Couverture de RFSP_651

Article de revue

Gouverner par la communauté de quartier (shequ) en Chine

Ethnographie de la bureaucratisation participante des comités de résidents à Pékin

Pages 85 à 110

Notes

  • [1]
    Directrice du comité de résidents, quartier ouvrier, 27 septembre 2007.
  • [2]
    Loi organisationnelle des comités de résidents de la République populaire de Chine, article 2, décembre 1989.
  • [3]
    Martin K. Whyte, William L. Parish, Urban Life in Contemporary China, Chicago, The University of Chicago Press, 1984.
  • [4]
    Pierre Miège, « Les évolutions de la danwei dans la Chine des réformes : une analyse des changements de la société urbaine (1978-2004) », thèse de doctorat en sociologie, Paris, EHESS, 2005.
  • [5]
    Terme emprunté à Jay Rowell, Le totalitarisme au concret, Paris, Economica, 2006.
  • [6]
    Sur les réformes des entreprises d’État, cf. Antoine Kernen, La Chine vers l’économie de marché, Paris, Karthala, 2004 ; Jean-Louis Rocca, La condition chinoise, Paris, Karthala, 2006.
  • [7]
    James Derleth, Daniel R. Koldyck, « The Shequ Experiment : Grassroots Political Reform in Urban China », Journal of Contemporary China, 13 (41), 2004, p. 747-777 ; Peng Bo, « Gouvernance des communautés résidentielles et contrôle étatique : le cas de la médiation communautaire à Shanghai », Perspectives chinoises, 86, novembre-décembre 2004, <http://perspectiveschinoises.revues.org/701> (consulté le 10 novembre 2014).
  • [8]
    Benjamin L. Read, Roots of the State. Neighborhood Organization and Social Networks in Beijing and Taipei, Stanford, Stanford University Press, 2012.
  • [9]
    Jean-Pierre Cabestan, Le système politique chinois, Paris, Presses de Sciences Po, 2014.
  • [10]
    Cf., par exemple, le numéro thématique « Community Studies and Social Construction in China », Social Sciences in China, 29 (1), 2008.
  • [11]
    David Bray, Social Space and Governance in Urban China. The Danwei System from Origins to Reform, Stanford, Stanford University Press, 2005 ; Elaine Jeffreys (ed.), China’s Governmentalities. Governing Change, Changing Government, Londres, Routledge, 2009 ; Thomas Heberer, Christian Göbel (eds), The Politics of Community Building in Urban China, Londres, Routledge, 2010.
  • [12]
    Cf. Amandine Monteil, Jie Li, « Le “réseau communautaire”, instrument de développement urbain durable en Chine ? », Mondes en développement, 133, 2006, p. 101-111 ; Wang Di, « Pratiques et normes de fonctionnement des comités de résidents : conséquences et limites d’une gestion par les chiffres », Perspectives chinoises, 1, 2013, p. 7-16, <http://perspectiveschinoises.revues.org/6485> (consulté le 15 mars 2013).
  • [13]
    Michael Lipsky, Street-Level Bureaucracy. Dilemmas of the Individual in Public Services, New York, Russel Sage Foundation, 1980.
  • [14]
    Pierre Bourdieu, « Droit et passe-droit : le champ des pouvoirs territoriaux et la mise en œuvre des règlements », Actes de la recherche en sciences sociales, 81-82, 1990, p. 86-96, dont p. 92.
  • [15]
    Vincent Dubois, La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 2003. Sur la Chine, cf. Isabelle Thireau, Linshan Hua, Les ruses de la démocratie. Protester en Chine, Paris, Seuil, 2010 ; dossier « Au nom de l’État : interactions entre administrateurs locaux et citoyens », Perspectives chinoises, 1, 2013.
  • [16]
    Gilles Jeannot, Les métiers flous. Travail et action publique, Toulouse, Octares, 2011.
  • [17]
    Directeur du comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [18]
    Directrice d’un comité de résidents, quartier récent, 3 juin 2008.
  • [19]
    Employé d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 2 novembre 2007.
  • [20]
    Employée d’un comité de résidents, quartier ancien, 11 mai 2007. De nombreux termes chinois (xitong, tixi) montrent que la communauté de quartier est davantage conçue comme un système que comme un espace de vie.
  • [21]
    Employée du comité de résidents, quartier ouvrier, 28 avril 2007.
  • [22]
    Directeur du comité de résidents, quartier ancien, 13 juin 2008.
  • [23]
    Habitant, quartier ancien, 23 avril 2007.
  • [24]
    Employée du comité de résidents, quartier ouvrier, 28 avril 2007.
  • [25]
    Directeur du comité de résidents, quartier ancien, 11 mai 2007.
  • [26]
    Employée du comité de résidents, quartier ouvrier, 28 avril 2007.
  • [27]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 23 octobre 2007.
  • [28]
    Directrice du comité de résidents, quartier ouvrier, 28 avril 2007.
  • [29]
    Habitante, quartier ancien, 28 octobre 2008.
  • [30]
    Habitant, quartier ancien, 5 mai 2007.
  • [31]
    La responsable organise des activités (Journée de la Femme) et tient un rôle de conseiller conjugal.
  • [32]
    Dans les quartiers anciens, cet agent collecte les frais d’hygiène (nettoyage des parties communes, ramassage des déchets).
  • [33]
    Employés du comité de résidents, quartier ancien, 5 avril 2007.
  • [34]
    Employés du comité, quartier ancien, 11 mai 2007.
  • [35]
    Habitante, quartier ouvrier, 27 mars 2007.
  • [36]
    Employé âgé du comité de résidents, quartier ouvrier, 2 novembre 2007.
  • [37]
    Employée de comité de résidents, quartier ancien, 11 mai 2007.
  • [38]
    D’après l’enquête, le niveau de salaire variait selon les arrondissements (qu) mais aussi selon la fonction et le statut (directeur, directeur adjoint, secrétaire de la cellule du Parti communiste, employé, employé pré-retraité).
  • [39]
    À chaque niveau de l’administration municipale correspond une cellule du Parti communiste.
  • [40]
    C’était néanmoins le cas dans le centre ancien de Pékin. Le comité de résidents était composé de résidents du quartier, élus certes, mais peu présents au bureau de la communauté de quartier. Les contacts les plus fréquents avec les habitants restaient avec les agents salariés.
  • [41]
    Directrice adjointe d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 27 mars 2007.
  • [42]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 13 juin 2008.
  • [43]
    Kelei Lin, Xianyang Yu, « Beijing shi shequ jianshe zhong de zhidu chuanxin » [« L’innovation institutionnelle dans la construction des communautés de quartier à Pékin »], Beijing shehui kexue [Sciences sociales de Pékin], 3, 2004, p. 52-58, dont p. 58.
  • [44]
    Directrice d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 25 avril 2007.
  • [45]
    Employé d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 2 novembre 2007.
  • [46]
    Richard Hoggart, La culture du pauvre, Paris, Minuit, 1970, p. 119.
  • [47]
    Enseignante dans les « communautés de quartier », quartier ancien, 26 septembre 2007.
  • [48]
    Serge Paugam, « Les formes contemporaines de la disqualification sociale », Ceriscope pauvreté, 2012, <http://ceriscope.sciences-po.fr/pauvrete/content/part5/les-formes-contemporaines-de-la-disqualification-sociale> (consulté le 12 décembre 2013).
  • [49]
    Les institutions municipales en Chine urbaine commencent au niveau du bureau de rue, échelon administratif « de base », correspondant aux cantons (xiang) en Chine rurale. Cf. Paul Charon, « Anatomie de l’État local en Chine, structuration et distribution du pouvoir », Sinopolis, 1er septembre 2011, <http://www.sinopolis.hypotheses.org/290> (consulté le 8 novembre 2014) ; Jae Ho Chung, Tao-Chiu Lam (eds), China’s Local Administration. Traditions and Changes in the Sub-National Hierarchy, Londres, Routledge, 2010.
  • [50]
    Malgré une revalorisation régulière des salaires, ils demeuraient largement inférieurs au salaire moyen à Pékin.
  • [51]
    Le recensement, notamment des naissances, est particulièrement surveillé.
  • [52]
    Les bureaux ouvrent de 9 h à 11 h 30 et de 13 h 30 à 17 h, du lundi au vendredi.
  • [53]
    Directrice du comité de résidents, quartier récent, 30 avril 2009.
  • [54]
    Directeur du comité de résidents, quartier ancien, 24 avril 2009.
  • [55]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier récent, Pékin, 30 avril 2007.
  • [56]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 27 mars 2007.
  • [57]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier récent, 22 avril 2007.
  • [58]
    Habitante âgée, quartier ancien, 10 mai 2007.
  • [59]
    Propriétaire, quartier récent, 28 décembre 2007.
  • [60]
    Habitant, quartier ancien, 11 avril 2007.
  • [61]
    Habitante, quartier ouvrier, 8 avril 2007.
  • [62]
    Habitante, quartier ancien, 29 avril 2007.
  • [63]
    Habitante, quartier ancien, 20 octobre 2008.
  • [64]
    Habitant, quartier récent, 31 mars 2007.
  • [65]
    Habitant jardinier volontaire, quartier ouvrier, 30 mars 2007.
  • [66]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 6 avril 2007.
  • [67]
    Lisa Wedeen, « Acting “As If” : Symbolic Politics and Social Control in Syria », Comparative Studies in Society and History, 40 (3), juillet 1998, p. 503-523.
  • [68]
    Observation lors d’une sortie dans Pékin, 25 avril 2007.
  • [69]
    Employé d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 2 novembre 2007.
  • [70]
    Un phénomène similaire existe à Cuba, selon Marie-Laure Geoffray, « Culture, politique et contestation à Cuba : une sociologie politique des modes d’action non conventionnels en contexte autoritaire », thèse de science politique, Paris, Sciences Po Paris, 2010, p. 185.
  • [71]
    Siheyuan : maison carrée comportant au moins une cour en son centre et n’offrant qu’une porte d’entrée sur l’extérieur, toutes les ouvertures de la maison donnant vers l’intérieur, sur la cour.
  • [72]
    Message de la police locale (paichusuo), centre ancien, 25 septembre 2007.
  • [73]
    Annonce, quartier ouvrier, 17 avril 2007.
  • [74]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [75]
    Site Internet de la communauté de quartier, consulté le 22 mars 2012.
  • [76]
    Observation dans un bureau, quartier récent, 30 avril 2007.
  • [77]
    Howard S. Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985, p. 179-186.
  • [78]
    Lors de la campagne de lutte contre le mouvement du Falungong en 1999, le comité de résidents fut mobilisé comme enquêteur et délateur.
  • [79]
    Résidente, quartier ouvrier, 30 mars 2007.
  • [80]
    Employée du comité de résidents, quartier ancien, 11 mai 2007.
  • [81]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [82]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 8 mars 2007.
  • [83]
    David Bray, « Building “Community” : New Strategies of Governance in Urban China », Economy and Society, 35 (4), 2006, p. 530-549.
  • [84]
    Béatrice Hibou, La force de l’obéissance. Économie politique de la répression en Tunisie, Paris, La Découverte, 2006, p. 320.
  • [85]
    Directrice d’un comité de résidents, centre ancien, 27 septembre 2007.
  • [86]
    Employé d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 2 novembre 2007.
  • [87]
    Enseignante dans les communautés de quartier, centre ancien, 26 septembre 2007.
  • [88]
    Allocataire du dibao, quartier ancien, 20 avril 2008.
  • [89]
    Allocataire du dibao, quartier ouvrier, 28 avril 2007.
  • [90]
    Ce contrôle est lié au faible nombre d’allocations disponibles.
  • [91]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [92]
    Cf. aussi Jean-Louis Rocca, La condition chinoise, Paris, Karthala, 2006, p. 150.
  • [93]
    Résidente de longue date, quartier ancien, 29 avril 2007.
  • [94]
    Allocataire du dibao, quartier ancien, 28 avril 2007.
  • [95]
    Employée d’un comité de résidents, quartier ancien, 26 septembre 2007.
  • [96]
    Michel Foucault, Surveiller et Punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1976, p. 216.
  • [97]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 25 avril 2007.
  • [98]
    Directrice adjointe d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 8 mai 2007.
  • [99]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [100]
    Directrice du comité de résidents, quartier ancien, 30 octobre 2008.
  • [101]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [102]
    Secrétaire du Parti d’un comité de résidents, quartier ancien, avril 2009.
  • [103]
    Antoine Kernen, La Chine vers l’économie de marché, Paris, Karthala, 2004, p. 256-259.
  • [104]
    Employée du comité de résidents, quartier ancien, 28 juin 2008.
  • [105]
    Résident handicapé, quartier ancien, 3 mai 2009.
  • [106]
    Observation, quartier ancien, 16 mai 2008, 23 octobre 2008.
  • [107]
    Directeur d’un comité de résidents, centre ancien, 21 mai 2008.
  • [108]
    Didier Fassin, Des maux indicibles. Sociologie des lieux d’écoute, Paris, La Découverte, 2004.
  • [109]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 21 mars 2008.
  • [110]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 5 mars 2008.
  • [111]
    Employée du comité de résidents, quartier ouvrier, 5 avril 2007.
  • [112]
    Employée d’un comité de résidents, centre ancien, 30 octobre 2008.
  • [113]
    Directrice du comité de résidents, quartier récent, 30 avril 2009.
  • [114]
    Directeur d’un comité de résidents, centre ancien, 21 mai 2008.
  • [115]
    Les démolitions-déplacements (chai-qian) de logements anciens découlent de projets entre la municipalité (propriétaire des terrains urbains) et les promoteurs immobiliers. Au cours de l’enquête, les habitants étaient contraints de déménager et, du fait d’une indemnisation insuffisante, de se reloger dans des quartiers excentrés.
  • [116]
    J. Rowell, Le totalitarisme au concret, op. cit., p. 280.
  • [117]
    Directrice du comité de résidents, quartier récent, 5 décembre 2007.
  • [118]
    Wang Di, « Pratiques et normes de fonctionnement des comités de résidents », art. cité.
  • [119]
    Employé du comité de résidents, quartier récent, 8 avril 2007.
  • [120]
    Employée du comité de résidents, nouveau quartier, 29 avril 2009.
  • [121]
    Terme inspiré par Yasmine Siblot, Faire valoir ses droits au quotidien. Les services publics dans les quartiers populaires, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, p. 29-64.
  • [122]
    Wang Di, « Pratiques et normes de fonctionnement des comités de résidents », art. cité.
  • [123]
    Didier Fassin, « Charité bien ordonnée : principes de justice et pratiques de jugement dans l’attribution des aides d’urgence », Revue française de sociologie, 42 (3), 2001, p. 437-475, dont p. 465.
  • [124]
    Employée du comité de résidents, quartier récent, 12 octobre 2007.
  • [125]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [126]
    Volontaire, quartier ancien, 10 juin 2008.
  • [127]
    Observation, quartier ancien, 12 mars 2008.
  • [128]
    Employés d’un comité de résidents, quartier ancien, septembre 2008.
  • [129]
    Habitante, centre ancien, 29 avril 2007.
  • [130]
    Habitante, centre ancien, 5 mai 2007.
  • [131]
    La directrice d’un comité m’a discrètement donné 200 yuans pour mes cours d’anglais bénévoles (observation, quartier ouvrier, 15 mai 2007).
  • [132]
    Sylvie Tissot, L’État et les quartiers. Genèse d’une catégorie de l’action publique, Paris, Seuil, 2007, p. 227-272.
  • [133]
    L’auteure souhaite remercier Isabelle Thireau, Jean-Louis Rocca, Jingyue Xing, Mihaela Hainagiu et le comité de rédaction de la RFSP pour leurs précieux commentaires sur des versions précédentes de cet article.
« Le travail au comité de résidents est difficile à faire. On est au milieu de tout. » [1]

