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Article de revue

Défendre les travailleurs frontaliers : les apprentissages de la légitimation dans l'Union européenne

Pages 445 à 476

Notes

  • [1]
    Plutôt que d’en considérer l’une ou l’autre face, ainsi qu’il ressort fréquemment des approches top-down (cf. notamment Patrick Hassenteufel, Yves Surel, « Des politiques publiques comme les autres ? Construction de l’objet et outils d’analyse des politiques européennes », Politique européenne, 1, 2000, p. 1-17) ou bottom-up (par exemple, Romain Pasquier, « L’européanisation “par le bas” : Les régions et le développement territorial en France et en Espagne », dans Joseph Fontaine, Patrick Hassenteufel, To change or not to change, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001).
  • [2]
    Sur le façonnage des identités et territoires dans les espaces entre France et Allemagne, on se permet de renvoyer à nos articles : « Entre voisins… Le transfrontalier. Le territoire du projet SaarLorLux », Les Annales de la recherche urbaine, 90, 2001, p. 199-207 ; et « La coopération urbaine transfrontalière ou l’Europe “par le bas” ? », Espaces et Sociétés, 116-117, 2004, p. 235-258.
  • [3]
    Pour un cadrage France/Suisse, cf. notre étude : « Les relations de travail transfrontalières franco-suisses (années 1960 à nos jours) : entre législations nationales et construction européenne, une problématique sociale de “l’entre-deux” », Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier suisse, 20, 2004, p. 135-151.
  • [4]
    Sources : EURES et Registre central des étrangers de l’Office fédéral de l’Industrie, des Arts et Métiers et du Travail de Berne.
  • [5]
    Par exemple, le nombre de frontaliers lorrains employés au Luxembourg passe de 2 100 en 1968 à 5 500 en 1975, respectivement de 4 600 à 12 000 pour ceux travaillant en Allemagne, et on dénombre 11 299 frontaliers alsaciens employés dans le canton de Bâle-ville en 1980 (4 507 pour Bâle-campagne), alors qu’ils étaient 5 560 en 1968 (1 232 pour Bâle-campagne) : mêmes sources que note précédente.
  • [6]
    Simon Kessler, Le Coin, Strasbourg, Imprimerie des Dernières Nouvelles d’Alsace, 1970 ; et, du même, Frontaliers d’Europe. Rapport sur les migrations transfrontalières, Strasbourg, Éd’Image, 1991, p. 127-186.
  • [7]
    Entretien, 07/10/2002.
  • [8]
    C’est notamment le cas du Comité des frontaliers belgo-français de Musson et des Frontaliers Inquiétés d’Anor, sur la frontière franco-belge, de l’Association des frontaliers au Luxembourg, du Comité de défense des travailleurs frontaliers (CDTF) de la Moselle, vis-à-vis de la Sarre et du Palatinat, de l’Association des frontaliers d’Alsace-Lorraine (AFAL), du Comité de défense des travailleurs frontaliers du Haut-Rhin, de l’Union européenne des frontaliers (UEF) et de l’Union des frontaliers européens (UFE) en Alsace, du Groupement transfrontalier européen (GTE) d’Annemasse pour la Savoie et le pays de Gex, etc.
  • [9]
    Entretiens, UFE, 02/12/2002 ; CDF, 30/09/2002 et 02/12/2002.
  • [10]
    Onofhängege Gewerkschaftsbond Lëtzebuerg : Confédération syndicale indépendante du Luxembourg.
  • [11]
    Entretiens, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [12]
    Cf. notamment Liesbet Hooghe (dir.), Cohesion Policy and European Integration : Building Multi-Level Governance, Oxford, Oxford University Press, 1996 ; Gary Marks, Liesbet Hooghe, Kermit Blank, « European Integration from the 1980s : State-Centric vs Multi-Level Governance », Journal of Common Market Studies, 34 (3), 1996, p. 341-378.
  • [13]
    Cf. Markus Jachtenfuchs, Beate Kohler-Koch, « Regieren im dynamischen Mehrebenesystem », dans Markus Jachtenfuchs, Beate Kohler-Koch (eds), Europäische Integration, Opladen, UTB/Leske & Budrich, 1996, p. 29.
  • [14]
    Pour preuve, cf. le numéro de Politique Européenne, « Les groupes d’intérêt et l’Union européenne », 7, 2002 ; et Sabine Saurugger, « L’expertise : un mode de participation des groupes d’intérêt au processus décisionnel communautaire », Revue française de science politique, 52 (4), août 2002, p. 375-401.
  • [15]
    Cf. notamment David Mitrany, A Working Peace System : an Argumentation for the Functionalist Development of International Organizations, Londres/Oxford, Oxford University Press, 1943 ; et Ernst Haas, The Uniting of Europe : Political, Social and Economic Forces. 1950-57, Stanford, Stanford University Press, 1958.
  • [16]
    On se réfère notamment aux apports de l’ouvrage dirigé par Olivier Fillieule, Sociologie de la protestation : les formes de l’action collective dans la France contemporaine, Paris, L’Harmattan, 1993. Le cas de la mobilisation des agents des Finances est en particulier éclairant : cf. Catherine Polac, « Protestation et crédibilité des agents des Finances : analyse de la grève de mai à novembre 1989 », dans Olivier Fillieule (dir.), ibid., p. 67-92.
  • [17]
    On renvoie ici à Richard Balme, Didier Chabanet, « Action collective et gouvernance de l’Union européenne », dans Richard Balme, Didier Chabanet, Vincent Wright (dir.), L’action collective en Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p. 21-120.
  • [18]
    On pense notamment aux études portant sur les limites des euro-grèves : cf. Doug Imig, Sidney Tarrow, « La contestation politique dans l’Europe en formation », et Pierre Lefébure, Eric Lagneau, « Le moment Vilvorde : action protestataire et espace public européen », dans Richard Balme et alii, ibid., p. 195-223 et 495-529.
  • [19]
    Ce texte s’inscrit dans une recherche post-doctorale CNRS menée au Centre de Recherche en Sciences Sociales de l’université Marc Bloch-Strasbourg II, sous la direction de Maurice Blanc, portant sur « La défense des travailleurs frontaliers : De la construction sociale des inégalités au “laboratoire” de convergence des législations sociales en Europe ». Il reprend aussi des analyses présentées au colloque du GSPE « “Société civile organisée” et gouvernance européenne », Institut d’études politiques de Strasbourg, 21-23 juin 2004, sous la responsabilité de Hélène Michel. Je souhaite ici les remercier.
  • [20]
    Au sens de Howard Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985.
  • [21]
    Entretien, 23/01/2002.
  • [22]
    Entretien, chargé de mission du secteur européen de coopération PAMINA (Palatinat/MittlerOberrhein/Nord-Alsace), 18/06/2003.
  • [23]
    Entretien, UFE, 02/12/2002 ; A.G. CDTFM, 18/11/2001.
  • [24]
    Sic. Il est vrai que les écarts se creusent davantage au niveau de la main d’œuvre qualifiée. Voir notamment le rapport de l’Observatoire interrégional du marché de l’emploi Sarre-Lorraine-Luxembourg-Rhénanie-Palatinat, Situation du marché de l’emploi dans la Grande Région, mai 2003, notamment p. 57.
  • [25]
    Entretiens, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [26]
    Entretien, 13/02/2002.
  • [27]
    Les impôts directs des intérimaires sont payables en Allemagne, puis rétrocédés au titre de la convention fiscale franco-allemande, s’ils peuvent attester leur qualité de frontalier.
  • [28]
    Entretien, 24/02/2003.
  • [29]
    Sur les conséquences du point de vue des mentalités, cf. Gilles Nézosi, « Vie et mort d’une identité professionnelle. L’idéologie de l’Homme du fer sur le bassin sidérurgique de Longwy », Revue française de science politique, 48 (5), octobre 1998, p. 625-644.
  • [30]
    Entretiens, OGB-L, 22/07/2002 et 07/04/2004 ; Anor, 07/10/2002.
  • [31]
    Christliche Gewerkschaft Metall : syndicat chrétien allemand de la métallurgie.
  • [32]
    Entretiens, président et délégué CGM-Sarre, 24/02/2003 et 08/03/2004.
  • [33]
    Sur le cadre de la CES, voir notamment Keith Abbott, « The European Trade Union Confederation : Its Organization and Objectives in Transition », Journal of Common Market Studies, 35 (3), 1997, p. 465-481 ; et Andrew Martin, George Ross, « In the Line of Fire : The Europeanization of Labor Representation », dans : Andrew Martin, George Ross (eds), The Brave New World of European Labor : European Trade Unions at the Millennium, New York, Berghahn Books, 1999, p. 312-367.
  • [34]
    Présentation des EURES sur le site Internet des différentes instances : <www. eureslux. org>, <www. eures-sllr. org>, <www. eures-t-oberrhein. com>, etc.
  • [35]
    Entretiens, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [36]
    Simon Kessler, Frontaliers d’Europe…, op. cit., p. 206.
  • [37]
    Entretiens, CDTF-Moselle, 13/02/2002 et 01/03/2004 ; GTE, 29/01/2004.
  • [38]
    Entretiens, CGT, 01/10/2002 ; OGB-L, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [39]
    Entretiens, 24/02/2003 et 08/03/2004.
  • [40]
    Cf. Le Républicain lorrain, 19/09/2002.
  • [41]
    Entretien, 01/03/2004
  • [42]
    Entretiens, GTE, 29/01/2004 ; CDTFM, 13/02/2002.
  • [43]
    Entretiens, CGT, 01/10/2002 ; CFDT, 04/06/2003.
  • [44]
    Sur les profits du recours au droit plutôt que la mobilisation du nombre, voir notre article : Philippe Hamman, « Le droit communautaire : une opportunité pour la défense des travailleurs frontaliers », Sociétés contemporaines, 52, 2003, p. 85-104.
  • [45]
    Cf. Justin Greenwood, Representing Interests in the European Union, London, Mac-Millan Press, 1997 ; Doug Imig, Sidney Tarrow (eds), Contentious Europeans. Protest and Politics in an Emerging Polity, Lanham, Rowman-Littlefield, 2001.
  • [46]
    Sur ces usages différents du droit dans les problématiques transfrontalières en fonction des acteurs en jeu, en particulier associatifs ou publics, cf. notre étude : Philippe Hamman, « La production d’expertise, genèse d’un service public transfrontalier. Le réseau “Infobest” et l’aide aux travailleurs frontaliers », dans Steve Jacob, Jean-Louis Genard (dir.), Expertise et action publique, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 2004, p. 99-112.
  • [47]
    Jean-Luc Johaneck, Dernières Nouvelles d’Alsace, 09/03/2000.
  • [48]
    Entretiens, 30/09/2002 et 02/12/2002.
  • [49]
    Entretiens, CGM, 08/03/2004 ; CDTFM, 13/02/2002.
  • [50]
    Le règlement grand-ducal du 19 avril 1994 sur le congé politique pour exercice d’une fonction élective s’applique exclusivement aux élus locaux du territoire luxembourgeois, écartant donc les frontaliers élus en France.
  • [51]
    Entretien, OGB-L, 22/07/2002 ; A.G. CDTFM, 18/11/2001.
  • [52]
    Simon Kessler, 23/06/2003 ; Le Coin, op. cit. ; D’un coin à l’autre. Les frontaliers en Europe, Strasbourg, La Pensée Universelle, 1974 ; Frontaliers d’Europe…, op. cit.
  • [53]
    Entretiens, GTE, 29/01/2004 ; UFE, 02/12/2002.
  • [54]
    Cf. Yves Dezalay, Marchands de droit. La restructuration de l’ordre juridique international par les multinationales du droit, Paris, Fayard, 1992.
  • [55]
    Entretiens, CDTFM, 13/02/2002 et 01/03/2004 ; OGB-L, 22/07/2002 ; UFE, 02/12/2002.
  • [56]
    Entretiens, OGB-L, 22/07/2002 ; AFAL, 16/03/2004 (en fait, c’est la procédure relative à la CSG qui a effectivement duré huit ans, de 1992 à 2000).
  • [57]
    Entretiens, OGB-L, 22/07/2002 ; CDTFM, 13/02/2002.
  • [58]
    Entretiens, CDTFM, 13/02/2002 et 01/04/2004 ; CGM, 24/02/2003.
  • [59]
    Entretiens, UFE, 02/12/2002 ; CDF, 30/09/2002.
  • [60]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/04/2004.
  • [61]
    Simon Kessler, Frontaliers d’Europe…, op. cit., p. 185-186.
  • [62]
    Archives du CDF de Musson et de l’UEF.
  • [63]
    Régime local d’Alsace-Moselle de la Sécurité sociale française.
  • [64]
    Référence au Règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 « relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté ». Pour un commentaire de ce texte central en matière de protection sociale des travailleurs frontaliers et la jurisprudence subséquente, cf. Bernard Teyssié, Code de droit social européen, Paris, Litec, 5e éd., 2004, p. 894-1096.
  • [65]
    Entretiens, CDTFM, 13/02/2002 et 01/04/2004.
  • [66]
    Sur l’usage de la référence européenne par les représentants nationaux d’intérêts même sans lien direct, parce qu’elle ouvre un accès supplémentaire à l’État, voir aussi Richard Balme, « L’Europe des intérêts : lobbying, actions collectives et mobilisations dans l’intégration européenne », La Lettre de la Maison Française d’Oxford, 12, 2000, p. 17-36.
  • [67]
    Cf. le récit de Simon Kessler, Frontaliers d’Europe…, op. cit., p. 139-147.
  • [68]
    Les tribunes publiées par le président de l’UEF dans le Bulletin de Liaison et d’Information du Consommateur diffusé dans le Sud-Alsace en attestent : cf., par exemple, BLIC, 50, avril 2001, et 51, septembre 2001, p. 10.
  • [69]
    Cf. le point fait par Simon Kessler dans BLIC, 25, mars 1995, p. 15 ; et notre étude : Philippe Hamman, « Les relations de travail transfrontalières franco-suisses… », art. cité.
  • [70]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [71]
    Sur l’importance d’une référence repoussoir pour l’inscription d’une cause au niveau européen, voir aussi la dualité droit de propriété-droit au logement analysée par Hélène Michel, « Le droit comme registre d’européisation d’un groupe d’intérêt », Politique européenne, 7, 2002, p. 31-32.
  • [72]
    Cf. aussi Ruth Webster, « The Nature and Context of Public Interest Coalitions in the European Union », Politique européenne, 7, 2002, p. 142 et 151.
  • [73]
    Entretiens, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [74]
    Cf. Marc Abélès, « Déplacement des enjeux et lobbyisme européen », dans Pascal Perrineau (dir.), L’engagement politique. Déclin ou mutation ?, Paris, Presses de Sciences Po, 1994, p. 405-422.
  • [75]
    Sur le système juridique communautaire, cf. Joël Rideau, Droit institutionnel de l’Union et des Communautés européennes, Paris, LGDJ, 4e éd., 2002.
  • [76]
    La place importante, dans l’activité de la CJCE, de ces acteurs issus de catégories socio-professionnelles bien définies et se fondant sur des précédents favorables a été soulignée par Olivier Costa, « La Cour de Justice et le contrôle démocratique de l’Union européenne », Revue française de science politique, 51 (6), décembre 2001, p. 881-902, en particulier p. 890.
  • [77]
    Entretiens, CDTFM, 13/02/2002 ; OGB-L, 22/07/2002 ; GTE, 29/01/2004.
  • [78]
    Le Frontalier belgo-français, 55, 2e trimestre 2001, p. 7-8.
  • [79]
    Le Frontalier belgo-français, 57, 4e trimestre 2001, p. 3.
  • [80]
    Le Frontalier belgo-français, 59, 2e trimestre 2002, p. 16.
  • [81]
    Le Frontalier belgo-français, 60, 3e trimestre 2002, p. 3 et 11.
  • [82]
    Pour une réflexion sur cette catégorie disqualifiante, cf. Vincent Dubois, Delphine Dulong (dir.), La question technocratique. De l’invention d’une figure aux transformations de l’action publique, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1999.
  • [83]
    Entretien, député PS de la Moselle de 1997 à 2002, 22/10/2002.
  • [84]
    Sur la relation ouverte de la Commission vis-à-vis des groupes d’intérêt lorsqu’ils sont en mesure de présenter une expertise solide, cf. Sonia Mazey, Jeremy Richardson, « La Commission européenne. Une bourse pour les idées et les intérêts », Revue française de science politique, 46 (3), juin 1996, p. 409-430 ; et Helen Wallace, Alasdair Young (eds), Participation and Policy-Making in the European Union, Oxford, Clarendon Press, 1997.
  • [85]
    L’arrêt de la CJCE Gschwindt du 14 septembre 1999 porte sur la notion de discrimination fiscale entre résidents et non-résidents qui travaillent dans un même pays de l’Union européenne. La Cour considère qu’en cette matière, les différences de traitement sont en principe valables.
  • [86]
    Entretiens, président de l’UFE, 02/12/2002 ; CDTFM, 01/03/2004.
  • [87]
    Entretiens, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [88]
    Sur cette évolution, cf. Christian Lequesne, « Union européenne et coordination gouvernementale. Quid novi en France ? », dans François d’Arcy, Luc Rouban (dir.), De la Ve République à l’Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 1996, p. 77-94 ; et Vivian Schmidt, From State to Market ? The Transformation of French Business and Government, New York/Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
  • [89]
    Entretiens, UFE, 02/12/2002 ; CDTFM, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [90]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [91]
    Entretien, 18/11/2001.
  • [92]
    Entretien, responsable de la CGT-Lorraine, membre du Comité économique et social de Lorraine, du Conseil syndical interrégional et du Conseil économique et social Sarre-Lorraine-Luxembourg-Rhénanie-Palatinat, 01/10/2002.
  • [93]
    Entretiens, CGM, 24/02/2003 et 08/03/2004 ; AFAL, 16/03/2004.
  • [94]
    En effet, l’activité du représentant consiste non seulement à défendre l’intérêt, mais aussi à représenter le groupe : cf. Luc Boltanski, Les cadres. La formation d’un groupe social, Paris, Minuit, 1982.
  • [95]
    Deutscher GewerkschaftsBund : union des syndicats allemands.
  • [96]
    Entretiens, CDTFM, 13/02/2002 et 01/03/2004 ; UEF, 23/06/2003.
  • [97]
    Le Frontalier belgo-français, 57, 4e trimestre 2001, p. 4.
  • [98]
    Comme l’ont montré Hélène Michel, Laurent Willemez, « Investissements savants et investissements militants du droit du travail : syndicalistes et avocats travaillistes dans la défense des salariés », dans Philippe Hamman, Jean-Matthieu Méon, Benoît Verrier (dir.), Discours savants, discours militants. Mélange des genres, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 153-175 ; et Laurent Willemez, « Engagement professionnel et fidélités militantes. Les avocats travaillistes dans la défense judiciaire des salariés », Politix, 62, 2003, p. 145-164.
  • [99]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [100]
    Entretien, 13/02/2004.
  • [101]
    Entretiens, Association des frontaliers au Luxembourg, 12/01/2004 ; CDTFM, 13/02/ 2002 et 01/03/2004.
  • [102]
    Le Frontalier belgo-français, 55, 2e trimestre 2001, p. 10.
  • [103]
    Le Frontalier belgo-français, 58, 1er trimestre 2002, p. 8-10.
  • [104]
    Le Frontalier belgo-français, 59, 2e trimestre 2002, p. 8-11 et 17-20.
  • [105]
    À savoir : 1) L’imposition au taux progressif du montant total des retraites de base et complémentaires (211) ; 2) L’imposition au taux réduit du montant total des RC (214) et au taux progressif des retraites de base (211) ; 3) L’imposition au taux progressif du montant réduit des RC (1/3 et 1/4) avec les retraites de base (211) ; 4) L’imposition au taux réduit du montant réduit des RC (1/3 et 1/4 en 214) et au taux progressif des retraites de base (211) : Le Frontalier belgo-français, 60, 3e trimestre 2002, p. 6-10.
  • [106]
    Marcel Hantz, Le Républicain Lorrain, 17/12/2002.
  • [107]
    Entretien, 29/01/2004.
  • [108]
    Archives CDTF-Moselle.
  • [109]
    Entretien, 22/07/2002.
  • [110]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [111]
    Par exemple, pour le CDTFM, on peut consulter différentes rubriques : Accueil, Historique, Présentation du Bureau Directeur, Nos permanences, Nos statuts, Services aux adhérents (qui mentionne les contrats-groupes conclus avec des organismes bancaires et commerciaux), Nos revendications (où sont présentées les améliorations obtenues et les revendications en suspens), etc. : <www. frontaliers-moselle. com>. Cf. aussi <www. frontalier. com> pour le GTE d’Annemasse, <www. frontaliers-inquietes. com>, etc.
  • [112]
    Entretien, 13/02/2002.
  • [113]
    Institut der PrivatWirtschaftsAkademie Felderfing.
  • [114]
    Entretiens, CGM, 08/04/2004 ; CDTFM, 01/03/2004.
  • [115]
    Entretien, conseiller EURES CGT Alsace, vice-président du CSI EUREGIO, 05/03/2004.
  • [116]
    Site Internet : <www. crd-eures-lorraine. org>.
  • [117]
    Entretiens, directrice du CRD EURES Metz, 10/03/2004 ; CDTFM, 01/03/2004.
  • [118]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [119]
    Institutions transfrontalières publiques regroupant les collectivités territoriales de ces espaces entre France et Suisse.
  • [120]
    Entretiens, GTE, 29/01/2004 ; Maison Transfrontalière d’Annemasse, 13/02/2004.
  • [121]
    Entretiens, 01/03/2004.
  • [122]
    Sur ce point, cf. Christine Quittkat, « Les organisations professionnelles françaises : Européanisation de l’intermédiation des intérêts ? », Politique européenne, 7, 2002, p. 66-95, notamment p. 88.
  • [123]
    Sur la fécondité de l’analyse des lieux et des acteurs, passages et passeurs, réalisant une hybridation entre des univers sociaux a priori distincts, cf. Philippe Hamman, Jean?Mathieu Méon, Benoît Verrier (dir.), Discours savants, discours militants…, op. cit.

