Couverture de RFSP_642

Article de revue

L'état en Amérique

Entre invisibilité politique et fragmentation institutionnelle

Pages 191 à 205

Notes

  • [1]
    En suivant la tradition wébérienne reprise par Theda Skocpol, nous définissons simplement l’État comme une « association obligatoire » exerçant un contrôle (simple ou partagé) sur un territoire particulier ainsi que sur ses habitants : Theda Skocpol, « Bringing the State Back In. Strategies of Analysis in Current Research », dans Peter B. Evans, Dietrich Rueschemeyer, Theda Skocpol (eds), Bringing the State Back In, New York, Cambridge University Press, 1985, p. 3-37, ici p. 7.
  • [2]
    Marie-France Toinet (dir.), L’État en Amérique, Paris, Presses de Sciences Po, 1989.
  • [3]
    Daniel Béland, François Vergniolle de Chantal, « Politiques sociales, stratégies électorales et fédéralisme sous la présidence Clinton », Revue française de science politique, 50 (6), décembre 2000, p. 883-913. Voir aussi François Vergniolle de Chantal, Le fédéralisme américain en question, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2006.
  • [4]
    Douglas Jaenicke, Alex Waddan, « President Bush and Social Policy. The Strange Case of the Medicare Prescription Drug Benefit », Political Science Quarterly, 121 (2), 2006, p. 217-240.
  • [5]
    Daniel Béland, Alex Waddan, « Taking Big Government Conservatism Seriously ? The Bush Presidency Reconsidered », Political Quarterly, 79 (1), 2008, p. 109-118.
  • [6]
    Dans le domaine de la politique étrangère, un certain consensus semble exister sur la nécessité de lutter vigoureusement contre le terrorisme, y compris en améliorant le controversé dispositif sécuritaire de surveillance. Voir Justin Vaïsse, Barack Obama et sa politique étrangère (2008-2012), Paris, Odile Jacob, 2012.
  • [7]
    Voir sur ces débats d’actualité Alix Meyer, « La “falaise fiscale” : plus dure sera la chute », disponible sur le site Internet du CERI : <http://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/falaiseam.pdf> (février 2013), et « Le budget fédéral de l’ère Obama. Politique de la chaise vide ou de la caisse vide ? », Politique américaine, 22, décembre 2013, p. 155-178. Pour une perspective plus générale sur l’articulation entre les pouvoirs, on lira François Vergniolle de Chantal, « Le Congrès des États-Unis. Une assemblée incontrôlable ? », Étude du CERI, 200, décembre 2013, <http://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/le-congres-des-etats-unis-une-assembleeincontrolable>.
  • [8]
    Cette évolution est abondamment documentée. L’analyse classique est celle de Morton Grodzins, The American System, Chicago, Rand McNally, 1966. Pour des perspectives plus récentes, on lira par exemple : Timothy Conlan, From New Federalism to Devolution, Washington, Brookings Institution Press, 1998 ; Martha Derthick, Keeping the Compound Republic, Washington, Brookings Institution Press, 2001 ; Iwan W. Morgan, Philip J. Davies (eds), The Federal Nation. Perspectives on American Federalism, New York, Palgrave Macmillan, 2009.
  • [9]
    Notons aussi que le poids des dépenses fédérales rapportées au produit national brut est supérieur à celui des dépenses fédérées, mais pas de manière aussi massive que ce que l’on pourrait croire. Les dépenses fédérales représentaient 17 % du PNB, tandis que le fédéré et le local représentaient 11 % du PNB en 2010. Ces chiffres sont tirés de Historical Tables of the Budget. Fiscal Year 2013, disponible sur le site de la Maison Blanche : <http://www.whitehouse.gov/sites/default/files/omb/budget/fy2013/assets/hist.pdf> (consulté en février 2014). La section 15 présente les montants globaux des dépenses fédérales, fédérées et locales.
  • [10]
    L’expression « État-Uni » est tirée d’un texte de Theodore Lowi, « Europeanization of America ? From United States to United State », dans Theodore Lowi, Alan stone (eds), Nationalizing Government. Public Policies in America, Beverley Hills, Sage Publications, 1978 p. 15-29. Hubert Kempf et Marie-France Toinet posait une question similaire dans « La fin du fédéralisme aux États-Unis ? », Revue française de science politique, 30 (4), août 1980, p. 735-775.
  • [11]
    Stephen Skowronek, Building a New American State. The Expansion of National Administrative Capacities, 1877-1920, Cambridge, Cambridge University Press, 7e éd., 1995 (1re éd. : 1982), p. 4.
  • [12]
    Denis Lacorne, L’invention de la république. Le modèle américain, Paris, Hachette, 1991. Pour une mise en perspective historique de la création du fédéralisme américain, voir aussi Alison L. LaCroix, The Ideological Origins of American Federalism, Cambridge, Harvard University Press, 2010.
  • [13]
    David Easton, A Systems Analysis of Political Life, New York, Wiley, 1965 ; Samuel P. Huntington, Political Order in Changing Societies, New Haven, Yale University Press, 1968. Cf. aussi sur ce thème de la faiblesse de la puissance publique aux États-Unis, J. P. Nettl, « The State as a Conceptual Variable », World Politics, 20 (4), juillet 1968, p. 559-592. Pour une discussion en français désormais classique sur le concept d’État, cf. Bertrand Badie, Pierre Birnbaum, La sociologie de l’État, Paris, Grasset, 1979.
  • [14]
    S. Skowronek, Building a New American State…, op. cit. T. Skocpol, P. B. Evans, D. Rueschemeyer (eds), Bringing the State Back In, op. cit. Pour une analyse du legs de ces travaux, on lira Daniel P. Carpenter, « The Multiple and Material Legacies of Stephen Skowronek », Social Science History, 27, 2003, p. 465-474.
  • [15]
    Nous renvoyons en particulier à l’ouvrage collectif dirigé par Lawrence Jacobs, Desmond King, The Unsustainable American State, Oxford, Oxford University Press, 2009. On peut lire également William J. Novak, « The Myth of the “Weak” American State », American Historical Review, 113, 2008, p. 752-772. The Forum (7 (4), décembre 2009) a publié un numéro spécial, dont l’un des articles de ce dossier de la revue est tiré. Son sommaire est disponible à : <http://www.degruyter.com/view/j/for.2010.7.4_20120105083456/for.2010.7.4/issue-files/for.2010.7.issue-4.xml>. La Revue française de sociologie a publié un numéro sur cette question en 2011. On peut se reporter entre autres à Sarah Gensburger, « Contributions historiennes au renouveau de la sociologie de l’État. Regards croisés franco-américains », Revue française de sociologie, 52 (3), 2011, p. 579-602 ; de la même auteure, cf. aussi « La main invisible de l’État américain », Revue française de science politique, 60 (5), octobre 2010, p. 1023-1030.
  • [16]
    Nous reprenons cette formulation à Marie-France Toinet qui l’utilise dans son introduction à l’ouvrage qu’elle dirigea en 1989 : L’État en Amérique (Paris, Presses de Sciences Po) et qui rassemblait les contributions d’auteurs américains et français pour faire un bilan des évolutions de l’action publique aux États-Unis après presque une décennie de reformulation « néofédérale ». On peut lire dans cet ouvrage le chapitre de Denis Lacorne, « Aux origines du fédéralisme américain : l’impossibilité de l’État », p. 38-53.
  • [17]
    S. Skowronek, Building a New American State…, op. cit. Lire en particulier le premier chapitre, « The New State and American Political Development » qui offre une synthèse des perspectives européennes sur l’inaboutissement de l’État en Amérique en présentant les thèses de Hegel, de Marx et de Tocqueville.
  • [18]
    Sur ce thème, on peut aussi se référer à Kimberly J. S. Johnson, Governing the American State. Congress and the New Federalism, 1877-1920, Princeton, Princeton University Press, 2007.
  • [19]
    L’institutionnalisme historique a été classiquement présenté par Peter A. Hall et Rosemary C. Taylor dans « Political Science and the Three New Institutionalisms », Political Studies, 44, 1996, p. 936-957 ; le texte est publié traduit dans la Revue française de science politique en 1997, 47 (3-4), p. 469-496. Parmi les titres les plus connus ressortant de cette école, on peut citer : Theda Skocpol, Protecting Soldiers and Mothers. The Political Origins of Social Policy in United States, Cambridge, Harvard University Press, 1992 ; Ann Shola Orloff, The Politics of Pensions. A Comparative Analysis of Britain, Canada, and the United States, 1880-1940, Madison, University of Wisconsin Press, 1993 ; Edwin Amenta, Bold Relief. Institutional Politics and the Origins of Modern American Social Policy, Princeton, Princeton University Press, 1998 ; Jacob S. Hacker, The Divided Welfare State. The Battle over Public and Private Social Benefits in the United States, New York, Cambridge University Press, 2002 ; Jacob S. Hacker, Paul Pierson, Winner-Take-All Politics. How Washington Made the Rich Richer and Turned Its Back on the Middle Class, New York, Simon & Schuster, 2010. Pour une synthèse, nous renvoyons au chapitre de Elizabeth Sanders, « Historical Institutionalism », dans Sarah A. Binder, R. A. W. Rhodes, Bert A. Rockman (eds), The Oxford Handbook of Political Institutions, Oxford, Oxford University Press, 2006, p. 39-55. Cf. aussi Paul Pierson, Theda Skocpol, « Historical Institutionalism in Contemporary Political Science », dans Ira Katznelson, Helen Milner (eds), Political Science. The State of the Discipline, New York, W. W. Norton, 2002, p. 693-721.
  • [20]
    Giuliano Bonoli, The Politics of Pension Reform. Institutions and Policy Change in Western Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2000 ; Ellen M. Immergut, Health Politics. Interests and Institutions in Western Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.
  • [21]
    On définit classiquement les « institutions » comme « un ensemble de règles, de normes, de procédures et d’organisations qui encadrent l’activité politique ». Sur ce point, lire Ian Shapiro, Stephen Skowronek, Daniel Galvin, Rethinking Political Institutions. The Art of the State, New York, New York University Press, 2006. Mais comme le souligne justement Julian Zelizer dans Governing America. The Revival of Political History (Princeton, Princeton University Press, 2012, p. 65), les « institutions » sont au politiste ce que la « culture » est au sociologue (ou, en France, au « civilisationniste »), un concept fourre-tout.
  • [22]
    Sarah A. Binder, Minority Rights, Majority Rule, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, en particulier le troisième chapitre, « Procedural Choice in the Early Congress. The Case of the “Previous Question” », p. 43-67.
  • [23]