1Cet article s’intéresse aux tensions dans le travail quotidien des agents des comités de résidents dans le cadre de la réforme nommée « construction des communautés de quartier » (shequ jianshe). Le comité de résidents est une « organisation autonome de base des masses » (jiceng qunzhong zizhi zuzhi) [2] créée en 1954 pour assurer un suivi local dans les quartiers : elle était composée d’habitants « activistes », non membres du Parti communiste mais faisant preuve d’un soutien dynamique pour assurer l’ordre moral et politique auprès du voisinage [3], tandis que l’essentiel du contrôle social et de la prise en charge était assuré par les unités de travail (danwei), c’est-à-dire par le secteur de l’emploi public [4]. S’apparentant aux « institutions périphériques » [5] des régimes socialistes-autoritaires, cette instance marginale s’est progressivement affirmée dans la Chine des réformes. Dans le contexte de libéralisation de l’économie, la gestion urbaine fondée sur l’unité de travail a évolué vers un gouvernement de la population à partir de l’habitat [6]. Dans les années 1980, les services aux personnes en difficulté se sont peu à peu développés dans les quartiers. Dans les années 2000, les règlements ont officiellement mentionné une pluralisation (duoyanghua) de la société et l’apparition de problèmes sociaux (shehui wenti) en introduisant une nouvelle politique : la « construction des communautés de quartier » (shequ jianshe). Les comités de résidents, responsables de cette construction « communautaire », affirment avoir une double exigence d’administration (guanli) et de services (fuwu).

2Cette réforme est généralement analysée sous un angle théorique opposant État et société, ou décrivant une nouvelle « gouvernance » locale en Chine [7]. Pour Benjamin Read, le comité de résidents, en tant que « racine de l’État chinois », est une organisation renouvelée tentant de se rapprocher de la « société » [8]. Jean-Pierre Cabestan mentionne l’enjeu de la réforme des comités de résidents vers des expérimentations plus participatives mais ne développe pas le fonctionnement de cette organisation au concret [9]. En Chine, les études menées sur les comités de résidents sont principalement inscrites dans le domaine de l’administration publique (gonggong guanli) et se concentrent sur la théorie de la « communauté de quartier » (shequ) et sur une analyse prescriptive, en laissant aux enquêtes de terrain un simple statut de vérification de cadres théoriques préconçus [10]. Ces approches institutionnelles des comités de résidents ne tiennent pas compte des configurations locales du gouvernement par la communauté de quartier. Des recherches plus critiques adoptent un cadre foucaldien pour rendre compte d’une nouvelle biopolitique [11]. Cependant, elles n’évitent pas le biais de l’intentionnalité de l’État. C’est pourquoi notre recherche a privilégié une enquête qualitative partant des discours et pratiques locales en vue de préciser les dynamiques d’introduction de normes administratives au sein des comités de résidents dans leur action « au concret ». L’approche ethnographique renouvelle les études sur le gouvernement et l’action publique en Chine, en faisant ressortir les normes et les pratiques des agents de ces comités de résidents et en tenant compte de leur environnement social local [12]. Dans cet article, notre réflexion porte sur les enjeux politiques de la bureaucratisation participante des comités de résidents étudiant à la fois les effets de pouvoir exercés sur les agents et ceux produits à travers leur travail, en se décentrant ainsi de tout prisme binaire, étatique, autoritaire ou normatif.

3Une ambiguïté caractérise le processus de professionnalisation des comités de résidents. La salarisation des agents fait tendre cette instance vers une street-level bureaucracy[13]. Mais le comité de résidents demeure défini en tant qu’« organisation autonome de base des masses » élue par les habitants tous les trois ans. Il n’est pas officiellement rattaché à la hiérarchie administrative. Cette professionnalisation ambiguë, qualifiée de bureaucratisation participante, exerce des effets de pouvoir essentiels sur les agents et sur leur travail. La légitimité des agents est complexe car ils sont soumis à une « double dépendance » [14], celle d’un emploi précaire et exigeant auprès de l’administration municipale locale, mais aussi celle de l’intégration auprès des habitants qu’ils sont censés représenter.

4Cet article est nourri par une enquête de terrain ethnographique dans trois quartiers contrastés de Pékin (ruelles anciennes en centre-ville, quartier ouvrier datant de 1960-1980, quartiers récents) ayant recueilli, entre 2007 et 2009, 76 entretiens approfondis avec des employés des comités de résidents, plus de 200 entretiens avec des habitants au sujet du travail administratif dans ces quartiers, ainsi que des documents officiels de première main et des données d’observation participante.

5Il étudie le processus de bureaucratisation participante dans le cadre de la politique de construction des communautés de quartier en s’inspirant de la sociologie du guichet [15] et de la notion foucaldienne de subjectivation. Quels effets de pouvoir la bureaucratisation participante des comités de résidents exerce-t-elle sur le travail des agents ? Quel style de gouvernement se dégage de cette bureaucratisation participante ? Le comité de résidents, relais de l’administration chinoise dans les quartiers, participe de la formation de l’État par son travail quantitatif d’exécution des politiques publiques de recensement et de contrôle des naissances et, dans une moindre mesure, par un travail qualitatif d’écoute de problèmes des habitants. Résultant de la salarisation d’une organisation de base des masses, cet emploi demeure « flou » [16]. Le flou ou l’ambiguïté de la bureaucratisation participante a transformé les membres des comités en auxiliaires de terrain relais de l’administration, tout en maintenant parallèlement un discours participatif autour des communautés de quartier et de la « démocratie locale » (jiceng minzhu).

6L’article analyse les spécificités du gouvernement par la communauté de quartier, spécificités liées à la professionnalisation ambiguë des comités de résidents. Entre relais administratif et antenne de proximité, le comité de résidents s’est professionnalisé en intégrant des normes administratives. Cette professionnalisation débouche sur un emploi précaire, financé et récupéré par l’administration tout en le maintenant « sous » elle : les perspectives de carrière au-delà de la communauté de quartier sont rares. La professionnalisation s’accompagne d’une disqualification sociale des agents, soumis à un manque de reconnaissance auprès de la majeure partie des habitants qu’ils affirment « représenter », à l’exception des plus dépendants. L’ambiguïté de ce statut précaire, peu reconnu, dépendant des pressions hiérarchiques et soumis aux contraintes locales, conduit néanmoins les agents à façonner un ethos professionnel spécifique, au point de contact entre les administrations et les administrés en Chine. Ce point stratégique entretient la bureaucratisation participante des comités de résidents.

La récupération d’une organisation « autonome de base des masses » par l’administration chinoise

7En Chine, le comité de résidents est officiellement défini comme une organisation autonome de base des masses mais une dynamique de professionnalisation a été impulsée dans le cadre de la politique de construction des communautés de quartier (shequ jianshe). Entre les efforts de rationalisation de l’État et les discours sur la « démocratie locale » (jiceng minzhu) dans les quartiers, le statut des comités de résidents demeure ambigu : la professionnalisation garantit un pouvoir hiérarchique de l’administration sur le travail quotidien des employés, en lui permettant de disposer d’auxiliaires locaux sans leur permettre de rejoindre officiellement l’administration. Cette ambiguïté est au cœur de la bureaucratisation participante.

Naissance d’un emploi administratif non officiel au sein de la communauté de quartier

8Instance locale de représentation bureaucratique de la population, le comité de résidents a accompagné l’histoire de la République populaire depuis ses débuts. Sous le régime de l’unité de travail, les habitants responsables du comité de résidents étaient chargés de surveiller les individus ne relevant pas d’une unité de travail. La fin de l’organisation urbaine à partir du secteur public des unités de travail (danwei) a reconfiguré la gestion de la population des années 1970 à 1990, tandis que les comités de résidents sont devenus responsables des groupes situés hors du cadre des danwei. Dans les années 2000, les administrations ont appelé à rétablir des liens avec la population à partir du logement autour de la « communauté de quartier » (shequ), censée resserrer les liens sociaux. Depuis, la gestion se fait au niveau de l’administration municipale, jusqu’au niveau de l’habitat dans le cadre de la construction communautaire (shequ jianshe). À partir de 2004, le discours sur la société harmonieuse a imprégné la politique locale des communautés de quartier en insistant sur l’assistance aux « groupes faibles et vulnérables » (ruoshi qunti). L’administration municipale se rationalise en encadrant une instance de proximité, en même temps qu’elle tente de renouveler son image vis-à-vis de la population, en insistant sur les services et sur la satisfaction des besoins. Théoriquement, la notion de communauté de quartier représente une innovation institutionnelle mêlant action publique et discours participatif. Concrètement, les administrations récupèrent l’échelon de la shequ afin de déléguer des missions aux comités de résidents sans toutefois les intégrer dans la structure administrative. Nos entretiens avec des agents des comités montrent qu’eux-mêmes ne remettent pas en question leur ambiguïté de statut : elle fait partie du système « spécifiquement chinois » (zhongguo de guoqing).

