au final 6*2 cas). Nous l’avons fait en recourant à des analyses en composante principale, des analyses factorielles et des analyses de correspondances dédoublées, avec des résultats très concordants.

93Pour assurer la comparabilité de ces facteurs, on a mené plusieurs opérations : 1/ nous avons sélectionné un sous-ensemble de questions, celles qui avaient été posées à au moins deux reprises, considérant que leur reproduction était significative de leurs qualités intrinsèques ; 2/ nous avons également normé-centré les différents facteurs : tous sont de moyenne 0 et une unité correspond à un écart type ; 3/ on s’est efforcé de vérifier que les facteurs mesuraient bien le même phénomène en analysant leurs relations dans le temps avec différentes variables d’intérêt.

94 Cette démarche ne permet pas de mesurer les évolutions des électeurs dans le temps en matière de préférences socio-économiques ou politiques (ce qui aurait été possible avec une échelle d’attitude ou encore avec des techniques comme le mood[63]) mais on dispose d’une mesure de leurs positions relatives par rapport à l’ensemble de leur échantillon sur ces dimensions. On peut dire s’ils appartiennent au 10 % les plus conservateurs culturellement en 2017 ou en 1988. L’objectif reste ici de vérifier si une différence de positionnement individuel sur le facteur socio-économique, le facteur culturel, ou sur les deux induit des positionnements idéologiques différents.

Notes

  • [1]
    Discours d’Emmanuel Macron prononcé à Orléans au moment des fêtes de Jeanne d’Arc le 8 mai 2016 (<http://www.orleans-metropole.fr/996-9/resource/discours-demmanuel-macron-le-8-mai-2016.htm>).
  • [2]
    Par exemple, par Christophe Castaner, lors de son discours d’investiture à la tête de LREM le 18 novembre 2017.
  • [3]
    C’est particulièrement frappant sur leur site où la présentation de l’avenir en commun ne fait pas mention de la gauche (<https://avenirencommun.fr/avenir-en-commun/>), ni d’ailleurs dans aucun des titres des programmes thématiques (<https ://avenirencommun.fr/livrets-thematiques/>).
  • [4]
    Enquête Ipsos-Sopra Steria « Fractures françaises 2017 », Le Monde, Fondation Jean-Jaurès et Sciences Po (<https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-2017-la-defiance-recule-un-peu>).
  • [5]
    Cf. notamment la controverse ayant opposé Annick Percheron, Michael Lewis-Beck, Roy Pierce et Philip E. Converse : Annick Percheron, Kent Jennings, « Political Continuities in French Families : A New Perspective on an Old Controversy », Comparative Politics, 13 (4), 1981, p. 421-436 ; Christopher Fleury, Michael Lewis-Beck, « Anchoring the French Voter : Ideology versus Party », Journal of Politics, 55 (4), 1993, p. 1100-1109 ; Philip E. Converse, Roy Pierce, « Comment on Fleury and Lewis-Beck : “Anchoring the French voter. Ideology versus Party” », Journal of Politics, 55 (4), 1993, p. 1110-1117.
  • [6]
    Anne Muxel, « Introduction : qu’est-ce que l’âge en politique ? », dans Anne Muxel (dir.), La politique au fil de l’âge, Paris, Presses de Sciences Po, 2011, p. 15-30.
  • [7]
    Jean Chiche, Florence Haegel, Vincent Tiberj, « Érosion et mobilité partisanes », dans Bruno Cautrès, Nonna Mayer (dir.), Le nouveau désordre électoral. Les leçons du 21 avril 2002, Paris, Presses de Sciences Po, 2004, p. 253-277.
  • [8]
    Annick Percheron, L’univers politique des enfants, Paris, Presses de Sciences Po, 1974.
  • [9]
    Wilfried Lignier, Julie Pagis, L’enfance de l’ordre. Comment les enfants perçoivent le monde social, Paris, Seuil, 2017 ; Alice Simon, « Les enfants et la politique : contribution à l’étude des rapports ordinaires à la politique », thèse de doctorat en science politique dirigée par Jean-Yves Dormagen et co-encadrée par Julie Pagis, Montpellier, Université de Montpellier, 2017.