    Paul Pierson, « Increasing Returns, Path Dependence, and the Study of Politics », American Political Science Review, 94 (2), juin 2000, p. 251-267. Cf. aussi, du même auteur, Politics in Time. History, Institutions, and Social Analysis, Princeton, Princeton University Press, 2004.
  • [24]
    S. M. Milkis, M. Landy, American Government. Balancing Democracy and Rights, New York, Cambridge University Press, 2008, p. 24. D’où une longue tradition d’analyses soulignant la stabilité des arrangements institutionnels et la nature incrémentale des changements : par exemple, Aaron Wildavski, Politics of the Budgetary Process, Boston, Little Brown & Co., 1964, ou encore, Martha Derthick, Policymaking for Social Security, Washington, Brookings Institution Press, 1979.
  • [25]
    Barrington Moore Jr., Social Origins of Dictatorship and Democracy. Lord and Peasant in the Making of the Modern World, Boston, Beacon Press, 1966 ; Charles Tilly (ed.), The Formation of National States in Western Europe, Princeton, Princeton University Press, 1975. Pour des compléments comparatifs, cf. Peter Baldwin, « Beyond Weak and Strong. Rethinking the State in Comparative Policy History », Journal of Policy History, 17 (1), 2005, p. 12-33.
  • [26]
    Desmond King, Robert C. Lieberman, Gretchen Ritter, Laurence Whitehead (eds), Democratization in America. A Comparative-Historical Analysis, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2009.
  • [27]
    S. M. Milkis, M. Landy, American Government…, op. cit., p. xvii.
  • [28]
    Stephen Skowronek, Karren Orren, The Search for American Political Development, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, en particulier p. 5-9.
  • [29]
    Kathleen Thelen, How Institutions Evolve. The Political Economy of Skills in Germany, Britain, the United States, and Japan, Cambridge, Cambridge University Press, 2004 ; Jacob S. Hacker, « Privatizing Risk without Privatizing the Welfare State. The Hidden Politics of Social Policy Retrenchment in the United States », American Political Science Review, 98 (2), 2004, p. 243-260.
  • [30]
    Sur cette question, on lira aussi Bruno Palier, Giuliano Bonoli, « Phénomènes de Path Dependence et réformes des systèmes de protection sociale », Revue française de science politique, 49 (3), juin 1999, p. 399-420.
  • [31]
    Calvin C. Jillson, American Government. Political Development and Institutional Change, New York, Routledge, 2009. Pour complément, se reporter à John Gerring, « APD From a Methodological Point of View », Studies in American Political Development, 17, printemps 2003, p. 82-102 ; et « From APD to APH ? », CLIO, 12, 2001-2002, p. 37-39.
  • [32]
    V.O. Key Jr., « A Theory of Critical Elections », Journal of Politics, 17, 1955, p. 3-18 ; Walter Dean Burnham, Critical Elections and the Mainsprings of American Politics, New York, W. W. Norton., 1970 ; E. E. Schattschneider, The Semi-Sovereign People, New York, Holt, Rinehart & Winston, 1960.
  • [33]
    Seymour Martin Lipset, The First New Nation. The United States in Historical and Comparative Perspective, New York, Basic Books, 1963 ; Theodore Lowi, The End of Liberalism. Ideology. Policy and the Crisis of Public Authority, New York, W. W. Norton, 1969 ; J. David Greenstone, Labor in American Politics, Chicago, The University of Chicago Press, 1977. Les travaux de Martin Shefter, le mentor de Steven Skowronek, notamment ceux sur la bureaucratie et les partis politiques (1977, 1978), furent republiés dans un collectif : Martin Shefter (ed.), Political Parties and the State. The American Historical Experience, Princeton, Princeton University Press, 1994. Il a aussi publié, en collaboration avec Benjamin Ginsberg, Politics by Other Means, New York, W. W. Norton, 1990.
  • [34]
    K. Orren, S. Skowronek, The Search for American Political Development, op. cit. ; Richard M. Valelly, The Two Reconstructions. The Struggle for Black Enfranchisement, Chicago, The University of Chicago Press, 2004 ; Daniel P. Carpenter, The Forging of Bureaucratic Autonomy. Reputations, Networks, and Policy Innovation in Executive Agencies, 1862-1928, Princeton, Princeton University Press, 2001 ; Margaret Weir, The Social Divide. Political Parties and the Future of Activist Government, Washington, Brookings Institution Press, 1998 ; Rogers M. Smith, Civic Ideals. Conflicting Visions of Citizenship in U.S. History, New Haven, Yale University Press, 1997 ; Theda Skocpol, Boomerang. Health Care Reform and the Turn Against Government, New York, Norton, 1997, et Protecting Soldiers and Mothers…, op. cit. ; Richard Bensel, Yankee Leviathan. The Origins of Central State Authority in America, 1859-1877, New York, Cambridge University Press, 1990, et Sectionalism and American Political Development, 1880-1980, Madison, University of Wisconsin Press, 1980 ; Amy Bridges, A City in the Republic. Antebellum New York and the Origins of Machine Politics, Ithaca, Cornell University Press, 1984 ; Ira Katznelson, Black Men, White Cities. Race, Politics, and Migration in the United States 1900-30 and Britain, 1948-68, New York, Oxford University Press, 1973, et City Trenches. Urban Politics and the Patterning of Class in the United States, Chicago, The University of Chicago Press, 1981.
  • [35]
    J. Gerring, « APD From a Methodological Point of View », art. cité, p. 83-84.
  • [36]
    Le texte classique de Werner Sombart en 1906 a été publié en français : Pourquoi le socialisme n’existe-t-il pas aux États-Unis ?, Paris, PUF, 1992.
  • [37]
    K. Oren, S. Skowronek, The Search for American Political Development, p. 181.
  • [38]
    Pour une comparaison historique et institutionnelle entre le Canada et les États-Unis, on lira Antonia Maioni, Parting at the Crossroad. The Emergence of Health Insurance in the United States and Canada, Princeton, Princeton University Press, 1998 ; Bruno Théret, Protection sociale et fédéralisme. L’Europe dans le miroir de l’Amérique du Nord, Montréal/Bruxelles, Presses de l’Université de Montréal/Peter Lang, 2002.
  • [39]
    William Novak, The People’s Welfare. Law and Regulation in 19th Century America, Chapel Hill, North Carolina Press, 1996.
  • [40]
    Brian Balogh, A Government Out of Sight. The Mystery of National Authority in 19th Century America, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.
  • [41]
    L’anglais américain a conservé cette expression pour désigner la part de compétences laissées aux États, alors qu’en français, elle n’est absolument plus utilisée. C’était pourtant une notion largement usitée en France aux 17e et 18e siècles. La notion de police se confondait alors avec celle de gouvernement. Dans son Traité de la police, publié pour la première fois en 1705, Nicolas de La Mare notait ainsi que le domaine de la police est constitué par l’ensemble des lois qui permettent de conserver la société civile et de contribuer au bonheur commun. La « police » embrasse donc à cette époque tout le champ de l’organisation sociale. Pierre Rosanvallon, que nous reprenons ici, a des pages intéressantes sur cette notion dans L’État en France, Paris, Seuil, 1990, p. 203-205.
  • [42]
    T. Skocpol, Protecting Soldiers and Mothers…, op. cit.
  • [43]
    M. M. Edling, A Revolution in Favor of Government. Origins of the U.S. Constitution and the Making of the American State, New York, Oxford University Press, 2003 ; B. Balogh, A Government Out of Sight…, op. cit.
  • [44]
    Christopher Howard, The Welfare State Nobody Knows. Debunking Myths about U.S. Social Policy, Princeton, Princeton University Press, 2007 ; Christopher Howard, The Hidden Welfare State. Tax Expenditures and Social Policy in the United States, Princeton, Princeton University Press, 1997.
  • [45]
    Cf. aussi Jacob Hacker, The Divided Welfare State. The Battle Over Public and Private Social Benefits in the United States, New York, Cambridge University Press, 2002. Pour une perspective comparative, voir Daniel Béland, Brian Gran (eds), Public and Private Social Policy. Health and Pension Policies in a New Era, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2008.
  • [46]
    Sur la notion d’« État submergé », cf. Suzanne Mettler, The Submerged State. How Invisible Government Policies Undermine American Democracy, Chicago, The University of Chicago Press, 2011.
  • [47]
    Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris, Garnier-Flammarion, 1982 (1re éd. : 1835), t. I, p. 86.
  • [48]
    Par exemple, Kimberly J. Morgan, Andrea Louise Campbell, The Delegated Welfare State. Medicare, Markets, and the Governance of Social Policy, New York, Oxford University Press, 2011.
  • [49]
    S. Gensburger, « Contributions historiennes au renouveau de la sociologie de l’État. Regards croisés franco-américains », art. cité.
  • [50]
    A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, op. cit., t. I, chap. 5, p. 134 : « Ce qui frappe le plus l’Européen qui parcourt les États-Unis, c’est l’absence de ce qu’on appelle chez nous le gouvernement ou l’administration. En Amérique, on voit des lois écrites ; on en aperçoit l’exécution journalière ; tout se meut autour de vous, et on ne découvre nulle part le moteur. La main qui dirige la machine sociale échappe à chaque instant » (souligné par nous).
  • [51]
    B. Théret, Protection sociale et fédéralisme…, op. cit.
  • [52]
    Constitutional Government in the United States, New York, Columbia University Press, 1917, p. 173. Pour complément sur cette dynamique fédérale, nous renvoyons à François Vergniolle de Chantal, Fédéralisme et antifédéralisme, Paris, PUF, 2005.
  • [53]
    F. Vergniolle de Chantal, « Le Congrès des États-Unis. Une assemble incontrôlable ? », art. cité.
  • [54]
    Julian E. Zelizer, Taxing America. Wilbur D. Mills, Congress, and the State, 1945-1975, New York, Cambridge University Press, 1998.
  • [55]
    Cf. aussi, Desmond King, Robert C. Lieberman, « L’État aux États-Unis. Nouvelles perspectives de politique comparée pour en finir avec le mythe de l’État “faible” », Revue française de sociologie, 52 (3), 2011, p. 481-507. Pour complément, on lira aussi Desmond King, Robert C. Lieberman, « Ironies of State-Building. A Comparative Perspective on the American State », World Politics, 61 (3), 2009, p. 547-588.
  • [56]
    M.-F. Toinet (dir.), L’État en Amérique, op. cit., p. 9-17.
  • [57]
    Richard Kuisel, Le miroir américain. Cinquante ans de regard français sur l’Amérique, Paris, J.-C. Lattès, 1996 (1re éd. étr. : 1993).
  • [58]
    Patrice Higonnet, Sister Republics. The Origins of French and American Republicanism, Cambridge, Harvard University Press, 1988, p. 272.

