Couverture de RFSP_661

Article de revue

L’ancrage social de la représentation

Devenir porte-parole dans les conférences municipales des femmes de Recife, au Brésil

Pages 71 à 89

Notes

  • [1]
    Carole Pateman, Participation and Democratic Theory, Cambridge, Cambridge University Press, 1976 ; Crawford Brough Macpherson, Principes et limites de la démocratie libérale, Paris, La Découverte, 1985.
  • [2]
    Sandrine Rui, « Démocratie participative », dans Ilaria Casillo et al. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013, <http://www.dicopart.fr/es/dico/democratie-participative>.
  • [3]
    Leonardo Avritzer, Democracy and the Public Sphere in Latin America, Princeton, Princeton University Press, 2002.
  • [4]
    Marion Gret, Yves Sintomer, Porto Alegre. L’espoir d’une autre démocratie, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 83-85.
  • [5]
    Luciano Fedozzi, André Borges Martins, « Novas instituições participativas, processo de elitização e o Orçamento Participativo de Porto Alegre », Annales de l’ANPOCS, 2012, <http://www.portal.anpocs.org/portal/>.
  • [6]
    Adrián Gurza Lavalle, Graziela Castello, Peter Houtzager, « Representação, Pluralização da Representação e Sociedade Civil », Lua Nova, 67, 2006, p. 49-103.
  • [7]
    Leonardo Avritzer, « Sociedade civil, instituições participativas e representação : da autorização à legitimidade da ação », Dados, 2007, 50 (3), 2007, p. 443-464.
  • [8]
    Michael Saward, « The Representative Claim », Contemporary Political Theory, 5, 2005, p. 297-318, dont p. 298.
  • [9]
    Olivier Nay, Andy Smith, « Les intermédiaires en politique : médiations et jeux d’institution », dans Olivier Nay, Andy Smith (dir.), Le gouvernement du compromis. Courtiers et généralistes dans l’action politique, Paris, Economica, 2002 (Études politiques), p. 1-21, dont p. 11.
  • [10]
    En 2000, la coalition « Front de gauche de Recife » est composée du Parti travailliste (PT), du Parti communiste du Brésil (PCdoB), du Parti communiste brésilien (PCB) et du Parti général des travailleurs du Brésil (PGT).
  • [11]
    Loïc Blondiaux, Jean-Michel Fourniau, « Un bilan des recherches sur la participation du public en démocratie : beaucoup de bruit pour rien ? », Participations. Revue de sciences sociales sur la démocratie et la citoyenneté, 1 (1), 2011, p. 8-35, dont p. 21.
  • [12]
    Arthur Jobert, « Dans les salles : trop d’acteurs, jamais assez de public… », dans Marion Carrel, Catherine Neveu, Jacques Ion (dir.), Les intermittences de la démocratie. Formes d’action et visibilités citoyennes dans la ville, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 49-64, dont p. 52.
  • [13]
    Pierre Lascoumes, « Rendre gouvernable : de la “traduction” au “transcodage”. L’analyse des processus de changement dans les réseaux d’action publique », dans Jacques Chevallier (dir.), La gouvernabilité, Paris, PUF/ CURAPP, 1996, p. 325-337, dont p. 332.
  • [14]
    Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès, « L’action publique saisie par ses instruments », dans id. (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2004, p. 11-44, dont p. 13.
  • [15]
    P. Lascoumes, P. Le Galès, ibid., p. 12.
  • [16]
    Leonardo Avritzer, Democracy and the Public Sphere in Latin America, Princeton, Princeton University Press, 2002.
  • [17]
    Cf. l’introduction du numéro de Politix consacré aux dispositifs participatifs : « Dispositifs participatifs », Politix, 75, 2006, p. 3-9.
  • [18]
    Loïc Blondiaux, Sandrine Levêque, « La politique locale à l’épreuve de la démocratie : les formes paradoxales de la démocratie participative dans le 20e arrondissement de Paris », dans Catherine Neveu (dir.), Espace public et engagement politique. Enjeux et logiques de la citoyenneté locale, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 17-82.
  • [19]
    Julien Talpin, « Jouer les bons citoyens », Politix, 75, 2006, p. 11-31 ; « Mobiliser un savoir d’usage. Démocratisation de l’espace public et confinement de la compétence civique au sein de dispositifs de budget participatif », dans Thomas Fromentin, Stéphanie Wojcik (dir.), Le profane en politique. Compétences et engagement du citoyen, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 159-183.
  • [20]
    Marion Carrel, « Politisation et publicisation : les effets fragiles de la délibération en milieu populaire », Politix, 75, 2006, p. 89-99 ; Sandrine Rui, « Quand l’individu se débat avec le citoyen : langage de l’engagement et effets de la participation institutionnalisée », dans M. Carrel et al. (dir.), Les intermittences de la démocratie…, op. cit., p. 77-87.
  • [21]
    M. Gret, Y. Sintomer, Porto Alegre…, op. cit., p. 117.
  • [22]
    Evelina Dagnino, Luciana Tatagiba, « Mouvements sociaux et participation institutionnelle : répertoires d’action collective et dynamiques culturelles dans la difficile construction de la démocratie brésilienne », Revue internationale de politique comparée, 17 (2), 2010, p. 167-185.
  • [23]
    Vincent Dubois, « La sociologie de l’action publique : de la socio-histoire à l’observation des pratiques (et vice-versa) », dans Pascale Laborier, Danny Trom (dir.), Historicités de l’action publique, Paris, PUF/CURAPP, 2003, p. 347-364.
  • [24]
    Alice Mazeaud, « La fabrique de l’alternance : la démocratie participative dans la recomposition du territoire régional, (Poitou-Charentes 2004-2010) », thèse de doctorat en science politique, La Rochelle, Université de La Rochelle, 2010.
  • [25]
    Héloïse Nez, Julien Talpin, « Généalogies de la démocratie participative en banlieue rouge : un renouvellement du communisme municipal en trompe-l’œil ? », Genèses, 79, 2010, p. 97-115.
  • [26]
    Guillaume Gourgues, Les politiques de démocratie participative, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2013.
  • [27]
    Cf. sur ce point le dossier « Ancrage politique », Politix, 92, 2010.
  • [28]
    Marc Abelès, Jours tranquilles en 89. Ethnologie politique d’un département français, Paris, Odile Jacob, 1989.
  • [29]
    Beatriz de Heredia, Moacir Palmeira, « Le vote comme engagement », Genèses, 93, 2013, p. 127-143.
  • [30]
    Jean-Noël Retière, Identités ouvrières. Histoire social d’un fief ouvrier en Bretagne, 1909-1990, Paris, L’Harmattan, 1994.
  • [31]
    Karina Kuschnir, O cotidiano da política, Rio de Janeiro, Jorge Zahar, 2000, p. 105.
  • [32]
    Pierre Grémion, Le pouvoir périphérique. Bureaucrates et notables dans le système politique français, Paris, Seuil, 1976, p. 236 ; Cesare Matina, « Mutations des ressources clientélaires et construction des notabilités politiques à Marseille (1970-1990) », Politix, 67, 2004, p. 129-155, p. 132.
  • [33]
    Goetz Ottmann, « Mediated Citizenship in Democratic Brazilian Politics : A Comparative Perspective », dans Movimentos e conflitos sociais no Nordeste, Recife Fundação Joaquim Nabuco, 2005.
  • [34]
    Alcir Almeida, Felix Lopes, « Representação política local : padrões de atuação dos vereadores em quatro cidades mineiras », Texto para discussão do IPEA, 1625, Brasilia, juin 2011.
  • [35]
    Laís Salgueiro et al., « Conexão política em espaços urbanos : estudos etnográficos sobre atuações de parlamentares na cidade do Rio de Janeiro », Ponto Urbe, 5, 2009, <http://pontourbe.revues.org/1519>.
  • [36]
    Disch Lisa et al., « La représentation politique et les effets de subjectivation », Raisons politiques, 56, 2014, p. 25-47.
  • [37]
    Hélène Combes, Gabriel Vommaro, « Relations clientélaires ou politisation : pour dépasser certaines limites de l’étude du clientélisme », Cahiers des Amériques latines, 69, 2012, p. 17-35.
  • [38]
    José Murilio de Carvalho, Cidadania no Brasil. O longo caminho, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 2002.
  • [39]
    Mayer Zald, John McCarthy, The Dynamics of Social Movements. Resource, Mobilization, Social Control and Tactics, Cambridge, Winthrop, 1979.
  • [40]
    Premier entretien réalisé avec Dona Vilma, le 4 avril 2006, dans les locaux du Club des mères de Santo Amaro.
  • [41]
    Robert Gay, Popular Organization and Democracy in Rio de Janeiro. A Tale of Two Favelas, Philadephie, Temple University Press, 1994 ; Dominique Vidal, La politique au quartier. Rapports sociaux et citoyenneté à Recife, Paris, Éditions de la MSH, 1998 ; Camille Goirand, La politique des favelas, Paris, Karthala/CERI, 2000.
  • [42]
    Entretien réalisé avec Maria Alnice, le 17 mai 2006, à son domicile.
  • [43]
    Jean-Louis Briquet, « Les amis de mes amis… Registres de la mobilisation politique dans la Corse rurale », Mots, 25, 1990, p. 23-41.
  • [44]
    Nous entendons le terme « ordinaire » par opposition à ce qui est « légitime », rejoignant ainsi la définition d’Hélène Hatzfeld. Pour cette auteure, qui étudie les « légitimités ordinaires », ce terme « n’est pas pris comme un “en-soi” des personnes ou des choses, mais comme un regard particulier porté sur elles, qui servira d’analyseur de la notion de légitimité ». Cf. Hélène Hatzfeld, Les légitimités ordinaires. Au nom de quoi devrions-nous nous taire ?, Paris, L’Harmattan/Adels, 2011, p. 23.
  • [45]
    Entretien collectif réalisé avec Rosineide et Edilma, le 17 mai 2006, à leur domicile.
  • [46]
    L’observation du déroulement du budget participatif de Porto Alegre en octobre 2014 m’a permis de constater un phénomène similaire de dénonciation des « profits » que les délégués tireraient de leur position, généralement démentis par les candidats à la délégation qui tendent à rappeler le caractère bénévole de leur engagement.
  • [47]
    Samuel Hayat, « La représentation inclusive », Raisons politiques, 50, 2013, p. 115-135.
  • [48]
    Notes de terrain, juin 2006.
  • [49]
    S. Hayat, « La représentation inclusive », art. cité.
  • [50]
    Pierre Rosanvallon, Le peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France, Paris, Gallimard, 2002 (Folio Histoire), p. 56.
  • [51]
    Irlys Alencar Firmo Barreira, « A política de perto : recortes ethnográficos de campanhas eleitorais », Novos estudos, 74, 2006, p. 177-194.
  • [52]
    Hanna F. Pitkin, The Concept of Representation, Berkeley, University of California Press, 1967.
  • [53]
    Héloïse Nez, « Nature et légitimités des savoirs citoyens dans l’urbanisme participatif », Sociologie, 2 (4), 2011, <http://sociologie.revues.org/1098>.
  • [54]
    Entretien réalisé avec Maria Alnice, le 17 mai 2006, à son domicile.
  • [55]
    Notes de terrain, le 1er avril 2006.
  • [56]
    Irlys Alencar Barreira, « Representação sobre a política entre lideranças populares : limites e potencialidade de uma ferramenta conceitual », Sociedade e Estado, 24 (3), 2009, p. 767-796.
  • [57]
    Notes de terrain, le 8 avril 2006.
  • [58]
    Notes de terrain, le 6 mai 2006.
  • [59]
    Aldaíza Sposati, Elza Lobo, « Controle social e políticas de saúde », Cadernos de Saúde Pública, 8 (4), 1992, p. 366-378, p. 372.
  • [60]
    Samuel Hayat, « “Au nom du peuple français” : la représentation politique en question autour de la révolution de 1848 en France », thèse de doctorat en science politique, Saint-Denis, Université Paris VIII, 2011, p. 448.
  • [61]
    Compte rendu de la réunion ordinaire du 17 septembre 2007, Conseil municipal de la femme de Recife.
  • [62]
    Entretien réalisé avec Agricélia le 13 septembre 2007, dans les locaux du Conseil municipal de la femme.
  • [63]
    Note de terrain, le 14 juin 2006.
  • [64]
    Sa Vilas Boas Marie-Hélène, Tarragoni Federico, « Le concept de clientélisme résiste-t-il à la participation populaire ? Une comparaison Brésil-Venezuela », Critique internationale, 68, 2015, p. 103-124.