9À Pékin, les comités de résidents ont été revitalisés, professionnalisés, et cumulent des fonctions diverses. Chaque bureau est situé au sein d’une communauté de quartier, aux frontières tracées par l’administration selon des critères géographiques et démographiques. La sphère d’intervention s’est élargie.

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« On se dirige vers un nombre de moins en moins élevé de comités de résidents dans la ville. Le tracé des communautés de quartier dessine des zones de plus en plus larges, pouvant aller de 1 000 à 3 000 foyers. » [17]
« Maintenant, la population à gérer est beaucoup plus massive qu’avant. » [18]

11Les agents du comité coopèrent avec le bureau de rue (jiedao banshichu), auquel il rapporte des données de terrain.

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« Normalement, tous les niveaux devraient être au courant des problèmes économiques et sociaux des gens. […] Le comité de résidents fait un travail de terrain. On est en contact direct avec les gens ordinaires [laobaixing]. On connaît leurs avis, leurs comportements. » [19]

13L’installation de plaques, de panneaux officiels et de logos de la « communauté de quartier » autour du bureau témoigne de la bureaucratisation des comités de résidents.

14

« On est plus systémisés [xitong] qu’avant. » [20]

15Les membres interrogés et les habitants mentionnent l’amélioration des conditions de travail, ainsi que la modernisation des infrastructures, financées par la municipalité.

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« En 2001, on était seulement sept personnes, on était dans le bureau du comité de quartier de la danwei et ce n’était pas facile. Mais en 2002, on a déménagé et nos conditions de travail se sont améliorées. En 2003, on est passé à 14 personnes qui travaillent pour la shequ. » [21]
« La surface est de 310 mètres carrés. Maintenant, les critères imposés sont d’au moins 300 mètres carrés et non plus 200, qui dataient de 2005. » [22]
« Aujourd’hui, leurs capacités et leurs fonctions dans ce travail ont augmenté. Avant, ils étaient tous de vieux messieurs. Leurs bureaux étaient tout petits. Maintenant, leurs conditions de travail sont meilleures. » [23]

17Par ailleurs, on constate une utilisation plus importante de matériel électronique. Chaque bureau est équipé d’ordinateurs connectés à Internet et reliés au bureau de rue par un système Intranet.

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« Avant, nous n’avions pas d’ordinateurs, on devait aller informer les résidents en personne. Donc on devait aller frapper à toutes les portes, parler à tout le monde. On ne mettait pas autant d’annonces. » [24]

19La réforme accentue les principes de l’efficacité, de la spécialisation, de la qualification.

20

« Avant, les membres du comité de résidents étaient âgés […]. Maintenant, l’État recrute des employés qui doivent être efficaces. » [25]

21Depuis la réforme de construction communautaire, le comité de résidents fonctionne sur une division et une spécialisation des tâches.

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« C’est devenu un travail beaucoup plus affiné, plus minutieux. » [26]
« Avant, le comité de résidents n’avait pas autant de choses à faire par rapport à aujourd’hui. […] En même temps, avant, ils avaient moins de travail. » [27]
« Avant, les conditions de travail étaient moins pratiques. Mais on ne gérait pas autant d’aspects à la fois. » [28]
« L’évolution du comité de résidents aboutit à être un agent du gouvernement [zhengfu jiguan]. Avant, ce n’était pas le cas. Maintenant, tout le personnel est soumis à des critères précis. » [29]
« Bien sûr, avant, il y avait des comités de résidents, mais ils n’étaient pas comme maintenant. Ils s’occupaient des affaires de la vie courante […]. Avant, on n’avait pas d’activité culturelle, notre comité de résidents n’avait pas assez de place pour en organiser. » [30]

23Le directeur du comité (zhuren) est chargé de la coordination d’ensemble. Il est assisté par un adjoint (fuzhuren). Chaque membre du personnel est responsable d’un domaine spécifique. Une première spécialité concerne la sécurité et la médiation (zhibao), en coopération avec la police (paichusuo). Un second poste est chargé du planning familial et du contrôle des naissances. Une troisième fonction relie le comité de résidents à une autre organisation de masse, la Ligue des femmes (fulian), qui « défend et promeut les droits des femmes » [31]. Une quatrième spécialité est l’animation du quartier. Le cinquième poste est l’assistance sociale : les responsables sont formés aux affaires civiles (minzheng), c’est-à-dire à l’aide sociale et à l’assistance aux personnes âgées ou « vulnérables ». L’hygiène (weisheng) et la préservation de l’environnement constituent le sixième domaine de responsabilité [32]. Concrètement, ces domaines se recoupent. De même, la relation entre les comités de résidents et le Parti communiste chinois est ambiguë. Le bureau du directeur du comité de résidents était souvent partagé avec le secrétaire de la section locale du Parti.

24

« Voici notre secrétaire du Parti [shuji], il s’occupe des activités pour les membres. […] Surtout de la propagande : l’éducation pour les communistes. Dans notre shequ, il y a deux chefs, le directeur du comité de résidents et le secrétaire de la section du Parti. » [33]

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Équipe du comité de résidents d’un quartier ouvrier, 2011

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Équipe du comité de résidents d’un quartier ouvrier, 2011

Source : Photographie provenant du site Internet de cette communauté de quartier

25Dans plusieurs quartiers de l’enquête, les directeurs des comités de résidents étaient également secrétaires du Parti. Ce cumul des mandats révèle l’interpénétration de ces deux institutions [34]. Les habitants y sont habitués.

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« Un comité de résidents n’est pas indépendant du Parti communiste chinois, aucune organisation d’État ne peut être séparée du Parti communiste dans ce pays, c’est un parti unique. C’est comme ça pour l’ensemble de l’administration et du gouvernement. Officiellement, ils ne sont pas ensemble. Mais en fait, pas du tout. » [35]

27Quant aux employés, les bénévoles âgés des temps passés, effectuant essentiellement des missions de surveillance et de propagande, ont cédé la place à une équipe plus jeune et plus qualifiée. Les modalités du recrutement sont de plus en plus sélectives, fondées sur des compétences et des niveaux de qualification.

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« Maintenant, notre travail est vraiment plus profond. On est obligé d’avoir un certain niveau d’éducation, un savoir obligatoire. » [36]
« Avant, les employés du comité de résidents étaient pour la plupart retraités, mais maintenant, ce sont plutôt des jeunes avec un niveau d’éducation avancé. Nous avons tous en général une licence d’université. Le niveau le plus bas est au moins le diplôme d’études secondaires. » [37]

29De plus, dans un contexte de chômage urbain élevé, l’emploi des jeunes diplômés fait actuellement problème en Chine. Le secteur de l’emploi de quartier représente désormais une voie d’accès pour cette génération en quête de stabilité.

30Principalement recrutés sur concours, les employés effectuent en général plusieurs mois de stage dans les quartiers et sont formés aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le profil des agents est celui d’un salarié sur contrat de trois ans, dont le niveau de salaire mensuel variait entre 1 000 et 1 800 yuans à Pékin en 2008-2009 [38], ce qui était à peine plus élevé que le salaire minimum.

31Le rôle local de cette instance reste ambigu car elle est aussi au cœur des discours participatifs. En témoignent les slogans sur la « démocratie locale » (jiceng minzhu). Théoriquement, la shequ est une zone administrative gérée par une triple structure : le comité de résidents (jumin weiyuanhui), composé de membres habitant le quartier élus par les habitants ; la « station de travail » (shequ gongzuozhan), composée de salariés recrutés par l’administration au niveau supérieur ; la branche du Parti communiste (dangwei zuzhi) [39]. En réalité, ces structures ont des frontières poreuses et peu de comités de résidents respectent une composition d’habitants localement élus [40]. Des élections ont lieu tous les trois ans et les municipalités affirment évoluer vers l’objectif de suffrage direct par les habitants. Cependant, notre enquête de 2009 à Pékin montre que les candidats restent présélectionnés par le bureau de rue. La plupart des habitants ne s’intéressent pas à ces élections. La majorité des comités de résidents est composée de personnes salariées faisant à la fois partie du comité de résidents et de la station de travail. Néanmoins, le cumul de deux voies de recrutement, l’élection par les habitants (minxuan), qui a lieu tous les trois ans et la confirmation du recrutement par les fonctionnaires du bureau de rue, qui ont pré-sélectionné les candidats à l’élection, contraignent d’autant plus les agents et les incitent au zèle.

32Officiellement, le bureau de rue « oriente » (zhidao) et ne « dirige » (lingdao) pas le travail des comités de résidents. Mais le bureau de rue constitue une instance d’autorité.

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« On n’a pas de pouvoir. […] Le gouvernement conseille [zhidao] notre travail […]. Ce n’est pas notre chef […]. » [41]
« Le comité de résidents est sous influence du gouvernement. […] Mais on s’adapte avant tout aux besoins des habitants, on les aide. […] On représente les habitants dans leur rapport au gouvernement, ils passent par nous pour demander des choses au gouvernement […]. On est allé au Japon pour enquêter sur le système local. C’est différent. Ils sont vraiment autonomes [zizhi]. » [42]

34Produit de la décentralisation administrative, le bureau de rue dirige la « construction communautaire » (shequ jianshe) en coordonnant les comités de résidents. Bien que ces derniers animent théoriquement la vie locale, ils se trouvent débordés par les missions administratives. À Pékin, le travail des comités comporte deux tiers de missions administratives et un tiers de travail pour les résidents [43].

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« Le bureau de rue nous dirige. S’il met en œuvre une nouvelle politique, le responsable de cette mission dans le comité de résidents est convoqué à une réunion. » [44]

36Les rapports hiérarchiques entre les comités de résidents et l’administration sont rigides : loin de favoriser l’autonomie, la réforme de construction des « communautés de quartier » en a fait des auxiliaires administratifs. Les comités de résidents ne disposent d’aucun budget, la municipalité fournissant l’équipement de base (locaux, matériel de travail).

37

« Le comité de résidents n’a pas d’argent. Ça vient du bureau de rue. On ne peut jamais utiliser d’argent ni en distribuer aux habitants. L’argent vient de plus haut et ce qu’on reçoit a une destination particulière. » [45]

38De plus, les fonctionnaires du bureau de rue convoquent régulièrement les employés à des réunions et exigent des rapports d’activité. Dans cette relation hiérarchique, les employés font preuve d’anxiété et de zèle. La peur du déclassement des agents des comités de résidents se rapproche de celle du « petit fonctionnaire » des quartiers défavorisés décrit par Hoggart, employé qui se distingue des masses populaires mais demeure hanté par les risques de rechute sociale [46]. Cela favorise la soumission des agents à leur hiérarchie. L’autonomie théoriquement garantie par la Loi organisationnelle se révèle limitée dans les quartiers de Pékin par l’annexion administrative de la structure communautaire.

La disqualification des agents des comités de résidents

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« La société harmonieuse […], à dire, c’est simple, mais à faire, c’est difficile. » [47]

40Tenus par la relation bureaucratique et par un contrat de travail à durée déterminée, les agents exécutent les ordres venant « d’en haut ». La bureaucratisation participante du comité de résidents entérine une forme de disqualification sociale au sens de Paugam [48]. Cet emploi s’accompagne de conditions précaires et d’un temps de travail élastique. Il n’existe pas de voie de promotion vers d’autres niveaux de l’administration [49]. Les agents, qui ne sont pas fonctionnaires mais contractuels, mentionnent un travail « pénible » (xinku), peu payé [50] et peu valorisant. Certaines missions, en particulier l’exécution des politiques gouvernementales, s’avèrent soumises à une pression importante du fait d’un niveau élevé d’exigence [51]. Ils affirment n’avoir aucune notion du temps, leur travail se caractérisant par une élasticité en fonction des événements. Il comporte une double dimension à la fois routinière (ils n’interviennent pas à l’extérieur de leur zone de gestion, disposent d’un bureau) et inattendue (tout incident doit être connu et résolu). Des horaires de bureau sont fixés [52], mais il faut rester disponible en cas d’urgence.

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« Si un incendie se déclare dans la nuit, je dois me rendre sur place et faire le constat avec les pompiers. » [53]
« Ici, nous sommes toujours très occupés. » [54]

42Il en découle une grande fatigue face aux heures supplémentaires, au salaire trop bas, à la gestion quotidienne des plaintes et critiques. Certains agents, diplômés du supérieur, vivent un déclassement et espèrent, à terme, changer d’emploi.

