Couverture de RFP_795

Article de revue

Sur L’Étranger

Pages 1562 à 1569

1 La méthode dite d’« Interlectures » vise à confronter sur la question du langage – sa nature, sa fonction – les expériences des psychanalystes, des philosophes et des littéraires. Pourquoi ? Le travail analytique nous met en contact étroit avec les affects et les représentations, la plupart inconscientes, qui font la vie de l’âme ; la parole qui se déploie là se révèle dans la plus proche parenté avec les objets internes qui accaparent la libido du sujet et l’arrachent au monde et à la communauté des hommes. Cela, parce que le transfert réactualise, dans le temps et l’espace de la séance, les expériences infantiles refoulées si décisives pour l’activité psychique adulte. Par contre – et peut-être est-ce à ce prix qu’elle a l’efficience psychothérapeutique que Freud découvrit – parce qu’elle est, comme le disait André Green, une « parole vivante », donc éphémère, il est quasiment impossible de suivre avec précision les opérations de langage, les mouvements de signifiants et les jeux grammaticaux qui la portent, et qui assurent aux affects et représentations inconscientes l’accès à la conscience et au renoncement.

2 À l’opposé, la parole qui anime l’écriture littéraire ou philosophique a la particularité d’être fixée définitivement dans une œuvre. Non qu’elle ne soit pas vivante – la lecture de L’Étranger nous en convainc – mais elle appartient à un autre ordre que celui qui commande la vie des mortels ordinaires et qui nous est familière. Elle appartient non à la réalité mais à la fiction, cet autre monde où les catégories de vie et de mort ne sont pas référencées. Le discours écrit est immuable, on peut sans cesse y revenir : lire, c’est relire ; on peut, comme dans la contemplation d’un tableau, indéfiniment explorer ses arcanes secrètes et, par ce biais, laisser apparaître la structure signifiante animant, comme son squelette, sa chair narrative ou spéculative.

3 L’Étranger est un ouvrage immense par sa qualité romanesque, par la puissance de son inspiration, par la force poétique de son écriture ; sa réception a été immédiate, enthousiaste, unanime, elle est toujours actuelle, sa parution a bouleversé la tradition littéraire et a certainement transformé les mentalités. Il est impossible dans le temps qui nous est imparti, et du fait que nous voulons en donner une lecture plurielle, d’examiner l’ensemble de l’œuvre ; nous avons choisi de nous pencher sur quelques fragments, déjà intéressants en soi et qui sont aussi susceptibles de refléter l’esprit général du récit. Nous nous proposons donc de procéder à un zoom sur la première partie du roman, qui est la plus purement intimiste et subjective, et qui s’oppose à la seconde partie où le même drame – mixte, de meurtre et de matricide – se déploie et s’expose sur un autre théâtre, celui du socius et du droit.

4 Meursault a perdu sa mère, le seul être familier que le destin lui accorde encore, et le roman met en scène, explore, les bouleversements que cette perte cruelle entraîne chez ce jeune homme, bouleversement savamment camouflé sous un vernis d’indifférence, de distanciation, d’agrippement au prosaïsme de la réalité quotidienne ; mais on pourrait dire encore, un bouleversement noyé sous la posture philosophique toute camusienne de l’absurde. La seconde partie fera retour sur cette attitude qui prend la réaction pour l’action dans un malentendu tout aussi camusien. Car Meursault n’est pas le monstre froid et immoral que verront le juge d’instruction, le procureur ou le prêtre : éprouvé par « la mort de maman », sous l’effet de la douleur, au lieu de se plier au travail du deuil qui devrait le séparer d’elle, Meursault adopte une posture mélancolique qui, en lui permettant de s’identifier à cette « mère morte », la ressuscite aussitôt, et qui l’autorise encore à l’accompagner dans la mort en se détachant habilement et inexorablement de la vie. Il s’acoquine avec un voyou, assassine un étranger et finira sur l’échafaud.

5 Je résume, au risque de la profaner, une œuvre dense, sophistiquée qui chemine avec lenteur et obstination et qui vise plus à émouvoir le lecteur qu’à l’édifier. Mais surtout, je donne d’emblée de la création littéraire d’Albert Camus une interprétation qui vient d’un champ qui lui est extérieure : cette interprétation nous est imposée par l’expérience de l’analyse, par les recherches freudiennes sur le deuil et la mélancolie, sur la place de l’objet dans la vie des hommes, en premier lieu de l’objet maternel, et sur la singularité de l’affect œdipien dans la genèse de la sexualité infantile. Une autre raison d’être du débat d’Interlecture est justement une interrogation sur cette place de l’interprétation dans la lecture d’un roman, d’un poème ou d’un essai. Cette interprétation est-elle légitime si l’auteur n’en fait pas mention et semble même n’en avoir aucune connaissance ? Ne relève-t-elle pas d’une instrumentation, n’étant qu’une clé ? Enfin qu’apporte-t-elle à l’œuvre ? Bruno Gelas et Géraud Manhès nous donnent la réplique sur ce sujet ; il nous faut préciser que c’est dans ce cadre et cette contrainte contradictoire que nous plaçons cette séance scientifique.

6 « Aujourd’hui maman est morte. » Je ne sais combien de commentateurs ont relevé cette phrase par laquelle débute L’Étranger, phrase dont le pathétique s’impose même au sens commun, et dont la place inaugurale à l’orée de l’écriture dément à l’avance l’indifférence qu’affichera ultérieurement, superficiellement, le personnage. Dans ce premier chapitre qui compte dix pages, le signifiant « maman » revient onze fois, c’est-à-dire à toutes les pages. Meursault n’utilise que ce mot pour parler d’elle, ses interlocuteurs disent « votre mère » ou « madame votre mère ». J’ai relu ce premier chapitre pour compter les récurrences de ce signifiant quand l’idée s’est imposée à moi que « maman » aurait pu être le titre de ce livre, et que le signifiant « l’étranger » en serait l’antonyme, son représentant par opposition. Puis le mot disparaît progressivement, il revient quatre fois au second chapitre, trois fois au troisième, une fois au quatrième, il est absent du chapitre cinq et ne réapparaît qu’en toute fin du livre, juste avant que soit commis le meurtre fatidique : lorsque Meursault qui, dans son discours intérieur, ne cesse de se référer au soleil, écrit :

7

C’était le même soleil que le jour où j’avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes mes veines battaient ensemble sous la peau.

8 Dans ce dernier chapitre, le signifiant « soleil » est employé vingt-quatre fois. C’est plus qu’une simple récurrence. Souvent l’irruption du mot paraît insolite, elle déséquilibre l’harmonie de la phrase. Notons encore que le signifiant « arabe » revient dans ce chapitre avec la même fréquence. Aussi peut-on se poser la question : le signifiant « maman » se serait-il déplacé dans les signifiants de substitution que sont « soleil » et « arabe », permettant le refoulement et la conservation de ce dernier ? Car l’indifférence qui affecte Meursault n’est que l’effet du refoulement – ou de la forclusion – que subit l’objet d’amour perdu.

9 Car dans ce roman heureusement et harmonieusement composé, on note des analogies fortes et significatives entre les contenus narratifs du premier et du dernier chapitre de la première partie. Comme si de l’un à l’autre un cycle s’achevait, qui allait de l’événement traumatique du décès maternel subi par le personnage à l’assassinat, dans une activité compulsive et un état second, de « l’étranger ». Comme si l’écriture travaillait à établir un lien de cause à effet ou une équivalence mimétique entre ces deux faits. Soit que dans le meurtre de l’étranger, Meursault décharge la douleur et la stupeur qui l’avaient saisi à l’annonce de la mort de maman, soit que par ce média il transforme activement en son contraire les sévices passivement infligés.

10 Le zoom que j’évoquais tout à l’heure porte sur ces deux passages saisissants concernant l’un, le récit du convoi funéraire conduisant la dépouille maternelle de l’asile à l’église, puis au cimetière de Marengo, et l’autre, la déambulation finale du héros sur la plage qui va le conduire à retrouver l’étranger, puis à l’abattre. Dans les deux cas le récit est si surchargé de sensualité, de sensorialité et de fantastique qu’il est impossible de croire qu’il ne rapporterait qu’un « fait divers ». La lecture nous impose l’idée qu’une expérience onirique a emporté l’auteur, que l’inspiration poétique, à l’instar de la régression du rêve, fait affluer sur le terrain du langage une multitude d’émotions et de représentations issues de sa mémoire la plus profonde. Ceci est une interprétation, non de « contenu » comme la précédente qui qualifie d’œdipien l’affect en cause, mais de « processus » au sens où elle infère sous le discours manifeste la transformation psychique en cours : la perte de l’objet aimé à envahi la mémoire de l’auteur des souvenirs associés à cette relation, elle a infléchi l’écriture d’une économie sèchement narrative à une économie onirique, où le désir infantile, affranchi de l’oubli, s’accomplit dans une myriade d’images visuelles et cénesthésiques. Beaucoup de commentateurs, sans l’identifier, ont noté ce fait ; c’est ainsi que Nathalie Sarraute relève dans la scène de l’enterrement les formulations si justes et poignantes qui viennent sous la plume de Camus et qui éclatent en images au lieu même des mots qui les portent :

11

J’étais un peu perdu entre le ciel bleu et blanc et la monotonie de ces couleurs, noir gluant du goudron ouvert, noir terne des habits, noir laqué de la voiture.

12 L’histoire nous apprend beaucoup sur la mère de l’écrivain qui, étrangement, mourut quelques mois après le décès accidentel de son fils : veuve précocement, elle se retrouva démunie et si pauvre qu’elle dut retourner vivre chez sa propre mère avec ses enfants. Elle était une femme très silencieuse et on peut l’imaginer telle que Camus décrit la mère de Rieux dans La Peste, une femme très proche de son fils, « le suivant sans cesse des yeux ». Peut-être est-ce là une réalité historique indépassable qui se suffit à elle-même pour s’inscrire dans un discours ; mais je ne peux m’empêcher de penser que l’écrivain, au travers de cette figure de légende ou de fiction, fait apparaître un aspect essentiel, universel, de l’imago maternelle : la mère, en effet, toujours, avant d’entrer en contact avec son enfant sous le régime des mots, entretient avec lui, par ses regards, gestes, chants et postures, un échange d’images, d’émotions que, sans doute, dans l’éclat fulgurant de sa poésie, Camus nous restitue. Peut-être est-ce là l’apport le plus précieux de la littérature à la psychanalyse que de désensevelir par la magie du langage poétique ces strates archaïques de l’âme inaccessibles à toute autre discipline.

13 La mort de la mère, événement extérieur et étranger au sujet, entraîne ipso facto la re-sexualisation de ce lien, elle redécouvre son caractère violent et sacrificiel. Une passion mortifère emporte dès lors notre héros loin de la vie et du monde. Même la tendre et rieuse Marie Cardonna ne saura le retenir dans cette dérive. Sur la plage, dans le récit de la procession finale, solitaire et solaire, l’auteur découvre qu’une sorte d’orgasme d’image submerge l’âme de son personnage :

14

La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir le feu. Tout mon être s’est tendu et j’ai crispé ma main sur le révolver… J’ai tiré quatre fois sur un corps inerte… Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.

15 L’intentionnalité suicidaire du geste meurtrier n’est plus déguisée, pas plus que l’onirisme qui a sans doute pour fonction de contenir une telle motion.

16 Dans le deuil pathologique que traverse Meursault – et qui n’est que la figure première de l’universelle mélancolie menaçant le destin humain – mourir est un salut, tandis que vivre relève de la souillure et du déshonneur. La philosophie de l’absurde qui étaie la pensée de Camus repose pour beaucoup sur cette ambivalence des visées existentielles ; le refus du deuil abrase ces oppositions, pousse à la confusion entre bonheur et malheur, réussite et échec. Je suis très sensible à l’évocation incidente au chapitre cinq de la conversation que Meursault a avec son patron. Celui-ci lui propose un autre travail qui « lui permettrait de vivre à Paris et de voyager une partie de l’année », notre héros boude cette offre arguant qu’« on ne changeait pas de vie, que toutes se valaient ». Et à Marie à qui il rapporte cela et qui lui demande comment est Paris, il répond : « C’est sale. Il y a des pigeons et des cours noires. Les gens ont la peau blanche. » Le monde est en effet sale et noir pour ce lieu de l’âme – qui ne se révèle que chez l’endeuillé et le mélancolique – où Éros se tourne vers ses morts, se détourne des vivants et se mue en Thanatos. À ce titre, Meursault, plus qu’un personnage, est un « caractère », de la trempe de Hamlet ou de Wilhelm Meister, qui dit dans la fulgurance poétique une vérité humaine offensante.

17 Le concept d’« interprétation de processus » que j’ai avancé tout à l’heure n’est pas heureux, peut-être m’aiderez-vous à trouver mieux, en tout cas je vais maintenant tenter de l’affiner. Je résume par là une certaine sensibilité déployée par la lecture qui permet de discerner, au-delà des significations explicites portées par l’expression, des mouvements psychiques inconnus à l’auteur lui-même et qui se révéleraient à lui à cette occasion. C’est ainsi que nous avons entendu dans la prolifération du signifiant « maman » au premier chapitre, puis sa disparition dans les chapitres suivants, le rapport intime et mouvant que l’endeuillé entretient avec son objet. L’affect qui l’attache à lui, dans un premier temps, le submerge, puis il le réprime avec la visée de surseoir à la séparation, substituant ainsi au travail du deuil un processus mélancolique. L’objet n’est en rien abandonné, son signifiant est simplement refoulé, c’est-à-dire exclu de l’énonciation, et se fait désormais représenter par d’autres signifiants qu’on ne qualifiera pas d’indifférents mais d’étrangers : « soleil », « arabe ».

18 Un second type de processus psychique, à l’œuvre dans l’âme de l’écrivain et qu’une sensibilité de lecture peut discerner, est représenté, comme nous l’avons vu au début du livre dans le récit général de l‘enterrement de maman, par le passage soudain, imprévisible, d’une écriture narrative sèche, conceptuelle, du genre « J’ai pris l’autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J’ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d’habitude », à une écriture nettement plus rêveuse qui ne retient du monde perçu que ce qui est susceptible de figurer l’amour de – et pour – maman, d’évoquer sa tendresse, sa séduction, son charme. Ainsi quelques pages plus loin :

19

Je regardais la campagne autour de moi. À travers les lignes de cyprès qui menaient aux collines près du ciel, cette terre rousse et verte, ces maisons rares et bien dessinées, je comprenais maman.

20 Notons que l’alternance de ces procédures rhétoriques, tantôt littéralement descriptives, tantôt rêveuses, de tonalité tantôt mineure, tantôt majeure, rythme l’écriture tout au long du récit. Elle est comme sa respiration, elle témoigne de ce que le ressort romanesque, mis en tension sous l’effet de la perte de l’objet, reflète du travail psychique du refoulement et de la remémoration.

21 Ainsi conclurait-on que le discours littéraire, dans l’ordonnancement de son matériau linguistique, suivrait les déplacements infligés à l’objet psychique par la perte de l’objet réel. Car sous l’effet de la douleur et dans une urgence vitale, celui-ci est aussitôt relayé par une constellation de souvenirs s’érigeant en un « objet interne » valant pour la présence même de l’objet réel. Ainsi une lecture qui sait entendre cette coïncidence est-elle au plus près de ce qui différencie – et unit – la substance psychique, faite de mémoire et de désir, et la substance du langage, faite de syntaxe de mots et de graphes. En ce sens, une telle lecture est très proche de l’écoute analytique, et on voit comment ces deux pratiques, littéraire et analytique, sont susceptibles de s’enrichir mutuellement. Mais il serait plus juste, pour formuler ces choses difficiles, de dire que l’écriture – et ce serait cela, l’inspiration – s’avère capable dans certaines circonstances de se couler dans le sillage même des mouvements psychiques de l’auteur, comme un ruisseau moule son cours sur le lit que lui offre le sol.

22 Ceci peut éclairer l’essence toujours énigmatique de l’intrigue romanesque – et j’en viens au troisième type d’interprétation de processus qu’autoriserait d’après mon analyse, une lecture clairvoyante : à partir de la mort de la mère qui l’initie, le roman advient à sa conclusion par la médiation d’une intrigue double, aux couleurs et à la tonalité franchement opposées : la rencontre avec Marie qui échoue – de peu mais échoue – à ouvrir Meursault à l’amour, et celle avec Sintès qui l’entraîne au contraire dans un univers de haine, de rixe et de mort. Meursault s’y abandonnera sans retenue, avec complaisance.

23 Sintès, Roger Grenier le scrupuleux biographe de Camus l’a clairement exposé, est le nom de famille de la mère de Camus et le patronyme d’un oncle qui vécut sous le même toit qu’elle et fut réputé pour l’avoir passablement maltraitée. La femme que le voyou entretient et violente est présentée comme « une mauresque », appellation surprenante, désuète, qui retient l’oreille. Camus n’a donc en rien déguisé l’emprunt à la réalité pour construire ce personnage de fiction, ce qui prouverait la virulence du désir et la violence de l’affect qui soutenaient son inspiration. L’intrigue, par le détour de ce signifiant appartenant de plein droit à la constellation maternelle, épouse le déplacement œuvrant chez l’endeuillé, déplacement qui nie la réalité de l’objet de désir tout en le conservant sous une nouvelle désignation. Mais surtout, et c’est peut-être là qu’on est au plus vif, au plus psychique de l’écriture, l’intrigue en inventant la fiction de « la mauresque » achève le travail de liaison qui met en continuité le signifiant « mère » avec le signifiant « arabe ». Une telle concaténation savante et minutieuse de signifiants doit viser l’éconduction de la passion œdipienne vers sa décharge, ici meurtrière.

24 Disséquer les jeux secrets du langage dans la poésie de Camus revêt pour moi un intérêt presqu’expérimental. En mettant au jour les chaînes signifiantes qui portent et orientent les actions des hommes – ce que l’écoute analytique dans son assujettissement aux affects et à la réalité psychique ne peut pas faire – celle-ci me permet d’inférer comment l’écoute de l’autre et son interprétation peuvent agir sur ces processus. L’expérience littéraire me permet ici de suppléer à l’expérience analytique. Écoutant un patient – qui serait le double de Meursault – me parler de Sintès après avoir décrit « l’enterrement de maman », je lui aurais interprété qu’« il pensait encore à maman en pensant à Sintès ». Car leur mise en relation par l’énonciation dissout la condensation qui s’est établie entre les deux signifiants et qui aliène le sujet ; elle contraint le sujet à faire front à l’objet originaire et à y renoncer. L’interprétation vise à la réversion du processus mélancolique vers un travail du deuil.

25 L’attachement œdipien qui soutient le lien de l’enfant à sa mère se poursuit chez l’adulte sans rien, ou presque, perdre de sa voracité et de sa possessivité. L’intensité dramatique qui enivre la lecture de L’Étranger puise à cette source, source universelle commune à tous les hommes, quelles que soient leurs langues, leurs origines ethniques, l’époque où ils vivent. Mais ce qu’il y a encore de plus commun entre eux est que cet affect est violemment repoussé par leurs moi. Il est condamné à une existence dans l’inconscient. Pourquoi ces hommes rêvent-ils, écrivent ou lisent des romans et des poèmes, ou peignent ou regardent des tableaux ou encore s’analysent ? Parce que ces activités leur ouvrent un théâtre où cet inconscient leur devient lisible et audible.

26 Jean-Claude Rolland
1350 route de Charnay
69480 Morancé
jean.claude.rolland@wanadoo.fr


Mots-clés éditeurs : Objet interne, Signifiant, Affect œdipien, Interprétation

Date de mise en ligne : 28/12/2015

https://doi.org/10.3917/rfp.795.1562

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