1La réflexion théorique et politique autour de la thématique participationniste, développée à partir des années 1970, s’est d’abord inscrite dans une perspective critique à l’égard du système représentatif. Par opposition à une démocratie minimaliste, associée à l’élection, qui encouragerait les citoyens à la passivité, la démocratie participative devrait assurer leur politisation et leur implication dans la vie civique [1]. Elle permettrait l’exercice d’une citoyenneté active et non la seule délégation de la voix des gouvernés à une élite politique.

2Cette opposition théorique et politique a initialement guidé l’analyse des dispositifs participatifs. Si les expériences étudiées en France et à l’étranger ont bien souvent été jugées inabouties et ce, en fonction d’une conception de la démocratie participative associée à la cession d’un pouvoir de décision aux citoyens [2], certains dispositifs ont à l’inverse été érigés en « idéal-type » de cette forme de politique. C’est notamment le cas du budget participatif de Porto Alegre instauré en 1989. Celui-ci a acquis le statut de modèle en raison de la nature de son public et de ses effets perçus. L’investissement des milieux populaires et des femmes semblaient corroborer le potentiel d’inclusion de publics faibles émanant des procédures participatives. La délibération sur l’affectation des ressources publiques a en outre été appréhendée comme un facteur de changement des pratiques politiques institutionnalisées de nature clientélaire [3]. L’expérience de Porto Alegre semblait démontrer que les maux du système représentatif pouvaient être atténués par la démocratie participative.

3Cependant, l’opposition entre participation et représentation, ainsi que le cercle vertueux supposé découler de leur articulation ont progressivement été nuancés. Si les déshérités investissent bien les dispositifs participatifs brésiliens, les individus les plus durablement engagés détiennent des ressources scolaires et militantes supérieures à la moyenne des participants. Aussi, le « cens » de la participation n’est-il pas pleinement « inversé » [4]. À Porto Alegre, le taux de renouvellement des participants a régulièrement baissé, un constat interprété par certains auteurs sous l’angle de la consolidation d’une élite participative [5]. Quant aux dispositifs, s’ils consacrent bien les principes de la participation directe et de la délibération, ils reposent également sur des mécanismes de sélection des citoyens autorisés à intervenir au nom d’autrui, qui conduisent à la consolidation de « représentants » [6].

4Ces inflexions sont allées de pair avec l’émergence d’une réflexion sur la nature de la représentation consacrée par les dispositifs participatifs brésiliens, principalement analysée à l’aune des procédures et du sens que l’ensemble de ces instruments recouvrent. Une telle perspective est, par exemple, adoptée par Leonardo Avritzer, lequel distingue l’élection, qui consisterait en un consentement individuel à s’en remettre à un élu, et les dispositifs participatifs, au sein desquels représenter signifierait défendre des idées et des expériences [7].

5En abordant l’activité de représentation à partir d’une approche institutionnelle – qui, nous le verrons, est relativement commune dans l’analyse de la démocratie participative – une telle perspective tend à évacuer ce qui fonde la représentation, c’est-à-dire les liens entretenus entre un claim maker et les groupes au nom duquel il intervient. Michael Saward invite ainsi à distinguer la représentation, qu’il définit comme un processus performatif de définition de revendications, des institutions qui la consacrent [8]. Pour cet auteur, si l’on veut saisir ce qu’est la représentation, il est nécessaire d’interroger le processus par lequel certains acteurs construisent des sujets dont ils proposent de porter la voix auprès d’une audience plus large. La représentation est d’abord une prétention formulée par un acteur. Elle peut, ou non, être reconnue par les citoyens et ses contours varient selon les contextes dans lesquels elle est produite.

6Cet article propose d’analyser le processus par lequel certains acteurs construisent et consolident une position de représentant dans les dispositifs participatifs brésiliens. Il s’appuie sur l’étude d’un dispositif singulier, les conférences des femmes de Recife, lequel réunit des acteurs habituellement sous-représentés dans le champ politique, les femmes de milieux populaires. L’argument développé ici est que la construction d’une position de représentant est menée sur des scènes multiples, parmi lesquelles l’on compte le dispositif participatif, et repose sur la transformation de relations personnalisées en un groupe social revendicatif.

7Plus précisément, les représentants émanant des dispositifs participatifs construisent leur position de porte-parole en regroupant des individus intervenants dans des sphères sociales, professionnelles et militantes distinctes mais dont la caractéristique commune est d’entretenir des liens individualisés et territorialisés avec le candidat à la représentation. La reconnaissance du porte-parolat dépend, en outre, de la capacité des prétendants à jouer un rôle de médiation auprès des institutions publiques, au profit du groupe mobilisé. Par médiation, nous entendons un travail de traduction des « connaissances, des savoirs, des registres de légitimité entre des univers organisationnels ou sociaux qui doivent (ou désirent) travailler ensemble mais ne recourent pas aux mêmes registres d’intelligibilité » [9].

8Dans une première partie, nous présenterons l’approche que nous privilégions pour analyser le phénomène représentatif dans les dispositifs participatifs, c’est-à-dire l’étude de l’ancrage social de ces mêmes institutions. Dans une seconde partie, nous aborderons les liens individualisés qui unissent représentantes et représentées dans les conférences des femmes. Dans un troisième temps, nous montrerons que la capacité à opérer une intermédiation entre la population d’un territoire et les administrations du service public est au fondement de la légitimité des représentantes.

Les conférences des femmes de Recife

Recife est la capitale de l’État du Pernambouc au Brésil. Cette municipalité est connue pour la forte implication de sa population dans les dispositifs participatifs instaurés à partir des années 1960. En 2000, la coalition « Front de gauche de Recife [10] » représentée par le maire du Parti travailliste, João Paulo Lima e Silva, remporte les élections et instaure les conférences des femmes en 2001. Ce dispositif soumet à la délibération collective les politiques municipales d’égalité entre femmes et hommes. Il est réalisé bis-annuellement et se déroule en trois étapes. Durant un premier cycle d’assemblées (les « pré-conférences »), les habitantes sont invitées à formuler des propositions de politiques publiques. À l’issue de chaque assemblée, des représentantes (les « déléguées ») sont élues. En 2006, seize assemblées ont été organisées dans les « arrondissements » et une pré-conférence consacrée aux « organisations du mouvement social » s’est déroulée en parallèle.
Dans un second temps, les déléguées délibèrent en assemblée plénière sur l’ensemble des propositions formulées durant le premier cycle. Le résultat des délibérations constitue, en théorie, le programme du gouvernement municipal en matière de politique d’égalité entre femmes et hommes. Ces délibérations sont suivies de l’élection, parmi les représentantes, des membres du Conseil municipal de la femme, dont le mandat est de deux ans. Ce Conseil était composé de vingt-quatre titulaires en 2006, dont six membres du gouvernement municipal, douze représentantes de la « société civile » et six personnes élues parmi les fonctionnaires municipaux, chacune ayant été élue par ses pairs.
Notre enquête de terrain, d’une durée de sept mois, a été divisée en deux séjours, réalisés en 2006 et 2007. Elle a consisté en une observation ethnographique du dispositif, la réalisation de trente-deux entretiens semi-directifs avec des participantes et des acteurs politico-administratifs et une recherche documentaire. Durant les assemblées, nous avons administré un questionnaire, afin de délimiter les propriétés sociales des participantes, en particulier leur âge, leur niveau de scolarité, leurs revenus individuels et familiaux ainsi que leur appartenance à une organisation du mouvement social ou à un parti politique. Sur les 1 126 participantes aux assemblées « par arrondissement », 253 personnes ont répondu à notre questionnaire, soit 22 % du public. Dans l’assemblée consacrée aux organisations, 53 des 203 participantes en ont fait de même (25 %).

L’ancrage social de l’activité participative et représentative

9L’analyse des règles institutionnelles et le sens qu’elles recouvrent émaillent les études de la démocratie participative au Brésil comme en France. Cette perspective a permis de saisir la nature et les évolutions du lien représentatif générées ou révélées par les changements procéduraux des deux côtés de l’Atlantique. Mais elle reste insuffisante pour déterminer comment certains acteurs acquièrent une position de représentant dans les dispositifs participatifs, dans la mesure où elle tend à éluder les relations entretenues entre représentants et représentées. Aussi, afin d’appréhender le phénomène représentatif dans les institutions participatives, nous privilégions l’étude de leur ancrage social, en nous inspirant des travaux d’anthropologie politique réalisés sur la représentation électorale.

Questionner les frontières des dispositifs participatifs

10Dans leur synthèse consacrée à l’analyse de la démocratie participative, Loïc Blondiaux et Jean-Michel Fourniau soulignaient en 2011 que la littérature est marquée par une tendance à la focalisation sur les procédures qui conduit les chercheurs à tenter d’« identifier les effets de ces procédures sur une gamme variée d’acteurs et de phénomènes » [11]. L’idée selon laquelle « “la participation” est essentiellement une question de méthode et de dispositif » guide, en effet, plusieurs des études menées au Brésil et en France [12]. Elle est dans une certaine mesure importée pour considérer ce que participer et représenter veut dire dans les expériences participatives. Afin de saisir les limites d’une telle approche pour l’étude de la représentation dans les dispositifs participatifs, il convient de revenir sur ses ambitions initiales et ses conséquences analytiques.

11L’approche par les procédures s’inscrit dans une réflexion sur l’« instrumentation » de l’action publique en France ou les « nouveautés institutionnelles » au Brésil. Pour l’Hexagone, Pierre Lascoumes montre que les modes d’action publique contemporains se caractérisent par l’accroissement de « politiques procédurales », consistant à mettre en œuvre des dispositifs territorialisés pour organiser les interactions, assurer le travail commun et permettre la formulation d’accords collectifs. Selon lui, « les décisions qu’elles objectivent et les choix d’instruments qu’elles opèrent portent davantage sur des procédures que sur la définition de contenus substantiels » [13]. Ces politiques reposent sur la sélection d’un instrument d’action publique, défini comme « un dispositif à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et les destinataires en fonction des conceptions et représentations dont il est porteur » [14]. L’analyse de l’instrumentation de l’action publique s’est ainsi articulée autour de deux questionnements : le premier est de comprendre « les raisons qui poussent à choisir tel instrument plutôt qu’un autre », tandis que le second envisage « les effets produits par ces choix » [15]. Au Brésil, les « nouvelles institutions » participatives ont été pensées comme un renouvellement du rapport entre l’« État » et les « sociétés civiles » conduisant à une « dédifférenciation » des institutions politiques, par opposition à leur relative autonomie sous le régime militaire [16]. Comme pour l’approche en termes d’instruments, l’étude des causes de leur émergence et de leurs effets propres a orienté le regard porté sur ces institutions.

12Ces questionnements ont été concomitants d’une forte attention consacrée aux dynamiques « internes » aux dispositifs participatifs. Afin de dépasser la dichotomie entre idéalisation et diabolisation qui guidait les premières recherches sur la question, les chercheurs ont ouvert la boîte noire des dispositifs, pour analyser les relations sociales en leur sein [17]. La délibération et les formes de prise de parole ont été minutieusement analysées, avec des études sur la diversité des registres de prises de parole selon la trajectoire des participants [18], la nécessité pour ces derniers de respecter la « grammaire » de l’institution [19], et les effets pluriels de la participation sur les acteurs qui y prennent part [20]. Pour le cas brésilien, certains travaux réalisés sur les budgets participatifs ont montré que la reconnaissance des critères de justice, par les participants, permettait de dépasser les intérêts particuliers [21]. D’autres ont évoqué le renouvellement de pratiques clientélaires au sein des institutions participatives [22]. L’approche internaliste a ainsi permis d’interroger à nouveaux frais l’objet « dispositif participatif », en s’éloignant de la seule évaluation des objectifs affichés par leurs promoteurs.

13Mais l’approche internaliste a parfois conduit à un certain isolement des dispositifs de l’environnement social et politique dans lequel ils sont insérés. Or, l’abstraction des dispositifs de leur environnement conduit à sous-estimer le fait qu’ils ne constituent pas une donnée figée, qu’il serait possible de définir à partir de leurs seules limites institutionnelles, sauf à considérer que les catégories juridiques constituent également des catégories scientifiques [23]. Lorsque les expériences participatives sont érigées en symbole de l’alternance, comme le montre Alice Mazeaud dans le cas de la région Poitou-Charentes [24], lorsqu’elles sont mobilisées pour réaffirmer l’identité communiste [25] ou pour négocier les compétences des administrations [26], nous ne sommes pas à proprement parler au sein des dispositifs mais c’est en fonction ou au nom de ces derniers que ces actions se déroulent. Les frontières des institutions participatives ne sont pas données ; elles constituent un enjeu d’affrontements pratiques et symboliques.

14La remise en cause des frontières des dispositifs participatifs est d’autant plus pertinente pour l’analyse de la représentation dans ces institutions que les acteurs exerçant le porte-parolat sont généralement multipositionnés. La participation ne représente bien souvent qu’un moment parmi d’autres dans un ensemble d’activités militantes, sociales ou professionnelles. L’incidence de la multiplicité des ancrages des représentants sur les logiques internes des dispositifs doit ainsi être prise au sérieux, dans la mesure où elle conditionne en partie leur déroulement.

15Aussi, il convient d’accorder davantage d’attention à la manière dont les dispositifs participatifs s’articulent avec d’autres espaces de la vie sociale. C’est en prenant en compte l’intrication entre le « jeu participatif » et le jeu social que l’on peut comprendre ce que représenter veut dire dans les dispositifs participatifs. Notre démarche rejoint les approches anthropologiques, qui mettent l’accent sur l’imbrication entre le social et le politique, sur l’importance du tissu relationnel qui sous-tend la représentation politique en France comme au Brésil, approches dont nous allons à présent dégager les principaux apports.

La représentation politique : une activité relationnelle

16Les travaux portant sur l’ancrage social de l’activité représentative, des deux côtés de l’Atlantique, offrent des pistes intéressantes pour saisir comment, dans le cadre du système électoral, certains acteurs sont reconnus comme des représentants légitimes. Ils rappellent qu’au-delà du processus de professionnalisation de la politique, l’enracinement d’un candidat ou d’un parti, sur certains territoires et à certaines époques, dépend de leur inscription dans des réseaux relationnels et de leur investissement dans un ensemble d’activités qui peuvent dépasser le champ politique [27].

17En premier lieu, plusieurs travaux mettent en avant le caractère collectif et social de la représentation électorale. La figure du représentant symbolise un groupe social plus vaste et cette inscription lui permet soit d’accéder à l’éligibilité, soit de recueillir des voix qui traduisent, davantage qu’un choix idéologique, l’appartenance à un groupe. Ainsi, dans son étude sur une commune rural de l’Yonne, Marc Abelès montre que l’éligibilité est conditionnée par l’insertion dans des réseaux de relations, laquelle permet à un électeur de situer le candidat dans l’espace local, de repérer sa position au sein des dynasties politiques [28]. Dans le cas brésilien, Beatriz de Heredia et Moacir Palmeira soulignent que dans certaines zones rurales du Brésil, notamment du Nordeste, voter représente un engagement qui implique l’individu mais également sa famille ou toute autre unité sociale pertinente pour l’individu [29]. Pour ces auteurs, la philosophie individualiste généralement adoptée pour penser l’acte électoral et consacrée par les institutions représentatives, symbolisée par la formule « un homme une voix », ne rend pas compte d’une pratique qui revêt un sens collectif, celui de « se situer » dans la société locale. Le vote est un choix familial, généralement déterminé par le chef de famille.

18En second lieu, c’est en considérant l’entremêlement entre les relations sociales, professionnelles et politiques que l’implantation durable de certains acteurs ou partis peut être saisie. L’étude de Jean-Noël Retière sur le Parti communiste à Lanester invite à penser l’indissociabilité entre les pratiques de sociabilités quotidiennes et professionnelles et le vote en faveur du Parti communiste français. Les premières ont alimenté le soutien dont le second a bénéficié, soutien dont les ressorts n’ont pas nécessairement été idéologiques mais ont reposé sur les relations interpersonnelles nouées entre militants et habitants. Ces liens ont été consolidés par un ensemble de services et d’activités sociales que les premiers ont proposés aux seconds [30].

19À partir de cas très distincts, plusieurs travaux brésiliens consacrés au quotidien du métier politique démontre l’importance des « services rendus » aux électeurs dans le processus d’ancrage politique. Ces pratiques sont menées sur plusieurs scènes et leur expression la plus symbolique réside dans l’ensemble des réponses personnalisées apportées par les élus aux difficultés quotidiennes rencontrées par les électeurs. En se centrant sur l’étude d’une famille de parlementaires locaux et nationaux à Rio de Janeiro, Karina Kuschnir aborde la représentation politique comme une activité de médiation entre les institutions publiques et des représentés qui sollicitent l’élu pour la résolution de problèmes individuels ou collectifs. C’est en répondant à des besoins immédiats que les acteurs politiques acquièrent une légitimité auprès de leur électorat, laquelle peut se convertir en une contribution, humaine ou matérielle, des citoyens à l’organisation des campagnes électorales. La médiation est en outre au cœur des conceptions que les élus se font de la politique : « Faire de la politique, c’est obtenir un accès privilégié aux institutions publiques et ainsi répondre aux besoins d’une communauté » [31].