43De plus, le contact direct avec les habitants représente une difficulté importante, car le secteur du travail social est encore peu développé en Chine.

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« Ce n’est pas facile, c’est même très difficile. […]. On n’aurait pas cru que ce serait si dur et qu’il y aurait tant de choses à gérer. Le plus difficile, c’est que nous n’avons que des petits problèmes à gérer, mais il y en a beaucoup. Si tu veux bien faire, alors c’est difficile […]. Parce que c’est un travail humain, en relation directe avec les gens. » [55]
« Mon salaire n’est pas très élevé, un peu plus de 1 000 yuans. Ce travail n’est pas très valorisé, notre niveau de vie est assez bas. On est très occupés, il y a beaucoup de fonctions différentes, donc ce n’est pas très gratifiant. Personnellement, je dirais qu’il faut s’occuper de tous les problèmes de la vie des gens. Il faut aimer avoir des relations avec les gens. » [56]

45L’introduction de normes administratives ne s’accompagne pas d’une formation approfondie à la pratique de l’action publique. Prenons l’exemple d’une résidence récente dans laquelle le comité de résidents comptait cinq employés pour gérer une population de plus de 10 000 habitants. En mars 2007, l’enquête a suivi les débuts de ce comité, fondé à peine un mois plus tôt, sans que les résidents y fussent très attentifs : les quelques affiches collées sur les panneaux d’information publique dans la résidence n’étaient pas souvent lues et le bureau en sous-sol était peu visible. Peu de temps après, la directrice du comité a obtenu un congé maternité mais n’a pas été remplacée. Les employés ont rencontré énormément de difficultés à remplir leurs missions. Les agents ont confié qu’ils ne se sentaient pas aidés, mais n’osaient pas non plus se plaindre à leurs supérieurs.

46La bureaucratisation participante se traduit par une subjectivation spécifique des employés, qui qualifient leur emploi de « convenable » par défaut. Mais cet emploi sied à des individus assez peu qualifiés, notamment d’anciens employés du secteur public mis à pied (xiagang) lors des réformes et âgés de plus de 40 ans.

47De plus, une série d’objets symboliques contribuent à rapprocher de l’administration cette structure. Le tampon utilisé pour émettre les certificats, le badge officiel à leur nom ou encore la plaque à l’entrée des bureaux participent du sentiment de responsabilité. Ces éléments jouent un rôle important dans l’acceptation des contraintes et dans l’attachement à l’emploi.

48Enfin, les récompenses décernées par l’administration mais aussi les marques de politesse et de respect d’une partie de la population peuvent constituer des facteurs supplémentaires dans l’estime de soi. Malgré un niveau d’exigence élevé et une faible rémunération, les employés se disent finalement plutôt satisfaits. La directrice adjointe du comité d’un quartier récent confie les détails de sa première organisation d’un événement culturel.

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« Surtout ne le dis pas aux autres. Si je suis venue ce matin à 8 h, c’est à cause du stress. Je n’ai pas fermé l’œil, la nuit dernière. J’avais peur que les participants ne soient pas assez nombreux. Et puis il fallait réfléchir à trouver des solutions au cas où il y aurait un problème de dernière minute. […] Là, je ressens surtout un sentiment de succès, je sens que je suis capable d’organiser des événements pour autant de personnes. Je me dis “c’est toi qui l’as fait, tu as réussi”. […] Je suis vraiment très fatiguée par ce travail, je fais énormément d’heures supplémentaires. Parfois, je me dis : “Pourquoi tu fais tout ça ? Tu n’habites même pas ce quartier.” Mais l’idée de savoir que j’en suis capable, que je peux gérer toutes ces différentes choses à la fois, c’est une sensation vraiment agréable. » [57]

50La bureaucratisation participante des comités de résidents a permis de réinsérer un grand nombre de personnes en difficulté. Cette professionnalisation ne s’accompagne cependant pas d’une intégration de cette organisation à la structure administrative. Elle reste « en deçà » l’administration, entérinant une disqualification des agents. Ainsi, la bureaucratisation participante des comités de résidents introduit une forme d’emploi précaire en le justifiant à travers un discours sur l’autonomie de la « communauté de quartier ».

51Ce discours participatif permet surtout aux administrations de placer un (bouc) émissaire entre elles et la population. Dans la lignée de l’objectif de société harmonieuse, les plaintes et les critiques sont atténuées par la mise en place d’une instance tampon, interface entre les administrations et la population. Le public se plaint souvent du fait que l’administration « ne gère pas » (bu guan) les problèmes. Les comités de résidents, en première ligne, sont directement responsables vis-à-vis des habitants. La bureaucratisation participante des comités de résidents se révèle utile aux administrations car elle leur permet de disposer d’agents de terrain non intégrés à la structure administrative ; cette relation de pouvoir inégale n’est pas remise en cause par les agents.

Une faible reconnaissance des agents des comités de résidents par les habitants

52La bureaucratisation participante produit des effets de pouvoir liés à la précarité et à la surcharge de travail des comités de résidents. Un second faisceau de pouvoir provient de la relation aux habitants dans les quartiers. L’enquête de terrain a permis de caractériser un manque de reconnaissance des agents, qui s’attachent à « faire participer » une partie des habitants en vue de légitimer leur identité « populaire ».

La bureaucratisation participante à l’origine du manque de reconnaissance

53La perception des comités de résidents par les Pékinois traduit un manque de légitimité au niveau local, bien que certains habitants – souvent des personnes âgées ou en difficulté – apprécient l’aide et les services culturels fournis. Les gestes du quotidien, services rendus et petits cadeaux aux résidents incitent à des opinions favorables de la part des personnes issues des groupes « faibles et vulnérables » (ruoshi qunti).

54

« Mon comité de résidents s’occupe de mieux en mieux des habitants. Pour les retraités de plus de 80 ans, il fête notre anniversaire, il nous apporte un gâteau et des petits cadeaux. » [58]

55Selon de nombreuses personnes âgées présentes dans la journée et amenées à interagir avec leur comité, la professionnalisation a amélioré la qualité des services rendus. De plus, ces résidents plutôt âgés ou en difficulté sociale reconnaissent les efforts dont les agents font preuve pour l’animation et l’écoute.

56Cependant, le rattachement non officiel à l’administration – qui éloigne les salariés du quartier – et l’impuissance à résoudre des problèmes ou à prendre la défense des habitants constituent les principales critiques. La majorité des enquêtés reproche le manque d’indépendance des employés dans la gestion des affaires locales et une grande inefficacité : « Ils n’ont pas de pouvoir ». Une seconde critique porte sur la professionnalisation en tant que facteur d’éloignement du quartier. Les agents n’étant que rarement habitants du quartier qu’ils gèrent, en particulier dans les résidences de haut standing, qui marquent plus nettement une frontière vis-à-vis de l’extérieur, ils ne connaissent pas réellement (bu liaojie) la situation.

57

« Comment est-ce possible que notre comité de résidents, censé nous représenter, soit constitué de gens de l’extérieur ? Ce n’est pas logique, ils ne vivent pas sur place, ils ne connaissent pas cet endroit. Comment osent-ils prétendre défendre mes intérêts ? » [59]

58Dans les quartiers anciens, les représentations des habitants s’orientent vers une certaine nostalgie des comités de résidents passés, composés d’habitants qui aidaient – certes de façon inefficace, mais bénévolement – à résoudre les problèmes locaux.

59

« Avant, c’était mieux, les membres du comité n’avaient pas de salaire, ils faisaient cela par goût personnel. » [60]
« Avant, les membres habitaient sur place, ils étaient résidents. Les habitants savaient tous comment les trouver pour résoudre leurs problèmes, même le soir, après le travail. » [61]
« Avant, les membres du comité de résidents ne gagnaient pas d’argent, n’avaient pas de salaire jusque dans les années 1990. C’étaient des personnes qui n’avaient pas de travail, ou des retraités qui acceptaient de faire cette activité pour la collectivité, pour les habitants. J’ai beaucoup de respect pour ces gens, qui connaissaient vraiment toutes les familles de leur quartier ainsi que leur situation. Ils étaient très proches des habitants et veillaient à assurer l’ordre. Par exemple, je me souviens que j’accompagnais ma mère pour l’aider dans la collecte des frais d’hygiène. C’était une mission très fatigante. Mais ces gens acceptaient ce travail et le prenaient au sérieux. Ils cherchaient vraiment à aider les résidents, à régler leurs problèmes. Ils connaissaient leur situation, et pourtant ils n’avaient pas tous les moyens qu’ils ont maintenant. Maintenant, ils ont changé de nom, les comités de résidents sont absorbés dans la shequ. C’est vraiment moins bien. Avant, on avait des relations de voisinage, car les membres du comité de résidents étaient aussi des habitants de longue date, donc ils connaissaient la situation du quartier. Ici, ce ne sont plus des résidents du quartier car ils ont un bon salaire alors ils habitent évidemment en immeuble […]. Maintenant, ils ont de bonnes conditions de travail, mais on n’a plus les mêmes rapports. On a avec eux des rapports d’autorité inégale, eux sont comme des chefs et nous des gens de niveau inférieur, ils font partie d’une administration. Ils prennent leur salaire du bureau de rue, donc ils sont aussi membres de cette administration. » [62]

60Ainsi, malgré la mauvaise presse des comités de résidents comme agents de surveillance sous le système socialiste, ces derniers, composés d’habitants de longue date, entretenaient des liens d’interconnaissance avec leurs voisins. Aujourd’hui, les habitants discréditent les agents du comité de résidents depuis leur salarisation.

61À cette critique s’ajoute un rôle flou : « gérer les gens » (guan ren). La faible reconnaissance de la part des habitants maintient une indifférence et des fonctions difficiles à cerner.

62

« Le comité de résidents sert à toutes sortes de choses. » [63]
« Le comité de résidents s’occupe de la vie des personnes, des problèmes des personnes. » [64]
« Le comité de résidents s’occupe des affaires ordinaires […]. Il doit rendre service aux habitants. Pour toute affaire, on lui demande. […] S’il ne peut pas aider, il le rapporte plus haut. » [65]

63Fortement stigmatisés en tant que bureaucrates, peu connus et méprisés pour leur faible efficacité, les agents concentrent leurs efforts de contact sur une partie des habitants, les « faibles et vulnérables », en vue de légitimer leur rôle participatif. La recherche du contact entretient un rôle marginal et flou, mais grâce auquel les agents ne sont pas uniquement perçus comme des administrateurs. D’ailleurs, de façon générale, les habitants remettent rarement en question l’existence de cette instance, dont ils estiment qu’elle reste « utile, en cas de problème ».

Comment « faire participer » les habitants ?

64Les agents sont supervisés par les fonctionnaires de l’administration chinoise, mais doivent aussi entretenir des liens avec les habitants, comme le veut leur statut d’organisation populaire.

65Le comité de résidents n’est pas une instance intensément sollicitée par la population. L’indifférence correspond à l’attitude générale des habitants vis-à-vis de cette organisation. Elle est liée à une différence de rythme des habitants ayant un emploi, qui sont donc rarement amenés à rencontrer les agents du comité en journée. La plupart des habitants affirment solliciter les agents uniquement pour des formalités administratives (certificat de résidence, de nullipare). Cela pousse les agents à aller au contact, dans une démarche de participation (canyu). L’habillement des agents en témoigne. Contrairement aux administrations, dans lesquelles les fonctionnaires portent costumes ou uniformes, les employés des comités de résidents ne suivent aucun code vestimentaire.

66Sans « guichet », le travail quotidien des agents s’effectue donc à l’intérieur du bureau (répondre au téléphone ou passer des appels, s’entretenir avec les autres membres au sujet d’un problème à résoudre, émettre des certificats) et à l’extérieur, au contact direct avec les habitants (porte-à-porte fréquents pour s’enquérir d’une situation préoccupante, proposer des aides et services aux personnes âgées et handicapées).

67

« Il faut sortir. Les gens ne sont pas au bureau, ils sont dehors. » [66]

68La recherche du contact nécessite une dépolitisation des conversations ordinaires : les conversations de rue avec les habitants portent sur la santé, la météo, les études des enfants, ou encore les commérages.