1 À travers le cas des représentants de la main d’œuvre transfrontalière en Europe, cet article vise à comprendre les processus d’européanisation dans leurs rapports à la géométrie variable des niveaux d’administration et des territoires [1]. Produit d’une structure du marché du travail qui ne se limite pas aux cadres étatiques, le travailleur frontalier se définit par sa résidence et son activité dans deux espaces nationaux différents, contigus et délimités, entre lesquels il opère des migrations pendulaires quotidiennes ou au moins hebdomadaires. Sa posture est donc liée historiquement à des accords binationaux et, aujourd’hui, à la réglementation communautaire, que l’on songe à la protection sociale, aux régimes de chômage, invalidité, retraite, aux contributions sociales et fiscales, etc., qui ne coïncident pas entre les différents États. Les espaces frontaliers de la France de l’Est constituent ici un terrain exemplaire : ils permettent de disposer d’un éventail de situations suffisamment diversifiées pour l’analyse, pour ne pas se limiter à une dimension monographique, en offrant des comparaisons à la fois au sein de l’Union européenne, vis-à-vis de la Belgique, du Luxembourg et de différents Länder allemands – Sarre, Rhénanie-Palatinat, Bade-Wurtemberg [2] –, mais aussi par rapport à la Suisse. Ce dernier cas est d’autant plus intéressant que cet État n’est pas membre de l’Union, mais a conclu en matière de migrations frontalières des accords bilatéraux avec les instances communautaires, entrés en application au 1er juin 2002, si bien que ces dernières s’avèrent à présent impliquées dans les problématiques du travail transfrontalier en Suisse [3]. Cela atteste également qu’entre des territoires politiques et économiques qui ne coïncident pas toujours, ce sont justement les pratiques des acteurs qui contribuent en permanence à redéfinir l’espace pertinent. En Lorraine comme en Alsace, les flux transfrontaliers de main d’œuvre sont loin d’être insignifiants : on dénombre en juin 2004 pas moins de 90 000 travailleurs frontaliers lorrains, dont 57 000 au Luxembourg, 30 000 en Allemagne et 3 000 en Belgique ; de même, plus de 45 000 Alsaciens franchissent quotidiennement la frontière pour travailler au Bade-Wurtemberg ; quelques 58 000 Français et Allemands se rendent dans les cantons suisses voisins (Bâle, Argovie, Soleure et Berne) et l’on dénombre 44 000 travailleurs résidant en France et employés à Genève. Ces espaces concentrent ainsi plus de 350 000 travailleurs frontaliers, soit plus de 25 % de l’ensemble des mouvements frontaliers comptabilisés dans l’Union européenne et la Suisse, avant l’élargissement [4]. Des initiatives de prise en charge collective du travail transfrontalier s’y développent alors tout particulièrement, de façon parallèle, autour de deux « modèles » : l’association et la section syndicale spécifique. Ces modèles sont significatifs de l’ambivalence des rapports entretenus dès l’origine entre collectifs de frontaliers et syndicats nationaux, qui perdure.

2 L’apparition des structures associatives date souvent des années 1970, marquées par un accroissement significatif des flux transfrontaliers [5] – d’où le souci de s’organiser pour mieux se faire entendre. Le récit des premières années du Comité de défense des travailleurs frontaliers du Haut-Rhin par son président le corrobore : le collectif connaît un réel essor dans les années 1969-1977, par épisodes, réagissant à chaque fois à des réglementations nationales et douanières qui paraissent discriminatoires à ses membres et élargissant ainsi son audience, jusqu’à la création du Comité national des frontaliers de France en 1972 [6]. Plus récemment, on constate une multiplication de groupements liés à un litige particulier. Très net est le cas de l’association des Frontaliers Inquiétés d’Anor sur la frontière belge, constitués en 1998 : après que 200 des 5 000 habitants de la commune frontalière belge de Momignies ont déclaré leur résidence en France en quelques mois, tout en conservant une résidence « secondaire » en Belgique, où ils vivent au quotidien, le bourgmestre a prononcé des réinscriptions d’office, avec des conséquences fiscales. C’est face à cette décision que les personnes concernées se sont organisées côté français, avec un objectif très ciblé : « C’était pour constituer un dossier commun défendu par un seul bureau d’avocats », déclare leur président [7].

3 Ces comités naissent en marge des syndicats nationaux en raison de la non prise en compte du phénomène frontalier [8] : l’association est une réponse possible pour la représentation d’intérêts désormais définis comme spécifiques au « groupe » des frontaliers, qui renforce son identité. L’expérience personnelle du président de l’UFE le montre : « Les syndicats, j’ai essayé de voir, mais tous ont dit : “Ça nous concerne pas”. En Allemagne, pareil : ma femme était syndiquée chez les enseignants, ils ont même pas répondu quand on les a sollicités, alors j’ai dit : “C’est pas la peine que tu restes au syndicat, autant qu’on économise sur des cotisations qui nous servent à rien !” ». De même, à la frontière belge, ce responsable du CDF-Musson insiste : « Nous ne nous sentions pas défendus par les syndicats belges ou français. Et nos adhérents préfèrent notre organisation plutôt que l’un ou l’autre syndicat en France… ou en Belgique… Lequel, hein ? Ou les deux ? » [9]. À l’inverse, certaines centrales nationales ont institué en leur sein une structure accueillant spécialement les travailleurs frontaliers. C’est le cas de l’OGB-L [10], dont le président des frontaliers français précise : « Nous faisons partie intégrante du syndicat luxembourgeois OGB-L, mais nous sommes une section créée en 1972. C’était à ce moment les premiers frontaliers qui venaient surtout de la sidérurgie française. Ce qu’il y a, nous avons marqué cette structure, où les frontaliers finalement aiment bien se retrouver. C’est surtout ça. » Cette voie particulière s’explique par un contexte qui ne l’est pas moins : celui du Benelux, qui a permis de tisser des liens transnationaux précoces, y compris au niveau syndical. Ainsi, l’OGB-L dispose dans les années 1970 d’une structure propre aux frontaliers belges déjà bien rôdée : « Ils avaient déjà une certaine expérience, les structures frontalières belges existent depuis le début des années 1960. Ce qui a fait qu’on s’est pas trop posé la question, c’était tout naturel qu’il y ait ces structures pour les frontaliers français, comme également pour les frontaliers allemands ! Donc il y avait cette culture syndicale un peu, peut-être pas européenne, mais interrégionale, et je pense que ça a fait le déclic » [11].

4 On voit ici que les processus d’européanisation viennent réactiver un ensemble de représentations du monde et de pratiques territorialisées qui correspondent à autant de configurations dans lesquelles sont amenées à se situer les organisations prenant en charge les frontaliers. Or, les perspectives qualifiées de gouvernance à niveaux multiples [12] voient dans les institutions européennes une opportunité pour les groupes d’intérêt contre des arrangements historiques nationaux [13]. Ceci mérite particulièrement d’être interrogé pour les structures de frontaliers, dont la raison d’être touche à des perceptions locales d’écarts transnationaux relevant de réglementations diverses – infra-étatiques, étatiques et communautaires –, ce qui amène leurs responsables à se penser dans la relation entre ces différents niveaux d’intervention publique.

5 Nous examinerons l’activité des animateurs frontaliers associatifs et syndicaux à partir d’une approche par observation participante, questionnaires et entretiens, complétée par l’exploitation d’archives, de la presse régionale et d’une importante littérature grise. De la sorte, on jette un éclairage original sur le domaine en renouveau de l’analyse des groupes d’intérêt en Europe [14]. Si ces derniers ont été très tôt présentés comme un facteur d’intégration communautaire, en particulier dans la littérature néofonctionnaliste [15], s’intéresser aux pratiques des représentants frontaliers participe plus finement d’une réflexion sur la direction prise par les stratégies d’influence, vers l’Europe-institution, sans se limiter à la seule scène bruxelloise : d’une part, à quelles conditions un groupe constitué dans un cadre local est-il amené à prendre en considération la dimension européenne ? D’autre part, de quelle manière ce même groupe peut-il intervenir au niveau européen et s’y faire reconnaître comme interlocuteur ? Alors que la défense des travailleurs frontaliers apparaît de prime abord comme une cause illégitime, confrontée à une image doublement négative – des profiteurs aux revendications corporatistes –, c’est par la production d’une « expertise militante » mobilisant le droit communautaire que les porte-parole entreprennent de contourner ces obstacles, à travers des compétences et des savoir-faire valorisés dans le nouvel espace politique européen, ce qui suppose une professionnalisation des pratiques passant par toute une formation à la représentation des intérêts pour ces acteurs « de terrain ».

6 Évoquer une cause « improbable » est aujourd’hui devenu quelque peu routinier dans les études portant sur les groupes d’intérêt ; ici, plus spécifiquement, il est question d’acteurs pour lesquels on peut repérer une illégitimité potentielle – il s’agirait de nantis –, mais qui sont dotés de ressources et de savoir-faire – des fonds conséquents ou une importante pratique militante antérieure notamment – concourant à ce que leurs actions « prennent » [16], et plus encore dans le contexte actuel d’intégration européenne. C’est la transnationalisation comme mode d’européanisation de l’action collective qui nous retiendra ainsi, en ce qu’elle constitue une remise en cause progressive aussi bien des accords nationaux que bilatéraux et supranationaux existants [17]. À travers les responsables frontaliers, on dispose en effet d’un groupe-test, doté de nombre des propriétés souvent mises en avant dans la littérature, comme l’accès à la langue [18], ce qui permet de penser le jeu sur l’expertise juridique à la fois en tant que stratégie et comme un capital mobilisable dans l’accès aux ressources européennes. On peut ainsi mieux cerner quelle Europe ils visent et contribuent à construire (Europe sociale vs. Europe économique…) [19].

La défense des travailleurs frontaliers : une cause a priori illégitime

7 Les représentants frontaliers s’emploient à faire évoluer deux images défavorables à leur action : celles du frontalier-privilégié et celle du groupe d’intérêt corporatiste. C’est la nécessité d’un travail de définition et de diffusion en des termes légitimes des intérêts des travailleurs frontaliers qu’on approche ici de la part des « entrepreneurs de cause » [20]. Saisir une illégitimité première du groupe permet également de mieux comprendre ensuite les canaux de mobilisation retenus.

Les frontaliers : des profiteurs ?

L’image commune du frontalier-privilégié

8 Sur le plan de leurs revenus, d’après la plupart des responsables administratifs français, les frontaliers sont généralement gagnants : que l’on pense à ce directeur d’un OPHLM de l’Est mosellan qui explique l’inoccupation de résidences rénovées par l’impossibilité d’y loger la main d’œuvre occupée en Allemagne, dont les ressources « explosent » le plafond établi au niveau national : « On est tenus au barème. Au-delà, on ne peut plus loger. Que ce système soit normal en Creuse, en Dordogne, mais dans une région frontalière, où l’ouvrier qui travaille en Allemagne gagne deux fois plus, je ne peux plus le loger ! » [21]. En Alsace du Nord, ce chargé de mission d’une structure publique d’information souligne, quant à lui, cette scène significative d’une image enviable, à commencer par les frontaliers eux-mêmes : « Dans un collège, je posais la question “quels sont celles et ceux dont un proche travaille en Allemagne ?”, les deux-tiers des bras se sont levés et quand la question était pourquoi : parce qu’ils gagnent plus ! Et le gamin veut absolument faire la même chose ! Il y a un attrait extrêmement important » [22].

9 Pourtant, si on évoque les « privilèges » des frontaliers, leurs représentants réagissent en chœur. Certes, ils reconnaissent la place de ce sentiment dans les esprits, à l’exemple du président de l’UFE : « Au niveau de la population, pour beaucoup de gens, les frontaliers sont des privilégiés, parce qu’ils sont mieux payés. Alors, quelque part, y’en a qui disent : “S’ils ont des problèmes, c’est le revers de la médaille, ils l’ont choisi, c’est la contrepartie”. » Mais c’est pour mieux en écarter la pertinence dans les faits. Le président du CDTF-Moselle est ici très militant lors d’une récente assemblée générale : « Certains pensent encore que nous représentons un coût pour l’État français et les institutions sociales, que nous mangeons à tous les râteliers. Alors que nous sommes la première entreprise à l’exportation. Nous ramenons des milliards et des milliards de devises à la France, sans oublier le maintien dans les régions frontalières d’un taux de chômage au plus bas. Alors, de grâce, arrêtons de considérer les frontaliers comme des privilégiés » [23].

Un discours de la justification

10 Trois arguments reviennent alors plus particulièrement. D’abord, les différences de salaires seraient montées en épingle. Le point est souligné par le président des frontaliers français de l’OGB-L : « Il y en a beaucoup qui parlent : “Le Luxembourg, le salaire”. Le salaire minimum luxembourgeois par rapport au SMIC, il y a à peu près 1 000 F d’écart sur le brut [24]. Quelqu’un de Metz [chef-lieu de la Moselle] qui se déplace avec son véhicule personnel à Luxembourg tous les jours, il a rien gagné, vous êtes d’accord avec moi ! » [25]. Plus nets encore sont les frontaliers belges ayant travaillé en France : leurs représentants estiment que leur pouvoir d’achat en ressort significativement réduit en rapport à la population active belge. Les animateurs du CDF-Musson fournissent régulièrement des comparatifs pour appuyer leurs dires :

Tableau 1

Revenus nets comparés Belgique-France-Luxembourg *. Exemple d’un salaire brut mensuel de 3 000 €, personne mariée avec 2 enfants

Pays Belgique France Luxembourg Frontalier B/F
Salaire brut (€) 3 000 3 000 3 000 3 000
Cotisations sociales (%) 13,08 18,76 plafonnés 10,70 18,76
Salaire avant impôt 2 608 2 437 2 678 2 437
Salaire après impôt 2 102 2 325 2 651 2 001
Classement 3e 2e 1er 4e

Revenus nets comparés Belgique-France-Luxembourg *. Exemple d’un salaire brut mensuel de 3 000 €, personne mariée avec 2 enfants

* Diffusé dans le bulletin Le Frontalier belgo-français, 58, 1er trimestre 2002, p. 14-15.

11 Ensuite, on ignorerait la réalité de conditions de travail difficiles dans le pays voisin pour des personnes fragiles et sans diplômes – ce sur quoi revient ce membre du CDTF-Moselle : « Nous on voit des fiches de paie de travailleuses à la chaîne, elles gagnent même pas le SMIC français ! Qui travaillent dans des conditions scandaleuses. Y’a pas de syndicat dans la boîte, pas de comité d’entreprise, donc ils font ce qu’ils veulent. C’est souvent des gens qui n’ont pas de diplômes, même exploités, ils sont contents de trouver quelque chose. Ils sont dans l’obligation de trouver un job, à n’importe quel prix » [26].

12 Plus largement, abuser une main d’œuvre souvent peu informée serait aisé ; ainsi, ce cas d’un intérimaire rapporté par un syndicaliste frontalier sarrois se veut significatif : « On avait vu une fois un truc vraiment absurde qu’on a fait croire aux gens : une personne me disait “Je reçois une prime de vacances”. En regardant bien, on a remarqué que c’était les impôts payés en Allemagne ! [27] Le patron faisait tous les papiers avec le fisc allemand, il recevait ça au mois de décembre et, en mai-juin suivant, il versait à ses ouvriers français cet argent ! Et il disait : “Voilà, c’est votre prime de vacances”… » [28].

13 Enfin, le travail frontalier se serait imposé par nécessité dans des zones frontalières économiquement en difficulté et non par opportunisme. L’argument est martelé avec insistance dans une Lorraine sinistrée par la fin de l’exploitation du charbon et les crises de la sidérurgie [29] : « Pour nous, c’est une nécessité ! Je ne vois pas où on irait travailler ! Franchement, déjà il faudrait peut-être qu’on ait des postes à pourvoir ici », relève ce représentant frontalier OGB-L. En revanche, le discours diffère au sein des associations de résidents frontaliers : ceux qui continuent à travailler dans leur pays d’origine, mais ont élu domicile dans le pays voisin parlent bien d’un choix. Le président des Frontaliers Inquiétés d’Anor est très explicite : « C’est délibéré. De toute façon, immigrer économiquement vers la zone frontalière d’un État ou l’autre ne se fera nullement en fonction d’une activité, mais seulement sur la base rémunératrice. Le frontalier cherchera toujours son propre avantage » [30]. De ce fait, les discours produits ne doivent pas être uniquement saisis par rapport à la diversité des situations individuelles ; le propos touche davantage aux conditions de félicité des actions collectives des structures de défense.

Les organisations de défense des frontaliers : des groupes d’intérêt corporatistes ?

14 Les associatifs frontaliers sont fréquemment confrontés à la critique du corporatisme adressée par les syndicats nationaux. On saisit ainsi l’attention de ceux-ci à se présenter comme des interlocuteurs efficaces et responsables.

La dénonciation syndicale du corporatisme : appropriations concurrentes de la cause frontalière

15 Les syndicats nationaux investissent aujourd’hui la sphère transfrontalière et contestent alors la compétence des associations à mesure qu’ils se positionnent à leur tour sur le créneau de l’information et de la défense des frontaliers. Les responsables syndicaux n’ont ici de cesse de souligner le sérieux de leurs permanences, grâce à l’appui d’une structure fédérée – par exemple pour la CGM [31] de la Sarre : « On a des juristes à Sarrebruck, trois permanents qui font rien que travailler sur les dossiers et vont représenter les gens au tribunal social, et trois secrétaires qui nous font tous les papiers. Bon, par notre expérience personnelle on sait ce qu’il faut faire, parce que ça fait 30 ans. Mais si j’ai un doute, je m’abstiens, je demande confirmation aux juristes et je rappelle les personnes le lendemain ». A contrario, les associatifs sont rejetés dans l’approximation, voire du charlatanisme : « C’est pas comme la cartomancienne : “Dites-moi votre problème”, elle regarde dans la carte et puis vous lui avez dit votre problème donc elle a la solution. C’est pas ça ! » [32].

16 Ces tensions sont d’autant plus vives aujourd’hui que les syndicats s’organisent depuis le milieu des années 1990 au sein des euro-régions, à travers les Conseils syndicaux interrégionaux (CSI), émanation de la Confédération européenne des syndicats (CES) [33]. Dans ce contexte, les initiatives associatives apparaissent directement concurrentes quant à la participation à la définition des politiques publiques via un certain nombre d’instances de concertation, à commencer par les dispositifs EURES (European Employment Services) et leurs volets transfrontaliers, divisés en deux secteurs : les administrations nationales et les organisations d’employeurs sur l’emploi transfrontalier (euro-conseillers « patronaux »), et les organisations de salariés sur les conditions de travail, de façon proche de l’activité des collectifs (euro-conseillers « syndicaux »). Lancés avec le soutien de l’Union européenne, ces EURES-Transfrontaliers consistent précisément à favoriser la coordination des normes nationales, agissant en tant qu’interface entre les pouvoirs publics et les citoyens, pour porter conseil en même temps que faire remonter, cette fois « de l’intérieur », les problèmes rencontrés [34].

17 Face à ces nouvelles structures, la spécificité contentieuse des comités de frontaliers est mise en exergue par leurs animateurs, comme ce responsable franco-luxembourgeois : « Les EURES ont plus une mission d’information. Nous aussi, mais notre mission est beaucoup plus large, sur le statut des travailleurs frontaliers, ce qu’ils peuvent avoir au niveau social, salarial, conditions de travail… Donc on a une mission d’information et également de défense des droits » [35]. La conflictualité est d’autant plus aiguë qu’à l’origine, c’est un associatif, le président de l’UEF, qui, en qualité d’expert auprès des institutions européennes, a émis en 1991 l’idée de « bourses du travail transfrontalières », dont les EURES-T s’inspirent aujourd’hui, tout en ignorant cette « préhistoire » [36]. Aussi les responsables des collectifs se sentent-ils dépossédés de leur « marque de fabrique » et exclus par la même occasion des crédits européens. Le président du CDTF-Moselle se montre sévère : « Nous essayons d’avoir des financements à travers les EURES-T, mais ils veulent pas partager le gâteau ! Mais on lâchera pas de lest, parce qu’il y a des agents des EURES-T, j’en connais un, ce qu’il fait : “Écoutez, il y a un Comité des frontaliers, allez voir là-bas, ils sont bien au courant”. En même temps, il nous donne des adhésions. Bon, c’est une tactique aussi. Seulement ils ne font pas leur boulot non plus. » On l’entend, ce sont des arrangements d’ordre institutionnel autant que pratique qui se renégocient dans un contexte d’européanisation de la représentation des intérêts, réactivant des divergences de longue date ; le président du GTE d’Annemasse l’explique : « Les syndicats français, pendant des années, c’était une ignorance complète. Aujourd’hui, comme on veut se regrouper au niveau européen, on est devenu très intéressant ! Mais entre temps, nous nous sommes installés et nous défendons bec et ongle tout ce qu’on a mis en place ! » [37].

18 Les CSI constituent alors un enjeu de pouvoir accru et se ferment d’autant plus aux associatifs. Les syndicalistes argumentent en mettant en doute la représentativité des collectifs locaux, à l’exemple de cette responsable de la CGT-Lorraine : « C’est un grand débat à l’heure actuelle, les comités de défense aimeraient être au CSI et dans certains groupes EURES. Mais la durée de vie de certaines associations… et parfois une association ne représente qu’elle-même, y’a trois pelés dedans, ou elles sont 10 000 ! Où on met des garde-fous ? Alors on dit non ». La réaction du président de la section française OGB-L est ici intéressante. Il n’est en effet pas loin de se ranger aux côtés des associations, faisant part de son scepticisme quant aux nouvelles institutions syndicales transfrontalières : leur niveau à l’échelle des euro-régions serait trop abstrait par rapport aux problèmes quotidiens du frontalier, façon de conserver pour soi la représentation légitime de l’Europe sociale dans les territoires-frontières, au moment même où ce positionnement est davantage contesté à un niveau de proximité : « Le CSI [Sarre-Lorraine-Luxembourg], ah, ces instances sont relativement récentes… faut que ça se mette en place, et après c’est l’avenir qui nous dira. Mais nous on est plus terre-à-terre, on travaille sur les dossiers parce que les gens en ont besoin, hein » [38].

19 La récente mise en place d’une permanence par des syndicalistes CGM côté français à Saint-Avold est particulièrement significative de ces concurrences avivées. L’appartenance à une confédération nationale allemande, le nombre élevé d’adhérents ou encore l’organisation par branche sont autant de « marqueurs » exhumés pour fonder leur implantation en Moselle : « Nous on est CGM, elle est dans le CGB, Christlicher GewerkschaftsBund. En Sarre, nous avons à peu près 10 000 adhérents dans la métallurgie, aussi bien sidérurgie que construction automobile, tout ça. » On est ici dans une logique d’expérimentation, s’agissant de faire pièce aux associations présentes à cet échelon de proximité : « On a demandé ça sur Saint-Avold parce que j’ai des contacts, mais le but c’était de voir est-ce que c’est viable. Maintenant, il y a pas seulement les adhérents du syndicat qui viennent, il y a aussi les autres gens, ça fait du bouche-à-oreille… » [39]. Du coup, les responsables du CDTF-Moselle ont aussi ouvert une permanence à Saint-Avold même. C’est une rivalité personnalisée dans un espace local qui ressort, où l’enjeu tient à l’imposition de sa propre légitimité face à la structure adverse. Ainsi, le président du CDTFM ne veut voir dans l’implantation de la CGM que l’intérêt propre de deux dissidents : « On avait deux délégués CGM chez nous depuis 1997-1998. L’un voulait avoir une place dans le comité d’entreprise de sa boîte, il est allé à cette CGM. Et il a mis en place une permanence à Saint-Avold, un grand article dans le journal : “Voilà, il y a aucune organisation qui défend les travailleurs frontaliers” [40]. Alors ça c’était un peu fort de café ! Quand on est 27 ans sur le secteur… Après ils ont démissionné […] et on a mis quelqu’un d’autre à la place. Donc il y a maintenant deux permanences à Saint-Avold » [41].

20 C’est la dimension processuelle de l’institutionnalisation d’une sphère de représentation des intérêts frontaliers en train de se faire que l’on suit ici, en un moment de conflit plus propice aux révélations que les conjonctures routinières.

Des représentants associatifs « raisonnables »

21 Dans ce contexte, les associatifs évitent, dans les contacts avec les interlocuteurs politiques et administratifs, de sembler « tout jouer ». La position du président du GTE sur la couverture sociale de la main d’œuvre française employée en Suisse se comprend ainsi : défendre les intérêts des frontaliers sans donner prise aux dénonciations de privilèges par rapport à la population active nationale : « Pour les assurances sociales, sur notre libre-choix [de s’assurer en France], la cotisation devrait passer de 8 à 13,5 % du revenu net imposable, parce que moi j’ai pas pu prendre une position qui soit inacceptable pour les autres : on ne peut pas accepter qu’un frontalier paie moins que quelqu’un qui travaille sur le territoire français, hein, il faut rester raisonnable ». En cela, c’est à chaque fois vis-à-vis des critiques syndicales de corporatisme que les représentants frontaliers estiment nécessaires de se prononcer, à l’instar du président du CDTFM : « On ne fait pas de corporatisme, nos revendications, ça fait partie du contexte général des droits des travailleurs » [42]. En face, cette responsable syndicale de la CGT-Lorraine reste circonspecte : « Il faut aussi avoir une philosophie derrière, je pense que c’est important. Le corporatisme, le risque est là ! » La réponse d’un secrétaire régional de la CFDT est plus claire encore : « C’est sûr qu’on a un vrai contentieux avec les associations, mais la CSG, une contribution sociale généralisée, c’est pour que tout le monde la paie. Nous on parle d’intérêt général, mais eux… » [43].

Une voie de contournement : la production d’une « expertise militante »

22 Face à ces contraintes, les représentants frontaliers se saisissent particulièrement d’un travail de lobbying juridique : le mode de constitution du groupe est façonné par le répertoire d’action disponible [44], en même temps que par le cadre d’action visé. En effet, l’expertise et les prises de position écrites constituent des instruments bien adaptés à la logique d’influence européenne, tandis que grèves et manifestations, par exemple, ne s’intègrent pas aisément dans le système communautaire d’intermédiation des intérêts [45]. Pour autant, cette voie ne peut être analysée indépendamment de l’identité personnelle des porteurs de cause. Ceux-ci se marquent dans des usages singuliers – non seulement informatifs, mais surtout militants et contentieux – du droit [46], et spécialement du droit communautaire, qui correspondent à ce que ces hommes sont, à savoir fréquemment d’anciens syndicalistes confrontés aux insuffisances des possibilités nationales de règlement des litiges transfrontaliers.

Des acteurs à l’identité sociale singulière

23 Les associations de frontaliers sont largement imprégnées des propriétés sociales de leurs responsables. C’est souvent autour d’une forte personnalité que s’organise la vie de la structure – par exemple au CDTF-Haut-Rhin, dont le président déclare : « C’est pas que je sois indispensable. Simplement, je m’appuie sur l’expérience acquise après quinze années de bénévolat. Je ne crois pas qu’il y ait de risque de démagogie. Je suis devenu une sorte d’assistante sociale potentielle de 40 000 personnes et de leurs ayants droit » [47]. Plus largement, la fondation des collectifs se fait à partir de groupes d’interconnaissance à la même origine géographique et socio-professionnelle. Ainsi, les animateurs du CDF-Musson précisent : « On se connaissait tous, 1° car la plupart utilisaient les bus belges de leur domicile vers leur lieu de travail et discutaient de leurs problèmes pendant le trajet, 2° parce qu’ils militaient dans les syndicats français ou belges, 3° sur les lieux du travail, puisqu’à l’époque, la main d’œuvre dans les entreprises frontalières françaises était belge » [48].

La prégnance de premiers engagements syndicaux : la socialisation militante

24 De cette personnalisation découle l’importance à accorder à l’identité des dirigeants. Beaucoup évoquent leur éducation tournée vers autrui et leurs premières expériences associatives ; c’est particulièrement vrai pour ce syndicaliste chrétien CGM : « Quand on est dans le monde associatif dès son plus jeune âge, que ce soit Maison des jeunes, directeur de colonies de vacances, je ne veux pas dire qu’on a un peu l’âme, mais on sent qu’on est utile. Il suffit de donner une fois un coup de main, de voir qu’on a réussi à résoudre un problème et, de fil en aiguille, c’est comme ça que ça a démarré ». Plus encore, l’importance d’un engagement militant préalable se retrouve fréquemment. Le président du CDTFM y insiste : « Moi je suis militant syndical depuis l’âge de 14 ans, quand j’ai commencé mon apprentissage. Et depuis j’ai jamais cessé, des responsabilités syndicales en Allemagne et dans des comités d’entreprise » [49].

25 Aussi, l’investissement dans la vie publique est avant tout poussé dans l’univers syndical. C’est également vrai chez les Frontaliers Inquiétés, dont le président exerce les mandats de délégué syndical dans l’entreprise belge qui l’emploie, de membre permanent du CSI Champagne-Ardenne/Charleroi-Namur et d’administrateur de la Maison de l’Europe de la Grande Thiérache. En effet, l’action syndicale est associée à un travail concret, susceptible de faire évoluer les choses – au contraire des mandats électifs qui posent des difficultés aux frontaliers, telle la non-reconnaissance du congé politique au Luxembourg [50], dénoncée par ce membre de l’OGB-L : « Y’a des gens dans notre comité qui sont élus locaux. Moi j’ai laissé tomber. Du moment où vous avez un employeur qui veut rien comprendre, c’est l’horreur. On dit au citoyen européen : “Tu peux être élu”, oui, mais à quoi ça sert si parce que je travaille dans un autre pays on me libère pas, c’est aberrant ! On parle de citoyenneté, et puis on s’aperçoit qu’on en est loin ! » Cette socialisation syndicale a des effets sur l’activité en faveur des frontaliers, marquée par une défense assez binaire des ouvriers contre les patrons ; on le constate, par exemple, avec cette réaction du président du CDTFM lors de l’assemblée générale 2001 à une question portant sur le statut de cadre en Allemagne : ce responsable, un peu énervé, ne semble pas y voir le sujet de prédilection de l’association et rétorque : « Bon, “Leitenden Angestellten”, ce sont pratiquement les cadres supérieurs, les gens comme ça, donc c’est sûr ils ont un statut spécial. Autre question ? Oui !… » [51].

Un second pôle : des militants « intellectuels »

26 L’ancrage syndical de nombreux représentants frontaliers ne doit pas conduire à une vision fixiste. En fonction des contextes locaux, les ressources mobilisées se complexifient et un profil plus « intellectuel » apparaît. Ainsi en est-il du responsable de l’UFE, professeur de sciences physiques en collège, et ceci est plus net encore en ce qui concerne le président de l’UEF, auparavant déjà président du CDTF du Haut-Rhin de 1969 à 1983 et du Comité national des frontaliers de France de 1972 à 1984. Celui-ci souligne avoir rédigé en qualité d’expert plusieurs ouvrages sur les questions transfrontalières pour le compte d’institutions européennes : « J’ai fait mes études médicales à Paris, où j’ai commencé une carrière hospitalière, et j’ai eu des offres d’emploi en pharmacologie clinique, à Bâle. Par conséquent, j’ai déménagé dans le sud de l’Alsace et j’ai constaté, en franchissant la frontière quotidiennement, qu’il y avait des gens qui la traversaient également, et je m’en suis préoccupé. En 1969, j’ai publié un livre qui est Le Coin, définissant la structure géographique, historique, sociale de la région […]. C’était l’époque où l’on assistait à une certaine inversion du phénomène migratoire sur la frontière franco-belge, ce qui m’a donné l’envie d’écrire D’un coin à l’autre, vous avez dû en entendre parler. J’ai été à ce moment-là contacté par le Conseil de l’Europe et la Commission européenne, ce qui a abouti à mon troisième bouquin, Frontaliers d’Europe » [52].

27 Ainsi, les parcours individuels des responsables frontaliers se laissent saisir dans un « entre-deux » permanent : entre syndicat et association, entre culture ouvrière et pratique intellectuelle.

Un facteur déclenchant : la confrontation personnelle avec un problème transfrontalier

28 À partir de ces deux profils, l’engagement direct de nos interlocuteurs sur les questions transfrontalières renvoie prioritairement à leur expérience personnelle et privée d’un problème vécu comme injuste et sans solution au niveau national. Le président du GTE l’explique : « À l’origine, c’est le problème de l’assurance-maladie des frontaliers en 1963. À l’époque, on nous a refusés dans l’assurance-maladie suisse et française. Donc, un frontalier en invalidité se retrouvait dans la dépendance. S’il avait une maison, tout ça, il devait vendre pour survivre ». Le cas du responsable de l’UFE est particulièrement intéressant : il montre tout le poids d’un différend transfrontalier dans le repositionnement d’un acteur à la posture bien installée côté français dans son engagement comme cadre du parti socialiste du Bas-Rhin : « En 1990, quand je suis devenu actif dans l’association, j’exerçais des responsabilités au PS. Moi, j’étais très engagé dans la vie politique : j’étais membre du comité directeur du PS, dans la direction fédérale départementale depuis 1974, Premier secrétaire fédéral de 1979 à 1981 et assistant parlementaire pratiquement dès 1979 ». La déception est alors d’autant plus grande devant le peu de cas fait des problèmes qu’il met en avant : « J’ai écrit à Mitterrand, à Rocard, j’ai rencontré Charasse, Bérégovoy, Sapin, Poperen : rien ! Et Martine Aubry en particulier a été très… très dure sur la question de la CSG pour les frontaliers et j’ai trouvé ça très malhonnête – et moi en tant que socialiste ça me faisait d’autant plus mal – de la part du gouvernement socialiste de dire : “Mais la CSG c’est un impôt, pas une cotisation sociale, donc c’est normal que tout le monde la paie” ». L’issue est alors écrite : le départ du PS pour se consacrer à l’UFE, avec un jugement sévère : « Je me suis engagé au PS pour lutter contre les injustices, là j’en ai une flagrante qui me touche et le PS ne veut rien faire, j’aurais l’air de passer pour un con de continuer à militer, alors que moi je suis obligé de me battre tout seul. En 1993, j’ai arrêté : je ne me suis plus représenté à rien du tout. Aujourd’hui, je me contente d’animer notre association » [53].

La production d’expertise par la mobilisation du droit communautaire

29 C’est également pour ces représentants frontaliers l’apprentissage de savoir-faire nouveaux qui se joue, en particulier s’agissant d’opposer le droit communautaire aux écarts de législations nationales. On peut parler d’un processus d’européanisation mobilisant des « usagers » des réglementations européennes à partir de carences ressenties localement, mais dont l’originalité consiste à passer par la mobilisation des institutions centrales européennes, pour obtenir des modifications des normes nationales. Le rôle du droit apparaît ici à la fois comme formalisation de l’intérêt défendu et comme inscription du groupe dans l’espace politique et social européen, où le profil « marchand de droit » [54] se révèle bien plus efficace que le profil militant.

Le lobbying par le droit

30 Les représentants frontaliers partent d’un constat commun : l’Europe du travail n’est aujourd’hui pas exempte de frontières nationales et c’est par le droit que la situation est susceptible d’évoluer. Ce responsable du CDTF-Moselle est très explicite : « Concernant les problèmes frontaliers, malgré qu’il n’y ait plus de douaniers, là il y a encore des frontières. Très souvent, on a constaté que chaque pays qui pond une loi l’établit sans vraiment regarder si elle est compatible avec les règlements communautaires. C’est ça le problème : Paris raisonne encore en termes franco-français ». Les responsables frontaliers se lancent alors prioritairement dans du lobbying auprès des pouvoirs publics, afin d’obtenir des aménagements législatifs et réglementaires. Ce frontalier OGB?L l’explique : « D’abord, c’est une action de concertation, ça c’est notre réflexe. On demande des entrevues, voir s’il y a un interlocuteur qui veuille bien donner un coup de main ». Un exemple est rapporté par le président du CDTFM, où, pour régler un vide juridique concernant les longues maladies, une solution a été obtenue par le dialogue à Paris : « En Allemagne, après 78 semaines d’indemnités maladie, il n’y a plus rien. Le travailleur allemand touchera du Sozialhilfe [aides sociales]. Mais le frontalier, plus rien… Ça, on vient de le régler : maintenant il est pris en charge par la CPAM, qui versera des allocations de maladie. Mais avant – ça remonte à trois mois ! – il pouvait pas s’inscrire à l’ASSEDIC et la CPAM ne prenait pas en charge non plus, en disant : “il est pas apte au travail”. Ils se rejetaient la balle. Donc maintenant on a trouvé un accord avec le ministère ».

31 C’est là un véritable travail juridique, dans la mesure où les différences de systèmes nationaux se révèlent d’une certaine technicité. Par exemple, le président de l’UFE montre longuement les piles de procédures engagées : « Et encore, moi j’ai pas tout, c’est que depuis une demi-douzaine d’années, mon prédécesseur a aussi quelques classeurs en réserve ! Énormément d’interventions, rencontres, lettres, mémorandums, tout ça » [55]. Les responsables interrogés expliquent de la sorte la lenteur de la récolte des fruits de leur travail, en particulier lorsqu’ils recourent aux tribunaux.

Le droit communautaire, support d’action contentieuse

32 En effet, si aucune solution amiable ne se dessine, les représentants frontaliers s’adressent couramment aux tribunaux. Le président de la section française OGB-L y voit une issue aussi fréquente que logique : « Si les politiques estiment que c’est un problème qui finalement ne leur rapporte pas grand-chose, à un moment vous avez l’action, c’est le contentieux. C’est comme tout, soit on est capable de régler un litige entre parties, soit c’est un juge qui va trancher ». Pour autant, nos interlocuteurs ne minorent pas les inconvénients ; en particulier, la longueur des procédures est décriée par rapport à des cas individuels lourds, ce qui irrite le président de l’AFAL : « Maintenant avec le droit communautaire, on sait déjà où s’adresser, mais le problème c’est que ça met huit ans pour être réglé ! Vous prenez un cancer très grave, au bout de huit ans, le gars s’est éteint ! » [56].

33 Plus précisément, différentes juridictions sont saisies en fonction des dossiers : tribunaux du travail, sociaux et communautaires, afin de faire jurisprudence à partir de cas d’espèce, comme l’expose le président des frontaliers OGB-L : « Y’en a qui disent : “Qu’est-ce qu’on va mettre une affaire au tribunal pour 100 €”. Mais si, c’est un problème de principe ! Alors on ira même pour 100 €. Parce qu’on veut une jurisprudence ou faire capoter certaines jurisprudences qui vont à l’encontre des droits des salariés ». Cet objectif justifie aux yeux des responsables frontaliers une prise en charge par l’organisation. Cela constitue d’ailleurs une charge financière importante pour les collectifs ; le même frontalier OGB-L le souligne : « S’il faut un avocat, il est pris en charge à 100 %. Quand vous voyez les honoraires au Luxembourg, on attrape peur ! Et si vous allez en cassation, pfuuu ! » Ce poids est plus aisément supporté par une section syndicale que par une association ; ces responsables du CDTFM expliquent ainsi faire un choix nécessaire : « Si c’est un problème qui a une portée générale pour le collectif, on finance le tout, c’est clair. Parce que ça servira à tout le monde. Mais du moment que c’est un problème particulier, on essaie de donner une petite participation. On ne peut pas, les frais d’avocat c’est impossible. En cassation, 15 000 F, dès le départ ! Donc avec 120 F de cotisation annuelle… » [57].

34 À cette dimension contentieuse se superpose une veille juridique sur les évolutions en cours. Le président du CDTFM donne l’exemple des récents débats concernant l’imposition à la source : « Les frontaliers, nous payons nos impôts en France. Est-ce qu’ils vont renégocier la convention fiscale, en disant “Les Allemands n’ont qu’à les imposer également à la source” ?… Quand on sait que l’impôt direct est très élevé en Allemagne et l’impôt indirect très élevé en France, on sera perdant des deux côtés ! Donc c’est pour ça que nous avons déjà posé la question au ministère pour connaître leurs intentions. Faut toujours être vigilant. » Cette attention permanente s’explique aussi par la montée en puissance de l’intérim transfrontalier. Les règles de droit sont alors plus aisément contournées, les intérimaires étant rarement au fait des différentes législations et n’adhérant guère à des syndicats. Du coup, ces responsables frontaliers de la CGM-Sarre s’intéressent de près au sujet : « De plus en plus, il y a les boîtes de location, l’intérim, c’est là qu’on a le plus de problèmes. On essaie de faire travailler les gens à bas prix et même sans être assurés, parce qu’ils comprennent mal qu’à partir du moment où ils vont travailler en Allemagne, ils sont aussi assurés à la caisse de retraite allemande. On essaie un peu de truander, on peut dire, avec eux. Et ça dépend où est immatriculée la société. Toutes ces choses-là, c’est très complexe si on se tient pas au courant » [58].

Une montée en généralité européenne par le droit

35 Face à ces problématiques, se tourner vers l’Europe est devenu « naturel » pour les porte-parole frontaliers. L’évolution du président de l’UFE est significative. Alors que, dans un premier temps, ce militant socialiste a pour réflexe d’invoquer les grands principes nationaux, il se rend compte des ressources plus efficaces qu’est susceptible d’offrir le droit communautaire : « Au départ, je prenais la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, j’avais attaqué là-dessus, et puis très vite j’ai commencé à regarder le traité de Rome : “Tiens, il interdit les discriminations sur la base de la nationalité, libre-circulation…” C’est là que je me suis dit “Ça serait peut-être plus intéressant d’élargir au champ européen” ». Le discours laudatif du vice-président du CDF-Musson le montre également : « Notre dernier recours est généralement l’Europe : nous pouvons affirmer que, grâce à elle, nous avons résolu de nombreux problèmes. L’Europe est une grande institution bien structurée, les frontaliers ont besoin de l’Europe ». Plus, les représentants frontaliers expriment leur sentiment de participer de la construction européenne à partir d’un « laboratoire transfrontalier », dont ils se présentent – l’expression est récurrente – comme les « pionniers », à l’exemple du président de l’UFE : « Souvent, dans mes lettres, je dis : “Nous on est les pionniers de l’Europe au quotidien”. Le parisien qui achète une voiture allemande, il construit moins l’Europe que moi. J’ai épousé une Allemande et je vais en Allemagne, mes enfants sont bilingues et binationaux : nous les frontaliers, on fait vraiment l’Europe ! » [59].