20Notons qu’une telle intermédiation n’est pas propre à la représentation politique au Brésil. Pierre Grémion et Cesare Mattina soulignent que les interventions portant sur les affaires de « guichet » sont perçues comme normales et courantes par les élus locaux en France [32]. Mais ces pratiques acquièrent une autre dimension en Amérique latine en raison de la précarité des services publics [33]. Ainsi, au Brésil, les requêtes les plus fréquemment adressées aux élus municipaux portent sur l’accès aux services de santé, par ailleurs structurellement saturés [34]. Certains centres d’accueil privés, offrant diverses prestations gratuites (dans le domaine de la santé, de l’éducation, etc.), sont administrés par les élus et mis à disposition de citoyens qui doivent, pour y accéder, entrer en contact avec l’entourage politique du représentant [35]. La nature redistributive de l’activité de représentation alimente une série de débats sur son caractère clientélaire. Mais ses éventuels effets de subjectivation sur les gouvernés [36] ou l’économie morale qui la sous-tend [37] restent à ce jour peu étudiés. On peut néanmoins souligner que la médiation personnalisée entre représentants et représentés est souvent définie comme un obstacle à la politisation des individus, en particulier les plus pauvres. Elle renforcerait le caractère élitiste du système politique brésilien [38].

21L’ensemble de ces travaux met donc en évidence deux aspects sur lesquels nous nous appuierons pour penser la représentation dans les conférences des femmes et analyser son éventuelle spécificité par rapport aux pratiques de représentation électorale. D’une part, la construction de la représentation n’est pas un processus dyadique entre un porte-parole et un groupe de soutien. Elle engage des réseaux de relations plus larges, que le représentant incarne et unifie. Ensuite, au Brésil, la légitimation de la représentation repose en partie sur la satisfaction de demandes d’accès aux services publics, une démarche qui permet aux élus de donner la preuve de leur engagement en faveur de leurs groupes de soutien.

Devenir représentante des femmes : la mobilisation individualisée de réseaux d’interconnaissance

22La construction d’une position de représentante dans les conférences des femmes précède l’ouverture formelle du dispositif. C’est en effet, en amont du premier cycle d’assemblées que les positions de porte-parole et de participantes ordinaires sont définies. Certaines actrices opèrent un travail de rassemblement dans leur quartier afin d’assurer leur « élection » dans les assemblées. Cette activité de mobilisation repose essentiellement sur le regroupement de réseaux relationnels individualisés autour de la figure de la candidate. Elle contribue en outre à la consolidation d’une conception de la participation parmi les habitantes, qui l’associent à la délégation.

Solliciter ses « amies » pour être élue

23Les procédures des conférences des femmes articulent délibération et représentation, la seconde devant découler de la première. Selon le design du dispositif, c’est à l’issue des discussions menées dans les assemblées que des femmes sont élues afin de représenter les participantes et défendre les propositions qu’elles ont formulées. Le mandat de déléguée revêt donc, formellement, un caractère impératif. Mais les usages que les participantes font des procédures mènent à une certaine déconnexion entre délibération et élection. Les déléguées sont principalement définies en amont des conférences au sein de groupes d’interconnaissance. Elles sont en outre moins sélectionnées par les participantes qu’elles ne sont à l’initiative de leur position. La grande majorité d’entre elles jouent, préalablement au premier cycle d’assemblées, un rôle d’entrepreneures de participation. Cette notion, développée par analogie avec le concept d’entrepreneur politique, désigne les individus qui initient la participation, en cumulant des ressources, telles que le temps ou la connaissance des programmes gouvernementaux, nécessaires à l’entrée dans les dispositifs [39].

24Ces entrepreneures sollicitent l’appui de réseaux d’interconnaissance et qui ont pour principal point commun de résider dans l’arrondissement où se déroule l’assemblée. Ce faisant, elles construisent des collectifs qui n’avaient pas nécessairement d’existence préalable. Leur capacité de mobilisation dépend néanmoins de leur position sociale, professionnelle ou militante. Aussi peut-on distinguer deux types d’entrepreneures. Le premier comprend des dirigeantes d’associations de quartiers, c’est-à-dire des femmes occupant une position de porte-parole d’un groupe, préalablement à leur engagement participatif. Les collectifs qu’elles représentent peuvent être définis à partir de critères professionnels (de nombreuses associations féminines sont organisées autour de la production et la vente d’artisanat) ou territoriaux (associations de quartier, d’une résidence particulière, etc.).

25Ces dirigeantes sollicitent les membres de leur organisation mais également leur voisinage afin d’assurer leur élection durant le dispositif et/ou donner à voir la force de leur association sur un territoire donné. C’est par exemple le cas de Dona Vilma, âgée de 67 ans et présidente du Club des mères de Santo Amaro. Elle réunit une trentaine de personnes durant les assemblées de 2006 et se présente comme seule candidate au poste de déléguée, bien que les règles du dispositif permettent l’élection d’une déléguée par cinq personnes seulement.

26

Dona Vilma : « [Pour les conférences,] j’ai contacté les personnes du club des mères et du groupe Renascer, qui est un groupe de personnes âgées dont je suis membre. Et les personnes que je connais aussi.
MH : Combien de personnes sont venues avec vous ?
Dona Vilma : Pas mal… trente, trente-cinq. […]
MH : Et elles se sont présentées au poste de déléguée aussi ?
Dona Vilma : Bon, en général, c’est moi qui me présente et certaines sont suppléantes. Mais elles sont dans la lutte… Elles sont mobilisées. » [40]

27La mobilisation opérée par ces dirigeantes reproduit largement la structuration des associations de quartiers. Plusieurs auteurs ont noté leur forte individualisation et l’exercice bien souvent solitaire de leur leadership[41]. Ces actrices activent leurs réseaux associatifs tout en reproduisant les hiérarchies qui traversent leur organisation ou les relations interpersonnelles qui les lient aux habitantes.

28Le second type d’actrices est composé de participantes durablement investies dans un dispositif participatif local. Ces femmes sont parfois membres d’une organisation associative ou partisane où elles jouent un rôle secondaire. D’autres n’ont pas d’attache organisationnelle préalablement à leur entrée dans un dispositif participatif. Mais dans ce second cas, elles disposent de capitaux scolaires plus élevés que la moyenne des participantes, généralement d’un diplôme du secondaire. Elles ont d’abord été invitées à participer à un dispositif local puis reproduisent les formes de mobilisation qui ont été à l’origine de leur participation. Maria Alnice, 37 ans et diplômée du secondaire, se définit comme une femme au foyer n’ayant pas eu d’activité militante jusqu’en 2003. Cette même année, elle investit les conférences des femmes sous l’influence d’une voisine. Par la suite, elle s’engage dans le budget participatif tout en étant élue déléguée à chacune des conférences des femmes. En 2006, elle y participe, accompagnée d’amies qu’elle a contactées pour soutenir sa candidature.

29

« J’ai été trois fois déléguée, j’ai été déléguée pour être conseillère, j’ai déjà été au Conseil du budget participatif, j’ai été dans le Forum thématique [des femmes du budget participatif]. […] La première fois, je n’ai amené personne, j’ai discuté, dialogué, dans les petites réunions. Donc je suis allée dans les petites réunions et je me suis “articulée” avec mes collègues. Donc à partir de là, ça a pris, tu comprends ? […]. J’ai amené des femmes pour être candidate. J’aurais pu en amener bien plus mais la Coordination devrait nous aider pour les frais, ce qui nous permettrait d’amener bien plus de femmes. J’en ai parlé aux personnes que je connais, là dans mon quartier. Mes voisines et mes amies. Et les femmes que je croise. » [42]

30La participation de Maria Alnice, d’abord solitaire, se transforme en un investissement en faveur duquel elle sollicite des proches, dont on peut noter, comme pour les dirigeantes associatives, le caractère genré et territorialisé. Ce sont les personnes « qu’elle connaît dans son quartier », qu’elle oriente vers les conférences pour être candidate. Le voisinage, qui constitue le principal espace de sociabilité des habitantes, représente également un vivier de soutiens pour les entrepreneures. Néanmoins, l’activation de réseaux amicaux ou de voisinage ne signifie pas que les relations partagées avec les habitantes soient plus horizontales que celles qui unissent les dirigeantes associatives à leur milieu de soutien. Comme dans la Corse rurale étudiée par Jean-Louis Briquet, le registre de l’amitié est mobilisé pour faire apparaître les rapports entretenus entre représentants et représentés comme des relations égalitaires, personnelles et désintéressés [43].

31Mais ces deux types d’entrepreneures n’en décrivent pas moins leur travail de mobilisation à l’aide d’une série d’expressions qui attestent de l’occupation de positions différentes. Si les dirigeantes associatives les présentent de manière euphémisée en mettant en avant le caractère naturel de leur leadership (Dona Vilma nous indique qu’en général, « elle se présente et les autres sont suppléantes »), les participantes régulièrement investies dans un dispositif local sont quant à elles plus explicites : les habitantes sont « amenées » ; on leur « dit » de venir afin d’assurer « leur candidature » ou « leur élection ».

32Par leur travail de mobilisation, ces entrepreneures contribuent à la formation de collectifs qui n’étaient auparavant pas nécessairement unis en vue d’une action collective, en particulier lorsqu’ils reposent sur des sociabilités de voisinage. Mais qu’elles réunissent des groupes associatifs et/ou des habitantes ordinaires [44], les mobilisations participatives restent personnalisées et centrées sur la figure de la candidate à la délégation, un processus qui influe sur le sens accordé à participation.