69Les agents tentent de cultiver un rapport personnalisé avec eux et s’appuient sur des réseaux d’habitants « volontaires » (zhiyuanzhe) pour organiser leur travail, notamment dans les quartiers anciens. Les volontaires ont des missions sécuritaires (surveillance) ou d’animation. Dans le prolongement de l’activisme historique, l’appel au volontariat par les agents des comités de résidents entretient l’illusion d’un dispositif participatif. D’après notre enquête de terrain, ce sont rarement les habitants qui proposent leurs services : les agents se rendent au domicile d’habitants identifiés pour cette mission. Les volontaires sont issus des « groupes faibles et vulnérables » (ruoshi qunti), notamment âgés, présents dans le quartier en journée. Ils refusent rarement la proposition car cela rejoint des motivations psycho-sociales : attachement au quartier, statut social conféré par le brassard rouge noué autour du bras. Quant aux allocataires d’une aide sociale, ils sont « obligés » de devenir volontaires en contrepartie de l’aide perçue. L’action participative regroupant les agents des comités de résidents et leurs volontaires peut se comprendre dans une perspective goffmanienne. D’un côté, les agents « jouent leur rôle » en relayant l’administration auprès des habitants et, de l’autre, des habitants participent au jeu, parfois en « faisant semblant » [67], tandis que d’autres demeurent indifférents aux tentatives de récupération. Ce théâtre de la participation locale donne une image de « communauté de quartier harmonieuse » (hexie shequ).

70Cependant, les relations personnalisées entre les agents du comité et les habitants du quartier peuvent aussi déboucher sur des insultes et moqueries. Par exemple, la directrice adjointe d’un comité du quartier ouvrier est originaire de la province du Shandong ; elle parle le dialecte pékinois avec un accent prononcé, qui est souvent l’objet de remarques péjoratives d’habitants derrière son dos [68].

71La légitimité des comités de résidents dans les quartiers de Pékin est soumise au regard des habitants. Or, le tracé de la zone de gestion, dite « communauté de quartier », fait pour l’instant surtout exister une entité administrative, à l’exception des groupes âgés ou en difficulté sociale qui jouent le jeu de la participation.

La construction d’un ethos professionnel au sein d’un contexte territorialisé et différencié

72La bureaucratisation participante des comités de résidents conduit-elle à une crise du gouvernement local ? Les résultats de notre enquête ethnographique font apparaître un ethos professionnel particulier. Des normes intégrées au cours de l’apprentissage du travail administratif (comme la gestion « par les chiffres », étudiée par Wang Di), mais aussi du travail participatif (comme le tact) s’actualisent dans les pratiques et « arts de faire » des agents. Ces modes de gestion maintiennent le caractère différencié et territorialisé de l’action parapublique au sein des communautés de quartier.

Recenser, surveiller et prévenir : assurer le relais du contrôle social

73

« Tout commence parce que les Chinois sont nombreux […] vraiment trop nombreux. » [69]

74En Chine, l’imaginaire de la surpopulation justifie l’existence de relais du contrôle social pour ordonner la société. Le maintien de l’ordre demeure l’une des principales préoccupations des autorités locales, qui délèguent aux agents des comités de résidents une importante mission de surveillance et de recensement de la population. Les comités de résidents sont les garants d’un ordre social local.

75À Pékin, le quartier est un lieu de propagande [70]. Les banderoles arborant des slogans en référence au régime sont des éléments récurrents du paysage urbain. L’inscription des normes officielles dans les espaces publics est effectuée par les agents des comités de résidents sur des banderoles, tableaux noirs, notices sur les murs et les portes des immeubles. La population doit être sensibilisée aux normes citadines, informations et conseils en matière de civilité, de protection de l’environnement, de sécurité.

76

« Aujourd’hui, la police a remarqué que vos portes d’entrée de maison à cour [71] et vos fenêtres n’avaient pas été fermées. En vue de protéger la sécurité des personnes et des biens, nous vous demandons de bien vouloir fermer et verrouiller vos portes et fenêtres. » [72]

Photographie 2

Conseils généraux pour la sécurité énoncés par la police, relayés par le comité de résidents, quartier ancien, 2009

Photographie 2

Conseils généraux pour la sécurité énoncés par la police, relayés par le comité de résidents, quartier ancien, 2009

Source : Photographie de Judith Audin

77Non seulement les comités de résidents sont responsables de la diffusion spatiale des normes officielles, mais la mission principale des agents est l’information qu’ils centralisent entre administration et habitants. Les agents des comités de résidents diffusent l’information officielle dans le quartier : nouveaux règlements, réunions, annonce de recensement, ouverture des inscriptions à la crèche ou à l’aide sociale, offres d’emploi.

78

« Les habitants peuvent aller chercher gratuitement un “pack de contraception” au bureau du comité de résidents. » [73]

79Les agents transfèrent également l’information du bas vers le haut en diffusant l’information locale vers les administrations. Le recensement, normalement assuré par le bureau des statistiques, est délégué aux comités de résidents. Toute présentation officielle d’un quartier commence par les statistiques de population.

80

« [Le recensement] est spécialisé en fonction des sexes, des âges, etc. On utilise un ordinateur et les statistiques sont actualisées tous les mois. On connaît les dates d’anniversaire chaque jour. On sait aussi qui a des problèmes de tension, de santé. […] On fait des enquêtes. […] On téléphone chez les habitants. […] Parfois, ils ne veulent pas répondre. » [74]
« Cette communauté de quartier se situe dans un quartier ancien de Pékin. […] La zone comprend cinq immeubles et 2 600 pièces de bâtiments de plain-pied. La population recensée s’élève à 2 084 foyers, soit 6 266 personnes, dont 1 223 foyers de résidents de long terme, soit 4 093 personnes. On compte 7 minorités, soit 318 personnes […]. La zone compte 1 082 personnes de plus de 60 ans, soit 19,7 % de la population. Il y a 796 personnes de plus de 65 ans, 206 personnes de plus de 80 ans. Il y a 807 habitants de long terme de plus de 60 ans, dont 20 personnes âgées allocataires du revenu minimum urbain [dibao], 12 personnes âgées vivant seules, 2 personnes sans descendance, 97 personnes touchant une allocation vieillesse. On compte 89 personnes au chômage, 58 personnes en réemploi, 334 personnes dont la retraite est gérée localement, 111 personnes touchant le dibao, 3 foyers soit 8 personnes à bas revenus. Il y a 141 handicapés dont 23 touchent le dibao, 9 touchent l’aide municipale aux personnes en difficulté et 8 touchent l’allocation aux handicapés. […] La population migrante est de 619 personnes. » [75]

81Les populations cibles sont les personnes âgées, les femmes en âge de procréer, ainsi que les urbains en difficulté – chômeurs, pauvres, malades et handicapés. La communauté de quartier assure le recensement administratif en vue de cerner le profil social d’un quartier et ses populations « à risque ».

82Dans la pratique, le recensement de la population constitue une mission difficile car elle nécessite d’effectuer du porte-à-porte ou de joindre les habitants par téléphone et de leur demander un ensemble de renseignements précis. Cette opération se révèle donc fastidieuse pour deux raisons. Tout d’abord, les habitants sont rarement chez eux dans la journée, ce qui oblige les agents du comité à rester certains soirs pour les joindre. De plus, les urbains se montrent prudents sur la diffusion d’informations.

83

« Beaucoup de gens ne comprennent pas qu’on leur demande de remplir tout ça. […] Et puis, ça va aller dans les mains de qui ? » [76]

84Le recensement se heurte à la méfiance des habitants, qui tracent la limite entre ce qu’ils acceptent de livrer à l’administration et ce qui relève de leur vie privée.

85Par ailleurs, les agents des comités de résidents jouent un rôle d’entrepreneur de morale [77], dans la lignée de leur ancien rôle de propagande. Ils portent assistance à la police locale, qui demande régulièrement des informations sur les individus suspects (prise de drogue, troubles à l’ordre public [78]). En retour, la police encadre les événements organisés par le comité.

86

« Il y a des problèmes de sécurité, mais pas de situation très dangereuse. Le comité de résidents et la police locale coopèrent, ils appartiennent à la même compétence. » [79]

87Un important aspect du maintien de l’ordre est le contrôle des naissances et la prévention. Si les critères imposés ne sont pas respectés, les employés des comités de résidents sont les premiers responsables. Toute femme résidant dans leur zone de gestion doit faire établir un certificat de « femme en âge de procréer » dès 15 ans. Par la suite, elle doit informer de chaque événement concernant sa vie familiale et sexuelle : mariage, premier enfant, contraception, etc. Les comités organisent des campagnes d’éducation et de prévention (distribution gratuite de préservatifs, de pilules, de stérilets et de tests de grossesse).

88

« On assure l’administration et le service. Par exemple, le contrôle des naissances, c’est de l’administratif, car on recense régulièrement les femmes enceintes ou ayant accouché. Mais c’est aussi du service car on offre des consultations gynécologiques gratuites. » [80]

89Chaque comité anime des activités sur les risques d’hygiène ou de sécurité. Dans les quartiers anciens, la priorité était accordée à la prévention des incendies dus à l’usage du charbon en hiver [81]. En 2002-2003, durant l’épidémie de SRAS en Chine, les comités de résidents se virent attribuer des missions de prévention, de nettoyage des espaces publics, de surveillance des mouvements de population, d’inspection, de suivi des cas de contamination.

90

« On devait mettre en quarantaine les résidents présentant des symptômes de maladie. » [82]
« On ne laissait personne sortir sans raison valable. Si un foyer comptait une personne atteinte par la maladie, on l’envoyait à l’hôpital et on enfermait l’ensemble de cette famille chez eux, sans permission de sortir. On se chargeait de leur apporter de la nourriture, etc. Il fallait également faire un travail d’information auprès des résidents, à propos de l’hygiène. »

91Par cette prévention en matière de santé publique, les agents des comités indiquent aux habitants comment « mieux vivre », ce qui suggère une biopolitique [83]. Mais ce rôle est surtout pragmatique et limité en envergure.

92La normalisation ne passe pas seulement par le relais policier ou médical. La politique de civilisation a été assurée par les comités de résidents, en tant qu’héritage de leur ancien rôle de police des mœurs sociales et morales. La gouvernementalité de l’État chinois s’est orientée, au cours des réformes, vers un contrôle de la quantité de population (contrôle des naissances), mais aussi de sa « qualité » (suzhi). Les agents des comités tentent de civiliser les habitants en vue de les « mettre à niveau » [84], de les conformer à un idéal-type d’urbanité. Les Jeux olympiques de Pékin ont accéléré et amplifié cette moralisation. Les agents des comités ont organisé des campagnes pour cultiver l’esprit et les normes de civilité (wenming). Par exemple, le 18 mai 2007, une enseignante d’un institut spécialisé dans le savoir-vivre a présenté aux habitants les règles de bienséance, de présentation de soi et de politesse.

93

« On a fait venir une spécialiste du relooking pour montrer aux personnes âgées comment entretenir leur apparence […]. Tous nos événements servent à élever le niveau de l’esprit des personnes. » [85]
« La politique de réforme et d’ouverture s’est accompagnée de problèmes. Le premier, c’est les gens ; concernant leur qualité humaine et culturelle, leur apprentissage de la morale, il faut améliorer leur niveau. Le niveau de culture est encore très bas. Il y a des gens qui refusent de lire des livres, qui pensent que la culture est inutile. » [86]
« Il y a plusieurs sortes de gens, leur qualité n’est pas la même. Par exemple, il y a des gens qui poussent dans les files d’attente pour les bus. La qualité humaine, c’est très important en Chine. On fait attention avec l’arrivée des Jeux olympiques, car il y a des groupes minoritaires qui pourraient influencer de manière négative le regard sur la Chine. Donc, le comité de résidents s’en charge […]. La politesse est importante en Chine, dans son histoire longue, les rites, etc. Actuellement, il y a un problème d’éducation. […] Je veux dire que les Pékinois de longue date [laobeijing] sont polis, mais que les migrants ont des habitudes différentes. » [87]

94Enfin, le travail de tout comité de résidents est axé sur le suivi des marginaux. La sélection des demandes d’aide par les comités de résidents va de pair avec une lutte contre la fraude. L’attribution de l’aide sociale repose sur une surveillance collective – héritée de l’époque socialiste – par l’ensemble du voisinage (cf. photographie 3). En Chine, la procédure de demande d’attribution d’une aide de l’État passe par une surveillance et une enquête approfondies.

95

« Je touche le dibao depuis deux ans : 330 yuans par mois. Pour l’obtenir, ce n’est pas simple. C’est toi-même qui dois aller voir le comité de résidents, sinon personne ne s’occupera de toi. […] Il faut être Pékinois ; les non-Pékinois ne peuvent pas demander cette aide. […] Moi je n’ai pas de travail et je suis malade, je suis diabétique. […] Je fais des examens deux fois par mois à l’hôpital et le comité de résidents contrôle que je suis toujours malade. » [88]
« Les gens qui touchent le dibao, c’est parce qu’ils ne peuvent pas trouver un travail, donc parce qu’ils sont malades. […] Pour obtenir le dibao, il faut aller voir le comité de résidents, remplir des fiches et fournir les documents, par exemple des ordonnances médicales. En général, il faut être âgé de plus de 35 ans. Le comité envoie ces documents au Bureau des affaires civiles. Après environ six mois, on reçoit l’aide. Le comité de résidents colle au mur une notice qui informe les habitants et on les invite à manifester leur opinion sur l’allocataire. […] Je n’ai pas eu de problème mais, pour d’autres, les allocations ont été suspendues car les habitants les ont dénoncés. » [89]

96Les agents des comités de résidents inspectent la vie des demandeurs d’aide, attentifs à toute fraude matérielle (téléphone portable, repas composé de viande ou de poisson, animal de compagnie) ou morale (opposition politique). Dans les quartiers, solidarité et surveillance s’entremêlent en ce qui concerne l’attribution de l’aide sociale [90]. Les seuls demandeurs légitimes sont ceux justifiant d’une incapacité à travailler.

97

« Si tu as une vingtaine d’années, ça ne marchera jamais. C’est une question de capacité à travailler. Si quelqu’un a 30 ans, il est en capacité de travailler, il faut donc qu’il recherche activement un emploi. On ne peut pas attribuer le dibao à tout le monde. […] On ne peut pas donner l’argent de l’État à des jeunes qui n’ont jamais essayé de travailler, il faut du temps pour prouver qu’on ne peut pas travailler. » [91]

98En outre, l’aide est territorialisée, inégalement répartie localement. Cela génère une « concurrence » entre les demandeurs des quartiers populaires et des critères très concrets pour juger de leur légitimité [92]. La « surveillance par les masses » est considérée comme nécessaire.

99

« [Le dibao] conforte les gens dans la paresse. Si l’État te donne de l’argent, tu ne vas jamais aller chercher un emploi. » [93]

Photographie 3

Demande publique de revenu minimum urbain (dibao) d’une femme âgée de 43 ans et de sa fille de 11 ans, quartier ancien, mars 2009

Photographie 3

Demande publique de revenu minimum urbain (dibao) d’une femme âgée de 43 ans et de sa fille de 11 ans, quartier ancien, mars 2009

Traduction : « Concernant la famille ayant déposé une demande de dibao, cette communauté de quartier met en place un dispositif de publication de la demande pendant 7 jours, vous êtes tous invités à exercer votre surveillance. Raisons de la demande : veuve, sans emploi, fardeau lourd, parcours de vie difficile ».
Source : Photographie de Judith Audin

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« C’est normal, la surveillance par les voisins. On accorde l’aide uniquement aux situations les plus graves. Si on l’attribue à une personne, c’est une autre personne qui n’en bénéficie pas, donc il faut faire très attention à qui doit la recevoir. » [94]

101La sélection des « pauvres » pour l’attribution des allocations du dibao témoigne d’un pouvoir sur les vulnérables. En Chine, l’assistance se renouvelle sous une individualisation de l’aide sociale en même temps qu’une stratégie de responsabilisation des allocataires.

Accompagner les faibles et les vulnérables : animation, médiation et travail social

102

« C’est un travail précis, doux, mais aussi harmonieux. » [95]

103Cette citation suggère que la sollicitude devient une norme du travail administratif au niveau local : les agents exercent une « surveillance bienveillante » [96] et témoignent d’une exigence de tact dans le gouvernement local.

104L’objectif de l’animation à la fois festive et éducative est de favoriser les relations « amicales et fraternelles » entre les habitants. Le comité de résidents coordonne l’animation sociale dans le quartier dans le cadre du développement des services à la personne, avec une attention portée au problème du vieillissement de la population. Il s’agit de « canaliser » le dynamisme des individus vers des pratiques récréatives et sportives collectives « saines », en cultivant le folklore politique et culturel chinois. Les employés des comités de résidents surveillent l’évolution des groupes de sociabilité de leur quartier et tentent de rattacher toute nouvelle activité de loisir à la politique de leur shequ. Les agents des comités planifient l’installation de tables et bancs publics afin que les résidents pratiquent mah-jong, échecs ou cartes. Des locaux sont mis à leur disposition pour qu’ils y exercent gratuitement des loisirs « conformes ». Les résidents sont invités à participer à des activités mêlant loisirs culturels et sportifs à l’éducation, et la sensibilisation de la population aux politiques gouvernementales. Malgré un soutien aux politiques gouvernementales et une tonalité patriotique, la dimension festive de la mobilisation est réelle. Les activités gratuites (chorale, ping-pong, danse) ouvertes aux habitants prolongent chez les générations âgées la mémoire de la culture communiste. Qu’elles soient ou non membres du Parti communiste, les personnes de plus de 60 ans apprécient ces loisirs, qu’elles conçoivent de façon collective. Cette génération est toujours attachée à la sociabilité et à la solidarité de groupe, qu’elle estime plus saine que l’individualisme, associé à l’égoïsme et à la « mentalité bourgeoise ». À cela s’ajoute un souci du corps et de la santé. Reconvertis en animateurs sociaux, les agents des comités s’attachent à dynamiser la sociabilité et l’intégration des personnes seules ou dépendantes. Régulièrement, des représentations publiques ou des sorties collectives ont lieu. Leur but est « de s’amuser et de rapprocher les résidents » [97]. Le mode de financement des sorties en autocar intègre des entreprises – magasins d’usine – dans des partenariats, ce qui permet de bas prix. Les sorties sont rarement organisées le week-end car les employés ne travaillent pas et ce moment est réservé aux visites familiales. Les participants se disent rarement satisfaits : l’originalité des lieux visités est faible. Pourtant, tout en se plaignant, ils continuent de s’y inscrire. Ce rôle d’agent de sociabilité est un élément de la légitimité du comité de résidents.

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« On organise des activités et des événements culturels en vue de rassembler et de réunir les résidents. Ainsi, ils apprennent à nous connaître et seront plus coopératifs pour nos missions plus formelles, plus administratives. » [98]

106Ils parviennent à toucher un public : les générations ayant vécu sous Mao ou ayant été socialisées par le système de la danwei y trouvent des références communes et apprécient de se retrouver entre voisins. Néanmoins, le style de l’animation demeure assez éloigné des loisirs d’autres générations, plus exigeantes et autonomes dans leurs pratiques.

107Au-delà de la tentative de rapprochement des comités de résidents avec les habitants, l’animation témoigne du souci de donner à voir la sollicitude de l’État chinois.

108

« Les droits de l’homme en Chine font l’objet de beaucoup de critiques. Mais en fait, les droits de l’homme sont quelque chose d’important pour nous et on les respecte, […] à la base. » [99]

109Ce discours illustre le rôle compassionnel des comités de résidents qui accompagnent des individus vulnérables, en vue de les « faire vivre ».

110

« Un peu plus de 100 personnes touchent le dibao. Souvent, les récipiendaires du dibao sont des drogués, ce genre de personnes. […] Il faut les empêcher de mourir. Si l’État ne les aide pas, ils vont mourir. » [100]
« Il suffit qu’il y ait des gens, il suffit qu’il y ait de la vie et notre responsabilité est engagée. […] On cherche à protéger la qualité et à préserver la vie des gens de notre quartier. » [101]

111Le comité de résidents prend en charge les personnes handicapées du quartier.

112

« Tu vois ces objets. Ils sont faits main par nos handicapés. […] Il y a plus de 100 handicapés dans cette shequ. […] Les personnes qui n’ont pas moyen de vivre par eux-mêmes, c’est l’État qui s’en occupe. On est passés de l’administration des gens aux services à la personne. » [102]

113L’assistance aux plus démunis traduit l’objectif d’instaurer un équilibre social et, dans le même temps, de trier, de catégoriser des vulnérables (urbains), d’en exclure d’autres (migrants). Dans une attitude maternelle, les employés parlent de « prendre soin » des plus démunis. La sollicitude devient l’une des politiques de refonte de l’État social en Chine.

114Cette tendance compassionnelle s’incarne dans le « folklore » [103] des campagnes de don.

115

« Nous sommes occupés par la préparation de l’anniversaire du Parti communiste chinois. Le 1er juillet, le directeur du comité de résidents va rendre visite aux membres du Parti âgés et aux personnes en difficulté [pinkun]. Il leur donne des cadeaux, prend des nouvelles sur leur situation et leur offre des services et de l’aide. » [104]
« Le comité de résidents m’a offert un fauteuil roulant et des toilettes portatives […] parce que je suis handicapé. » [105]

116La collecte de dons et la solidarité a parfois une envergure nationale : après le tremblement de terre du Sichuan du 12 mai 2008, les comités de résidents étaient fortement mobilisés [106]. L’affichage des noms des donateurs, des dates et des montants des dons sur des panneaux placés à l’extérieur du bureau tente de donner une image de transparence.

117

« La shequ, ce n’est pas comme une entreprise, c’est une organisation populaire, elle ne peut pas recevoir d’argent. […] Ici, c’est une action caritative impartiale, équitable et transparente. […] Tout le monde peut donner. C’est pour ça qu’il faut tenir les comptes. Tout est publié. […] On ne veut pas risquer que les habitants doutent de notre honnêteté. » [107]

118Le traitement des questions sociales passe aussi plus simplement par l’accompagnement, le « relationnel ». Le slogan « Offrir des services aux résidents » rejoint le secteur du travail social, qui se construit par le biais de cette instance, en réseau avec des associations et des ONG.

119L’importance de « l’écoute » de la souffrance sociale [108], ainsi que de l’accompagnement et de la médiation témoigne d’un redéploiement de l’État dans le secteur du travail social.

120

« Je prépare l’examen de qualification en travail social. […] On nous demande comment on gère tel ou tel problème. On doit savoir comment aider les gens qui ont des problèmes. » [109]

121Écoute, médiation et services à la personne sont devenus essentiels. Les agents des comités de résidents suivent des formations en droit, sociologie ou psychologie. Au cours de cette construction d’un métier du social, la féminité représente à la fois une qualité et une contrainte professionnelle : habitants et employés considèrent que cet emploi « convient aux femmes » car il reste associé à une faible efficacité et il s’inscrit dans le relationnel, la disponibilité, l’apaisement, la compassion, la patience, le calme, et l’écoute.

122

« Ce travail convient plus aux femmes. Les femmes sont plus douces que les hommes, c’est adapté à notre personnalité. » [110]
« Les femmes sont plus adaptées au travail social et aux missions de contact. » [111]
« Pour faire ce métier, il faut avoir de la compassion, il faut être dévoué […], il faut tout faire pour contenter les gens ordinaires, sinon, ce n’est pas la peine. » [112]
« Je ne peux pas laisser tomber mes résidents. Je suis trop généreuse, je suis toujours là pour les aider, je ne peux jamais refuser. » [113]
« Si tu as un tempérament plutôt fort, alors ce sera très difficile de t’adapter à cet emploi. » [114]

123D’ailleurs, la localisation des comités dans un quartier, extension de l’espace domestique, confirme le lien entre compétences féminines et professionnelles.

124Enfin, les comités de résidents sont chargés de la médiation des conflits. Cette mission est justifiée par leur rôle de tierce partie lors de problèmes impliquant les familles ou le voisinage.

125Bien qu’inefficaces dans les conflits politiques liés à l’économie de l’immobilier [115], les agents trouvent parfois des solutions aux problèmes de petite envergure. Dans les nombreux cas où l’agent ne peut pas aider les résidents, des formes d’empathie désolée se manifestent, à l’image des guichetiers face aux demandeurs d’aide en RDA [116].

Les savoir-faire de la flexibilité : face au nombre des missions, hiérarchiser les tâches

126Des savoir-faire sont produits par le statut et le contexte précaires et flexibles au sein des comités de résidents. L’exécution des directives et des circulaires venant « du haut » se recompose « en bas » dans le contact en face à face avec la population, ce qui traduit un apprentissage spécifique. Les agents des comités de résidents, en exécutant ces missions, les confrontent au terrain.