1Aux États-Unis, la nature et l’évolution de l’État dans ce pays qui inventa le fédéralisme il y a plus de deux siècles sont des enjeux politiques et scientifiques majeurs [1]. Dans ce dossier thématique de la Revue française de science politique, un quart de siècle après la publication d’un ouvrage classique dirigé par Marie-France Toinet, L’État en Amérique (1989) [2], et au moment même où la lutte politique et idéologique entre les Démocrates et les Républicains au sujet du rôle des pouvoirs publics dans la société américaine atteint son paroxysme sous la présidence Obama, la question de la nature et de l’avenir de l’État aux États-Unis se pose de manière plus urgente que jamais. Les articles regroupés dans ce dossier explorent cette double question. Ils mettent l’accent sur l’invisibilité relative de la puissance publique dans la société américaine (inséparable du caractère souvent indirect de l’action publique), avant d’explorer une fragmentation étatique liée au fédéralisme et à la séparation des pouvoirs.

La présidence Obama et la question de l’État

2Pour certains observateurs de la politique intérieure américaine, l’élection de Barack Obama à la présidence au milieu de la crise financière de l’automne 2008 apparaissait comme un tournant historique majeur qui consoliderait le rôle de l’État dans la société, après presque trois décennies de domination conservatrice, tant sur le plan idéologique que politique. Depuis l’élection de Ronald Reagan à la présidence en 1980, l’idée de réduire la taille de l’État dans le champ de la politique intérieure était devenu un leitmotiv. Ce fut particulièrement le cas après la défaite humiliante du système universel d’assurance-maladie proposé par le président démocrate Bill Clinton en 1994 et la victoire retentissante, la même année, des Républicains de Newt Gingrich aux élections de mi-mandat. Dans ce cadre, pendant le reste de son séjour à la Maison Blanche, le président Clinton signa une réforme explicitement conservatrice de l’aide sociale avant de contribuer directement à une élimination du déficit fédéral orchestrée avec Gingrich [3].

3Au cours de la présidence du républicain George W. Bush (2001-2009), les déficits fédéraux firent un retour en force, principalement en raison de la combinaison des baisses d’impôts accordées en 2001 et 2003 et de la hausse des dépenses militaires et de sécurité nationale justifiée par les attentats du 11 septembre 2001, les invasions de l’Afghanistan (2001) et, plus tard, de l’Irak (2003). Paradoxalement, les années Bush furent également le théâtre d’une expansion de l’État social, via la réforme de 2003 du programme Medicare, qui mena à la création d’un système de remboursement des prescriptions médicales pour les personnes âgées [4]. Légitimée par le « conservatisme à visage humain » (compassionate conservatism) évoqué par Bush durant la campagne présidentielle de 2000, cette expansion de l’État social, l’augmentation générale des dépenses fédérales et le retour durable des déficits budgétaires malgré la domination politique des Républicains à Washington favorisa même la popularisation de l’idée selon laquelle un big government conservatism aurait remplacé le traditionnel small government conservatism[5].

4Avant même l’élection de Barack Obama, celle d’une majorité démocrate au Congrès en 2006 et les appels à une intervention publique générés par la crise financière de septembre 2008 semblaient annoncer l’avènement d’un État fédéral plus actif et progressiste. Immédiatement après sa prise de fonction, en 2009, le président Obama lança d’imposantes politiques de relance économique tout en appelant le Congrès, toujours solidement contrôlé par une double majorité démocrate, à réformer un système de santé américain à la fois trop coûteux et incapable de couvrir la population dans son ensemble. Même si, au printemps 2010, après de nombreuses péripéties et un long processus législatif, une telle réforme fut finalement signée par le président, les débats entourant celle-ci favorisèrent l’émergence d’une forte réaction contre l’interventionnisme fédéral incarnée par le Tea Party, un mouvement conservateur réclamant notamment plus d’austérité budgétaire. Faisant pression sur les élus et les candidats républicains tout en étant manipulé par certains d’entre eux, le Tea Party poussa plusieurs d’entre eux encore davantage vers la droite. À la suite des élections de mi-mandat de novembre 2010, de nombreux Républicains se réclamant du Tea Party firent leur entrée au Congrès ou furent réélus, ce qui exacerba la polarisation idéologique entre les Démocrates et les Républicains sur le rôle de l’État en politique intérieure [6].

5Depuis le début 2011, cette polarisation se caractérise par des attaques conservatrices contre le président et les initiatives démocrates en matière de politique économique, d’environnement et de protection sociale, y compris la question toujours controversée de la mise en œuvre de la réforme de 2010, qui devrait s’échelonner sur presque une décennie. La fermeture partielle de l’État fédéral (government shutdown) du 1er au 16 octobre 2013 fut le dernier épisode, spectaculaire, dans une confrontation perlée qui oppose la Maison Blanche et les Républicains de la Chambre des représentants, aiguillonnés par les élus proches du Tea Party. Dès le printemps 2011, l’établissement du budget national fut difficile, la crise de la dette de l’été suivant fut évitée de justesse, tandis qu’en janvier 2013, les États-Unis évitèrent un choc budgétaire potentiel connu sous le nom de « falaise fiscale » (fiscal cliff[7]).

6L’intensité de ce débat budgétaire national ne doit cependant pas dissimuler que l’opposition à la réforme de la santé est aussi particulièrement virulente dans certains États fédérés actuellement contrôlés par les Républicains, comme le Texas. En effet, dans le cadre du système fédéral américain, le débat sur l’avenir de l’État central fait écho à un débat similaire au sein des États fédérés, qui font souvent face à d’imposants défis budgétaires et aux pressions du Tea Party et de ses alliés républicains. Aucune discussion de l’État fédéral américain ne peut donc faire l’économie d’une analyse de la situation dans les États fédérés ainsi que de l’évolution institutionnelle et politique du fédéralisme dans ce pays.

Penser l’État aux États-Unis : le poids des institutions

7Mettant l’accent exclusivement sur la politique intérieure, ce dossier thématique prend ces réalités en considération car il porte autant sur l’État central et le statut de la puissance publique aux États-Unis que sur sa forme institutionnelle, le fédéralisme, et la situation dans les États fédérés, notamment sur le plus peuplé, la Californie. Plus spécifiquement, ce dossier souligne l’invisibilité relative et le rôle souvent indirect de la puissance publique, sur sa fragmentation et sur l’aspect structurant des institutions politiques dans ce pays. Pour ce faire, l’accent porte sur l’État en tant que forme institutionnelle qui prend un visage particulier (fédéral) aux États-Unis mais, également, sur son expression concrète à travers la création et la mise en œuvre de politiques publiques, au plan fédéral comme dans les États fédérés.

8La division constitutionnelle de la puissance publique – entre les États fédérés (states) et l’État fédéral (federal government) – signifie qu’on ne peut mesurer « l’État » qu’en faisant constamment la différence entre ces deux niveaux de gouvernement – sans parler du niveau municipal (local government), qui n’est pas étudié dans ce numéro thématique. La littérature distingue entre le fédéralisme dit « dual » (dual federalism) et celui dit « coopératif » (cooperative federalism[8]). Dans le premier cas, chaque niveau de gouvernement est suprême dans sa sphère d’action constitutionnelle. La lutte entre les gouvernements est donc endémique à cette séparation verticale du pouvoir, comme l’illustre la vie politique américaine jusqu’à la guerre de Sécession, voire jusqu’au New Deal des années 1930. Néanmoins, les États fédérés et l’État fédéral développèrent très tôt un ensemble de relations financières et réglementaires qui illustraient leur permanente coopération. Dès 1808, le Congrès votait un soutien financier de 200 000 dollars pour soutenir l’entretien des milices par les États fédérés. Ce premier exemple de subvention (grant-in-aid) fédérale aux États évolua en une longue série de nouveaux financements tout au long du 19e siècle, mais le véritable changement en la matière fut lors des grandes étapes de réformes sociales du 20e siècle – le Progressisme des années 1900, le New Deal des années 1930 et la « Grande Société » (Great Society) de Lyndon Johnson dans les années 1960. L’explosion des financements fédéraux explique que plus aucun État ne serait capable de boucler son budget sans le soutien de l’État fédéral. En 1927, l’aide fédérale ne représentait que 2 % des sources de revenu des États ; en 2012, l’aide fédérale ne représente pas moins du quart des revenus fédérés (généralement entre 25 et 30 %) [9], une évolution qui se fit historiquement avec le soutien des gouverneurs et des élus locaux, car la manne fédérale rendait des mesures impopulaires – comme l’augmentation des impôts fédérés – inutiles. Le politiste Theodore Lowi pouvait ainsi parler, à la fin des années 1970, d’un « État-Uni » [10] tant il est vrai que l’État fédéral est en mesure d’orienter les décisions de politique publique des États fédérés dans un grand nombre de domaine, en jouant sur différentes formules d’allocation des fonds – « en bloc » (block grants), « par contrepartie » (matching grants), « par programme » (categorical grants). Néanmoins, pour être déclarées constitutionnelles par la Cour suprême, ces formules fédérales de financement doivent toujours laisser, formellement, une liberté de choix aux États qui demeurent des « co-souverains » au sein de l’Union. Comme l’indique Stephen Skowronek dans son ouvrage classique sur la construction de l’État américain, celui-ci est « qualitativement différent » de la norme européenne traditionnelle de l’État unitaire [11] de par la division de la souveraineté résultant du modèle fédéral adopté en 1788, lors de la ratification de la Constitution américaine [12].

