Notes
-
[1]
Ch. Hood, The Tools of Government, Londres, MacMillan, 1983 ; W. Kickert, E. H. Klijn, J. Koppenjan, Managing Complex Networks, Londres, Sage, 1997.
-
[2]
P. Lascoumes, P. Le Galès (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2004.
-
[3]
P. Lascoumes, P. Le Galès (dir.), ibid., p. 25-27.
-
[4]
P. Lascoumes, P. Le Galès (dir.), ibid., p. 29. Cf. également P. Lascoumes, « Gouverner par les instruments. Ou comment s’instrumente l’action publique ? », dans J. Lagroye (dir.), La politisation, Paris, Belin, 2003, p. 387-401.
-
[5]
Cet article est une version remaniée d’un chapitre d’un rapport de recherche réalisé pour la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (Renaud Crespin, « Entre prévention et répression : appropriation et régulation des tests de dépistage des drogues. Une étude comparative France-États-Unis », rapport de recherche sous la direction scientifique de Pierre Lascoumes, juin 2004.). Je tiens à remercier Emmanuel Henry pour les lectures antérieures de ce texte et la pertinence de ses remarques, ainsi que l’équipe du séminaire « Émotions et politique » du CRAPE à Rennes, dont la qualité des discussions a enrichi mon questionnement.
-
[6]
Cf. sur ce point : H. Lefebvre, Vers le cybernanthrope, contre les technocrates, Paris, Denoël-Gauthier, 1971. Cf. également les critiques adressées à Jacques Ellul par Andrew Feenberg, dans (Re)penser la technique : vers une technologie démocratique, Paris, La Découverte/ MAUSS, 2004, p. 47 et suivantes.
-
[7]
Cf. R. W. Cobb, Ch. D. Elder, Participation in American Politics : The Dynamics of Agenda-Building, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1972. L’analyse du rôle joué par ces acteurs dans la problématisation d’une question et son inscription sur les agendas a conduit plusieurs auteurs à les envisager tour à tour comme des médiateurs, des traducteurs ou des « transcodeurs ». Ces conceptions différentes du rôle des acteurs renvoient aux travaux successifs de : P. Muller, « Esquisse d’une théorie du changement dans l’action publique. Structures, acteurs et cadres cognitifs », Revue française de science politique, 55 (1), février 2005, p. 155-187, dont p. 183 et suivantes ; M. Callon, « Éléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc », L’Année sociologique, 36, 1986, p. 169-208 ; P. Lascoumes, « Rendre gouvernable : de la “traduction” au “transcodage” : l’analyse des processus de changement dans les réseaux d’action publique », dans CURAPP : La gouvernabilité, Paris, PUF, 1996, p. 315-325.
-
[8]
D. Stone, Policy Paradox : The Art of Political Decision Making, New York, Norton & Company, 1997 (1re éd. : 1988), p. 133-256.
-
[9]
Les travaux portant sur les effets de la publicisation sur la construction des problèmes sociaux ont notamment montré comment le traitement médiatique peut, dans des configurations particulières, participer à une (re)définition du problème qui favorise cette saisie par le politique. Cf. E. Henry, « Quand l’action publique devient nécessaire. Qu’a signifié « résoudre » la crise de l’amiante ? », Revue française de science politique, 54 (2), avril 2004, p. 289-314.
-
[10]
R. W. Cobb, Ch. D. Elder, op. cit.
-
[11]
F. Sawicki, « Les questions de protection sociale dans la campagne présidentielle française de 1988. Contribution à la formation de l’agenda électoral », Revue française de science politique, 41 (2), avril 1991, p. 171-196.
-
[12]
Sur la notion de « fenêtre d’opportunité », cf. J. W. Kingdon, Agendas, Alternatives and Public Policies, New York, Harper Collins, 1984.
-
[13]
Cf. E. Henry, “Du silence au scandale : des difficultés des médias d’information à se saisir de la question de l’amiante”, Réseaux, 122, 2003, p. 238-271 ; D. Marchetti, « Les révélations du “journalisme d’investigation” », Actes de la recherche en sciences sociales, 131/132, mars 2000, p. 30-40 ; P. Champagne, D. Marchetti, « L’information médicale sous contrainte. À propos du “scandale du sang contaminé” », Actes de la recherche en sciences sociales, 101/ 102, mars 1994, p. 40-63.
-
[14]
Sur l’importance de l’enjeu sécuritaire lors de la dernière campagne présidentielle, cf. notamment N. Mayer, « Les hauts et les bas du vote Le Pen 2002 », Revue française de science politique, 52 (5-6), octobre-décembre 2002, p. 505-520. Pour une analyse des transformations des préoccupations sécuritaires, cf. Ph. Robert, M-L. Pottier, « Les préoccupations sécuritaires : une mutation ? », Revue française de sociologie, 45 (2), 2004, p. 211-242.
-
[15]
J. Lagroye, « Les processus de politisation », dans J. Lagroye (dir.), La politisation, op. cit., p. 359-385.
-
[16]
Directive n° 91/439/CEE du 29 juillet 1991.
-
[17]
§24a StVG.
-
[18]
M. R. Moeller, « Stupéfiants et conduite automobile. Les actions réalisées en Allemagne », Annales de toxicologie analytique, 2 (15), 2003, p. 145-150.
-
[19]
V. Maes, N. Samyn, M. Willekens, G. De Boeck, A. Verstraete, « Stupéfiants et conduite automobile, les actions réalisées en Belgique », Annales de toxicologie analytique, 2 (15), 2003, p. 128-137, et M. Augsburger, « Stupéfiants et conduite automobile, les actions réalisées en Suisse », Annales de toxicologie analytique, op. cit., p. 138-144.
-
[20]
G. Lagier, C. Got, M. Rudler et al., Livre blanc. Sécurité routière, drogues licites ou illicites et médicaments, rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation française (des rapports officiels), 1996.
-
[21]
J.-S. Raul, V. Cirimele, P. Kintz, B. Ludes, « Cannabis et conduite automobile. Résultats d’une série d’expertises toxicologiques dans les accidents de la circulation », Journal de médecine légale et de droit médical, 42 (7-8), 1999, p. 573-579.
-
[22]
Coordonnée par l’OFDT, l’enquête est réalisée par un consortium qui regroupe plusieurs instituts de recherche : INRETS, CEESAR et INSERM.
-
[23]
Proposition de loi n° 2148, enregistrée à l’Assemblée nationale, 9 février 2000.
-
[24]
Au même titre que la lutte contre le cancer et la politique en faveur des handicapés.
-
[25]
À la suite des travaux de Pierre Muller et Yves Surel, nous entendons ici la notion de problématisation comme une phase au « cours de laquelle un certain nombre d’acteurs vont être amenés à percevoir une situation comme “anormale” et vont la qualifier d’une manière particulière, qui peut être susceptible d’appeler l’attention d’un acteur public » : P. Muller, Y. Surel, L’analyse des politiques publiques, Paris, Montchrestien, 1998 (Clefs Politiques), p. 57.
-
[26]
Y. Barthe, C. Gilbert, « Impuretés et compromis de l’expertise, une difficile reconnaissance. À propos des risques collectifs et des situations d’incertitudes », dans L. Dumoulin, S. La Branche, C. Robert, P. Warin (dir.), Le recours aux experts. Raisons et usages politiques, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2005, p. 43-62.
-
[27]
F. Beck, S. Legleye, « Évolutions récentes des usages de drogues à 17 ans : Escapad 2000-2002 », Tendances, 29, mai 2003, et « Les adultes et les drogues en France : niveaux d’usage et évolutions récentes », Tendances, 30, juin 2003.
-
[28]
M. Mallaret, « Effets somatiques liés à la consommation de cannabis », Toxibase, numéro spécial « L’usage problématique de cannabis », 12, Lettre du Crips, 70, février 2004, p. 30-40. J.-P. Assailly, M.-B. Biecheler, Conduite automobile, drogues et risque routier, Arcueil, Inrets, 2002 (Synthèse 42).
-
[29]
Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité.
-
[30]
Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie.
-
[31]
INSERM, Cannabis. Quels effets sur le comportement et la santé ?, expertise collective, Paris, Éditions INSERM, 2001.
-
[32]
J.-P. Assailly, M.-B. Biecheler, « La drogue et la route : un risque mortel pour les jeunes ? », INRETS, fiche n° 22, 2003. Cf. également J.-P. Assailly, « Alcool, drogues illicites, médicaments et sécurité routière : les “conduites” à risque », Toxibase, 2, dossier Théma, juillet 2001, p. 1-15.
-
[33]
D. Richard, « Cannabinoïdes : une pharmacologie complexe », Toxibase, numéro spécial « L’usage problématique de cannabis », 12, Lettre du Crips, 70, février 2004, p. 28-29.
-
[34]
Ainsi, lors de son audition devant la commission d’enquête, le professeur de pharmacologie R. Trouvé fonde son raisonnement sur les effets comportementaux du cannabis à partir d’expérimentations américaines réalisées auprès de pilotes d’avion sur des simulateurs. Ces expériences montrent qu’à la suite d’une consommation de cannabis, la vigilance comme la coordination spatio-temporelle des pilotes se trouvent altérées. Or, c’est à partir de ces expérimentations et de ces résultats obtenus en laboratoire qu’est déduit un risque pour la conduite automobile. De même, c’est à partir du constat de troubles de la « coordination percepto-motrice » à l’origine d’un « allongement du temps de réaction » que R. Nordmann, membre de l’Académie de médecine, estime que le cannabis provoque une altération de l’accomplissement des tâches complexes, parmi lesquelles figure la conduite automobile.
-
[35]
Jean-Pierre Anger écrit ainsi que « le dysfonctionnement cérébral induit par la prise de ces stupéfiants modifie plus ou moins profondément le comportement du conducteur qui ne sera plus en mesure de juger sainement une situation critique et pourra, en conséquence, soit sous-estimer le risque ou au contraire aura tendance à augmenter la prise de risque et dans certaines circonstances favoriser l’accident » : J.-P. Anger, « Effets des stupéfiants sur la conduite automobile », Annales de toxicologie analytique, 2 (15), 2003, p. 71-76.
-
[36]
Sur le travail de mise en forme et de mise en scène de la crédibilité dans les recommandations scientifiques, voir : S. Hilgartner, Science on Stage : Expert Advice as Public Drama, Stanford, Stanford University Press, 2000.
-
[37]
L. Dumoulin, L’expertise comme nouvelle raison politique ? Discours, usages et effets de l’expertise judiciaire, thèse de science politique, Institut d’études politiques, Grenoble, Université Pierre Mendès-France, juillet 2001.
-
[38]
Le docteur Patrick Mura en est le président, le docteur Pascal Kintz, chargé de mission pour les questions internationales, le docteur Gilles Pépin, vice-président, le docteur Marc Deveaux, rédacteur en chef de la revue de la SFTA (Annales de toxicologie analytique), le professeur Jean-Pierre Anger, trésorier, le docteur Jean-Pierre Goulle, trésorier adjoint, le docteur Véronique Dumestre, secrétaire adjointe, le professeur Michel Lhermitte, conseiller scientifique, enfin le docteur Bernard Capolaghi, responsable des relations internes.
-
[39]
B. Roques, La dangerosité des drogues : rapport au secrétariat d’État à la Santé, Paris, Odile Jacob/La Documentation française, 1999.
-
[40]
P. Mura (coor.), Alcool, médicaments, stupéfiants et conduite automobile, Issy-les-Moulineaux, Elsevier, 1999.
-
[41]
C’est le cas d’un numéro spécial des Annales de toxicologie analytique (2 (15), 2003) entièrement consacré à l’insécurité routière liée à l’usage de stupéfiants.
-
[42]
Devant une commission d’enquête du Sénat, le Pr. Claude Got a contesté la scientificité de la méthodologie adoptée par P. Mura. Les critiques portent notamment sur la qualité de l’échantillon témoin retenu (900 personnes admises aux urgences pour un autre motif), le professeur Got estimant que les personnes retenues auraient dû être exposées au même risque et donc être des automobilistes sélectionnés à l’endroit même des accidents (Audition du professeur Got, président du collège scientifique de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) au Sénat le 30 avril 2003 dans le cadre du rapport d’information : N. Olin, B. Plasait, « Drogue : l’autre cancer », rapport d’information, 321, 2002-2003, 2 t.). Le problème est important puisqu’en l’absence de groupe témoin valable, le Pr. Got note ainsi : « Cela revient à dire que si 10 à 15 % des accidentés ont les yeux bleus, avoir les yeux bleus est un facteur de causalité dans ces 10 à 15 % d’accidents » : Cl. Baïotti, « Cannabis au volant : la loi de trop ? – interview du Pr. Got », L’Auto-Journal, le 29 novembre 2002.
-
[43]
P. Mura, Y. Papet, G. Mauco, « Le risque accidentogène d’une consommation de stupéfiants est-il bien établi ? », Annales de toxicologie analytique, 2 (15), 2003, p. 77-82.
-
[44]
P. Mura, A. Piriou, « Le cannabis », dans P. Mura (coor.), Alcool, Médicaments…, op. cit., chap. 3, p. 59-74.
-
[45]
Sur ces questions, voir notamment : L. Berlivet, « Argument scientifique et espace public, la quête de l’objectivité dans les controverses autour du risque santé », dans B. François, E. Neveu (dir.), Espaces publics mosaïques. Acteurs, arènes et rhétoriques des débats publics contemporains, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999 (Res Publica), p. 185-208.
-
[46]
« Informer le public, lui donner envie de lire tel journal plutôt qu’un autre, interpréter un fait avec une dimension politique, ou faire parler de soi et assurer la promotion de son laboratoire, publier le cas dans un journal scientifique avant le jugement (qui peut être retardé, surtout s’il y a appel en Assises), voilà le délicat mixage entre expertise et média, illustré par quelques affaires exceptionnelles au gré des coupures de journaux » : P. Kintz, « Expertises et média : la vérité n’appartient pas aux journalistes », communication orale au Congrès de la SFTA à Martigny, Suisse, 19-21 juin 2002, texte disponible sur le site : <www. cccta. ch/ martigny>.