Participer pour voter

33Parmi les justifications évoquées par les citoyennes, durant les entretiens et les observations que nous avons réalisées, pour rendre compte de leur présence au premier cycle d’assemblées, l’« élection d’une déléguée » est la plus régulièrement évoquée. Participer signifie, pour une grande majorité des habitantes, désigner une représentante. Cependant, le sens accordé à cette pratique n’est pas univoque et dépend des propriétés sociales des habitantes ainsi que des liens qu’elles entretiennent avec la candidate à la représentation.

34Pour une partie des participantes aux assemblées, en particulier les habitantes n’ayant pas d’attache organisationnelle et/ou de faibles ressources scolaires et socio-économiques, participer signifie déléguer sans nécessairement prendre part à la délibération. La participation s’apparente à l’acte du vote : il s’agit d’une activité ponctuelle ayant une portée sociale et dont l’objectif est la sélection d’une représentante qui disposerait de compétences qu’elles ne détiennent pas.

35Acte ponctuel d’abord, car l’investissement dans les conférences est envisagé comme une activité épisodique n’impliquant pas d’engagement plus durable, ni même une présence aux débats. Le caractère fugace de la participation est parfois renforcé par une méconnaissance du déroulement du dispositif, que les habitantes associaient à la seule élection d’une déléguée. Aussi observe-t-on le départ immédiat de certaines d’entre elles, lorsqu’elles comprennent qu’elles devront passer un après-midi entier dans une assemblée. Dans d’autres cas, elles n’assistent pas aux débats et attendent la fin des discussions pour prendre part à l’élection des déléguées.

36Pratique sociale ensuite, dans la mesure où la mobilisation de certaines habitantes dépend essentiellement de leur appartenance à un groupe familial ou d’interconnaissance, et non des ambitions de délibération qui sous-tendent le dispositif. Assister aux assemblées est un moyen de rappeler leur inscription dans un groupe territorialement défini. Aussi est-il fréquent que la participation soit décrite sous l’angle de l’obligation, d’une injonction émanant d’une institution ou de personnes. Les participantes disent avoir été « appelées » par une dirigeante associative à donner leur vote, un parent leur a « dit » de participer en faveur d’une candidate, etc. Le vocabulaire utilisé révèle ainsi le système de hiérarchie dans lesquels elles sont insérées ainsi que l’interpénétration entre les rapports sociaux et les pratiques de participation. C’est ainsi, pour répondre à la sollicitation de leur mère, qu’Edilma et sa sœur Rosinede, deux jeunes femmes d’une vingtaine d’années, sans profession et résidant au domicile parental, se rendent aux conférences :

37

MH : « Comment avez-vous pris connaissance de la réalisation de la conférence ?
Edilma : Ma mère m’a dit qu’il fallait y aller.
MH : Votre mère… Comment a-t-elle été informée ?
Edilma : Par Margarida, de l’association du quartier. Margarida nous a demandé de l’accompagner et j’y suis allée. Je ne savais pas ce que c’était, elle m’a dit que c’était pour élire une déléguée, je ne savais pas qu’une discussion était prévue.
MH : Qu’imaginiez-vous que ce serait ?
Edilma : Je pensais que l’on voterait pour une déléguée uniquement. Ma mère m’a dit “On va voter pour une déléguée”. Mais nous avons quand même eu un goûter. C’était bien.
MH : Qu’entendez-vous par élire une déléguée ?
Edima : [silence]… C’est voter pour quelqu’un… […].
MH : Qu’attendez-vous des déléguées ?
Edilma : Qu’elles résolvent les problèmes… Mais elles sont élues et après on ne connaît pas les suites.
Rosinede : Le problème des femmes ici c’est que tout va d’abord à leur famille. Tout ! Elles donnent d’abord à la famille et après, s’il reste quelque chose, c’est pour le peuple de Santo Amaro. Donc c’est ça. Si elles reçoivent un cadeau, c’est d’abord pour la famille et après pour le peuple […]. C’est pour ça que l’on hésite au moment de voter. Parce que les gens pensent d’abord à eux-mêmes avant de penser aux plus pauvres qu’eux. Moi, ce que je vois, c’est qu’elles pensent d’abord à leur famille […].
MH : Et vous ne vouliez pas être déléguées ?
Edilma : J’y ai pensé mais… bon, je crois quand même que les déléguées font quelque chose. Au moins l’une d’elles doit faire quelque chose. Mais moi je suis très timide, et pour être déléguée, il faut parler et… je suis timide. » [45]

38Dans cet extrait, la sélection d’une déléguée est envisagée comme une pratique électorale classique. Les déléguées sont d’ailleurs la cible de critiques traditionnellement adressées aux élus, à savoir l’appropriation de la chose publique au profit de leur famille et l’interpénétration entre le public et le privé [46]. Pour une participante comme Rosineide, qui n’entretient que des liens distants avec la dirigeante de quartier, les « représentantes », qu’elles émanent des élections ou des dispositifs participatifs, constituent un groupe homogène, distinct du « peuple » et dont l’action reste indépendante des besoins exprimés par les représentées. La délégation s’apparente ici à une dépossession politique. Mais si elle se mobilise malgré tout, c’est d’abord pour honorer des liens sociaux qui engagent le collectif familial.

39En dépit de ces réserves, la délégation n’en est pas moins perçue comme légitime en raison des compétences détenues par les déléguées, telles que la capacité à intervenir en public. Lorsque Edilma souligne sa timidité et nuance le propos de sa sœur, en présupposant l’action positive de certaines déléguées, elle valide un principe de compétence qui justifie la division entre participantes « ordinaires » et déléguées ainsi que le caractère éphémère de son propre investissement dans les dispositifs participatifs.

40Pour ce type d’habitantes, la représentation dans les conférences des femmes revêt une dimension « exclusive » [47], dans la mesure où elle ne s’accompagne pas d’une « montée en capacité » (empowerment) ou d’une insertion dans le processus décisionnel.

41La sélection d’une déléguée n’est toutefois pas définie de la même façon par l’ensemble des participantes. Pour d’autres, le soutien accordé à une candidate constitue un moyen de porter une cause précise (la création de cours professionnalisants, par exemple) ou plus généralement celle d’un groupe social. Candidates à la délégation et participantes ordinaires agissent de concert mais les secondes confient aux premières le travail de formulation de leurs revendications. C’est par exemple le cas du collectif mobilisé par Josilene.

42Josilene a 36 ans et habite dans le 6e arrondissement. Elle est au chômage lorsque nous nous rencontrons et était, auparavant, secrétaire de direction dans une PME. En 2004, elle obtient une première année de licence de droit dans une université privée. Elle s’investit dans le budget participatif en 2001, sous l’influence de son mari, un militant du PT, puis participe à la Conférence des femmes de 2002 avant d’être est élue, en 2004, au Conseil de la femme. En 2006, elle se rend à la pré-conférence du 6e arrondissement accompagnée de neuf personnes. Trois d’entre elles sont ses voisines de palier, qu’elle rencontre de manière hebdomadaire et avec lesquelles elle partage des liens amicaux et des relations d’entraide. Plus précisément, l’une de ses voisines, sans activité professionnelle, participe régulièrement à l’entretien du domicile de Josilene en échange de déjeuners en compagnie de ses enfants. Une autre, exerçant la profession de coiffeuse-manucure à son domicile, a pour clients réguliers Josilene et son mari. Les six autres participantes sont des « copines » habitant les rues adjacentes au domicile de Josilene mais avec lesquelles les liens sont moins forts. En amont de la conférence, Josilene organise une réunion à son domicile, afin de préparer l’assemblée de son arrondissement, réunion à laquelle je suis conviée. Six personnes sont présentes, dont ses trois voisines de palier. L’ordre du jour est double puisqu’il s’agit à la fois de déterminer la position du « groupe » dans les conférences et de présenter les enjeux de la prochaine campagne électorale du PT à Recife.

43Le premier point donne lieu à une série d’interventions relatives au déroulement des précédentes conférences et leur moindre influence sur les politiques menées. La discussion est particulièrement animée et il est fréquent qu’une voisine prenne la parole en même temps qu’une autre. À l’issue de cette discussion, Josilene rappelle qu’elle se propose de « défendre les femmes des quartiers […] et leurs difficultés particulières » sans qu’aucune proposition plus précise ne soit évoquée. Son intervention lui vaut plusieurs remarques laudatives, l’une de ses voisines lui indiquant « qu’elle [Josilene] est chaque fois meilleure à l’oral, ce qui permet d’aller toujours un peu plus loin » [48].

44Dans ce cas de figure, la délégation n’est pas nécessairement synonyme de dépossession. Elle traduit plutôt la place privilégiée que Josilene détient dans un groupe d’interconnaissance, uni par des liens de voisinage et des relations d’entraide, qui lui confère « naturellement » un rôle de porte-parole en son sein. Toutefois, ce même groupe n’est pas sollicité pour les seules conférences. Il est généralement appelé à prendre part à diverses manifestations participatives et politiques, à l’image des campagnes électorales du PT. Dans ce cas de figure, la prétention de représentation formulée par Josilene contribue à faire exister un collectif qui préexistait au dispositif mais qui étend ses modes d’action collective en participant aux assemblées.

45Dans les conférences des femmes, la construction d’une position de représentante est un processus d’abord mené dans les quartiers et qui ne peut être autonomisé de l’ensemble des sociabilités quotidiennes dans lesquelles les entrepreneures sont insérées. En activant des relations de voisinage, militantes ou amicales, ces actrices favorisent la présence d’un public habituellement sous-représenté, tout en orientant la participation en leur faveur. Une telle démarche peut exercer des effets exclusifs, en particulier lorsque les participantes associent leur participation au seul « vote » en faveur d’autrui, mais elle peut également s’inscrire dans un ensemble de pratiques participatives et militantes davantage inclusives [49].

Entre le quartier et le champ politico-administratif

46Si les candidates à la représentation sollicitent des soutiens individualisés pour assurer leur élection dans le dispositif, comment justifient-elles leur prétention au porte-parolat ? Quels savoirs ou savoir-faire privilégient-elles pour paraître légitimes auprès du groupe mobilisé ? Les candidates au porte-parolat mettent en scène leur multipositionnement et plus précisément, la position pivot qu’elles occupent entre deux univers, un quartier ou un arrondissement et le champ politico-administratif. C’est en outre en assurant la médiation entre ces deux espaces que les représentantes sélectionnées exercent et légitiment leur porte-parolat.

