Couverture de RFSE_011

Article de revue

Sécurité des riches contre besoins des pauvres ? L'aide à la santé en Afrique

Pages 101 à 123

Notes

  • [1]
    Je remercie les deux rapporteurs anonymes qui ont permis d’enrichir ce texte.
  • [2]
    OMS [2008], Statistiques sanitaires mondiales, http://www.who.int/whosis/whostat/2008/en/index.html (visité en septembre 2010).
  • [3]
    Cependant, certains travaux ne vont pas dans ce sens. Ces travaux observent une hausse de la fréquentation [Audibert & Mathonnat, 2000].
  • [4]
    Extrait d’un document de l’OMS dont le but est de sensibiliser des partenaires sur les liens entre santé et pauvreté, disponible en ligne : www.wpro.who.int/internet/resources.ashx/RCM/RC51-10_fr.pdf (visité le 8 juillet 2011 et voir p. 3).
  • [5]
    Résolution de la 158e assemblée générale de l’OMS, tenue en mai 2005. Pour plus de détails, voir : http://www.who.int/health_financing/resolution_58.33_fr.pdf (visité le 7 août 2012).
  • [6]
    G8 à Okinawa en 2000.
  • [7]
    À noter que le « renforcement des systèmes de santé » inclut entre autres les services médicaux, les soins de santé de base, les infrastructures de base, etc.
  • [8]
    Pour plus de détails, voir le rapport de la Banque mondiale en 2010 intitulé Perspectives pour l‘économie mondiale 2010 : crise, financements et croissance.
  • [9]
    Des arguments supplémentaires en faveur de cette hypothèse sont mis en avant plus loin dans le texte.
  • [10]
    Pour plus de détails, voir l’OMS (2010) : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs178/fr/ (visité le 2 août 2012).
  • [11]
    Cette méthode sera utilisée en 2002 pour évaluer les besoins de santé partout dans le monde en 2001.
  • [12]
    Comme le soulignent Collier et Dollar dans le rapport sur le développement dans le monde 1999-2000, « ce sont eux [les donateurs] et non les gouvernements des pays bénéficiaires, qui décident des bénéficiaires » (cité par Gabas, 2002, p. 71). Ce sont eux qui déterminent aussi les secteurs prioritaires.
  • [13]
    Dans la suite du texte nous utiliserons le terme « capacités ».
  • [14]
    Qui ressortent aussi des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
  • [15]
    Pour plus de détails, voir le site du sommet : http://www.ftaa-alca.org/summits/quebec/declara_f.asp (visité le 13 août 2012).
  • [16]
    Site du ministère des Affaires étrangères du gouvernement français/sommet G8 d’Évian (visité le 2 février 2009).
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    Discours du président américain George W. Bush, prononcé devant le Congrès en janvier 2003 (discours sur l’état de l’Union).
  • [19]
    Les limites des statistiques contenues dans cette base de données sont bien connues. Parmi celles-ci, il y a le fait que la base de données ne soit pas vraiment complète ; chaque subvention est affectée à son but principal même si elle a un impact sur d’autres objectifs de développement. Ceci dit, cette base de données a été relativement complète ces dernières années puisque l’OCDE indique dans le guide d’utilisateur que le taux de couverture des engagements est de plus 90 % depuis le début des années 2000.
  • [20]
    Document disponible sur le site du réseau remed : http://www.remed.org/texte_M_19.pdf (visité le 13 août 2012).
  • [21]
    On peut noter, cependant, que l’accroissement de l’aide n’est pas une condition suffisante pour garantir l’élévation du niveau de santé, puisque la santé est multi-déterminée.

1En matière de politiques de santé dans les pays en développement, le xxe siècle s’est achevé par des résultats décevants attribués à deux types de problèmes. Tout d’abord, les politiques de santé sont associées à une réduction du financement public des dépenses de santé : au Mali, les dépenses publiques de santé, qui représentaient 4,6 % de l’ensemble des dépenses publiques en 1981, chutent pour ne plus en représenter que 2,6 % en 1987. L’évolution est comparable au Sénégal – 6,2 % en 1980, 4,8 % en 1989 – et au Kenya – 7,8 % en 1981, 6 % en 1987 [Tizio, 2005]. En 2005, elles en représentaient au Kenya 6,1 %, au Sénégal, 6,7 % et seul le Mali a dépassé le niveau d’engagement de l’État qui était le sien vers la fin des années 1970 [2]. Ensuite, l’effet des politiques de recouvrement sur l’accessibilité aux soins et la pauvreté est dénoncé : la tarification des soins est accusée de constituer une barrière à l’accès aux soins, et le mécanisme de cette éviction est largement documenté [Meuwissen, 2002 ; Creese, 1997] [3]. L’implantation de l’Initiative de Bamako (IB), stratégie dominante des années 1980 et des années 1990, n’aurait permis que des résultats qui sont de l’ordre de l’efficience et non de l’équité [Ridde, 2003]. Il a été avancé qu’elle pourrait avoir aussi contribué à l’appauvrissement des ménages [Meessen et al., 2003 ; Wagstaff & Van Doorslaer, 2003].

2Sur la base des problèmes évoqués ci-dessus, les bailleurs de fonds vont tirer des enseignements censés guider les activités d’aide à la santé pour le xxie siècle. Un nouvel élan est donné à la santé dans les pays en développement, notamment celle des pauvres. On parlera d’actions pour « la santé des pauvres ». La Banque mondiale et le Fonds monétaire international, traditionnellement concentrés sur les objectifs macroéconomiques, conditionnent l’allègement de la dette à un engagement des pays pour la santé et l’éducation. Dr Gro Harlem Brundtland, Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de l’époque, indiquera dans le Rapport sur la santé dans le monde (1999) qu’il faut « d’abord, et surtout, […] réduire largement la charge de surmortalité et de surmorbidité qui pèse sur les pauvres ». En 2000, il est souligné, au cours d’une réunion de l’ensemble des grands bailleurs sur la santé et la pauvreté, qu’il faut « examiner les conditions sanitaires qui créent et perpétuent la pauvreté ; rendre les systèmes sanitaires plus sensibles aux besoins des pauvres ; intégrer les problèmes de santé plus directement dans les stratégies de réduction de la pauvreté ; et mobiliser des ressources supplémentaires pour garantir les résultats de ces mesures [4] ». On se place désormais dans une perspective qui met l’accent sur le renforcement des systèmes de santé, si importants pour les pauvres, et qui envisage la santé comme un moyen de combattre la pauvreté absolue. Cette approche est aujourd’hui très claire dans les documents cadres de stratégie de réduction de la pauvreté [Audibert et al., 2004 ; De Roodenbeke, 2003]. L’objectif ultime du renforcement des systèmes de santé est, selon l’OMS [2005, p. 132], de « répondre aux besoins de la population en matière de soins de santé et [d’]améliorer la qualité de ceux-ci, [de] lutter contre la pauvreté, [d’]atteindre les objectifs de développement convenus sur le plan international, y compris ceux énoncés dans la Déclaration du Millénaire, et [d’]instaurer la santé pour tous [5] ». Ainsi, dès le début, santé, pauvreté et systèmes de santé sont explicitement reliés. Les systèmes de santé sont perçus comme l’instrument pour sortir les populations des pays du Sud de la pauvreté au moyen d’une amélioration durable de leur santé.

3Cette nouvelle orientation qui met les besoins sanitaires des pauvres et le renforcement des systèmes de santé au centre des préoccupations de l’aide va s’accompagner d’une attention accrue pour le secteur social dans les pays en développement [Barry, 2011, p. 45]. En effet, entre 1995 et 2009, la part du secteur social dans le total de l’aide au développement passe de 28 % à près de 42 %. Celle de la santé passant de 7 % à 12,5 % [Barry, 2011, p. 48]. En volume l’accroissement est tout aussi spectaculaire, l’aide à la santé passe de 4 à près de 20 milliards de dollars (constants, 2008) entre 1995 et 2009 [Barry, 2011, p. 48]. Est-on en train d’assister à l’émergence d’un nouveau régime d’aide à la santé qui fait de la satisfaction des besoins sanitaires (santé des pauvres) une priorité internationale ? Les bailleurs répondent généralement par la positive. Pour le G8 [6], par exemple, l’objectif de réduire de moitié l’incidence de la malaria et de la tuberculose et d’un quart le nombre d’infections dues au sida est la preuve d’un nouvel engagement pour satisfaire les besoins sanitaires des pauvres. Dans le document préparatoire de la conférence de Johannesburg en 2002, il est affirmé que « la santé est devenue une préoccupation plus importante en matière de développement en tant que fondateur ou indicateur […] » [cité par Dixneuf, 2003a, p. 9].

4Dans cet article, nous voulons montrer que les besoins sanitaires des pauvres ne sont pas encore une priorité internationale et ce, malgré le renouvellement du discours sur la santé, la hausse de l’aide, l’intérêt qui lui est accordé par les médias et les différents sommets internationaux. Pour atteindre cet objectif, nous subdivisons notre article en trois parties. La première partie présente les besoins sanitaires des pays en développement afin de montrer l’importance des systèmes de santé pour y faire face. La deuxième partie revient sur les discours des donateurs sur l’aide à la santé mis en avant à partir des années 2000, tout en mettant en exergue leurs fondements théoriques et institutionnels. Nous y montrons notamment que la santé est portée par une approche en termes de développement socialement durable qui accorde une place centrale à la santé des pauvres et par l’approche en termes de Bien public mondial qui privilégie la « sécurité globale ». La troisième partie tente, à partir de l’évolution de la composition de l’aide à la santé et des principes que promeuvent les deux fondements théoriques évoqués (supra), de montrer que les besoins sanitaires des pauvres, approchés par le renforcement des systèmes de santé [7], ne semblent pas être une priorité internationale.

1 – L’importance des systèmes de santé dans la prise en compte des besoins sanitaires des pauvres tels qu’ils sont évalués par les donateurs

5L’objectif de cette première section est de préciser l’importance des systèmes de santé dans la prise en compte des besoins sanitaires des pauvres. Par besoins sanitaires des pauvres, nous entendons les besoins sanitaires les plus importants des pays en développement. Cependant, plusieurs travaux [OCDE, 2004 ; Berthélemy, 2008 ; Berthélemy & Seban, 2009] ont montré que ces besoins de santé se concentrent dans les couches les plus pauvres des populations des pays en développement et que ces couches pauvres ne sont pas négligeables [Audibert et al., 2004]. Comparant les pays riches et les pays en développement, Audibert et al. [2004, p. 552] notaient que si les « “pauvres” dans les pays riches représentent une minorité », ils « constituent la majorité de la population dans les PED ». Selon la Banque mondiale [2010], la part des pauvres dans la population des pays en développement, en dessous du seuil de 1,25 dollar (personnes vivant avec moins 1,25 dollar – prix de 2005 – par jour), était estimée en 2005 à 25 % (soit plus 500 millions de personnes). À noter toutefois que nombre de ceux qui se sont hissés au-dessus du seuil de 1,25 dollar par jour sont pauvres selon les normes des pays riches, voire des pays à revenu intermédiaire. Le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour (aux prix de 2005) s’élève à 2,6 milliards [8]. Tous ces éléments réunis font qu’il peut être légitime, dans une analyse macro, d’assimiler les « besoins sanitaires des PED » à la « santé des pauvres » [9]. C’est cette option que nous avons retenue ici. Pour évaluer ces besoins, plusieurs indicateurs existent. Dans cette section nous présentons la mortalité infantile (1.1) et l’indicateur « de besoins de santé » élaboré et utilisé par les donateurs (1.2) dans le but de mettre en exergue le rôle des systèmes de santé dans la prise en charge des besoins sanitaires des pauvres.

1.1 – Ce que nous apprend la mortalité infantile sur l’importance des systèmes de santé

6Une façon, certes discutable, d’appréhender les besoins de santé consiste à identifier les maladies qui sont les principales causes de la mortalité dans ces pays, avec l’idée que les besoins intéressent les maladies qui occasionnent le plus de décès. Mais face à la maladie, les enfants sont en général plus fragiles que les adultes, c’est pourquoi les maladies qui sont à l’origine de la mortalité infantile peuvent être utilisées pour évaluer les besoins sanitaires, y compris le manque d’infrastructures, des pays en développement. Nous avançons trois arguments pour justifier la pertinence de la mortalité infantile pour mesurer les besoins sanitaires :

  • la baisse de la mortalité infantile est une priorité pour les donateurs et pour les bénéficiaires si l’on en juge par la place qui lui est donnée par les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ;
  • la mortalité infantile est l’un des plus sûrs échos des besoins sanitaires d’un pays. En effet, l’extrême fragilité du nourrisson le rend entièrement dépendant de la qualité de son environnement immédiat en matière d’infrastructures d’hygiène, de santé, de développement socio-économique, d’éducation, de gestion mais aussi de la situation politique de son pays ;
  • les ménages pauvres pâtissent davantage de la mortalité infantile [OMS, 2002, p. 9].
Les maladies infectieuses et parasitaires constituent la principale cause de décès des enfants dans le monde en développement. Parmi ces maladies, le sida, qui représente seulement 2 % des décès, y joue un rôle relativement négligeable si on le compare aux autres causes. Les maladies respiratoires, les complications à la naissance, les maladies diarrhéiques, le paludisme en représentent respectivement 27 %, 14 %, 11 % et 7 % (tableau 1). Ce tableau 1 montre également que plus de la moitié des décès d’enfants de moins de cinq ans sont dus à des maladies que l’on peut éviter ou traiter au moyen d’interventions simples et peu coûteuses. En renforçant les systèmes de santé pour que tous les enfants bénéficient de ces interventions, il devient possible de sauver de nombreuses vies. La forte dispersion des causes de mortalité constitue un autre argument pour un renforcement des systèmes de santé. Une approche verticale centrée sur une seule maladie, ou un nombre restreint de maladies, est peu efficace dans un tel contexte.

Tableau 1

Principales causes de mortalité chez l’enfant de moins de 5 ans dans le monde en 2010

Tableau 1
Rang Causes (% du nombre total de décès) 1 Pneumonie 18 % 2 Complications des naissances prématurées 14 % 3 Diarrhée 11 % 4 Asphyxie à la naissance 9 % 5 Paludisme 7 % 6 Septicémie néonatale 6 % 7 Traumatismes 5 % 8 Maladies non transmissibles 4 % 9 Malformations congénitales 3 % 10 VIH/sida 2 %

Principales causes de mortalité chez l’enfant de moins de 5 ans dans le monde en 2010

Source : Adapté par l’auteur d’après OMS [2010] [10].

7Cependant, il peut être instructif d’aller plus loin que la mortalité infantile pour évaluer les besoins sanitaires des pays en développement. En effet, nous ne devons pas perdre de vue que le classement des « besoins sanitaires » peut varier selon que l’on prend tel ou tel indicateur. L’étude de la mortalité des adultes pourrait conduire par exemple à un autre classement des causes. Ensuite, s’intéresser exclusivement à la mortalité revient à sous-estimer une part importante des souffrances occasionnées par la mauvaise santé. Les jours de travail perdus ou encore les handicaps occasionnés par la maladie ne sont pas en effet reflétés par la mortalité.

1.2 – Ce que nous apprennent les années de vie corrigées du facteur d’invalidité (AVCI) sur l’importance des systèmes de santé

8Pour corriger les limites de la mortalité comme indicateur de besoins de santé, l’OMS, en collaboration avec la Banque mondiale, a élaboré depuis le début des années 1990 une méthode d’évaluation de la charge globale de morbidité qui permet de quantifier l’état de santé d’une population et faciliter la détermination des priorités d’action en santé publique : disease adjusted life year (DALY) ou année de vie corrigée du facteur d’invalidité (AVCI). L’AVCI est une mesure du déficit de santé qui comptabilise non seulement les années de vie perdues pour cause de décès prématuré, mais aussi les années équivalentes de vie en bonne santé perdues du fait d’une mauvaise santé ou d’une invalidité [Gaimard, 2008]. Une AVCI peut être vue comme une année en bonne santé perdue, et la charge de morbidité comme une mesure de l’écart existant entre la situation sanitaire actuelle et une situation idéale où tout le monde atteindrait la vieillesse sans maladie ni invalidité [11] [Banque mondiale, 2006]. Cette situation idéale doit être vue comme une norme de santé que peut définir chaque collectivité ou chaque pays.

9Au total, les AVCI permettent une meilleure évaluation des dommages (souffrances et décès) occasionnés par la mauvaise santé. Que nous apprennent les AVCI sur les besoins sanitaires des pays en développement ? Le tableau 2 ci-dessous montre qu’en 2001 les maladies non transmissibles constituent la première cause de morbidité, avec près de la moitié de la charge totale. Ensuite suivent les maladies infectieuses, à l’exclusion des MST et du VIH/sida, avec 23,6 %, les blessures avec 11,2 %, la santé maternelle et les conditions périnatales avec 8,3 % et les MST et VIH/sida avec 5,8 %. Cela montre clairement que la prise en compte des besoins de santé des pays en développement passe par le renforcement des systèmes de santé, seuls capables de prendre en compte correctement aussi bien les maladies non transmissibles que les maladies transmissibles. En effet, conformément aux objectifs qui ont présidé à la construction des AVCI, l’aide à la santé « devrait être allouée de manière à pouvoir prendre des mesures contre les principales causes des maladies des pays pauvres […] » [Bell & Fink, 2005, p. 162]. Les maladies, qui émergent de ce classement en raison de leurs poids, sont reconnues par les principaux donateurs comme prioritaires pour les populations pauvres. Renforcer les systèmes de santé dans un tel contexte apparaît comme une initiative pro-pauvre (voir les OMD).

Tableau 2

Les AVCI et leurs causes dans les pays à revenu faible et intermédiaire

Tableau 2
Rang Catégorie de maladie AVCI perdues (2001, milliers) Part de la maladie dans la charge totale 1 Maladies non transmissibles 678 842 48,9 2 Maladies infectieuses à l’exclusion des MST et du VIH/sida 327 407 23,6 3 Blessures 155 945 11,2 4 Santé maternelle et conditions périnatales 115 494 8,3 5 MST et VIH/sida 80 173 5,8 6 Déficiences nutritionnelles 29 564 2,8

Les AVCI et leurs causes dans les pays à revenu faible et intermédiaire

Source : Adapté de MacKellar (2005) à partir des données du Comité d’Aide au Développement.

10De cette première section, nous retiendrons donc que le renforcement des systèmes de santé est le moyen le plus adapté pour prendre en compte les besoins sanitaires des pays en développement et améliorer la santé des pauvres. C’est ce que montre en effet l’analyse de la mortalité infantile et des AVCI.

11Néanmoins, l’approche qui consiste à baser les politiques d’aide à la santé sur des critères de besoins objectifs, voire universels, n’est pas sans poser des problèmes analytiques. En santé publique, les « besoins de santé peuvent être définis comme l’écart entre un état de santé constaté et un état de santé souhaité par la collectivité ou les pouvoirs publics » [Cases et al., 2004]. Cette définition conduit à une implication essentielle pour l’évaluation des besoins sanitaires : il n’existe pas d’indicateur de besoins universels ; les besoins de santé varient, à l’évidence, dans le temps, selon le milieu social, les cultures, les sociétés. Ainsi, la santé est une construction sociale. Si l’on admet cela, il devient crucial d’accorder une attention particulière aux discours des donateurs relatifs aux besoins sanitaires des pays en développement [12]. Plusieurs travaux ont montré que l’intérêt pour un problème de santé publique, qui peut être national ou mondial, s’explique en grande partie par la façon dont les acteurs associés à ce problème parviennent à le comprendre et à en donner une représentation [Shiffman, 2009]. L’analyse des discours qui diffusent ces représentations sociopolitiques est donc importante pour comprendre les politiques d’aide, c’est ce que nous ferons dans la section 2 ci-dessous.

2 – Les discours des donateurs sur l’aide à la santé à partir des années 2000 : fondements théorique et institutionnel

12Les discours sur les politiques d’aide à la santé de ces dernières années puisent essentiellement dans les principes et objectifs du développement socialement durable (DSD) (2.1) et dans une préoccupation sanitaire alimentée par une dynamique épidémiologique plus qu’inquiétante aux yeux de certains donateurs (2.2). Mais si l’approche en termes de DSD accorde une primauté explicite aux besoins sanitaires des pauvres dans leur intégralité, l’approche en termes de sécurité sanitaire n’en fait pas un référentiel de l’action internationale des bailleurs. C’est ce que nous montrons dans cette section.

2.1 – La santé et le développement durable

2.1.1 – La montée en puissance du développement humainement et socialement durable dans les objectifs internationaux

13En 1990, le Programme des Nations unies pour le développement affirmait avec force [PNUD, 1990], à travers l’indicateur de développement humain, la place centrale de la santé et de l’éducation dans la « quête » du développement. Les sommets qui ont suivi renforcèrent cette orientation. Dès 1992, la Conférence de Rio indiquait clairement que l’objectif est de mettre l’Homme au centre des préoccupations relatives au développement et d’assurer la solidarité intra-générationnelle. L’opérationnalisation est assurée par les agendas 21. En 1995, le Sommet de Copenhague, en indiquant que son objectif est d’assurer le développement social, montre qu’il s’inscrit, comme Rio, dans la dynamique du développement humain. Pour clôturer la décennie, le sommet du millénaire se donne comme objectif de faire le point sur les engagements de Copenhague et renforcer les engagements de la communauté internationale pour le développement humain. Le sommet se termine avec l’engagement d’orienter prioritairement l’aide vers les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). À noter que trois de ces huit objectifs portent sur la santé. Cet engagement pour le financement des OMD va être exprimé de façon explicite par les donateurs en 2002 lors du sommet de Monterrey. L’objectif de ce sommet était de réunir les fonds nécessaires à la réduction de la pauvreté et à l’atteinte des OMD.

14Ces conférences, consacrées aux objectifs de développement humain et durable, ont inscrit le développement humain et la santé dans les programmes politiques internationaux. Ainsi, les dimensions sociale et humaine du développement durable ont acquis une place de choix dans les stratégies de développement. Ces initiatives ont également permis que se dégage un consensus autour d’un développement que l’on qualifierait de « socialement durable », c’est-à-dire qui accroît les capabilities (au sens de Sen, 1999) tout en respectant une certaine équité intra-générationnelle et intergénérationnelle. Au total, l’analyse des discours et des prises de position laisse entendre que l’on serait passé d’une approche où l’accumulation matérielle représentait l’objectif principal des politiques de développement à une perspective nouvelle qui redonne à l’Homme une place centrale, comme l’exigent les principes et les objectifs du développement socialement durable (DSD) [cf. Barry, 2011].

2.1.2 – Le développement socialement durable : analyse théorique et implications en termes de politiques d’aide à la santé

15Qu’est-ce que le développement socialement durable et comment pourrait-il se décliner dans les politiques d’aide à la santé ? À partir de la conception de Sen envisageant le développement comme une extension des capabilities[13], le développement socialement durable peut se définir comme « un développement qui garantit aux générations présentes et futures l’amélioration des capacités de bien-être (sociales, économiques ou écologiques) pour tous, à travers la recherche de l’équité, d’une part, dans la distribution intra-générationnelle de ces capacités et, d’autre part, dans leur transmission intergénérationnelle » [Ballet, Dubois & Mahieu, 2004, p. 5].

16L’Agenda 21, adopté en 1992 lors du Sommet de la terre de Rio, avait déjà fixé plusieurs objectifs de développement humain mais sans considérer de façon explicite et approfondie la question de la transmission intergénérationnelle des capacités. Les cinq objectifs prioritaires concernaient directement ou indirectement la santé [14] : la satisfaction des besoins en matière de soins de santé primaires ; la lutte contre les maladies transmissibles ; la protection des groupes vulnérables ; la santé des populations urbaines ; la réduction des risques pour la santé occasionnés par les pollutions et les menaces écologiques.

17En ce qui concerne les liens entre santé et développement, deux enjeux majeurs peuvent être identifiés. Le premier est celui de l’accès aux soins et de l’équité intra-générationnelle. Les problèmes de santé étant fortement concentrés dans les couches les plus défavorisées de la population [Berthélemy, 2008 ; Berthélemy & Seban, 2009], la question de l’équité dans les politiques de santé se pose avec force. L’équité suppose de garantir aux plus pauvres et au plus grand nombre l’accès aux soins grâce aux différentes formes de solidarité. Dans cette perspective, les politiques de santé devraient consacrer plus de ressources et de programmes aux groupes défavorisés. Le respect du principe de l’équité exige donc des politiques de santé publique adaptées à des objectifs de promotion des services de soins de base et de prévention qui soient accessibles à tous. Le deuxième enjeu est celui de la construction des capacités et de l’équité intergénérationnelle. Selon Ballet, Dubois et Mahieu [2004], la durabilité sociale du développement suppose à la fois la construction de capacités et une transmission équitable de ces capacités d’une génération à l’autre. Les implications tirées de l’analyse en termes de DSD convergent toutes sur l’importance des systèmes de santé. En effet, seul un système de santé public performant peut garantir durablement des soins de qualité dans le respect d’une équité intra-générationnelle (soins aux plus démunis) et intergénérationnelle.

18Mais parallèlement à ce consensus sur le DSD, une dynamique épidémiologique, que la mondialisation renforce, est vécue par les pays riches avec plus en plus d’inquiétude. Cela suscitera une réaction « sécuritaire » de la part des pays riches.

2.2 – La santé et la sécurité

19La fin de la guerre froide a ouvert les yeux du monde sur une planète où les pays sont de plus en plus interdépendants, ayant donc de plus en plus de problèmes communs. Cette interdépendance est manifeste dans le domaine de la santé. La multiplication d’épidémies pouvant s’internationaliser en est la preuve. Entre 2003 et 2006, il y a eu plus de 685 événements vérifiés susceptibles d’avoir une ampleur internationale pour la santé publique, dont 288 identifiés en Afrique (soit 42 %) et 108 dans le Pacifique occidental [OMS, 2007]. Cette « réalité » sanitaire conduira à la promotion de la santé comme un bien public mondial. L’approche sécuritaire de l’aide à la santé, dont nous abondons ici, est partie intégrante de l’approche par les BPM. C’est pourquoi nous partons de l’approche des Biens publics mondiaux (BPM) pour montrer les spécificités de l’approche sécuritaire de l’action sanitaire internationale.

2.2.1 – Les Biens publics mondiaux (BPM)

20Une des conséquences des programmes d’ajustement structurel (PAS) a été l’évolution du cadre théorique de la problématique de santé : le passage d’une analyse en termes de services publics à une analyse en termes de biens publics. Ainsi, à côté de l’agenda qui considère la santé comme un droit et un facteur de développement (approche en termes de développement socialement durable), s’est développée une autre approche qui présente la santé comme un BPM. Cette approche fut d’abord portée par les institutions de Bretton Woods et ensuite par l’OMS et le PNUD. Dans l’ouvrage de Kaul et al. [2002, p. 36-38], qui sert encore de référence, la notion de Bien public mondial est définie à partir de trois critères :

  • les Biens publics mondiaux ne concernent pas seulement un groupe de pays (leurs effets dépassent par exemple les blocs commerciaux ou les pays de même niveau de richesse) ;
  • leurs effets atteignent non seulement un large spectre de pays, mais également un large spectre de la population mondiale ;
  • enfin, leurs effets concernent les générations futures.
On insiste donc sur les externalités (positives et négatives) fournies par le bien public, requérant l’intervention de l’État ou de la communauté internationale dans le seul cas où le marché est déficient. Mais, au lieu de se lancer dans une aventure de production des BPM dans leur intégralité, les donateurs, notamment étatiques, semblent privilégier des politiques qui visent à gérer ou contrôler le risque, donc les externalités négatives.

2.2.2 – L’approche sécuritaire : une vision réductrice des BPM

21L’approche sécuritaire consiste ainsi à orienter, en priorité, les efforts de la communauté internationale vers la gestion des externalités négatives. La règle du « maillon faible » est alors privilégiée : les pays à risque élevé deviennent une cible d’intervention pour éradiquer le problème à la source et protéger en retour les pays riches [Boidin, 2007]. Parmi les organisations et États qui ont un discours sécuritaire, on peut citer :

  • l’Union européenne qui, dans son programme de lutte contre la pauvreté 2002-2006, a beaucoup insisté sur les mêmes maladies infectieuses ;
  • l’USAID qui, quant à elle, a réduit son soutien aux réformes des systèmes de santé, au développement des systèmes de surveillance et d’information sur les maladies les plus courantes dans les pays en développement ;
  • la position du gouvernement américain qui, pour Tubiana et Severino [2002, p. 365], constitue une autre illustration marquante. Le choix qu’avait exprimé très tôt le président G. W. Bush de « privilégier la sécurité du territoire et la lutte contre le terrorisme à l’extérieur » s’inscrit dans une logique de production de Bien public mondial (les États-Unis chercheraient à imposer leurs règles de sécurité à l’extérieur), axée sur la lutte contre les « maillons faibles » de la sécurité (le terrorisme, les pays soumis au risque de maladies infectieuses…)
La maladie qui a le plus bénéficié de cette approche est le VIH/sida. L’approche en termes de sécurité sera utilisée pour inciter les donateurs à mobiliser des ressources financières et techniques afin de combattre le VIH/sida [Dixneuf, 2003a ; Shiffman, 2005 ; Mackellar, 2005 ; Bagayoko-Penone & Hours, 2006]. Cette approche, bien qu’efficace pour mobiliser des ressources, n’est pas sans risque pour une prise en compte globale des besoins sanitaires dans les PED.

22Les politiques de santé qui obéissent à une approche sécuritaire conduisent à une orientation massive de l’aide à la santé vers les maillons faibles (pays à risque), à une lutte en priorité contre les maladies infectieuses à travers une organisation verticale des politiques de santé. Cette organisation verticale n’est pas sans effet sur la prise en compte des besoins sanitaires dans leur ensemble par les systèmes de santé. De nombreux travaux ont montré que les programmes verticaux peuvent engendrer des effets négatifs sur les systèmes de santé des pays en développement [Mathonnat, 2005 ; Soucat, 2005 ; England, 2007]. Ils induisent une fragmentation des services, créent des barrières entravant l’accès, génèrent gaspillage (double emploi) et inefficacité [McKeown, 1979], manquent de fondements empiriques [Unger & Killingsworth, 1986 ; Eddy, 1991] et éloignent la majorité de la population de la prévention et de l’accès aux services généraux [Bryant, 1969]. Ces programmes verticaux, qui sont également peu durables [Brown, Cueto & Fee, 2004], diminuent l’appropriation locale des politiques de santé [Banerji, 1999], nuisent au renforcement des systèmes de santé [Conn et al., 1996], entravent le développement d’approches globales qui sont nécessaires dans le cadre de la lutte contre l’inégalité sociale et les déterminants de la mauvaise santé au sens plus large [Gish, 1982] – impactant par conséquent négativement le processus de développement de la santé [Sen & Koivusalo, 1998]. On notera cependant que les programmes verticaux qui sont capables d’utiliser les forces vives en présence, au lieu de créer des structures parallèles, peuvent avoir un effet positif sur les systèmes de santé et les besoins sanitaires des pauvres. Les ressources supplémentaires mobilisées par les programmes verticaux peuvent constituer une réelle bouffée d’air pour des systèmes de santé en manque de financement. Le programme d’éradication de la variole est souvent cité en exemple [Taylor et al., 1997].

23Toutefois, il convient de noter qu’il peut être très délicat de rattacher des discours, qui sont des représentations sociopolitiques, à tel ou tel donateur. En effet, dans les années 1970 ou 1980 il était relativement aisé de rattacher les discours aux acteurs car les différences sociopolitiques étaient assumées, voire revendiquées. L’OMS s’était par exemple clairement positionnée en faveur d’une approche de la santé en termes de droits humains. Aujourd’hui, la situation est un peu plus complexe. L’agenda de la bonne gouvernance [cf. Cartier Bresson, 2010], en soutenant l’idée qu’aucune approche et aucun acteur ne sont a priori plus légitimes que les autres, a conduit à la disparition des « frontières » sociopolitiques. Ainsi, nous avons actuellement des acteurs ambigus au sens où ils cèdent aux discours à la mode sans forcément renoncer à leur discours politique originel.

24En somme, les politiques d’aide à la santé postérieures aux années 2000 reposent, au regard des approches présentées ci-dessus, sur la poursuite d’un double objectif : une satisfaction des besoins sanitaires des pauvres et la sécurité sanitaire des pays riches. Mais lequel de ces objectifs a eu un impact réel sur la mobilisation des ressources d’aide et leur répartition ? L’objectif de sécurité sanitaire semble être celui qui a eu le plus d’effets sur la mobilisation des donateurs et leurs pratiques. Or la poursuite de cet objectif n’est pas sans effets sur la satisfaction des besoins sanitaires des pauvres. Nous essayons, dans la partie suivante, de montrer que cela peut produire, et produit ici effectivement, une « éviction » des besoins sanitaires des pauvres, approchés par le renforcement des systèmes de santé, des priorités de l’aide.

3 – Les priorités de l’aide à la santé : sécurité contre besoins sanitaires des pauvres ?

25L’objectif de cette troisième partie est de montrer que la lutte contre le sida, portée par une approche sécuritaire (3.1), s’est accompagnée d’un financement de la santé déséquilibré en faveur du sida (3.2) qui nuit à la satisfaction des besoins sanitaires des pauvres (3.3).

3.1 – La lutte contre le sida dans les pays du Sud des années 1990 aux années 2000 : une mobilisation sécuritaire autour du sida…

3.1.1 – Une lutte contre le sida dominée par l’indifférence dans les années 1990

26Aujourd’hui, avec le recul dont on dispose sur l’évolution de la question du sida, il est difficile de croire que les pays riches et leurs agences de développement, ainsi que les institutions de Bretton Woods, n’ont pas été informés de la gravité de l’épidémie. Le 27 octobre 1986, un article du Times de Londres affirme : « Une épidémie de sida catastrophique s’étend à toute l’Afrique… La maladie a déjà infecté plusieurs millions d’Africains, entraînant de graves crises sanitaires dans plus de vingt pays […] “le sida est devenu une menace pour tous les Africains ; la prévention et le contrôle de la maladie doivent devenir une priorité pour tous les pays africains” constate un rapport publié dans un journal scientifique américain renommé » [cité par Easterly, 2009, p. 299]. Le premier rapport de la Banque mondiale sur le sida, qui date de 1988, souligne un peu plus l’urgence de la crise et note « un environnement hautement propice à la propagation du VIH » dans les pays africains. Il affirme aussi que l’épidémie est loin d’avoir atteint son plus haut niveau et que « l’épidémie de sida en Afrique est une urgence pour laquelle les mesures appropriées doivent être prises sans attendre » [Banque mondiale, 1988].

27Mais, malgré ces mises en garde, la mobilisation n’a pas été importante au regard des sommets et des engagements financiers : pour l’année fiscale 1988-1989, la Banque mondiale s’est contentée d’accorder un million de dollars à l’OMS pour la lutte contre le sida. Avant 1993, la Banque mondiale n’a financé qu’un seul projet de lutte contre le sida : un prêt de huit millions de dollars accordé en 1988 au Zaïre (actuelle République démocratique de Congo) sous le président Mobutu. Entre 1988 et 1999, elle n’a dépensé que quinze millions de dollars pour l’ensemble des projets de lutte contre le sida en Afrique. En réalité, jusqu’à la fin des années 1990, la communauté internationale et la Banque mondiale, bras financier de cette communauté, n’ont entrepris que des actions limitées pour empêcher la propagation du sida.

28Au tournant des années 2000, les problèmes de santé comme ceux du sida vont voir l’attention qui leur est accordée augmenter avec leur transformation en une question de sécurité internationale dépassant les frontières africaines, donc avec la redéfinition du problème en BPM. Cette transformation s’est opérée par une appropriation sécuritaire de la part des politiques des pays riches et par la peur du bioterrorisme.

3.1.2 – Une lutte contre le sida portée par une forte mobilisation permise par une lecture sécuritaire de la maladie à partir des années 2000

29L’Organisation des Nations unies (ONU) sera un des acteurs majeurs de cette transformation à partir des années 2000. Un élément nouveau et important est la reconnaissance par le Conseil de sécurité, après avoir débattu à trois reprises, de ce que le sida constitue une menace pour la sécurité mondiale. La résolution 1308 de l’an 2000 soulignait « que la pandémie de VIH/sida, si elle n’est pas enrayée, peut mettre en danger la stabilité et la sécurité ». Le paragraphe 3 de la résolution était consacré aux risques sanitaires encourus par les troupes de maintien de la paix. Lors du sommet des Amériques le 22 avril 2001, cette approche des risques sanitaires est reprise en ces termes : « Nous reconnaissons que le VIH/sida constitue une menace importante à la sécurité de nos peuples. Nous sommes unis dans notre détermination à adopter des stratégies multisectorielles et à développer notre coopération afin de lutter contre cette maladie et ses conséquences [15]. » Si cette reconnaissance est spécifique au sida, cette approche s’élargit de plus en plus et illustre une prise en compte croissante des risques liés à la santé publique dans les réflexions géopolitiques contemporaines [Dixneuf, 2003a]. Pour sa part, l’Assemblée générale des Nations unies a consacré à cette épidémie une session extraordinaire en juin 2001 et l’ONUSIDA a établi un partenariat avec l’International Crisis Group. Aux États-Unis, deux rapports de la CIA ont également souligné l’importance de la menace [Gordon, 2002]. En 2003, les dirigeants du G8 déclaraient être « conscients des dangers de déstabilisation que font peser sur le monde les grandes pandémies comme le sida, le paludisme et la tuberculose [16] » et engagés à mobiliser « leurs efforts et leurs moyens pour lutter contre ces fléaux [17] ».

30Outre la propagation naturelle des maladies infectieuses comme le sida, laquelle inquiétait les pays riches, leur transformation en armes biologiques était plus que redoutée au début des années 2000. La déclaration du président des États-Unis qui a été la nation la plus ciblée par les propagandes terroristes et qui est aussi la plus grande donatrice dans le domaine de la santé en est une illustration : « Je vous demande ce soir de renforcer notre sécurité future grâce à un important projet de recherche et de production qui vise à protéger notre population contre le bioterrorisme, un projet baptisé “Bioshield” […]. Nous devons présumer que nos ennemis peuvent se servir de ces maladies en tant qu’armes et nous devons agir avant d’être confrontés à ces dangers [18]. » On a donc assisté à un mélange de peur du bioterrorisme et de la propagation de pandémies facilitées par la mondialisation.

31Le risque sanitaire va être utilisé par les acteurs du développement pour mobiliser autour de l’aide à la santé. Pour mobiliser les donateurs, ces acteurs arguent du fait que la planète constituerait une communauté de destin face aux épidémies. Aux sommets réunissant les États, au plus haut niveau (Conseil de sécurité), aux activismes des ONG, la décennie a été dominée par des campagnes internationales en faveur de l’accès aux médicaments dans les pays du Sud et par des discussions, au niveau étatique, sur la base de documents qui s’intéressent au VIH ou aux autres maladies infectieuses en tant qu’enjeu global de sécurité [voir Gordon, 2000, 2002 ; les différents communiqués du G8 depuis 1998 ; les communiqués du Conseil de sécurité de l’ONU de 2000…]. Ce lobbying va déboucher sur une évolution du régime de l’aide au tournant des années 2000 avec la création de nouvelles institutions comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose et l’accroissement sans précédent de l’aide. Cette organisation est une bonne illustration du recours à des approches verticales pour lutter contre ces trois grandes maladies infectieuses.

32Ces nouvelles orientations conduiront à une aide à la santé déséquilibrée en faveur du sida. C’est ce que nous montrons dans la sous-section suivante.

3.2 – … qui s’accompagne d’un financement déséquilibré en faveur du sida qui…

3.2.1 – La définition statistique de l’aide

33L’aide à la santé désigne en théorie toute aide qui concourt à l’amélioration de la santé dans les pays bénéficiaires de l’aide. Dans la pratique, il s’agit de l’aide au développement destinée aux hôpitaux et dispensaires ; à la protection maternelle et infantile ; aux autres services médicaux ; à l’administration de la santé publique et des programmes d’assurances ; aux politiques/programmes en matière de population et gestion administrative, etc. Dans leur rapport d’activités statistiques, les donateurs, notamment les membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), sont priés d’assigner pour chaque activité d’aide un secteur de destination, et pour le secteur concerné un code détaillé est fourni dans le but d’identifier le secteur ou la structure socio-économique destinataire. Toutes les notifications des donateurs sont réunies dans une base de données, disponible en ligne sur le site de l’OCDE, et qui s’appelle système de notification des pays créanciers. Le vocabulaire utilisé pour désigner l’aide à la santé dans cette base de données est « santé et population ». En conséquence, les statistiques du CAD sur l’aide à la santé comportent seulement les activités qui ont pour but principal la santé. Elles ne captent pas l’aide destinée à d’autres secteurs même si celle-ci a un impact sur la santé.

3.2.2 – Les engagements des donateurs par objet de santé de 1996 à 2010

i – La méthodologie

34Pour identifier les véritables priorités des donateurs, nous avons organisé les actions des donateurs dans le domaine de la santé autour de quatre objectifs principaux : renforcement des systèmes de santé, efforts en matière de population et reproduction, lutte contre les maladies infectieuses et lutte contre le VIH/sida. Il est à noter que ces objectifs sont tous affichés par les donateurs comme des priorités (voir les OMD). Cette reconstitution permettra de comparer les efforts des donateurs pour chaque objectif et, in fine, de nous faire une idée de l’impact de la mobilisation autour du sida sur l’objectif de renforcement des systèmes de santé.

35Les engagements sont évalués en dollars constants 2010. Nous analysons la période 1996-2010 parce que les données concernant ces années couvrent la période qui nous intéresse et qu’elles sont relativement complètes. Pour obtenir les engagements des donateurs pour chacun des objectifs cités ci-dessus, nous nous sommes appuyé, comme indiqué plus haut, sur le système de notification des pays créanciers (SNPC), base de données de l’OCDE [19]. Il faut noter qu’à chaque secteur ou sous-secteur correspond un code. Au secteur « santé » correspond par exemple le code 120. Toujours sur le plan méthodologique, il faut savoir que les catégories santé (120) et population (130) couvrent les engagements d’organisations comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou de programmes comme celui du Plan d’urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR).

36Le VIH/sida est inclus dans les codes 13040 (Lutte contre les MST, dont le VIH/sida) et 16064 (atténuation sociale de VIH/sida) ; la population et la santé reproductive sont couvertes par les codes 13010 (politique démographique et administrative gestion), 13020 (soins de santé génésique), 13030 (planification familiale) et 13081 (développement personnel pour la population et la santé reproductive) ; les maladies infectieuses se retrouvent sous les codes 12250 (contrôle des maladies infectieuses), 12262 (lutte contre le paludisme) et 12263 (lutte contre la tuberculose) ; et le renforcement des systèmes de santé peut être évalué en prenant en compte les codes 12110 (politique de santé et de la gestion administrative), 12181 (Formation médicale / formation), 12182 (recherche médicale), 12191 (services médicaux), 12220 (soins de santé de base), 12230 (infrastructures de santé de base), 12240 (alimentation de base), 12261 (éducation à la santé) et 12281 (personnel de santé). Ainsi, dans l’évaluation des financements, les services médicaux, les soins de santé de base, les infrastructures de santé de base et l’alimentation de base, si importants pour les populations pauvres, sont comptabilisés dans le renforcement des systèmes de santé. Cela est conforme à l’idée que la prise en compte à la fois des besoins sanitaires des pays en développement et des besoins des pauvres de ces pays passe par le renforcement des systèmes de santé.

ii – La part de chaque objectif dans l’aide totale à la santé entre 1996 et 2010

37La part de l’aide à la santé destinée à la lutte contre le VIH/sida a fortement augmenté sur la période étudiée, passant de seulement 5,5 % des engagements des donateurs en matière d’aide à la santé en 1996 à près de 40 % en 2010 (figure 1). Un pic fut atteint en 2007 avec 44 %. La part de l’aide consacrée aux autres maladies infectieuses, y compris la tuberculose et le paludisme, a aussi considérablement augmenté, passant de 9 % à 18 % sur la période étudiée. Si on réunit ces deux catégories, nous voyons que le contrôle des maladies infectieuses, y compris pour le VIH/sida, a dominé le financement des donateurs pour la santé ces dernières années.

Figure 1

Évolution des parts des différents objectifs de santé entre 1996 et 2010

Figure 1

Évolution des parts des différents objectifs de santé entre 1996 et 2010

Source : Présentation de l’auteur d’après des données de l’OCDE.

38Parallèlement à cet accroissement spectaculaire des parts de la lutte contre le VIH/sida et les autres maladies infectieuses, nous avons assisté à une chute, non moins spectaculaire, de la part des ressources consacrées au renforcement des systèmes de santé. En effet, la part de l’aide à la santé consacrée à cet objectif est passée de 71 % en 1996 à 31 % en 2010. Les efforts pour la santé reproductive et la mortalité infantile ont également baissé. La part des actions pour l’objectif « population » est en effet passée de 15 % à 11 % entre 1996 et 2010.

39Cette évolution des efforts de la communauté internationale en faveur du sida et au détriment des systèmes de santé appelle trois commentaires :

  • Tout d’abord, le sida est effectivement une priorité à part entière des donateurs à partir des années 2000. Cette maladie semble avoir bénéficié de la mobilisation sécuritaire soulignée plus haut. Cette maladie a en effet la particularité d’être la seule à avoir mobilisé la communauté internationale au niveau le plus important : le Conseil de sécurité des Nations unies. Le fait que le Conseil de sécurité ait débattu, en 2000, du sida, et que la CIA [Gordon, 2000 ; 2002] ait souligné l’importance de la menace semble avoir modifié largement les pratiques. On peut cependant nous rétorquer que le sida, utilisé ici comme révélateur de l’approche sécuritaire de la santé, touche en premier lieu des pauvres. Si cela est vrai, il est indéniable que ce sont les dimensions « sécuritaires » du sida, et non le fait que cette maladie touche des pauvres, qui furent utilisées par beaucoup d’acteurs pour obtenir une plus grande mobilisation des pays riches. Parmi ces acteurs, nous avons l’ONU, l’OMS et diverses ONG. Ce constat est partagé par plusieurs auteurs [Dixneuf, 2003a ; Shiffman, 2005 ; Mackellar, 2005 ; Bagayoko-Penone & Hours, 2006]. À l’instar de ces auteurs, nous indiquons juste que le sida ne concentre pas les « besoins de santé » les plus importants des PED. C’est une intermédiation sociopolitique particulière, portée par des États, des institutions internationales, des ONG et des industries pharmaceutiques, qui a fait du sida une priorité internationale. On peut également nous rétorquer que la lutte contre le VIH/sida n’est pas une priorité si l’on met au premier plan les difficultés d’accès aux médicaments essentiels à la lutte contre cette maladie du fait des stratégies de l’industrie pharmaceutique. À cela nous répondons que, sur l’échelle des priorités en termes de sécurité sanitaire, la sauvegarde des industries pharmaceutiques, au moyen de la sauvegarde de leurs rentes, est peut-être effectivement au-dessus de la lutte contre le sida dans les pays du Sud. Les États du Nord et leurs responsables politiques ont en effet tendance à assimiler, lors des négociations internationales (cycles de Doha par exemple), les intérêts de leurs firmes aux intérêts nationaux de leurs pays. Ils le font en mobilisant des arguments qui renvoient à des enjeux de puissance et de sécurité [20] [Dixneuf, 2003c, p. 4-5].
  • Ensuite, l’association récurrente du paludisme et de la tuberculose avec le sida dans les réunions internationales semble avoir permis à ces maladies de bénéficier d’un intérêt plus important de la part des donateurs.
  • Enfin, la mobilisation des donateurs sur la base des arguments sécuritaires s’est traduite par une baisse de la part des financements pour les systèmes de santé. On peut donc parler d’une éviction du « renfoncement des systèmes de santé » par « la lutte contre le VIH/sida » (figure 2). Il s’agit là d’une orientation nuisible à la viabilité des systèmes de santé dans les pays du Sud et à l’accès aux services sanitaires de base. Or les carences institutionnelles des systèmes de santé des pays en développement sont profondes [Boidin & Hamdouch, 2005]. Carences qui se traduisent par l’absence ou la médiocrité de soins de santé de base si importants pour la majorité des populations.

Figure 2

Évolution des parts des objectifs de lutte contre le sida et de renforcement des systèmes de santé

Figure 2

Évolution des parts des objectifs de lutte contre le sida et de renforcement des systèmes de santé

Source : Présentation de l’auteur d’après des données de l’OCDE.

3.3 – … nuit à la satisfaction des besoins de base et au renforcement des systèmes de santé

40Avec la hausse de l’aide à la santé, les systèmes de santé, la santé maternelle et infantile ont vu leurs parts baisser de façon continue entre 1996 et 2010. Or ces objectifs concentrent des besoins importants des PED, notamment en santé de base. Aujourd’hui, il semble difficile d’entreprendre une politique de santé « socialement durable » dans les PED sans qu’une priorité claire ne soit donnée à l’accessibilité aux soins de base et au soutien aux politiques nationales de santé à travers un renforcement des systèmes de santé. Une stratégie cherchant à atteindre des objectifs de développement durable dans le domaine de la santé devrait donc se traduire par une augmentation des parts des postes de dépense comme les infrastructures et les soins de base, l’éducation à la santé et le personnel, la nutrition de base, la santé reproductive [21]. Or la stratégie des bailleurs semble être tout autre. La hausse de l’aide à la santé de ces dernières années résulte, en grande partie, de la lutte contre le sida, en particulier à travers le dispositif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Si les priorités de ce fonds répondent à des problèmes cruciaux des PED dans le domaine de la santé, il n’en demeure pas moins que la concentration des financements sur la lutte contre les maladies infectieuses tend à favoriser :

  • une approche verticale des politiques de santé qui ne permet pas de bâtir des systèmes de santé efficaces et capables de garantir l’accès aux soins de santé primaires pour le plus grand nombre et la durabilité des acquis sanitaires. Cette organisation des politiques d’aide à la santé est en contradiction avec les principes et objectifs du développement durable. Or la satisfaction des besoins de base passe par l’accès aux soins de santé primaires et nécessite un renforcement des moyens financiers et de la gouvernance des systèmes de santé ;
  • une fragmentation et un sous-financement grossier des soins de santé destinés aux populations pauvres et marginalisées [Moore & Showstack, 2003]. Le problème est ici que l’aide telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui accroît cette fragmentation. Une coordination des donateurs et leur alignement sur les programmes de santé des gouvernements bénéficiaires, conformément à la Déclaration de Paris de 2005, peut contribuer à la réduction de la fragmentation ;
  • des soins appauvrissants. Partout où des systèmes de santé offrant des soins accessibles font défaut et où les usagers doivent payer une grande partie des soins de leur poche, ils peuvent se trouver confrontés à des dépenses catastrophiques. Dans les pays en développement, plus de 150 millions de personnes tombent chaque année dans la pauvreté parce qu’elles doivent payer leurs soins de santé [Xu et al., 2007]. Bien qu’accrue, l’aide ne semble pas aller vers la réduction d’un tel appauvrissement. Il y a donc un réel besoin d’avoir dans les pays du Sud des systèmes de santé capables de garantir un accès équitable aux soins ;
  • des soins mal ciblés. La stratégie actuelle semble avoir conduit, sur le terrain, à des situations dénoncées autant par des chercheurs que par des acteurs du développement. L’évaluation indépendante à cinq ans du Fonds mondial, réalisée par un bureau d’expertise américain, dans 25 pays en 2009, indique que « les évaluateurs constatent que les services de santé de base manquent de tout… sauf de tests, de formation, de directives et de médicaments pour le sida. Si l’élémentaire, comme le test de l’hémoglobine ou le test urinaire, n’est pas disponible là où le plus coûteux l’est, ne peut-on pas parler d’effets système en faveur du sida, aux dépens des maladies les plus courantes ? » [cité par Kerouedan, 2010, p. 23].
De façon générale, il est paradoxal que, dans les pays à faible revenu, les soins primaires doivent être payés directement par les patients sous le prétexte qu’ils sont bon marché et que les pauvres devraient avoir les moyens de se les offrir, alors qu’en même temps des soins contre le sida, plus chers, sont dispensés gratuitement. Au final, il semble que nous avons assisté, par rapport aux années 1990, à l’émergence d’un nouveau régime :
  • qui mobilise d’importantes ressources mais utilisées aux dépens des besoins sanitaires de base ;
  • qui, porté par une approche sécuritaire, privilégie la lutte contre le sida ;
  • dont le défi est de concilier des objectifs de sécurité et de satisfaction des besoins de base.

4 – Conclusion

41Notre article montre que, malgré l’exceptionnelle augmentation de l’aide à la santé au tournant des années 2000, la satisfaction des besoins sanitaires de base, si importante pour les populations des pays en développement (notamment des plus pauvres parmi elles), n’est pas encore une priorité internationale. Cet article a permis de montrer que la raison tient au fait que les politiques d’aide actuelles accordent une attention trop importante aux maladies comportant des aspects sécuritaires importants comme le sida au détriment des objectifs de santé de base considérés pourtant comme pro-pauvres. La baisse de l’intérêt porté aux systèmes de santé en est un exemple. Mais l’impact négatif de la stratégie actuelle ne se limite pas à cette priorisation financière. L’approche verticale qui sous-tend la lutte contre le sida, en entravant le renforcement et le « bon fonctionnement » des systèmes de santé dans les pays en développement, nuit à l’accès aux services de santé de base pour les plus pauvres. En somme, la question de la mobilisation pour la santé des pauvres est loin d’être réglée. Le régime actuel d’aide à la santé, comme ceux qui l’ont précédé, fait face à un sérieux défi : réussir une forte mobilisation des bailleurs sur des besoins importants, mais spécifiques aux pays pauvres ou vus comme tels.

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Mots-clés éditeurs : aide à la santé, sécurité et sida, pauvre, biens publics mondiaux, allocation de l'aide, développement socialement durable

Date de mise en ligne : 10/05/2013.

https://doi.org/10.3917/rfse.011.0101

Notes

  • [1]
    Je remercie les deux rapporteurs anonymes qui ont permis d’enrichir ce texte.
  • [2]
    OMS [2008], Statistiques sanitaires mondiales, http://www.who.int/whosis/whostat/2008/en/index.html (visité en septembre 2010).
  • [3]
    Cependant, certains travaux ne vont pas dans ce sens. Ces travaux observent une hausse de la fréquentation [Audibert & Mathonnat, 2000].
  • [4]
    Extrait d’un document de l’OMS dont le but est de sensibiliser des partenaires sur les liens entre santé et pauvreté, disponible en ligne : www.wpro.who.int/internet/resources.ashx/RCM/RC51-10_fr.pdf (visité le 8 juillet 2011 et voir p. 3).
  • [5]
    Résolution de la 158e assemblée générale de l’OMS, tenue en mai 2005. Pour plus de détails, voir : http://www.who.int/health_financing/resolution_58.33_fr.pdf (visité le 7 août 2012).
  • [6]
    G8 à Okinawa en 2000.
  • [7]
    À noter que le « renforcement des systèmes de santé » inclut entre autres les services médicaux, les soins de santé de base, les infrastructures de base, etc.
  • [8]
    Pour plus de détails, voir le rapport de la Banque mondiale en 2010 intitulé Perspectives pour l‘économie mondiale 2010 : crise, financements et croissance.
  • [9]
    Des arguments supplémentaires en faveur de cette hypothèse sont mis en avant plus loin dans le texte.
  • [10]
    Pour plus de détails, voir l’OMS (2010) : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs178/fr/ (visité le 2 août 2012).
  • [11]
    Cette méthode sera utilisée en 2002 pour évaluer les besoins de santé partout dans le monde en 2001.
  • [12]
    Comme le soulignent Collier et Dollar dans le rapport sur le développement dans le monde 1999-2000, « ce sont eux [les donateurs] et non les gouvernements des pays bénéficiaires, qui décident des bénéficiaires » (cité par Gabas, 2002, p. 71). Ce sont eux qui déterminent aussi les secteurs prioritaires.
  • [13]
    Dans la suite du texte nous utiliserons le terme « capacités ».
  • [14]
    Qui ressortent aussi des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
  • [15]
    Pour plus de détails, voir le site du sommet : http://www.ftaa-alca.org/summits/quebec/declara_f.asp (visité le 13 août 2012).
  • [16]
    Site du ministère des Affaires étrangères du gouvernement français/sommet G8 d’Évian (visité le 2 février 2009).
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    Discours du président américain George W. Bush, prononcé devant le Congrès en janvier 2003 (discours sur l’état de l’Union).
  • [19]
    Les limites des statistiques contenues dans cette base de données sont bien connues. Parmi celles-ci, il y a le fait que la base de données ne soit pas vraiment complète ; chaque subvention est affectée à son but principal même si elle a un impact sur d’autres objectifs de développement. Ceci dit, cette base de données a été relativement complète ces dernières années puisque l’OCDE indique dans le guide d’utilisateur que le taux de couverture des engagements est de plus 90 % depuis le début des années 2000.
  • [20]
    Document disponible sur le site du réseau remed : http://www.remed.org/texte_M_19.pdf (visité le 13 août 2012).
  • [21]
    On peut noter, cependant, que l’accroissement de l’aide n’est pas une condition suffisante pour garantir l’élévation du niveau de santé, puisque la santé est multi-déterminée.
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