127

« Le travail, ce n’est pas que l’administratif, c’est aussi de rendre des services aux gens. » [117]

128Les employés, formés à des techniques de gestion « par les chiffres » [118], s’adaptent donc aussi aux demandes et cas particuliers. L’enquête révèle qu’ils développent des savoir-faire dans ce traitement des demandes.

129Tout d’abord, face à l’absence de culture administrative officielle, l’action publique repose en grande partie sur les qualifications et talents personnels des agents, ce qui accroît la diversité des situations en fonction des quartiers, du profil social des habitants et du personnel du comité. Ce dernier ne constituant pas une « profession » rattachée à un profil ou à une filière de recrutement propre, ses employés sont issus d’horizons variés. Pourtant, des normes internes partagées se développent car il règne en général une bonne ambiance au sein des équipes, qui conçoivent le travail de façon solidaire et partagent ensemble un statut ambigu.

130Le savoir-faire des agents des comités de résidents caractérise leur capacité de hiérarchisation entre les différentes tâches de l’action publique. La double facette administrative et populaire permet aux agents de gérer les demandes en les hiérarchisant.

131

« Après la fin du travail à 17 h, c’est fini jusqu’au lendemain. Ceux qui ont besoin d’aide, ils peuvent bien attendre le jour suivant. » [119]

132Les employés s’octroient aussi des marges de manœuvre pour rendre leur travail moins laborieux.

133

« Quand les chefs de famille ne sont pas là pour signer lors du porte-à-porte, on fait signer quand même, en imitant les noms. » [120]

134Les employés des comités de résidents assument aussi le fait de ne pas parvenir à répondre aux problèmes des habitants, invoquant non pas l’incompétence mais le manque de moyens.

135

« On n’est pas toujours satisfaits, il y a beaucoup de choses qu’on voudrait faire mais qu’on ne peut pas faire. […] Mais nous n’avons pas de pouvoir. »

136En effet, ils hiérarchisent les tâches au quotidien : enregistrer les allocataires d’aide sociale, choisir quel problème faire remonter au niveau supérieur, rapporter telle ou telle suggestion émise par les habitants, comptabiliser la population à recenser. Les agents définissent leurs propres modes d’action tout en restant dans les cadres définis par l’administration et en accordant une priorité aux évaluations des supérieurs hiérarchiques. Le bureau est avant tout le lieu de la « paperasse » [121] et de la gestion par les chiffres, missions prioritaires sur les autres [122]. Avant de rendre leur rapport annuel, les agents s’assurent que ces données demeurent cohérentes d’une année sur l’autre, ce qui n’exclut pas des tactiques de falsification.

137Leur quotidien est routinier et ponctué de microdécisions d’urgence, en fonction du public qui leur fait face. La hiérarchisation des tâches donne aussi à réfléchir sur les « intermittences du pouvoir » [123]. Le contrôle politique et social oscille entre resserrement et relâchement du travail administratif. Le stress des agents augmente au moment de la rédaction de rapports d’activités annuels. Quant à l’intensification du contrôle local, elle survient dans des temporalités politiquement sensibles au niveau central (Congrès du PCC, Jeux olympiques). Le travail des agents se concentre alors sur le maintien de l’ordre et de la sécurité.

138

« Cette semaine, on sera occupé à organiser le 17e Congrès du Parti. Il faut organiser des groupes de volontaires pour la sécurité. […] Il n’y en a pas besoin tous les jours, seulement pour les grands événements. Là, il faut qu’ils sortent tous les jours. » [124]

139Lors de ces moments apparaît la particularité de Pékin en tant que « lieu politique », siège des institutions de l’État central. Les employés sont plus anxieux, moins disponibles et concentrent leur énergie sur la sécurité des espaces publics en mobilisant les habitants.

140

« Pendant les Jeux olympiques, on a modifié notre travail. Il fallait impliquer les habitants. Il ne fallait pas que certains posent des problèmes au gouvernement alors on les éduquait sur différents aspects : l’environnement, par exemple le tri des ordures, la sécurité. On a fait de la diffusion d’information, des événements thématiques pour mobiliser. » [125]

141Dans les quartiers de Pékin, tout le monde estimait qu’« à l’approche des Jeux, la sécurité devenait une affaire sérieuse » [126]. Les volontaires pour la sécurité étaient d’ailleurs nettement sollicités [127]. Après chaque pic de mobilisation, le contrôle sécuritaire se relâche [128].

142Souplesse, flexibilité et adaptation au contexte local constituent donc un ensemble de normes de travail. Il existe d’importantes différences de conditions de travail entre les communautés de quartier, du fait de ressources locales inégales. Tandis que certains comités disposent de locaux spacieux, d’autres se situent en sous-sol, en particulier dans les résidences récentes. Au contraire, l’ancrage de long terme d’une équipe d’agents participe de sa reconnaissance dans les quartiers anciens, où cette organisation existe depuis les années 1950.

143La hiérarchisation des priorités a poussé les employés à maîtriser un double langage, celui de l’administration et du cadre officiel, mais aussi le langage local, en développant le tact face à un public d’habitants. Dans les quartiers, ils sont parfois amenés à fournir inégalement leurs services. Le problème du favoritisme est soulevé par de nombreux résidents.

144

« Si tu ne leur fais pas des compliments, tu ne peux pas bénéficier d’aides. On peut faire des critiques sur les problèmes des administrations mais ils préfèrent qu’on n’en fasse pas, il y a du chantage en fait. » [129]
« Il y a de l’aide aux chômeurs mais cela dépend des relations personnelles […]. Ça reste une condition nécessaire pour se réinsérer. » [130]

145Les agents des comités de résidents s’appuient sur des réseaux informels pour gagner en efficacité dans leur travail de collecte d’information, même si c’est parfois porteur d’intérêts jugés injustes par les autres. Ils offrent à certains résidents des petits cadeaux pour les remercier de leur aide [131]. Les comités de résidents sont parfois même accusés de fraude. Dans un cas, par exemple, ils étaient suspectés d’avoir loué une partie de leurs locaux publics pour en retirer des bénéfices. Cependant, l’ampleur de ces pratiques clientélistes reste limitée.

146La territorialisation de l’action parapublique des communautés de quartier se traduit par une différenciation géographique et temporelle. L’ambiguïté des statuts et des missions a permis l’adaptation des agents au contexte en maintenant un certain flou.

147

« Le comité de résidents, c’est comme un panier, on peut tout y fourrer. »

148Cette instance se professionnalise au cœur d’une réforme « en train de se faire ». Les agents y ont développé des normes de travail spécifiques, adaptées à ce statut flottant. La réforme des quartiers a donc « inventé un groupe professionnel » [132] sans profession.

149* * *

150Symboles d’un passé idéologique, les comités de résidents pékinois se professionnalisent sans pour autant rejoindre la catégorie des fonctionnaires de l’administration chinoise. Notre article prend le contre-pied des analyses unilatérales sur l’autoritarisme chinois, sur son omniprésence ou sur les résistances pour étudier l’ambiguïté du gouvernement par la communauté de quartier et les lignes de forces mouvantes dans les quartiers.

151L’enquête ethnographique sur le travail des agents démontre que la bureaucratisation participante renforce la précarité du statut des agents, soumis au double contrôle de l’administration et des habitants. Tout en maintenant leur statut historique, la municipalité y introduit des normes administratives afin de profiter d’auxiliaires présents sur le terrain. Cette bureaucratisation participante se traduit, pour les agents des comités, par une précarité du travail et par un manque de reconnaissance contribuant à leur disqualification et à leur difficile légitimation dans les quartiers : en tant que relais de l’administration et instance de médiation, l’énergie déployée au quotidien ne suffit pas à créer des liens de confiance avec la population.

152Malgré ce statut ambigu, les employés se situent à un point stratégique de gouvernement puisque la mise en œuvre de l’action publique ainsi que les initiatives de contact direct avec les habitants sont le fruit de leurs actions. Sans entrer en crise, cette instance continue d’être « en train de se réformer ». La municipalité de Pékin a annoncé développer les élections directes, à l’image du dispositif en vigueur dans les campagnes. Elle étend également la « construction des communautés de quartier » (shequ jianshe) sur les zones rurales urbanisées à grande échelle. Ce faisant, elle maintient l’ambiguïté de cette structure de gouvernement [133].


Annexe
Tableau

L’administration municipale à Pékin

Tableau
Échelons Administration en charge Ville (shi) Mairie (shi zhengfu) Arrondissement (qu) Mairie d’arrondissement (qu zhengfu) Sous-arrondissement (jiedao) Bureau de rue (jiedao banshichu), police de quartier (paichusuo) Communauté de quartier (shequ) Comité de résidents communautaires (shequ jumin weiyuanhui)

L’administration municipale à Pékin

Remarque : le comité de résidents apparaît en grisé car il n’appartient pas à l’administration.

Notes

  • [1]
    Directrice du comité de résidents, quartier ouvrier, 27 septembre 2007.
  • [2]
    Loi organisationnelle des comités de résidents de la République populaire de Chine, article 2, décembre 1989.
  • [3]
    Martin K. Whyte, William L. Parish, Urban Life in Contemporary China, Chicago, The University of Chicago Press, 1984.
  • [4]
    Pierre Miège, « Les évolutions de la danwei dans la Chine des réformes : une analyse des changements de la société urbaine (1978-2004) », thèse de doctorat en sociologie, Paris, EHESS, 2005.
  • [5]
    Terme emprunté à Jay Rowell, Le totalitarisme au concret, Paris, Economica, 2006.
  • [6]
    Sur les réformes des entreprises d’État, cf. Antoine Kernen, La Chine vers l’économie de marché, Paris, Karthala, 2004 ; Jean-Louis Rocca, La condition chinoise, Paris, Karthala, 2006.
  • [7]
    James Derleth, Daniel R. Koldyck, « The Shequ Experiment : Grassroots Political Reform in Urban China », Journal of Contemporary China, 13 (41), 2004, p. 747-777 ; Peng Bo, « Gouvernance des communautés résidentielles et contrôle étatique : le cas de la médiation communautaire à Shanghai », Perspectives chinoises, 86, novembre-décembre 2004, <http://perspectiveschinoises.revues.org/701> (consulté le 10 novembre 2014).
  • [8]
    Benjamin L. Read, Roots of the State. Neighborhood Organization and Social Networks in Beijing and Taipei, Stanford, Stanford University Press, 2012.
  • [9]
    Jean-Pierre Cabestan, Le système politique chinois, Paris, Presses de Sciences Po, 2014.
  • [10]
    Cf., par exemple, le numéro thématique « Community Studies and Social Construction in China », Social Sciences in China, 29 (1), 2008.
  • [11]
    David Bray, Social Space and Governance in Urban China. The Danwei System from Origins to Reform, Stanford, Stanford University Press, 2005 ; Elaine Jeffreys (ed.), China’s Governmentalities. Governing Change, Changing Government, Londres, Routledge, 2009 ; Thomas Heberer, Christian Göbel (eds), The Politics of Community Building in Urban China, Londres, Routledge, 2010.
  • [12]
    Cf. Amandine Monteil, Jie Li, « Le “réseau communautaire”, instrument de développement urbain durable en Chine ? », Mondes en développement, 133, 2006, p. 101-111 ; Wang Di, « Pratiques et normes de fonctionnement des comités de résidents : conséquences et limites d’une gestion par les chiffres », Perspectives chinoises, 1, 2013, p. 7-16, <http://perspectiveschinoises.revues.org/6485> (consulté le 15 mars 2013).
  • [13]
    Michael Lipsky, Street-Level Bureaucracy. Dilemmas of the Individual in Public Services, New York, Russel Sage Foundation, 1980.
  • [14]
    Pierre Bourdieu, « Droit et passe-droit : le champ des pouvoirs territoriaux et la mise en œuvre des règlements », Actes de la recherche en sciences sociales, 81-82, 1990, p. 86-96, dont p. 92.
  • [15]
    Vincent Dubois, La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 2003. Sur la Chine, cf. Isabelle Thireau, Linshan Hua, Les ruses de la démocratie. Protester en Chine, Paris, Seuil, 2010 ; dossier « Au nom de l’État : interactions entre administrateurs locaux et citoyens », Perspectives chinoises, 1, 2013.
  • [16]
    Gilles Jeannot, Les métiers flous. Travail et action publique, Toulouse, Octares, 2011.
  • [17]
    Directeur du comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [18]
    Directrice d’un comité de résidents, quartier récent, 3 juin 2008.
  • [19]
    Employé d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 2 novembre 2007.
  • [20]
    Employée d’un comité de résidents, quartier ancien, 11 mai 2007. De nombreux termes chinois (xitong, tixi) montrent que la communauté de quartier est davantage conçue comme un système que comme un espace de vie.
  • [21]
    Employée du comité de résidents, quartier ouvrier, 28 avril 2007.
  • [22]
    Directeur du comité de résidents, quartier ancien, 13 juin 2008.
  • [23]
    Habitant, quartier ancien, 23 avril 2007.
  • [24]
    Employée du comité de résidents, quartier ouvrier, 28 avril 2007.
  • [25]
    Directeur du comité de résidents, quartier ancien, 11 mai 2007.
  • [26]
    Employée du comité de résidents, quartier ouvrier, 28 avril 2007.
  • [27]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 23 octobre 2007.
  • [28]
    Directrice du comité de résidents, quartier ouvrier, 28 avril 2007.
  • [29]
    Habitante, quartier ancien, 28 octobre 2008.
  • [30]
    Habitant, quartier ancien, 5 mai 2007.
  • [31]
    La responsable organise des activités (Journée de la Femme) et tient un rôle de conseiller conjugal.
  • [32]
    Dans les quartiers anciens, cet agent collecte les frais d’hygiène (nettoyage des parties communes, ramassage des déchets).
  • [33]
    Employés du comité de résidents, quartier ancien, 5 avril 2007.
  • [34]
    Employés du comité, quartier ancien, 11 mai 2007.
  • [35]
    Habitante, quartier ouvrier, 27 mars 2007.
  • [36]
    Employé âgé du comité de résidents, quartier ouvrier, 2 novembre 2007.
  • [37]
    Employée de comité de résidents, quartier ancien, 11 mai 2007.
  • [38]
    D’après l’enquête, le niveau de salaire variait selon les arrondissements (qu) mais aussi selon la fonction et le statut (directeur, directeur adjoint, secrétaire de la cellule du Parti communiste, employé, employé pré-retraité).
  • [39]
    À chaque niveau de l’administration municipale correspond une cellule du Parti communiste.
  • [40]
    C’était néanmoins le cas dans le centre ancien de Pékin. Le comité de résidents était composé de résidents du quartier, élus certes, mais peu présents au bureau de la communauté de quartier. Les contacts les plus fréquents avec les habitants restaient avec les agents salariés.
  • [41]
    Directrice adjointe d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 27 mars 2007.
  • [42]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 13 juin 2008.
  • [43]
    Kelei Lin, Xianyang Yu, « Beijing shi shequ jianshe zhong de zhidu chuanxin » [« L’innovation institutionnelle dans la construction des communautés de quartier à Pékin »], Beijing shehui kexue [Sciences sociales de Pékin], 3, 2004, p. 52-58, dont p. 58.
  • [44]
    Directrice d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 25 avril 2007.
  • [45]
    Employé d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 2 novembre 2007.
  • [46]
    Richard Hoggart, La culture du pauvre, Paris, Minuit, 1970, p. 119.
  • [47]
    Enseignante dans les « communautés de quartier », quartier ancien, 26 septembre 2007.
  • [48]
    Serge Paugam, « Les formes contemporaines de la disqualification sociale », Ceriscope pauvreté, 2012, <http://ceriscope.sciences-po.fr/pauvrete/content/part5/les-formes-contemporaines-de-la-disqualification-sociale> (consulté le 12 décembre 2013).
  • [49]
    Les institutions municipales en Chine urbaine commencent au niveau du bureau de rue, échelon administratif « de base », correspondant aux cantons (xiang) en Chine rurale. Cf. Paul Charon, « Anatomie de l’État local en Chine, structuration et distribution du pouvoir », Sinopolis, 1er septembre 2011, <http://www.sinopolis.hypotheses.org/290> (consulté le 8 novembre 2014) ; Jae Ho Chung, Tao-Chiu Lam (eds), China’s Local Administration. Traditions and Changes in the Sub-National Hierarchy, Londres, Routledge, 2010.
  • [50]
    Malgré une revalorisation régulière des salaires, ils demeuraient largement inférieurs au salaire moyen à Pékin.
  • [51]
    Le recensement, notamment des naissances, est particulièrement surveillé.
  • [52]
    Les bureaux ouvrent de 9 h à 11 h 30 et de 13 h 30 à 17 h, du lundi au vendredi.
  • [53]
    Directrice du comité de résidents, quartier récent, 30 avril 2009.
  • [54]
    Directeur du comité de résidents, quartier ancien, 24 avril 2009.
  • [55]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier récent, Pékin, 30 avril 2007.
  • [56]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 27 mars 2007.
  • [57]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier récent, 22 avril 2007.
  • [58]
    Habitante âgée, quartier ancien, 10 mai 2007.
  • [59]
    Propriétaire, quartier récent, 28 décembre 2007.
  • [60]
    Habitant, quartier ancien, 11 avril 2007.
  • [61]
    Habitante, quartier ouvrier, 8 avril 2007.
  • [62]
    Habitante, quartier ancien, 29 avril 2007.
  • [63]
    Habitante, quartier ancien, 20 octobre 2008.
  • [64]
    Habitant, quartier récent, 31 mars 2007.
  • [65]
    Habitant jardinier volontaire, quartier ouvrier, 30 mars 2007.
  • [66]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 6 avril 2007.
  • [67]
    Lisa Wedeen, « Acting “As If” : Symbolic Politics and Social Control in Syria », Comparative Studies in Society and History, 40 (3), juillet 1998, p. 503-523.
  • [68]
    Observation lors d’une sortie dans Pékin, 25 avril 2007.
  • [69]
    Employé d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 2 novembre 2007.
  • [70]
    Un phénomène similaire existe à Cuba, selon Marie-Laure Geoffray, « Culture, politique et contestation à Cuba : une sociologie politique des modes d’action non conventionnels en contexte autoritaire », thèse de science politique, Paris, Sciences Po Paris, 2010, p. 185.
  • [71]
    Siheyuan : maison carrée comportant au moins une cour en son centre et n’offrant qu’une porte d’entrée sur l’extérieur, toutes les ouvertures de la maison donnant vers l’intérieur, sur la cour.
  • [72]
    Message de la police locale (paichusuo), centre ancien, 25 septembre 2007.
  • [73]
    Annonce, quartier ouvrier, 17 avril 2007.
  • [74]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [75]
    Site Internet de la communauté de quartier, consulté le 22 mars 2012.
  • [76]
    Observation dans un bureau, quartier récent, 30 avril 2007.
  • [77]
    Howard S. Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985, p. 179-186.
  • [78]
    Lors de la campagne de lutte contre le mouvement du Falungong en 1999, le comité de résidents fut mobilisé comme enquêteur et délateur.
  • [79]
    Résidente, quartier ouvrier, 30 mars 2007.
  • [80]
    Employée du comité de résidents, quartier ancien, 11 mai 2007.
  • [81]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [82]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 8 mars 2007.
  • [83]
    David Bray, « Building “Community” : New Strategies of Governance in Urban China », Economy and Society, 35 (4), 2006, p. 530-549.
  • [84]
    Béatrice Hibou, La force de l’obéissance. Économie politique de la répression en Tunisie, Paris, La Découverte, 2006, p. 320.
  • [85]
    Directrice d’un comité de résidents, centre ancien, 27 septembre 2007.
  • [86]
    Employé d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 2 novembre 2007.
  • [87]
    Enseignante dans les communautés de quartier, centre ancien, 26 septembre 2007.
  • [88]
    Allocataire du dibao, quartier ancien, 20 avril 2008.
  • [89]
    Allocataire du dibao, quartier ouvrier, 28 avril 2007.
  • [90]
    Ce contrôle est lié au faible nombre d’allocations disponibles.
  • [91]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [92]
    Cf. aussi Jean-Louis Rocca, La condition chinoise, Paris, Karthala, 2006, p. 150.
  • [93]
    Résidente de longue date, quartier ancien, 29 avril 2007.
  • [94]
    Allocataire du dibao, quartier ancien, 28 avril 2007.
  • [95]
    Employée d’un comité de résidents, quartier ancien, 26 septembre 2007.
  • [96]
    Michel Foucault, Surveiller et Punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1976, p. 216.
  • [97]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 25 avril 2007.
  • [98]
    Directrice adjointe d’un comité de résidents, quartier ouvrier, 8 mai 2007.
  • [99]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [100]
    Directrice du comité de résidents, quartier ancien, 30 octobre 2008.
  • [101]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [102]
    Secrétaire du Parti d’un comité de résidents, quartier ancien, avril 2009.
  • [103]
    Antoine Kernen, La Chine vers l’économie de marché, Paris, Karthala, 2004, p. 256-259.
  • [104]
    Employée du comité de résidents, quartier ancien, 28 juin 2008.
  • [105]
    Résident handicapé, quartier ancien, 3 mai 2009.
  • [106]
    Observation, quartier ancien, 16 mai 2008, 23 octobre 2008.
  • [107]
    Directeur d’un comité de résidents, centre ancien, 21 mai 2008.
  • [108]
    Didier Fassin, Des maux indicibles. Sociologie des lieux d’écoute, Paris, La Découverte, 2004.
  • [109]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 21 mars 2008.
  • [110]
    Directrice adjointe du comité de résidents, quartier ouvrier, 5 mars 2008.
  • [111]
    Employée du comité de résidents, quartier ouvrier, 5 avril 2007.
  • [112]
    Employée d’un comité de résidents, centre ancien, 30 octobre 2008.
  • [113]
    Directrice du comité de résidents, quartier récent, 30 avril 2009.
  • [114]
    Directeur d’un comité de résidents, centre ancien, 21 mai 2008.
  • [115]
    Les démolitions-déplacements (chai-qian) de logements anciens découlent de projets entre la municipalité (propriétaire des terrains urbains) et les promoteurs immobiliers. Au cours de l’enquête, les habitants étaient contraints de déménager et, du fait d’une indemnisation insuffisante, de se reloger dans des quartiers excentrés.
  • [116]
    J. Rowell, Le totalitarisme au concret, op. cit., p. 280.
  • [117]
    Directrice du comité de résidents, quartier récent, 5 décembre 2007.
  • [118]
    Wang Di, « Pratiques et normes de fonctionnement des comités de résidents », art. cité.
  • [119]
    Employé du comité de résidents, quartier récent, 8 avril 2007.
  • [120]
    Employée du comité de résidents, nouveau quartier, 29 avril 2009.
  • [121]
    Terme inspiré par Yasmine Siblot, Faire valoir ses droits au quotidien. Les services publics dans les quartiers populaires, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, p. 29-64.
  • [122]
    Wang Di, « Pratiques et normes de fonctionnement des comités de résidents », art. cité.
  • [123]
    Didier Fassin, « Charité bien ordonnée : principes de justice et pratiques de jugement dans l’attribution des aides d’urgence », Revue française de sociologie, 42 (3), 2001, p. 437-475, dont p. 465.
  • [124]
    Employée du comité de résidents, quartier récent, 12 octobre 2007.
  • [125]
    Directeur d’un comité de résidents, quartier ancien, 21 mai 2008.
  • [126]
    Volontaire, quartier ancien, 10 juin 2008.
  • [127]
    Observation, quartier ancien, 12 mars 2008.
  • [128]
    Employés d’un comité de résidents, quartier ancien, septembre 2008.
  • [129]
    Habitante, centre ancien, 29 avril 2007.
  • [130]
    Habitante, centre ancien, 5 mai 2007.
  • [131]
    La directrice d’un comité m’a discrètement donné 200 yuans pour mes cours d’anglais bénévoles (observation, quartier ouvrier, 15 mai 2007).
  • [132]
    Sylvie Tissot, L’État et les quartiers. Genèse d’une catégorie de l’action publique, Paris, Seuil, 2007, p. 227-272.
  • [133]
    L’auteure souhaite remercier Isabelle Thireau, Jean-Louis Rocca, Jingyue Xing, Mihaela Hainagiu et le comité de rédaction de la RFSP pour leurs précieux commentaires sur des versions précédentes de cet article.
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