Couverture de RFSP_601

Article de revue

Combien publient les politistes

La productivité des politistes du CNRS et leurs supports de publication

Pages 117 à 133

Notes

  • [1]
    Entretien au quotidien Les Échos, 28 janvier 2008. Voir la réaction de Pierre Lascoumes (alors président de la section 40), Daniel Benamouzig, Philippe Bezes et Patrick Le Lidec dans Le Monde du 19 février 2008.
  • [2]
    Nous avons durant tout notre exercice défendu une évaluation qualitative et collégiale de l’activité scientifique et la recherche que nous présentons ne nous dissuadera pas de changer d’avis sur ce point : voir notre contribution avec Georges Debrégeas, « Vos papiers ! La science à l’aune de la raison comptable », Vacarme, 44, été 2008, <http://www.vacarme.org/article1630.html>, et le texte princeps de Philippe Büttgen, « Évaluation de classement et évaluation de jugement », intervention au débat « L’évaluation dans les sciences humaines et sociales », École normale supérieure, Paris, 27 mai 2008 (disponible sur le site consacré à l’évaluation en sciences sociales : <http://evaluation.hypotheses.org/88>).
  • [3]
    Voir notamment les deux collectifs publiés dans la collection « Logiques politiques » de L’Harmattan : Éric Darras, Olivier Philippe (dir.), La science politique une et multiple, 2004, et Pierre Favre, Jean-Baptiste Legavre (dir.), Enseigner la science politique, 1998.
  • [4]
    Nous avons introduit ce critère de durée d’emploi au CNRS en raison du fait que nous souhaitions analyser 4 années d’activité au sein de l’établissement, ce qui exclut, de fait, les 15 chercheurs recrutés après 2003 ou 2004, selon l’année de leur dernier dépôt de liste de publications. La collecte des documents a été effectuée en 2008. Par « actif », il faut entendre ceux de l’année 2006 encore en poste en 2008 (nous avons exclu les départs en retraire, les éméritats, les passages à l’université ou les mises en disponibilité, ainsi que le cas unique de congé longue maladie). La part des politistes que nous avons identifiés renvoie à peu près à l’estimation exprimée dans le rapport de conjoncture de la mandature qui précédait la nôtre (« Rapport de conjoncture du comité national », Paris, CNRS, 2004, p. 855).
  • [5]
    Et ne mentionne donc ni « Organisation et sociologie de la production et du travail ; relations professionnelles », ni « Sociologie et gestion des organisations et des institutions ».
  • [6]
    Nous avons ainsi écarté un chercheur de l’ancien Centre de sociologie urbaine, deux du Centre de gestion de Polytechnique, deux de l’ancien Genre, Travail, Mobilités, un de l’IRISES, un de Environnement, ville et société, un du Centre de sociologie des organisations, un du Shadyc, un de Médecine, Sciences et Sociétés, un du CERLIS, deux du PRINTEMPS, un d’un centre de gestion, trois du CESAMES, deux du CERTOP, un de l’actuel IIAC, trois du Centre Maurice Halbwachs, un de l’IREMAM, sept du LISE, un de Droit et changement social, un de l’ancien CRESAL, six du LEST, un du CESDIP, un du Centre d’économie de Paris Nord, deux du LATTS, un du CEVIPOF, un du LARHA, deux du laboratoire Georges Friedman, un du GRECSTA, deux de l’actuel Institut de la communication, un de PACTE, un de l’ex-Psychanalyse et pratique sociale.
  • [7]
    Notre comptage est plus restrictif que celui d’Yves Déloye et Nonna Mayer, qui inclut les chercheurs de la FNSP (« French Political Science at a Turning Point », French Politics, 6 (3), 2008, p. 281-301, dont p. 283). Rappelons que quelques politistes peuvent être rattachés à d’autres sections, notamment la section 36 « Sociologie, normes et règles ».
  • [8]
    Au CNRS en 2006, 19 % des chercheurs avaient moins de 40 ans (section : 21 %), 21 % entre 41 et 50 ans (section : 25 %), 36 % entre 51 et 60 ans (section : 34 %) et 24 % 60 ans et plus (section : 19 %). Parmi les répondants au sondage adressé en 2009 aux politistes des universités françaises, du CNRS et de la FNSP, 23 % des répondants ont moins de 37 ans, 21 % de 37 à 41 ans, 17 % de 41 à 47 ans, 20 % de 47 à 56 ans, et 20 % de plus de 56 ans (cf. Emiliano Grossman, « Le classement par la réputation : une contribution au débat actuel sur le classement des revues », Grenoble, 10e Congrès de l’Association française de science politique, septembre 2009).
  • [9]
    C’est-à-dire des unités UMR d’Universités parisiennes (Paris I à Paris XIII et grandes écoles parisiennes). Rappelons que 58 % des thèses de science politique soutenues entre 1998 et 2001 l’ont été à Paris (cf. Olivier Godechot, Nicolas Mariot, « Les deux formes du capital. Structure relationnelle des jurys de thèses et recrutement en science politique », Revue française de sociologie, 45 (2), 2004, p. 243-282). Par ailleurs, 57 % des chercheurs en SHS sont affectés en Île-de-France.
  • [10]
    Il n’est besoin de souligner l’importance de l’IEP Paris dans le profilage de la science politique française : Godechot et Mariot indiquent par exemple (ibid., p. 260) que l’IEP Paris fournit sur le marché 30 % des docteurs en science politique, et 60 % des docteurs en poste à l’université et dans les EPST. Nous verrons plus loin l’importance de l’IEP de Paris dans les sous-groupes qui se distinguent par les niveaux de productivité élevés.
  • [11]
    La parité dans les métiers du CNRS, Paris, DRH-CNRS-Mission pour la place des femmes au CNRS, 2007, p. 4 et 11.
  • [12]
    La parité dans les métiers du CNRS, ibid.
  • [13]
    La part des femmes est de 44 % en SHS « que ce soit à l’Université ou au CNRS » (Isabelle Backouche et al., « Un plafond à caissons. Les femmes à l’EHESS », Sociologie du travail, 51 (2), 2009, p. 253-274, dont p. 257). Voir aussi Isabelle Backouche et al., Les enseignantes-chercheuses à l’université. Demain la parité ?, Paris, L’Harmattan, 2002, et Catherine Marry, Irène Jonas, « Chercheuses entre deux passions : l’exemple des biologistes », Travail, Genre, Sociétés, 14, 2005, p. 69-88.
  • [14]
    Bilan social 2006, CNRS-DRH, 2007.
  • [15]
    Y. Déloye, N. Mayer, « French Political Science… », art. cité, p. 284. La part des femmes parmi les 243 politistes ayant répondu au sondage d’Emiliano Grossman est de 30 % ; la part des femmes politistes dans les universités britanniques est de 44 % parmi les étudiants, 25 % parmi les enseignants (Parveen Akhtar et al., « Women in the Political Science Profession », European Political Science, 4 (3), 2005, p. 242-255).
  • [16]
    La parité dans les métiers du CNRS, op. cit., p. 26.
  • [17]
    Le codage a été effectué sur pièces par moi seul, compte tenu de la nature nominative des documents consultés, en vertu de ma qualité de membre de la section. Une version exploratoire de ce travail avait été exposée en 2007 devant la section et la directrice de département de l’époque, puis en réunion intersyndicale des chercheurs en science politique.
  • [18]
    Le premier cas de figure est rare (un cas), le second beaucoup moins (environ un sixième des cas – nous n’avons pas codé la langue de parution de l’article dans les revues multilingues telles que les revues suisses, par exemple).
  • [19]
    Il ne faut pas surestimer le taux de revues finalement non considérées en qualité de « revues scientifiques ». Le rangement effectué par les chercheurs eux-mêmes dans leurs listes de publication s’est trouvé finalement assez peu redressé.
  • [20]
    Bruno Auerbach, « Publish and Perish. La définition légitime des sciences sociales au prisme du débat sur la crise de l’édition SHS », Actes de la recherche en sciences sociales, 164, 2006, p. 75-92.
  • [21]
    Sur les problèmes soulevés par l’édition en sciences sociales, voir Bruno Auerbach, « Production universitaire et sanctions éditoriales. Les sciences sociales, l’édition et l’évaluation », Sociétés contemporaines, 74, 2009, p. 121-145.
  • [22]
    Nous rejoignons donc la difficulté exprimée par Simon Hix (« A Global Ranking of Political Science », Political Studies Review, 2, 2004, p. 293-313, dont p. 295) difficulté qu’il a résolue en ne prenant en compte que les revues (et parmi elles celles du SSCI). On verra toutefois que la corrélation est sans doute forte entre la fréquence de publication dans les revues et la fréquence de publication dans les ouvrages, si bien que la première pourrait – sous réserve d’enquête plus approfondie – en effet être prise pour variable proxy de la seconde.
  • [23]
    David Colander, « Can European Economics Compete with US Economics ? And Should It ? », Middlebury College Working Paper Series, 2, 2009.
  • [24]
    Michelle Dassa, Isabelle Sidéra, « Test du recueil RIBAC », Lettre de l’INSHS, CNRS, 6, 2009, p. 8-9.
  • [25]
    E. Grossman, « Le classement par la réputation… », cité.
  • [26]
    Par « productivité », on entend ici production/individu. C’est le terme minimal qui est retenu dans les travaux comparables qui, si l’on disposait d’autres données relatives aux inputs (telles que le temps consacré à la publication, celui consacré à l’enquête, celui consacré aux autres activités comme l’enseignement, les dotations budgétaires des différents laboratoires, etc.), pourrait être considérablement raffiné, à l’exemple de ce qu’engage le dispositif Ribac (voir en économie Martin Kocher et al., « Measuring Productivity of Research in Economics : A Cross-Country Study Using DEA », Socio-Economic Planning Sciences, 40 (4), 2006, p. 314-332 – nous n’avons pas trouvé de travaux publiés sur la science politique développant ce type d’approches).
  • [27]
    Ribac (i.e. Recueil pour un observatoire des activités des chercheurs en SHS) est une enquête menée auprès de 428 chercheurs de 11 UMR (27 % de taux de réponse). L’enquête a l’ambition de relever l’ensemble des activités menées par les chercheurs (enquêtes, enseignements, activités éditoriales, responsabilités collectives, etc.), à l’image de ce qui est recommandé, par exemple, dans la recherche de Colander.
  • [28]
    Michael W. Giles, James C. Garand, « Ranking Political Science Journals : Reputational and Citational Approaches », PS. Political Science and Politics, 40 (4), 2007, p. 741-751, dont p. 749.
  • [29]
    AERES, Critères d’identification des chercheurs et enseignants-chercheurs « publiants », Paris, AERES, non daté (et non retrouvé sur le site : peut-être ce document a-t-il été retiré).
  • [30]
    AERES, ibid., p. 2.
  • [31]
    AERES, ibid., p. 3. Sur ce point, voir B. Auerbach, « Production universitaire et sanctions éditoriales. Les sciences sociales, l’édition et l’évaluation », art. cité.
  • [32]
    Voir le travail de Marry et Jonas sur le « prix élevé, psychique et matériel » (p. 86), du choix de la carrière scientifique chez les femmes biologistes, à commencer par un indice de fécondité inférieur, par exemple, aux homologues enseignantes du secondaire (C. Marry, I. Jonas, « Chercheuses entre deux passions… », art. cité).
  • [33]
    Les pratiques de publication recoupent globalement les préférences des chercheurs pour les revues dans lesquelles ils soumettent volontiers des propositions d’article, telles que collectées dans le sondage d’Emiliano Grossman : on retrouve, par ordre décroissant de préférence, la Revue française de science politique, Politix, Revue française de sociologie, Annales, Sociologie du travail, Genèses et Critique internationale. E. Grossman souligne qu’être chercheur ou enseignant-chercheur ne change pas grand chose à ces préférences, à ceci près que les chercheurs semblent privilégier quelque peu les revues de sociologie générale. Une étude avait par ailleurs montré que les chercheurs du CNRS représentaient 44 % des auteurs français publiant dans les deux revues Revue française de science politique et Politix, de 1970 à 2004 (Libia Billordo, Adina Dumitru, « French Political Science : Institutional Structures in Teaching and Research ». French Politics, 4 (1), 2006, p. 124-134).