9Avant d’examiner plus en détail la contribution de chacun des quatre articles qui suivent, il convient de les replacer dans le contexte de la littérature de science politique américaine sur l’État, qui a connu une croissance remarquable depuis les années 1980. Réagissant aux travaux d’auteurs de l’après-guerre comme David Easton, qui négligeaient le concept d’État pour mettre l’accent sur la notion de « système » au sens cybernétique du terme, ou bien Samuel Huntington qui voyait aux États-Unis un « État Tudor », incapable de réglementer une société en voie de modernisation [13], de nombreux politistes américains tentèrent à partir des années 1980 de repenser l’État aux États-Unis en soulignant son existence même, avant d’explorer ses caractéristiques spécifiques ainsi que leur impact sur l’action publique. Le retour du concept d’État dans les débats de science politique américains est inséparable de la parution de livres importants comme Building a New American State de S. Skowronek et l’ouvrage collectif Bringing the State Back In, deux véritables manifestes qui ont inspiré une génération entière de politistes américains [14]. Cette multiplication des travaux sur l’État depuis les années 1980 coïncide d’ailleurs avec le débat politique virulent sur l’avenir de l’État aux États-Unis qui fait rage depuis la présidence Reagan, et dont ces travaux constituent implicitement le contrepoint scientifique et théorique.

10Ce débat autour de l’État américain et de ses formes institutionnelles est plus vivant que jamais [15]. S’il est clair qu’il ne saurait exister un État sur le mode européen en Amérique, il est tout aussi évident que, malgré le fédéralisme, le rôle souvent indirect de la puissance publique et la fragmentation institutionnelle, il y a « de l’État » aux États-Unis [16]. Ce sont les politistes qui ont appelé à la redécouverte de l’État dans les années 1980. Ainsi, S. Skowronek a brillamment expliqué dans Building an American State comment le 19e siècle a vu la construction d’un État de « cours et de partis » (courts and parties[17]). Selon lui, la faiblesse des capacités administratives de l’État fédéral a été palliée par l’activisme des cours de justice – qui ont assuré l’intégration et la systématisation des normes juridiques – et par les partis politiques – qui ont joué un rôle décisif dans l’incorporation des citoyens dans la vie publique nationale. Ces fonctions, qui furent historiquement assurées par l’État en Europe, ont été prises en charge aux États-Unis par d’autres acteurs sociaux plutôt que par les pouvoirs publics [18].

11L’ouvrage de S. Skowronek est considéré comme l’un des points de départ de deux courants majeurs de la science politique américaine. Premièrement, l’institutionnalisme historique (HI), représenté par des auteurs comme Theda Skocpol, Ann Orloff, Edwin Amenta, Paul Pierson et Jacob Hacker [19], une perspective comparative et historique sur les institutions et les politiques publiques également mobilisée en Europe depuis les années 1990 [20]. L’origine de cette perspective est la nécessité d’étudier la vie politique historiquement afin de montrer la contingence des choix effectués et de reconstituer les actions et les perceptions des acteurs à un moment et à un endroit donnés. Toute institution résulte prioritairement de la sédimentation d’une série de choix antérieurs [21]. Ce lien conceptuel entre le passé et le présent est illustré par le concept de « chemin de dépendance » (« path dependency »). Pour les tenants de ce concept, les décisions passées conditionnent directement les choix actuels. Et bien souvent, leurs conséquences présentes sont fort éloignées de celles qui étaient prévues au départ. Ainsi, lorsque les sénateurs américains modernisèrent les règles internes de la chambre en 1806 et supprimèrent la « motion de question préalable » (previous question motion), parfaitement inutile dans le contexte d’une institution qui ne regroupait pas trente personnes, ils posaient en fait, sans le savoir, les bases procédurales du filibuster, qui constitue de nos jours une source décriée de blocage institutionnel au sein du Sénat fédéral [22].

12Comme l’a expliqué Paul Pierson dans ses textes, le « chemin de dépendance » repose sur une idée empruntée à l’économie, celle de « rendements croissants » (increasing returns). Une fois qu’une décision est prise, toute tentative de modification ultérieure voit son « coût » (politique, social, financier ou autre) s’accroître avec le temps. Cette logique cumulative explique que ledit « coût » devienne très rapidement insupportable, de sorte que personne ne revient sur la décision originelle, même si les conditions qui l’ont suscitée n’existent plus [23]. À partir d’une décision originelle, le plus souvent mineure et largement contingente, se déploient des conséquences fondamentales. Les institutions étant donc excessivement difficiles à faire évoluer de manière radicale, elles structurent et contraignent les tentatives faites pour les modifier. De ce point de vue, l’inertie est la dynamique la plus centrale de la vie politique. Il existerait ainsi un biais en faveur du statu quo, que l’on retrouve au niveau des institutions politiques comme au niveau des politiques publiques. Comme l’écrivent Sidney Milkis et Marc Landy, « en règle générale, ceux qui bénéficient d’une disposition quelconque la défendront avec beaucoup plus de vigueur que ceux qui veulent la modifier. […] Politiquement, la crainte d’une perte motive beaucoup plus que l’espoir d’un gain » [24]. Dans ces conditions, l’enjeu méthodologique devient de connecter les événements politiques contemporains par le biais des institutions et des idées qu’elles incarnent, avec le passé, tout en soulignant l’importance du « moment » historique (timing) et de la séquence d’événements (sequence) dans laquelle ils s’inscrivent. Ainsi, l’État américain s’est construit selon une séquence historique inverse de celle qui a prédominé en Europe de l’Ouest. Bien loin de résulter de la lente démocratisation d’un État absolutiste, comme cela fut d’abord le cas en Grande-Bretagne et en France [25], l’État américain s’est construit à partir d’une société civile qui s’est rapidement démocratisée [26]. Ces relations complexes, « historicisées », entre les idées, les institutions et les forces politiques sont au centre de l’institutionnalisme historique : « Pour expliquer la structure et les dynamiques de la vie politique contemporaine, il convient d’abord de clarifier leurs origines et les transformations qu’elles ont subies » [27]. L’histoire permet d’identifier des concordances qui peuvent à leur tour éclairer les dynamiques politiques contemporaines. Si l’histoire ne se répète pas, elle semble bien rimer : elle favorise une démarche comparative permanente et permet de construire des modèles pour saisir les processus d’évolution et leurs séquençages dans toute leur complexité [28]. Elle permet aussi de comprendre pourquoi, à un moment donné, un équilibre stable depuis longtemps, peut s’effondrer. Cependant, comme les politistes américains Kathleen Thelen et Jacob Hacker le soulignent [29], des changements institutionnels en apparence mineurs peuvent graduellement conduire à des transformations majeures qui ne vont pas du tout dans le sens d’un « chemin de dépendance » [30]. De ce point de vue institutionnaliste alternatif, le changement est constant et l’inertie beaucoup moins dominante que certains ne le pensent. Le débat au sein de l’institutionnalisme historique reste entier mais les deux tendances ci-dessus convergent dans leur accent commun sur les processus historiques et institutionnels à long terme.