36 Ce discours s’explique par la conjonction de différents facteurs. D’abord, les accords entre deux États ne s’avèreraient pas toujours « fonctionner » en pratique, amenant à s’adresser à l’Union européenne ; par exemple, entre la France et l’Allemagne, cet associatif souligne : « Nous on dit que certains dossiers pourraient se régler par voie bilatérale. Comme l’invalidité [non-reconnaissance des taux], normalement ça aurait dû être réglé depuis longtemps ! Seulement, les critères sont différents d’un pays à l’autre » [60]. Ensuite, il existe un lien historique entre les institutions européennes et les organisations de frontaliers, qui ont trouvé là leurs premiers soutiens institutionnels face aux États. Ainsi, le président de l’UEF rappelle le rôle joué dès les années 1970 par le Conseil de l’Europe : « Lors de la deuxième confrontation européenne des Régions frontalières en 1975, des contacts avec des organisations de frontaliers d’Autriche, de Belgique, d’Allemagne Fédérale et d’Italie ont fait prendre conscience qu’il était nécessaire d’élargir le débat au niveau de l’Europe » [61]. Cette manifestation a constitué une scène de mise en forme des revendications vis-à-vis des pouvoirs publics ; la déclaration finale le traduit :

37

« A. Section L 15 – Le travailleur frontalier doit être protégé par un statut européen fixant ses droits et ses obligations et mettant un terme à toute discrimination. […]
B. Section B 21 – Les gouvernements doivent réserver aux travailleurs frontaliers, sur le plan des droits du travail et des droits fiscal et social, les mêmes traitements qu’aux travailleurs résidant dans leur pays. »

38 Cette coopération avec le Conseil de l’Europe s’est maintenue par la suite – le 1er congrès des Associations de frontaliers européennes en mai 1976 et la 3e conférence européenne des Régions frontalières en septembre 1984 le corroborent [62]. Aussi, ces liens tissés de longue date sont d’autant plus aisément réactivés aujourd’hui. Enfin, les responsables frontaliers ont fréquemment souligné une certaine méconnaissance du droit communautaire chez les fonctionnaires et gouvernants français, ce qui leur ouvre une voie possible pour contester des mesures prises : « Il y a très peu de politiques vraiment au courant des problèmes frontaliers ! Même à Paris, même le ministère. C’est des gens qui ont fait du droit, qui disent : “Ah non, vous ne cotisez pas au régime local [63], donc vous n’y avez pas droit”. On dit : “Ecoutez, il y a tel et tel article, y’a l’Annexe 6 du règlement communautaire, y’a l’article 19 [64]. Donc c’est clair, nous sommes affiliés indirectement”. “Oui, mais vous ne payez pas de cotisations”. Mais on cotise en Allemagne. On ne peut pas encore cotiser en France ! » [65].

39 Ceci ne peut que conforter les représentants frontaliers dans leur « appel » à l’Europe. Un signe fort tient dans la mobilisation régulière des instances européennes relativement au travail frontalier en Suisse, c’est-à-dire hors champ direct d’application du droit communautaire [66]. L’assurance invalidité-maladie fournit un exemple parmi d’autres. Cette couverture n’étant pas obligatoire en Suisse, elle n’est pas prise en compte par la première Convention bilatérale signée le 9 juillet 1949 avec la France. C’est dans ce contexte que se met en place en 1969 une première coordination de frontaliers dans l’espace Rhin-Léman. Après divers avatars, une Convention de Sécurité Sociale est signée en juillet 1975, prenant en compte l’ensemble des institutions sociales au fur et à mesure de leur réciprocité. L’appui du Conseil de l’Europe a été d’importance, si on sait que le chef de la délégation suisse n’est autre que le rédacteur de la Convention européenne de Sécurité sociale du Conseil [67]. Davantage encore par la suite, les responsables frontaliers usent de la construction européenne comme levier, réclamant point par point l’extension des règlements communautaires dans les relations franco-suisses [68]. Ceci se comprend d’autant mieux que la Commission européenne a reçu en 1994 mandat actif de négociation de la France et de la Suisse pour conclure un accord CEE/Suisse de coordination des régimes de sécurité sociale. Les collectifs sont alors confortés sur ce terrain, en même temps qu’amenés de fait vers les interlocuteurs européens [69]. On voit là que leur action est liée à la fois à l’émergence de nouveaux centres de décision communautaires et à la transformation des espaces nationaux de représentation des intérêts.

« Europe sociale » vs « Europe de la finance »

40 Pourtant, il y a dans cet intérêt des porte-parole frontaliers pour l’Europe un paradoxe apparent. En effet, on doit mentionner leurs dénonciations récurrentes de « l’Europe de Maastricht » ; le président du CDTF-Moselle est ici particulièrement vif : « Malheureusement, l’Europe qui se construit actuellement, c’est l’Europe de la finance… contre les systèmes de retraite, la Sécurité sociale, les conventions collectives. Le monde du travail souffre de Maastricht, y’en a eu des attaques contre le droit social, à la tronçonneuse ! Le cœur de Maastricht, c’est la libre concurrence entre les firmes et les salariés. Donc c’est la loi de la jungle ! Moi je suis profondément européen, mais l’Europe des travailleurs, l’Europe de la justice sociale. Donc ce sont des actes politiques que nous devons combattre » [70].

41 Ainsi, l’investissement des responsables frontaliers vis-à-vis de l’Europe est aussi lié à une référence repoussoir : la libre circulation des capitaux, l’Europe de l’économie et de la finance, face à laquelle est prônée la « vraie » intégration européenne, la libre circulation des hommes, l’Europe sociale [71]. C’est bien en fonction d’un groupe « opposé » structuré – le pôle patronal – que s’articulent en contre-point les interventions des responsables de collectifs, qui profitent d’une légitimité « par ricochet » [72]. Ceux-ci louent alors les vertus du droit communautaire et le soutien des institutions européennes lorsqu’il s’agit d’obtenir des aménagements favorables. Ce représentant OGB?L s’explique : « C’est vrai que ça peut être un peut contrastant, puisque d’un côté on critique certaines choses, et de l’autre… Y’a beaucoup de gens dans les permanences qui disent : “Oui, mais la loi là n’est pas normale !” Le fait de le dire, vous résolvez pas le problème. On est obligé de travailler avec une législation, c’est comme ça » [73]. On le comprend, c’est non seulement un déplacement des enjeux au niveau européen qui s’opère, mais encore une redéfinition de ceux-ci, qui positionne le transfrontalier dans un rapport direct à l’Europe [74].

Des scènes de règlement ouvertes à l’expertise

42 Ce regard de tous les instants vers la ressource juridique européenne a amené les porte-parole frontaliers à différencier leurs interventions auprès de plusieurs instances de l’Union : la Cour de Justice (CJCE), la Commission et le Parlement Européen.

43 La CJCE est, par définition, l’institution où aboutissent les plaintes constituées par les représentants frontaliers pour méconnaissance du droit communautaire par les États membres [75]. Ils peuvent ici se fonder sur le principe de la libre circulation des personnes [76]. Ce responsable français OGB-L le souligne : « Le droit communautaire ça nous ouvre… Si on prend au niveau Sécurité sociale, on a le Règlement 1408/71 qui est bien rôdé, à partir du moment où il y a des litiges qui ne peuvent pas se résoudre, il y aura la Cour européenne de Justice, donc c’est intéressant ». Ainsi, c’est devant la CJCE qu’ont été portées les revendications marquantes des organisations de frontaliers. L’épisode le plus souvent évoqué concerne l’arrêt du 15 février 2000 sur le non-assujettissement des frontaliers français à la CSG et à la CRDS. Le président du CDTFM le rappelle : « La CSG-CRDS, d’après la loi française, c’est un impôt, donc tous ceux qui sont imposables en France doivent la verser. Seulement, ça va directement à la Sécurité sociale, et en vertu des règlements communautaires nous payons la cotisation sociale en Allemagne. Donc là il fallait aller jusqu’à la Cour européenne, ça a demandé un travail énorme depuis 1992 ! Fou ! Vous ne pouvez pas vous imaginer… Ça c’est la plus grande victoire ! » La décision favorable de la Cour devient dès lors le garant de la légitimité des collectifs ; le président du GTE d’Annemasse ne s’en cache pas : « Faire condamner l’État concernant la CSG et la CRDS, il faut le dire, par rapport à notre image ça nous a permis pas mal de choses ! » [77].

44 Quant à la Commission européenne, elle est d’abord sollicitée pour son rôle dans le déclenchement de la procédure de recours en manquement, ainsi que l’expose le président des frontaliers OGB-L : « La Commission, c’est surtout quand on a déjà des problèmes. Là, on leur transmet le dossier pour voir s’il est compatible avec le droit communautaire. S’il ne l’est pas, la Commission va échanger des courriers avec la France, et puis soit ça se réglera, soit il faudra aller devant la Cour de Justice ». Mais ce soutien va parfois plus loin. Ainsi, le vice-président du CDF-Musson salue l’assistance trouvée auprès de la Commission, alors même que la Cour de Justice avait débouté l’association, s’agissant d’un prélèvement exercé par la France sur les retraites complémentaires versées aux frontaliers belges : « En 1992, la Cour a donné raison à la France. La réponse était que les institutions complémentaires ne sont pas reprises dans le règlement européen 1408/71, seuls les régimes de base sont pris en considération. C’est la Commission qui a débloqué la situation en 2000. Sa direction juridique a convaincu les commissaires européens que les institutions de retraites complémentaires devaient rentrer dans le règlement » [78]. L’appui des fonctionnaires de la DG Affaires sociales apparaît ici complet. Ils ont même continué à soutenir le comité belgo-français par la suite, afin d’obtenir une rétroactivité plus importante de la mesure. Le gouvernement français transige et, dès fin 2001, le président du CDF informe ses adhérents d’un compromis supplémentaire : « La Commission européenne a fixé l’application de la dispense au 1er janvier 1998, ce qui signifie que la France doit rembourser la retenue entre janvier 1998 et décembre 1999 » [79]. Les frontaliers n’en demandaient pas tant, mais l’affaire se poursuit encore, concernant cette fois les retraites IRUS, retraites minimales belges fournissant un supplément si les droits acquis sont très faibles. On se rend compte que les responsables du CDF sont portés par la vague, écrivant à leurs membres en 2002 : « L’IRUS est une retraite supplémentaire et non complémentaire, donc la France s’estime en droit de prélever. La Commission vient de nous faire part de son intervention pour faire supprimer ce prélèvement abusif. À suivre… » [80]. De fait, l’issue est rapide et positive – les dirigeants du CDF peuvent l’annoncer dès la livraison suivante de leur bulletin : « Les services de la Commission européenne ont étendu l’annulation des retenues aux retraites IRUS. Que l’équité de cette Commission en soit remerciée ! » [81].

45 Cet épisode est particulièrement intéressant puisqu’en l’espèce, une initiative pointant localement des disparités pour les frontaliers use du relais de l’institution présentée comme la plus typique de l’Europe « technocratique » [82]. Inversement, ce député d’une circonscription frontalière qui a tenté de s’adresser à la Commission à partir d’une légitimité élective nationale estime la voie inappropriée : « J’ai fait une démarche auprès de la Commission, mais là c’était totalement tombé dans le vide ! La Commission, c’est hors de portée ! » [83]. On saisit de la sorte que l’espace européen est favorable aux représentants frontaliers en tant que porteurs d’expertise juridique [84]. En retour, les fonctionnaires européens se voient confortés dans leur position et peuvent bénéficier du travail de terrain des collectifs. Un exemple très net est fourni par le cas de cet ancien fonctionnaire investi aux côtés des associatifs pour plaider un dossier fiscal devant la CJCE ; son engagement est souligné par les responsables frontaliers eux-mêmes : « Il y avait M. Z., qui était de la Direction Générale XV, il a défendu le cas Gschwindt [85], une fois qu’il était en retraite. Ça n’a pas suffi, mais quand même… » Une alliance « objective » se noue ici entre partenaires que rien ne semblait a priori rapprocher : anciens syndicalistes peu enclins à saluer l’Europe de Maastricht et euro-fonctionnaires tenus pour emblématiques des travers de la bureaucratie. Le responsable du CDTFM est pourtant explicite : « La DG Emploi et Affaires sociales, c’est notre principal interlocuteur. Nous avons même déjà fait un déplacement à Bruxelles, ils sont toujours très heureux de voir que nous sommes sur le terrain, parce que eux sont situés à un niveau beaucoup plus élevé. Ils peuvent seulement faire avancer les choses à travers les plaintes qui leur sont formulées » [86].

46 Enfin, signe de la place croissante de cette institution sur la scène européenne, les responsables frontaliers s’adressent aussi au Parlement européen pour solliciter son soutien à travers la Commission des pétitions. Ce représentant frontalier OGB-L retient en particulier le caractère commode de la procédure : « Il y a aussi le Parlement européen, où on peut déposer des plaintes. Je l’ai fait moi par Internet… pfuiii. Et c’est parti ! Donc eux vérifient si effectivement c’est un problème de droit communautaire et, quand ils ont tous les éléments, interpellent la Commission européenne du problème. Ça c’est pratique ! » [87].

Une ressource complexe à manier et contestée

47 On peut alors conclure à une perte de contrôle de « l’État fort » [88] – image classiquement associée au cas français –, ce qui ne signifie pas effacement pour autant. En effet, l’attrait pour le droit communautaire n’en fait pas une panacée aux yeux des interviewés. Différents litiges ne sont pas susceptibles d’y trouver une solution, en particulier en matière de fiscalité directe, et, même lorsque les normes européennes s’appliquent, trois séries de réserves peuvent expliquer les limites des recours. D’abord, pas plus que les législations nationales, la règle communautaire ne prévoit toute la diversité des situations concrètes. Le président du CDTFM le souligne : « Bien entendu, il y a encore des vides dans ces règlements. Par exemple, la non-reconnaissance des taux d’invalidité, c’est la catastrophe. Du fait que y’a pas de concordance entre la France et l’Allemagne, y’a des travailleurs qui sont reconnus invalides par la caisse française et les Allemands disent qu’ils peuvent encore faire un “travail léger”… On avait un gars, 300 F par mois de pension d’invalidité ! »

48 Ensuite, même après un arrêt de la CJCE, les conflits d’interprétation peuvent durer. Ainsi, entre France et Allemagne, la question de la Pflegeversicherung [assurance-dépendance] demeure toujours contestée ; ce dirigeant du CDTFM s’en offusque : « La Cour de Justice a rendu un arrêt comme quoi cette prestation est exportable. Donc on pensait avoir gagné la partie. Et maintenant l’Allemagne dit : “Oui, mais il faut être ressortissant de la caisse allemande”. Le travailleur frontalier qui a cotisé dans les deux pays, en vertu des règlements communautaires, il est affilié à la Sécurité sociale française. Et là les Allemands disent non. Alors que le frontalier qui a fait toute sa carrière en Allemagne, il reste affilié au régime allemand, donc lui aura droit à la Pflegeversicherung ! C’est ahurissant ! »

49 De plus, le champ d’application d’une décision de justice peut s’avérer restrictif : si le droit fonctionne ici comme un opérateur d’européanisation, ce processus n’est jamais complet. L’arrêt Schumacker du 14 février 1995 concernant l’imposition des frontaliers a ainsi déçu nombre de collectifs. Ce responsable de l’UFE l’explique : « Le procès Schumacker nous a donné beaucoup d’espoirs et puis ça n’a réglé que les cas vraiment limites. La femme de M. Schumacker ne travaillait pas. Pour tous ses revenus, il n’était imposé que par l’Allemagne, qui ne prenait pas en compte sa situation familiale, puisqu’elle disait “C’est au pays de résidence de le faire”. Mais comme il n’avait pas de revenus en Belgique, la Belgique ne pouvait pas. Là, la Cour de Luxembourg a trouvé que c’était vraiment trop gros, mais c’est purement symbolique, ça n’a rien changé pour nous ! »

50 Troisièmement, le droit communautaire devient un objet de litiges entre responsables frontaliers et pouvoirs publics nationaux, qui investissent à leur tour ce créneau pour en tirer des interprétations favorables. Ainsi, le président du CDTFM regrette la remise en cause d’une ancienne convention franco-allemande sur la prise en charge des ayants droit étudiants des frontaliers français travaillant en Allemagne : « En France, à 20 ans, étudiant, vous cotisez à un régime étudiant. En Allemagne, où on cotise, les ayants droit sont pris en charge jusqu’à 27 ans. Avant, on avait trouvé un accord avec les Allemands. Mais Paris a dit : “Non, il faut respecter les directives communautaires”. Mais on n’est pas tellement d’accord avec ce texte… »

51 Dans ce contexte d’appel généralisé au droit européen, l’apprentissage des savoir-faire juridiques peut être source de déconvenues pour des militants convaincus de leur bon droit ; les sentiments acres de ce responsable de l’UFE, enseignant en sciences physiques, le montre bien : « La Cour de Justice, avec le cas de mon épouse, ça m’a fait découvrir le monde du droit, eh bien ça m’a beaucoup déçu. Selon les intérêts qui sont en cause, on interprète dans le sens où ça convient, mais on ne cherche pas vraiment la justice, l’équité. […] Alors pour moi qui suis scientifique, qui raisonne de façon cartésienne, je me dis c’est pas possible ! Devant l’avis de l’avocat général à Luxembourg, quand j’ai vu ce qu’il a sorti comme arguments, j’étais effaré ! Et après, quand on les retrouve dans le jugement, alors là je n’ai plus compris » [89].

52 On saisit de la sorte que la mobilisation du droit communautaire suppose de la part des porte-parole frontaliers de détenir des compétences juridiques suffisamment avancées. Par là, c’est bien la question de leur formation à la représentation des intérêts dans le contexte européen qui est posée.

La formation des porte-parole frontaliers à la représentation des intérêts dans le contexte européen

53 Après trois décennies d’activités, les responsables frontaliers soulignent tous avoir gagné en reconnaissance auprès de leurs interlocuteurs ; le président du CDTFM insiste : « Avec toutes les institutions, on est crédible, quand ils entendent “Comité des frontaliers”, attention !… Ils savent très bien que ce qu’on dit ça tient la route. Notre carte de visite, c’est nos 8 000 adhérents et tous les contentieux qu’on a déjà réglés par les tribunaux. Et au niveau des ministères aussi, y’a pas de problème. Quand on va à Paris, des facilités, les portes sont déjà ouvertes. Bercy, les Finances, le ministère de la Solidarité aussi… Et aux Affaires sociales, on va y aller la semaine prochaine ! » [90]. C’est l’acquisition progressive de cette position « incontournable » sur les questions de travail transfrontalier qu’il s’agit d’interroger, en distinguant les différentes facettes de l’expertise mise en avant par les représentants frontaliers et en examinant le mouvement de professionnalisation qui inscrit aujourd’hui ces acteurs dans une nécessaire formation aux questions juridiques et européennes.

Les trois modalités de la ressource experte

54 À des degrés divers selon le type d’affaire en jeu, trois modalités de ressource experte sont mobilisées au sein des organisations de défense : l’expérience des bénévoles acquise au fil des cas traités, l’aide de juristes de certaines centrales syndicales et l’assistance d’avocats spécialistes lorsque la procédure contentieuse le justifie.

55 Toute question d’un adhérent est d’abord posée par téléphone ou durant des permanences aux responsables des collectifs. Fréquemment, un soutien extérieur ne s’avère pas nécessaire : les personnes que nous avons observées sont bien rôdées dans le règlement de la plupart des soucis courants. Face aux appareils syndicaux, c’est en effet prioritairement le bénévolat qui est mis en avant chez les associatifs. Les difficultés pour conjuguer les emplois du temps professionnel et associatif sont alors soulignées comme autant de signes de dévouement ; par exemple au CDTF-Haut-Rhin : « Moi je suis bénévole, ça fait dix ans que je fais ça, et j’ai mon travail. Et c’est du travail, parce que je vous dis 1 500 dossiers traités ! [Puis, exposant un récent cas de licenciement :] Donc le lendemain j’ai pris libre, attention ! J’ai pris congé, je suis allé au tribunal et j’ai porté plainte. On a gagné le procès. Et la personne m’a adressé une lettre de remerciements, que ça m’a touché » [91]. Le contraste est saisissant par rapport à cette responsable syndicale de la CGT-Lorraine spécialisée dans les questions transfrontalières, qui jouit du régime favorable aux organisations représentatives : « Déjà le Conseil économique et social interrégional ça vous donne plus d’un mi-temps. Pour toute réunion, vous avez la journée. Donc par cumul de mandats, encore un peu et on me devrait presque des jours parce que j’y ai droit ! Je fais que ça, moi » [92]. Pour autant, les frontières se brouillent fréquemment. Nombreux sont les syndicalistes qui insistent sur le fait qu’ils n’interviennent pas en cette qualité lorsqu’ils assurent l’accueil des frontaliers. Ceci se ferait en plus de l’action syndicale ; ce représentant de la CGM-Sarre tient à le souligner : « On est un petit syndicat, je ne sais même pas si on pourrait demander à être payé pour ça. Les permanences, on est bénévoles ». Inversement, même lorsque le responsable d’une association est devenu un permanent rémunéré, celui-ci assure que son engagement va bien au-delà du salaire ; ainsi du président de l’AFAL : « On prend beaucoup sur soi. Là je suis parti en week-end, j’ai pris mes dossiers avec moi. C’est un investissement familial et amical, c’est des amis qui font tout. Là, le bulletin, une personne m’a déjà trouvé une petite erreur, me téléphone pour me dire ça, plus ou moins sous forme de reproche, moi je me dis des fois “est-ce que ça vaut le coup de passer un samedi-dimanche à mettre sous enveloppe et puis des gens vont tilter pour une petite erreur ?” Mais bon, 99 % de nos adhérents sont reconnaissants… » [93].

56 Pareilles insistances montrent que le recours à la sphère de la consultance et de l’expertise professionnelle sied mal à un groupe qui s’est constitué autour d’une identité sociale [94]. Toutefois, en cas de besoin, il est ponctuellement fait appel aux juristes de syndicats « alliés » ; le vice-président du CDTF-Moselle le souligne : « Ce qu’il y a, on travaille quand même en étroite collaboration avec le DGB [95], et avec la CGT à Paris, elle a fait du bon travail dans l’affaire CSG-CRDS ». Le recours à des avocats demeure également mesuré ; ce sont autant les limites des associations en termes de moyens que le primat accordé à la compréhension de terrain qui ressortent, à l’exemple du président de l’UEF : « Il faut se rendre à l’évidence que des cabinets d’avocats sont trop chers. Sur la CSG, nous sommes intervenus auprès du Tribunal des Affaires sociales de Mulhouse, de Strasbourg et d’ailleurs. Là, certaines personnes que nous défendions ont pris des avocats, qui leur ont fait d’entrée dépenser des honoraires assez conséquents, sans pour cela apporter un complément utile à la structure de la défense » [96]. Néanmoins, devant certaines juridictions, la représentation par un avoué s’avère indispensable. Les préventions du vice-président du CDF-Musson à l’endroit d’initiatives personnelles sont ici significatives : « Nous mettons en garde nos adhérents que, s’ils ont l’intention eux aussi de saisir la justice, il est important de choisir un cabinet d’avocats compétent en matière fiscale et droits internationaux, car tout jugement précipité en notre défaveur risque de nous être préjudiciable par la suite, jurisprudence oblige » [97]. L’objectif de faire jurisprudence suppose en effet de s’attacher au besoin les services de ténors du barreau, ce qui est possible dans le cas particulier des avocats « travaillistes » [98]. Le président du CDTFM souligne ainsi le rôle joué par son « avocat vedette » : « Lui, c’est le grand caïd. Il défend déjà que les ouvriers, pas les patrons ! C’est lui qui nous a fait le mémoire sur la CSG-CRDS en 1992, il a fait massue auprès de la Commission européenne, parce qu’au départ elle n’était pas tellement de notre côté non plus » [99]. En même temps, lorsque notre interlocuteur accentue l’engagement constant de cet avocat dans la défense des salariés, c’est bien un problème de conformité à l’identité sociale du groupe qui ressort.

La formation des représentants frontaliers, un enjeu de professionnalisation

57 Sous ces différentes modalités, la compétence juridique positionne favorablement les responsables frontaliers au niveau européen, notamment parce que le droit permet de « délocaliser » les problèmes et facilite une montée en généralité, c’est-à-dire l’imposition légitime sur l’agenda politique de la question d’un statut de frontalier en Europe, par-delà la diversité des situations bilatérales. Ceci explique l’importance prise par les questions de formation des représentants frontaliers au cadre d’action communautaire. Or, ces derniers ont d’emblée souligné l’absence de filières initiales scolaires et universitaires spécifiquement adaptées aux problématiques du travail frontalier, ce qui positionne l’enjeu de la formation continue, qu’il s’agisse de bénévoles ou de salariés des collectifs. La responsable de la Maison Transfrontalière du GTE d’Annemasse le pointe clairement : « Des diplômes là-dessus, il n’y en a pas du tout ! C’est pour ça qu’on compte à peu près une année de formation pour notre personnel, une formation en interne essentiellement » [100].

Le primat de l’auto-formation

58 Les associatifs ont insisté sur l’importance de leur apprentissage personnel des questions juridiques. Dans certains cas, ils s’estiment compétents au titre leur cursus, comme au sein de l’Association des frontaliers au Luxembourg : « Ça fonctionne parce qu’on a parmi nous un avocat, notre président, c’est lui qui peut porter plainte devant les tribunaux ». Au contraire, d’autres porte-parole plus militants se réclament d’une compréhension pratique des problèmes, au titre de leur vécu quotidien ; par exemple, le président du CDTFM : « Nous ne sommes pas des juristes, pas des intellectuels. Moi j’ai un certificat d’études primaires et un CAP [Certificat d’aptitude professionnelle] de composeur-typographe, ça s’arrête là. Le reste, ça vient de travailler sur le terrain, en autodidacte. On est des ouvriers, hein. […] Les problèmes frontaliers, y’a personne d’autre qui peut les résoudre. Ils ne connaissent pas le phénomène, parce qu’ils ne sont pas confrontés journellement avec ces problèmes comme nous » [101].

59 Un épisode significatif de cet apprentissage in situ tient au litige technique qui oppose les responsables du CDF-Musson au fisc belge sur la déclaration des retraites complémentaires (RC) françaises. La position première est assez tranchée ; dans son bulletin, le vice-président invite en 2001 les adhérents à ne pas déclarer au taux plein :

60

« Vous déclarez vos retraites complémentaires rubrique 214 pour une imposition à 16,5 %, et de plus vous ne déclarez que le 1/3 en ce qui concerne l’ARRCO, et le 1/4 en ce qui concerne l’AGIRC [organismes français de retraite complémentaire]. Pour la bonne et simple raison que seule la part de retraite complémentaire constituée par les cotisations salariales est imposable en Belgique, la part constituée par les cotisations patronales est exonérée, plusieurs jugements ont été prononcés sur le sujet. Nous mettons ici à votre disposition un résumé du chemin administratif à parcourir, avec toutes les lettres argumentées, à renvoyer au fisc » [102].

61 Cet appel perd pourtant en intensité au fil des mois. Des marques de prudence font leur apparition dans le journal du CDF ; elles traduisent les doutes croissants des associatifs sur l’issue du litige et les rappels conséquents qu’il faudrait alors gérer. Ainsi, pour la déclaration 2002, on peut lire sous la même plume : « Le CDF laisse à ses membres l’entière liberté de déclarer leurs retraites complémentaires sous la rubrique où ils estiment ne pas être lésés dans leurs droits. Il est bien évident que si, en tout état de cause, vous suivez l’optique du CDF, il ne nous est pas possible de vous garantir l’aboutissement positif de l’action en justice qui est toujours en cours » [103]. Quelques semaines plus tard, un revirement est même opéré et une nouvelle solution de déclaration avancée. Une compréhension progressive des mécanismes du droit fiscal s’établit ici, par essais et erreurs :

62

« Pratiquement, pour déclarer vos RC, il y a trois solutions :
1 – Soit vous les déclarez rubrique 211, vous serez alors imposé au taux progressif [plein].
2 – Soit vous suivez la thèse du CDF, alors vous déclarez vos retraites de base rubrique 211 et vous déclarez le 1/3 de votre retraite ARRCO et le 1/4 de votre retraite AGIRC rubrique 214 pour une taxation à 16,5 %.
3 – Soit vous ne déclarez que le 1/3 de votre retraite ARRCO et le 1/4 de votre retraite AGIRC avec vos retraites de base rubrique 211, elles seront imposées au taux progressif.
Actuellement, c’est la thèse n° 2 qui est défendue en justice par le CDF. Il apparaît suivant plusieurs conseillers fiscaux que c’est la thèse n° 3 qui soit la plus défendable. Ceci du fait que nos RC sont basées sur le principe de répartition plutôt que de la capitalisation, donc non taxables à taux réduit de 16,5 % » [104].

63 On peut alors suivre au fil des bulletins trimestriels du CDF les réajustements des responsables frontaliers en fonction des pistes et des difficultés qu’ils perçoivent petit à petit dans un univers guère familier. Ainsi, dans le n° 60 du Frontalier belgo-français est finalement présenté un tableau complet des différentes hypothèses de déclaration, suivant non plus deux ou trois, mais désormais quatre possibilités différentes, laissées à l’appréciation de chaque affilié [105].

L’adaptation aux nouveaux enjeux par la professionnalisation

64 Ce cas d’espèce donne à voir de façon exemplaire l’enjeu de la professionnalisation des comités frontaliers, qui s’appuient aujourd’hui sur de véritables moyens matériels et financiers. Ces collectifs sont souvent apparus à la faveur de la réunion de deux ou trois amis voulant « faire quelque chose », comme cela a été le cas pour le CDTFM, dont le fondateur se rappelle avoir tenu en décembre 1977 la première « réunion » un dimanche matin dans un café : « À 9 h 30, on était trois. Des gens allaient et venaient sur le trottoir. Je suis sorti pour expliquer. À la fin, j’avais les cinq premiers membres du Comité ! » [106]. Mais ce temps des balbutiements apparaît révolu. C’est ce qui frappe immédiatement le visiteur qui se rend aux sièges de ces groupements. Par exemple, les locaux de la section des frontaliers français OGB-L sont tout à fait spacieux, se composant de deux grands bureaux, l’un pour l’administration, l’autre pour les permanences, avec tout le matériel de bureau moderne et un équipement informatique dernier cri. Quant au président de la plus importante association de frontaliers français, le GTE, avec 27 000 membres, il note fièrement : « Nos locaux, vous voyez que c’est important, il y a 500 m2 de bureaux ici à Annemasse. On a un vrai standard professionnel, et regardez toutes nos permanences délocalisées… » [107]. Ces organisations brassent en effet des sommes importantes. Parmi d’autres, le bilan financier du CDTFM (qui compte environ 8 000 membres) en convainc : par exemple, l’association a collecté 1 474 136 F de ressources pour l’exercice 2001, avec un excédent comptable de 760 815 F, et 246 233 €, dont 76 902 € restant en caisse, en 2004 [108].

65 Aussi, et même si les motivations du bénévolat sont toujours énoncées, beaucoup reconnaissent que cette modalité de travail ne s’avère plus véritablement adaptée ; le président des frontaliers OGB-L en convient : « Les frontaliers au Luxembourg, y’en a à l’heure actuelle 54 000 ! Et ça augmente encore ! Alors pour nous, ça fait beaucoup de travail, et tout ce qui est fait ici, c’est sur mon temps de loisir ! Mais on va professionnaliser certaines choses, parce que ça devient indispensable. Je traite quand même jusqu’à 1 500 dossiers par an. Et après il y a toute la dimension politique : les réunions de comités, les déplacements, donc ça devient trop » [109]. L’organisation très pointue des assemblées générales est un signe de cette évolution dans les modes de pensée des représentants frontaliers ; ainsi, au CDTF-Moselle : « Les AG sont toujours bien suivies, vous avez pu voir. Bon, on met également tous les moyens, pour les collègues allemands, avec traduction simultanée… On travaille déjà un peu comme des pros ! », tient à préciser le président [110]. En outre, des sites Internet sont également développés, avec une configuration conviviale et réfléchie [111], et les collectifs éditent tous à présent des périodiques d’information de belle facture, comme le bulletin de l’AFAL, Le Frontalier rhénan, ou celui du CDTFM, Le Frontalier, source de fierté : « Là j’ai également le dernier journal qui vient de sortir, qui retrace toute notre AG, tout ce qui s’est dit. C’est notre premier en quatre couleurs ! Donc ça a de la gueule, comme on dit » [112].

La nécessité de la formation des responsables frontaliers

66 Dans ce contexte de développement des activités, la nécessité perçue d’une formation continue aux problèmes européens est un autre marqueur du processus de professionnalisation. Les sections de frontaliers affiliées à un syndicat ont ici un atout, pouvant combiner les possibilités offertes au niveau des comités d’entreprise, de leur centrale syndicale et à travers des institutions privées de consultance. Ces facilités sont clairement avancées par ce délégué de la CGM-Sarre : « De façon générale, on a des formations mensuelles au comité d’entreprise et on a droit à deux stages rémunérés par le patron pour se former aux nouvelles réglementations. [feuillète un classeur] Le prochain que je vais faire, à la fin du mois, une semaine à Berlin, au niveau du comité d’entreprise : “présentation et examen de jurisprudence récente de droit du travail”. Sinon, là, c’est par notre syndicat, “droit social et nouvelles réformes de santé”. Alors ça c’est la WAF, un organisme privé [113] dans le coin de Munich, cette année c’est Bundesarbeitsgericht [tribunal fédéral allemand du travail], parce qu’il y a plein de choses qui vont changer. Si on prend le catalogue WAF 2004-2005, y’a plein de formations. Donc c’est à voir dans quel domaine vous êtes encore moins informé ».

67 Aussi, les associatifs insistent-ils pour leur part sur l’intérêt de tisser des partenariats avec des administrations ou institutions consulaires, susceptibles d’offrir sans coût une formation adaptée sur les évolutions juridiques ; par exemple, le président du CDTFM : « La Arbeitskammer [chambre de travail] de Sarrebruck met à disposition des juristes, pour nous. Donc il y a des gens qui sont prêts à venir. Pareil avec la CRAV [Caisse régionale d’assurance vieillesse] à Strasbourg, on m’a dit : “Quand vous voulez, faire un petit truc d’une journée” » [114].

68 La question de la formation ravive ainsi les tensions entre représentants associatifs et syndicaux, particulièrement autour des EURES. Les syndicalistes disposent en effet par ce canal de formations aux enjeux européens, comme le signale ce conseiller EURES CGT de Strasbourg : « Dans la formation de base EURES, il y a toujours quelqu’un de la Commission qui intervient, c’est piloté par la DG Emploi ». Surtout, cette première phase de deux semaines est complétée par de la formation continue, appréciée parce qu’elle éclaire des problèmes quotidiens : « Il y a des formations spécifiques : sur le droit social communautaire, les implications, et on avance plus à partir d’exemples concrets, pour dire : “À cette situation, que disent les règlements européens ? le droit allemand ? le droit français ?” […] Là je me sélectionne dans le panel, parce que y’a pas mal qui se fait, par la CES à Bruxelles aussi. Des formations de deux jours, le système de retraite, c’est quelque chose qui m’intéresse, parce que je peux en avoir besoin dans mon conseil aux frontaliers » [115]. Du coup, les responsables des comités réclament avec vigueur de pouvoir également profiter de ces formations. Le point est particulièrement sensible en Lorraine, où le Conseil régional soutient directement depuis 1993 une instance originale, le Centre de ressources et de documentation (CRD) EURES [116], destiné à appuyer les conseillers EURES, comme l’expose sa directrice, fonctionnaire territoriale détachée par la Région :

69

« Au départ, le CRD formait les conseillers EURES de Lorraine. Depuis deux ans, on participe aussi à la formation de base EURES dans le programme général de l’Union européenne, sur l’assurance vieillesse cette année. Donc on va chercher l’intervenant le plus à même de présenter les points qu’il faut connaître pour pouvoir bien expliquer à quelqu’un, et puis bien sûr on leur prépare une documentation la plus étoffée possible sur ce qui peut leur être utile : d’abord in extenso, puis en comparatif allégé, ensuite en tableau de bord. Et des ateliers qui permettent aux conseillers EURES d’avoir une interactivité avec les intervenants, de proposer des cas d’école, pour pouvoir confronter. Ils sont très demandeurs de ça ».

70 Les associatifs s’adressent alors régulièrement aux élus régionaux pour être associés à la structure, en se réclamant de leur légitimité de terrain ; ce responsable du CDTF-Moselle y revient : « Le CRD, ils forment leurs euro-conseillers. C’est un paradoxe que eux en bénéficient et que nous qui sommes une organisation réellement confrontée à tous ces problèmes-là on n’y soit pas participant. Bon, c’est chapeauté par les syndicats. Il faut que le Conseil régional, qui est partenaire de ces EURES, lâche un peu de lest. Il faut les titiller un peu ! » [117].

Le recrutement de personnels salariés

71 À côté de la recherche de soutiens institutionnels, la mise en place d’un secrétariat administratif confié à des salariés est un autre élément significatif d’adaptation des comités locaux : « On a deux personnes salariées, une à mi-temps et une à temps complet, des secrétaires. Oh, sinon on n’y arriverait pas. Ça, bien entendu, c’est la grosse dépense », précise notamment le président du CDTFM [118]. La gestion du rapport entre la dimension militante et la dimension technique des activités est ici centrale et se concrétise dans la relation entre le bénévolat des dirigeants et l’embauche de salariés. Cette employée de la Maison Transfrontalière d’Annemasse le souligne : « Le groupement a toujours essayé de garder une base bénévole, donc militante. On a toujours un bureau directeur de quinze bénévoles qui prennent les grandes décisions. Mais le côté juridique et technique est devenu plus fort, donc on essaie d’être pointu, parce qu’il y a aussi un vide à combler ». Précisément, le GTE mérite ici une attention particulière : ses responsables sont allés plus loin, embauchant des personnels spécialisés, gage selon eux du développement de l’association :

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« Dans les années 1980, on a commencé à se doter d’une juriste, ce qui fait qu’on a pu apporter quelque chose de différent à nos adhérents parce qu’on a commencé à avoir l’audace d’employer quelqu’un de professionnel pour répondre à toutes nos questions. C’est de là aussi qu’on a pris toujours plus d’adhérents. Aujourd’hui, il y a dix-neuf salariés en tout : cinq juristes, trois assistants sociaux, un secrétaire général, une comptable, et tout le reste ce sont des personnels d’accueil, qui sont là pour donner les renseignements. Et on est sur le point d’en embaucher deux de plus. Donc aujourd’hui le Groupement est une PME. »

73 Le recrutement des personnels juridiques se veut ainsi des plus sérieux : « On a une commission de gestion du personnel, on est cinq dedans et on reçoit les candidats un à un, ils sont passés au crible. Il y a même des gens chez nous qui travaillent dans le recrutement de personnel de l’autre côté de la frontière… » Du coup, de jeunes diplômés sont fréquemment retenus pour leur adéquation à l’emploi, loin de tout profil militant. Le cas de la responsable de la Maison Transfrontalière du GTE l’atteste : « C’est mon premier emploi. J’ai commencé en octobre 2001, j’ai été recrutée spécifiquement pour ce projet-là. Les sept dernières embauches avaient moins de 30 ans, donc c’est vraiment des embauches plutôt jeunes ». C’est là le signe d’une professionnalisation qui s’accélère et s’accompagne d’une redéfinition des tâches confiées aux bénévoles et aux salariés au sein de l’association : aux seconds, l’information courante des membres, les permanences et la recherche juridique, aux premiers, la représentation ; l’animatrice de la Maison Transfrontalière le confirme : « On fait partie du comité régional franco-genevois, de la Conférence trans-jurassienne et du Conseil du Léman également [119]. On est expert auprès de ces structures. Mais là je connais très peu, en fait c’est plutôt les bénévoles qui vont prendre ça en charge et vont être représentés dans les commissions ». Cette influence des bénévoles n’est pas sans effet sur les recrutements. À côté des juristes, le lien familial avec un frontalier vaut toujours garantie d’une compréhension « réelle » des problèmes ; le président du GTE évoque d’emblée ce critère : « Une personne recrutée pour l’accueil doit toujours avoir une connaissance minimum de ce qu’est le frontalier, c’est-à-dire qu’on impose qu’elle soit au moins le conjoint d’un frontalier ». Dans tous les cas, une importante formation continue est ensuite fournie dans le cadre de l’association, comme le souligne le président : « Tous les employés du Groupement ont accès à des cours, sur les assurances sociales suisses, sur le droit social français, tout à fait officiellement en Suisse, par l’Université ouvrière ou les Cours commerciaux de Genève. Chacun a un peu son programme et doit rechercher ce qu’il est appelé à voir » [120].

74 Cet exemple de professionnalisation du GTE demeure toutefois unique à ce jour parmi les associations de frontaliers le long des frontières françaises, qui apparaissent plus largement engagées dans un processus en train de se faire. Ainsi, les représentants du CDTF-Moselle, qui ont voulu se lancer sur cette voie en 2003, ont rapidement révisé leurs ambitions :

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« On a un peu augmenté la cotisation, de 20 à 25 €. On voulait augmenter à 30, pour vraiment embaucher un juriste, alors on a consulté nos 8 000 adhérents avec un petit bulletin oui ou non. Il y a eu 49,75 % qui ont répondu, on s’est dit “qu’est-ce qui va se passer avec l’autre partie si on embauche quelqu’un ?” Donc tant pis… Y’a encore 1 000 impayés, hein ! En augmentant de 20 à 25. Du fait qu’on a pas mal de chômeurs, 500, ce sont des gens qui du jour au lendemain disent “on ne paie plus”. Sans compter les retraités, encore 400, qui peuvent dire “je dégage”. Donc c’était un risque trop important. Maintenant on est en train de mettre en place une permanence juridique avec un avocat allemand, sur rendez-vous, deux fois dans le mois » [121].

76 **

77 Inscrits dans leurs territoires d’implantation et de taille variable, les collectifs de frontaliers se révèlent cependant bien adaptés à la logique européenne, du fait de l’importance de l’expertise juridique mobilisée, leurs interventions dans le domaine de la normalisation et le recours parallèle aux autorités nationales et européennes. Aussi l’européanisation des intérêts de ces comités a-t-elle davantage eu lieu que pour les organisations professionnelles en général [122]. On a vu que les représentants frontaliers participent de l’européanisation en faisant connaître au niveau national et local les normes communautaires, rendues d’appréhension concrète dans la vie quotidienne et professionnelle des personnes concernées. Provenant d’une position périphérique, ces passeurs parviennent à se connecter à des univers beaucoup plus centraux, débouchant sur de l’action, par un travail sur et avec le droit et toute une activité relationnelle pour mettre en rapport des mondes qui ne se rencontraient pas [123]. C’est ce positionnement de courtiers en information sociale et juridique qui est aujourd’hui devenu concurrentiel, notamment vis-à-vis des responsables syndicaux.


ANNEXE

Liste des sigles

78 AFAL : Association des frontaliers d’Alsace-Lorraine à Haguenau

79 AGIRC : organisme français de retraite complémentaire des cadres

80 ARRCO : organisme français de retraite complémentaire des salariés

81 ASSEDIC : Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, gestionnaire de l’assurance-chômage française

82 CDF : Comité des frontaliers belgo-français de Musson

83 CDTF : Comité de défense des travailleurs frontaliers (Moselle et Haut-Rhin)

84 CES : Confédération européenne des syndicats

85 CFDT : Confédération française démocratique du travail

86 CGB : Christlicher GewerkschaftsBund : union des syndicats chrétiens allemands

87 CGM : Christliche Gewerkschaft Metall : syndicat chrétien allemand de la métallurgie

88 CGT : Confédération générale du travail

89 CJCE : Cour de Justice des communautés européennes

90 CPAM : Caisse primaire d’assurance maladie

91 CRAV : Caisse régionale d’assurance-vieillesse

92 CRD : Centre de ressources et de documentation des EURES de Lorraine

93 CRDS : Contribution au remboursement de la dette sociale

94 CSG : Contribution sociale généralisée

95 CSI : Conseil syndical interrégional

96 DGB : Deutscher GewerkschaftsBund : union des syndicats allemands

97 EURES : European Employment Services : services européens de l’emploi

98 EURES-T : EURES-Transfrontaliers

99 GTE : Groupement transfrontalier européen d’Annemasse

100 IRUS : retraite minimum belge

101 OGB-L : Onofhängege Gewerkschaftsbond Lëtzebuerg : Confédération syndicale indépendante du Luxembourg

102 OPHLM : Office public d’habitation à loyer modéré

103 SMIC : Salaire minimum interprofessionnel de croissance

104 UEF : Union européenne des frontaliers

105 UFE : Union des frontaliers européens

106 WAF : Institut der PrivatWirtschaftsAkademie Felderfing : organisme privé allemand de formation syndicale

Notes

  • [1]
    Plutôt que d’en considérer l’une ou l’autre face, ainsi qu’il ressort fréquemment des approches top-down (cf. notamment Patrick Hassenteufel, Yves Surel, « Des politiques publiques comme les autres ? Construction de l’objet et outils d’analyse des politiques européennes », Politique européenne, 1, 2000, p. 1-17) ou bottom-up (par exemple, Romain Pasquier, « L’européanisation “par le bas” : Les régions et le développement territorial en France et en Espagne », dans Joseph Fontaine, Patrick Hassenteufel, To change or not to change, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001).
  • [2]
    Sur le façonnage des identités et territoires dans les espaces entre France et Allemagne, on se permet de renvoyer à nos articles : « Entre voisins… Le transfrontalier. Le territoire du projet SaarLorLux », Les Annales de la recherche urbaine, 90, 2001, p. 199-207 ; et « La coopération urbaine transfrontalière ou l’Europe “par le bas” ? », Espaces et Sociétés, 116-117, 2004, p. 235-258.
  • [3]
    Pour un cadrage France/Suisse, cf. notre étude : « Les relations de travail transfrontalières franco-suisses (années 1960 à nos jours) : entre législations nationales et construction européenne, une problématique sociale de “l’entre-deux” », Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier suisse, 20, 2004, p. 135-151.
  • [4]
    Sources : EURES et Registre central des étrangers de l’Office fédéral de l’Industrie, des Arts et Métiers et du Travail de Berne.
  • [5]
    Par exemple, le nombre de frontaliers lorrains employés au Luxembourg passe de 2 100 en 1968 à 5 500 en 1975, respectivement de 4 600 à 12 000 pour ceux travaillant en Allemagne, et on dénombre 11 299 frontaliers alsaciens employés dans le canton de Bâle-ville en 1980 (4 507 pour Bâle-campagne), alors qu’ils étaient 5 560 en 1968 (1 232 pour Bâle-campagne) : mêmes sources que note précédente.
  • [6]
    Simon Kessler, Le Coin, Strasbourg, Imprimerie des Dernières Nouvelles d’Alsace, 1970 ; et, du même, Frontaliers d’Europe. Rapport sur les migrations transfrontalières, Strasbourg, Éd’Image, 1991, p. 127-186.
  • [7]
    Entretien, 07/10/2002.
  • [8]
    C’est notamment le cas du Comité des frontaliers belgo-français de Musson et des Frontaliers Inquiétés d’Anor, sur la frontière franco-belge, de l’Association des frontaliers au Luxembourg, du Comité de défense des travailleurs frontaliers (CDTF) de la Moselle, vis-à-vis de la Sarre et du Palatinat, de l’Association des frontaliers d’Alsace-Lorraine (AFAL), du Comité de défense des travailleurs frontaliers du Haut-Rhin, de l’Union européenne des frontaliers (UEF) et de l’Union des frontaliers européens (UFE) en Alsace, du Groupement transfrontalier européen (GTE) d’Annemasse pour la Savoie et le pays de Gex, etc.
  • [9]
    Entretiens, UFE, 02/12/2002 ; CDF, 30/09/2002 et 02/12/2002.
  • [10]
    Onofhängege Gewerkschaftsbond Lëtzebuerg : Confédération syndicale indépendante du Luxembourg.
  • [11]
    Entretiens, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [12]
    Cf. notamment Liesbet Hooghe (dir.), Cohesion Policy and European Integration : Building Multi-Level Governance, Oxford, Oxford University Press, 1996 ; Gary Marks, Liesbet Hooghe, Kermit Blank, « European Integration from the 1980s : State-Centric vs Multi-Level Governance », Journal of Common Market Studies, 34 (3), 1996, p. 341-378.
  • [13]
    Cf. Markus Jachtenfuchs, Beate Kohler-Koch, « Regieren im dynamischen Mehrebenesystem », dans Markus Jachtenfuchs, Beate Kohler-Koch (eds), Europäische Integration, Opladen, UTB/Leske & Budrich, 1996, p. 29.
  • [14]
    Pour preuve, cf. le numéro de Politique Européenne, « Les groupes d’intérêt et l’Union européenne », 7, 2002 ; et Sabine Saurugger, « L’expertise : un mode de participation des groupes d’intérêt au processus décisionnel communautaire », Revue française de science politique, 52 (4), août 2002, p. 375-401.
  • [15]
    Cf. notamment David Mitrany, A Working Peace System : an Argumentation for the Functionalist Development of International Organizations, Londres/Oxford, Oxford University Press, 1943 ; et Ernst Haas, The Uniting of Europe : Political, Social and Economic Forces. 1950-57, Stanford, Stanford University Press, 1958.
  • [16]
    On se réfère notamment aux apports de l’ouvrage dirigé par Olivier Fillieule, Sociologie de la protestation : les formes de l’action collective dans la France contemporaine, Paris, L’Harmattan, 1993. Le cas de la mobilisation des agents des Finances est en particulier éclairant : cf. Catherine Polac, « Protestation et crédibilité des agents des Finances : analyse de la grève de mai à novembre 1989 », dans Olivier Fillieule (dir.), ibid., p. 67-92.
  • [17]
    On renvoie ici à Richard Balme, Didier Chabanet, « Action collective et gouvernance de l’Union européenne », dans Richard Balme, Didier Chabanet, Vincent Wright (dir.), L’action collective en Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p. 21-120.
  • [18]
    On pense notamment aux études portant sur les limites des euro-grèves : cf. Doug Imig, Sidney Tarrow, « La contestation politique dans l’Europe en formation », et Pierre Lefébure, Eric Lagneau, « Le moment Vilvorde : action protestataire et espace public européen », dans Richard Balme et alii, ibid., p. 195-223 et 495-529.
  • [19]
    Ce texte s’inscrit dans une recherche post-doctorale CNRS menée au Centre de Recherche en Sciences Sociales de l’université Marc Bloch-Strasbourg II, sous la direction de Maurice Blanc, portant sur « La défense des travailleurs frontaliers : De la construction sociale des inégalités au “laboratoire” de convergence des législations sociales en Europe ». Il reprend aussi des analyses présentées au colloque du GSPE « “Société civile organisée” et gouvernance européenne », Institut d’études politiques de Strasbourg, 21-23 juin 2004, sous la responsabilité de Hélène Michel. Je souhaite ici les remercier.
  • [20]
    Au sens de Howard Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985.
  • [21]
    Entretien, 23/01/2002.
  • [22]
    Entretien, chargé de mission du secteur européen de coopération PAMINA (Palatinat/MittlerOberrhein/Nord-Alsace), 18/06/2003.
  • [23]
    Entretien, UFE, 02/12/2002 ; A.G. CDTFM, 18/11/2001.
  • [24]
    Sic. Il est vrai que les écarts se creusent davantage au niveau de la main d’œuvre qualifiée. Voir notamment le rapport de l’Observatoire interrégional du marché de l’emploi Sarre-Lorraine-Luxembourg-Rhénanie-Palatinat, Situation du marché de l’emploi dans la Grande Région, mai 2003, notamment p. 57.
  • [25]
    Entretiens, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [26]
    Entretien, 13/02/2002.
  • [27]
    Les impôts directs des intérimaires sont payables en Allemagne, puis rétrocédés au titre de la convention fiscale franco-allemande, s’ils peuvent attester leur qualité de frontalier.
  • [28]
    Entretien, 24/02/2003.
  • [29]
    Sur les conséquences du point de vue des mentalités, cf. Gilles Nézosi, « Vie et mort d’une identité professionnelle. L’idéologie de l’Homme du fer sur le bassin sidérurgique de Longwy », Revue française de science politique, 48 (5), octobre 1998, p. 625-644.
  • [30]
    Entretiens, OGB-L, 22/07/2002 et 07/04/2004 ; Anor, 07/10/2002.
  • [31]
    Christliche Gewerkschaft Metall : syndicat chrétien allemand de la métallurgie.
  • [32]
    Entretiens, président et délégué CGM-Sarre, 24/02/2003 et 08/03/2004.
  • [33]
    Sur le cadre de la CES, voir notamment Keith Abbott, « The European Trade Union Confederation : Its Organization and Objectives in Transition », Journal of Common Market Studies, 35 (3), 1997, p. 465-481 ; et Andrew Martin, George Ross, « In the Line of Fire : The Europeanization of Labor Representation », dans : Andrew Martin, George Ross (eds), The Brave New World of European Labor : European Trade Unions at the Millennium, New York, Berghahn Books, 1999, p. 312-367.
  • [34]
    Présentation des EURES sur le site Internet des différentes instances : <www. eureslux. org>, <www. eures-sllr. org>, <www. eures-t-oberrhein. com>, etc.
  • [35]
    Entretiens, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [36]
    Simon Kessler, Frontaliers d’Europe…, op. cit., p. 206.
  • [37]
    Entretiens, CDTF-Moselle, 13/02/2002 et 01/03/2004 ; GTE, 29/01/2004.
  • [38]
    Entretiens, CGT, 01/10/2002 ; OGB-L, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [39]
    Entretiens, 24/02/2003 et 08/03/2004.
  • [40]
    Cf. Le Républicain lorrain, 19/09/2002.
  • [41]
    Entretien, 01/03/2004
  • [42]
    Entretiens, GTE, 29/01/2004 ; CDTFM, 13/02/2002.
  • [43]
    Entretiens, CGT, 01/10/2002 ; CFDT, 04/06/2003.
  • [44]
    Sur les profits du recours au droit plutôt que la mobilisation du nombre, voir notre article : Philippe Hamman, « Le droit communautaire : une opportunité pour la défense des travailleurs frontaliers », Sociétés contemporaines, 52, 2003, p. 85-104.
  • [45]
    Cf. Justin Greenwood, Representing Interests in the European Union, London, Mac-Millan Press, 1997 ; Doug Imig, Sidney Tarrow (eds), Contentious Europeans. Protest and Politics in an Emerging Polity, Lanham, Rowman-Littlefield, 2001.
  • [46]
    Sur ces usages différents du droit dans les problématiques transfrontalières en fonction des acteurs en jeu, en particulier associatifs ou publics, cf. notre étude : Philippe Hamman, « La production d’expertise, genèse d’un service public transfrontalier. Le réseau “Infobest” et l’aide aux travailleurs frontaliers », dans Steve Jacob, Jean-Louis Genard (dir.), Expertise et action publique, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 2004, p. 99-112.
  • [47]
    Jean-Luc Johaneck, Dernières Nouvelles d’Alsace, 09/03/2000.
  • [48]
    Entretiens, 30/09/2002 et 02/12/2002.
  • [49]
    Entretiens, CGM, 08/03/2004 ; CDTFM, 13/02/2002.
  • [50]
    Le règlement grand-ducal du 19 avril 1994 sur le congé politique pour exercice d’une fonction élective s’applique exclusivement aux élus locaux du territoire luxembourgeois, écartant donc les frontaliers élus en France.
  • [51]
    Entretien, OGB-L, 22/07/2002 ; A.G. CDTFM, 18/11/2001.
  • [52]
    Simon Kessler, 23/06/2003 ; Le Coin, op. cit. ; D’un coin à l’autre. Les frontaliers en Europe, Strasbourg, La Pensée Universelle, 1974 ; Frontaliers d’Europe…, op. cit.
  • [53]
    Entretiens, GTE, 29/01/2004 ; UFE, 02/12/2002.
  • [54]
    Cf. Yves Dezalay, Marchands de droit. La restructuration de l’ordre juridique international par les multinationales du droit, Paris, Fayard, 1992.
  • [55]
    Entretiens, CDTFM, 13/02/2002 et 01/03/2004 ; OGB-L, 22/07/2002 ; UFE, 02/12/2002.
  • [56]
    Entretiens, OGB-L, 22/07/2002 ; AFAL, 16/03/2004 (en fait, c’est la procédure relative à la CSG qui a effectivement duré huit ans, de 1992 à 2000).
  • [57]
    Entretiens, OGB-L, 22/07/2002 ; CDTFM, 13/02/2002.
  • [58]
    Entretiens, CDTFM, 13/02/2002 et 01/04/2004 ; CGM, 24/02/2003.
  • [59]
    Entretiens, UFE, 02/12/2002 ; CDF, 30/09/2002.
  • [60]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/04/2004.
  • [61]
    Simon Kessler, Frontaliers d’Europe…, op. cit., p. 185-186.
  • [62]
    Archives du CDF de Musson et de l’UEF.
  • [63]
    Régime local d’Alsace-Moselle de la Sécurité sociale française.
  • [64]
    Référence au Règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 « relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté ». Pour un commentaire de ce texte central en matière de protection sociale des travailleurs frontaliers et la jurisprudence subséquente, cf. Bernard Teyssié, Code de droit social européen, Paris, Litec, 5e éd., 2004, p. 894-1096.
  • [65]
    Entretiens, CDTFM, 13/02/2002 et 01/04/2004.
  • [66]
    Sur l’usage de la référence européenne par les représentants nationaux d’intérêts même sans lien direct, parce qu’elle ouvre un accès supplémentaire à l’État, voir aussi Richard Balme, « L’Europe des intérêts : lobbying, actions collectives et mobilisations dans l’intégration européenne », La Lettre de la Maison Française d’Oxford, 12, 2000, p. 17-36.
  • [67]
    Cf. le récit de Simon Kessler, Frontaliers d’Europe…, op. cit., p. 139-147.
  • [68]
    Les tribunes publiées par le président de l’UEF dans le Bulletin de Liaison et d’Information du Consommateur diffusé dans le Sud-Alsace en attestent : cf., par exemple, BLIC, 50, avril 2001, et 51, septembre 2001, p. 10.
  • [69]
    Cf. le point fait par Simon Kessler dans BLIC, 25, mars 1995, p. 15 ; et notre étude : Philippe Hamman, « Les relations de travail transfrontalières franco-suisses… », art. cité.
  • [70]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [71]
    Sur l’importance d’une référence repoussoir pour l’inscription d’une cause au niveau européen, voir aussi la dualité droit de propriété-droit au logement analysée par Hélène Michel, « Le droit comme registre d’européisation d’un groupe d’intérêt », Politique européenne, 7, 2002, p. 31-32.
  • [72]
    Cf. aussi Ruth Webster, « The Nature and Context of Public Interest Coalitions in the European Union », Politique européenne, 7, 2002, p. 142 et 151.
  • [73]
    Entretiens, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [74]
    Cf. Marc Abélès, « Déplacement des enjeux et lobbyisme européen », dans Pascal Perrineau (dir.), L’engagement politique. Déclin ou mutation ?, Paris, Presses de Sciences Po, 1994, p. 405-422.
  • [75]
    Sur le système juridique communautaire, cf. Joël Rideau, Droit institutionnel de l’Union et des Communautés européennes, Paris, LGDJ, 4e éd., 2002.
  • [76]
    La place importante, dans l’activité de la CJCE, de ces acteurs issus de catégories socio-professionnelles bien définies et se fondant sur des précédents favorables a été soulignée par Olivier Costa, « La Cour de Justice et le contrôle démocratique de l’Union européenne », Revue française de science politique, 51 (6), décembre 2001, p. 881-902, en particulier p. 890.
  • [77]
    Entretiens, CDTFM, 13/02/2002 ; OGB-L, 22/07/2002 ; GTE, 29/01/2004.
  • [78]
    Le Frontalier belgo-français, 55, 2e trimestre 2001, p. 7-8.
  • [79]
    Le Frontalier belgo-français, 57, 4e trimestre 2001, p. 3.
  • [80]
    Le Frontalier belgo-français, 59, 2e trimestre 2002, p. 16.
  • [81]
    Le Frontalier belgo-français, 60, 3e trimestre 2002, p. 3 et 11.
  • [82]
    Pour une réflexion sur cette catégorie disqualifiante, cf. Vincent Dubois, Delphine Dulong (dir.), La question technocratique. De l’invention d’une figure aux transformations de l’action publique, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1999.
  • [83]
    Entretien, député PS de la Moselle de 1997 à 2002, 22/10/2002.
  • [84]
    Sur la relation ouverte de la Commission vis-à-vis des groupes d’intérêt lorsqu’ils sont en mesure de présenter une expertise solide, cf. Sonia Mazey, Jeremy Richardson, « La Commission européenne. Une bourse pour les idées et les intérêts », Revue française de science politique, 46 (3), juin 1996, p. 409-430 ; et Helen Wallace, Alasdair Young (eds), Participation and Policy-Making in the European Union, Oxford, Clarendon Press, 1997.
  • [85]
    L’arrêt de la CJCE Gschwindt du 14 septembre 1999 porte sur la notion de discrimination fiscale entre résidents et non-résidents qui travaillent dans un même pays de l’Union européenne. La Cour considère qu’en cette matière, les différences de traitement sont en principe valables.
  • [86]
    Entretiens, président de l’UFE, 02/12/2002 ; CDTFM, 01/03/2004.
  • [87]
    Entretiens, 22/07/2002 et 07/04/2004.
  • [88]
    Sur cette évolution, cf. Christian Lequesne, « Union européenne et coordination gouvernementale. Quid novi en France ? », dans François d’Arcy, Luc Rouban (dir.), De la Ve République à l’Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 1996, p. 77-94 ; et Vivian Schmidt, From State to Market ? The Transformation of French Business and Government, New York/Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
  • [89]
    Entretiens, UFE, 02/12/2002 ; CDTFM, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [90]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [91]
    Entretien, 18/11/2001.
  • [92]
    Entretien, responsable de la CGT-Lorraine, membre du Comité économique et social de Lorraine, du Conseil syndical interrégional et du Conseil économique et social Sarre-Lorraine-Luxembourg-Rhénanie-Palatinat, 01/10/2002.
  • [93]
    Entretiens, CGM, 24/02/2003 et 08/03/2004 ; AFAL, 16/03/2004.
  • [94]
    En effet, l’activité du représentant consiste non seulement à défendre l’intérêt, mais aussi à représenter le groupe : cf. Luc Boltanski, Les cadres. La formation d’un groupe social, Paris, Minuit, 1982.
  • [95]
    Deutscher GewerkschaftsBund : union des syndicats allemands.
  • [96]
    Entretiens, CDTFM, 13/02/2002 et 01/03/2004 ; UEF, 23/06/2003.
  • [97]
    Le Frontalier belgo-français, 57, 4e trimestre 2001, p. 4.
  • [98]
    Comme l’ont montré Hélène Michel, Laurent Willemez, « Investissements savants et investissements militants du droit du travail : syndicalistes et avocats travaillistes dans la défense des salariés », dans Philippe Hamman, Jean-Matthieu Méon, Benoît Verrier (dir.), Discours savants, discours militants. Mélange des genres, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 153-175 ; et Laurent Willemez, « Engagement professionnel et fidélités militantes. Les avocats travaillistes dans la défense judiciaire des salariés », Politix, 62, 2003, p. 145-164.
  • [99]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [100]
    Entretien, 13/02/2004.
  • [101]
    Entretiens, Association des frontaliers au Luxembourg, 12/01/2004 ; CDTFM, 13/02/ 2002 et 01/03/2004.
  • [102]
    Le Frontalier belgo-français, 55, 2e trimestre 2001, p. 10.
  • [103]
    Le Frontalier belgo-français, 58, 1er trimestre 2002, p. 8-10.
  • [104]
    Le Frontalier belgo-français, 59, 2e trimestre 2002, p. 8-11 et 17-20.
  • [105]
    À savoir : 1) L’imposition au taux progressif du montant total des retraites de base et complémentaires (211) ; 2) L’imposition au taux réduit du montant total des RC (214) et au taux progressif des retraites de base (211) ; 3) L’imposition au taux progressif du montant réduit des RC (1/3 et 1/4) avec les retraites de base (211) ; 4) L’imposition au taux réduit du montant réduit des RC (1/3 et 1/4 en 214) et au taux progressif des retraites de base (211) : Le Frontalier belgo-français, 60, 3e trimestre 2002, p. 6-10.
  • [106]
    Marcel Hantz, Le Républicain Lorrain, 17/12/2002.
  • [107]
    Entretien, 29/01/2004.
  • [108]
    Archives CDTF-Moselle.
  • [109]
    Entretien, 22/07/2002.
  • [110]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [111]
    Par exemple, pour le CDTFM, on peut consulter différentes rubriques : Accueil, Historique, Présentation du Bureau Directeur, Nos permanences, Nos statuts, Services aux adhérents (qui mentionne les contrats-groupes conclus avec des organismes bancaires et commerciaux), Nos revendications (où sont présentées les améliorations obtenues et les revendications en suspens), etc. : <www. frontaliers-moselle. com>. Cf. aussi <www. frontalier. com> pour le GTE d’Annemasse, <www. frontaliers-inquietes. com>, etc.
  • [112]
    Entretien, 13/02/2002.
  • [113]
    Institut der PrivatWirtschaftsAkademie Felderfing.
  • [114]
    Entretiens, CGM, 08/04/2004 ; CDTFM, 01/03/2004.
  • [115]
    Entretien, conseiller EURES CGT Alsace, vice-président du CSI EUREGIO, 05/03/2004.
  • [116]
    Site Internet : <www. crd-eures-lorraine. org>.
  • [117]
    Entretiens, directrice du CRD EURES Metz, 10/03/2004 ; CDTFM, 01/03/2004.
  • [118]
    Entretiens, 13/02/2002 et 01/03/2004.
  • [119]
    Institutions transfrontalières publiques regroupant les collectivités territoriales de ces espaces entre France et Suisse.
  • [120]
    Entretiens, GTE, 29/01/2004 ; Maison Transfrontalière d’Annemasse, 13/02/2004.
  • [121]
    Entretiens, 01/03/2004.
  • [122]
    Sur ce point, cf. Christine Quittkat, « Les organisations professionnelles françaises : Européanisation de l’intermédiation des intérêts ? », Politique européenne, 7, 2002, p. 66-95, notamment p. 88.
  • [123]
    Sur la fécondité de l’analyse des lieux et des acteurs, passages et passeurs, réalisant une hybridation entre des univers sociaux a priori distincts, cf. Philippe Hamman, Jean?Mathieu Méon, Benoît Verrier (dir.), Discours savants, discours militants…, op. cit.
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