  • [34]
    Revues A et B : Cemoti, Communications, Critique internationale, Cultures et conflits, Droit et société, Genèses, Mots, Pôle sud, Politique africaine, Politique européenne, Politiques et Management Public, Politix, Pouvoir [sic], Problèmes d’Amérique latine, Quaderni, Raisons politiques, Réseaux, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, Revue d’études comparées est-ouest, Revue française d’administration publique, Revue française de science politique, Revue française des affaires sociales (deux autres revues sont, dans notre codage, étrangères : Lien social et politique, et Revue internationale de politique comparée).
  • [35]
    Voir les explications données en septembre 2008 sur le site de l’Agence (<http://www.aeres-evaluation.fr/Science-politique?var recherche=revue>), consulté le 4 février 2010. Sur les limites de ce classement, voir François Briatte, « Comparaison inter-classements des revues en sociologie-démographie et en science politique », Bulletin de méthodologie sociologique, 100, octobre 2008, p. 51-68, ainsi que diverses positions rassemblées par l’Association nationale des candidats aux métiers de la science politique (<http://ancmsp.com/Dossiers-AERES>).
  • [36]
    Ainsi, les 23 revues retenues par l’AERES ont publié au cours du quadriennat étudié un peu moins d’un tiers de l’ensemble des articles publiés dans les revues scientifiques françaises. Si l’on retenait les lettres A et B du comité science politique de l’AERES, on remarquera que les 7 revues classées A (Critique internationale, Genèses, Politique africaine, Politiques et management public, Politix, Raisons politiques, Revue française de science politique) ont toutes accueilli plus de 4 contributions au cours des 4 dernières années.
  • [37]
    On trouve également la Revue administrative, dont les 5 articles ont toutefois un seul et même auteur.
  • [38]
    En l’espèce : Archives des sciences sociales des religions, Actes de la recherche en sciences sociales, Archives de philosophie du droit, Cahiers de l’Orient, Champ pénal, Cultures et conflits, Économie et société, Matériaux pour l’histoire de notre temps, Recherches et prévisions, Revue européenne des migrations internationales, Revue française de sociologie, Revue internationale et stratégique, Revue politique et parlementaire, Revue d’études comparées est-ouest, Revue Tocqueville, Sociétés contemporaines, Travail Genre Sociétés, ou, si l’on exclut les revues très nettement appropriées par un autre champ disciplinaire : Archives des sciences sociales des religions, Cahiers de l’Orient, Cultures et conflits, Recherches et prévisions, Revue européenne des migrations internationales, Revue française d’administration publique, Revue française des affaires sociales, Revue internationale et stratégique, Revue politique et parlementaire, Revue d’études comparées est-ouest, Revue Tocqueville.
  • [39]
    Plus précisément : des collègues politistes de la section 40 du CNRS… Il faudrait en réalité examiner quelle intersection il y a avec les pratiques de publication des universitaires, mais les données de Grossman suggèrent qu’il ne doit pas en être bien autrement.
  • [40]
    Governance est la seule revue étrangère parmi les 8 revues citées dix fois dans lesquelles les 243 politistes sondés par E. Grossman disent préférer soumettre.
  • [41]
    S. Hix, « A Global Ranking of Political Science », art. cité. Les réactions à ce classement n’avaient pas seulement été européennes, mais aussi américaines, comme le montre le dossier publié dans PS. Political Science, 40 (4), 2007.
  • [42]
    En l’occurrence, la communauté allemande (Thomas Plümper, « Publikationstätigkeit und Rezeptionserfolg der deutschen Politikwissenschaft in internationalen Fachzeitschriften, 1990-2002. Eine bibliometrische Analyse der Veröffentlichungsleistung deutscher politikwissenschaftlicher Fachbereiche und Institute », Politische Vierteljahresschrift, 44 (4), 2003, p. 529-544). L’exercice avait l’année suivante débouché sur une publication relative à l’Italie (Thomas Plümper, Claudio Radaelli, « Publish or Perish ? Publications and Citations of Italian Political Scientists in International Political Science Journals, 1990-2002 », Journal of European Public Policy, 11 (6), 2004, p. 1112-1127). Ce sont à notre connaissance les deux seules contributions relatives à la productivité des politistes en Europe, auxquels il faut ajouter la communication orale de Robert Harmsen à la CP4 du Congrès 2009 de l’AFSP.
  • [43]
    Y. Déloye, N. Mayer (« French Political Science… », art. cité) l’estiment « invisible ». Robert Harmsen parle « d’absence internationale », en montrant que les auteurs français ne comptaient en 2000-2008 que pour 1,3 % des auteurs de European Journal of Political Research et pour 4,5 % de la revue Governance (communication à la CP4 du Congrès 2009 de l’AFSP).
  • [44]
    La domination dans ce type de travaux des facteurs d’impact est telle que l’on oublie souvent qu’existe, à côté de la diffusion, la production, comme l’illustre le glissement suivant entre productivité et visibilité : « Il est bien connu que les universitaires européens sont moins productifs que leurs collègues étasuniens, si par productivité on entend les publications qui sont fortement visibles aux pairs » (Nils Petter Gleditsch, « Incentives to Publish », European Political Science, 6 (2), 2007, p. 185-191).
  • [45]
    L’IEP de Paris est 170e, l’Université de Paris X-Nanterre 254e, celle de Lille II 313e… En Europe continentale, seul l’Institut universitaire européen de Florence y occupe une place éminente.
  • [46]
    T. Plümper élargit son effectif de revues SSCI aux disciplines connexes telles que les sciences administratives, les relations industrielles, les études urbaines, etc., mais en exclut les revues « d’importance marginale (i.e. dotées d’un facteur d’impact inférieur à 0,25 ou d’un nombre total de citations inférieur à 25) »… Chassez les indices de citation par la porte, ils reviennent par la fenêtre.
  • [47]
    Commission de l’évaluation de l’INRIA, Que mesurent les indicateurs bibliométriques ?, Paris, INRIA, 2009. Voir Martial Foucault, « French homo publicus », Grenoble, 10e Congrès de l’Association française de science politique, 2009. Du coup, pour ne prendre qu’un exemple, l’article de Thomas Plümper (« Publikationstätigkeit… », art. cité), qui se présente comme un article sur la production (« Publikationstätigkeit ») et l’impact (« Rezeptionserfolg ») se révèle en fait un article sur « l’internationalisation » (p. 535).
  • [48]
    Simon Hix rappelait symétriquement que « American Political Science Review, considérée partout comme la première revue de science politique, reste néanmoins la revue-maison de l’Association américaine de science politique. De manière peu étonnante, seulement 7 % des articles publiés dans APSR entre 1996 et 1999 l’ont été par des universitaires hors des Etats-Unis » (« A Global Ranking of Political Science », art. cité, p. 296 ; en un sens convergent l’enquête de Philip Schmitter, « Seven (Disputable) Theses Concerning the Future of “Transatlanticised” or “Globalised” Political Science », European Political Science, 1 (2), 2002, p. 23-40). E. Grossman m’indique que si cette revue est valorisée aux yeux des politistes français, aucun n’y a jamais publié.
  • [49]
    En 2007, donc : Political Analysis, American Political Science Review, American Journal of Political Science, Public Opinion Quarterly, Journal of Conflict Resolution, Political Geography, European Journal of Political Research, European Union Politics, Quarterly Journal of Political Science, Journal of Politics.
  • [50]
    Outre le British Journal, il s’agit de West European Politics (4 articles, dont 3 d’un même auteur), Foreign Policy, Governance (3 articles), Comparative Political Studies, International Affairs, International Journal of Urban and Regional Research (2 articles), International Political Science Review, Journal of European Public Policy et PS. Political Science.
  • [51]
    T. Plümper, C. Radaelli, « Publish or Perish ?… », art. cité.
  • [52]
    T. Plümper, « Publikationstätigkeit… », art. cité, p. 542. L’auteur note que la part des publications allemandes dans les revues SSCI du champ est la moitié de ce qu’elle est en économie, et un dixième de ce qu’elle est dans les sciences autres que les sciences sociales (p. 530).
  • [53]
    Bien évidemment, toute comparaison avec les États-Unis nous renvoie à de tout autres dimensions. Ainsi, le nombre total de publications dans les revues SSCI de science politique au cours d’une période donnée signées par des auteurs issus d’universités allemandes équivaut à peu près à celle signées par des auteurs issus de la seule université Harvard (T. Plümper, ibid., p. 535). Cela étant, si l’on prend non plus le seul marché des grands départements universitaires américains, mais l’ensemble du marché, il semble que les premiers concentrent l’essentiel des citations du SSCI, laissant derrière eux une majorité de départements sans citation.
  • [54]
    En économie (la discipline des sciences humaines et sociales la plus intégrée internationalement), 17 % des universitaires européens se soucient de publier dans les revues internationales classées, contre 42 % des universitaires américains, si bien que l’auteur de cette étude, David Colander, en vient à déplorer les appels à concentrer les publications en Europe sur les « top-ranked journals », qui amènent à « comparer un joueur de football européen (soccer) à un joueur de football américain sur la base de l’habileté du premier à esquiver, recevoir et bloquer le second » (D. Colander, « Can European… », cité., p. 5-6).
  • [55]
    Nirmal Joshi, « A Few Observations on Publishing Trends in French Politics », French Politics, 5 (4), 2007, p. 363-370. La plupart des articles publiés ont des auteurs américains ou anglais (respectivement 72 et 58 sur 223).
  • [56]
    La critique est connue. Pour en rester à la science politique, voir M. W. Giles, J. C. Garand, « Reputational and Citational Approaches », art. cité, p. 742.
  • [57]
    M. W. Giles, J. C. Garand, ibid., p. 741-751.
  • [58]
    Dont le facteur d’impact se trouve être par exemple 1,5 fois supérieur à celui du facteur d’impact le plus élevé de la science politique, de par la simple taille des lectorats respectifs.
  • [59]
    Sur la science politique allemande et ses modes d’évaluation, voir le numéro de 15 (59), 2002, de Politix consacré aux « sciences politiques allemandes » et, tout récemment, outre l’analyse déjà citée de Plümper, l’introspection collective à laquelle a invité le Politische Vierteljahresschrift, 50 (3), 2009.
  • [60]
    En témoignent les divers dossiers de la rubrique « The Profession » de la revue PS. Political Science aux États-Unis et la table-ronde de l’ECPR consacrée à la sous-productivité de la science politique européenne, dont les actes furent publiés en 2007 dans European Political Science, p. 156-190.
  • [61]
    Je remercie le Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal de son accueil durant quelques mois, qui m’a permis de mener à bien la collecte et le codage des données. Je remercie également Martial Foucault (Université de Montréal), avec lequel j’ai affiné le codage des revues. Cette contribution a été exposée au cours de la session plénière du 10e Congrès de l’Association française de science politique, tenu à Grenoble en septembre 2009, consacrée aux enquêtes sur la profession de politiste. Les collègues qui ont bien voulu me faire part de leurs remarques à l’issue de cette présentation et les très attentifs lecteurs de la revue ont également aidé à l’amélioration de ce texte, dont l’auteur assume seul les éventuels erreurs ou égarements.

1Connaître la productivité des chercheurs en sciences sociales est une tâche difficile, et peu s’y sont attelés. Il faut par conséquent donner d’emblée crédit à Bernard Belloc, professeur des Universités en économie, conseiller du président de la République sur les questions d’enseignement supérieur et de recherche, de s’être récemment confronté à l’exercice. Au terme de son estimation, « 30 % des chercheurs en sciences humaines et sociales ne publient jamais rien dans leur vie. Pas même dans La Dépêche du Midi » [1].

2Un peu surpris de la proportion des « jamais rien publiants de leur vie », j’ai cherché à savoir ce qu’il en était à partir d’éléments fiables. Ayant siégé en qualité d’élu à la section 40 du Comité national, de 2004 à 2008, et ayant occupé la fonction de secrétaire de la section, j’ai collecté l’ensemble des rapports de publication des politistes qui relèvent de la section et mené une analyse bivariée et multivariée de leur production quadriennale. Le travail que l’on va lire présente donc la productivité quadriennale des politistes qui relèvent de la section 40 du CNRS (« Politique, pouvoir, organisation »).

3Cette analyse est la plus frustre que l’on puisse imaginer, lorsqu’il s’agit d’embrasser l’activité scientifique des chercheurs. Elle ne fait qu’additionner et regrouper, selon des critères standardisés, des listes de publications, distinguées seulement selon leurs supports. Elle ne donne en aucune manière prise à un jugement évaluatif, étant entendu que l’évaluation scientifique est d’abord analyse des contenus scientifiques par les pairs et que le volume individuel ou collectif de publications scientifiques est un indicateur (parmi d’autres) de l’activité scientifique, mais pas de la qualité de l’activité [2].

4De manière incidente, la constitution d’une telle base de données permet de rassembler des informations relatives à la démographie des « politistes du CNRS » (expression abusive, car quelques politistes au CNRS dépendent d’autres sections du Comité national), informations dont nous ne disposions jusqu’à présent que principalement relatives aux enseignants et aux enseignements [3].
La section 40 compte en 2006 182 chercheurs encore actifs en 2008, parmi lesquels nous avons identifié 129 politistes en poste depuis au moins 4 ans [4]. La section « Politique, pouvoir, organisation » rassemble en réalité diverses spécialités hors celles propres à la science politique : sociologie du travail, sociologie des professions, sociologie des organisations et sociologie des sciences. Nous avons formé le groupe « politistes de la section 40 » par trois tris successifs : administratif, collégial et auto-qualificatif. Le premier tri, qui a permis de constituer le groupe le plus large (quatre cinquièmes de l’effectif), est administratif : il s’agit d’abord des titulaires d’une thèse de science politique. Ceux qui n’ont pas de thèse de science politique (thèses de droit public, de sociologie et autres) ont été considérés comme politistes lorsqu’ils le furent par notre section au cours du mandat ; ce qu’indique notamment le fait que l’examen de leur dossier était systématiquement confié à un politiste membre de la section. Nous avons ajouté à ce critère collégial deux critères qui relèvent cette fois de l’auto-qualification : le laboratoire que le chercheur a choisi et la ou les spécialités qu’il a indiqué(es) dans son CRAC (« Compte rendu annuel d’activité »). Lorsque le chercheur est affecté à une unité dont les axes majeurs de travail relèvent de la science politique, il est considéré comme politiste. Qu’une pluralité d’axes de travail dans son laboratoire ou qu’une information peu claire sur son inscription dans le collectif soient constatées, nous avons alors substitué à ce critère d’appartenance au laboratoire celui de la spécialité mentionnée par le chercheur dans son CRAC. Lorsqu’il s’agit de « Sciences du politique, sociologie politique, communication politique, action publique », « Relations internationales, politiques comparées » ou « État et sociétés civiles. Politique, idéologie, religion » [5], il est considéré comme politiste [6]. Notre effectif (129 politistes) représente un peu plus du quart des politistes en exercice dans les institutions académiques en France [7].

Démographie et géographie des politistes du CNRS

5De nos 129 politistes, 30 ont au plus 40 ans, 38 ont entre 41 et 50 ans, 40 ont entre 51 et 60 ans, et enfin 21 ont plus de 60 ans [8]. On y compte 71 chargés de recherche et 58 directeurs de recherche. Un peu moins de la moitié des chercheurs sont affectés à des unités parisiennes [9], 4 travaillent dans des centres à l’étranger, 4 sont détachés à l’étranger, ou sans affectation. Les deux plus gros laboratoires, respectivement le Centre d’études de la vie politique française (Cevipof) et le Centre d’études et de recherches internationales (CERI), tous deux rattachés à l’Institut d’études politiques de Paris et à la FNSP, rassemblent 30 politistes de la section 40 ; si l’on y ajoute les autres centres de recherche de l’IEP de Paris dotés de personnels CNRS (le Centre de sociologie des organisations et l’Observatoire sociologique du changement), on compte alors 39 politistes, soit un peu moins du tiers de l’ensemble des politistes du CNRS [10].

6Parmi les « gros » laboratoires de science politique, c’est-à-dire (arbitrairement) ceux qui comptent plus de 5 politistes de la section 40, on recense, outre le Cevipof et le CERI, le Centre de sociologie des organisations (CSO, également un laboratoire sous co-tutelle de l’IEP de Paris II), ainsi que le laboratoire Politiques publiques, Actions politiques, Territoires (PACTE, Grenoble), le laboratoire Science politique Relations internationales Territoire (SPIRIT, Bordeaux), le Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS, Lille), le Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques (CERSA, Paris II) et l’Institut des sciences sociales du politique (ISP, Paris-X et Cachan).

7Nous avons par ailleurs distingué très grossièrement les thématiques sur la base de notre connaissance personnelle des dossiers et rangé 44 chercheurs dans la thématique « sociologie politique », 40 « politique publique », 32 « aire culturelle », 5 « philosophie politique » et 7 divers.

8Enfin, on notera le caractère masculin des politistes de la section, caractère accentué chez les DR : la section 40 rassemble, en effet, 39 femmes (26 CR, 13 DR) et 90 hommes (45 DR, 45 CR). L’indice de parité est parmi les politistes de la section de 0,43. Cet indice est celui, bon an mal an, des chercheurs du CNRS, mais il est très inférieur à celui des chercheurs de SHS (0,78) et plus encore, par exemple, à celui des chercheurs de la section 36 (0,9) [11]. La science politique est donc au sein même des sciences humaines et sociales du CNRS une discipline fortement masculine. Ce caractère est renforcé en termes de stratification par corps. Chez les hommes, il y a autant de DR que de CR ; chez les femmes, deux fois moins de DR que de CR. Pour comparaison avec les indices établis par la DRH du CNRS, l’indice de parité est de 0,27 chez les DR, de 0,53 chez les CR (CNRS : 0,31 et de 0,6 ; section 36 : 0,7 et 1,1) [12]. Le clivage sexué des professions scientifiques en France, attesté par de nombreuses recherches [13], semble donc tout particulièrement caractériser l’architecture professionnelle de la science politique [14]. Cette situation est-elle propre aux politistes de la section 40 ou aux politistes en général ? Sans doute faut-il retenir la seconde option, car la situation ne semble pas plus favorable aux femmes politistes à l’Université : parmi les professeurs, on y compte 9 % de femmes (indice de 0,1) ; parmi les maîtres de conférence, 35 % (indice de 0,5) [15].
On peut faire sans risque l’hypothèse que la masculinité de la section ira en déclinant les années à venir. Rappelons en effet que ne figurent pas dans notre effectif les politistes disposant de moins de quatre ans d’ancienneté. Aurions-nous également considéré les recrues les plus récentes, l’indice de parité aurait été sans doute un peu plus équilibré, compte tenu des recrutements effectués en 2004-2008. Par ailleurs, la structure par âges de la section explique sans doute la stratification sexuelle par corps. La part des hommes de 50 ans et plus est en effet supérieure à celle des femmes (53 % contre 47 %) et, à l’inverse, la part des hommes de moins de 40 ans est de 36 %, celle des femmes de moins de 40 ans de 48 %. Les différences d’âge, c’est-à-dire les évolutions des pratiques de recrutement, pèsent donc fortement sur la stratification sexuelle ; ce qui n’exclut pas d’autres hypothèses tirées, comme on le verra, des contraintes sexuées qui pèsent sur la valorisation internationale et contribuent à la faible part des femmes directeurs de recherche.
Soulignons pour finir que l’indice de parité des membres de la section en 2006 était de 1 chez les membres du collègue B, et de 0,22 chez les membres du collège A (ils sont actuellement respectivement de 0,67 et 0,38) [16].

Nature des publications considérées

9Les chercheurs remettent divers documents en vue de leur évaluation par la section : un Compte rendu annuel d’activité (dit CRAC) et un bilan de leurs publications tous les deux ans. Ce sont ces rapports de publications qui constituent les fichiers sources, sur une période quadriennale (soit 2004-2007, soit 2003-2006, selon la date d’évaluation du chercheur concerné) [17].

10Nous avons distingué 5 types de publications : direction ou codirection de dossier dans une revue scientifique ; article de revue scientifique ; direction ou codirection d’ouvrage collectif ; contribution à un ouvrage collectif ; monographie (ouvrage en nom propre).

11Nous avons chaque fois distingué « français » et « étranger ». La catégorie « étranger » rassemble les contributions publiées dans une langue étrangère chez un éditeur français (par exemple, l’édition annuelle en anglais de la Revue française de sociologie), ou bien chez un éditeur étranger (quelle que soit la langue, qui peut bien sûr être le français), ou encore chez un éditeur français, mais dont le comité de rédaction ne comporte qu’une minorité de Français [18]. Lorsque le chercheur dirige un numéro de revue et publie une contribution dans ce numéro de la revue, il est comptabilisé deux fois : une fois comme auteur d’une contribution à une revue, une fois comme directeur de dossier.