  • [10]
    Christophe Le Digol, « L’amphithéâtre parlementaire idéal : le clivage gauche-droite dans l’analyse politique », dans Jacques Le Bohec, Christophe Le Digol (dir.), Gauche/Droite. Genèse d’un clivage politique, Paris, PUF, 2012, p. 337-364.
  • [11]
    Vincent Tiberj, « Compétence et repérage politiques en France et aux États-Unis : une contribution au modèle de “l’électeur raisonnant” », Revue française de science politique, 54 (2), avril 2004, p. 261-287.
  • [12]
    Par exemple, à propos des partis français les plus importants, les Français interrogés dans l’European Electoral Studies de 2009, ne sont au pire que 68 % à bien situer les Verts dans leur camp (à gauche), tandis que tous les autres partis sont encore mieux repérés à gauche ou à droite de l’échiquier politique français.
  • [13]
    Emeric Deutsch, Pierre Weil, Denis Lindon, Les familles politiques aujourd’hui en France, Paris, Minuit, 1966.
  • [14]
    Martin P. Wattenberg, Russell J. Dalton (eds), Parties without Partisans. Political Change in Advanced Industrial Democracies, Oxford, Oxford University Press, 2000.
  • [15]
    « Entre la tradition plus ou moins déformée mais toujours vivante de l’Ancien Régime, qui est hiérarchique, catholique et conservatrice, et la tradition républicaine ou démocratique, qui est laïque, égalitaire et d’avant-garde » (André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République, Paris, Armand Colin, 1913, p. XXIV-XXV).
  • [16]
    Pierre Martin, Comprendre les évolutions électorales. La théorie des réalignements revisitée, Paris, Presses de Sciences Po, 2000.
  • [17]
    P. Martin, ibid. ; Valdimer O. Key Jr, « A Theory of Critical Elections », The Journal of Politics, 17 (1), 1955, p. 3-18 ; Walter Dean Burnham, Critical Elections and the Mainsprings of American Politics, New York, W. W. Norton, 1970 ; Angus Campbell, Philip E. Converse, Warren Miller, Donald Stokes (eds), Elections and the Political Order, New York, John Wiley & Son, 1966.
  • [18]
    Florent Gougou, Nicolas Sauger, « The 2017 French Election Study (FES 2017) : A Post-electoral Cross-sectional Survey », French Politics, 15 (3), septembre 2017, p. 360-370.
  • [19]
    On retrouve le même phénomène dans les enquêtes menées par TNS-Sofres dans les années 1980 et 1990 (Stéphane Marcel, Didier Witkowski, « Il faut sauver le clivage gauche-droite », dans Sofres, L’État de l’opinion 2003, Paris, Seuil, 2003, p. 95-122).
  • [20]
    Christopher Wlezien, « The Public as Thermostat : Dynamics of Preferences for Spending », American Journal of Political Science, 39 (4), 1995, p. 981-1000.
  • [21]
    Éric Agrikoliansky, Lorenzo Barrault-Stella, Clémentine Berjaud, Thibaud Boncourt, Julien Fretel, Daniel Gaxie, Anne-France Taiclet, Les sens du vote. Une enquête sociologique (France, 2011-2014), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2016.
  • [22]
    Vincent Tiberj, Bernard Denni, Nonna Mayer, « Un choix, des logiques multiples. Préférences politiques, espace des possibles et votes en 2012 », Revue française de science politique, 63 (2), avril 2013, p. 249-78.
  • [23]
    Ce phénomène était déjà visible dans les cotes de confiance envers les partis dès le début du quinquennat de François Hollande (Nonna Mayer, Vincent Tiberj, « Où est passée la gauche ? De la victoire de 2012 à la déroute de 2014 », dans TNS-Sofres, L’État de l’opinion 2015, Paris, Seuil, 2015, p. 17-36).
  • [24]
    Paul F. Lazarsfeld, Bernard Berelson, Hazel Gaudet, The People’s Choice. How the Voter Makes up his Mind in a Presidential Election, New York, Duell, Sloan & Pearce, 1944.
  • [25]
    David Butler, Donald Stokes, Political Change in Britain. Basis of Electoral Choice, Londres, Springer, 1974.
  • [26]
    Guy Michelat, Michel Simon, Classe, religion et comportement politique, Paris, Presses de Sciences Po/Éditions sociales, 1977.
  • [27]
    Seymour M. Lipset, Stein Rokkan, Party Systems and Voter Alignments. Cross-national Perspectives, New York, The Free Press, 1967.
  • [28]
    Richard Rose, Electoral Behavior. A Comparative Handbook, New York, The Free Press, 1973.
  • [29]
    Pierre Bréchon, « Influence de l’intégration religieuse sur les attitudes. Analyse comparative européenne », Revue française de sociologie, 43 (3), 2002, p. 461-483.
  • [30]
    Florent Gougou, « Comprendre les mutations du vote des ouvriers : vote de classe, transformation des clivages et changement électoral en France et en Allemagne depuis 1945 », thèse de doctorat en science politique, sous la direction de Nonna Mayer, Paris, Sciences Po Paris, 2012.
  • [31]
    Claude Dargent, Guy Michelat, « Système symbolique catholique et comportements électoraux », Revue française de science politique, 65 (1), février 2015, p. 27-60 ; Claude Dargent, « La religion, encore et toujours », dans Bruno Cautrès, Nonna Mayer (dir.), Le nouveau désordre électoral. Les leçons du 21 avril 2002, Paris, Presses de Sciences Po, 2004, p. 161-182.
  • [32]
    Ce qu’avaient constaté, après 2012, C. Dargent et G. Michelat (« Système symbolique catholique et comportements électoraux », art. cité).
  • [33]
    Pour une discussion collective de cette question, cf. Jean-Michel De Waele (dir.), Une droitisation de la classe ouvrière en Europe ?, Paris, Economica, 2012.
  • [34]
    Guy Michelat, Vincent Tiberj, « Gauche, centre, droite et vote. Permanence et mutation d’un clivage », Revue française de science politique, 57 (3), juin 2007, p. 371-392 ; Vincent Tiberj, « Les temps changent, renouvellement générationnel et évolutions politiques en France », Revue française de sociologie, 54 (4), 2013, p. 741-776.
  • [35]
    En 2007, seulement 34 % des électeurs se plaçant au centre ont fait le choix de F. Bayrou (Nicolas Sauger, « Le vote Bayrou. L’échec d’un succès », Revue française de science politique, 57 (3), juin 2007, p. 447-458).
  • [36]
    Nonna Mayer, Ces Français qui votent Le Pen, Paris, Flammarion, 2002.
  • [37]
    E. Deutsch, P. Weil, D. Lindon, Les familles politiques..., op. cit.
  • [38]
    N. Mayer, V. Tiberj, « Où est passée la gauche ?.. », art. cité.
  • [39]
    Vincent Tiberj, Les citoyens qui viennent. Comment le renouvellement générationnel transforme la politique en France, Paris, PUF, 2017.
  • [40]
    L’argument du réseau a été récemment repris notamment pour expliquer la persistance du tropisme droitier du monde catholique français. Cf. C. Dargent, G. Michelat, « Système symbolique catholique et comportements électoraux », art. cité.
  • [41]
    Jan Van Deth, Elinor Scarbrough (eds), The Impact of Values, Oxford, Oxford University Press, 1995.
  • [42]
    Ronald Inglehart, Culture Shift in Advanced Industrial Society, Princeton, Princeton University Press, 1990. Le lecteur peut aussi se référer à son article bilan de 2006 : Ronald Inglehart, « Changing Values among Western Publics from 1970 to 2006 », West European Politics, 31 (1-2), 2008, p. 130-146.
  • [43]
    Fabien Escalona, Mathieu Vieira, Jean-Michel De Waele, The Palgrave Handbook of Social Democracy in the European Union, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2013.
  • [44]
    Thibaul Rioufreyt, Les socialistes face à la « Troisième voie » britannique. Vers un social-libéralisme à la française (1997-2015), Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2016.
  • [45]
    Gérard Grunberg, Étienne Schweisguth, « Libéralisme culturel et libéralisme économique », dans Cevipof, L’électeur français en question, Paris, Presses de Sciences Po, 1990, p. 45-68 ; V. Tiberj, Les citoyens qui viennent..., op. cit.
  • [46]
    Shalom Schwartz, « Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications », Revue française de sociologie, 47 (4), 2006, p. 929-968.
  • [47]
    Cees P. Middendorp, « Models for Predicting the Dutch Vote along the Left-Right and the Libertarianism-Authoritarianism Dimensions », International Political Science Review, 10 (4), 1989, p. 279-308.
  • [48]
    Hanspeter Kriesi, Edgar Grande, Romain Lachat, Martin Dolezal, Martin, Simon Bornshier, Timotheos Frey, West European Politics in the Age of Globalization, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.
  • [49]
    Céline Belot, Bruno Cautrès, Sylvie Strudel, « L’Europe comme enjeu clivant. Ses effets perturbateurs sur l’offre électorale et les orientations de vote lors de l’élection présidentielle de 2012 », Revue française de science politique, 63 (6), décembre 2013, p. 1081-1112.
  • [50]
    Simon Persico, « Un clivage, des enjeux : une étude comparée de la réaction des grands partis de gouvernement face à l’écologie », thèse de doctorat de science politique sous la direction de Florence Haegel, Paris, Sciences Po Paris, 2014.
  • [51]
    R. Inglehart, Culture Shift in Advanced Industrial Society, op. cit.
  • [52]
    Gérard Grunberg, Étienne Schweisguth, « Libéralisme culturel, libéralisme économique », dans Cevipof, L’électeur français en question, Paris, Presses de Sciences Po, 1990, p. 45-70.
  • [53]
    Vincent Tiberj, « La politique des deux axes. Variables sociologiques, valeurs et votes en France (1988-2007) », Revue française de science politique, 62 (1), février 2012, p. 71-106.
  • [54]
    Florent Gougou, Simon Labouret, « La fin de la tripartition ? Les recompositions de la droite et la transformation du système partisan », Revue française de science politique, 63 (2), avril 2013, p. 279-302.
  • [55]
    C. Dargent, G. Michelat, « Système symbolique catholique et comportements électoraux », art. cité.
  • [56]
    Par souci de clarté, j’ai choisi de ne pas faire figurer ici les graphiques portant sur 2002 et 2012. Ils sont disponibles auprès de l’auteur ou sur le site de la Revue française de science politique.
  • [57]
    N. Mayer, Ces Français qui votent Le Pen, op. cit.
  • [58]
    Une enquête de l’Ifop réalisée en octobre 2017 confirme cette analyse : LREM suscite 57 % de mauvaises opinions, la France insoumise, 67 %, les Républicains, 69 %, le FN, 75 %, et le PS, 79 %.
  • [59]
    Ce résultat contribue d’ailleurs à remettre en cause l’idée très répandue dans le débat public selon laquelle « les extrêmes se rejoignent ».
  • [60]
    Florent Gougou, Simon Persico, « A New Party System in the Making ? The 2017 French Presidential Election », French Politics, 15 (3), 2017, p. 1-19.
  • [61]
    Pierre Martin, « Un séisme politique. L’élection présidentielle de 2017 », Commentaire, 158 (2), 2017, p. 249-264.
  • [62]
    V. Tiberj, « La politique des deux axes... », art. cité.
  • [63]
    James Stimson, Cyrille Thiebaut, Vincent Tiberj, « The Evolution of Policy Attitudes in France », European Union Politics, 13 (2), 2012, p. 293-316.
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