-
[47]
G. Padioleau, « La lutte contre le tabagisme : action politique et régulation étatique de la vie quotidienne », Revue française de science politique, 27 (6), décembre 1977, p. 932-959 ; E. Henry, « Du silence au scandale… », art. cité.
-
[48]
P. Bourdieu, « L’emprise du journalisme », Actes de la recherche en sciences sociales, 101-102, 1994, p. 3-9.
-
[49]
A. O. Hirschman, Bonheur privé, action publique, Paris, Fayard, 1983.
-
[50]
J. M. Jasper, The Art of Moral Protest : Culture, Biography, and Creativity in Social Movements, Chicago, University of Chicago Press, 1997.
-
[51]
P. Pradier, Le Progrès, 23 octobre 2000.
-
[52]
P. Pradier, « Alcool et cannabis : il se sentait en état de conduire », Le Progrès, 20 janvier 2001.
-
[53]
« Marilou n’aura jamais 10 ans », La Gazette, 16 janvier 2002.
-
[54]
C. Guédon, « Les chauffards seront davantage sanctionnés », Le Parisien, 25 janvier 2002.
-
[55]
Département où se déroule le procès.
-
[56]
F. Naizot, « Sécurité routière : un jeune chauffard sur cinq fume du cannabis », Le Parisien du Val-d’Oise, 4 février 2002.
-
[57]
M. Persidat, « Vexin : le cannabis au volant devant les tribunaux », L’Écho régional, 6 février 2002.
-
[58]
Sur ces questions, cf. S. Lefranc, Politique du pardon, Paris, PUF, 2002.
-
[59]
Ph. Poinsot, Pour Marilou, association Marilou, p. 91.
-
[60]
Ph. Poinsot, ibid., p. 97 : « Nous pensons que le meurtrier de Marilou devrait avoir le maximum de ce que prévoit le code pénal pour homicide involontaire, soit trois ans plus deux ans pour circonstances aggravantes. »
-
[61]
Ph. Poinsot, ibid., p. 103 : « La juge du tribunal de Pontoise vient de dénier notre fille et notre souffrance. C’est une façon de la tuer une deuxième fois. »
-
[62]
« Les victimes d’accidents mortels devraient avoir des audiences réservées. Ce serait une mesure de bon sens et le minimum pour le respect de leurs souffrances […]. L’attente toujours l’attente, notre avocate intervient encore auprès de la juge, mais cela ne semble pas la décider. […] Enfin c’est à nous, encore les derniers, encore ce comportement irrespectueux envers nous » : Ph. Poinsot, ibid.., p. 98-99.
-
[63]
Ph. Poinsot, ibid., p. 100.
-
[64]
Ph. Poinsot, ibid., p. 105.
-
[65]
Sur la proximité des modalités de définition des problèmes sociaux entre l’espace judiciaire et l’espace médiatique, cf. E. Henry, « Le droit comme vecteur de publicisation des problèmes sociaux. Effets publics du recours au droit dans le cas de l’amiante », dans CURAPP, Sur la portée sociale du droit. Usages et légitimité du registre juridique, Paris, PUF, 2005, p. 187-200.
-
[66]
En ce sens, il s’agit bien ici d’une stratégie qui vise à faire « médiatiquement » du bruit pour accéder à l’attention politique. Sur la question de l’usage des médias comme modalités d’accès à l’agenda politique, cf. P. Garraud, « Politiques nationales : élaboration de l’agenda », L’Année sociologique, 40, 1990, p. 17-41.
-
[67]
Sur ce point : A. Oberschall, Ideologies, Interests and Identities, New Brunswick, Transaction Publishers, 1993.
-
[68]
Ne reposant sur aucune étude ou publication scientifique et/ou clinique, cette thèse du « relargage » consiste à affirmer que, puisque le cannabis est liposoluble dans les graisses, son principe actif peut être « relargué » dans le corps à l’occasion d’un stress quelques jours, voire quelques semaines après une consommation. Popularisée par des associations comme le CNID (Comité national d’information sur la drogue), cette thèse sert avant tout à « diaboliser » le cannabis en comparant la durée de ses effets avec d’autres drogues. Certains de ses promoteurs, comme le docteur Léon Hovnanian, en viennent d’ailleurs à prétendre que le cannabis est aussi, voire plus dangereux que l’héroïne (audition le 5 février 2003 de M. le docteur Léon Hovnanian, président du Centre national d’information sur la drogue (CNID), Commission d’enquête sénatoriale française sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites).
-
[69]
Une photo des parents de Marilou est légendée : « Marilyse Lebranchu tarde à répondre aux parents de Marilou ».
-
[70]
O. O’Mahony, « Cannabis : les ventes explosent, les candidats se taisent, quatre millions de Français en fument, un business de 13 milliards d’euros en Europe », Paris-Match, 14 mars 2002.
-
[71]
Conduites addictives et aptitudes médico-professionnelles.
-
[72]
Comité national d’information sur la drogue.
-
[73]
Lors d’une émission télévisée sur Canal +, le Premier ministre Lionel Jospin déclare : « Fumer un joint chez soi est moins dangereux que de boire de l’alcool avant de conduire ».
-
[74]
L’association reçoit le parrainage de plusieurs journalistes de télévision, dont Patrick Poivre d’Arvor, d’hommes politiques comme Jean-François Mancel, député UMP et président du Conseil général de l’Oise, ou Alain Vasselle, sénateur UMP et conseiller général de l’Oise, et de la SFTA qui fournit, par l’intermédiaire des docteurs Patrick Mura et Pascal Kintz, l’essentiel des travaux du comité scientifique de l’association.
-
[75]
F. Lemoine, « Stupéfiants : un chauffard drogué a tué leur fille, les parents de Marilou luttent contre le cannabis au volant », Le Figaro, 19 avril 2002.
-
[76]
Intitulée « Ados et cannabis : les nouveaux risques », cette émission aborde la question de la consommation de cannabis selon deux registres principaux. Le premier est celui de la dramatisation : les travaux de l’INSERM qui montrent une augmentation de la consommation chez les adolescents et les jeunes adultes servent à légitimer les analyses, scientifiquement contestables, de P. Mura sur les effets de cette consommation. Le second registre est émotionnel et repose sur le témoignage et le drame vécu par les parents de Marilou.
-
[77]
M. Gomez, « Sécurité Routière : le défi français », La Croix, 17 septembre 2002.
-
[78]
La première page est entièrement consacrée à une photo des parents enlacés sur le lit de leur fille décédée.
-
[79]
O. O’Mahony, « Une loi au nom de Marilou », Paris-Match, 17 octobre 2002.
-
[80]
Pour une présentation générale de l’intérêt de l’analyse des processus de montée en généralité dans l’espace public, voir : B. François, E. Neveu, « Pour une sociologie politique des espaces publics contemporains », dans B. François, E. Neveu (dir.), Espaces publics mosaïques…, op. cit., p. 13-58.
-
[81]
Sur ces questions de construction des problèmes sociaux en termes d’imputation de responsabilité et d’identification d’une relation causale, voir : J. R. Gusfield, The Culture of Public Problems : Drinking-Driving and the Symbolic Order, Chicago, University of Chicago Press, 1981.
-
[82]
Pour une analyse des liens entre la définition publique d’un problème et sa surface sociale de diffusion, cf. M. Edelman, Pièces et règles du jeu politique, Paris, Seuil, 1988.
-
[83]
Sur ce point, voir : T. Gitlin, The Whole World Is Watching : Mass Media in the Making and Unmaking of the New Left, Berkeley, University of California Press, 1980.
-
[84]
Assemblée Nationale, 1re séance du 8 octobre 2002, JO, 9 octobre 2002, p. 3008.
-
[85]
Assemblée Nationale, 1re séance du 23 janvier 2003, JO, 24 janvier 2003, p. 441-442.
-
[86]
Assemblée Nationale, 1re séance du 23 janvier 2003, JO, ibid., p. 439.
-
[87]
Député socialiste de l’Aisne, René Dosière fut rapporteur de la loi Gayssot de 1999 et premier président du Conseil national de la sécurité routière.
-
[88]
Le député PS, Jérôme Lambert, s’interroge notamment sur le sens de l’article 2, qui rend passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement toute personne dont les tests feront apparaître qu’elle a consommé des produits stupéfiants, sans prendre en considération le temps écoulé entre la date de la consommation desdits produits et le moment du contrôle (Sénat, séance du 19 décembre 2002).
-
[89]
Plusieurs députés s’interrogent sur le coût global du dépistage des drogues. Un test urinaire coûte environ 20 euros, auquel doit être ajouté le coût des honoraires du médecin effectuant le prélèvement, fixé à 30 euros, et, en cas de résultat positif, la confirmation sanguine, estimée à environ 242 euros.
-
[90]
René Dosière, Assemblée Nationale, 1re séance du mardi 8 octobre 2002, JO, 9 octobre 2004, p. 3004-3006.
-
[91]
C’est le cas notamment de Lionel Luca, député UMP, qui déclare : « Texte nécessaire, mais aussi de bon sens : qui peut comprendre que l’on dépiste systématiquement l’alcool, produit légal, alors que, dans le même temps, rien ne serait fait pour un produit illégal ? Comment l’expliquer, sinon par le laxisme généralisé auquel certains de nos collègues ont contribué, dans cet hémicycle, à une période récente ? », Assemblée Nationale, 1re séance du mardi 8 octobre 2002, JO, 9 octobre 2004, p. 3004.
-
[92]
Pour une analyse des postures adoptées par les forces politiques dominantes au sein de l’Assemblée : A. Collovald, B. Gaïti, « Discours sous surveillance : le social à l’Assemblée », dans CURAPP, Le « social » transfiguré. Sur la représentation politique des préoccupations « sociales », Paris, PUF, 1990, p. 9-54.
-
[93]
Assemblée Nationale, 1re séance du mardi 8 octobre, cité, p. 3004.
-
[94]
Lors des débats au Parlement, les députés de la nouvelle majorité fondent l’ensemble de leurs arguments scientifiques sur les seuls travaux de la SFTA et notamment du docteur Patrick Mura pour justifier la nécessité du dépistage.
-
[95]
Lors des États généraux de la sécurité routière en septembre 2002, le président de la République s’est publiquement prononcé pour un « durcissement des règles pour la conduite sous l’emprise de stupéfiants ».
-
[96]
Richard Dell’Agnola, Assemblée Nationale, 23 janvier 2003, JO, 24 janvier 2003, p. 436. Ce que confirme le garde des Sceaux, Dominique Perben : « Comme je vous l’ai indiqué en première lecture, le 8 octobre dernier, le gouvernement apporte son entier soutien à cette proposition de loi » (Dominique Perben, Assemblée Nationale, ibid., p. 435).
-
[97]
Rapport parlementaire préalable à la discussion de la loi du 3 février 2003, 235, Assemblée nationale, 2 octobre 2002, p. 10.
-
[98]
Dominique Perben déclare ainsi : « Ce texte […] constitue la première pierre d’un édifice que nous allons bâtir en commun, puisque, comme vous le savez, le gouvernement vous saisira dans les toutes prochaines semaines d’un projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière. […] Ce projet de loi comportera notamment d’importantes dispositions de droit pénal et de procédure pénale que je défendrai devant vous. Ces dispositions auront comme principal objectif […] d’aggraver et de rendre plus cohérentes les sanctions applicables » (Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, Assemblée nationale, 1re séance du 23 janvier 2003, JO, 24 janvier 2003, p. 435).
-
[99]
Peine qui est alourdie à trois ans de prison et 9 000 euros d’amende en cas de mélange avec de l’alcool : Article L.235-1 du Code de la route modifié par la loi du 23 janvier 2003.
-
[100]
Article L. 235-2 du Code de la route modifié par la loi du 23 janvier 2003.
1 Depuis plusieurs années, la sociologie de l’action publique anglo-saxonne développe une réflexion sur les instruments qui renouvelle le questionnement sur la structuration de l’action publique [1]. Cette orientation de recherche est aujourd’hui poursuivie en France par un certain nombre de travaux qui se fondent pour la plupart sur une définition non restrictive de la notion d’instrument [2]. Ainsi, ce sont des instruments aussi variés que les dispositifs techniques de rationalisation et de gestion administratives, les instruments cognitifs et normatifs qui sont replacés au cœur de l’analyse de l’action publique. Ce type d’approche présente deux intérêts principaux. Tout d’abord, l’analyse des processus d’instrumentation de l’action publique permet de renouveler les interrogations sur le changement dans les politiques publiques, en mettant l’accent sur la place et le rôle joué par ces instruments qui « permettent de matérialiser et opérationnaliser l’action gouvernementale » [3]. Ensuite, souhaitant rompre avec une analyse fonctionnaliste qui tend à considérer les instruments comme des données neutres dans l’élaboration des décisions publiques, ces travaux insistent sur la dimension politique du choix d’un instrument. Ils en viennent à émettre l’hypothèse que les instruments d’action publique seraient porteurs d’une théorisation politique implicite, chacun d’eux devenant alors « une forme condensée de savoir sur le pouvoir social et les façons de l’exercer » [4].
2 L’objet de cet article est de prolonger et nuancer cette hypothèse en montrant qu’une théorisation politique implicite n’est pas nécessairement stabilisée une fois pour toutes dans les instruments, mais qu’elle peut se trouver redéfinie dans des configurations particulières et selon les appropriations spécifiques dont ces instruments font l’objet [5]. Telle que nous la concevons, la notion d’appropriation permet en effet de poser la question des transformations de l’instrument suivant les activités dans lesquelles il se trouve inséré. Peut-on considérer qu’il s’agit du même instrument qui participe à des activités de légitimation d’une solution à un problème public, à des activités d’expertise scientifique, ou à la dénonciation d’un scandale par les médias ?
3 Pour répondre à ces questions, nous développerons, parmi les récents changements intervenus en matière de lutte contre l’insécurité routière, celui qui a conduit à la mise en place d’un dépistage des drogues au volant sur le modèle des alcootests. En effet, depuis une loi promulguée en février 2003, des tests de dépistage des drogues peuvent être effectués sur tous les conducteurs, qui, si ces tests s’avèrent positifs, encourent désormais une nouvelle peine de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende. Ce dispositif, présenté comme une avancée dans la lutte contre l’insécurité routière, repose pourtant sur des instruments, les tests, qui sont déjà utilisés en France depuis 1999 dans le cadre de la loi Gayssot. Mais il en modifie les modalités et les finalités d’usage. Sans céder à une forme de déterminisme technologique qui réduit le caractère multidimensionnel des phénomènes observés [6], il s’agit de poser la question des conditions dans et par lesquelles s’opère ce changement dans les finalités attribuées à l’usage public d’une même technique.
4 Posé en ces termes, le problème permet d’aborder plusieurs questions qui relèvent aussi bien de la sociologie de l’action publique que de celle des controverses. Classiquement, les analyses sur le changement dans les politiques publiques invitent à s’interroger sur le rôle joué par des acteurs porteurs d’une nouvelle conception du problème tant sur le plan de son interprétation, de sa solution que des valeurs mobilisées [7]. Bien qu’indispensable, cette approche ne nous semble avoir ici d’intérêt que si elle se double d’une réflexion sur les modalités d’imposition de cette conception alternative (stratégies argumentatives, intérêts en jeu, positionnement des acteurs) [8], afin d’éclairer sa saisie par le politique. À moins d’adhérer à une approche linéaire et apaisée de l’action publique, se pose en effet la question des conditions dans lesquelles une conception alternative d’un problème déjà instruit par un secteur administratif (et sa solution) devient politiquement appropriable. Nous analyserons ici ce processus de politisation par la convergence de deux logiques relativement indépendantes, celle d’une publicisation par les experts des questions de drogue au volant et son amplification grâce à une mobilisation associative fortement relayée par les médias, d’une part, et celle résultant d’une configuration politique particulière, d’autre part [9]. En effet, dans le cas qui nous occupe, la publicisation du problème posé par « la drogue au volant » s’intensifie dans un contexte politique dominé par la campagne présidentielle de 2002.
5 Ces périodes électorales ne sont généralement pas perçues comme des moments privilégiés de la mise sur agenda des problèmes par les spécialistes [10]. Souhaitant approfondir cette question, F. Sawicki a montré, à partir d’une réflexion sur les thèmes de protection sociale lors de la campagne présidentielle de 1988, que la formation de cet agenda s’explique autant par la spécificité des problèmes de protection sociale que par la dynamique de la compétition électorale et du rapport des forces politiques à la suite d’une cohabitation [11]. En effet, la neutralisation des discussions sur ces thèmes pendant la campagne ne résulte pas seulement de l’absence de solutions à ces problèmes, mais des risques que les solutions envisagées antérieurement à la campagne feraient peser sur le déroulement de celle-ci et la captation des électorats. Dans une configuration proche (sortie de cohabitation et campagne présidentielle), nous verrons que les formes prises par la publicisation d’un problème accompagné d’une solution technique jouent un rôle déterminant dans le processus de son émergence sur l’agenda public et de sa (ré)inscription sur l’agenda décisionnel. De ce fait, il s’agit bien, dans le cadre de cet article, de comprendre comment une campagne électorale peut se présenter comme une « fenêtre d’opportunité » pour un changement dans l’instrumentation de l’action publique [12].
6 Nous reviendrons ainsi dans un premier temps sur la loi Gayssot, qui fixe le cadrage public initial du problème posé aux pouvoirs publics par les drogues au volant. Puis, notre analyse portera sur les différents débats suscités par une gestion administrative centrée sur l’évaluation du risque. Trois espaces de controverses seront successivement abordés. Dans l’espace de l’expertise, l’analyse de la production scientifique et des prises de position publiques des acteurs concernés permettra de caractériser les intérêts et les procédés qui participent à la formalisation d’une expertise toxicologique tendant à réduire l’incertitude concernant le risque « drogue au volant ». Ensuite, nous traiterons de la publicisation progressive d’un fait divers dramatique et des effets de cette médiatisation sur la reformulation du problème des « drogues au volant » et des solutions qui l’accompagnent. L’étude du traitement médiatique et les entretiens menés auprès des acteurs mobilisés révèlent notamment qu’un aspect essentiel de cette publicisation est la réduction d’un problème technique complexe en problème moral et politique inacceptable réclamant l’intervention des acteurs politiques [13]. Le thème de l’insécurité [14] qui a marqué la campagne présidentielle a sans doute favorisé la politisation de cet enjeu [15] en offrant aux acteurs politiques l’opportunité, entre autres, de recycler un programme d’action publique écarté par une période de cohabitation en le réinscrivant sur l’agenda décisionnel. C’est ce que semble confirmer l’analyse des débats parlementaires précédant la loi de février 2003. Dans cette dernière partie, il s’agira de montrer que, derrière l’apparence d’une controverse technique, la question des drogues au volant réactive des clivages politiques sur l’orientation des politiques de lutte contre l’insécurité routière. Finalement, le processus de politisation de l’enjeu « drogue au volant », en tant qu’il légitime à la fois des intérêts non spécifiquement politiques et des intérêts plus proprement politiques, nous permettra d’éclairer la réorientation des objectifs assignés à l’usage des tests de dépistage des drogues.
Régulation européenne et nationale : le cadrage initial
7 En Europe, c’est par une directive européenne de 1991 que débute le processus de régulation de l’usage des tests de dépistage des drogues comme instrument de prévention de l’insécurité routière [16]. Cette directive exige des pays membres de l’Union européenne qu’ils se dotent avant le 1er juillet 1996 de législations sanctionnant les conducteurs sous l’influence de substances psychotropes. En août 1998, l’Allemagne est le premier pays à adopter une loi qui sanctionne toute personne suspectée de consommer des drogues illicites au volant [17]. Quatre ans plus tard, en novembre 2002, face à l’ampleur de l’augmentation des sanctions, notamment pénales, contre ce type de délit, la Grenzwertkommission recommande de réduire le nombre de substances interdites [18]. En mars 1999 et en décembre 2001, la Belgique, puis la Suisse prennent des mesures législatives similaires [19]. Dans l’ensemble de ces dispositifs normatifs, les tests de dépistage des drogues sont utilisés pour apporter la preuve d’une consommation de drogues chez les automobilistes.
8 En France, la régulation de ces instruments fait l’objet de plusieurs textes législatifs et réglementaires. Le processus débute en 1995 par la publication d’un livre blanc sur les effets des médicaments et des drogues sur la conduite automobile [20]. Les auteurs de ce document s’étonnent notamment qu’après un accident de la route, il soit, « paradoxalement plus facile de mettre en évidence et de sanctionner la consommation excessive et inadaptée d’un produit en vente libre (l’alcool) que de reconnaître l’influence d’une drogue dont la consommation est interdite ». Afin d’y remédier, le livre blanc préconise un renforcement de la sécurité routière par des actions permettant « la recherche des conduites sous l’influence de substances, illicites ou détournées de leur usage, capables de modifier l’aptitude à la conduite, en cas d’accident corporel et lors d’une infraction aux règles de la circulation mettant en jeu la sécurité ». L’utilisation de tests de dépistage des drogues se trouve alors envisagée selon deux modalités différentes. La première vise à faire des tests des instruments de connaissance afin de pallier aux insuffisances de données statistiques pour établir le lien éventuel entre accident de la route et consommation de produits psychotropes. Afin d’évaluer ce risque, le livre blanc suggère dans un premier temps que soit pratiqué un dépistage des substances psychotropes dans les cas d’accidents corporels ou d’infractions mettant en jeu la sécurité. Ce n’est que dans un second temps, une fois le risque établi, que les tests sont envisagés comme des instruments de prévention de l’insécurité routière dans le cadre de contrôles préventifs sur le modèle des alcootests. L’année suivante, en 1996, l’institut médico-légal de Bordeaux publie les premiers résultats d’une étude menée en France sur le lien entre accident de la route et consommation de stupéfiants. Sur un échantillon de 11 morts par accidents de la route, 8 s’avèrent positifs à un test de dépistage des stupéfiants [21]. La même année, la commission des Lois de l’Assemblée nationale, sur proposition du député RPR Richard Dell’Agnola, adopte, sur la base de quatre propositions de loi, un texte qui crée un délit de conduite sous l’influence de stupéfiants (puni de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende). Pour établir la « matérialité » de l’infraction, le texte autorise les forces de police à faire procéder sur la personne concernée à des analyses, c’est-à-dire à utiliser des tests de dépistage des drogues. En cas de résultat positif, la proposition de loi prévoit une série de sanctions allant du travail d’intérêt général aux principes de jour-amende jusqu’à la confiscation et l’immobilisation du véhicule. En 1997, la dissolution, décidée par le président de la République, suspend provisoirement le parcours parlementaire de cette proposition de loi. Toutefois, le traitement public des dangers que représente la consommation de drogues au volant se poursuit avec l’arrivée d’une majorité parlementaire de gauche. Dès 1999, un projet de loi est déposé au Parlement. Votée le 18 juin, la loi dite « Gayssot » fixe pour la première fois les conditions d’utilisation des tests de dépistage. S’inspirant des recommandations du livre blanc de 1995, le cadrage législatif cantonne l’usage des tests de dépistage dans deux registres d’activité. Le premier registre est répressif. Le dépistage systématique de produits stupéfiants est instauré pour tout conducteur impliqué dans un accident mortel de la circulation. S’ils s’avèrent positifs, les résultats entraînent une aggravation des sanctions prévues par les textes. Le second registre d’activité fait des tests des instruments de connaissance. À cet effet, la loi prévoit le lancement d’une grande enquête épidémiologique. Sa conduite est confiée à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) sous la direction du professeur Claude Got [22]. Les résultats attendus pour 2004 doivent permettre d’évaluer les effets de la consommation de drogues sur les accidents de la route. L’année suivante, les parlementaires de l’opposition proposent de renforcer la dimension répressive de l’utilisation des tests. Le 5 décembre 2000, dans le cadre des séances réservées à l’ordre du jour fixé par l’Assemblée nationale, une proposition de loi du groupe RPR, déposée par MM. Bernard Accoyer, Jean-Louis Debré et Patrick Delnatte, ambitionne, d’une part, d’étendre le dépistage systématique de stupéfiants à tous les conducteurs impliqués dans un accident corporel et, d’autre part, de créer un délit de conduite sous l’influence de stupéfiants [23]. L’assemblée vote contre le passage à la discussion des articles et la proposition est donc rejetée.
9 Or, après sa réélection et le retour d’une majorité de droite à l’Assemblée, Jacques Chirac, dans son allocution du 14 juillet 2002, rappelle que la sécurité routière est l’un des trois chantiers prioritaires de son quinquennat [24]. Il indique notamment que « les comportements les plus contraires à la sécurité routière doivent être dénoncés et beaucoup plus lourdement sanctionnés, qu’il s’agisse de la vitesse sur les routes, de l’alcoolisme ou de la consommation de drogues ». Concrétisant cet engagement, un comité interministériel de sécurité routière se réunit en novembre 2002 pour préparer un projet de loi dont l’objectif est, conformément au souhait renouvelé par le président Chirac en septembre 2002, « un durcissement des règles pour la conduite sous l’emprise de stupéfiants ». Dès octobre 2002, une proposition de loi présentée par le député UMP Richard Dell’Agnola, reprenant l’essentiel du texte de 1996, envisage, de nouveau, la création d’un délit de conduite sous l’emprise de produits stupéfiants. Ce sera chose faite le 3 février 2003, par l’adoption de la loi dite « Marilou », qui punit ce délit de 2 ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende. Ce nouveau cadrage législatif cantonne l’usage des tests dans un registre uniquement répressif, puisque les forces de l’ordre ont dorénavant la possibilité d’utiliser les tests de dépistage sur le même mode que les alcootests. Ou plutôt, le registre de connaissance, s’il est maintenu, change de finalité : l’information fournie par les instruments de dépistage ne vise plus à évaluer collectivement un risque, mais à établir une infraction pénale. Ainsi, l’idée d’une possible autonomisation des instruments doit être, dans ce cas, relativisée, puisqu’on constate qu’un même instrument d’action publique semble investi de conceptions différentes du rapport gouvernants/gouvernés en fonction des usages qui lui sont assignés.
10 Il s’agissait dans cette première partie, non pas de céder à une approche « top-down » de la décision publique en considérant la loi Marilou comme le « moment » du changement, voire de la résolution du problème posé par les drogues au volant, mais de souligner la préexistence d’une gestion administrative des « drogues au volant » et d’un usage public des instruments de dépistage, entérinés par la loi Gayssot. Ceux-ci répondaient principalement à une logique d’expertise interne à l’administration et à un traitement public axé sur l’anticipation des risques routiers liés à la consommation de drogues. Nous verrons par la suite que ce mode de gestion administrative contraint les différents acteurs intéressés à une remise en cause de ce cadrage initial. C’est notamment le cas de Jacques Chirac lorsqu’il en appelle à dénoncer et à sanctionner plus lourdement les comportements attentatoires à la sécurité routière, que constitue, entre autres, la consommation de stupéfiants. L’énoncé de ce discours, un 14 juillet, vise notamment, en hiérarchisant des priorités, à orienter l’action d’un gouvernement nouvellement constitué et à prendre position en faveur d’une action publique devant se distinguer de la gestion administrative qui prévalait jusqu’alors. En ce sens, l’intervention du chef de l’État est certainement une étape importante du processus d’inscription sur l’agenda parlementaire, mais sa prise en compte dans l’analyse n’épuise pas la question de la requalification du problème posé par la consommation de drogues en termes de lutte contre l’insécurité routière. Elle invite plutôt à (re)lancer l’enquête et à souligner, parmi les logiques sociales ayant participé au processus de problématisation [25] de la question de la conduite sous l’emprise de produits psychotropes, le rôle joué par les expertises toxicologiques dans les controverses scientifiques sur le risque « drogue au volant ».
Faire face au risque, mais lequel ? Controverses d’experts sur l’usage des tests
11 Revenir sur la genèse de cette expertise toxicologique nécessite de s’interroger sur les acteurs qui l’ont élaborée et leurs intérêts, mais également de prendre en compte le contexte de cette élaboration et les caractéristiques de l’espace où elle se formalise. Par l’étude des controverses entre experts sur la question des drogues au volant, nous verrons que les principes d’opposition qui structurent cet espace recoupent en partie des disciplines aux méthodologies scientifiques distinctes. On peut alors observer l’émergence d’une expertise toxicologique qui se présente comme politisable en proposant à la fois une évaluation et une gestion du risque, c’est-à-dire en soumettant aux pouvoirs publics à la fois une définition du problème et sa solution. Cette stratégie d’énonciation amène à réfléchir à la frontière entre science et politique, non plus seulement selon l’alternative classique entre scientifisation de la politique et politisation de la science, mais en s’intéressant à la manière dont la transgression de cette frontière est présentée (masquée ou affirmée) par les experts eux-mêmes [26].
Les incertitudes sur les effets : une question de méthode ?
12 La dangerosité des drogues comme l’héroïne, la cocaïne ou les amphétamines fait l’objet d’un consensus large dans la communauté des spécialistes. En revanche, le problème posé par les effets du cannabis sur la conduite automobile demeure sujet à controverse. En France, cette controverse s’avère d’autant plus sensible qu’elle se déroule dans un contexte où plusieurs études épidémiologiques montrent que l’ampleur de la consommation de cannabis y est sans égale en Europe, en particulier chez les jeunes adultes [27]. En matière de conduite automobile, les études portant sur les effets du cannabis s’accordent à reconnaître un risque aggravé juste après la consommation, c’est-à-dire pendant ce que la plupart des experts (médecins, toxicologues, psychiatres, pharmacologues) appellent l’ivresse cannabique. Cette période d’ivresse, qui varie selon les sujets et la quantité absorbée, est estimée à quelques heures durant lesquelles plusieurs études et observations font état de modifications des perceptions sensorielles et cognitives susceptibles d’avoir des effets sur la conduite d’un véhicule : perturbation de la perception du temps, des distances, de la mémoire, de la vision et de l’ouïe pouvant aller dans certains cas jusqu’à des hallucinations [28].
13 En revanche, une fois passée la période d’ivresse, ces perturbations et leurs conséquences sur les accidents automobiles restent incertaines et sujettes à des interprétations divergentes. Ces dernières recoupent généralement des questions de méthode qui définissent en partie des espaces disciplinaires spécifiques.
14 En France, depuis plusieurs années, différents instituts de recherche publique comme l’INSERM ou l’INRETS [29] mènent des travaux sur le lien entre consommation de produits psychoactifs et risque routier. Ces recherches collectives croisent plusieurs disciplines scientifiques et médicales : psychiatrie, neuropharmacologie, épidémiologie, accidentologie, psychologie, sociologie, etc. En 2001, un rapport de l’INSERM commandé par la MILDT [30] propose une synthèse des connaissances sur les effets du cannabis sur la santé et le comportement [31]. Dans une section du rapport consacrée au risque routier, l’INSERM indique que les études disponibles convergent pour montrer que le cannabis détériore certaines facultés pouvant conduire à des temps de réaction allongés, une réduction des capacités de contrôle d’une trajectoire, une mauvaise appréciation des distances. Mais l’INSERM estime dans le même temps que les publications scientifiques disponibles échouent globalement à démontrer un effet du « cannabis seul » sur le risque d’accident, car une proportion substantielle de conducteurs positifs au cannabis l’est également à l’alcool (50 % dans les études en France). De fait, l’alcool apparaît comme un facteur de « confusion » important. Comparativement, le risque combiné « alcool et cannabis » est beaucoup plus important que celui dû au cannabis seul. Le rapport souligne également l’absence de relation « synchrone » entre la présence de cannabis et ses effets sur le comportement. Ceci signifie que le fait de trouver du cannabis dans le sang ou les urines n’indique pas que celui-ci est responsable de l’accident. En effet, des traces de cannabis peuvent être stockées dans le corps plusieurs jours, voire plusieurs semaines et cela, alors même que les effets de la substance ne durent que quelques heures. Le rapport conclut ainsi :
« Malgré la présomption de dangerosité du cannabis sur le comportement de la conduite, il est encore impossible d’affirmer, faute d’études épidémiologiques fiables, l’existence d’un lien causal entre usage de cannabis et accident de la circulation. Le substrat scientifique, dans le cas du cannabis, semble encore fragile. »
16 La nécessité de produire des connaissances complémentaires sur les dangers présentés par le cannabis au volant est également partagée par les chercheurs de l’INRETS. S’ils reconnaissent pleinement que le cannabis altère le comportement, les chercheurs notent cependant que « ces résultats doivent être nuancés », puisqu’ils sont « très variables selon les individus » et que « les chutes de performance n’apparaissent généralement qu’à de fortes doses de cannabis ». Pour l’INRETS, toute évaluation scientifique du risque accidentogène du cannabis doit donc prendre en compte, d’une part, la sensibilité variable des individus au cannabis et, d’autre part, les contextes de conduite [32].
17 Pour les deux instituts de recherche publics, la consolidation des connaissances nécessaire à l’évaluation scientifique du risque routier lié à la consommation de cannabis devrait être rendue possible grâce à l’étude épidémiologique lancée par la loi Gayssot en 1999. Cette étude débute en 2001 et porte sur 10 000 cas de dépistage systématique des stupéfiants sur tout conducteur impliqué dans un accident mortel de la circulation.
18 Cette prudence affichée par les organismes de recherche publics contraste avec les travaux menés par certaines études toxicologiques et pharmacologiques. Celles-ci adoptent un mode de raisonnement spécifique qui se fonde essentiellement sur une analyse biochimique des effets du produit sur l’organisme et notamment sur les modifications que la substance entraîne sur l’activité neurologique [33]. De fait, dans la plupart des cas, les résultats obtenus ne reposent pas sur des observations de situations réelles, mais reproduites en laboratoire. Dans ce type d’analyse, la complexité liée aux contextes de consommation et à la variabilité des effets du cannabis selon les personnes (en fonction du poids, de l’âge, de la fréquence des consommations, de la quantité de produits absorbés ou du moment de la consommation) tend à être évacuée par une méthodologie qui repose sur quatre étapes. La première consiste à observer les effets du cannabis sur l’organisme. La seconde permet de traduire ces effets en termes comportementaux à l’aide de dispositifs d’observation. La troisième étape impute au cannabis l’origine des comportements observables. Enfin, la dernière étape généralise ces comportements à d’autres situations non observées, mais « envisageables » [34].
19 Ainsi, la démonstration du risque d’accident lié à une consommation de stupéfiants repose sur un glissement entre deux champs disciplinaires : l’analyse toxicologique, d’un côté, et l’analyse comportementale, de l’autre. Ce type d’approche tend à réduire la complexité du lien entre les effets neurotoxiques d’un produit stupéfiant et ses conséquences comportementales, au profit d’une relation quasi-causale entre consommation de stupéfiants et accidents de la route [35]. Certains toxicologues s’engagent publiquement dans la promotion de ce lien causal.
20 Ainsi, le 1er octobre 2002, au moment même où débutent au Parlement les discussions sur la proposition de loi devant faire de la conduite sous influence de drogues un délit, un communiqué de presse signé par dix experts judiciaires en toxicologie apporte une contribution aux débats qui s’engagent. Se déclarant favorable à la loi qui se prépare, le communiqué se présente comme une réponse « scientifique et objective » aux doutes émis par les « professionnels de l’accidentologie » sur la dangerosité du cannabis. Il s’agit également « de faire taire les informations imprécises qui circulent dans la presse ». Trois points sont développés. Le premier pose que le « lien entre accidents de la route et consommation de cannabis » est clairement établi. Le second conteste la nécessité de déterminer un seuil de concentration sanguine au-delà duquel le cannabis serait dangereux pour la conduite (sur le modèle de l’alcool, par exemple). Enfin, le troisième point affirme que les instruments de dépistage sont disponibles et performants. En conclusion, les experts judiciaires en toxicologie considèrent qu’ils ont « les capacités techniques et scientifiques pour répondre à toute nouvelle législation visant à diminuer le nombre de morts sur les routes de France ayant pour cause un usage récent de cannabis ». Ce texte met en avant les titres et les fonctions universitaires des dix signataires, ainsi que leur qualité d’experts judiciaires, qui renvoie implicitement à l’idée de respectabilité et de crédibilité [36] tout en conférant une part d’autorité symbolique supplémentaire aux propositions avancées, par le lien privilégié que ce statut autorise avec les pouvoirs publics [37]. Il n’indique pas en revanche que neuf d’entre eux occupent des positions de responsabilité au sein de la même société : la Société française de toxicologie analytique (SFTA) [38]. Par l’analyse des prises de position et des travaux menés par la SFTA sur la « dangerosité des drogues au volant », il s’agira ici de caractériser les types de rationalité qui soutiennent les activités de cette société scientifique.
Les travaux de la SFTA : entre science et politique
21 La SFTA se présente comme une société professionnelle regroupant un ensemble d’experts en toxicologie qui se sont fait publiquement connaître en 1998 par leur profonde opposition au rapport Roques. Réalisé à la demande de B. Kouchner, alors secrétaire d’État à la santé, ce rapport avait conclu que le cannabis était de loin la drogue la moins toxique sur les plans neurologiques et somatiques [39]. Depuis, la SFTA s’oppose systématiquement aux partisans de la dépénalisation des drogues et en particulier du cannabis. Se fondant sur un savoir et une expertise scientifique propres, elle défend au contraire depuis le milieu des années 1990 l’idée d’une dangerosité forte de ce produit. Le communiqué mentionné plus haut s’inscrit donc dans un long travail de production et d’imposition d’une expertise toxicologique sur les dangers posés par la consommation des drogues, aussi bien dans l’emploi, à l’école que pour la conduite automobile. Depuis 1996, cette position est développée et diffusée dans des revues scientifiques (Toxicorama et les Annales de toxicologie analytique) et fait également l’objet de plusieurs ouvrages, notamment de vulgarisation. Cette forme permet de développer et de mobiliser un argumentaire hybride qui mêle des données chiffrées sur l’actualité des instruments de dépistage disponibles et des arguments plus ouvertement politiques. En 1999, un ouvrage collectif coordonné par le docteur P. Mura apparaît sur ce point exemplaire [40]. La préface présente l’ouvrage comme un travail technique qui vise à « préciser de façon scientifique l’influence de l’alcool, des médicaments et des stupéfiants sur l’aptitude à conduire un véhicule » ; l’ouvrage semble en conséquence destiné prioritairement aux pharmacologues et aux toxicologues. Pourtant, malgré l’aridité du sujet, là ne s’arrête pas le cercle des lecteurs souhaités par les auteurs, puisqu’ils s’adressent également « à tous ceux qui sont concernés par ce problème devenu majeur dans nos sociétés », à savoir « les avocats, les forces de l’ordre et les juges », mais également « les consommateurs ». C’est à ce lectorat étendu qu’est délivré un propos aux ambitions politiques plus clairement affichées. Affirmant que le haschich « cause plusieurs milliers de morts par an sur les routes françaises », les auteurs interpellent également les pouvoirs publics. Ils manifestent d’abord des regrets à l’encontre de la loi Gayssot, qui est rendue responsable du retard pris par la France en matière de dépistage des drogues. Mais, comme « il n’est jamais trop tard pour bien faire », les auteurs proposent leurs solutions en souhaitant que « les données et les analyses proposées dans l’ouvrage, notamment sur le dépistage, puissent guider ceux qui sont en charge de faire évoluer la législation et de définir les modalités d’application ».
22 Cet ouvrage, comme d’autres publications, vise à établir un lien entre consommation de cannabis et accident de la route, et à démontrer les dangers de cette drogue tout en proposant les moyens d’y remédier [41]. Suscitant de vives critiques de la part des tenants d’une approche pluridisplinaire de l’évaluation du risque [42], les conclusions d’une enquête menée par le docteur Mura proposent ainsi sous la forme de phrases simples une mesure du risque qui chiffre cette relation causale : « La fréquence des accidents corporels de la voie publique était multipliée par 2,5 avec un usage récent de cannabis et par 8,2 lorsque la morphine était présente dans le sang des conducteurs » [43].
23 Face à un risque considéré comme établi, plusieurs publications de la SFTA indiquent les moyens les plus aptes à le limiter : les tests de dépistage des drogues. Tout en affirmant qu’il n’existe pas de technique idéale de dépistage permettant de savoir si une personne est sous l’influence de drogues au moment d’un contrôle routier ou à la suite d’un accident, la SFTA souhaite expressément la généralisation de ces techniques. Pour elle, il semble que tous les types de test, sous réserve d’une fiabilité minimum, puissent être utilisés, qu’ils soient réalisés à partir d’un échantillon de cheveux, de salive ou d’urine. Ce qui compte pour ces experts toxicologues est que les résultats de ces tests soient ensuite confirmés. En effet, comme pour d’autres types de dépistage, à l’issue d’un test positif, la validité scientifique mais également juridique de ce résultat dépend d’une procédure de confirmation qui fait généralement appel à des techniques plus complexes et plus onéreuses. Or, les toxicologues de la SFTA, notamment dans leur fonction d’experts judiciaires, offrent, par le biais d’un réseau de laboratoires qui couvre la majeure partie du territoire français, la prestation de ces services de confirmation pour le dépistage des drogues. C’est sur la base de ce savoir-faire professionnel que les docteurs P. Mura et A. Piriou souhaitent « des mesures moins timides » que celles proposées par la loi Gayssot, notamment l’adoption « d’autres mesures réglementaires ouvrant droit à des actions à caractère préventif telles que des dépistages au bord des routes ou aux sorties de boîte de nuit ». Ils concluent que « la balle est dans le camp des pouvoirs publics » [44].
24 Pour la SFTA, le dépistage comme solution à l’insécurité routière liée aux drogues concrétise un travail d’expertise fondé sur la poursuite d’intérêts hétérogènes, qu’ils soient professionnels, économiques ou politiques. Cette hétérogénéité renvoie à la fiction de la neutralité de l’expertise, idée aujourd’hui largement partagée. Mais c’est moins la diversité de ces intérêts que la manière dont ils sont articulés dans le discours des experts qui permet de faire l’hypothèse qu’ici, la frontière entre science et politique est elle-même une fiction : si elle se trouve réaffirmée pour revendiquer l’objectivité des travaux menés, cette revendication autorise dans le même temps ces experts à assumer pleinement la dimension politique de leur démarche [45]. Celle-ci apparaît clairement dans les propos du docteur Pascal Kintz, responsable des questions internationales de la SFTA, lorsqu’il envisage les relations qui doivent être entretenues avec la presse. Loin de se réduire à la seule activité de production d’expertise, le travail de l’expert tel qu’il le définit inclut également une part importante de communication dans son activité professionnelle [46]. C’est cet aspect et notamment la place que jouent les médias dans la circulation du travail d’expertise que nous allons maintenant aborder.
Émergence et convergence de mobilisations hétérogènes : la publicisation d’un drame
25 Le processus de publicisation du risque lié à la consommation de drogues au volant s’est essentiellement constitué par référence au danger représenté par la consommation de cannabis. Cette définition publique du problème a notamment pour origine un fait divers dont certaines caractéristiques ont facilité un traitement médiatique sur le mode du scandale, d’autant plus scandaleux qu’il est ignoré et qu’il touche des victimes innocentes, les enfants [47]. Issue d’une presse située vers le pôle « populaire » de l’espace médiatique [48], cette approche relaye et amplifie le combat d’une association constituée à l’origine par les parents d’une victime, « Marilou ». L’engagement de cette association dans le débat public sur la dangerosité du cannabis au volant découle certes de la profonde injustice ressentie suite au décès d’un enfant. Mais la forme prise par les actions entreprises invite à s’interroger sur les mécanismes par lesquels un drame privé suscite une demande de changement politique [49]. Sans prétendre saisir l’ensemble des éléments ayant participé à un tel processus, il apparaît que l’intense déception éprouvée dans l’arène judiciaire a pu constituer un « choc moral » [50] favorisant le déclenchement de cette mobilisation. Nous faisons toutefois l’hypothèse que c’est dans la dynamique des actions menées ensuite que s’élabore, puis se stabilise progressivement la définition du problème public portée à l’attention des responsables politiques. La promotion d’une définition du problème et de sa solution (le dépistage des drogues comme moyen de lutte contre la délinquance routière liée aux drogues) doit alors être pensée comme le résultat d’un travail collectif d’enrôlement réciproque d’acteurs associatifs, de médias d’information, mais également de plusieurs experts de la SFTA.
Un fait divers exemplaire : le cannabis accusé
26 Les dangers du cannabis au volant sont traités médiatiquement aussi bien par la presse écrite que par les journalistes de radio et de télévision. En octobre 2000, un premier article du Progrès signé par Paul Pradier révèle, sans référence à l’appui, que dans un accident mortel ou grave sur six, l’un des conducteurs impliqués a fumé du cannabis [51]. En janvier 2001, un nouvel article du même auteur aborde les dangers de l’association « cannabis-alcool » au volant [52]. Mais c’est à partir de janvier 2002 qu’un ensemble d’articles expose et développe le sujet des dangers que représentent « la drogue » et plus particulièrement le cannabis au volant. L’origine de ces articles est un fait divers tragique. Dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2002, à la suite d’un accident de la route survenu dans l’Oise, une petite fille de 10 ans, Marilou Poinsot, décède. Le conducteur mis en cause dans l’accident roulait sans permis et avait, avec les deux jeunes gens qui l’accompagnaient, consommé « plusieurs joints » de cannabis. Déféré au parquet de Pontoise en comparution immédiate, le conducteur est placé en détention provisoire à la suite des analyses sanguines qui révèlent une concentration très importante de principe actif du cannabis dans le sang au moment de l’accident [53]. Le 25 janvier 2002, un premier article du Parisien titre sur le drame que vivent les parents de Marilou, qui est, elle, présentée comme le « symbole des victimes des chauffards » [54]. Le lundi 4 février 2002, jour du procès du jeune conducteur, un article de l’édition du Val-d’Oise du Parisien [55] reprend les travaux de P. Mura et de la SFTA sur la dangerosité du cannabis au volant. L’argumentation fondée sur une rhétorique « émotionnelle » se termine sur un appel de Philippe Poinsot, père de Marilou, pour que les contrôles soient renforcés : « C’est horrible, le cannabis au volant devrait être contrôlé tout le temps, comme l’alcoolémie, cela sauverait bien des vies » [56]. Le tribunal correctionnel de Pontoise condamne le conducteur de 18 ans à 3 ans de prison, dont deux avec sursis. Le soir, le journal de la chaîne télévisée M6, le « 6 minutes », relaye les propos de Philippe Poinsot. Deux jours plus tard, le 6 février, le déroulement du procès est traité par L’Écho régional. L’article insiste sur l’équivalence des dangers entre drogue et alcool au volant et indique que c’est « l’ivresse cannabique qui est mise en cause » [57].
Se mobiliser contre l’inacceptable : le recours aux médias comme accès au(x) politique(s)
27 Les travaux portant sur les mobilisations de victimes traitent généralement leur recours à la justice comme un registre d’action visant à faire reconnaître un statut ou une cause non reconnus, voire déniés par le pouvoir politique [58]. Dans le cas qui nous occupe, le passage par les tribunaux apparaît davantage comme un déclencheur de la mobilisation. En effet, s’estimant eux-mêmes les victimes de « la violence routinière et autant de la délinquance » [59], les parents se disent choqués par la peine prononcée par le tribunal [60]. La dénonciation du caractère « inacceptable » [61] du jugement s’exprime par une double remise en cause du système judiciaire qui renforce leur sentiment de ne pas avoir été entendus. C’est d’abord le peu d’attention accordée par l’institution judiciaire et par certains magistrats à leur souffrance et plus généralement à celle des victimes avant et pendant les procès qui est stigmatisé [62]. C’est ensuite l’inadaptation du code pénal, qui ignore que « la drogue existe au volant » [63] et apparaît dès lors comme le signe d’une incapacité du système judiciaire à lutter efficacement contre la délinquance routière associée à la délinquance chronique. Le sentiment d’un laxisme de la justice envers les délinquants, comme les informations accumulées lors de la procédure, notamment auprès de la gendarmerie, sur l’inexistence d’une loi interdisant en France l’usage de stupéfiants au volant, réoriente les actions à mener. Après leur échec dans l’arène judiciaire, l’objectif des parents est désormais d’ouvrir d’autres fronts : politique et médiatique. La campagne présidentielle qui s’annonce se présente dès lors comme une fenêtre d’opportunité pour faire changer la loi. Mais ce combat n’est possible qu’en rendant publiquement visible le problème posé par les drogues au volant. L’indignation et le sentiment de profonde injustice partagés avec des proches permettent de fédérer un premier réseau de soutien qui prend rapidement la forme d’une association portant le nom de leur fille décédée : Marilou, les routes de la vie. Une de ses premières actions est d’interpeller le garde des Sceaux, Marylise Lebranchu. La question posée est d’ordre juridique : il s’agit de savoir pourquoi le procureur n’a pas requis la peine de 5 ans d’emprisonnement prévue par le code pénal. Après plusieurs tentatives et en l’absence de réponse, les parents de Marilou décident, avec l’aide d’un journaliste de Paris-Match, qui partage leur indignation, « d’employer les grands moyens » [64].
28 Ceux-ci consistent à multiplier les actions pour s’assurer du concours des médias d’information, afin d’imposer la question de la délinquance routière liée à l’usage de drogues dans le débat public de cette année électorale [65]. Entre la mi-février et la fin du mois d’avril 2002 se précise progressivement, au fil des rencontres et des liens entretenus avec différents acteurs (journalistes, experts ou politiques), une définition du problème dont les caractéristiques favorisent son traitement médiatique [66].
29 Afin de ne pas céder à une vision trop stratégique qui laisserait peu de place au caractère toujours contingent de la réussite d’une mobilisation, il s’agit ici de rendre compte de la dynamique des actions menées par l’association en insistant sur l’enchaînement des connexions qui a favorisé la prise en compte de leurs revendications par les autorités compétentes [67]. Le 12 mars au matin, Philippe Poinsot, le père de Marilou, est interviewé sur RMC infos. Il y expose brièvement les dangers que représente le cannabis au volant en soutenant la thèse controversée du « relargage » [68] dans un appel contre le laxisme des pouvoirs publics. Le 14 mars 2002, Paris-Match publie un article qui met en lien l’augmentation de la consommation de cannabis, le décès de Marilou et le silence des hommes politiques de gauche sur les problèmes posés par le cannabis [69]. En conclusion, l’auteur rappelle qu’à droite, seul le professeur Jean-François Mattei s’est prononcé en préconisant une « loi d’encadrement pour réduire l’offre et poursuivre trafiquants et revendeurs ». Finalement, l’article demande au candidat Jacques Chirac d’intervenir [70]. Le 22 mars, Mme Poinsot, la mère de Marilou, assiste à un congrès de la CAAM [71] au Val de Grâce sur le thème « drogues et accidentologie ». Elle y rencontre les docteurs P. Mura et L. Hovnanian, président du CNID [72], une association de lutte contre la drogue, proche de la SFTA. Deux jours plus tard, le 26 mars 2002, par un communiqué commun à l’AFP, Mme Poinsot et le docteur Hovnanian réagissent aux propos du Premier ministre Lionel Jospin sur la dangerosité relative du cannabis par rapport à l’alcool [73]. Le 28 mars, un article du Parisien titre : « Drogue : Jospin irrite les parents de Marilou ». Le contenu reprend une nouvelle fois les travaux du docteur P. Mura, dont il est rappelé qu’il a récemment reçu le soutien de l’Académie de médecine : « L’usage de cannabis multiplie par 2,8 les risques d’accidents sur la voie publique ». Le texte est également une critique sévère des propos du « candidat Jospin », accusé d’ignorer « la douleur des parents de Marilou ».
Les tests : une réponse À l’insécurité dans la campagne présidentielle
30 Début avril 2002, l’association compte près de 400 membres et reçoit le soutien d’acteurs politiques et médiatiques, tout en se dotant d’une forte capacité d’expertise qui se fonde essentiellement sur les travaux de la SFTA [74]. C’est également à cette époque que se stabilisent les objectifs de l’association. Informer sur les « dangers du cannabis au volant » constitue un objectif prioritaire, que cela soit par la diffusion des études menées (scientifiques, statistiques ou autres) auprès des journalistes de la presse écrite et audiovisuelle ou par un travail de commémoration rappelant que l’ivresse cannabique d’un jeune délinquant a déjà tué sur la route. Mais ce travail d’information qui lie le « témoignage d’un drame » et une « expertise » est aussi une opération de communication visant à promouvoir dans l’espace public des solutions techniques et politiques afin de « lutter pour limiter tout comportement induit par la consommation de cannabis pouvant mettre en danger chacun et notamment les enfants sur la route ». L’association s’engage ainsi expressément en faveur du dépistage des drogues en se proposant d’agir pour « la mise en place de contrôles routiers adaptés afin que pèse la menace de la répression pour inciter chacun à une vigilance constante sur la route ». Dénonçant l’irresponsabilité des députés de gauche et le retard pris du fait de la loi Gayssot en matière de dépistage, l’association projette également de vulgariser et diffuser les textes existants sur le cannabis, dont les divers propositions et projets de loi soutenus par les députés RPR depuis 1996.
31 Forts de ces ressources, les parents de Marilou adressent un courrier aux différents candidats à l’élection présidentielle leur demandant de se positionner sur le laxisme « politico-judiciaire » dont ils se disent les victimes. Leur propos, précisent-ils, « n’est pas de prendre parti pour ou contre le cannabis, mais d’alerter les pouvoirs publics sur les risques ». Le 17 avril 2002, c’est le ministre de l’Intérieur qui est sollicité par courrier. Il lui est fait la demande suivante :
« Quant pourront être mis en place des dépistages préventifs, en matière de cannabis, sans attendre la fin de la recherche en cours (qui doit aboutir en 2004) ? Combien faudra-t-il de morts encore sur les routes, d’enfants innocents, cette fois-ci à cause du cannabis, pour que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités puisque les individus n’en sont pas capables ? »
33 Le 19 avril, soit deux jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, un article du Figaro développe une argumentation fondée sur les analyses du docteur Mura, tout en se faisant l’écho du soutien des hommes et femmes politiques sollicités par les parents de Marilou [75]. Le 27 avril 2002, soit une semaine après le premier tour de l’élection présidentielle, les parents relancent par courrier Jacques Chirac afin qu’il précise « quelles solutions rapides et concrètes il envisage de prendre face au problème des accidents de la circulation dus à la consommation de cannabis », dont les victimes sont estimées à 1000 morts par an. Le 9 mai, Jacques Chirac répond par une lettre qui indique qu’« il estime prioritaire de définir un délit qui sanctionne les conducteurs sous l’emprise de stupéfiants ». Le même jour, M. et Mme Poinsot écrivent à Mme Chirac et à M. Sarkozy afin de leur présenter l’association Marilou et de leur en préciser les objectifs. Au cours du mois de mai, ils sont reçus par plusieurs députés de l’UMP qui, sensibilisés par leur action, tentent de leur obtenir un rendez-vous avec les ministres concernés. Le 12 mai 2002, les parents de Marilou participent à l’émission Zone interdite de la chaîne télévisée M6 [76]. Quelques jours plus tard, le 5 juin, le couple présidentiel répond et informe M. et Mme Poinsot que leur dossier a été transmis aux ministres de la Justice et des Transports.
La définition publique du problème, entre émotion et solution technique
34 À la rentrée de septembre 2002, ce sont les acteurs et les discours favorables au dépistage dans le cadre d’une politique répressive qui dominent dans la plupart des médias. C’est notamment le cas dans le quotidien La Croix [77]. En septembre, les États généraux de la sécurité routière qui s’ouvrent à Paris font l’objet d’un article dont le contenu est presque entièrement consacré à la future loi qui doit sanctionner l’usage de drogues au volant, proposée par le député UMP Richard Dell’Agnolla. La référence au décès de Marilou y est omniprésente et le volontarisme politique affiché par la nouvelle majorité salué. En revanche, les réserves exprimées par le professeur Got sur l’opportunité de cette loi au vu des incertitudes scientifiques sont relativisées et suspectées d’encourager l’inaction.
35 Un autre exemple, peut-être le plus significatif de cette construction publique du problème par la presse écrite, est le long article du 17 octobre 2002 de l’hebdomadaire Paris-Match intitulé « Une loi au nom de Marilou ». L’auteur, le journaliste Olivier O’Mahony, y retrace sur une double page le combat mené par les époux Poinsot, tout en mettant en scène leur douleur [78]. Les analyses de la SFTA sont reprises et présentées comme étant la « vérité » d’un scandale que l’on nous cacherait, tandis que les travaux épidémiologiques menés par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) sont discrédités : « Les résultats officiels ne seront connus qu’en 2004. D’ici là combien de morts sur la route ? » Après avoir souligné les contradictions de la gauche plurielle et l’inertie qu’elles entraînent, l’auteur de l’article présente la loi en discussion au Parlement comme « la » réponse au « drame » vécu par les parents de Marilou : « Dans la nuit du réveillon, ils ont vu mourir leur petite fille, tuée par un chauffard sous l’emprise du cannabis et sans permis. Un délit que la justice ignorait. Mais ils se sont battus. Et le Parlement les a entendus » [79].
36 Ainsi, quand débutent les discussions de la proposition de loi Dell’Agnola, la définition publique du problème des dangers des drogues au volant est relativement stabilisée. Elle agrège trois éléments discursifs principaux : l’existence de victimes, qui se fonde sur le récit de drames individuels à forte charge émotive, une explication experte qui propose une mesure chiffrée du risque et lui confère une objectivité scientifique, une dénonciation de l’inaction des pouvoirs publics d’autant plus « intolérable » que des solutions techniques (le dépistage) et politique (textes législatifs) sont disponibles. La complexité méthodologique et scientifique du problème des effets des drogues au volant, comme l’incertitude entourant la validité et la fiabilité des instruments de dépistage sont évacuées au profit d’une définition publique du problème en termes d’insécurité et de délinquance, caractérisée par une montée en généralité [80] qui en favorise la carrière publique [81]. Cette définition permet en effet d’accroître la surface sociale de diffusion du problème (cela peut arriver à tout le monde), mais également d’en imputer la responsabilité aux pouvoirs publics en vertu d’une exigence morale (des enfants sont victimes) accentuée par les engagements de la future majorité de droite lors de la campagne électorale sur les questions d’insécurité et de lutte contre la délinquance [82]. Dans la partie suivante, qui porte sur les débats législatifs, nous verrons comment les différents éléments contenus dans cette définition publique du problème permettent de légitimer une approche répressive de l’usage des tests de dépistage des drogues sur les routes françaises [83].
Les tests au Parlement : un clivage par les instruments
37 Habituellement, la notion de fenêtre d’opportunité est utilisée pour rendre compte de l’action d’une mobilisation sociale qui perçoit, par exemple, un changement de majorité politique comme une occasion pour promouvoir une conception alternative d’un problème et de sa solution, et l’inscrire sur l’agenda politique. Dans le cas présent, on peut faire l’hypothèse inverse : pour la nouvelle majorité, la définition publique du problème des drogues au volant apparaît comme une fenêtre d’opportunité pour imposer une politique déjà élaborée, mais jamais adoptée du fait d’un rapport de force politique devenu défavorable (perte des élections législatives à la suite de la dissolution de 1997). L’analyse des débats parlementaires sur les modalités d’usage des tests de dépistage des drogues lors des discussions sur la proposition de loi déposée en octobre 2002 par le député Dell’Agnola montre que l’enjeu que constitue la définition d’un « bon usage » des tests (ré)active un clivage politique droite/gauche qui oppose deux conceptions de l’action et de la décision en matière de lutte contre l’insécurité routière.
38 Dans un rapport de force récemment inversé en faveur des formations de droite, la proposition Dell’Agnola suscite à l’Assemblée nationale une opposition de gauche qui mobilise principalement des arguments techniques sur la fiabilité des tests de dépistage, leur mode d’usage et ses conséquences sur l’orientation générale de la politique proposée. Plusieurs députés communistes rappellent ainsi que les tests prévus ne sont pas suffisamment au point pour permettre d’établir une infraction pénale (A. Gérin [84] en première lecture et M. Vaxès en seconde lecture [85]) et cela, d’autant plus que l’incertitude du risque posé par les drogues au volant persiste, puisque les résultats de l’enquête prévue par la loi Gayssot de 1999 pour évaluer et connaître ce risque ne sont pas encore connus. Cette inconnue permet aux députés de gauche tout à la fois de stigmatiser et de s’interroger sur la précipitation avec laquelle ce texte est proposé devant l’Assemblée. C’est le cas notamment du député PS René Dosière, qui fait valoir que les difficultés techniques liées à la fiabilité des instruments de dépistage, notamment du fait des réactions croisées entre produits illicites et médicaments, soulèvent des difficultés juridiques qui rendent difficile « avant longtemps » la publications des décrets d’application. Le député souligne également qu’en l’absence de définition d’un seuil de consommation, comme cela est le cas pour l’alcool, le recours au dépistage permettra de sanctionner des conducteurs pour de très faibles consommations, alors même que le risque n’est pas prouvé scientifiquement [86]. Ces arguments critiques sur le dispositif technique, portés par des spécialistes [87], visent tout à la fois à circonscrire le débat à ce « qui fait problème » et à articuler une interrogation plus générale sur les objectifs poursuivis par la proposition de loi. Puisque le dispositif technique est jugé « inapproprié » et que sa mise en œuvre paraît en l’état « improbable » pour des raisons à la fois juridique [88] et financière [89], plusieurs députés de l’ancienne majorité vilipendent un texte qui, selon eux, relève davantage de l’effet d’annonce légitimé par l’urgence et l’émotion que d’une réelle volonté politique de lutter efficacement contre l’insécurité routière [90]. Enfin, est dénoncé le caractère uniquement répressif du texte, qui restreint l’usage des tests à leur seule capacité à fournir une information visant à établir un nouveau délit de conduite sous l’empire de stupéfiants. Cela permet également de défendre la politique de lutte contre les dangers posés par les drogues au volant que la gauche a elle-même instaurée lors de la précédente législature. Les députés de gauche réaffirment la nécessité de poursuivre cette politique qui, elle, serait fondée sur une approche globale associant à la répression des objectifs d’éducation et d’information. Conformément à la loi Gayssot, le recours aux tests de dépistage est de nouveau envisagé comme un moyen d’affiner l’évaluation et la connaissance d’un risque encore jugé trop incertain plutôt que comme un instrument de sanction de ce risque.
39 En revanche, c’est par des arguments moins techniques et davantage fondés sur des valeurs que les députés de la nouvelle majorité justifient l’adoption de la proposition de loi Dell’Agnola. Au registre technique ils opposent principalement celui du « bon sens », selon un axiome logique qui veut que, puisque l’alcool licite est interdit au volant, la drogue illicite doit l’être a fortiori [91]. Cet argument plusieurs fois repris permet tout à la fois de disqualifier la politique du gouvernement précédent et d’adopter la posture de ceux qui sont à l’écoute des demandes de la société [92]. En rappelant l’interdit des drogues, les députés de la nouvelle majorité rendent caduque l’évaluation de leurs effets sur la conduite automobile. Le répertoire de l’appel au « bon sens » permet ainsi de dénoncer le laxisme et l’attentisme d’une gauche « hallucinogène » dont la politique était inutilement suspendue aux résultats de l’étude lancée par la loi Gayssot [93]. Les mêmes députés considèrent que l’heure n’est plus à l’étude, mais à l’urgence d’agir pour sauver des vies. Ce discours de l’urgence, qui relaye celui de l’association Marilou, leur permet d’apparaître comme les porte-parole d’une mobilisation extérieure au sein de l’Assemblée nationale et de réaffirmer ainsi leur rôle de représentants. En outre, l’évocation des victimes et des souffrances de leurs proches légitime sur un registre émotionnel l’adoption de mesures répressives qui, tout comme la généralisation du dépistage, sont présentées comme le seul moyen de lutter contre l’insécurité routière et ainsi d’éviter la mort d’innocents. L’apparence d’une réponse politique homéomorphe à la demande sociale, en ce qu’elle s’appuie principalement sur le contenu de la définition publique du problème, transparaît également dans l’argumentaire technique des solutions présentées tant par les députés que le ministre présent dans l’hémicycle. En effet, ceux-ci se fondent sur l’autorité scientifique et institutionnelle de la SFTA, ainsi que sur ses analyses toxicologiques pour soutenir l’existence du risque et le recours au dépistage pour le combattre [94]. L’orientation répressive de la proposition de loi se trouve ainsi légitimée par une contre-expertise qui vient la conforter. À ce double argumentaire émotionnel et technique s’ajoute un registre plus politique qui répond aux contraintes de l’action gouvernementale dans le secteur. La nécessité de légiférer se justifie d’abord au regard des engagements européens, puisqu’il s’agit de rattraper le « retard » pris par la France vis-à-vis de ses voisins en matière de dépistage. Ces exigences européennes se doublent de celles, plus conjoncturelles, des nouvelles priorités de l’action du gouvernement. Ainsi, Richard Dell’Agnola rappelle que sa proposition de loi répond au souhait du président de la République de faire de la sécurité routière un des trois chantiers prioritaires de son quinquennat [95] et qu’à ce titre, elle a reçu le soutien « sans faille du gouvernement » [96]. La création d’une sanction pénale vise ainsi à combler « au plus vite » un vide juridique pour donner aux tribunaux les moyens de lutter efficacement contre la conduite sous l’influence de stupéfiants. Dans ce dispositif, le recours aux instruments de dépistage se justifie parce qu’ils sont les « éléments nécessaires pour caractériser l’état physique du prévenu au moment des faits » [97].
40 Pour la nouvelle majorité, cette proposition de loi apparaît donc comme l’occasion d’affirmer une reprise en main du secteur de la sécurité routière en se démarquant de la politique conduite par le gouvernement précédent. Les dispositions prévues par la proposition de loi sont présentées comme l’amorce d’une réorientation générale des actions devant être menées dans le secteur, dans le sens d’un durcissement et d’une aggravation des sanctions [98]. La nouvelle assemblée et les membres du gouvernement présents affichent ainsi leur volonté de rétablir l’ordre et la sécurité menacés, selon eux, par l’inaction de leurs prédécesseurs. De plus, en proposant de dédier la loi à Marilou et en évoquant avec insistance les « drames humains » causés par la violence routière, le garde des Sceaux se pose en défenseur des victimes, à l’écoute des plaintes de la société et soucieux d’en conjurer les maux. Ainsi, les éléments présents dans la définition publique du problème des drogues au volant permettent à la nouvelle majorité de réaffirmer symboliquement son rôle politique.
41 Finalement, le texte adopté le 23 janvier 2003, en s’inspirant des dispositions législatives et réglementaires relatives à la conduite sous l’emprise d’un état alcoolique, crée un délit de conduite sous l’influence de stupéfiants puni de deux ans de prison et 4 500 euros d’amende [99]. Deux modalités d’usage des tests sont prévues. La première est un dépistage réalisé de façon aléatoire. La logique d’usage se veut dissuasive, puisque les tests sont susceptibles d’être réalisés « même en l’absence d’infraction préalable ou d’accident ». Ce mode d’usage des tests donne la possibilité aux forces de l’ordre de procéder à des opérations « coup de poing », à la sortie des boîtes de nuit par exemple, sur le modèle des opérations déjà existantes en matière de prévention de l’alcoolisme. Ces actions dites « préventives » ne prévoient pourtant pas d’information sur le risque présenté par la consommation de drogues au volant. Elles se résument à une procédure de contrôle classique avec deux étapes de dépistage : la première est la réalisation de tests urinaires permettant de constater l’infraction ; en cas de résultat positif, il est procédé à une prise de sang pour confirmation.
42 La seconde modalité d’usage des tests est un dépistage systématique chez tous les conducteurs impliqués dans un accident mortel de la circulation. Le dépistage est également étendu à l’ensemble des accidents corporels et/ou matériels si les forces de l’ordre estiment qu’il existe « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que le conducteur a fait usage de stupéfiants » [100].
43 **
44 L’entrée par les instruments s’avère ici particulièrement féconde pour l’analyse du processus décisionnel et du changement dans l’action publique. Mais cette approche n’est, selon nous, pertinente que si elle prend en compte les conditions dans et par lesquelles s’opère un changement dans les finalités attribuées à l’usage public des instruments. Mettre l’accent sur les instruments ne signifie pas pour autant être indifférent aux significations sociales et politiques dont ils sont porteurs, mais invite à s’intéresser aux processus de stabilisation et d’inflexion de ces significations. Nous avons pu montrer que le changement dans l’instrumentation publique résulte ici de plusieurs mobilisations qui, amplifiées par les médias, ont conduit à faire émerger publiquement le problème et à le définir en termes de lutte contre l’insécurité routière. Cette problématisation, en agrégeant des éléments d’expertise, une forte dimension émotionnelle et une demande d’intervention des pouvoirs publics, a rendu la question des drogues au volant plus facilement appropriable par le politique, et cela, d’autant plus que le thème de l’insécurité a dominé la campagne électorale qui a été le contexte de cette publicisation. Pour autant, l’inscription de ce problème sur l’agenda décisionnel ne correspond qu’imparfaitement au modèle de la mobilisation externe. En effet, la solution du dépistage comme instrument de lutte contre l’insécurité routière préexiste à son émergence et sa saillance dans l’espace public. En ce sens, on se trouve davantage dans le cadre d’un modèle d’anticipation, où une solution se trouve en attente d’un problème. La question qui se pose alors est celle des modalités d’articulation entre la construction publique d’un problème et son inscription sur l’agenda décisionnel. Dans le cas présent, cette construction a fourni des ressources de justification à la fois cognitives (expertise) et symboliques (victimes) permettant à la nouvelle majorité de légitimer une réorientation de la politique du secteur qui, sous l’affichage d’une politique innovante, n’est que la reprise d’un projet suspendu par le jeu de l’alternance. Or, c’est bien le mode d’usage répressif conféré aux instruments de dépistage qui constitue le signe le plus apparent de cette réorientation politique, puisqu’il marque la rupture avec la politique précédente, principalement axée sur un usage des tests selon une finalité de connaissance. Le mode d’usage des instruments cristallise donc ici un clivage politique, qui oppose deux conceptions différentes de l’action publique en matière de lutte contre l’insécurité routière : une approche répressive et une approche plus globale privilégiant la prévention et l’information des automobilistes.
45 Pour finir, on soulignera que la signification politique des inflexions d’usage des tests n’apparaît pas uniquement dans le discours de légitimation de la loi, mais également dans le dispositif juridique et technique mis en œuvre. Celui-ci, calqué sur le modèle des alcootests, donne aux forces de l’ordre la possibilité de dépister les automobilistes de façon aléatoire, sur simple présomption de consommation. En cas de résultat positif, c’est au procureur de la République de décider de poursuivre ou non. L’usage de stupéfiants étant en soi un délit, on peut s’interroger sur les objectifs de la loi : s’agit-il de lutter contre l’insécurité routière ou, plus globalement, contre la consommation de drogues ?
46 Cette question se pose d’autant plus qu’on observe aujourd’hui des demandes en faveur d’instruments de dépistage plus souples d’utilisation : à la place des tests urinaires qui exigent une infrastructure importante au bord des routes, le ministère de l’Intérieur souhaite pouvoir développer le recours à des tests salivaires, qui ne nécessitent ni antenne médicale, ni présence de médecins lors des prélèvements. Une réflexion reste à mener sur ces transformations de forme des instruments et leur lien avec les réorientations politiques affectant leur registre d’action.
Notes
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[1]
Ch. Hood, The Tools of Government, Londres, MacMillan, 1983 ; W. Kickert, E. H. Klijn, J. Koppenjan, Managing Complex Networks, Londres, Sage, 1997.
-
[2]
P. Lascoumes, P. Le Galès (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2004.
-
[3]
P. Lascoumes, P. Le Galès (dir.), ibid., p. 25-27.
-
[4]
P. Lascoumes, P. Le Galès (dir.), ibid., p. 29. Cf. également P. Lascoumes, « Gouverner par les instruments. Ou comment s’instrumente l’action publique ? », dans J. Lagroye (dir.), La politisation, Paris, Belin, 2003, p. 387-401.
-
[5]
Cet article est une version remaniée d’un chapitre d’un rapport de recherche réalisé pour la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (Renaud Crespin, « Entre prévention et répression : appropriation et régulation des tests de dépistage des drogues. Une étude comparative France-États-Unis », rapport de recherche sous la direction scientifique de Pierre Lascoumes, juin 2004.). Je tiens à remercier Emmanuel Henry pour les lectures antérieures de ce texte et la pertinence de ses remarques, ainsi que l’équipe du séminaire « Émotions et politique » du CRAPE à Rennes, dont la qualité des discussions a enrichi mon questionnement.
-
[6]
Cf. sur ce point : H. Lefebvre, Vers le cybernanthrope, contre les technocrates, Paris, Denoël-Gauthier, 1971. Cf. également les critiques adressées à Jacques Ellul par Andrew Feenberg, dans (Re)penser la technique : vers une technologie démocratique, Paris, La Découverte/ MAUSS, 2004, p. 47 et suivantes.
-
[7]
Cf. R. W. Cobb, Ch. D. Elder, Participation in American Politics : The Dynamics of Agenda-Building, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1972. L’analyse du rôle joué par ces acteurs dans la problématisation d’une question et son inscription sur les agendas a conduit plusieurs auteurs à les envisager tour à tour comme des médiateurs, des traducteurs ou des « transcodeurs ». Ces conceptions différentes du rôle des acteurs renvoient aux travaux successifs de : P. Muller, « Esquisse d’une théorie du changement dans l’action publique. Structures, acteurs et cadres cognitifs », Revue française de science politique, 55 (1), février 2005, p. 155-187, dont p. 183 et suivantes ; M. Callon, « Éléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc », L’Année sociologique, 36, 1986, p. 169-208 ; P. Lascoumes, « Rendre gouvernable : de la “traduction” au “transcodage” : l’analyse des processus de changement dans les réseaux d’action publique », dans CURAPP : La gouvernabilité, Paris, PUF, 1996, p. 315-325.
-
[8]
D. Stone, Policy Paradox : The Art of Political Decision Making, New York, Norton & Company, 1997 (1re éd. : 1988), p. 133-256.
-
[9]
Les travaux portant sur les effets de la publicisation sur la construction des problèmes sociaux ont notamment montré comment le traitement médiatique peut, dans des configurations particulières, participer à une (re)définition du problème qui favorise cette saisie par le politique. Cf. E. Henry, « Quand l’action publique devient nécessaire. Qu’a signifié « résoudre » la crise de l’amiante ? », Revue française de science politique, 54 (2), avril 2004, p. 289-314.
-
[10]
R. W. Cobb, Ch. D. Elder, op. cit.
-
[11]
F. Sawicki, « Les questions de protection sociale dans la campagne présidentielle française de 1988. Contribution à la formation de l’agenda électoral », Revue française de science politique, 41 (2), avril 1991, p. 171-196.
-
[12]
Sur la notion de « fenêtre d’opportunité », cf. J. W. Kingdon, Agendas, Alternatives and Public Policies, New York, Harper Collins, 1984.
-
[13]
Cf. E. Henry, “Du silence au scandale : des difficultés des médias d’information à se saisir de la question de l’amiante”, Réseaux, 122, 2003, p. 238-271 ; D. Marchetti, « Les révélations du “journalisme d’investigation” », Actes de la recherche en sciences sociales, 131/132, mars 2000, p. 30-40 ; P. Champagne, D. Marchetti, « L’information médicale sous contrainte. À propos du “scandale du sang contaminé” », Actes de la recherche en sciences sociales, 101/ 102, mars 1994, p. 40-63.
-
[14]
Sur l’importance de l’enjeu sécuritaire lors de la dernière campagne présidentielle, cf. notamment N. Mayer, « Les hauts et les bas du vote Le Pen 2002 », Revue française de science politique, 52 (5-6), octobre-décembre 2002, p. 505-520. Pour une analyse des transformations des préoccupations sécuritaires, cf. Ph. Robert, M-L. Pottier, « Les préoccupations sécuritaires : une mutation ? », Revue française de sociologie, 45 (2), 2004, p. 211-242.
-
[15]
J. Lagroye, « Les processus de politisation », dans J. Lagroye (dir.), La politisation, op. cit., p. 359-385.
-
[16]
Directive n° 91/439/CEE du 29 juillet 1991.
-
[17]
§24a StVG.
-
[18]
M. R. Moeller, « Stupéfiants et conduite automobile. Les actions réalisées en Allemagne », Annales de toxicologie analytique, 2 (15), 2003, p. 145-150.
-
[19]
V. Maes, N. Samyn, M. Willekens, G. De Boeck, A. Verstraete, « Stupéfiants et conduite automobile, les actions réalisées en Belgique », Annales de toxicologie analytique, 2 (15), 2003, p. 128-137, et M. Augsburger, « Stupéfiants et conduite automobile, les actions réalisées en Suisse », Annales de toxicologie analytique, op. cit., p. 138-144.
-
[20]
G. Lagier, C. Got, M. Rudler et al., Livre blanc. Sécurité routière, drogues licites ou illicites et médicaments, rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation française (des rapports officiels), 1996.
-
[21]
J.-S. Raul, V. Cirimele, P. Kintz, B. Ludes, « Cannabis et conduite automobile. Résultats d’une série d’expertises toxicologiques dans les accidents de la circulation », Journal de médecine légale et de droit médical, 42 (7-8), 1999, p. 573-579.
-
[22]
Coordonnée par l’OFDT, l’enquête est réalisée par un consortium qui regroupe plusieurs instituts de recherche : INRETS, CEESAR et INSERM.
-
[23]
Proposition de loi n° 2148, enregistrée à l’Assemblée nationale, 9 février 2000.
-
[24]
Au même titre que la lutte contre le cancer et la politique en faveur des handicapés.
-
[25]
À la suite des travaux de Pierre Muller et Yves Surel, nous entendons ici la notion de problématisation comme une phase au « cours de laquelle un certain nombre d’acteurs vont être amenés à percevoir une situation comme “anormale” et vont la qualifier d’une manière particulière, qui peut être susceptible d’appeler l’attention d’un acteur public » : P. Muller, Y. Surel, L’analyse des politiques publiques, Paris, Montchrestien, 1998 (Clefs Politiques), p. 57.
-
[26]
Y. Barthe, C. Gilbert, « Impuretés et compromis de l’expertise, une difficile reconnaissance. À propos des risques collectifs et des situations d’incertitudes », dans L. Dumoulin, S. La Branche, C. Robert, P. Warin (dir.), Le recours aux experts. Raisons et usages politiques, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2005, p. 43-62.
-
[27]
F. Beck, S. Legleye, « Évolutions récentes des usages de drogues à 17 ans : Escapad 2000-2002 », Tendances, 29, mai 2003, et « Les adultes et les drogues en France : niveaux d’usage et évolutions récentes », Tendances, 30, juin 2003.
-
[28]
M. Mallaret, « Effets somatiques liés à la consommation de cannabis », Toxibase, numéro spécial « L’usage problématique de cannabis », 12, Lettre du Crips, 70, février 2004, p. 30-40. J.-P. Assailly, M.-B. Biecheler, Conduite automobile, drogues et risque routier, Arcueil, Inrets, 2002 (Synthèse 42).
-
[29]
Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité.
-
[30]
Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie.
-
[31]
INSERM, Cannabis. Quels effets sur le comportement et la santé ?, expertise collective, Paris, Éditions INSERM, 2001.
-
[32]
J.-P. Assailly, M.-B. Biecheler, « La drogue et la route : un risque mortel pour les jeunes ? », INRETS, fiche n° 22, 2003. Cf. également J.-P. Assailly, « Alcool, drogues illicites, médicaments et sécurité routière : les “conduites” à risque », Toxibase, 2, dossier Théma, juillet 2001, p. 1-15.
-
[33]
D. Richard, « Cannabinoïdes : une pharmacologie complexe », Toxibase, numéro spécial « L’usage problématique de cannabis », 12, Lettre du Crips, 70, février 2004, p. 28-29.
-
[34]
Ainsi, lors de son audition devant la commission d’enquête, le professeur de pharmacologie R. Trouvé fonde son raisonnement sur les effets comportementaux du cannabis à partir d’expérimentations américaines réalisées auprès de pilotes d’avion sur des simulateurs. Ces expériences montrent qu’à la suite d’une consommation de cannabis, la vigilance comme la coordination spatio-temporelle des pilotes se trouvent altérées. Or, c’est à partir de ces expérimentations et de ces résultats obtenus en laboratoire qu’est déduit un risque pour la conduite automobile. De même, c’est à partir du constat de troubles de la « coordination percepto-motrice » à l’origine d’un « allongement du temps de réaction » que R. Nordmann, membre de l’Académie de médecine, estime que le cannabis provoque une altération de l’accomplissement des tâches complexes, parmi lesquelles figure la conduite automobile.
-
[35]
Jean-Pierre Anger écrit ainsi que « le dysfonctionnement cérébral induit par la prise de ces stupéfiants modifie plus ou moins profondément le comportement du conducteur qui ne sera plus en mesure de juger sainement une situation critique et pourra, en conséquence, soit sous-estimer le risque ou au contraire aura tendance à augmenter la prise de risque et dans certaines circonstances favoriser l’accident » : J.-P. Anger, « Effets des stupéfiants sur la conduite automobile », Annales de toxicologie analytique, 2 (15), 2003, p. 71-76.
-
[36]
Sur le travail de mise en forme et de mise en scène de la crédibilité dans les recommandations scientifiques, voir : S. Hilgartner, Science on Stage : Expert Advice as Public Drama, Stanford, Stanford University Press, 2000.
-
[37]
L. Dumoulin, L’expertise comme nouvelle raison politique ? Discours, usages et effets de l’expertise judiciaire, thèse de science politique, Institut d’études politiques, Grenoble, Université Pierre Mendès-France, juillet 2001.
-
[38]
Le docteur Patrick Mura en est le président, le docteur Pascal Kintz, chargé de mission pour les questions internationales, le docteur Gilles Pépin, vice-président, le docteur Marc Deveaux, rédacteur en chef de la revue de la SFTA (Annales de toxicologie analytique), le professeur Jean-Pierre Anger, trésorier, le docteur Jean-Pierre Goulle, trésorier adjoint, le docteur Véronique Dumestre, secrétaire adjointe, le professeur Michel Lhermitte, conseiller scientifique, enfin le docteur Bernard Capolaghi, responsable des relations internes.
-
[39]
B. Roques, La dangerosité des drogues : rapport au secrétariat d’État à la Santé, Paris, Odile Jacob/La Documentation française, 1999.
-
[40]
P. Mura (coor.), Alcool, médicaments, stupéfiants et conduite automobile, Issy-les-Moulineaux, Elsevier, 1999.
-
[41]
C’est le cas d’un numéro spécial des Annales de toxicologie analytique (2 (15), 2003) entièrement consacré à l’insécurité routière liée à l’usage de stupéfiants.
-
[42]
Devant une commission d’enquête du Sénat, le Pr. Claude Got a contesté la scientificité de la méthodologie adoptée par P. Mura. Les critiques portent notamment sur la qualité de l’échantillon témoin retenu (900 personnes admises aux urgences pour un autre motif), le professeur Got estimant que les personnes retenues auraient dû être exposées au même risque et donc être des automobilistes sélectionnés à l’endroit même des accidents (Audition du professeur Got, président du collège scientifique de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) au Sénat le 30 avril 2003 dans le cadre du rapport d’information : N. Olin, B. Plasait, « Drogue : l’autre cancer », rapport d’information, 321, 2002-2003, 2 t.). Le problème est important puisqu’en l’absence de groupe témoin valable, le Pr. Got note ainsi : « Cela revient à dire que si 10 à 15 % des accidentés ont les yeux bleus, avoir les yeux bleus est un facteur de causalité dans ces 10 à 15 % d’accidents » : Cl. Baïotti, « Cannabis au volant : la loi de trop ? – interview du Pr. Got », L’Auto-Journal, le 29 novembre 2002.
-
[43]
P. Mura, Y. Papet, G. Mauco, « Le risque accidentogène d’une consommation de stupéfiants est-il bien établi ? », Annales de toxicologie analytique, 2 (15), 2003, p. 77-82.
-
[44]
P. Mura, A. Piriou, « Le cannabis », dans P. Mura (coor.), Alcool, Médicaments…, op. cit., chap. 3, p. 59-74.
-
[45]
Sur ces questions, voir notamment : L. Berlivet, « Argument scientifique et espace public, la quête de l’objectivité dans les controverses autour du risque santé », dans B. François, E. Neveu (dir.), Espaces publics mosaïques. Acteurs, arènes et rhétoriques des débats publics contemporains, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999 (Res Publica), p. 185-208.
-
[46]
« Informer le public, lui donner envie de lire tel journal plutôt qu’un autre, interpréter un fait avec une dimension politique, ou faire parler de soi et assurer la promotion de son laboratoire, publier le cas dans un journal scientifique avant le jugement (qui peut être retardé, surtout s’il y a appel en Assises), voilà le délicat mixage entre expertise et média, illustré par quelques affaires exceptionnelles au gré des coupures de journaux » : P. Kintz, « Expertises et média : la vérité n’appartient pas aux journalistes », communication orale au Congrès de la SFTA à Martigny, Suisse, 19-21 juin 2002, texte disponible sur le site : <www. cccta. ch/ martigny>.
-
[47]
G. Padioleau, « La lutte contre le tabagisme : action politique et régulation étatique de la vie quotidienne », Revue française de science politique, 27 (6), décembre 1977, p. 932-959 ; E. Henry, « Du silence au scandale… », art. cité.
-
[48]
P. Bourdieu, « L’emprise du journalisme », Actes de la recherche en sciences sociales, 101-102, 1994, p. 3-9.
-
[49]
A. O. Hirschman, Bonheur privé, action publique, Paris, Fayard, 1983.
-
[50]
J. M. Jasper, The Art of Moral Protest : Culture, Biography, and Creativity in Social Movements, Chicago, University of Chicago Press, 1997.
-
[51]
P. Pradier, Le Progrès, 23 octobre 2000.
-
[52]
P. Pradier, « Alcool et cannabis : il se sentait en état de conduire », Le Progrès, 20 janvier 2001.
-
[53]
« Marilou n’aura jamais 10 ans », La Gazette, 16 janvier 2002.
-
[54]
C. Guédon, « Les chauffards seront davantage sanctionnés », Le Parisien, 25 janvier 2002.
-
[55]
Département où se déroule le procès.
-
[56]
F. Naizot, « Sécurité routière : un jeune chauffard sur cinq fume du cannabis », Le Parisien du Val-d’Oise, 4 février 2002.
-
[57]
M. Persidat, « Vexin : le cannabis au volant devant les tribunaux », L’Écho régional, 6 février 2002.
-
[58]
Sur ces questions, cf. S. Lefranc, Politique du pardon, Paris, PUF, 2002.
-
[59]
Ph. Poinsot, Pour Marilou, association Marilou, p. 91.
-
[60]
Ph. Poinsot, ibid., p. 97 : « Nous pensons que le meurtrier de Marilou devrait avoir le maximum de ce que prévoit le code pénal pour homicide involontaire, soit trois ans plus deux ans pour circonstances aggravantes. »
-
[61]
Ph. Poinsot, ibid., p. 103 : « La juge du tribunal de Pontoise vient de dénier notre fille et notre souffrance. C’est une façon de la tuer une deuxième fois. »
-
[62]
« Les victimes d’accidents mortels devraient avoir des audiences réservées. Ce serait une mesure de bon sens et le minimum pour le respect de leurs souffrances […]. L’attente toujours l’attente, notre avocate intervient encore auprès de la juge, mais cela ne semble pas la décider. […] Enfin c’est à nous, encore les derniers, encore ce comportement irrespectueux envers nous » : Ph. Poinsot, ibid.., p. 98-99.
-
[63]
Ph. Poinsot, ibid., p. 100.
-
[64]
Ph. Poinsot, ibid., p. 105.
-
[65]
Sur la proximité des modalités de définition des problèmes sociaux entre l’espace judiciaire et l’espace médiatique, cf. E. Henry, « Le droit comme vecteur de publicisation des problèmes sociaux. Effets publics du recours au droit dans le cas de l’amiante », dans CURAPP, Sur la portée sociale du droit. Usages et légitimité du registre juridique, Paris, PUF, 2005, p. 187-200.
-
[66]
En ce sens, il s’agit bien ici d’une stratégie qui vise à faire « médiatiquement » du bruit pour accéder à l’attention politique. Sur la question de l’usage des médias comme modalités d’accès à l’agenda politique, cf. P. Garraud, « Politiques nationales : élaboration de l’agenda », L’Année sociologique, 40, 1990, p. 17-41.
-
[67]
Sur ce point : A. Oberschall, Ideologies, Interests and Identities, New Brunswick, Transaction Publishers, 1993.
-
[68]
Ne reposant sur aucune étude ou publication scientifique et/ou clinique, cette thèse du « relargage » consiste à affirmer que, puisque le cannabis est liposoluble dans les graisses, son principe actif peut être « relargué » dans le corps à l’occasion d’un stress quelques jours, voire quelques semaines après une consommation. Popularisée par des associations comme le CNID (Comité national d’information sur la drogue), cette thèse sert avant tout à « diaboliser » le cannabis en comparant la durée de ses effets avec d’autres drogues. Certains de ses promoteurs, comme le docteur Léon Hovnanian, en viennent d’ailleurs à prétendre que le cannabis est aussi, voire plus dangereux que l’héroïne (audition le 5 février 2003 de M. le docteur Léon Hovnanian, président du Centre national d’information sur la drogue (CNID), Commission d’enquête sénatoriale française sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites).
-
[69]
Une photo des parents de Marilou est légendée : « Marilyse Lebranchu tarde à répondre aux parents de Marilou ».
-
[70]
O. O’Mahony, « Cannabis : les ventes explosent, les candidats se taisent, quatre millions de Français en fument, un business de 13 milliards d’euros en Europe », Paris-Match, 14 mars 2002.
-
[71]
Conduites addictives et aptitudes médico-professionnelles.
-
[72]
Comité national d’information sur la drogue.
-
[73]
Lors d’une émission télévisée sur Canal +, le Premier ministre Lionel Jospin déclare : « Fumer un joint chez soi est moins dangereux que de boire de l’alcool avant de conduire ».
-
[74]
L’association reçoit le parrainage de plusieurs journalistes de télévision, dont Patrick Poivre d’Arvor, d’hommes politiques comme Jean-François Mancel, député UMP et président du Conseil général de l’Oise, ou Alain Vasselle, sénateur UMP et conseiller général de l’Oise, et de la SFTA qui fournit, par l’intermédiaire des docteurs Patrick Mura et Pascal Kintz, l’essentiel des travaux du comité scientifique de l’association.
-
[75]
F. Lemoine, « Stupéfiants : un chauffard drogué a tué leur fille, les parents de Marilou luttent contre le cannabis au volant », Le Figaro, 19 avril 2002.
-
[76]
Intitulée « Ados et cannabis : les nouveaux risques », cette émission aborde la question de la consommation de cannabis selon deux registres principaux. Le premier est celui de la dramatisation : les travaux de l’INSERM qui montrent une augmentation de la consommation chez les adolescents et les jeunes adultes servent à légitimer les analyses, scientifiquement contestables, de P. Mura sur les effets de cette consommation. Le second registre est émotionnel et repose sur le témoignage et le drame vécu par les parents de Marilou.
-
[77]
M. Gomez, « Sécurité Routière : le défi français », La Croix, 17 septembre 2002.
-
[78]
La première page est entièrement consacrée à une photo des parents enlacés sur le lit de leur fille décédée.
-
[79]
O. O’Mahony, « Une loi au nom de Marilou », Paris-Match, 17 octobre 2002.
-
[80]
Pour une présentation générale de l’intérêt de l’analyse des processus de montée en généralité dans l’espace public, voir : B. François, E. Neveu, « Pour une sociologie politique des espaces publics contemporains », dans B. François, E. Neveu (dir.), Espaces publics mosaïques…, op. cit., p. 13-58.
-
[81]
Sur ces questions de construction des problèmes sociaux en termes d’imputation de responsabilité et d’identification d’une relation causale, voir : J. R. Gusfield, The Culture of Public Problems : Drinking-Driving and the Symbolic Order, Chicago, University of Chicago Press, 1981.
-
[82]
Pour une analyse des liens entre la définition publique d’un problème et sa surface sociale de diffusion, cf. M. Edelman, Pièces et règles du jeu politique, Paris, Seuil, 1988.
-
[83]
Sur ce point, voir : T. Gitlin, The Whole World Is Watching : Mass Media in the Making and Unmaking of the New Left, Berkeley, University of California Press, 1980.
-
[84]
Assemblée Nationale, 1re séance du 8 octobre 2002, JO, 9 octobre 2002, p. 3008.
-
[85]
Assemblée Nationale, 1re séance du 23 janvier 2003, JO, 24 janvier 2003, p. 441-442.
-
[86]
Assemblée Nationale, 1re séance du 23 janvier 2003, JO, ibid., p. 439.
-
[87]
Député socialiste de l’Aisne, René Dosière fut rapporteur de la loi Gayssot de 1999 et premier président du Conseil national de la sécurité routière.
-
[88]
Le député PS, Jérôme Lambert, s’interroge notamment sur le sens de l’article 2, qui rend passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement toute personne dont les tests feront apparaître qu’elle a consommé des produits stupéfiants, sans prendre en considération le temps écoulé entre la date de la consommation desdits produits et le moment du contrôle (Sénat, séance du 19 décembre 2002).
-
[89]
Plusieurs députés s’interrogent sur le coût global du dépistage des drogues. Un test urinaire coûte environ 20 euros, auquel doit être ajouté le coût des honoraires du médecin effectuant le prélèvement, fixé à 30 euros, et, en cas de résultat positif, la confirmation sanguine, estimée à environ 242 euros.
-
[90]
René Dosière, Assemblée Nationale, 1re séance du mardi 8 octobre 2002, JO, 9 octobre 2004, p. 3004-3006.
-
[91]
C’est le cas notamment de Lionel Luca, député UMP, qui déclare : « Texte nécessaire, mais aussi de bon sens : qui peut comprendre que l’on dépiste systématiquement l’alcool, produit légal, alors que, dans le même temps, rien ne serait fait pour un produit illégal ? Comment l’expliquer, sinon par le laxisme généralisé auquel certains de nos collègues ont contribué, dans cet hémicycle, à une période récente ? », Assemblée Nationale, 1re séance du mardi 8 octobre 2002, JO, 9 octobre 2004, p. 3004.
-
[92]
Pour une analyse des postures adoptées par les forces politiques dominantes au sein de l’Assemblée : A. Collovald, B. Gaïti, « Discours sous surveillance : le social à l’Assemblée », dans CURAPP, Le « social » transfiguré. Sur la représentation politique des préoccupations « sociales », Paris, PUF, 1990, p. 9-54.
-
[93]
Assemblée Nationale, 1re séance du mardi 8 octobre, cité, p. 3004.
-
[94]
Lors des débats au Parlement, les députés de la nouvelle majorité fondent l’ensemble de leurs arguments scientifiques sur les seuls travaux de la SFTA et notamment du docteur Patrick Mura pour justifier la nécessité du dépistage.
-
[95]
Lors des États généraux de la sécurité routière en septembre 2002, le président de la République s’est publiquement prononcé pour un « durcissement des règles pour la conduite sous l’emprise de stupéfiants ».
-
[96]
Richard Dell’Agnola, Assemblée Nationale, 23 janvier 2003, JO, 24 janvier 2003, p. 436. Ce que confirme le garde des Sceaux, Dominique Perben : « Comme je vous l’ai indiqué en première lecture, le 8 octobre dernier, le gouvernement apporte son entier soutien à cette proposition de loi » (Dominique Perben, Assemblée Nationale, ibid., p. 435).
-
[97]
Rapport parlementaire préalable à la discussion de la loi du 3 février 2003, 235, Assemblée nationale, 2 octobre 2002, p. 10.
-
[98]
Dominique Perben déclare ainsi : « Ce texte […] constitue la première pierre d’un édifice que nous allons bâtir en commun, puisque, comme vous le savez, le gouvernement vous saisira dans les toutes prochaines semaines d’un projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière. […] Ce projet de loi comportera notamment d’importantes dispositions de droit pénal et de procédure pénale que je défendrai devant vous. Ces dispositions auront comme principal objectif […] d’aggraver et de rendre plus cohérentes les sanctions applicables » (Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, Assemblée nationale, 1re séance du 23 janvier 2003, JO, 24 janvier 2003, p. 435).
-
[99]
Peine qui est alourdie à trois ans de prison et 9 000 euros d’amende en cas de mélange avec de l’alcool : Article L.235-1 du Code de la route modifié par la loi du 23 janvier 2003.
-
[100]
Article L. 235-2 du Code de la route modifié par la loi du 23 janvier 2003.