12Nous entendons ici par « revues » les périodiques scientifiques. Comment les identifier ? Tout d’abord, les chercheurs distinguent dans leurs rapports les revues scientifiques et les autres revues. Cela constitue un premier tri, car nous n’avons pas même pris connaissance de la deuxième rubrique. Puis, sur la base des discussions auxquelles nous avions pris part au cours de notre mandat d’élu en section, nous avons éliminé d’éventuelles revues indûment mentionnées dans cette rubrique (critère collégial). Enfin, nous avons sollicité le concours de Martial Foucault, de l’Université de Montréal, pour dresser une dernière vérification sur l’ensemble des revues (expertise). Au besoin, nous avons interrogé nos collègues spécialistes des sous-champs disciplinaires. Au final, on compte sur la période 263 contributions à des revues françaises et 208 contributions à des revues étrangères, hors numéros dirigés [19].

13La « place centrale tout autant qu’ambiguë, entre science et culture » [20] qu’occupe le livre en sciences sociales rend plus difficile la caractérisation dichotomique « scientifique versus vulgarisation » sans examen sur pièces de la publication en question ou, à tout le moins, sans connaissance de la collection, qui est parfois indiquée dans les rapports, parfois non [21]. Un tel examen représentait une charge beaucoup plus lourde de travail, que nous n’avons pas voulu assumer ; en conséquence, le regard aura été moins discriminant sur les ouvrages que sur les revues [22]. Au final, on recense 101 ouvrages en nom propre (ou monographies) français et 30 étrangers ; 495 contributions à des ouvrages français et 320 contributions à des ouvrages étrangers.

14Les revues scientifiques sont un support de publication moins fréquent : 16 chercheurs n’auront publié dans aucune revue scientifique durant la période (parmi lesquels 9 CR, soit une proportion un peu plus élevée que la part des CR dans l’effectif total) ; 65 comptent moins de 4 publications dans les revues.
On ne compte, en revanche, que 7 chercheurs qui n’ont aucune publication dans des ouvrages collectifs. De toute évidence, la diffusion de la connaissance scientifique passe d’abord, chez les politistes de la section 40, par les ouvrages. Ces résultats sont d’ailleurs observables dans les travaux actuels sur la productivité, par exemple, des économistes américains et européens (les premiers privilégiant beaucoup plus que les seconds le support revue) [23], ou dans l’étude-test Ribac de l’Observatoire des activités en SHS-INSHS du CNRS (sur laquelle nous reviendrons) [24]. Ils font également largement écho au sondage récent d’Emiliano Grossman, où l’on note que pour la moitié des 223 répondants, leur meilleure publication (critère d’autoévaluation) à ce jour est un livre (monographie) [25].

Productivité quadriennale moyenne

15De manière agrégée, sur la période, la production des politistes de la section 40 est de 1 644 contributions, soit une productivité de 12,8 par chercheur, soit un peu plus de 3 par chercheur et par an [26]. 66 % de la production est sur support national, 34 % sur support étranger. Du côté des revues scientifiques, les chercheurs publient en moyenne 3,8 articles dans des revues (2,1 revues françaises, 1,6 revues étrangères). Les politistes de la section publient en moyenne 1 monographie par chercheur tous les quatre ans, qui est le plus souvent (80 % des cas) une monographie française (les monographies étrangères sont le plus souvent des traductions de monographies françaises). La productivité totale médiane est de 11 et celle relative aux revues est un peu inférieure à 4.

16Nos politistes de la section publient-ils beaucoup ? À supposer qu’elle ait du sens, cette question n’a de réponse que comparée. Les politistes publient apparemment moins que ce qui ressort des résultats de l’étude-test menée dans le cadre de l’enquête Ribac au CNRS : la fréquence moyenne de publication parmi 115 chercheurs SHS consultés est de 5,4. Mais il s’agit là d’une enquête fondée sur l’auto-déclaration, en phase exploratoire [27]. À l’échelle internationale, on manque cruellement de base d’appréciation car la grande majorité des enquêtes portent sur les productions recensées dans les seules revues de l’index SSCI. Dans le classement international des départements de science politique effectué par Simon Hix, la productivité des politistes relevant des 3 universités les mieux classées de sa matrice (Columbia, Harvard et Stanford) est de 2,3 à 2,6 sur 5 ans, soit 1,8 à 2,05 sur 4 ans, c’està-dire deux fois moins que ce que les politistes de la section 40 publient dans les revues scientifiques… dans lesquelles ils publient. Car les deux sources (celle de Hix et la nôtre) ne sont pas comparables : la nôtre prend en compte toutes les revues scientifiques, celle de Hix seulement celles du SSCI. Il n’est pas impossible, toutefois, que les incitations à la publication dans les seules revues du SSCI amènent à une réduction du nombre total de publications des chercheurs, qui préfèrent une publication dans une revue « top-ranked » que trois publications dans d’autres revues, suivant le principe selon lequel il ne sert à rien d’aligner les publications dans des revues hors SSCI, « simples lignes supplémentaire dans un curriculum vitae sans résonance » [28].

« Publiants », « non-publiants » et « jamais-publiants-de-leur-vie »

17Malheureusement, nos fichiers-sources ne permettent pas de savoir très précisément s’il existe des politistes du CNRS qui ne « publient jamais rien de leur vie, pas même dans La Dépêche du Midi ». D’abord, on aura compris que les supports tels que La Dépêche du Midi ne sont pas ici considérés comme des revues scientifiques. Ensuite, sur un quadriennat, nous n’avons identifié qu’un seul chercheur dépourvu de toute publication. En extrapolant généreusement à l’ensemble de sa carrière, nous constatons que l’assertion de M. Belloc s’avère un rien erronée : ce ne sont pas 30 % des chercheurs qui ne publient rien sur toute une vie, mais 1 chercheur, c’est-à-dire 0,8 % des effectifs (arrondi à la décimale supérieure).

18Comme on le sait, la loi dite de programme pour la recherche du 18 avril 2006 a créé une Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), appelée à évaluer l’ensemble des organismes de recherche et d’enseignement supérieur en France. Afin de satisfaire les institutions productrices de normes standardisées en matière d’évaluation scientifique, l’AERES a établi une distinction entre « chercheurs publiants » et « chercheurs non publiants » [29]. « Est considéré comme chercheur ou enseignant-chercheur « publiant », celui qui, dans le cadre d’un contrat quadriennal, satisfait à un nombre minimal de “publications” » [30]. En sciences humaines et sociales, l’AERES considère comme « publiant » un chercheur qui aura 4 publications « de rang A » au cours des 4 années passées, c’est-à-dire « un article dans une revue à comité de lecture », « un bon ouvrage scientifique de recherche ou d’érudition » et « la direction d’ouvrages collectifs » [31]. Nous considérerons donc pour notre part que toutes les productions que nous avons prises en compte dans notre base remplissent les critères de l’AERES, puisque cette base a été constituée en vue de ne retenir que les supports scientifiques.
Si l’on ne retient que les entrées fixées par l’Agence (i.e. directions de revues françaises et étrangères, contributions à des revues françaises et étrangères, directions d’ouvrages collectifs français et étrangers), nous trouvons 11 « non-publiants » (sur 129). Ces chercheurs sont tous CR1, ce qui témoigne soit d’un « début » de carrière (les 10 premières années) difficile, soit de carrières en demi-teinte sur toute la durée de la vie professionnelle puisque ces chercheurs n’ont pas été admis (ou n’ont pas postulé) au grade de directeur de recherche et ce, quel que soit leur âge. Du reste, aucun de ces chercheurs ne se trouve en milieu de vie professionnelle (de 45 à 55 ans) : 5 ont plus de 56 ans, parmi lesquels 2 ont depuis la dernière évaluation fait valoir leurs droits à la retraite, et les autres ont tous moins de 45 ans. Ainsi, s’il est une période de fragilité au CNRS, ou du moins chez les politistes du CNRS, elle se manifeste soit en début de carrière (le chercheur n’a pas trouvé sa place au CNRS), soit en toute fin de carrière (le chercheur n’a jamais pleinement et durablement satisfait aux exigences du métier). Les laboratoires de l’IEP de Paris paraissent plutôt prévenir ces parcours, puisque seul un d’entre ces chercheurs relève de l’une des 4 unités rattachées à cet établissement.

Les politistes de la section : unité ou diversité des profils ?

19Cette analyse dichotomique se trouve confirmée par une analyse en composantes principales que nous avons réalisée avec l’aide de Sophie Névanen, ingénieure d’études au CESDIP. Afin d’examiner la manière dont s’organise la distribution des politistes de la section 40 en fonction de leurs profils et de leurs pratiques de publication, nous avons retenu les variables continues comme variables explicatives (les différents types de publications et l’âge), auxquelles nous avons ajouté les variables illustratives dont nous disposions : le laboratoire ; le rattachement à l’IEP de Paris (i.e. CSO + OSC + Cevipof + CERI) ; le corps et le grade ; le sexe ; Paris ; les thèmes de recherche.

Profils généraux : les pratiques de publication

20Dans un premier temps, on cherche à déterminer quels axes font éclater au maximum le nuage de points pour obtenir un espace réduit qui maximise la variance projetée. Nos deux premiers axes interprètent 36 % de la variance totale, les 4 premiers 62 %, les 6 premiers 77 %. Le cercle de corrélation de l’ACP permet d’observer quelles sont les variables corrélées. À chaque point-variable, on associe un point dont la coordonnée sur un axe factoriel est une mesure de la corrélation entre cette variable et le facteur. Les points-variables sont d’autant plus proches du bord du cercle que le point-variable est bien représenté par le plan factoriel, c’est-à-dire que la variable est bien corrélée avec les deux facteurs constituant ce plan. On ne peut donc interpréter que les variables les plus proches du cercle. Si deux variables sont très proches, elles sont très fortement corrélées positivement. S’il y a un angle de 90° entre deux variables (vecteurs), alors elles ne sont pas corrélées l’une à l’autre. Si elles sont opposées, alors elles sont corrélées négativement.

figure im1

21Le premier cercle de corrélation explique à lui seul 36 % des différences observées. Il livre les informations essentielles sur les pratiques de publication des politistes de la section 40 (les autres axes, secondaires, ne seront pas exploités ici). On note notamment que la plupart des vecteurs ont la même taille et sont orientés dans la même direction (i.e. corrélés positivement). Aussi, à l’exception des directions d’ouvrage étranger et, à moindre titre, des directions de revue étrangère, lorsque les chercheurs publient, ils publient plutôt sur tous types de supports.

22On peut également observer des sortes d’appariement de pratiques de publication. Ainsi, ceux qui publient des monographies étrangères sont ceux qui publient aussi des monographies françaises. Cela s’explique par le fait que les « monographies étrangères » sont, le plus souvent, des traductions de monographies françaises déjà publiées. Par ailleurs, ceux qui publient « à l’étranger » publient indifféremment dans les revues et les ouvrages. La faculté de publier à l’étranger est donc indépendante de la nature des offres de support.
Plus difficile à expliquer, on observe également un appariement entre la publication dans une revue française et la direction d’un ouvrage français. On s’attendrait à ce que ces deux activités soient liées à l’ancienneté dans le métier ; ce n’est pas le cas : les jeunes semblent plus enclins à la publication dans les revues françaises et les directions d’ouvrages français. Les deux seules variables très nettement inversement corrélées sont la direction de revue française et l’âge. Là encore plutôt contre intuitivement, la direction de revue française apparaît liée à la jeunesse des chercheurs.

Peu de différenciations statistiquement significatives au sein de la section

23À partir de cette analyse en composantes principales, nous avons constitué des classes de chercheurs. Les politistes de la section relèvent de 4 classes de chercheurs distincts. L’une d’entre elles réunit toutefois un seul chercheur, qui se caractérise par la 2e production totale la plus élevée (35 publications sur 4 ans), mais surtout par un nombre aberrant (statistiquement parlant…) de monographies françaises (n = 10, soit entre le quart et le cinquième de la production totale de la section dans ce domaine) et, par voie de conséquence, de monographies étrangères (n = 5, sur 19 au total dans la section).

24Un groupe de chercheurs rassemble les trois quarts de nos effectifs : c’est le « peloton ». Les deux autres sont de tailles égales (respectivement 17 et 18 individus, soit un huitième de l’effectif total pour chaque groupe). L’information statistique majeure est donc la très forte homogénéité de la section : hormis deux groupes rassemblant au total 35 individus sur 129 et le chercheur sur-publiant, des chercheurs présentent des profils analogues.

25Le groupe le plus abondant, qui comprend les trois quarts de notre population, rassemble ceux qui ont en commun de publier moins que la moyenne de l’ensemble. C’est la taille de cette classe qui offre l’information majeure de cette classification hiérarchique établie à partir de l’ACP. Les « non-publiants », ni même le « zéro publiant » ne forment une classe statistiquement significative : les « non-publiants » ont donc, du point de vue de l’analyse multivariée, le même profil général que les autres, simplement distingué par une plus faible fréquence de publication. Il n’y a pas de saut qualitatif entre eux et le gros des chercheurs.

26En revanche, deux groupes se distinguent, qui rassemblent les chercheurs caractérisés par une activité globale supérieure à la moyenne. Comme le suggéraient les axes de l’ACP, ce qui les distingue l’un de l’autre est principalement le critère « national » vs « étranger ». Le premier groupe est celui des chercheurs qui publient plus que la moyenne, en particulier sur les supports nationaux. Les chercheurs y dirigent 6 fois plus que l’ensemble des revues françaises, publient 1,6 fois plus de contributions dans des revues françaises et publient 1,4 plus de chapitres d’ouvrages français. De manière là encore congruente avec le cercle de corrélation de l’ACP, ils sont plus jeunes que la moyenne de l’ensemble (6 ans de moins). On y compte (sur un effectif de 17), 3 chercheurs rattachés à l’IEP de Paris, un tiers de femmes, et deux tiers de CR, sans toutefois que ces variables soient significatives.

27Le second groupe que distingue l’analyse hiérarchique se singularise par une fréquence plus élevée dans l’ensemble des secteurs de publication, mais en particulier dans les contributions étrangères. Ils publient près de 3 fois plus de contributions dans des collectifs étrangers que l’ensemble, près de 3 fois plus d’articles dans des revues étrangères, dirigent 5 fois plus d’ouvrages étrangers, 3,4 fois plus de numéros de revue étrangère. Les autres variables ne sont pas statistiquement significatives. On remarque toutefois la part élevée des DR (12 sur 18 ; ils sont 5 sur 17 dans l’autre sous-groupe) ; et, corrélativement, la très faible part des très jeunes (8 chercheurs du sous-groupe « national » sont âgés de moins de 41 ans, contre 2 du sous-groupe « étrangers »), ce qui suggère que les jeunes les plus productifs publient d’abord dans les supports français, puis s’exportent. On note enfin un fort contingent de chercheurs travaillant au sein d’unités rattachées à l’IEP de Paris puisque 7 de ces 18 chercheurs travaillent à l’OSC, au CSO, au CERI ou au Cevipof. On ne compte que 4 femmes dans le groupe des plus fréquemment publiants orientés à l’international. C’est peu, mais reflète à peu près la part des femmes dans la section (39 sur 129).
De manière générale, sur l’ensemble de la section, les femmes se caractérisent par une productivité internationale moindre : 0,1 contre 0,2 directions de revue étrangère, 1,4 contre 1,8 articles dans les revues étrangères, 0,1 contre 0,3 monographie étrangère, 2,4 contre 2,7 articles dans les revues étrangères. Compte tenu du fait que la probabilité de produire sur des supports étrangers semble en partie liée à l’âge, les différences de productivité internationale sont peut-être seulement imputables à la différence des stratifications masculines et féminines par âges dans la section. Mais nous verrons plus loin que les publications internationales semblent être le fruit chez les politistes de la section d’une présence accrue au sein des colloques et réseaux internationaux. Laquelle favorise peut-être les hommes, compte tenu d’une éventuelle division domestique du travail qui, durant une durée non négligeable de la vie, maintient plus sûrement les femmes que les hommes à la maison [32].

Vues sur les revues

28La base que nous avons constituée, qui rassemble l’ensemble des publications scientifiques des politistes de la section 40, permet de mettre à plat l’ensemble des revues dans lesquelles les chercheurs ont publié durant 4 ans d’activité. Les politistes de la section ont publié en moyenne un article par an dans une revue, française ou étrangère.

Les revues françaises

29Les 129 politistes ont, au cours des 4 années d’activité retenue pour notre analyse, publié 263 articles dans 103 revues (soit 2,5 articles par revue). La dispersion est forte : seul un tiers des revues ont accueilli plus d’un article de leur part et 13 ont publié plus de 4 articles. La Revue française de science politique est de très loin la revue la plus fréquemment utilisée par les politistes de la section 40 : cette revue a publié 23 contributions, soit 9 % des publications totales dans des revues françaises. Droit et société, Critique internationale et Politix ont publié 9 contributions, Politique européenne 8, Pôle sud, Raisons politiques et Politique africaine 7, Pouvoirs et Sociologie du travail 6, Politique et management public, ainsi que Genèses 5 et la Revue administrative 5 (toutes cependant du même auteur). Ces revues sont celles qui fédèrent le plus de collègues politistes au CNRS : elles rassemblent 39 % des contributions aux revues françaises [33].

30Les autres revues qui ont publié plusieurs contributions sont : Archives des sciences sociales des religions, Actes de la recherche en sciences sociales, Archives de philosophie du droit, Cahiers de l’Orient, Champ pénal, Cultures et conflits, Économie et société, Matériaux pour l’histoire de notre temps, Recherches et prévisions, Revue européenne des migrations internationales, Revue française d’administration publique, Revue française des affaires sociales, Revue française de sociologie, Revue internationale et stratégique, Revue politique et parlementaire, Revue d’études comparatives est-ouest, Réseaux, Revue Tocqueville, Sociétés contemporaines, Travail Genre Sociétés. Quelques unes ont publié plusieurs articles, mais du même auteur : Des lois et des hommes, Revue d’histoire de la Shoah, Guerres mondiales et conflits européens, Sciences de la société.

31Si l’on compare cette liste des revues où les politistes (du CNRS) publient et la liste des revues prises par le groupe d’expert de l’AERES en science politique (A et B) [34], on constate qu’elles se recoupent. 23 revues ont été classées par le comité de l’AERES [35]. 12 d’entre elles (soit la moitié) se retrouvent parmi celles dans lesquelles les politistes publient plus de 4 articles par quadriennat, 16 d’entre elles parmi celles dans lesquelles les politistes publient plus de 1 article par quadriennat [36]. À l’inverse, on ne compte que 3 revues dans lesquelles les politistes n’ont pas publié au cours des 4 années étudiées (Communications, Lusotopie, Mots) ; on ne compte qu’une seule revue où les chercheurs publient fréquemment (Sociologie du travail) qui ne se trouve pas dans la liste AERES [37], mais cela est dû, en l’espèce, au fait que le comité d’experts avait choisi de ne retenir que des revues qui relevaient stricto sensu de la science politique. La liste des revues AERES recoupe donc les pratiques des politistes, même si la liste restrictive de 21 revues exclut beaucoup de celles qui n’ont accueilli que 2 ou 3 contributions au cours des 4 dernières années [38].
Le recouvrement aux deux tiers (16 sur 23) constaté entre les revues de l’AERES et celles dans lesquelles les politistes de la section 40 publient soulève la question l’opportunité de listes telles que celle de l’AERES. Celle-ci se révèle être une simple liste de signalisation des revues qui comptent, en l’état à peu près redondante avec les pratiques d’une majorité relative de chercheurs. Aussi, au lieu de confier à des comités le soin d’identifier les revues qu’ils estiment d’excellence, l’AERES pourrait se fonder sur ce type d’enquêtes pour établir ou plutôt rendre visibles les revues les plus utilisées. L’AERES pourrait alors recommander de publier au moins une fois tous les quatre ans dans ces revues, non parce qu’elles sont les meilleures par décret d’experts, mais parce que ce sont elles qui valorisent le plus largement les recherches des collègues auprès des pairs [39].

Les revues étrangères

32Si nous avons noté une certaine dispersion des revues françaises, la situation est incomparable avec l’éclatement qui caractérise les pratiques de publication dans les revues étrangères. Les politistes de la section ont publié 208 contributions dans 144 revues étrangères (soit 1,5 article pour une revue, un coefficient de dispersion deux fois supérieur aux revues françaises). Surtout, deux revues seulement dépassent plus de 4 articles au cours du quadriennat : une revue spécialisée sur la politique et la société françaises, French Politics (8 contributions) et la revue québécoise de référence en science politique, d’ailleurs mentionnée sur le site de l’AERES, Liens social et politique (5 articles). Les revues qui accueillent plus de 2 articles sont des revues francophones : Déviance et société (4 articles), Négociations (4 articles), Télescope (3 articles), auxquelles il faut ajouter le European Journal of Turkish Studies (3 articles, tous du même auteur). Les autres revues n’accueillent que 2 articles : Canadian Journal of Criminology, Criminologie, Ethnographic Studies, Governance[40], Higher Education, India Review, Inroads, Migraciones, Policing & Society, Public Administration and Development, Revue internationale de politique comparée, Social Compass, Traverse, West European Politics. Les 125 autres revues ne voient qu’un seul article de politiste français au cours du quadriennat, ce qui rend peu crédibles les velléités de classement des revues étrangères que déploient quelques sections de l’AERES.

Productivité et visibilité internationales

33Il y a quelques années, l’European Consortium for Political Research (ECPR) avait organisé un panel consacré à « l’improductivité » de la science politique, publié dans le deuxième numéro 2007 d’European Political Science. Deux articles avaient motivé une telle alarme : le classement international de Simon Hix [41], qui montrait la place marginale des départements universitaires de science politique dans le monde, et un article sur la productivité comparée de divers pays d’Europe continentale, par Thomas Plümper [42]. Ces articles font écho à la sombre appréciation portée par plusieurs auteurs sur l’internationalisation de la science politique française [43]. Notre base ne permet pas une comparaison exacte avec ces recherches, pour la raison que ces dernières restent principalement fondées sur des instruments bibliométriques de diffusion (indices de citation, le plus souvent). Or, nos décomptes ne sont pas une analyse de diffusion (ou de visibilité, ou d’output), mais une simple analyse de production (ou d’input) [44]. Il est très difficile de passer de l’une à l’autre : celle-ci expose les supports dans toute leur diversité, celle-là se concentre sur les quelques supports dotés de forts indices de citation relevés au Social Science Citation Index établi par la base ISI-Web of Science (SSCI). Ainsi, la recherche de S. Hix repose sur les taux de citation décroissants dans les revues « science politique » de la base ISI pour établir le classement des départements de science politique et l’écrasante domination des départements étasuniens [45]. Les travaux de T. Plümper, centrés sur l’Europe, mesurent l’impact et la production, mais seulement dans une petite centaine de revues de la base ISI [46].

34Ces bases présentent une première difficulté. 98,74 % des revues recensées par le ISI sont anglophones [47]. Or, si l’on ne retient que les revues plus d’une fois touchées par un article de politiste français, elles sont pour 6 d’entre elles (sur 17) francophones, pour une d’entre elles hispanophone, pour une d’entre elles germanophone. De manière générale, la diversité est forte des langues dans lesquelles les politistes ont publié (français, allemand, espagnol, portugais, chinois, italien, finnois). La dispersion linguistique se trouve donc valorisée, et les revues phares du SSCI ne sont pas les supports des publications des politistes de la section [48]. Si l’on prend, parmi les indices disponibles, le fameux « indice de citation » 2007 de science politique établi par le Journal Citation Reports du ISI (75 revues), aucune des dix premières revues n’a été le support de nos politistes au cours du dernier quadriennat [49], et la revue la plus cotée dans ces index utilisée par les politistes français au cours de cette période a été le British Journal of Political Science. Si l’on élargit aux revues prises en compte par T. Plümper, ce sont 13 revues (20 articles, 16 auteurs) qui ont été les supports des politistes de la section 40 en 4 ans [50]. Autrement dit, pour garder ce périmètre élargi de revues SSCI, 12 % seulement des politistes y publient au cours d’un quadriennat.

35Est-ce beaucoup ? Est-ce peu ? Les seuls travaux qui permettent un tant soit peu la comparaison sont ceux de T. Plümper. Ils montrent qu’en Italie, 58 contributions ont été publiées dans ces 89 revues par les 171 politistes identifiés par les auteurs dans une période de 13 ans, soit une productivité annuelle dans ces revues 20 % inférieure à la productivité des politistes de la section 40 [51]. En Allemagne, le taux quadriennal de publication dans ces revues est de 0,16 par professeur, un petit peu plus élevé que le taux français (0,14) [52]. Sur la base d’une comparaison établie avec des critères plus larges, T. Plümper suggère surtout que les pays non anglophones qui disposent d’une masse critique d’étudiants et de pairs ne se soucient pas tant de publier dans les revues du SSCI. Il montre en effet que les taux (par habitant) de publication des auteurs français, espagnols, allemands et italiens sont relativement homogènes, et faibles (entre 3 et 7 articles par million d’habitants en 13 ans) : si l’on considère les Pays-Bas, la Norvège, la Suède ou la Suisse (taux de 25 à 65), les « gros pays » semblent privilégier un marché intérieur et les « petits pays » plus directement le marché SSCI [53].

36Y aurait-il avantage à voir les politistes français publier plus fréquemment dans les revues du SSCI ? Le coût d’entrée ne serait sans doute pas démesuré, car les politistes de la section 40 publient déjà dans les revues étrangères (208 articles en 4 ans, pour 129 chercheurs). Et ceux qui ne publient pas dans les revues étrangères (n = 46) publient pour la plupart des contributions dans des ouvrages étrangers (n = 38) [54], si bien que l’effort consisterait simplement à privilégier les revues plutôt que les ouvrages collectifs et à modifier quelque peu les revues auxquelles les politistes français adressent leurs propositions d’article. L’effort ne devrait pas être si considérable non plus dans la mesure où les revues du SSCI publient un nombre substantiel d’articles sur la France. Une recherche portant sur les articles publiés en 2005-2006, menée dans le cadre du prix Stanley Hoffman de science politique (il vise à récompenser le meilleur article anglophone sur la politique française), a montré que 223 articles avaient été publiés dans les 112 revues recensées dans le Word Wide Political Science Abstracts et que 31 de ces 112 revues sont des revues du SSCI [55].

37Une telle modification des cibles de publication est moins une affaire de coût qu’une question d’opportunité et de sociabilité académique. D’opportunité d’abord. Centrer la valorisation de la science politique française (ou allemande, italienne, espagnole…) sur les indices de publication dans les revues du SSCI reviendrait à conférer une importance inopportune au SSCI, alors que les logiques de constitution des revues dans ces bases ne paraissent pas très claires [56] et que même aux Etats-Unis, les auteurs estiment marginal, en science politique, l’examen des facteurs bibliométriques (notamment les facteurs d’impact) pour juger de la qualité des travaux menés [57]. L’analyse des mérites académiques (recrutements, attributions de bourses de recherche, etc.) reste fondée, aux États-Unis en science politique, sur l’analyse de la qualité des productions et non sur des éléments bibliométriques.

38De sociabilité académique ensuite. L’observation des revues étrangères dans lesquelles les chercheurs publient montre que ceux-ci semblent privilégier les logiques de réseaux, de colloques, d’interconnaissances académiques, plutôt que la logique de la soumission libre à une revue, sans intermédiation d’un dossier thématique, d’une publication d’actes ou de travaux d’un réseau donné. Les politistes de la section 40 publient dans des revues non pas généralistes de science politique, mais spécialisées, sans doute bien évaluées dans leurs champs ou sous-champs respectifs. L’exemple le plus manifeste est celui de la criminologie, discipline qui ne dispose pas de lieux académiques reconnus en France et qui se voit donc valorisée dans les revues internationales (Déviance et société, Criminologie, Canadian Journal of Criminology). Dans le même ordre d’idées, on imagine aisément qu’il soit valorisé, dans le sous-champ des études spécialisées sur la France, de publier dans French Politics, dans celui des études spécialisées sur l’Inde dans India Review, dans celui de l’administration publique de Journal of European Public Policy ou International Review of Administrative Sciences, dans celui de l’histoire des idées dans Political Thought, dans celui des études urbaines dans Journal of Urban Studies, dans International Journal of Urban and Regional Studies, dans celui des études sur l’Afrique dans Review of African Political Economy ou Canadian Journal of African Studies, en droit la Texas Law Review[58], etc.

39L’analyse est la même si l’on prend en considération non plus les champs thématiques, mais les aires géographiques. Le champ académique allemand se caractérise par exemple, comme le nôtre, par un faible nombre de revues généralistes de science politique. Les politistes de la section 40 n’ont pas publié dans les revues généralistes (Politische Vierteljahresschrift, Leviathan, etc.) [59], mais dans les revues dans lesquelles ils ont le plus de chances d’interpeller des spécialistes de leur sous-champ propre (ou d’être sollicités par eux) : si l’on exclut Soziale Welt (sociologie), cette logique semble être celle de Traverse (histoire contemporaine), Jahrbuch für Verwaltungsgeschichte (annuaire d’histoire de l’administration), Journal für Konflikt und Gewaltforschung (études polémologiques), Zeithistorische Forschungen (histoire contemporaine) et Technikfolgenabschätzung Theorie und Praxis (revue consacrée aux « évaluations des conséquences des technologies, d’un point de vue pratique et théorique »).

40Ainsi, si le coût d’une valorisation accrue dans les revues majeures du SSCI ne serait pas considérable, compte tenu de la présence déjà affirmée des politistes français dans les publications étrangères (ouvrages ou revues), une sur-valorisation des supports SSCI entraînerait sans doute une modification, peut-être préjudiciable, des sociabilités scientifiques internationales aujourd’hui à l’œuvre, qui encouragent la constitution de réseaux bilatéraux ou multilatéraux plutôt que la soumission individuelle de travaux menés chez soi, sans compter bien sûr le risque de voir l’évaluation de la discipline s’aligner sur des critères bibliométriques pour l’heure manifestement peu utilisés dans les départements nord-américains de science politique, bien moins qu’ils ne le sont, par exemple, en économie.
*
* *
La finalité de notre analyse était on ne peut plus sommaire : mesurer le volume de ce que produisent les politistes de la section 40 et identifier un peu mieux les supports de leurs publications. Notre analyse montre que les politistes français publient, sur des supports variés et internationalisés. Cet examen n’a bien sûr aucune visée évaluative, étant entendu que l’évaluation scientifique reste un jugement de la qualité et non un décompte de la production ou de la citation. À son terme, nous relevons que la population des politistes de la section 40 est caractérisée par une forte, mais déclinante, masculinité ; que la part des « non-publiants » parmi les politistes de la section 40 est faible ; que ces derniers semblent être des chargés de recherche qui soit n’ont jamais vraiment trouvé leur place au CNRS ou dans leur laboratoire, soit parviennent difficilement à maintenir un niveau suffisant d’activité tout au long de sa carrière ; que la production est plus fortement centrée sur les ouvrages collectifs que sur les revues ; que la production est internationalisée, mais que cette internationalisation passe plus par des réseaux d’interconnaissance scientifique et de forte spécialisation thématique que par la valorisation individuelle des recherches dans les revues cotées au Social Sciences Citation Index.
L’émotion soulevée par le classement des départements de science politique par Simon Hix [60] peut encourager, en Europe, à accroître le rôle des revues SSCI. Les politistes de la section 40, s’ils étaient incités à suivre un tel mouvement, n’y perdraient cependant pas beaucoup : ils déplaceraient le curseur de leurs activités des ouvrages collectifs vers les revues, des soumissions collectives et thématiques vers les soumissions individuelles ad hoc, et consacreraient sans doute moins de temps à la construction de réseaux thématiques internationaux. Peut-être les politistes français perdraient-ils aussi un peu de ce qui constitue leur profil international aujourd’hui, dispersion linguistique et spécialisation thématique. Mais le risque majeur d’un tel mouvement serait de faciliter, voire d’inciter à une évaluation exclusivement fondée sur une analyse standardisée et bibliométrique, les revues du SSCI ayant cette propriété qu’elles permettent aisément la substitution de l’ordinateur à l’évaluateur et du décompte au jugement. Cette fois, la science politique y perdrait beaucoup [61].

Notes

  • [1]
    Entretien au quotidien Les Échos, 28 janvier 2008. Voir la réaction de Pierre Lascoumes (alors président de la section 40), Daniel Benamouzig, Philippe Bezes et Patrick Le Lidec dans Le Monde du 19 février 2008.
  • [2]
    Nous avons durant tout notre exercice défendu une évaluation qualitative et collégiale de l’activité scientifique et la recherche que nous présentons ne nous dissuadera pas de changer d’avis sur ce point : voir notre contribution avec Georges Debrégeas, « Vos papiers ! La science à l’aune de la raison comptable », Vacarme, 44, été 2008, <http://www.vacarme.org/article1630.html>, et le texte princeps de Philippe Büttgen, « Évaluation de classement et évaluation de jugement », intervention au débat « L’évaluation dans les sciences humaines et sociales », École normale supérieure, Paris, 27 mai 2008 (disponible sur le site consacré à l’évaluation en sciences sociales : <http://evaluation.hypotheses.org/88>).
  • [3]
    Voir notamment les deux collectifs publiés dans la collection « Logiques politiques » de L’Harmattan : Éric Darras, Olivier Philippe (dir.), La science politique une et multiple, 2004, et Pierre Favre, Jean-Baptiste Legavre (dir.), Enseigner la science politique, 1998.
  • [4]
    Nous avons introduit ce critère de durée d’emploi au CNRS en raison du fait que nous souhaitions analyser 4 années d’activité au sein de l’établissement, ce qui exclut, de fait, les 15 chercheurs recrutés après 2003 ou 2004, selon l’année de leur dernier dépôt de liste de publications. La collecte des documents a été effectuée en 2008. Par « actif », il faut entendre ceux de l’année 2006 encore en poste en 2008 (nous avons exclu les départs en retraire, les éméritats, les passages à l’université ou les mises en disponibilité, ainsi que le cas unique de congé longue maladie). La part des politistes que nous avons identifiés renvoie à peu près à l’estimation exprimée dans le rapport de conjoncture de la mandature qui précédait la nôtre (« Rapport de conjoncture du comité national », Paris, CNRS, 2004, p. 855).
  • [5]
    Et ne mentionne donc ni « Organisation et sociologie de la production et du travail ; relations professionnelles », ni « Sociologie et gestion des organisations et des institutions ».
  • [6]
    Nous avons ainsi écarté un chercheur de l’ancien Centre de sociologie urbaine, deux du Centre de gestion de Polytechnique, deux de l’ancien Genre, Travail, Mobilités, un de l’IRISES, un de Environnement, ville et société, un du Centre de sociologie des organisations, un du Shadyc, un de Médecine, Sciences et Sociétés, un du CERLIS, deux du PRINTEMPS, un d’un centre de gestion, trois du CESAMES, deux du CERTOP, un de l’actuel IIAC, trois du Centre Maurice Halbwachs, un de l’IREMAM, sept du LISE, un de Droit et changement social, un de l’ancien CRESAL, six du LEST, un du CESDIP, un du Centre d’économie de Paris Nord, deux du LATTS, un du CEVIPOF, un du LARHA, deux du laboratoire Georges Friedman, un du GRECSTA, deux de l’actuel Institut de la communication, un de PACTE, un de l’ex-Psychanalyse et pratique sociale.
  • [7]
    Notre comptage est plus restrictif que celui d’Yves Déloye et Nonna Mayer, qui inclut les chercheurs de la FNSP (« French Political Science at a Turning Point », French Politics, 6 (3), 2008, p. 281-301, dont p. 283). Rappelons que quelques politistes peuvent être rattachés à d’autres sections, notamment la section 36 « Sociologie, normes et règles ».
  • [8]
    Au CNRS en 2006, 19 % des chercheurs avaient moins de 40 ans (section : 21 %), 21 % entre 41 et 50 ans (section : 25 %), 36 % entre 51 et 60 ans (section : 34 %) et 24 % 60 ans et plus (section : 19 %). Parmi les répondants au sondage adressé en 2009 aux politistes des universités françaises, du CNRS et de la FNSP, 23 % des répondants ont moins de 37 ans, 21 % de 37 à 41 ans, 17 % de 41 à 47 ans, 20 % de 47 à 56 ans, et 20 % de plus de 56 ans (cf. Emiliano Grossman, « Le classement par la réputation : une contribution au débat actuel sur le classement des revues », Grenoble, 10e Congrès de l’Association française de science politique, septembre 2009).
  • [9]
    C’est-à-dire des unités UMR d’Universités parisiennes (Paris I à Paris XIII et grandes écoles parisiennes). Rappelons que 58 % des thèses de science politique soutenues entre 1998 et 2001 l’ont été à Paris (cf. Olivier Godechot, Nicolas Mariot, « Les deux formes du capital. Structure relationnelle des jurys de thèses et recrutement en science politique », Revue française de sociologie, 45 (2), 2004, p. 243-282). Par ailleurs, 57 % des chercheurs en SHS sont affectés en Île-de-France.
  • [10]
    Il n’est besoin de souligner l’importance de l’IEP Paris dans le profilage de la science politique française : Godechot et Mariot indiquent par exemple (ibid., p. 260) que l’IEP Paris fournit sur le marché 30 % des docteurs en science politique, et 60 % des docteurs en poste à l’université et dans les EPST. Nous verrons plus loin l’importance de l’IEP de Paris dans les sous-groupes qui se distinguent par les niveaux de productivité élevés.
  • [11]
    La parité dans les métiers du CNRS, Paris, DRH-CNRS-Mission pour la place des femmes au CNRS, 2007, p. 4 et 11.
  • [12]
    La parité dans les métiers du CNRS, ibid.
  • [13]
    La part des femmes est de 44 % en SHS « que ce soit à l’Université ou au CNRS » (Isabelle Backouche et al., « Un plafond à caissons. Les femmes à l’EHESS », Sociologie du travail, 51 (2), 2009, p. 253-274, dont p. 257). Voir aussi Isabelle Backouche et al., Les enseignantes-chercheuses à l’université. Demain la parité ?, Paris, L’Harmattan, 2002, et Catherine Marry, Irène Jonas, « Chercheuses entre deux passions : l’exemple des biologistes », Travail, Genre, Sociétés, 14, 2005, p. 69-88.
  • [14]
    Bilan social 2006, CNRS-DRH, 2007.
  • [15]
    Y. Déloye, N. Mayer, « French Political Science… », art. cité, p. 284. La part des femmes parmi les 243 politistes ayant répondu au sondage d’Emiliano Grossman est de 30 % ; la part des femmes politistes dans les universités britanniques est de 44 % parmi les étudiants, 25 % parmi les enseignants (Parveen Akhtar et al., « Women in the Political Science Profession », European Political Science, 4 (3), 2005, p. 242-255).
  • [16]
    La parité dans les métiers du CNRS, op. cit., p. 26.
  • [17]
    Le codage a été effectué sur pièces par moi seul, compte tenu de la nature nominative des documents consultés, en vertu de ma qualité de membre de la section. Une version exploratoire de ce travail avait été exposée en 2007 devant la section et la directrice de département de l’époque, puis en réunion intersyndicale des chercheurs en science politique.
  • [18]
    Le premier cas de figure est rare (un cas), le second beaucoup moins (environ un sixième des cas – nous n’avons pas codé la langue de parution de l’article dans les revues multilingues telles que les revues suisses, par exemple).
  • [19]
    Il ne faut pas surestimer le taux de revues finalement non considérées en qualité de « revues scientifiques ». Le rangement effectué par les chercheurs eux-mêmes dans leurs listes de publication s’est trouvé finalement assez peu redressé.
  • [20]
    Bruno Auerbach, « Publish and Perish. La définition légitime des sciences sociales au prisme du débat sur la crise de l’édition SHS », Actes de la recherche en sciences sociales, 164, 2006, p. 75-92.
  • [21]
    Sur les problèmes soulevés par l’édition en sciences sociales, voir Bruno Auerbach, « Production universitaire et sanctions éditoriales. Les sciences sociales, l’édition et l’évaluation », Sociétés contemporaines, 74, 2009, p. 121-145.
  • [22]
    Nous rejoignons donc la difficulté exprimée par Simon Hix (« A Global Ranking of Political Science », Political Studies Review, 2, 2004, p. 293-313, dont p. 295) difficulté qu’il a résolue en ne prenant en compte que les revues (et parmi elles celles du SSCI). On verra toutefois que la corrélation est sans doute forte entre la fréquence de publication dans les revues et la fréquence de publication dans les ouvrages, si bien que la première pourrait – sous réserve d’enquête plus approfondie – en effet être prise pour variable proxy de la seconde.
  • [23]
    David Colander, « Can European Economics Compete with US Economics ? And Should It ? », Middlebury College Working Paper Series, 2, 2009.
  • [24]
    Michelle Dassa, Isabelle Sidéra, « Test du recueil RIBAC », Lettre de l’INSHS, CNRS, 6, 2009, p. 8-9.
  • [25]
    E. Grossman, « Le classement par la réputation… », cité.
  • [26]
    Par « productivité », on entend ici production/individu. C’est le terme minimal qui est retenu dans les travaux comparables qui, si l’on disposait d’autres données relatives aux inputs (telles que le temps consacré à la publication, celui consacré à l’enquête, celui consacré aux autres activités comme l’enseignement, les dotations budgétaires des différents laboratoires, etc.), pourrait être considérablement raffiné, à l’exemple de ce qu’engage le dispositif Ribac (voir en économie Martin Kocher et al., « Measuring Productivity of Research in Economics : A Cross-Country Study Using DEA », Socio-Economic Planning Sciences, 40 (4), 2006, p. 314-332 – nous n’avons pas trouvé de travaux publiés sur la science politique développant ce type d’approches).
  • [27]
    Ribac (i.e. Recueil pour un observatoire des activités des chercheurs en SHS) est une enquête menée auprès de 428 chercheurs de 11 UMR (27 % de taux de réponse). L’enquête a l’ambition de relever l’ensemble des activités menées par les chercheurs (enquêtes, enseignements, activités éditoriales, responsabilités collectives, etc.), à l’image de ce qui est recommandé, par exemple, dans la recherche de Colander.
  • [28]
    Michael W. Giles, James C. Garand, « Ranking Political Science Journals : Reputational and Citational Approaches », PS. Political Science and Politics, 40 (4), 2007, p. 741-751, dont p. 749.
  • [29]
    AERES, Critères d’identification des chercheurs et enseignants-chercheurs « publiants », Paris, AERES, non daté (et non retrouvé sur le site : peut-être ce document a-t-il été retiré).
  • [30]
    AERES, ibid., p. 2.
  • [31]
    AERES, ibid., p. 3. Sur ce point, voir B. Auerbach, « Production universitaire et sanctions éditoriales. Les sciences sociales, l’édition et l’évaluation », art. cité.
  • [32]
    Voir le travail de Marry et Jonas sur le « prix élevé, psychique et matériel » (p. 86), du choix de la carrière scientifique chez les femmes biologistes, à commencer par un indice de fécondité inférieur, par exemple, aux homologues enseignantes du secondaire (C. Marry, I. Jonas, « Chercheuses entre deux passions… », art. cité).
  • [33]
    Les pratiques de publication recoupent globalement les préférences des chercheurs pour les revues dans lesquelles ils soumettent volontiers des propositions d’article, telles que collectées dans le sondage d’Emiliano Grossman : on retrouve, par ordre décroissant de préférence, la Revue française de science politique, Politix, Revue française de sociologie, Annales, Sociologie du travail, Genèses et Critique internationale. E. Grossman souligne qu’être chercheur ou enseignant-chercheur ne change pas grand chose à ces préférences, à ceci près que les chercheurs semblent privilégier quelque peu les revues de sociologie générale. Une étude avait par ailleurs montré que les chercheurs du CNRS représentaient 44 % des auteurs français publiant dans les deux revues Revue française de science politique et Politix, de 1970 à 2004 (Libia Billordo, Adina Dumitru, « French Political Science : Institutional Structures in Teaching and Research ». French Politics, 4 (1), 2006, p. 124-134).
  • [34]
    Revues A et B : Cemoti, Communications, Critique internationale, Cultures et conflits, Droit et société, Genèses, Mots, Pôle sud, Politique africaine, Politique européenne, Politiques et Management Public, Politix, Pouvoir [sic], Problèmes d’Amérique latine, Quaderni, Raisons politiques, Réseaux, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, Revue d’études comparées est-ouest, Revue française d’administration publique, Revue française de science politique, Revue française des affaires sociales (deux autres revues sont, dans notre codage, étrangères : Lien social et politique, et Revue internationale de politique comparée).
  • [35]
    Voir les explications données en septembre 2008 sur le site de l’Agence (<http://www.aeres-evaluation.fr/Science-politique?var recherche=revue>), consulté le 4 février 2010. Sur les limites de ce classement, voir François Briatte, « Comparaison inter-classements des revues en sociologie-démographie et en science politique », Bulletin de méthodologie sociologique, 100, octobre 2008, p. 51-68, ainsi que diverses positions rassemblées par l’Association nationale des candidats aux métiers de la science politique (<http://ancmsp.com/Dossiers-AERES>).
  • [36]
    Ainsi, les 23 revues retenues par l’AERES ont publié au cours du quadriennat étudié un peu moins d’un tiers de l’ensemble des articles publiés dans les revues scientifiques françaises. Si l’on retenait les lettres A et B du comité science politique de l’AERES, on remarquera que les 7 revues classées A (Critique internationale, Genèses, Politique africaine, Politiques et management public, Politix, Raisons politiques, Revue française de science politique) ont toutes accueilli plus de 4 contributions au cours des 4 dernières années.
  • [37]
    On trouve également la Revue administrative, dont les 5 articles ont toutefois un seul et même auteur.
  • [38]
    En l’espèce : Archives des sciences sociales des religions, Actes de la recherche en sciences sociales, Archives de philosophie du droit, Cahiers de l’Orient, Champ pénal, Cultures et conflits, Économie et société, Matériaux pour l’histoire de notre temps, Recherches et prévisions, Revue européenne des migrations internationales, Revue française de sociologie, Revue internationale et stratégique, Revue politique et parlementaire, Revue d’études comparées est-ouest, Revue Tocqueville, Sociétés contemporaines, Travail Genre Sociétés, ou, si l’on exclut les revues très nettement appropriées par un autre champ disciplinaire : Archives des sciences sociales des religions, Cahiers de l’Orient, Cultures et conflits, Recherches et prévisions, Revue européenne des migrations internationales, Revue française d’administration publique, Revue française des affaires sociales, Revue internationale et stratégique, Revue politique et parlementaire, Revue d’études comparées est-ouest, Revue Tocqueville.
  • [39]
    Plus précisément : des collègues politistes de la section 40 du CNRS… Il faudrait en réalité examiner quelle intersection il y a avec les pratiques de publication des universitaires, mais les données de Grossman suggèrent qu’il ne doit pas en être bien autrement.
  • [40]
    Governance est la seule revue étrangère parmi les 8 revues citées dix fois dans lesquelles les 243 politistes sondés par E. Grossman disent préférer soumettre.
  • [41]
    S. Hix, « A Global Ranking of Political Science », art. cité. Les réactions à ce classement n’avaient pas seulement été européennes, mais aussi américaines, comme le montre le dossier publié dans PS. Political Science, 40 (4), 2007.
  • [42]
    En l’occurrence, la communauté allemande (Thomas Plümper, « Publikationstätigkeit und Rezeptionserfolg der deutschen Politikwissenschaft in internationalen Fachzeitschriften, 1990-2002. Eine bibliometrische Analyse der Veröffentlichungsleistung deutscher politikwissenschaftlicher Fachbereiche und Institute », Politische Vierteljahresschrift, 44 (4), 2003, p. 529-544). L’exercice avait l’année suivante débouché sur une publication relative à l’Italie (Thomas Plümper, Claudio Radaelli, « Publish or Perish ? Publications and Citations of Italian Political Scientists in International Political Science Journals, 1990-2002 », Journal of European Public Policy, 11 (6), 2004, p. 1112-1127). Ce sont à notre connaissance les deux seules contributions relatives à la productivité des politistes en Europe, auxquels il faut ajouter la communication orale de Robert Harmsen à la CP4 du Congrès 2009 de l’AFSP.
  • [43]
    Y. Déloye, N. Mayer (« French Political Science… », art. cité) l’estiment « invisible ». Robert Harmsen parle « d’absence internationale », en montrant que les auteurs français ne comptaient en 2000-2008 que pour 1,3 % des auteurs de European Journal of Political Research et pour 4,5 % de la revue Governance (communication à la CP4 du Congrès 2009 de l’AFSP).
  • [44]
    La domination dans ce type de travaux des facteurs d’impact est telle que l’on oublie souvent qu’existe, à côté de la diffusion, la production, comme l’illustre le glissement suivant entre productivité et visibilité : « Il est bien connu que les universitaires européens sont moins productifs que leurs collègues étasuniens, si par productivité on entend les publications qui sont fortement visibles aux pairs » (Nils Petter Gleditsch, « Incentives to Publish », European Political Science, 6 (2), 2007, p. 185-191).
  • [45]
    L’IEP de Paris est 170e, l’Université de Paris X-Nanterre 254e, celle de Lille II 313e… En Europe continentale, seul l’Institut universitaire européen de Florence y occupe une place éminente.
  • [46]
    T. Plümper élargit son effectif de revues SSCI aux disciplines connexes telles que les sciences administratives, les relations industrielles, les études urbaines, etc., mais en exclut les revues « d’importance marginale (i.e. dotées d’un facteur d’impact inférieur à 0,25 ou d’un nombre total de citations inférieur à 25) »… Chassez les indices de citation par la porte, ils reviennent par la fenêtre.
  • [47]
    Commission de l’évaluation de l’INRIA, Que mesurent les indicateurs bibliométriques ?, Paris, INRIA, 2009. Voir Martial Foucault, « French homo publicus », Grenoble, 10e Congrès de l’Association française de science politique, 2009. Du coup, pour ne prendre qu’un exemple, l’article de Thomas Plümper (« Publikationstätigkeit… », art. cité), qui se présente comme un article sur la production (« Publikationstätigkeit ») et l’impact (« Rezeptionserfolg ») se révèle en fait un article sur « l’internationalisation » (p. 535).
  • [48]
    Simon Hix rappelait symétriquement que « American Political Science Review, considérée partout comme la première revue de science politique, reste néanmoins la revue-maison de l’Association américaine de science politique. De manière peu étonnante, seulement 7 % des articles publiés dans APSR entre 1996 et 1999 l’ont été par des universitaires hors des Etats-Unis » (« A Global Ranking of Political Science », art. cité, p. 296 ; en un sens convergent l’enquête de Philip Schmitter, « Seven (Disputable) Theses Concerning the Future of “Transatlanticised” or “Globalised” Political Science », European Political Science, 1 (2), 2002, p. 23-40). E. Grossman m’indique que si cette revue est valorisée aux yeux des politistes français, aucun n’y a jamais publié.
  • [49]
    En 2007, donc : Political Analysis, American Political Science Review, American Journal of Political Science, Public Opinion Quarterly, Journal of Conflict Resolution, Political Geography, European Journal of Political Research, European Union Politics, Quarterly Journal of Political Science, Journal of Politics.
  • [50]
    Outre le British Journal, il s’agit de West European Politics (4 articles, dont 3 d’un même auteur), Foreign Policy, Governance (3 articles), Comparative Political Studies, International Affairs, International Journal of Urban and Regional Research (2 articles), International Political Science Review, Journal of European Public Policy et PS. Political Science.
  • [51]
    T. Plümper, C. Radaelli, « Publish or Perish ?… », art. cité.
  • [52]
    T. Plümper, « Publikationstätigkeit… », art. cité, p. 542. L’auteur note que la part des publications allemandes dans les revues SSCI du champ est la moitié de ce qu’elle est en économie, et un dixième de ce qu’elle est dans les sciences autres que les sciences sociales (p. 530).
  • [53]
    Bien évidemment, toute comparaison avec les États-Unis nous renvoie à de tout autres dimensions. Ainsi, le nombre total de publications dans les revues SSCI de science politique au cours d’une période donnée signées par des auteurs issus d’universités allemandes équivaut à peu près à celle signées par des auteurs issus de la seule université Harvard (T. Plümper, ibid., p. 535). Cela étant, si l’on prend non plus le seul marché des grands départements universitaires américains, mais l’ensemble du marché, il semble que les premiers concentrent l’essentiel des citations du SSCI, laissant derrière eux une majorité de départements sans citation.
  • [54]
    En économie (la discipline des sciences humaines et sociales la plus intégrée internationalement), 17 % des universitaires européens se soucient de publier dans les revues internationales classées, contre 42 % des universitaires américains, si bien que l’auteur de cette étude, David Colander, en vient à déplorer les appels à concentrer les publications en Europe sur les « top-ranked journals », qui amènent à « comparer un joueur de football européen (soccer) à un joueur de football américain sur la base de l’habileté du premier à esquiver, recevoir et bloquer le second » (D. Colander, « Can European… », cité., p. 5-6).
  • [55]
    Nirmal Joshi, « A Few Observations on Publishing Trends in French Politics », French Politics, 5 (4), 2007, p. 363-370. La plupart des articles publiés ont des auteurs américains ou anglais (respectivement 72 et 58 sur 223).
  • [56]
    La critique est connue. Pour en rester à la science politique, voir M. W. Giles, J. C. Garand, « Reputational and Citational Approaches », art. cité, p. 742.
  • [57]
    M. W. Giles, J. C. Garand, ibid., p. 741-751.
  • [58]
    Dont le facteur d’impact se trouve être par exemple 1,5 fois supérieur à celui du facteur d’impact le plus élevé de la science politique, de par la simple taille des lectorats respectifs.
  • [59]
    Sur la science politique allemande et ses modes d’évaluation, voir le numéro de 15 (59), 2002, de Politix consacré aux « sciences politiques allemandes » et, tout récemment, outre l’analyse déjà citée de Plümper, l’introspection collective à laquelle a invité le Politische Vierteljahresschrift, 50 (3), 2009.
  • [60]
    En témoignent les divers dossiers de la rubrique « The Profession » de la revue PS. Political Science aux États-Unis et la table-ronde de l’ECPR consacrée à la sous-productivité de la science politique européenne, dont les actes furent publiés en 2007 dans European Political Science, p. 156-190.
  • [61]
    Je remercie le Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal de son accueil durant quelques mois, qui m’a permis de mener à bien la collecte et le codage des données. Je remercie également Martial Foucault (Université de Montréal), avec lequel j’ai affiné le codage des revues. Cette contribution a été exposée au cours de la session plénière du 10e Congrès de l’Association française de science politique, tenu à Grenoble en septembre 2009, consacrée aux enquêtes sur la profession de politiste. Les collègues qui ont bien voulu me faire part de leurs remarques à l’issue de cette présentation et les très attentifs lecteurs de la revue ont également aidé à l’amélioration de ce texte, dont l’auteur assume seul les éventuels erreurs ou égarements.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.171

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions