Couverture de RFSE_026

Article de revue

Capter, quantifier, gouverner. L’assurance comportementale au service de la prévention ?

Pages 47 à 66

Notes

  • [1]
    Voir la loi Évin du 31 décembre 1989.
  • [2]
    La réglementation concernant les possibilités de recueil et d’usage des données de santé est très variable selon les pays. La France dispose sur ce point d’une régulation parmi les plus fermes.
  • [3]
    La différenciation des tarifs fondée sur le sexe est interdite au sein de l’Union européenne depuis 2012.
  • [4]
    Dans cet article, le terme d’assureur renvoie à la fois aux sociétés d’assurances, assurances mutuelles et mutuelles.
  • [5]
    Sur le rôle de l’assurance, publique ou privée, dans la répartition des risques et responsabilités, et plus largement dans le gouvernement des conduites, voir Ericson et al. [2003], Baker et Simon [2002].
  • [6]
    Directeur technique d’une mutuelle d’assurance (entretien, avril 2019).
  • [7]
    Tout particulièrement en ce qui concerne l’assurance santé collective.
  • [8]
    Son rôle tient uniquement à la récolte des cotisations et à leur efficace redistribution.
  • [9]
    Voir par exemple le Center for Health Incentives & Behavioral Economics de l’université de Pennsylvanie ou la revue académique Behavioural public policy, éditée par Cambridge University Press.
  • [10]
    OIRA aux États-Unis sous l’impulsion de Cass Sunstein ou la Behavioral Insights Team au Royaume-Uni, etc.
  • [11]
    Global Agenda Council on Decision Making and Incentive Systems du Forum économique mondial.
  • [12]
    Avec les exemples de la BVA Nudge Unit d’Éric Singler ou de VALhealth, entreprises de solutions basées sur l’économie comportementale fondée par David Asch.
  • [13]
    Pour une description du développement initial de Discovery Vitality, voir Porter et Kramer [2018].
  • [14]
    Il est également membre du « Comité consultatif sur la santé » du Forum économique mondial et membre de la « Commission pour mettre fin à l’obésité de l’enfant » au sein de l’Organisation mondiale de la santé.
  • [15]
    « Science-based approach ». Notre traduction. Voir le site de Vitality Group.
  • [16]
    Voir Jais et al. [2017], VES [2017], Malan [2016], AIA [2016], Volpp et Galvin [2015], Gore et al. [2017] ou encore les sites de présentation de Vitality.
  • [17]
    Vitality publie et relaie de nombreux rapports (voir www.vitalitygroup.com/insights/).
  • [18]
    Voir Healthier Futures : Prioritizing Prevention – 2013 Clinton Global Initiative Annual Meeting. Vitality est également cité en exemple dans un rapport du Forum économique mondial concernant la prévention des maladies non transmissibles [FEM, 2017].
  • [19]
    Voir AIA Vitality [2016], VES [2017].
  • [20]
    Voir Kullgren et al. [2013] ; Volpp et al. [2009, 2011] ; Loewenstein et al. [2007, 2012, 2013]. Schwartz et al. [2014].
  • [21]
    Voir la loi Évin du 31 décembre 1989.
  • [22]
    Voir Del Sol [2018] et Ginon [2017].
  • [23]
    Consultante dans un cabinet de conseil ayant participé à la conception du programme aux côtés de Generali (entretien, mai 2018).
  • [24]
    Cadre chez Generali France n° 1 (entretien, mars 2017).
  • [25]
    Ibid.
  • [26]
    Cadre chez Generali France n° 2 (entretien, octobre 2017).
  • [27]
    Notre traduction.
  • [28]
    « Sticky and Hairy » dans le texte original. Notre traduction.
  • [29]
    Pour un état de la littérature sur le Quantified-self, voir Dagiral et al. [2019].
  • [30]
    Cadre chez Generali France n° 2 (entretien, octobre 2017).
  • [31]
    Cadre chez Generali France n° 3 (entretien, janvier 2019).
  • [32]
    Notre traduction.
  • [33]
    Les « bons risques » sont les individus qui paient leur cotisation régulièrement et ne présentent que de faible risques de sinistres. L’assureur John Hancock (États-Unis) refuse par exemple de couvrir les personnes n’acceptant pas de suivre le programme Vitality proposé dans leur contrat d’assurance vie, afin d’essayer de filtrer ces bons risques.
  • [34]
    Consultante dans un cabinet de conseil ayant participé à la conception du programme aux côtés de Generali (entretien, mai 2018).
  • [35]
    Cadre supérieur d’une compagnie d’assureur et responsable d’une importante organisation professionnelle du secteur. Propos recueillis lors de la réunion d’un club professionnel (entretien, octobre 2019).
  • [36]
    Consultante dans un cabinet de conseil ayant participé à la conception du programme aux côtés de Generali (entretien, mai 2018).

1. Introduction

1La multiplication des dispositifs de captation-traitement de l’information, qui permettent de mesurer l’activité physique et divers paramètres biologiques, ouvre la voie au développement de produits et services marchands inédits. Le monde de l’assurance ne fait pas exception et les compagnies s’appuient de plus en plus, en France comme à l’international, sur l’exploitation de mégadonnées et d’objets connectés [EIOPA, 2019 ; IAIS, 2017]. Une partie de ces innovations retiennent l’attention, les assurances au comportement. Au travers de ces produits, les assureurs entendent capter des traces du comportement des assurés et modifier ces comportements en les valorisant économiquement. Un bon comportement, au sens défini par l’assureur, pourra permettre à l’assuré de voir baisser le prix de sa couverture ou de remporter des cadeaux et réductions auprès de partenaires.

2Le marché des objets connectés connaît une croissance significative et s’accompagne de services visant à mesurer, surveiller, ou améliorer les constantes et performances physiques individuelles. Au-delà de l’automesure et de la quantification de soi [Neff et Nafus, 2016 ; Dagiral et al., 2019], les objets connectés promettent de fournir de nouvelles données sur l’état de santé de la population, et constituent une source d’informations à même d’enrichir les modèles de prévention et les modèles de risques utilisés pour la tarification des polices d’assurance. Parallèlement, le développement des sciences du comportement, en particulier de l’économie comportementale, fournit de nouveaux outils pour penser le gouvernement des conduites individuelles [Dubuisson-Quellier, 2016] et les actions de prévention [Loewenstein et al., 2012]. Les produits et services d’assurance au comportement émergent dans un contexte de recentrage des actions de prévention sur les individus, de plus en plus tenus responsables de leur santé [Berlivet, 2004] et de privatisation du financement du système de santé [Batifoulier, 2015]. En France, le développement de l’assurance santé au comportement est rendu complexe par un cadre réglementaire qui interdit la modulation individuelle des tarifs [1]. L’assureur Generali propose malgré tout depuis 2017 une adaptation de l’assurance comportementale sous la forme d’un programme de prévention basé sur l’économie comportementale et sur l’usage d’objets connectés.

3L’impact des produits d’assurance au comportement sur le système assurantiel et sur les assurés a été l’objet d’une première série d’études. À partir de l’étude d’un programme d’assurance comportementale dans le secteur automobile, Meyers et Von Howegen [2017] ont montré les particularités des conceptions de l’équité et de la solidarité qu’ils véhiculent. La littérature juridique portant sur le cas français [Del Sol, 2018 ; Bernellin, 2018 ; Chelle, 2018] a souligné les problèmes posés par l’évolution du statut juridique du contrat d’assurance, l’individualisation des déterminants de santé ou les menaces sur la vie privée. L’individualisation croissante des risques est parfois tenue pour responsable d’une possible désintégration de mécanismes de solidarités [Gayant, 2015 ; O’Neil, 2016] ou de favoriser l’exclusion de certaines populations [Steiner, 2018]. Ces observations, qui portent principalement sur les conséquences d’une pleine application de l’assurance comportementale, sont importantes. Afin d’enrichir ces analyses, nous proposons pour notre part d’étudier la manière dont les produits d’assurance comportementale sont conçus et concrètement mis en œuvre. Nous nous appuierons sur l’étude d’un programme de santé et bien-être proposé par un assureur privé dans le cadre de contrats d’assurance collective.

4Au-delà d’une réflexion sur l’assurance, cet article constitue d’abord une contribution à la sociologie économique, en enrichissant notre connaissance des techniques de gouvernement des conduites [Dubuisson-Quellier, 2016] et de leur mise en œuvre par des acteurs privés dans le domaine de la santé [Bergeron et al., 2011]. Nous expliquons notamment comment les connaissances mobilisées sont traduites de manière à être exploitables dans un programme produit à l’international, et montrons que l’implémentation et la mise en œuvre de celui-ci sur le marché français nécessitent une série d’ajustements ayant un impact fort sur ses effets. L’article représente d’autre part un apport à l’étude du Quantified-Self [Dagiral et al., 2019] en exposant la mise en œuvre concrète de formes de quantification de soi [Pharabod, 2019] dans un cadre marchand (cf. encadré 1). Nous montrons comment le producteur de normes est confronté aux limites du script d’usage [Akrich, 1987] initialement formulé, et comment il tente d’y répondre.

5Dans une première partie nous établissons que, si le suivi du comportement de l’assuré par l’assureur n’est pas inédit dans l’histoire de l’assurance, les modalités de ce suivi dans le cadre français constituent une évolution majeure. Parallèlement, le développement de l’économie comportementale fournit des connaissances que l’assureur peut mobiliser. La seconde partie de l’article porte sur la présentation du programme et l’étude de sa conception dans un cadre international. Nous y montrons comment l’économie comportementale est traduite et intégrée au programme par l’assureur. Une troisième partie est centrée sur la mise en œuvre concrète du programme en France et les limites rencontrées par l’approche comportementaliste et l’usage d’objets connectés. Enfin, dans la discussion, nous faisons apparaître que la rencontre entre l’assurance et l’approche comportementaliste de la prévention en santé se limite pour l’heure à des effets de communication.

Encadré 1. Méthodologie

Cet article s’appuie sur une enquête sur le développement de l’assurance au comportement menée entre 2015 et 2019. Le travail de terrain est basé sur des entretiens semi-directifs, des observations et des archives. Après un tour d’horizon des produits d’assurance au comportement, nous avons rencontré les régulateurs et superviseurs français et européens du marché de l’assurance, avant de réaliser des entretiens auprès des assureurs eux-mêmes, Generali Vitality en particulier. Nous mobilisons ici un corpus de 34 entretiens, 22 ont été réalisés auprès de cadres supérieurs, cadres intermédiaires et techniciens de compagnies d’assurances en France, dont 12 auprès de collaborateurs de Generali. Lors de ces derniers entretiens, l’accent a été mis sur la conception et la mise en œuvre de Vitality ainsi que sur les enjeux actuariels entourant l’émergence de l’assurance au comportement. Sept entretiens ont également été menés auprès des régulateurs français et européens du secteur de l’assurance ainsi qu’auprès de la Fédération française de l’assurance. S’y ajoutent cinq derniers entretiens réalisés auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, du Conseil économique et social européen et de cabinets de conseil. Ces entretiens nous ont permis de mettre en lumière l’impact du cadre réglementaire sur le développement des assurances comportementales en France et en Europe. L’Argus de l’assurance, journal professionnel de référence, a été dépouillé sur la période 2014-2019, permettant une mise en perspective complémentaire des entretiens ainsi que le suivi des opérations des acteurs du marché. L’article s’appuie également sur l’analyse de 154 documents, dont 72 relatifs à Vitality (littérature grise, publications et communications publicitaires) récoltés auprès de la compagnie et via les sites web de Vitality et de ses partenaires locaux. Le reste des documents relève de sources juridiques et de publications issues d’organisations internationales, de cabinets de conseils et de think tanks. Enfin, deux courtes sessions d’observation ont été réalisées en 2019, au cours de réunions de travail portant sur la prévention et organisées par des clubs professionnels.

2. De l’assurance à la prévention comportementaliste

6Traditionnellement, dans le domaine de l’assurance privée, la prime d’assurance payée par un assuré dépend du niveau de couverture et de sa catégorie de risque, définie en fonction de son âge, de son état de santé [2], de sa localisation ou encore de son sexe [3]. Le comportement de l’assuré peut être pris en compte, en particulier sur la base de l’historique des sinistres. Les produits d’assurance « au comportement » ambitionnent d’élargir ces formes de modulations individuelles grâce à la prise en compte du comportement de l’assuré, pouvant donner lieu à des réductions de la prime ou à des réductions auprès de partenaires. Le comportement de l’assuré devient l’affaire de l’assureur au quotidien.

7Mais la gestion par l’assureur [4] des risques dont les assurés sont porteurs constitue-t-elle une rupture ? Au-delà d’une possible sélection des individus couverts, l’assureur prend, dès les débuts de l’assurance moderne au xviie siècle, une part active dans le contrôle des risques dont sont porteurs les assurés [5]. Dans une logique que l’on peut qualifier de contractualiste, des prérequis ou des interdits venant conditionner la couverture peuvent être intégrés au contrat. Par ailleurs, avec les assurances vie ou santé du xixe, en France ou en Angleterre [Gibaud, 1999 ; Alborn, 2009 ; McFall, 2014], des agents ou des médecins d’assurance, chargés respectivement du renouvellement de contrats hebdomadaires ou d’examens médicaux, interviennent auprès des assurés. Ces interactions sont autant d’opportunités de récolter des informations ou de prodiguer des conseils à ces derniers. Toutefois, les évolutions du cadre légal, la massification de l’accès à l’assurance, l’allongement de la durée des contrats ainsi que la généralisation de la distribution en agence ont distendu ces liens, de sorte que, comme le note un assureur : « Les sociétaires ne pensent à nous qu’à deux moments, celui de la signature et celui de la prestation [6]. » Par ailleurs, les organismes complémentaires d’assurance maladie évoluent dans un marché aux marges faibles [7] [Leduc et Montaut, 2017] et à la différenciation limitée du fait d’un fort encadrement réglementaire des produits. Les assureurs doivent dégager du profit afin de maintenir leur solvabilité, tout en attirant et fidélisant leur clientèle. À cette fin, ils peuvent agir sur leurs tarifs, leurs coûts de gestion ; ou chercher à réduire les risques dont les assurés sont porteurs ; ils peuvent également se différencier à travers des offres annexes. Le développement de produits et services axés sur la prévention permet d’agir tant sur les niveaux de risques que sur la différenciation. L’établissement d’une relation régulière avec l’assuré n’est donc pas inédit. Mais l’assurance au comportement, par les modalités, mais aussi la fréquence des échanges entre assuré et assureur, introduit un puissant changement dans le secteur de l’assurance santé contemporaine, notamment en France, où l’assureur complémentaire santé est considéré comme un « payeur aveugle [8] » [Limoge et Thouet, 2019]. On constate, depuis les années 2000, une multiplication des produits et services de prévention portés par des assurances et mutuelles : qu’il s’agisse de Vivoptim Cardio de la Mgen, de Malakoff Mederick et de son offre de coaching Vigisanté, Be-ys et le Health Lab program, et encore Macif et Izy prévention. Plus largement, la Fédération française des assurances porte l’association Attitude prévention, qui promeut le développement de la prévention. Vitality, une franchise internationale d’assurance, propose un programme éponyme de prévention santé et bien-être via un partenariat avec l’assureur européen Generali. Ce produit est le programme de prévention le plus ambitieux à être porté par un assureur, de par l’ampleur et la finesse du suivi du comportement qu’il entend opérer. Il est fondé sur les savoirs de l’économie comportementale. La période contemporaine marque la montée en puissance des sciences du comportement, aux premiers rangs desquelles la psychologie et l’économie comportementale [Bergeron et al., 2016]. À la différence de l’école néoclassique qui insiste sur la rationalité de l’acteur, dont les limites seraient principalement exogènes (asymétrie d’information), l’économie comportementale met en avant les limites principalement endogènes de la rationalité (biais cognitifs, émotions). L’économie abandonne l’homo œconomicus, mais pas sa prédictibilité ni l’ambition de pouvoir proposer des moyens d’action sur les comportements individuels [Kenkel et Sindelar, 2011]. Si l’économie comportementale et les sciences du comportement ne réfutent pas l’influence des normes sociales, ou des effets de cadrages [Oulier et Sauneron, 2010], ceux-ci sont assimilés à de simples catalyseurs ou perturbateurs des choix individuels. Dans cette logique, le niveau d’intervention privilégié de la prévention est l’individu et laisse de côté les déterminants socio-économiques de la santé. Avec l’économie comportementale, de nouveaux instruments de prévention apparaissent, à l’image du nudge (voir encadré 2).

Encadré 2. Économie comportementale et nudges

L’économie comportementale prend racine dans les travaux séminaux de Daniel Kahneman et Amos Tversky [1992], relevant des biais cognitifs incompatibles avec la figure de l’homo œconomicus. L’économie comportementale connaît une notoriété nouvelle dans les années 2000, avec les travaux d’Akerlof et Shiller [2009], et surtout ceux de Thaler et Sunstein [2010]. Afin de découvrir les biais cognitifs pesant sur les choix des acteurs, les comportementalistes revendiquent l’usage de méthodes principalement expérimentales [Servet, 2018], voire cliniques [Ariely, 2008], déjà à l’œuvre dans l’évaluation économique des programmes de prévention [Hall, 2011]. L’idée n’est pas tant d’expliquer les mécanismes neurologiques à l’œuvre dans la prise de décisions que d’isoler, en dehors de la boîte noire que reste l’esprit humain, des erreurs de jugement régulières, voire systématiques. Sont considérées comme des erreurs les décisions non optimales et donc jugées irrationnelles. Parmi les biais cognitifs les plus fréquemment évoqués reviennent la préférence pour le présent et l’aversion à la perte. La préférence pour le présent [O’Donoghue et Rabin, 1999] renvoie au fait que les individus tendent à donner plus de poids aux événements proches dans le temps plutôt qu’aux événements lointains. L’aversion à la perte [Kahneman et Tversky, 1984] renvoie elle au fait que les individus accordent plus de valeur à une perte qu’à l’absence d’un gain potentiel pourtant équivalent. Pour simplifier, on souffre plus de la perte qu’on n’affectionne le gain. Ces biais sont considérés comme inhérents à la prise de décision humaine et ont une valeur universelle et anthropologique. Le quotidien des individus est formalisé comme une suite permanente de choix effectués sous la contrainte de facteurs extérieurs et de biais cognitifs.
L’outil par excellence des actions inspirées de l’économie comportementale est le nudge [Thaler et Sunstein, 2010], expression généralement traduite par « coup de pouce ». Un nudge est une intervention visant à limiter la prégnance de biais cognitifs et à encourager un bon comportement à partir d’une modification de l’architecture des choix auxquels sont confrontés les individus. Le but est de rendre la cible du nudge « capable d’agir comme » un individu rationnel. Cet outil se double d’une revendication politique de la part de ses premiers concepteurs, le nudge relèverait d’un « paternalisme libertarien » encourageant les individus sans les « obliger » à agir de telle ou telle manière. La clarté du concept de nudge, la cohérence de sa mise en œuvre ainsi que sa visée politique font débat [Mongin et Cozic, 2018 ; Sugden, 2017 ; Bergeron et al., 2018].

8L’économie comportementale et plus largement le marketing social pénètrent depuis les années 2000 les systèmes de santé publique [Volpp et al., 2009, 2011 ; Harrison et al., 2018]. On retrouve, au niveau mondial comme européen, une multiplication des institutions dédiées à l’élaboration de programmes basés sur l’économie comportementale. Celles-ci sont universitaires [9], étatiques avec la multiplication des nudge unit[10], internationales [11] et privées [12]. L’inscription de l’économie comportementale en France reste, pour le moment, limitée [Bergeron et al., 2016]. Malgré une visibilité politique et académique importante et le fait qu’elle soit en affinité avec la tendance à la responsabilisation individuelle des actions de prévention contemporaines et autres formes de marketing social [Bergeron et Castel, 2015], il n’est pas évident qu’au-delà des discours l’économie comportementale soit le nouveau paradigme des politiques de santé publique en France [Boubal, 2018]. Les organisations publiques comme la Caisse primaire d’assurance maladie ou Santé publique France semblent pour le moment toujours se cantonner aux techniques classiques de prévention et de promotion de la santé, pour des raisons éthiques comme techniques. Du côté des opérateurs privés d’assurance, la question reste ouverte relativement à leur emploi des techniques de l’économie comportementale, et plus largement en ce qui concerne leur implication comme acteurs de la prévention, longtemps sous-investie. Le programme Vitality nous permet de comprendre comment ceux-ci peuvent s’en saisir.

3. La conception du programme : capter, quantifier, gouverner

9Vitality est un programme de prévention santé et bien-être récompensant financièrement les comportements jugés sains. Il a été lancé en 1997 par la compagnie d’assurance sud-africaine Discovery [13], le programme est inclus dans les contrats d’assurance proposés par la firme. Selon Adrian Gore, PDG de Discovery [14], le but du programme est de développer une assurance peu onéreuse tout en améliorant l’état de santé des assurés en proposant des actions de prévention. Discovery a soutenu le développement du programme à l’international via des implantations directes en tant qu’assureur, ou en franchisant son programme auprès d’assureurs locaux. Chacune des itérations locales de Vitality porte des arrangements propres aux réglementations et marchés locaux, mais toutes sont basées sur le même principe et programme actuariel. La franchise s’est implantée aux États-Unis et au Royaume-Uni au cours des années 2000, puis en Europe continentale depuis 2016, où le programme est opéré par le groupe Generali. Depuis 2016, ces franchises sont regroupées au sein de la filiale multinationale Vitality Group, basée aux États-Unis et en Afrique du Sud, afin de développer une stratégie unifiée et de regrouper les activités de recherche et développement. Vitality est aujourd’hui diffusé à travers un réseau de 16 franchises et partenariats opérant en Afrique du Sud, en Amérique du Nord, en Europe, en Asie et en Océanie. En plus de ces clients sud-africains, il dispose d’une base de 1,25 million de membres dans le monde via Vitality Group, auxquels viennent s’ajouter 3,7 millions de clients en Chine via un partenariat avec l’assureur Ping An.

10Vitality revendique un modèle original de la prévention en santé à travers l’usage d’une « approche scientifique [15] » fondée explicitement sur les apports de la psychologie, de l’actuariat et de l’économie comportementale [16]. Afin de convaincre de son expertise en la matière, l’entreprise communique abondamment sur les études venant appuyer l’efficacité de son programme [17]. Ses employés et dirigeants vantent les mérites de la prévention et du programme Vitality dans des conférences et événements organisés par le Forum économique mondial ou la Clinton Global Initiative [18]. On retrouve ainsi dans plusieurs rapports des différentes filiales et dans la communication commerciale de l’entreprise de nombreuses références à des études et chercheurs de ces champs [19] comme Mark Pauly, Dan Ariely, Kevin Volpp, George Loewenstein, ou encore David Asch. Ces chercheurs proviennent de disciplines telles que l’économie de la santé et de l’assurance pour Pauly, la psychologie de l’économie comportementale pour Ariely et Loewenstein, et la médecine pour Volpp et Asch. Leurs nombreuses collaborations [20] constituent une littérature au croisement de ces disciplines promouvant activement l’usage de l’économie comportementale dans la prévention en santé. Vitality se positionne comme promoteur de cette approche, notamment sous l’impulsion de Kevin Volpp, occupant en plus de son poste de professeur à l’université de Pennsylvanie aux États-Unis un poste au sein de Vitality Group.

11Le programme Vitality entend traduire des apports de l’économie comportementale en actions de prévention en se focalisant sur quatre facteurs clés : les examens et dépistages ; l’activité physique ; la nutrition et le tabagisme. Pour réaliser ces actions de prévention, Vitality se base sur un système de points alloués aux assurés faisant preuve d’un comportement jugé sain, par exemple en allant effectuer des dépistages, ou en s’inscrivant dans une salle de sport. Ces points permettent d’obtenir diverses gratifications telles que des bons d’achat auprès d’enseignes partenaires, voire une réduction de la prime d’assurance (à l’exception de la version française, nous y reviendrons). Le programme se présente en trois phases : « se connaître », « s’améliorer » et « profiter ». Pour « se connaître », les assurés sont invités à effectuer des dépistages, à mettre à jour leurs vaccinations et à remplir des questionnaires sur leur état de santé en ligne. Sur cette base, un « âge Vitality » leur est appliqué et des recommandations et objectifs leur sont proposés à travers un site internet et une application pour smartphone dédiés. Pour « s’améliorer », les assurés sont encouragés à réaliser des objectifs tels que la marche, avec un certain nombre de pas dans la journée, s’inscrire dans un club de sport, réaliser des achats de légumes frais auprès d’enseignes partenaires, etc. La réalisation des objectifs permet d’accumuler des points, dont le montant détermine un statut Vitality. Les assurés commencent au statut bronze et peuvent tenter d’atteindre les statuts argent, or puis platine. En fonction de son statut, l’assuré peut « profiter » de réductions auprès d’enseignes partenaires pour l’achat de biens et services liés à l’alimentation, au sport ou au bien-être, mais aussi pour l’achat d’objets connectés.

12Lancée à la fin des années 1990, les premières versions de Vitality précédaient l’émergence de l’internet des objets et les pratiques de quantification de soi numérisées [McFall, 2015 et 2019]. La version d’origine se basait déjà sur l’activité sportive, le recours à des examens médicaux, de dépistages, et l’alimentation. Ceux-ci étaient évalués principalement à travers une simple transmission de preuves (tickets de caisse, attestations, etc.) par voie électronique ou papier. Au fil des années, le programme s’est enrichi et adapté au numérique, la multiplication des dispositifs de captation et de traitement de l’information à travers l’adoption massive des smartphones et autres objets connectés a constitué un moyen nouveau de récupération de données de comportements. Leur usage permet non seulement une facilitation de la transmission de l’information à travers la centralisation autour d’une application et d’un site web, mais surtout une augmentation des opportunités et de la fréquence des récoltes des données.

13Vitality entend mettre en équivalence incitations, comportements, diminution des risques et baisse du nombre de sinistres. Cette démarche est opérée par le système de points et de statut. Chaque version de Vitality a son propre système d’équivalence, mis au point par les actuaires de Vitality en partenariat avec le partenaire local. Chaque objectif, qu’il appartienne à la rubrique « se connaître » ou « s’améliorer », permet de gagner des points. Le programme est compatible avec un nombre conséquent d’applications mobiles et d’objets connectés. Les statuts Vitality peuvent évoluer de « bronze » à « platine » en fonction du nombre de points accumulés par l’assuré. Dans la version française, remplir le questionnaire de santé permet par exemple de gagner 4 000 points, l’inscription à un club de sport 3 000. La mise en chiffres peut rapidement devenir sophistiquée, voire complexe, lorsqu’il est question d’activité physique (cf. figure 1). Les points peuvent alors être calculés sur la base de la mesure du rythme cardiaque, du nombre de calories brûlées, de la durée de l’effort, etc. Une chaîne de mises en équivalence reliant comportement, points, statuts et récompenses est ainsi mise en œuvre.

Figure 1. Activité physique et points Vitality en France (Site vitality.fr)

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Figure 1. Activité physique et points Vitality en France (Site vitality.fr)

14Les connaissances de l’économie comportementale sont traduites en une série de mécanismes permettant de contrer ou mobiliser des biais comportementaux, le programme constitue ainsi un cas de performativité de l’économie [Muniesa et Callon, 2013]. L’attribution aux membres d’un âge Vitality pouvant être plus élevé que l’âge réel doit contrebalancer le biais de l’optimisme, consistant dans le fait que les individus tendent à croire qu’ils sont « chanceux » et en bonne forme, augmentant les prises de risques. L’aversion à la perte est pour sa part mobilisée comme un atout de deux manières. D’abord, à travers une accumulation des points plus aisée au départ que sur le long terme, les assurés sont supposés s’habituer à un statut Vitality élevé, ce qui les poussera à redoubler d’efforts pour le conserver ; d’autre part, à travers des offres promotionnelles fortes, comme l’accès à des objets connectés valant plusieurs centaines d’euros, qui ne peuvent être conservées gratuitement qu’en atteignant des séries d’objectifs élevés.

15Mais la notion centrale est bien celle de biais du présent [AIA, 2016]. Les comportements de santé sont ici traités dans une logique coût/avantage dans le but d’encourager de bonnes habitudes. Selon les concepteurs du programme, les gains d’une vie dite saine (alimentation équilibrée, exercice physique) n’apparaissent qu’à long terme, mais leurs coûts (privations alimentaires et tabagiques, efforts physiques) sont immédiats. La chose s’inverse concernant les plaisirs coupables. En application du principe d’économie comportementale du biais du présent, les individus tendent à se comporter de manière peu saine (cf. figure 2). Le système de points et de récompenses entend contrebalancer ces biais en venant lester les comportements dits sains d’un bénéfice à court et moyen termes (les points, puis les réductions), venant encourager de bons comportements.

Figure 2. Le paradoxe de la consommation de santé (document de présentation, AIA Vitality)

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Figure 2. Le paradoxe de la consommation de santé (document de présentation, AIA Vitality)

16L’assuré est conçu comme proactif, de bonne volonté, mais faillible. Cette volonté de traduire l’économie comportementale dans une optique d’accompagnement s’observe également à travers des choix lexicaux, on parle par exemple bien de biais du présent, justifiant le guidage du comportement de l’assuré, et non pas de préférence des individus pour le présent. On observe ainsi que Vitality postule la préférence des individus pour le long terme, mais leur incapacité à mettre leurs choix quotidiens en cohérence avec cette préférence. En activant des récompenses dans un cadre ludique, le programme entend corriger ces imperfections et permettre aux assurés d’agir dans leur propre intérêt. L’objectif de la prévention est de déployer l’autonomie de l’individu, à travers des méthodes douces de gouvernement des conduites. Il est intéressant d’observer que, pour les assurés eux-mêmes, ces ambitions scientifiques et théoriques sont largement laissées de côté. Alors que la base de science du comportement de Vitality, irriguée de psychologie et d’économie, est vantée dans sa documentation à destination des intermédiaires, employeurs et autres institutions, il n’en est nullement question dans les documents disponibles pour le grand public ou les assurés. Les fondations scientifiques du programme sont évoquées, mais il n’est jamais fait part d’incitations ou d’économie comportementale dans la communication publique. Le lexique employé renvoie, de manière beaucoup plus douce, aux idées d’aide, d’accompagnement ou encore de motivation. Le paternalisme libertarien du nudge ne s’exerce ainsi qu’à demi-mot pour les assurés. L’ambivalence théorique du nudge décrite par Sugden [2017], entre support des préférences d’individus proactifs et paternalisme dissimulé trouve ici une confirmation empirique.

4. Importation du programme, mise en œuvre, et limites de l’approche comportementaliste et connectée

17Le programme Vitality est proposé en France depuis 2016 par l’assureur Generali. Début 2019, le programme comptait 4 000 entreprises engagées, représentant 90 000 salariés. Du fait de l’interdiction d’effectuer une tarification individuelle en santé [21] et d’une réglementation importante de l’accès aux données de santé par les assurances [22], le programme Vitality est découplé du contrat d’assurance. Vitality n’est ainsi qu’une option, à laquelle les salariés couverts par une assurance santé collective Generali peuvent accéder si l’entreprise est elle-même adhérente du programme. La récupération et le traitement des données de comportement sont gérés par une société « indépendante » basée en Allemagne, Generali Vitality Gmbh. L’assureur n’a lui accès qu’à des données agrégées des scores des membres. L’implémentation du programme en France a été réalisée par une équipe d’actuaires de Discovery (maison mère de Vitality Group) en collaboration avec les équipes de Generali, avec le support d’un cabinet de conseil. Discovery loue en quelque sorte son programme en échange d’une commission. Discovery ne donne pas les clés du « moteur » du programme, c’est-à-dire le calcul des points et de la valeur des bons d’achat à y associer.

18Generali se charge avant tout de la mise en œuvre en France d’un programme préexistant. La modification du comportement des assurés dans le cadre français nécessite une série d’ajustements. En premier lieu, le format de distribution du programme, une option à une assurance collective, amène l’assureur à opérer une chaîne d’engagements, en convainquant les courtiers, les employeurs puis les salariés. Comme le fait remarquer un des concepteurs du programme, les argumentaires déployés sont propres à chaque cible :

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« C’était très important de mettre à la fois les arguments de vente pour l’intermédiaire, donc le chef d’entreprise ou la RH, là c’était une meilleure productivité, on ne dira pas à quel horizon de temps, mais voilà, une meilleure productivité, une meilleure fidélisation et une meilleure marque employeur, ça, c’étaient vraiment des leviers sur lesquels on séduisait les entreprises. Et après, au niveau employé, c’était bénéfique pour sa santé, c’était ludique et on avait des réductions commerciales, etc. […] Le marché de la collective en France il est très très dépendant d’autres intermédiaires que sont les courtiers, donc il fallait aussi convaincre les courtiers […] Il faut être dans la séduction permanente avec eux, pour qu’ils placent tes produits avant tout […] pour que les courtiers mettent en avant Generali, Vitality était un argument de choix [23]. »

20Une fois le salarié engagé dans le programme, des techniques sont déployées afin de susciter la motivation, on retrouve ici encore l’influence de l’économie comportementale. Un cadre de Generali chargé du suivi de Vitality nous explique ainsi que l’âge Vitality obtenu à l’issue du remplissage des premiers questionnaires est gonflé, » histoire de motiver un peu les gens [24] ». Les objectifs à atteindre pour accumuler des points sont rehaussés : « C’est très facile d’être platine […], mais au bout de 12 mois, bing ! Tous les points retombent à zéro… mais on a pris l’habitude des rabais, il faut remonter la pente au niveau des statuts, mais les objectifs sont durcis [25]. » Des techniques issues du marketing sont également employées pour maintenir l’attention des salariés sur le programme, comme le doublement des points obtenus sur certaines périodes comme à Noël.

21Malgré ces techniques, l’engagement dans le programme est limité sur deux aspects, d’une part l’activation initiale du programme par les salariés, d’autre part leur suivi du programme au quotidien et à long terme. Début 2019, 8 à 10 % des salariés éligibles suivaient le programme. Les phases de tests d’engagement menés auprès des propres employés de Generali, définissant le script des usages imaginés par les concepteurs, n’ont pas permis d’anticiper cette faiblesse du taux d’activation : « L’intérêt [de suivre le programme] pour l’employé nous semblait tellement évident que c’est celui-ci qu’on a le moins travaillé [26]. » Le taux d’engagement plafonne ainsi à un maximum de 30 % et reste limité en France comme à l’international [Discovery, 2018].

22La gestion des modalités du suivi quotidien et de son maintien à long terme est elle aussi limitée. L’inscription au programme ne signifie pas un alignement de l’usage sur le script établi par l’assureur, notamment en ce qui concerne les objets connectés [Pharabod, 2019]. À partir d’entretiens menés auprès d’assurés suivant des programmes du même type en Finlande, Tanninen et al. [2019] relèvent des usages fortement négociés. Des personnes qu’ils ont interrogées déclarent utiliser les dispositifs régulièrement pour ne pas se laisser aller, quand d’autres vont les enlever en prévision d’une « gueule de bois ». Les auteurs citent ainsi : « La compagnie d’assurances ne peut pas être ton amie. Tu paies pour un service ou un produit, et c’est tout ce que je veux, pas des visites quotidiennes chez moi [27]. » L’écart entre les objectifs suivis par l’assureur et l’assuré peut engendrer un désalignement complet des pratiques anticipées et concrètes. La mesure de l’activité via des smartphones est aisément contournable, comme le note dans un vocabulaire imagé Liz McFall [2017], en les qualifiant de dispositifs trop peu « collants et poilus [28] ». Le cas des balanciers pour mobile (cf. figure 3), vendus sur des sites internet de grandes enseignes et destinés à simuler la marche afin de débloquer les récompenses de programmes de santé, en est un exemple fort.

23Au-delà des limites techniques, dont on pourrait a priori estimer qu’il s’agit uniquement d’un enjeu de maturité technologique se posant à court terme, le programme rencontre des problèmes plus profonds, notamment concernant l’engagement suivi des assurés et des taux d’abandon précoces élevés. La question de l’engagement dans la durée est centrale dans l’ambition de Vitality de modifier les habitudes sur le long terme en s’appuyant sur les sciences du comportement. L’enjeu est bel et bien de routiniser des pratiques, or les individus ont tendance, et c’est un cas classique des dispositifs de quantification de soi [Arruabarrena, 2016 ; Pharabod et al., 2013], à s’en servir quelques mois dans une optique de découverte, et avec des attentes spécifiques, avant de les abandonner [29]. Afin de pallier l’irrégularité des usages, l’assureur a, en plus des techniques évoquées précédemment, tenté de maintenir un intérêt pour le programme en encourageant les partages volontaires des efforts et résultats individuels, avec des effets mitigés, un des développeurs du programme en France déclare ainsi : « Nous on est des fans donc on se rend pas compte, mais […] les performances Vitality c’est comme les régimes ou aller courir le dimanche, en fait les gens ils n’en parlent pas tellement […] on rate un peu l’aspect communautaire [30]. » Armé seulement de l’économie comportementale et des objets connectés, l’assureur a donc peu de prise sur les modalités d’usage des objets connectés ainsi que la régularité et la durée du suivi du programme par l’assuré. Lorsque la question de l’efficacité du programme en termes de prévention a été posée en entretien, un manque de recul a été évoqué pour pouvoir estimer les résultats, qui restent donc incertains.

Figure 3. Image promotionnelle d’un dispositif de simulation de pas (enseigne de vente à ligne)

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Figure 3. Image promotionnelle d’un dispositif de simulation de pas (enseigne de vente à ligne)

24Comme le résume une cadre de Generali, le programme :

25

« n’est pas autoporteur […] Au démarrage on se disait : “bon, on donne le kit de communication à l’entreprise et elle va se débrouiller toute seule.” En fait pas du tout, il faut vraiment être avec elle au quotidien […] C’est en fonction aussi de l’environnement de l’entreprise, si la RH va être promoteur du programme ou pas […] Si au démarrage on n’a pas ce levier-là […] les gens ils feront ça de leur côté, on aura quelques personnes, mais voilà… [31] »

26Face à ce problème, Generali mobilise des méthodes de prévention plus classiques, renvoyant davantage à la promotion de la santé qu’à des techniques issues des sciences du comportement. Trois agentes, les wellness managers, sont désormais envoyées auprès des entreprises adhérentes afin de promouvoir le bien-être et la santé en organisant des réunions d’information, des formations ou des événements sportifs. C’est finalement le développement d’actions collectives au sein de l’entreprise, en mobilisant les relations interpersonnelles, avec le soutien des responsables des ressources humaines, salariés et des partenaires sociaux que l’action de prévention en entreprise prend vie.

5. Discussion : quelle place pour la prévention comportementaliste connectée en assurance ?

27Pour comprendre les difficultés de l’approche comportementaliste et connectée, ainsi que le recours plus tardif à des actions de prévention plus classiques, il convient de revenir sur le décalage existant entre les contextes de conceptions initiales du programme et celui de son implémentation en France. Ce décalage est notable sur le plan juridique, alors que l’influence du droit sur la construction sociale de l’économie est bien connue [Fligstein, 2001]. Comme nous l’avons montré dans la première partie de l’article, Vitality a été dans un premier temps conçu en Afrique du Sud, et s’est d’abord exporté vers les États-Unis. Malgré des systèmes de santé et des réglementations fortement différenciés concernant l’assurance santé privée, ces pays ont en commun un terrain plus favorable à la mise en œuvre de Vitality. Premièrement, l’évolution individuelle des primes y est autorisée, constituant une incitation forte comparée à l’obtention de simples bons d’achat auprès d’enseignes partenaires. Deuxièmement, les assureurs y disposent d’un plus grand accès aux données de santé et de comportement de leurs assurés, le programme n’y est pas un simple service annexe, dissocié du contrat d’assurance. Troisièmement, les marges de manœuvre concernant l’acceptation de l’assuré y sont plus importantes et le produit est proposé dans le cadre de contrats individuels. Dans ce contexte, Vitality constitue deux opportunités supplémentaires pour l’assureur. En premier lieu, l’accumulation de données permet, si ce n’est de personnaliser, d’affiner la connaissance des comportements et des niveaux de risque dont sont porteurs les assurés [Yates, 2005]. Les risk pools, groupes d’individus aux risques relativement homogènes à partir desquels l’assureur travaille ses offres techniques, peuvent ainsi être affinés, ce qui permet d’augmenter les profits. Deuxièmement, et plus important encore, Vitality permet d’opérer des formes de sélection des risques. Comme le note Rick Swedloff [2014], chaque assureur veut « écrémer (skim) les bons risques de ses concurrents, leur laissant des groupes de risque comparativement de plus mauvaise qualité [32] ». Les assureurs ont donc intérêt à proposer un produit qui attirera les « bons risques » tout en décourageant, voire en refusant de couvrir, les « mauvais [33] ».

28Ces pratiques de mobilisation des données dans un cadre actuariel et de sélection des risques sont évoquées dans les rapports de Discovery [Discovery, 2018]. Comme le note un enquêté ayant participé à l’implémentation de Vitality en France, « il y a un rôle qui est donné à l’entreprise dans la santé des Français en général […] C’est là toute la beauté de la culture française : gagnant gagnant. Mais on peut voir Vitality à l’opposé de ça : la sélection positive à outrance […] Les personnes de Discovery ont intérêt à présenter Vitality comme un modèle gagnant gagnant, créateur de valeur dans sa relation à la société [34] ». Generali et Discovery ont donc fait le choix de proposer Vitality à travers une offre d’assurance collective, moins sensible que l’aurait été un lancement en individuel. Plus important, le cadre réglementaire entourant les produits et services d’assurance santé collective en France [Del Sol, 2018 ; Ginon, 2017] ne permet pas à Generali d’opérer ces pratiques.

29De plus, comme nous l’avons montré, l’économie comportementale et l’usage d’objets connectés ne permettent pas à eux seuls un engagement fort de l’assuré dans le suivi du programme, et leurs effets sur la santé des assurés, et donc sur une baisse des risques dont ils sont porteurs, restent incertains. Comme l’analyse un assureur lors de l’une de nos observations [35], « la capacité des complémentaires à faire de la prévention, elle est très faible. Qui, à part sur des marchés très captifs, a une capacité à suivre une population sur plus de trois ans ? […] En collective, le truc très à la mode c’est de proposer de l’activité sportive, etc. C’est intéressant que des DRH proposent ça, mais ce n’est pas ce qui aujourd’hui crée de la valeur. Ça permet de bien se positionner dans l’appel d’offres, d’être entendu et de discuter, mais ça ne crée pas de valeur ». Cet intérêt fort du programme en termes de marketing est relevé par un collaborateur du programme : « En santé collective, compte tenu de la faiblesse des marges, l’idée générale c’est essentiellement de limiter le taux de chute, pour ça on doit multiplier les services et trouver un peu des effets “Waouh” à présenter aux brokers et aux employeurs [36]. » Vitality constitue précisément l’un de ces « effets Waouh ». Dans le cas ici exposé, l’économie comportementale et les objets connectés s’intègrent à l’assurance essentiellement comme des outils de différenciation.

30L’assuré n’est ici pas tant un individu dont on cherche à améliorer la santé qu’une cible que l’on doit séduire [Bergeron et al., 2011]. Il est le dernier maillon d’une chaîne partant de Discovery et passant par l’assureur partenaire, le courtier, puis l’employeur.

6. Conclusion

31L’étude de notre produit a permis de dégager des modalités concrètes de rencontre entre l’assurance, l’économie comportementale, les objets connectés et la prévention en assurance santé. Nous avons montré que le gouvernement des conduites, opéré par l’économie comportementale et l’usage d’objets connectés dans un programme de prévention, ne peut faire la preuve de son efficacité. Concernant les objets connectés, le difficile alignement des usages des assurés avec ceux anticipés par l’assureur limite le suivi et la modification des comportements individuels. L’économie comportementale ne semble pas suffisante pour engager les assurés sur le long terme. De plus, le programme a été conçu en premier lieu pour d’autres marchés au sein desquels ses liens avec les pratiques assurantielles sont étroits. Sous l’influence d’une structuration du marché et d’un cadre réglementaire spécifique, sa mise en œuvre dans le contexte français se traduit par une évolution importante du dispositif et des objectifs dont il est porteur. Le programme s’apparente alors en premier lieu à un outil de communication et de captation d’une clientèle.

32Au travers des connaissances et techniques qu’ils mobilisent, les concepteurs du programme promeuvent une vision individualisée des comportements de santé, et paternaliste de la prévention, mais celle-ci n’est pour l’heure pas pleinement mise en œuvre. Une dernière mise au point mérite cependant d’être faite. Le constat, ici posé à partir de l’étude d’un produit spécifique, ne doit pas être généralisé a priori à tous les secteurs de l’assurance ou champs d’applications de la prévention. Le caractère évolutif des cadres réglementaires doit également nous prémunir contre une lecture définitive des résultats exposés dans le présent article. L’étude des formes concrètes de rencontre entre assurance privée et prévention comportementaliste connectée constitue plus simplement un préalable à l’analyse fine de leurs impacts.

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Mots-clés éditeurs : assurance, économie comportementale, numérique, prévention

Mise en ligne 15/06/2021

https://doi.org/10.3917/rfse.026.0047

Notes

  • [1]
    Voir la loi Évin du 31 décembre 1989.
  • [2]
    La réglementation concernant les possibilités de recueil et d’usage des données de santé est très variable selon les pays. La France dispose sur ce point d’une régulation parmi les plus fermes.
  • [3]
    La différenciation des tarifs fondée sur le sexe est interdite au sein de l’Union européenne depuis 2012.
  • [4]
    Dans cet article, le terme d’assureur renvoie à la fois aux sociétés d’assurances, assurances mutuelles et mutuelles.
  • [5]
    Sur le rôle de l’assurance, publique ou privée, dans la répartition des risques et responsabilités, et plus largement dans le gouvernement des conduites, voir Ericson et al. [2003], Baker et Simon [2002].
  • [6]
    Directeur technique d’une mutuelle d’assurance (entretien, avril 2019).
  • [7]
    Tout particulièrement en ce qui concerne l’assurance santé collective.
  • [8]
    Son rôle tient uniquement à la récolte des cotisations et à leur efficace redistribution.
  • [9]
    Voir par exemple le Center for Health Incentives & Behavioral Economics de l’université de Pennsylvanie ou la revue académique Behavioural public policy, éditée par Cambridge University Press.
  • [10]
    OIRA aux États-Unis sous l’impulsion de Cass Sunstein ou la Behavioral Insights Team au Royaume-Uni, etc.
  • [11]
    Global Agenda Council on Decision Making and Incentive Systems du Forum économique mondial.
  • [12]
    Avec les exemples de la BVA Nudge Unit d’Éric Singler ou de VALhealth, entreprises de solutions basées sur l’économie comportementale fondée par David Asch.
  • [13]
    Pour une description du développement initial de Discovery Vitality, voir Porter et Kramer [2018].
  • [14]
    Il est également membre du « Comité consultatif sur la santé » du Forum économique mondial et membre de la « Commission pour mettre fin à l’obésité de l’enfant » au sein de l’Organisation mondiale de la santé.
  • [15]
    « Science-based approach ». Notre traduction. Voir le site de Vitality Group.
  • [16]
    Voir Jais et al. [2017], VES [2017], Malan [2016], AIA [2016], Volpp et Galvin [2015], Gore et al. [2017] ou encore les sites de présentation de Vitality.
  • [17]
    Vitality publie et relaie de nombreux rapports (voir www.vitalitygroup.com/insights/).
  • [18]
    Voir Healthier Futures : Prioritizing Prevention – 2013 Clinton Global Initiative Annual Meeting. Vitality est également cité en exemple dans un rapport du Forum économique mondial concernant la prévention des maladies non transmissibles [FEM, 2017].
  • [19]
    Voir AIA Vitality [2016], VES [2017].
  • [20]
    Voir Kullgren et al. [2013] ; Volpp et al. [2009, 2011] ; Loewenstein et al. [2007, 2012, 2013]. Schwartz et al. [2014].
  • [21]
    Voir la loi Évin du 31 décembre 1989.
  • [22]
    Voir Del Sol [2018] et Ginon [2017].
  • [23]
    Consultante dans un cabinet de conseil ayant participé à la conception du programme aux côtés de Generali (entretien, mai 2018).
  • [24]
    Cadre chez Generali France n° 1 (entretien, mars 2017).
  • [25]
    Ibid.
  • [26]
    Cadre chez Generali France n° 2 (entretien, octobre 2017).
  • [27]
    Notre traduction.
  • [28]
    « Sticky and Hairy » dans le texte original. Notre traduction.
  • [29]
    Pour un état de la littérature sur le Quantified-self, voir Dagiral et al. [2019].
  • [30]
    Cadre chez Generali France n° 2 (entretien, octobre 2017).
  • [31]
    Cadre chez Generali France n° 3 (entretien, janvier 2019).
  • [32]
    Notre traduction.
  • [33]
    Les « bons risques » sont les individus qui paient leur cotisation régulièrement et ne présentent que de faible risques de sinistres. L’assureur John Hancock (États-Unis) refuse par exemple de couvrir les personnes n’acceptant pas de suivre le programme Vitality proposé dans leur contrat d’assurance vie, afin d’essayer de filtrer ces bons risques.
  • [34]
    Consultante dans un cabinet de conseil ayant participé à la conception du programme aux côtés de Generali (entretien, mai 2018).
  • [35]
    Cadre supérieur d’une compagnie d’assureur et responsable d’une importante organisation professionnelle du secteur. Propos recueillis lors de la réunion d’un club professionnel (entretien, octobre 2019).
  • [36]
    Consultante dans un cabinet de conseil ayant participé à la conception du programme aux côtés de Generali (entretien, mai 2018).
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