Le multipositionnement comme enjeu de présentation de soi

47Si les entrepreneures de participation opèrent, en amont du dispositif, un travail de mobilisation de soutien en leur faveur, elles doivent toutefois justifier leur candidature à la délégation dans les assemblées, auprès d’un public plus large. À cette fin, elles mobilisent un principe d’identification et un principe de distinction à l’égard des participantes.

48Ces « deux principes contradictoires » sont au cœur de la représentation électorale [50], mais peuvent être agencés de manière distincte selon les périodes et contextes étudiés. Au Brésil, ils constituent un élément central des campagnes électorales dans le Nordeste. Le principe d’identification est construit par l’ensemble des rencontres, marches, réunions et événements festifs, au cours desquels les candidats s’appliquent à construire une proximité avec les électeurs. Notons qu’en raison de la combinaison entre un système proportionnel de liste ouverte et un multipartisme fragmenté, les acteurs politiques tendent à privilégier des campagnes individualisées, davantage centrées sur la figure du candidat que sur les partis dont ils sont membres. Pour assurer leur éligibilité, ils cherchent à mobiliser certains groupes sociaux et/ou certains territoires auxquels ils disent appartenir ou s’identifier. Mais ces mêmes candidats mettent en avant leur expérience et l’ensemble des compétences qui les distinguent des citoyens ordinaires et leur permettent de prétendre au statut de gouvernant [51].

49Dans les conférences des femmes, les principes d’identification et de distinction sont mobilisés conjointement par les candidates mais ils sont insérés dans un cadre discursif particulier. Celui-ci consiste à donner la preuve, d’une part, de leur connaissance des besoins des habitants d’un quartier et, d’autre part, de leur aptitude à accéder aux services et acteurs politico-administratifs locaux pour y répondre.

50En effet, les candidates à la délégation mettent en avant leur appartenance aux groupes qu’elles sollicitent, le plus souvent définis à partir de critères territoriaux. C’est parce qu’elles habitent un quartier ou qu’elles sont membres de telle « communauté » – une notion qui désigne à la fois les quartiers populaires et le groupe social qui le compose – qu’elles éprouvent les difficultés rencontrées par les actrices qu’elles mobilisent. Elles s’appuient sur une conception descriptive de la représentation, qui consiste à rappeler la commune expérience qui unit représentante et représentées [52]. Ce vécu partagé serait à l’origine d’une connaissance intime des conditions de vie de leur milieu de soutien. C’est à partir de leurs « savoirs d’usage », c’est-à-dire leur connaissance de leur environnement immédiat [53], qu’elles revendiquent un statut de représentante, comme l’indique Maria Alnice.

51

« On connaît les besoins des communautés démunies… et on porte ces demandes aux pouvoirs publics parce que seuls les pouvoirs publics peuvent faire quelque chose. Chacune de nous, qui habite dans le quartier, a un problème et on les présente aux pouvoirs publics parce que… comment vont-ils savoir quels sont nos problèmes si on n’est pas présentes au moment où il faut parler ? » [54]

52Le principe d’identification se double d’une mise en exergue de leur inscription dans plusieurs espaces de la vie associative ou participative. Cette dimension est particulièrement explicite dans les assemblées, lorsque les unes et les autres se présentent. Alors que la majorité des citoyennes « ordinaires » ne mentionnent généralement que leur prénom, en précisant parfois leur statut d’habitante de tel quartier ou d’adhérente à telle association, les entrepreneures de participation mettent en avant leurs attaches organisationnelles multiples et, par là même, leur légitimité à intervenir au nom d’un groupe social. C’est par exemple le cas de Margarida, qui rappelle sa position de présidente d’une association de quartier et de déléguée du budget participatif, pour conclure qu’elle « est toujours ravie de parler de [sa] communauté » [55].

53Ces actrices se distinguent de leur groupe de soutien en rappelant leur multipositionnement, lequel attesterait, d’une part, d’une vertu et, d’autre part, de leur proximité avec le champ politico-administratif. Expression d’une vertu d’abord, qui passe par le rappel de certaines affiliations et la mise en sommeil d’autres. En effet, lorsqu’elles déclinent leurs positions multiples, les candidates à la représentation évoquent surtout leur affiliation associative et/ou participative, mais taisent généralement leur engagement partisan. Elles veulent apparaître comme une émanation des « bases » et non comme des relais d’organisations politiques institutionnalisées. Ces bases auraient des « problèmes » concrets et quotidiens, qui ne trouveraient leur expression ni dans les orientations générales affichées par les partis, ni dans l’action des élites politico-administratives dont la caractéristique première est d’agir dans un champ politique autonome. Ce jeu d’opposition reproduit une « éthique » de la représentation propre aux porte-parole des quartiers populaires, qui consiste à différencier « la politique des communautés » de la « politique du pouvoir ». La première serait caractérisée par l’unité des habitants en vue de l’amélioration de leurs conditions de vie, tandis que la seconde serait marquée par le conflit, les luttes interindividuelles et la corruption [56].

54Mais au-delà de leur ancrage territorial, les candidates soulignent leur capacité à entrer en relation avec les acteurs politiques et administratifs. Ainsi, Dona Noémia se rend aux pré-conférences vêtue d’un tee-shirt du budget participatif et prend le micro en début d’assemblée pour « saluer [le maire] João Paulo, qui, lorsqu’il a été élu, lui a promis de la conquérir, en tant que leader » [57]. Josilene, militante du PT et membre du Conseil de la femme, se présente de la manière suivante, lors de l’assemblée du 3e arrondissement :

55

« Je suis membre du Conseil de la femme depuis 2004, je représente le 3e arrondissement. Le Conseil existe pour exprimer nos revendications. Nous devons discuter pour définir ce que nous voulons car le personnel des cabinets administratifs ne sait pas quels sont nos problèmes, car ils restent dans leurs administrations. On sait que les services instaurent ce que nous voulons si nous le leur demandons. » [58]

56La proximité avec le personnel politico-administratif, découlant d’un engagement préalable dans un dispositif participatif ou d’une trajectoire militante, est un élément prégnant dans le discours des actrices rencontrées. Une entrepreneure se présente d’ailleurs à nous, en entretien, en se définissant comme « membre de la Coordination de la femme », c’est-à-dire de l’administration en charge des politiques du genre ; une autre dit « travailler pour la coordination de la femme en mobilisant les femmes ».

57La position pivot que ces actrices occupent entre les habitantes d’un territoire et les administrations de service est d’autant plus mise en avant que celle-ci est perçue, par les entrepreneures, comme une condition pour répondre aux demandes des groupes dont elles se proposent de porter la voix, soit parce qu’elle permettrait de faire connaître des besoins auprès des acteurs politico-administratifs, comme l’indique Josilene, soit parce qu’elle assurerait aux représentées une voie d’accès individualisée à des services publics caractérisés par la précarité.

Une représentation légitimée par l’accès aux institutions du service public

58L’accès aux acteurs et services publics ne représente pas seulement une ressource argumentative visant à donner la preuve d’une aptitude à représenter un territoire. Il constitue un élément clé de légitimation des représentantes sélectionnées dans le dispositif auprès de leur groupe de soutien. En effet, dans les conférences des femmes, les porte-parole consacrés se livrent à un travail de négociation et d’accélération des procédures d’accès aux services publics, en particulier de santé, au profit des groupes dont elles portent la voix.

59C’est plus précisément le cas des « conseillères », c’est-à-dire les actrices élues à l’issue de l’assemblée finale, qui siègent pour un mandat de deux ans au Conseil de la femme. Ces représentantes se doivent de respecter le rôle institutionnellement défini. Mais elles performent ce rôle en intégrant les attentes de leur milieu de soutien. Aussi leur activité en qualité de conseillère dépend-elle tout autant des règles du dispositif que des dynamiques relationnelles au sein desquelles elles sont insérées, dans les quartiers.

60Selon le règlement du Conseil, les membres qui le composent ont pour mission d’assurer « le contrôle social ». Cette notion émerge au début des années 1980 dans le domaine de la santé pour désigner l’intégration des usagers et plus généralement de la « société civile » à la formulation et à l’exécution des politiques sociales. La participation de la société civile est alors conçue comme un moyen de garantir l’application universelle de la loi par la création de mécanismes de contrôle citoyen. Mais à cette dimension administrative et juridique s’ajoute une dimension plus politique, celle de « démocratiser les décisions » [59] par l’expression des besoins de la population. Importée dans le Conseil des femmes, cette notion implique que les représentantes « surveillent » la mise en œuvre effective, par le gouvernement municipal et l’ensemble des institutions publiques, des délibérations adoptées dans les conférences mais également de la législation existante en faveur des femmes. Les conseillères sont donc appelées à devenir des « représentants des représentées », expression qui désigne, pour Samuel Hayat, l’action des membres d’une institution représentative lorsqu’ils s’adressent au nom des représentés à une autre institution représentative [60].

61En pratique, l’exercice du contrôle social est déterminé par les relations que les conseillères entretiennent avec les habitants. L’horizon d’application universelle des lois est mobilisé pour négocier des situations individualisées, qui attesteraient des limites du fonctionnement au concret des services publics. Aussi, durant les réunions du Conseil, il est fréquent que les conseillères évoquent une situation individualisée jugée révélatrice de dysfonctionnements plus généraux des administrations de service. L’exemplarité des cas soulevés justifierait une intervention des pouvoirs publics, au bénéfice d’un individu ou d’un groupe d’habitants. Les représentantes des quartiers relaient les difficultés rencontrées par leur voisinage, en particulier féminin, pour accéder à certains services. Elles mobilisent les réseaux du Conseil, en particulier les acteurs administratifs, pour remédier à une situation personnalisée qui illustrerait l’application toute relative de la loi sur un territoire. Le Conseil apparaît ainsi comme un lieu de résolution de problèmes individuels, ce qu’illustre un compte rendu de l’institution.