13Le deuxième des courants majeurs de la science politique américaine, l’American Political Developement (APD), est une application directe, comme son nom l’indique, de la méthode historique et institutionnelle aux « réalités américaines » tout en demeurant ouverte aux perspectives comparatives [31]. Tout comme l’institutionnalisme historique avec lequel elle est souvent associée, l’APD propose une vision de l’analyse politique qui s’inscrit en faux contre le manque d’attention envers les processus historiques au cœur de la science politique américaine contemporaine, y compris celle ancrée dans la « théorie du choix rationnel », si influente aux États-Unis. Il trouve son origine dans de grands classiques de la science politique américaine, notamment ceux portant sur les « réalignements » électoraux par V. O. Key, Walter D. Burnham et E. E. Schattschneider [32] qui, chacun à leur façon, réagissaient contre la domination du behaviorisme dans les sciences sociales de l’époque. Par la suite, les travaux de Seymour Martin Lipset, Theodore Lowi ainsi que ceux de J. David Greenstone et Martin Shefter furent déterminants, notamment par leur recours à l’histoire [33]. Depuis son émergence dans les années 1980 et 1990, et sa reconnaissance avec la revue Studies in American Political Development dès 1986, l’APD a engendré de nombreux travaux historiques et politiques, comme ceux de Theda Skocpol sur l’État providence, Ira Katznelson et Amy Bridge sur la ségrégation urbaine, Daniel P. Carpenter sur la fonction publique, Richard Bensel sur la Reconstruction, Rogers Smith sur les traditions politiques nationales, ou encore Richard Vallely sur l’émancipation des Noirs et Margaret Weir sur les partis politiques, une liste qui n’a rien de limitatif. APD a aussi donné naissance à la formulation de « manifestes » comme celui de Karen Orren et Stephen Skowronek (2004), qui explore les fondements de cette approche générale de la vie politique américaine [34]. Pour eux aussi, la connaissance du passé permet de comprendre le présent, mais aussi de réaliser à quel point le débat moderne est contraint par les représentations héritées du passé et les conflits antérieurs : ce sont tous des éléments cruciaux pour saisir l’essence de la vie politique, y compris dans ses dimensions les plus immédiatement contemporaines. Le « développement politique » est ancré à la fois dans le passé et le présent. Mais quel est le sens exact de cette expression de « développement politique » ? Il va de soi qu’il ne s’agit plus du « développementalisme » des années 1950 et 1960. Le terme se comprend comme une opposition à la perspective euro-centrée de l’écrasante majorité des analyses de sciences sociales depuis Max Weber qui considère, implicitement ou pas, les États-Unis comme une « exception » à la norme européenne, voire comme un « échec » ou un « retard » [35]. Ces conclusions sont tout particulièrement fréquentes sur la nature de l’État, mais aussi sur des questions comme la classe ou l’idéologie. À chaque fois, l’expérience américaine est conceptualisée comme un manque, à l’instar de la fameuse question de Werner Sombart, « Pourquoi n’y a-t-il pas de socialisme aux États-Unis ? » [36]. APD s’inscrit en faux contre le caractère incomplet de la configuration institutionnelle et politique américaine. Celle-ci n’est pas avortée, incomplète, ou stagnante, mais au contraire en flux vers la constitution d’un équilibre alternatif. Comme l’expliquent K. Orren et S. Skowronek, le développement des institutions politiques va dans le sens d’une explicitation de leur rôle et du déploiement de leurs capacités. Pour eux, l’orientation générale du système politique américain en fait un « régime pleinement législatif » où « toutes les institutions – le Congrès, les cours, la présidence, la fonction publique – agissent simultanément comme des acteurs législatifs à part entière et tout à fait légitimes » [37]. Chaque institution tente ainsi de pallier les manques qui sont les siens, dans le contexte particulièrement difficile de la séparation des pouvoirs, afin de se positionner comme source principale d’expression de la loi. L’État, dans ses multiples dimensions, fonctionne de la même façon. Il est donc possible de parler pour les États-Unis d’un très haut niveau de fragmentation institutionnelle, qui est encore supérieur à celui de fédérations comme le Canada, un pays doté d’un système parlementaire beaucoup plus cohérent – et axé sur une discipline de parti de style britannique – que le système présidentiel américain [38]. Au total, la nouvelle perspective que constitue APD résulte donc d’un croisement entre l’histoire politique, une science politique critique de la domination du behaviorisme, et enfin une démarche comparative plus ou moins explicite afin de souligner les spécificités de la configuration institutionnelle et politique américaine en la détachant des normes scientifiques européennes, notamment sur la question de l’État.

14Depuis les années 1990, dans la foulée de l’APD et au-delà, les historiens se sont également penchés sur le développement de l’État en Amérique. Ainsi, le rôle des autorités publiques au 19e siècle a-t-il été « redécouvert » à partir de l’ouvrage pionnier de William Novak [39], comme l’illustre plus récemment le livre de Brian Balogh [40]. Le « pouvoir de police » (police power) [41] permettant aux États fédérés de réglementer le comportement des individus dans différents domaines – de l’hygiène à l’économie en passant par les mœurs – fut à l’origine d’un activisme public loin d’être négligeable, notamment dans des régions où on ne l’attendrait pas, comme dans les États du Sud, où la mise en œuvre de la ségrégation raciale est une illustration saisissante de l’interventionnisme public. L’État central, officiellement dépourvu de tout pouvoir de police significatif jusqu’au début du 20e siècle, n’en a pas moins mené des politiques nationales ambitieuses, notamment par le biais de grands travaux, de pensions pour les anciens combattants de la guerre de Sécession [42], ou des actions de coordination pour réglementer la révolution industrielle des trente dernières années du 19e siècle (lois antitrust, harmonisation des réglementations). Mais cette présence de l’État central est restée relativement discrète jusqu’au New Deal des années 1930. Une situation que les historiens [43] expliquent par les conditions de naissance de l’État fédéral : créé dans la méfiance et le rejet à la fin du 18e siècle, l’État central aurait été volontairement conçu par les fondateurs comme un acteur largement invisible afin de tempérer les craintes de l’opinion vis-à-vis d’une évolution monarchique et centralisatrice. Ainsi, le refus explicite d’une armée de métier et le recours systématique de l’État à une ponction fiscale indirecte sont deux des exemples les plus évidents de ce fonctionnement prudent et limité de l’État fédéral. B. Balogh propose aussi dans son ouvrage des études de cas pour illustrer l’invisibilité relative de l’État fédéral pendant le 19e siècle, par exemple l’installation des garnisons sur la Frontière (dans l’Ouest), loin des zones de peuplement, ou encore celle des centres du fisc sur les ports, à distance des grandes villes.

15À partir du New Deal et de la constitution d’un État social fédéral, ce modèle initial n’a pas disparu pour autant. L’interventionnisme fédéral en matière de protection sociale fut au contraire façonné par cet héritage historique, de sorte qu’une part essentielle de l’activisme public dans ce domaine demeure elle aussi peu visible. Christopher Howard [44] a ainsi montré que l’État social américain est partiellement « caché » (hidden welfare state), puisqu’il repose non seulement sur des paiements directs et des services sociaux mais aussi sur des crédits d’impôt et d’autres mécanismes moins visibles [45]. On peut ici parler d’actions indirectes d’un « État submergé » et fragmenté souvent « invisible » aux yeux des citoyens [46].

16De nos jours, l’État américain continue donc à suivre le chemin résultant de la conjoncture particulière de sa naissance : il s’est institutionnalisé sous la forme d’un acteur omniprésent mais fragmenté et généralement assez peu visible en raison de ses actions souvent indirectes, du moins dans le champ de la politique intérieure, les deux exceptions principales étant les politiques d’assurance sociale pour les personnes âgées et handicapées (Medicare, Social Security). Cette réalité est exacerbée par la forme institutionnelle de l’État américain.

17Le fédéralisme rend moins visible les actions régulatrices et financières de l’État central, qui ne font souvent qu’encadrer les actions nombreuses et davantage visibles des États fédérés voire des municipalités. Comme l’écrivait Alexis de Tocqueville, « les peuples se ressentent toujours de leur origine. Les circonstances qui ont accompagné leur naissance et servi à leur développement influent sur tout le reste de leur carrière » [47]. De la même manière, les spécificités initiales de l’État américain sont encore bien présentes de nos jours.

18Au vu de ces analyses, il devient difficile de nier l’activisme de l’État à tous les échelons de la structure fédérale. Il existe seulement une spécificité de la configuration américaine. Si l’interventionnisme direct est indéniable dès les débuts de la république, ses modalités présentent des particularités : l’État fédéral s’est lentement construit par le biais d’un déguisement systématique et délibéré de son action sous les traits d’acteurs publics locaux ou même en s’appuyant sur des acteurs non étatiques [48]. Ces spécificités de l’action publique aux États-Unis, autrement dit les particularités des instruments étatiques, ont des conséquences sur la définition de la puissance publique elle-même [49]. La fragmentation institutionnelle, le caractère souvent indirect de l’action publique, l’imbrication entre le niveau fédéral et le niveau fédéré ainsi que l’hybridation entre public et privé sont maintenant présentées comme faisant de l’État américain un modèle alternatif au développement étatique européen. L’État américain, bien loin d’être dépourvu de ressources, fut tout simplement différemment doté par rapport aux États européens. De ce point de vue, sa relative invisibilité pendant une grande partie de l’histoire des États-Unis pourrait n’être qu’un signe de son omniprésence. En saisissant ainsi l’État par ses marges, c’est-à-dire en se penchant sur les modalités d’interaction de l’État et de la société civile, les analyses historiques sont en mesure de résoudre le « mystère de la puissance publique » diagnostiqué par Alexis de Tocqueville en son temps [50].

19Si les historiens ont abondamment documenté les multiples facettes de l’État américain depuis sa fondation, la question de sa forme institutionnelle est restée largement à l’écart de leurs interrogations. Du point de vue de la science politique, aborder systématiquement cette question est toutefois nécessaire et ce, pour deux raisons. D’une part, la dynamique propre au fédéralisme mérite toute notre attention car celui-ci n’est pas un cadre institutionnel statique mais une réalité politique contestée et changeante [51]. Comme l’écrivait le futur président Woodrow Wilson dans Constitutional Government in the United States, « les relations entre les États fédérés [States] et l’État fédéral [federal government] sont la question cardinale de notre système constitutionnel. Elle ne pourra jamais être définitivement réglée puisqu’il s’agit fondamentalement d’une question de croissance. Chaque étape de notre développement politique et économique lui donne de nouvelles dimensions et la transforme en une nouvelle interrogation » [52]. D’autre part, l’État « caché » en Amérique ne se comprend qu’en tension au sein de la double division du pouvoir : non seulement celle, verticale, entre les États fédérés et l’État fédéral, mais aussi celle, horizontale, entre les institutions nationales, dont la fragmentation est à la fois évidente et omniprésente. Ainsi, l’État fédéral lui-même est divisé entre des institutions qui, protégées par la séparation des pouvoirs, se confrontent en permanence. Le récent conflit budgétaire de l’automne 2013 illustre par exemple la totale indépendance d’un Congrès que le président, en dépit de tout son arsenal procédural et réglementaire, ne peut contrôler [53]. Comme l’écrivait un des plus grands constitutionnalistes américains, Edward Corwin, dans The President : Office and Powers (1940), la Constitution n’est qu’une « invitation à l’affrontement » (invitation to struggle). Tout comme le fédéralisme, la séparation des pouvoirs est un processus en mutation constante dont les frontières ne sauraient être définies de façon nette. L’État américain opère donc dans un cadre institutionnel flexible qui rend son analyse complexe.

Les contributions de ce dossier

20L’objet de ce dossier est précisément de recentrer l’analyse de l’État américain autour de la dimension institutionnelle, en mettant l’accent sur l’invisibilité relative et la fragmentation de cet État, qui est inséparable du fédéralisme et, plus généralement, de la nature des institutions politiques américaines. Adam Sheingate ouvre ce dossier en s’interrogeant sur cette spécificité américaine que relevait déjà A. de Tocqueville : pourquoi les Américains semblent-ils souvent incapables de percevoir l’État ? En se basant sur le simple critère de l’emploi public, A. Sheingate démontre que l’action publique aux États-Unis s’exerce en trompe-l’œil. La dissimulation de l’action fédérale répondait historiquement à la volonté des Pères fondateurs d’éviter une réaction négative de l’opinion publique face à un État central qui évoquerait trop la monarchie britannique. L’État fédéral (government) s’est donc construit en utilisant des moyens indirects d’action, laissant aux États fédérés (states) le recours à des moyens plus explicites, notamment dans les domaines de l’éducation et de la police. L’effet cumulé de ce développement historique aboutit de nos jours à une relative invisibilité de l’action fédérale, renforcée par la multiplicité des partenariats et des délégations public/privé. Les Américains ne « voient pas » l’État car celui-ci fonctionne en dissimulant son action. L’auteur conclut son analyse en soulignant l’effet paradoxal de cet agencement : bien loin de pallier la méfiance contre l’action fédérale, ce mode de fonctionnement renforce au contraire le scepticisme des Américains vis-à-vis de leur État central. La tradition « antigouvernementale » ou « antifédérale » est donc solidement ancrée dans la culture politique américaine.

21Cette perception américaine n’a rien de statique. Elle évolue en permanence. Timothy Conlan souligne dans sa contribution l’existence de cycles de court terme au sein de la tendance séculaire vers la centralisation des pouvoirs publics aux États-Unis. L’auteur fait une analyse de long terme des évolutions du fédéralisme américain. Il part du constat que la centralisation est un phénomène ancien aux États-Unis, qui remonte à la fin de la guerre de Sécession. Mais il met aussi en valeur des cycles plus courts qui constituent une alternance entre les périodes de centralisation et de décentralisation. Il souligne ce faisant que la période contemporaine, depuis les années 1980, se caractérise par une accélération de ces cycles. Selon lui, les facteurs qui expliquent cette alternance rapide de centralisation et de décentralisation sont économiques, technologiques, mais surtout politiques : la polarisation croissante entre les deux partis au cours des dernières décennies est le principal catalyseur de ces changements brusques d’orientation. Le fédéralisme porte donc l’empreinte des évolutions plus générales de la vie politique. Le fédéralisme coopératif résultant largement des réformes sociales héritées du New Deal et de la Great Society subit donc en ce moment des mutations importantes qui soulignent à quel point le fédéralisme n’a rien d’une théorie immuable mais constitue au contraire une pratique dont les différents aspects sont constamment négociés par les acteurs politiques.

22L’article de Kimberly Morgan change la focale et se penche sur la nature de l’État fédéral. Elle souligne en particulier que le pouvoir législatif, le Congrès, est à inclure dans la définition de l’État fédéral. À l’inverse des démocraties européennes, l’expertise bureaucratique qui initie et contrôle les programmes publics n’est pas concentrée uniquement au sein du pouvoir exécutif. L’institutionnalisation précoce du Congrès ainsi que le requis constitutionnel qui en fait un partenaire de la présidence dans la définition des politiques publiques – ne serait-ce que par la préservation de son pouvoir de contrôle sur le budget – créent un Congrès qui est un acteur décisif de l’État fédéral et non pas, à l’instar des parlements européens, un juge extérieur qui sanctionne a posteriori. Comme l’avait déjà analysé Julian Zelizer [54] à propos de Wilbur Mills et de son rôle dans la définition du budget national au cours des années 1960, K. Morgan fait du Congrès une institution « étatique », dotée de sa propre bureaucratie, et non pas simplement politique ou partisane. Dans son analyse, elle s’inscrit aussi en faux contre la vision courante d’un Congrès qui serait uniquement un cimetière législatif où l’écrasante majorité des propositions de loi succomberaient à l’un des multiples vetos inhérents à l’institution. Elle souligne au contraire, à partir des réformes de Medicare en 2003 et de l’assurance-maladie en 2010, que les changements contemporains au sein du Congrès – et notamment l’amélioration de la discipline partisane – permettent à l’institution de devenir un agent de réforme.

23Enfin, le texte de Thad Kousser change lui aussi de perspective pour s’intéresser aux conséquences de la « dévolution » – le transfert des compétences de l’État fédéral vers les États fédérés – en Californie, dans le champ des politiques sociales. Il souligne en particulier les conséquences fiscales de ces transferts, qui accentuent la fragmentation institutionnelle de la puissance publique dans le contexte du fédéralisme américain. À l’inverse de l’État fédéral, où l’imposition sur le revenu est progressive (les plus aisés payent proportionnellement plus que les plus pauvres), la fiscalité fédérée est généralement « régressive », c’est-à-dire qu’elle touche davantage les populations modestes. Comme il l’explique, l’imposition progressive sur le revenu est parcellaire et limitée au niveau des États ; ces derniers se financent essentiellement par le biais de l’impôt foncier (property tax) et de l’impôt sur la consommation (sales tax). Tout transfert supplémentaire de compétences se traduit ainsi par la hausse potentielle de ces impôts souvent régressifs. Ce sont en effet les populations à faible revenu qui sont locataires (le coût de l’impôt sur la propriété étant répercuté sur les loyers) et qui dépensent proportionnellement la plus grande part de leur salaire. Ce paradoxe fiscal permet de relativiser un des arguments les plus fréquemment mobilisés par les conservateurs pour justifier la décentralisation, celui de la proximité plus grande des États envers les attentes de leur population alors que l’État fédéral, distant et rigide, serait au contraire insensible à la volonté populaire. L’exemple fiscal montre que c’est l’État fédéral qui semble plus à l’écoute des populations modestes tandis que les États fédérés pratiquent une fiscalité qui, si elle a ses défenseurs, pose néanmoins un vrai problème d’équité particulièrement criant compte tenu de la hausse massive des inégalités aux États-Unis au cours des trois récentes décennies.

24Au final, ce dossier sur « l’État en Amérique » montre toute la complexité et la fragmentation institutionnelle d’un agencement certes « indirect » et « invisible », mais en aucun cas « faible » [55]. Comme l’écrivait il y a un quart de siècle M.-F. Toinet, il y a bien « de l’État » en Amérique [56]. Néanmoins, les regards portés par les Américains sur leur État demeurent bien différents de ceux qui caractérisent plusieurs pays européens, et notamment la France. L’État, fragmenté et divisé comme il l’est outre-Atlantique, n’est qu’un instrument soumis aux impératifs d’une Constitution qui à elle seule résume et incarne l’identité nationale américaine. De ce point de vue, le parallèle est frappant entre le respect que les Américains portent à leur Constitution et celui que les Français portent à leur État. En France, l’État n’est pas simplement un arrangement institutionnel et bureaucratique : il incarne ni plus ni moins la nation française, sa continuité et sa destinée. Dans ces conditions, l’identité française n’est pas liée à un texte constitutionnel particulier – à preuve, la facilité avec laquelle l’on parle actuellement d’une « Sixième République » – alors que c’est l’inverse aux États-Unis. De bien des façons, l’observation de la vie politique et sociale américaine, vue de France, s’apparente à regarder dans un miroir : tout est familier, et pourtant, tout se meut à l’inverse de ce que nous connaissons [57]. Les catégories sont en effet symétriquement inverses, une situation qui trouve son origine dans le déroulement des événements révolutionnaires fondateurs de part et d’autre de l’Atlantique. Comme le constate Patrice Higonnet, « les traditions politiques américaine et française sont peut-être les deux faces d’une seule et même pièce » [58].

Notes

  • [1]
    En suivant la tradition wébérienne reprise par Theda Skocpol, nous définissons simplement l’État comme une « association obligatoire » exerçant un contrôle (simple ou partagé) sur un territoire particulier ainsi que sur ses habitants : Theda Skocpol, « Bringing the State Back In. Strategies of Analysis in Current Research », dans Peter B. Evans, Dietrich Rueschemeyer, Theda Skocpol (eds), Bringing the State Back In, New York, Cambridge University Press, 1985, p. 3-37, ici p. 7.
  • [2]
    Marie-France Toinet (dir.), L’État en Amérique, Paris, Presses de Sciences Po, 1989.
  • [3]
    Daniel Béland, François Vergniolle de Chantal, « Politiques sociales, stratégies électorales et fédéralisme sous la présidence Clinton », Revue française de science politique, 50 (6), décembre 2000, p. 883-913. Voir aussi François Vergniolle de Chantal, Le fédéralisme américain en question, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2006.
  • [4]
    Douglas Jaenicke, Alex Waddan, « President Bush and Social Policy. The Strange Case of the Medicare Prescription Drug Benefit », Political Science Quarterly, 121 (2), 2006, p. 217-240.
  • [5]
    Daniel Béland, Alex Waddan, « Taking Big Government Conservatism Seriously ? The Bush Presidency Reconsidered », Political Quarterly, 79 (1), 2008, p. 109-118.
  • [6]
    Dans le domaine de la politique étrangère, un certain consensus semble exister sur la nécessité de lutter vigoureusement contre le terrorisme, y compris en améliorant le controversé dispositif sécuritaire de surveillance. Voir Justin Vaïsse, Barack Obama et sa politique étrangère (2008-2012), Paris, Odile Jacob, 2012.
  • [7]
    Voir sur ces débats d’actualité Alix Meyer, « La “falaise fiscale” : plus dure sera la chute », disponible sur le site Internet du CERI : <http://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/falaiseam.pdf> (février 2013), et « Le budget fédéral de l’ère Obama. Politique de la chaise vide ou de la caisse vide ? », Politique américaine, 22, décembre 2013, p. 155-178. Pour une perspective plus générale sur l’articulation entre les pouvoirs, on lira François Vergniolle de Chantal, « Le Congrès des États-Unis. Une assemblée incontrôlable ? », Étude du CERI, 200, décembre 2013, <http://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/le-congres-des-etats-unis-une-assembleeincontrolable>.
  • [8]
    Cette évolution est abondamment documentée. L’analyse classique est celle de Morton Grodzins, The American System, Chicago, Rand McNally, 1966. Pour des perspectives plus récentes, on lira par exemple : Timothy Conlan, From New Federalism to Devolution, Washington, Brookings Institution Press, 1998 ; Martha Derthick, Keeping the Compound Republic, Washington, Brookings Institution Press, 2001 ; Iwan W. Morgan, Philip J. Davies (eds), The Federal Nation. Perspectives on American Federalism, New York, Palgrave Macmillan, 2009.
  • [9]
    Notons aussi que le poids des dépenses fédérales rapportées au produit national brut est supérieur à celui des dépenses fédérées, mais pas de manière aussi massive que ce que l’on pourrait croire. Les dépenses fédérales représentaient 17 % du PNB, tandis que le fédéré et le local représentaient 11 % du PNB en 2010. Ces chiffres sont tirés de Historical Tables of the Budget. Fiscal Year 2013, disponible sur le site de la Maison Blanche : <http://www.whitehouse.gov/sites/default/files/omb/budget/fy2013/assets/hist.pdf> (consulté en février 2014). La section 15 présente les montants globaux des dépenses fédérales, fédérées et locales.
  • [10]
    L’expression « État-Uni » est tirée d’un texte de Theodore Lowi, « Europeanization of America ? From United States to United State », dans Theodore Lowi, Alan stone (eds), Nationalizing Government. Public Policies in America, Beverley Hills, Sage Publications, 1978 p. 15-29. Hubert Kempf et Marie-France Toinet posait une question similaire dans « La fin du fédéralisme aux États-Unis ? », Revue française de science politique, 30 (4), août 1980, p. 735-775.
  • [11]
    Stephen Skowronek, Building a New American State. The Expansion of National Administrative Capacities, 1877-1920, Cambridge, Cambridge University Press, 7e éd., 1995 (1re éd. : 1982), p. 4.
  • [12]
    Denis Lacorne, L’invention de la république. Le modèle américain, Paris, Hachette, 1991. Pour une mise en perspective historique de la création du fédéralisme américain, voir aussi Alison L. LaCroix, The Ideological Origins of American Federalism, Cambridge, Harvard University Press, 2010.
  • [13]
    David Easton, A Systems Analysis of Political Life, New York, Wiley, 1965 ; Samuel P. Huntington, Political Order in Changing Societies, New Haven, Yale University Press, 1968. Cf. aussi sur ce thème de la faiblesse de la puissance publique aux États-Unis, J. P. Nettl, « The State as a Conceptual Variable », World Politics, 20 (4), juillet 1968, p. 559-592. Pour une discussion en français désormais classique sur le concept d’État, cf. Bertrand Badie, Pierre Birnbaum, La sociologie de l’État, Paris, Grasset, 1979.
  • [14]
    S. Skowronek, Building a New American State…, op. cit. T. Skocpol, P. B. Evans, D. Rueschemeyer (eds), Bringing the State Back In, op. cit. Pour une analyse du legs de ces travaux, on lira Daniel P. Carpenter, « The Multiple and Material Legacies of Stephen Skowronek », Social Science History, 27, 2003, p. 465-474.
  • [15]
    Nous renvoyons en particulier à l’ouvrage collectif dirigé par Lawrence Jacobs, Desmond King, The Unsustainable American State, Oxford, Oxford University Press, 2009. On peut lire également William J. Novak, « The Myth of the “Weak” American State », American Historical Review, 113, 2008, p. 752-772. The Forum (7 (4), décembre 2009) a publié un numéro spécial, dont l’un des articles de ce dossier de la revue est tiré. Son sommaire est disponible à : <http://www.degruyter.com/view/j/for.2010.7.4_20120105083456/for.2010.7.4/issue-files/for.2010.7.issue-4.xml>. La Revue française de sociologie a publié un numéro sur cette question en 2011. On peut se reporter entre autres à Sarah Gensburger, « Contributions historiennes au renouveau de la sociologie de l’État. Regards croisés franco-américains », Revue française de sociologie, 52 (3), 2011, p. 579-602 ; de la même auteure, cf. aussi « La main invisible de l’État américain », Revue française de science politique, 60 (5), octobre 2010, p. 1023-1030.
  • [16]
    Nous reprenons cette formulation à Marie-France Toinet qui l’utilise dans son introduction à l’ouvrage qu’elle dirigea en 1989 : L’État en Amérique (Paris, Presses de Sciences Po) et qui rassemblait les contributions d’auteurs américains et français pour faire un bilan des évolutions de l’action publique aux États-Unis après presque une décennie de reformulation « néofédérale ». On peut lire dans cet ouvrage le chapitre de Denis Lacorne, « Aux origines du fédéralisme américain : l’impossibilité de l’État », p. 38-53.
  • [17]
    S. Skowronek, Building a New American State…, op. cit. Lire en particulier le premier chapitre, « The New State and American Political Development » qui offre une synthèse des perspectives européennes sur l’inaboutissement de l’État en Amérique en présentant les thèses de Hegel, de Marx et de Tocqueville.
  • [18]
    Sur ce thème, on peut aussi se référer à Kimberly J. S. Johnson, Governing the American State. Congress and the New Federalism, 1877-1920, Princeton, Princeton University Press, 2007.
  • [19]
    L’institutionnalisme historique a été classiquement présenté par Peter A. Hall et Rosemary C. Taylor dans « Political Science and the Three New Institutionalisms », Political Studies, 44, 1996, p. 936-957 ; le texte est publié traduit dans la Revue française de science politique en 1997, 47 (3-4), p. 469-496. Parmi les titres les plus connus ressortant de cette école, on peut citer : Theda Skocpol, Protecting Soldiers and Mothers. The Political Origins of Social Policy in United States, Cambridge, Harvard University Press, 1992 ; Ann Shola Orloff, The Politics of Pensions. A Comparative Analysis of Britain, Canada, and the United States, 1880-1940, Madison, University of Wisconsin Press, 1993 ; Edwin Amenta, Bold Relief. Institutional Politics and the Origins of Modern American Social Policy, Princeton, Princeton University Press, 1998 ; Jacob S. Hacker, The Divided Welfare State. The Battle over Public and Private Social Benefits in the United States, New York, Cambridge University Press, 2002 ; Jacob S. Hacker, Paul Pierson, Winner-Take-All Politics. How Washington Made the Rich Richer and Turned Its Back on the Middle Class, New York, Simon & Schuster, 2010. Pour une synthèse, nous renvoyons au chapitre de Elizabeth Sanders, « Historical Institutionalism », dans Sarah A. Binder, R. A. W. Rhodes, Bert A. Rockman (eds), The Oxford Handbook of Political Institutions, Oxford, Oxford University Press, 2006, p. 39-55. Cf. aussi Paul Pierson, Theda Skocpol, « Historical Institutionalism in Contemporary Political Science », dans Ira Katznelson, Helen Milner (eds), Political Science. The State of the Discipline, New York, W. W. Norton, 2002, p. 693-721.
  • [20]
    Giuliano Bonoli, The Politics of Pension Reform. Institutions and Policy Change in Western Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2000 ; Ellen M. Immergut, Health Politics. Interests and Institutions in Western Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.
  • [21]
    On définit classiquement les « institutions » comme « un ensemble de règles, de normes, de procédures et d’organisations qui encadrent l’activité politique ». Sur ce point, lire Ian Shapiro, Stephen Skowronek, Daniel Galvin, Rethinking Political Institutions. The Art of the State, New York, New York University Press, 2006. Mais comme le souligne justement Julian Zelizer dans Governing America. The Revival of Political History (Princeton, Princeton University Press, 2012, p. 65), les « institutions » sont au politiste ce que la « culture » est au sociologue (ou, en France, au « civilisationniste »), un concept fourre-tout.
  • [22]
    Sarah A. Binder, Minority Rights, Majority Rule, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, en particulier le troisième chapitre, « Procedural Choice in the Early Congress. The Case of the “Previous Question” », p. 43-67.
  • [23]
    Paul Pierson, « Increasing Returns, Path Dependence, and the Study of Politics », American Political Science Review, 94 (2), juin 2000, p. 251-267. Cf. aussi, du même auteur, Politics in Time. History, Institutions, and Social Analysis, Princeton, Princeton University Press, 2004.
  • [24]
    S. M. Milkis, M. Landy, American Government. Balancing Democracy and Rights, New York, Cambridge University Press, 2008, p. 24. D’où une longue tradition d’analyses soulignant la stabilité des arrangements institutionnels et la nature incrémentale des changements : par exemple, Aaron Wildavski, Politics of the Budgetary Process, Boston, Little Brown & Co., 1964, ou encore, Martha Derthick, Policymaking for Social Security, Washington, Brookings Institution Press, 1979.
  • [25]
    Barrington Moore Jr., Social Origins of Dictatorship and Democracy. Lord and Peasant in the Making of the Modern World, Boston, Beacon Press, 1966 ; Charles Tilly (ed.), The Formation of National States in Western Europe, Princeton, Princeton University Press, 1975. Pour des compléments comparatifs, cf. Peter Baldwin, « Beyond Weak and Strong. Rethinking the State in Comparative Policy History », Journal of Policy History, 17 (1), 2005, p. 12-33.
  • [26]
    Desmond King, Robert C. Lieberman, Gretchen Ritter, Laurence Whitehead (eds), Democratization in America. A Comparative-Historical Analysis, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2009.
  • [27]
    S. M. Milkis, M. Landy, American Government…, op. cit., p. xvii.
  • [28]
    Stephen Skowronek, Karren Orren, The Search for American Political Development, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, en particulier p. 5-9.
  • [29]
    Kathleen Thelen, How Institutions Evolve. The Political Economy of Skills in Germany, Britain, the United States, and Japan, Cambridge, Cambridge University Press, 2004 ; Jacob S. Hacker, « Privatizing Risk without Privatizing the Welfare State. The Hidden Politics of Social Policy Retrenchment in the United States », American Political Science Review, 98 (2), 2004, p. 243-260.
  • [30]
    Sur cette question, on lira aussi Bruno Palier, Giuliano Bonoli, « Phénomènes de Path Dependence et réformes des systèmes de protection sociale », Revue française de science politique, 49 (3), juin 1999, p. 399-420.
  • [31]
    Calvin C. Jillson, American Government. Political Development and Institutional Change, New York, Routledge, 2009. Pour complément, se reporter à John Gerring, « APD From a Methodological Point of View », Studies in American Political Development, 17, printemps 2003, p. 82-102 ; et « From APD to APH ? », CLIO, 12, 2001-2002, p. 37-39.
  • [32]
    V.O. Key Jr., « A Theory of Critical Elections », Journal of Politics, 17, 1955, p. 3-18 ; Walter Dean Burnham, Critical Elections and the Mainsprings of American Politics, New York, W. W. Norton., 1970 ; E. E. Schattschneider, The Semi-Sovereign People, New York, Holt, Rinehart & Winston, 1960.
  • [33]
    Seymour Martin Lipset, The First New Nation. The United States in Historical and Comparative Perspective, New York, Basic Books, 1963 ; Theodore Lowi, The End of Liberalism. Ideology. Policy and the Crisis of Public Authority, New York, W. W. Norton, 1969 ; J. David Greenstone, Labor in American Politics, Chicago, The University of Chicago Press, 1977. Les travaux de Martin Shefter, le mentor de Steven Skowronek, notamment ceux sur la bureaucratie et les partis politiques (1977, 1978), furent republiés dans un collectif : Martin Shefter (ed.), Political Parties and the State. The American Historical Experience, Princeton, Princeton University Press, 1994. Il a aussi publié, en collaboration avec Benjamin Ginsberg, Politics by Other Means, New York, W. W. Norton, 1990.
  • [34]
    K. Orren, S. Skowronek, The Search for American Political Development, op. cit. ; Richard M. Valelly, The Two Reconstructions. The Struggle for Black Enfranchisement, Chicago, The University of Chicago Press, 2004 ; Daniel P. Carpenter, The Forging of Bureaucratic Autonomy. Reputations, Networks, and Policy Innovation in Executive Agencies, 1862-1928, Princeton, Princeton University Press, 2001 ; Margaret Weir, The Social Divide. Political Parties and the Future of Activist Government, Washington, Brookings Institution Press, 1998 ; Rogers M. Smith, Civic Ideals. Conflicting Visions of Citizenship in U.S. History, New Haven, Yale University Press, 1997 ; Theda Skocpol, Boomerang. Health Care Reform and the Turn Against Government, New York, Norton, 1997, et Protecting Soldiers and Mothers…, op. cit. ; Richard Bensel, Yankee Leviathan. The Origins of Central State Authority in America, 1859-1877, New York, Cambridge University Press, 1990, et Sectionalism and American Political Development, 1880-1980, Madison, University of Wisconsin Press, 1980 ; Amy Bridges, A City in the Republic. Antebellum New York and the Origins of Machine Politics, Ithaca, Cornell University Press, 1984 ; Ira Katznelson, Black Men, White Cities. Race, Politics, and Migration in the United States 1900-30 and Britain, 1948-68, New York, Oxford University Press, 1973, et City Trenches. Urban Politics and the Patterning of Class in the United States, Chicago, The University of Chicago Press, 1981.
  • [35]
    J. Gerring, « APD From a Methodological Point of View », art. cité, p. 83-84.
  • [36]
    Le texte classique de Werner Sombart en 1906 a été publié en français : Pourquoi le socialisme n’existe-t-il pas aux États-Unis ?, Paris, PUF, 1992.
  • [37]
    K. Oren, S. Skowronek, The Search for American Political Development, p. 181.
  • [38]
    Pour une comparaison historique et institutionnelle entre le Canada et les États-Unis, on lira Antonia Maioni, Parting at the Crossroad. The Emergence of Health Insurance in the United States and Canada, Princeton, Princeton University Press, 1998 ; Bruno Théret, Protection sociale et fédéralisme. L’Europe dans le miroir de l’Amérique du Nord, Montréal/Bruxelles, Presses de l’Université de Montréal/Peter Lang, 2002.
  • [39]
    William Novak, The People’s Welfare. Law and Regulation in 19th Century America, Chapel Hill, North Carolina Press, 1996.
  • [40]
    Brian Balogh, A Government Out of Sight. The Mystery of National Authority in 19th Century America, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.
  • [41]
    L’anglais américain a conservé cette expression pour désigner la part de compétences laissées aux États, alors qu’en français, elle n’est absolument plus utilisée. C’était pourtant une notion largement usitée en France aux 17e et 18e siècles. La notion de police se confondait alors avec celle de gouvernement. Dans son Traité de la police, publié pour la première fois en 1705, Nicolas de La Mare notait ainsi que le domaine de la police est constitué par l’ensemble des lois qui permettent de conserver la société civile et de contribuer au bonheur commun. La « police » embrasse donc à cette époque tout le champ de l’organisation sociale. Pierre Rosanvallon, que nous reprenons ici, a des pages intéressantes sur cette notion dans L’État en France, Paris, Seuil, 1990, p. 203-205.
  • [42]
    T. Skocpol, Protecting Soldiers and Mothers…, op. cit.
  • [43]
    M. M. Edling, A Revolution in Favor of Government. Origins of the U.S. Constitution and the Making of the American State, New York, Oxford University Press, 2003 ; B. Balogh, A Government Out of Sight…, op. cit.
  • [44]
    Christopher Howard, The Welfare State Nobody Knows. Debunking Myths about U.S. Social Policy, Princeton, Princeton University Press, 2007 ; Christopher Howard, The Hidden Welfare State. Tax Expenditures and Social Policy in the United States, Princeton, Princeton University Press, 1997.
  • [45]
    Cf. aussi Jacob Hacker, The Divided Welfare State. The Battle Over Public and Private Social Benefits in the United States, New York, Cambridge University Press, 2002. Pour une perspective comparative, voir Daniel Béland, Brian Gran (eds), Public and Private Social Policy. Health and Pension Policies in a New Era, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2008.
  • [46]
    Sur la notion d’« État submergé », cf. Suzanne Mettler, The Submerged State. How Invisible Government Policies Undermine American Democracy, Chicago, The University of Chicago Press, 2011.
  • [47]
    Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris, Garnier-Flammarion, 1982 (1re éd. : 1835), t. I, p. 86.
  • [48]
    Par exemple, Kimberly J. Morgan, Andrea Louise Campbell, The Delegated Welfare State. Medicare, Markets, and the Governance of Social Policy, New York, Oxford University Press, 2011.
  • [49]
    S. Gensburger, « Contributions historiennes au renouveau de la sociologie de l’État. Regards croisés franco-américains », art. cité.
  • [50]
    A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, op. cit., t. I, chap. 5, p. 134 : « Ce qui frappe le plus l’Européen qui parcourt les États-Unis, c’est l’absence de ce qu’on appelle chez nous le gouvernement ou l’administration. En Amérique, on voit des lois écrites ; on en aperçoit l’exécution journalière ; tout se meut autour de vous, et on ne découvre nulle part le moteur. La main qui dirige la machine sociale échappe à chaque instant » (souligné par nous).
  • [51]
    B. Théret, Protection sociale et fédéralisme…, op. cit.
  • [52]
    Constitutional Government in the United States, New York, Columbia University Press, 1917, p. 173. Pour complément sur cette dynamique fédérale, nous renvoyons à François Vergniolle de Chantal, Fédéralisme et antifédéralisme, Paris, PUF, 2005.
  • [53]
    F. Vergniolle de Chantal, « Le Congrès des États-Unis. Une assemble incontrôlable ? », art. cité.
  • [54]
    Julian E. Zelizer, Taxing America. Wilbur D. Mills, Congress, and the State, 1945-1975, New York, Cambridge University Press, 1998.
  • [55]
    Cf. aussi, Desmond King, Robert C. Lieberman, « L’État aux États-Unis. Nouvelles perspectives de politique comparée pour en finir avec le mythe de l’État “faible” », Revue française de sociologie, 52 (3), 2011, p. 481-507. Pour complément, on lira aussi Desmond King, Robert C. Lieberman, « Ironies of State-Building. A Comparative Perspective on the American State », World Politics, 61 (3), 2009, p. 547-588.
  • [56]
    M.-F. Toinet (dir.), L’État en Amérique, op. cit., p. 9-17.
  • [57]
    Richard Kuisel, Le miroir américain. Cinquante ans de regard français sur l’Amérique, Paris, J.-C. Lattès, 1996 (1re éd. étr. : 1993).
  • [58]
    Patrice Higonnet, Sister Republics. The Origins of French and American Republicanism, Cambridge, Harvard University Press, 1988, p. 272.
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