62

« Réunion du Conseil de la femme de Recife, le 17 septembre 2007. La conseillère Vilma dit que dans le poste de santé de Santo Amaro, la prise de rendez-vous pour un examen gynécologique est soumise à des délais très longs. Les femmes attendent des mois avant d’être reçues. Elle cite le cas d’une femme qui attend depuis plus de six mois et qui est venue la voir pour être aidée. Josineide répond qu’elle contactera le secrétariat de Santé pour aider cette femme. » [61]

63Par leurs demandes d’intervention en faveur d’un tiers, les représentantes des quartiers deviennent des acteurs de l’exécution des politiques sociales. Elles accélèrent l’accès à certains services publics et permettent le contournement des procédures habituelles d’accueil du public pour les habitant(e)s qui les ont sollicitées. Contre les délais d’attente trop longs, elles mobilisent les membres du Conseil, en particulier les acteurs administratifs, en arguant de l’urgence ou de la gravité d’une situation individualisée, notamment dans le domaine de la santé. Ce faisant, les représentantes établissent une voie d’accès parallèle et individualisée aux administrations de service qu’elles incarnent en quelque sorte dans les quartiers. Ce type d’intervention est comparable aux services proposés par les élus à leur base de soutien. Conseillères comme acteurs politiques répondent aux sollicitations des représentés en activant des leviers relationnels et institutionnels, une activité qui renforce leur légitimité en tant que représentantes. Les conseillères deviennent de cette façon des « références » pour les habitants, comme l’indique Agricélia.

64

« Quand tu participes au Conseil, tu finis par avoir un certain… pouvoir entre guillemets. Les personnes te voient comme une référence. Tu deviens une référence pour la communauté. Les gens viennent te voir. Pour des questions bureaucratiques, des questions de justice. Les gens viennent te voir pour plein de choses. Parce qu’ils pensent qu’en étant dans un certain lieu, on va pouvoir trouver des solutions à tout. Pour connaître le programme Bolsa Familia, pour l’éclairage de la rue qui ne fonctionne pas, pour le manque d’eau. » [62]

65Cette intercession individualisée n’est toutefois pas nécessairement synonyme de dépolitisation clientélaire. Car l’évocation de situations individuelles permet aux représentantes des quartiers de souligner que l’irrégularité des services publics accentue leur sentiment d’exclusion sociale et confère aux habitants une identité négative. Dans cette perspective, Nicinha intervient lors d’une réunion du Conseil pour indiquer combien les femmes de son quartier « sont maltraitées par le dispensaire, lorsqu’elles doivent attendre des heures, des jours, des années pour accéder à leurs droits » [63]. Les délais d’attentes, l’impossibilité physique d’entrer dans certains dispensaires de santé en raison de la foule qui l’assaille, la prise en charge tardive de besoins urgents, sont autant de problèmes régulièrement mentionnés pour promouvoir un accueil administratif différencié. Les représentantes des quartiers portent une demande d’« État », passant par l’extension des services publics existants, mais également d’un « autre État », qui accorderait une place distincte aux plus démunis en leur assurant une dignité qui leur ferait défaut dans le système en vigueur.

66Si le travail de représentation réalisé par les conseillères repose sur des ressorts individualisés, une telle démarche n’est pas antinomique avec une certaine montée en généralité et une politisation relative des inégalités. Plus précisément, les demandes individuelles font l’objet d’une traduction à partir du registre du droit. Ce dernier se trouve au cœur des discours des représentantes, dans la mesure où il constitue une grammaire commune aux institutions administratives et « à la politique des communautés ». La rhétorique des droits permet en effet de rendre intelligible, auprès des interlocuteurs administratifs, des demandes sociales diverses. Elle est mobilisée pour négocier le fonctionnement au quotidien des services administratifs, afin de satisfaire des besoins individualisés. Mais elle est également associée à une contestation des inégalités sociales. Le droit constitue le registre à partir duquel les discriminations vécues par les représenté·e·s sont requalifiées.

67* * *

68Dans les conférences des femmes, la construction d’une position de représentante consiste en une unification individualisée de réseaux d’acteurs entretenant des liens de sociabilités résidentielles, professionnelles ou militantes. C’est en effet en mobilisant des groupes d’interconnaissance et en les orientant en leur faveur que certaines actrices, celles que nous avons qualifiées d’entrepreneures de participation, assurent leur nomination dans le dispositif. C’est en outre en se faisant le relais, auprès des acteurs politico-administratifs, des demandes individuelles ou collectives de ces mêmes réseaux épars que les représentantes élues dans le dispositif légitiment et consolident leur position de porte-parole auprès de leurs milieux de soutien.

69En dépit de son caractère individualisé, la prétention que certaines actrices formulent à représenter autrui produit des collectifs. En s’appuyant sur des sociabilités de voisinage, des réseaux professionnels et militants, les entrepreneures construisent ou consolident des groupes sociaux qui n’étaient jusqu’alors pas nécessairement unis pour une action collective. Ces regroupements ne sont pas tous de même nature. Dans certains cas, ils ne sont qu’éphémères et reproduisent la dimension exclusive de la représentation. Si les habitantes participent, c’est d’abord pour assurer l’élection d’autrui sans que cette mobilisation ne se transforme en une montée en capacité ou en un intéressement à la vie politique. Mais dans d’autres cas, les collectifs créés ou sollicités perdurent et interviennent dans plusieurs espaces de la vie sociale et politique.

70L’individualisation des formes de légitimation de la représentation, dans les conférences, exerce également des effets variables. Si une telle dynamique peut être comparée aux stratégies des élus pour consolider leur clientèle, elle n’est pas antinomique avec une dénonciation plus générale des inégalités sociales et du traitement administratif de la misère, qui s’articule autour du langage du droit.

71Ce cas d’étude permet ainsi de penser le poids des sociabilités quotidiennes dans la construction de la représentation non électorale. La mise en évidence de l’intrication entre le jeu social et le jeu participatif a supposé un déplacement du regard habituellement porté sur les dispositifs participatifs et sur les pratiques de participation/représentation en leur sein. Plutôt que de prendre le dispositif comme un espace dont les limites sont données par les procédures, notre étude s’est plutôt attachée à comprendre les usages que les participants font du dispositif, tant en son sein que dans les milieux dont ils se proposent de porter la voix.

72Enfin, cette analyse invite à une comparaison plus précise des formes de représentation électorale et participative au Brésil. Les pratiques des représentantes des conférences des femmes peuvent être, dans une certaine mesure, comparées à celles des élus : ces deux types d’acteurs mobilisent une grammaire commune, consistant à favoriser les affaires de guichet. Mais dans le cas des conférences des femmes, la notion de clientélisme nous semble inadaptée pour rendre compte d’un ensemble de pratiques qui certes reposent sur des ressorts individualisées, mais engage une économie morale et n’exerce que des effets limités sur le positionnement électoral des participantes [64]. Ce constat appelle de nouvelles recherches sur la représentation électorale. Au-delà des analyses classiques pointant un recours généralisé aux pratiques clientélaires, la relation de services proposée par les élus engage-t-elle à un rapport à la justice ? Les échanges politiques entre élus et électeurs mènent-ils à des processus de subjectivation au sein de l’électorat ? Plus généralement, la notion de clientélisme est-elle suffisante pour saisir les pratiques de représentation électorale ?

Notes

  • [1]
    Carole Pateman, Participation and Democratic Theory, Cambridge, Cambridge University Press, 1976 ; Crawford Brough Macpherson, Principes et limites de la démocratie libérale, Paris, La Découverte, 1985.
  • [2]
    Sandrine Rui, « Démocratie participative », dans Ilaria Casillo et al. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013, <http://www.dicopart.fr/es/dico/democratie-participative>.
  • [3]
    Leonardo Avritzer, Democracy and the Public Sphere in Latin America, Princeton, Princeton University Press, 2002.
  • [4]
    Marion Gret, Yves Sintomer, Porto Alegre. L’espoir d’une autre démocratie, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 83-85.
  • [5]
    Luciano Fedozzi, André Borges Martins, « Novas instituições participativas, processo de elitização e o Orçamento Participativo de Porto Alegre », Annales de l’ANPOCS, 2012, <http://www.portal.anpocs.org/portal/>.
  • [6]
    Adrián Gurza Lavalle, Graziela Castello, Peter Houtzager, « Representação, Pluralização da Representação e Sociedade Civil », Lua Nova, 67, 2006, p. 49-103.
  • [7]
    Leonardo Avritzer, « Sociedade civil, instituições participativas e representação : da autorização à legitimidade da ação », Dados, 2007, 50 (3), 2007, p. 443-464.
  • [8]
    Michael Saward, « The Representative Claim », Contemporary Political Theory, 5, 2005, p. 297-318, dont p. 298.
  • [9]
    Olivier Nay, Andy Smith, « Les intermédiaires en politique : médiations et jeux d’institution », dans Olivier Nay, Andy Smith (dir.), Le gouvernement du compromis. Courtiers et généralistes dans l’action politique, Paris, Economica, 2002 (Études politiques), p. 1-21, dont p. 11.
  • [10]
    En 2000, la coalition « Front de gauche de Recife » est composée du Parti travailliste (PT), du Parti communiste du Brésil (PCdoB), du Parti communiste brésilien (PCB) et du Parti général des travailleurs du Brésil (PGT).
  • [11]
    Loïc Blondiaux, Jean-Michel Fourniau, « Un bilan des recherches sur la participation du public en démocratie : beaucoup de bruit pour rien ? », Participations. Revue de sciences sociales sur la démocratie et la citoyenneté, 1 (1), 2011, p. 8-35, dont p. 21.
  • [12]
    Arthur Jobert, « Dans les salles : trop d’acteurs, jamais assez de public… », dans Marion Carrel, Catherine Neveu, Jacques Ion (dir.), Les intermittences de la démocratie. Formes d’action et visibilités citoyennes dans la ville, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 49-64, dont p. 52.
  • [13]
    Pierre Lascoumes, « Rendre gouvernable : de la “traduction” au “transcodage”. L’analyse des processus de changement dans les réseaux d’action publique », dans Jacques Chevallier (dir.), La gouvernabilité, Paris, PUF/ CURAPP, 1996, p. 325-337, dont p. 332.
  • [14]
    Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès, « L’action publique saisie par ses instruments », dans id. (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2004, p. 11-44, dont p. 13.
  • [15]
    P. Lascoumes, P. Le Galès, ibid., p. 12.
  • [16]
    Leonardo Avritzer, Democracy and the Public Sphere in Latin America, Princeton, Princeton University Press, 2002.
  • [17]
    Cf. l’introduction du numéro de Politix consacré aux dispositifs participatifs : « Dispositifs participatifs », Politix, 75, 2006, p. 3-9.
  • [18]
    Loïc Blondiaux, Sandrine Levêque, « La politique locale à l’épreuve de la démocratie : les formes paradoxales de la démocratie participative dans le 20e arrondissement de Paris », dans Catherine Neveu (dir.), Espace public et engagement politique. Enjeux et logiques de la citoyenneté locale, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 17-82.
  • [19]
    Julien Talpin, « Jouer les bons citoyens », Politix, 75, 2006, p. 11-31 ; « Mobiliser un savoir d’usage. Démocratisation de l’espace public et confinement de la compétence civique au sein de dispositifs de budget participatif », dans Thomas Fromentin, Stéphanie Wojcik (dir.), Le profane en politique. Compétences et engagement du citoyen, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 159-183.
  • [20]
    Marion Carrel, « Politisation et publicisation : les effets fragiles de la délibération en milieu populaire », Politix, 75, 2006, p. 89-99 ; Sandrine Rui, « Quand l’individu se débat avec le citoyen : langage de l’engagement et effets de la participation institutionnalisée », dans M. Carrel et al. (dir.), Les intermittences de la démocratie…, op. cit., p. 77-87.
  • [21]
    M. Gret, Y. Sintomer, Porto Alegre…, op. cit., p. 117.
  • [22]
    Evelina Dagnino, Luciana Tatagiba, « Mouvements sociaux et participation institutionnelle : répertoires d’action collective et dynamiques culturelles dans la difficile construction de la démocratie brésilienne », Revue internationale de politique comparée, 17 (2), 2010, p. 167-185.
  • [23]
    Vincent Dubois, « La sociologie de l’action publique : de la socio-histoire à l’observation des pratiques (et vice-versa) », dans Pascale Laborier, Danny Trom (dir.), Historicités de l’action publique, Paris, PUF/CURAPP, 2003, p. 347-364.
  • [24]
    Alice Mazeaud, « La fabrique de l’alternance : la démocratie participative dans la recomposition du territoire régional, (Poitou-Charentes 2004-2010) », thèse de doctorat en science politique, La Rochelle, Université de La Rochelle, 2010.
  • [25]
    Héloïse Nez, Julien Talpin, « Généalogies de la démocratie participative en banlieue rouge : un renouvellement du communisme municipal en trompe-l’œil ? », Genèses, 79, 2010, p. 97-115.
  • [26]
    Guillaume Gourgues, Les politiques de démocratie participative, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2013.
  • [27]
    Cf. sur ce point le dossier « Ancrage politique », Politix, 92, 2010.
  • [28]
    Marc Abelès, Jours tranquilles en 89. Ethnologie politique d’un département français, Paris, Odile Jacob, 1989.
  • [29]
    Beatriz de Heredia, Moacir Palmeira, « Le vote comme engagement », Genèses, 93, 2013, p. 127-143.
  • [30]
    Jean-Noël Retière, Identités ouvrières. Histoire social d’un fief ouvrier en Bretagne, 1909-1990, Paris, L’Harmattan, 1994.
  • [31]
    Karina Kuschnir, O cotidiano da política, Rio de Janeiro, Jorge Zahar, 2000, p. 105.
  • [32]
    Pierre Grémion, Le pouvoir périphérique. Bureaucrates et notables dans le système politique français, Paris, Seuil, 1976, p. 236 ; Cesare Matina, « Mutations des ressources clientélaires et construction des notabilités politiques à Marseille (1970-1990) », Politix, 67, 2004, p. 129-155, p. 132.
  • [33]
    Goetz Ottmann, « Mediated Citizenship in Democratic Brazilian Politics : A Comparative Perspective », dans Movimentos e conflitos sociais no Nordeste, Recife Fundação Joaquim Nabuco, 2005.
  • [34]
    Alcir Almeida, Felix Lopes, « Representação política local : padrões de atuação dos vereadores em quatro cidades mineiras », Texto para discussão do IPEA, 1625, Brasilia, juin 2011.
  • [35]
    Laís Salgueiro et al., « Conexão política em espaços urbanos : estudos etnográficos sobre atuações de parlamentares na cidade do Rio de Janeiro », Ponto Urbe, 5, 2009, <http://pontourbe.revues.org/1519>.
  • [36]
    Disch Lisa et al., « La représentation politique et les effets de subjectivation », Raisons politiques, 56, 2014, p. 25-47.
  • [37]
    Hélène Combes, Gabriel Vommaro, « Relations clientélaires ou politisation : pour dépasser certaines limites de l’étude du clientélisme », Cahiers des Amériques latines, 69, 2012, p. 17-35.
  • [38]
    José Murilio de Carvalho, Cidadania no Brasil. O longo caminho, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 2002.
  • [39]
    Mayer Zald, John McCarthy, The Dynamics of Social Movements. Resource, Mobilization, Social Control and Tactics, Cambridge, Winthrop, 1979.
  • [40]
    Premier entretien réalisé avec Dona Vilma, le 4 avril 2006, dans les locaux du Club des mères de Santo Amaro.
  • [41]
    Robert Gay, Popular Organization and Democracy in Rio de Janeiro. A Tale of Two Favelas, Philadephie, Temple University Press, 1994 ; Dominique Vidal, La politique au quartier. Rapports sociaux et citoyenneté à Recife, Paris, Éditions de la MSH, 1998 ; Camille Goirand, La politique des favelas, Paris, Karthala/CERI, 2000.
  • [42]
    Entretien réalisé avec Maria Alnice, le 17 mai 2006, à son domicile.
  • [43]
    Jean-Louis Briquet, « Les amis de mes amis… Registres de la mobilisation politique dans la Corse rurale », Mots, 25, 1990, p. 23-41.
  • [44]
    Nous entendons le terme « ordinaire » par opposition à ce qui est « légitime », rejoignant ainsi la définition d’Hélène Hatzfeld. Pour cette auteure, qui étudie les « légitimités ordinaires », ce terme « n’est pas pris comme un “en-soi” des personnes ou des choses, mais comme un regard particulier porté sur elles, qui servira d’analyseur de la notion de légitimité ». Cf. Hélène Hatzfeld, Les légitimités ordinaires. Au nom de quoi devrions-nous nous taire ?, Paris, L’Harmattan/Adels, 2011, p. 23.
  • [45]
    Entretien collectif réalisé avec Rosineide et Edilma, le 17 mai 2006, à leur domicile.
  • [46]
    L’observation du déroulement du budget participatif de Porto Alegre en octobre 2014 m’a permis de constater un phénomène similaire de dénonciation des « profits » que les délégués tireraient de leur position, généralement démentis par les candidats à la délégation qui tendent à rappeler le caractère bénévole de leur engagement.
  • [47]
    Samuel Hayat, « La représentation inclusive », Raisons politiques, 50, 2013, p. 115-135.
  • [48]
    Notes de terrain, juin 2006.
  • [49]
    S. Hayat, « La représentation inclusive », art. cité.
  • [50]
    Pierre Rosanvallon, Le peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France, Paris, Gallimard, 2002 (Folio Histoire), p. 56.
  • [51]
    Irlys Alencar Firmo Barreira, « A política de perto : recortes ethnográficos de campanhas eleitorais », Novos estudos, 74, 2006, p. 177-194.
  • [52]
    Hanna F. Pitkin, The Concept of Representation, Berkeley, University of California Press, 1967.
  • [53]
    Héloïse Nez, « Nature et légitimités des savoirs citoyens dans l’urbanisme participatif », Sociologie, 2 (4), 2011, <http://sociologie.revues.org/1098>.
  • [54]
    Entretien réalisé avec Maria Alnice, le 17 mai 2006, à son domicile.
  • [55]
    Notes de terrain, le 1er avril 2006.
  • [56]
    Irlys Alencar Barreira, « Representação sobre a política entre lideranças populares : limites e potencialidade de uma ferramenta conceitual », Sociedade e Estado, 24 (3), 2009, p. 767-796.
  • [57]
    Notes de terrain, le 8 avril 2006.
  • [58]
    Notes de terrain, le 6 mai 2006.
  • [59]
    Aldaíza Sposati, Elza Lobo, « Controle social e políticas de saúde », Cadernos de Saúde Pública, 8 (4), 1992, p. 366-378, p. 372.
  • [60]
    Samuel Hayat, « “Au nom du peuple français” : la représentation politique en question autour de la révolution de 1848 en France », thèse de doctorat en science politique, Saint-Denis, Université Paris VIII, 2011, p. 448.
  • [61]
    Compte rendu de la réunion ordinaire du 17 septembre 2007, Conseil municipal de la femme de Recife.
  • [62]
    Entretien réalisé avec Agricélia le 13 septembre 2007, dans les locaux du Conseil municipal de la femme.
  • [63]
    Note de terrain, le 14 juin 2006.
  • [64]
    Sa Vilas Boas Marie-Hélène, Tarragoni Federico, « Le concept de clientélisme résiste-t-il à la participation populaire ? Une comparaison Brésil-Venezuela », Critique internationale, 68, 2015, p. 103-124.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.80

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions