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Article de revue

Sperma Pyros. Affect et représentance

Pages 1539 à 1546

Notes

  • [1]
    A. Green (1973), Le Discours vivant, Paris, puf, p. 228.
  • [2]
    S. Freud, se, XXII, 96.
  • [3]
    A. Green, idem, p. 229.
  • [4]
    A. Green (2002), Idées directrices pour une psychanalyse contemporaine, Paris, puf.
  • [5]
    A. Green (2002), « Sur la discrimination et indiscrimination affect-représentation », La Pensée clinique, Paris, Odile Jacob.
  • [6]
    S. Freud (1916-1917), Introduction à la psychanalyse, Paris, Payot, 1961, p. 373.
  • [7]
    C. Smadja (2005), « La place de l’affect dans l’économie psychosomatique », L’Affect, Paris, puf, « Monographies et débats de psychanalyse », p. 176.
  • [8]
    C. David (1970), « Affect, travail et signification », rfp, t. XXXIV, nos 5-6, p. 1191-1202, repris in L’État amoureux, Paris Payot, 1971.
  • [9]
    C. Parat (1995), L’Affect partagé, Paris, puf, p. 351.
  • [10]
    M. Aisenstein et S. Savvopoulos (2009), « Les exigences de la représentation, Rapport au 70e Congrès des psychanalystes de langue française », Bulletin de la spp, no 94.
  • [11]
    A. Green (1985), « La représentation de l’affect », rfp, t. XLIX, no 3, p. 89.
  • [12]
    Homère, L’Odysée, Chant V, 490, Paris, Les Belles Lettres.
« A thing of beauty is a joy for ever :
Its loveliness increases; it will never
Pass into nothingness; but still will keep
A bower quiet for us, and a sleep
Full of sweet dreams, and health, and quiet breathing. »
John Keats, Endymion.

1Comme le montre A. Green [1], les représentants psychiques de la pulsion ont ceci de particulier qu’ils deviennent délégués en un autre pays, au point de leur arrivée, après le passage des frontières, témoins de l’acheminement de la psychisation. Il rappelle la proposition freudienne de la XXIIe Conférence selon laquelle « sur le chemin de sa source à son but la pulsion devient effective psychiquement » [2].

2Dans la première topique, la nature quantitative et le destin de l’affect (répression, transformation en angoisse, en un autre affect) sont différents voire opposables à ceux de la représentation. L’affect donne la mesure et la démesure de l’exigence du travail de représentation imposé au psychisme par le corps mais aussi de l’exigence représentationnelle du psychisme pour traduire cette demande, son appréciation quantitative impliquant un jugement qualitatif de ce qui est acceptable ou non par le psychisme.

3Avec la seconde topique, au fur et à mesure que le centre de gravité de la théorie se déplace du sens inconscient vers la force pulsionnelle, l’affect est issu d’un représentant psychique de la pulsion. La représentation n’est plus une donnée première, mais émane d’un travail, de la rencontre de la motion pulsionnelle et du fantasme (originaire).

4L’approche originale de la représentance pulsionnelle proposée par A. Green consiste à considérer, suivant Freud, une double origine de la représentation [3] : économique, née du corps, ou d’ordre symbolique, équivalente endopsychique de perceptions, de traces fantasmatiques, et cooptée par la pulsion. Dans cette hypothèse, les composantes pulsionnelles proviennent de la rencontre entre les excitations venues du dedans et celles du dehors, ce qui tient compte du langage et du rôle de l’objet. Le concept de représentant-affect [4] est un mixte qualitatif de quantum d’affect et de ce que deviendra représentant-représentation, manifestation psychique d’une force, bien différent de la représentation. La question essentielle sur « la discrimination et indiscrimination entre affect et représentation » [5] éclaire ce que décrit Freud dans la XXVe Conférence d’Introduction à la psychanalyse, à propos des deux composantes de l’affect : « perception des actions motrices accomplies et sensations qualitatives de plaisir et déplaisir » [6]. Ceci correspondrait à l’affect inconscient et à l’affect conscient, mais supposerait aussi une structure somatopsychique de l’affect conduisant à deux destins possibles, psychique (hystérie) ou somatique (névrose actuelle). Les deux formes d’angoisse, signal d’alarme ou automatique, reprennent cette polarité.

5La transformation qualitative des quantités à partir des perceptions corporelles et somatiques internes, des inscriptions sensorielles, préformes d’affects, comme les entraves de ce processus, est présente dans Inhibition, symptôme et angoisse, comme dans l’économie du masochisme qui repose la question de l’affect inconscient, y compris la culpabilité, et de la nature du surmoi. Le passage de l’affect somatique à l’affect signal serait une première forme de représentance pulsionnelle convoquant les qualités psychiques de l’objet maternel. Une hallucination négative de l’affect, comme décrit C. Smadja [7] à propos de l’enfant sage, procède sous l’effet traumatique d’un déni des perceptions internes, déni de la réalité pulsionnelle s’opérant à la frontière somatique et corporelle du psychisme. Le silence sur l’affect traduit les effets du clivage du moi sur la décomposition des éléments qui forment l’émotion.

6Il est intéressant de rappeler le terme d’alexithymie de Sifnéos à propos la difficulté particulière des patients somatisants à verbaliser les affects. L’étymologie indiquée le plus souvent, un a privatif + lexis (mot) + thymos (affect), souligne le déficit de représentation. Une autre hypothèse étymologique (alexi + thymos) signifie « repousser, se défendre des affects » et met l’accent sur la dimension d’une défense radicale, drastique, un pare-affects qui mortifie le discours et le fonctionnement psychique.

7C. David, proche des propos d’A. Green, confère à la représentance de l’affect [8] une qualité de connaissance de l’action déformante de l’objet et de transformation du travail de sens, bien plus mouvante et indépendante que la figurabilité de la représentation. L’affect serait un trouble qui inscrit résolument la trace de l’extériorité de l’objet agissant sur la psyché.

8Facteur de démentalisation, mais aussi de mentalisation, central dans la clinique psychosomatique, « l’affect partagé » surgit dans une configuration particulière. « Mieux que l’interprétation, le marquage d’un émoi » [9], selon C. Parat, accompagne le patient et lui permet de s’identifier à l’investissement de l’analyste pris dans le courant tendre du transfert. Dans leur rapport, M. Aisenstein et S. Savvopoulos [10] montrent de manière vivante et originale que cette activité convoque le contre-transfert et devient un travail intense de et sur ce qui « affecte » l’analyste en séance.

9Un matériel clinique permettrait d’illustrer mes propos.

Sperme de feu

10Nom, profession, maladie, son matricule.

11C’est ainsi que se présente David, la quarantaine, d’allure élancée et élégante. Il vient me voir plutôt par devoir, suivant les conseils d’une amie qui, comme son médecin, évoque la souffrance psychique liée à sa maladie : une artériopathie évolutive aggravée depuis quelques années. Cette perception affective l’étonne. Il ne se sent pas triste, s’est habitué aux symptômes physiques : douleurs neuropathiques, malaises, ischémie. La maladie s’est déclenchée lorsque, très jeune, il a obtenu son « premier commandement », la direction d’une filiale industrielle en Asie. Il a assumé.

12Ingénieur et polytechnicien comme son père, après un parcours prometteur dans l’industrie française, il a fait une carrière de chercheur universitaire aux États-Unis. Expert en résilience des métaux, il se déplace comme consultant dans le monde entier.

13Peu à dire de sa vie affective, deux mariages « insignifiants pour le cv, deux divorces annoncés, sans enfants, heureusement, il ne veut pas transmettre une mauvaise graine, sa maladie ». Ne garde aucun souvenir de son enfance avant sept ans, « l’âge de raison » : son père est alors nommé à la tête d’un groupe pétrolier en Afrique. David est mis pensionnaire en Suisse dans une école anglophone, alors que ses parents emmènent le frère cadet, âgé de deux ans. Il ne les reverra qu’au bout de plusieurs mois, puis pendant les grandes vacances et cela jusqu’aux classes préparatoires. De cette séparation, il n’éprouve rien, c’était une décision parentale. Un goût amer, mais ni ressentiment ni reproches. Il a appris à être au-dessus des envies et des chagrins, « résiliant », dit-il en souriant. La mémoire s’est éteinte aussi… pas de souvenirs d’enfance… sauf une très vague image d’opéra, « une pièce russe, étrange, d’intrigue compliquée avec des revirements soudains »…

14La dame de Pique ! pensai-je alors.

15Première trace contre-transférentielle, elle réapparaîtra plus tard dans le travail analytique à deux séances par semaine en face à face. David l’investit avec plaisir et réserve, renonçant à un « engagement » de trois séances que je lui propose.

16Il est de contact chaleureux, se décrit comme loyal, affable et apprécié au travail, dans le sillage de son père. Il essaie de s’en démarquer, mais il souligne qu’ils sont même nés le même jour !

17Très cultivé, il écrit des nouvelles, joue de l’alto, voulait être chef d’orchestre, mais préfère la solitude et l’abstraction des quatuors à cordes !

18Les objets sublimés sont privilégiés. Prévisibles et fiables, sûrement moins décevants que les objets d’amour. Il apparaît vite qu’il doit se passer de ces derniers pour ne pas sombrer dans la dépendance, se retrouver toxicomane ou clochard. Après la maladie, il a multiplié des addictions, le tabac, danger mortel, l’alcool, la sexualité vénale, comportements qu’il qualifie d’autodestructeurs, « par panique ou par défi ». Provoquer le destin, le déjouer. Le jeu, les courses, « non par passion, trop sage pour ça », mais dans l’« espoir désespéré » d’avoir de la chance.

19Gagner en amour ? Qui perd gagne ! Il apparaît que la somatisation brutale a coïncidé avec son premier divorce, dont il nie tout impact conflictuel ou affectif. Dès qu’il a deviné, au travers d’un regard enflammé, la liaison de sa femme, il s’est montré grand seigneur. Il fallait à tout prix tout geler, préserver les amants de sa colère et les protéger du scandale, sa femme surtout… Effacer cette perception insupportable, l’ignorer, la défier, « aller au feu de l’action en étant étanche, ignifugé… en pyrex »…

20To save, to protect : il fait sienne la devise du corps des Marines, pour endiguer la violence du conflit œdipien qui resurgit telle une ruse de la dame de Pique. La somatisation est prise dans la fulgurance de la scène primitive, en après-coup de la séparation traumatique dans l’enfance. Elle sera suivie d’un autre terrible coup du destin. Peu après l’éclosion de la maladie de David, son frère cadet, jeune architecte doué, sera victime d’un accident de voiture qui le laisse paralysé. Préféré de la mère, très aimé de David qui n’exprime jamais la moindre agressivité ou jalousie à son égard, son frère deviendra le centre de l’attention, « un intouchable »… ayant même gagné par son malheur le droit de tutoyer les parents…

21Pour David, un mot d’ordre : tenir ! Tout supporter pour rester fidèle aux valeurs parentales : les exigences de sa mère catholique, dévouée sans limites à la carrière de son mari, aux orphelins d’Afrique, au calvaire du fils cadet, mais éternellement insatisfaite, insensible aux besoins psychiques de David. Les idéaux du père aussi. Colosse aux pieds d’argile, issu d’une famille juive convertie dans le catholicisme, il apparaît tantôt un roc de principes, tantôt effacé, accablé.

22David est réceptif au travail de liaisons par petites touches, se dit confiant, mais je suis avertie d’un transfert négatif maternel et idéalisant paternel. Toute manifestation de conflictualité, surtout triangulaire, est objet d’évitement, d’absence ou de malaise physique. Les représentations sont présentes mais semblent avoir perdu leur fonctionnalité, leur chair, les affects sont réprimés, gelés. David ne fait pas de rêves, mais garde parfois la sensation des cauchemars sans image. Très attentif aux objets qui m’entourent, ceux de mon quartier ou de mon bureau, il les évoque pour nourrir une associativité imagée autour de la personne et du fonctionnement de l’analyste, l’incitant à être vigilant : qui est aux commandes ? Comment je garde dans ma tête les traces fiables de nos séances, sans enregistrer, ni oublier ? Sans effacer, ni trahir ? Il dit : « Un analyste ne doit rien ressentir, vous devez être mon miroir fidèle, mon double, exclure toute émotion pour me renvoyer ce que moi je ressens. »

23Miroir reflétant l’altérité, l’objet rival impossible de le percevoir comme tel ? Miroir narcissique, pour se défendre d’un regard maternel qui ne reconnaît pas la pulsionnalité de l’enfant dans sa corporéité ? Plus encore. Le fonctionnement de David vise surtout à abraser toute émotion. Sa défense centrale : chercher à tout prix à être anesthésié, telle une image sans âme.

24Un étrange sentiment apparaît. Après sa séance, une tristesse soudaine m’envahit, comme si l’espace se vidait, laissant la sensation d’une absence dense et pénible. J’éprouve probablement ce qui a manqué à s’inscrire psychiquement pour David en tant que qualité d’affect. Je me sens aussi soucieuse, inquiète pour l’évolution de sa maladie, ce que je comprends comme la trace d’un défaut de l’investissement maternel. Affect inconscient, affect clivé ? Une forme en suspens, l’affect « un événement psychique lié à un mouvement en attente de forme » comme dirait A. Green [11]. Il s’agit alors qu’un événement psychique éprouvé par l’analyste permette l’avènement d’une forme investie psychiquement chez le patient. Dans ce sens, je dirais volontiers que le contre-transfert appartient à l’analysant mais loge et prend corps chez l’analyste.

25David, me dis-je, lutte pour garder vivante la flamme de l’investissement tout en refroidissant la braise douloureuse de la perte et de la perte de représentation. Comment se représenter qu’on reste présent dans la tête de l’objet absent ?

26Si on s’approche en séance de quelque chose qui ravive la blessure, une phrase énigmatique revient : « Vous êtes aux Seychelles, je suis en Sibérie… »

27Banni du Paradis perdu ? S’infliger la douleur de l’exil pour se dérober au châtiment, à la perte d’amour ?

28La vue et le toucher atteints par la maladie, la sensorialité troublée et affectant sa sensualité, ravivent une angoisse trop réelle, à vif, au moment où David investit un lien amoureux épanouissant mais difficile. Au fur et à mesure de ce lien, qui s’avère être aussi une complexe mais positive latéralisation de transfert, les sensations suscitent l’émergence des émotions, la colère, la peine, le manque. David exprime pour la première fois une réelle angoisse de castration liée à son intégrité corporelle menacée par le risque d’un accident vasculaire. Cette image l’amène à s’interroger sur son « amputation affective », son besoin de se mettre constamment à l’épreuve, la raison de la maladie. Il essaie de comprendre le fonctionnement de ses parents, charmants et chaleureux dans leurs relations amicales et sociales, mais incapables d’être tendres et câlins, en couple ou avec les enfants.

29Dans cette tonalité, une construction interprétative me permettra de montrer à David la valence de son investissement masochiste, ce qui amorcera une requalification des affects ainsi que l’apparition des souvenirs infantiles.

30Il vient en séance après une longue absence, imposée par son travail.

31Anxieux, il évoque une recrudescence des douleurs neuropathiques, des sensations de piqûres et brûlures surtout aux mains, « flambées » par les conflits professionnels. Il décrit une cérémonie de remise de prix à un jeune chercheur brillant, ambitieux et très envié, mais « pas atteint par les flèches ennemies, protégé par la présence de sa mère qui forme un bouclier autour de son fils ».

32Il associe directement sur la diminution physique de son propre père qu’il a vu récemment, vieillissant, hermétique, laissant faire sa mère. Il lui rappelle le doyen de l’université trop passif et tolérant avec l’incompétence des jeunes chercheurs. Ce spectacle le rend furieux… il veut sortir ses griffes, mais se sent impuissant, il se contient et frôle l’infarctus, ce qui s’est produit une fois… il aurait tellement aimé avoir un père fouettard plutôt qu’un père nourricier. Mais son père ne peut pas élever la voix ni se montrer autoritaire, surtout avec les femmes…

33Puis, il revient sur sa propre passivité douloureuse et se compare à saint Sébastien sacrifié au poteau, transpercé de flèches, une sculpture qu’il a vue lors d’un récent voyage en Italie avec son amie.

34« Un bouclier qui protège des douleurs de la maladie ? », lui dis-je.

35Il répond : « La maladie reste ma mauvaise moitié, je ne peux pas me concilier avec elle. Je cherche le regard de ma mère, mais quel regard ? Elle doute toujours que je puisse donner des conférences en anglais, après tant d’années pénibles dans cette école anglophone. Mon père tenait à une éducation parfaite pour moi… J’étais perdu dans cet internat… »

36Puis le ton s’assourdit, David déploie une rhétorique sur l’excellence scientifique. Je l’écoute de loin, peut-être de Sibérie, je me mets à rêver de la reine des Glaces, un conte d’Andersen qui me fascinait enfant. Une petite fille perd son ami et compagnon de jeu qui est enlevé par la reine des Glaces. La petite fille le retrouve pétrifié dans l’immense château glacial, ayant perdu la mémoire de leur amour, elle le réanime avec ses larmes chaudes.

37La voix de David résonne à nouveau vivante… « On peut rester fidèle et être sauvé… à la fin… comme Michel Strogoff… qui se sacrifie pour protéger le petit Tzar… par amour… voilà le bouclier. Il sacrifie sa vue à l’épée brûlante… mais j’ai oublié la fin, qu’est-ce qui le sauve ? Vous savez sûrement, je vous fais confiance. »

38Stupéfaite par la dimension régrédiente et la tonalité émotionnelle de la séance, je lui dis qu’en me faisant confiance, il a envie de se sentir protégé par son père, de ne pas rester à la merci de sa mère. Que son père reconnaisse le courage de son sacrifice, celui de « s’exiler » par amour, pour lui rester fidèle, endurer sa souffrance et cacher ses larmes, comme Strogoff.

39Visiblement très ému, David dit : « Sauvé par les larmes, les sentiments restent vivants. Ce n’est peut-être pas scientifique, mais la fiction a raison de la réalité. Mon père me lisait des histoires avant de m’endormir, quand j’étais petit, avant d’aller à l’école, ou en maternelle, avant l’âge de raison. Il était tellement proche. Il faut bien lui parler un jour comme je vous parle à vous. »

40Mon interprétation, mue par mes éprouvés en séance, visait surtout à transformer la passivation sacrificielle liée au moi idéal et à une forme de folie maternelle en passivité liée à l’amour du surmoi paternel.

41Plus tard, David insistera auprès de ses parents pour connaître le roman familial, une histoire longtemps tue et débordante d’affects déchirants et haineux. Une querelle fratricide hantait la famille du père. La mère avait vécu une enfance dans un climat de secret douloureux et honteux, lié à l’abandon par son père. Elle le retrouvera mourant, quelque temps avant la naissance de David. Il mettra du temps pour retrouver des souvenirs d’enfance avec son petit frère, la frayeur liée à un début d’incendie dans une cabane en bois, la promenade avec la grand-mère préoccupée de surveiller le landau…

42L’affect peut renaître de ses cendres, raviver la flamme du travail de psychisation.

43Sperma pyros[12]. Dans la cinquième rhapsodie de L’Odyssée, singulière dans la construction de l’épopée, le héros ayant fait naufrage se trouve complètement seul, entre la nostos et la mort, entre deux îles et deux temps narratifs celui du récit de l’action et celui des pensées associatives d’Ulysse. Deux images fortes. Lorsqu’il aperçoit la terre après une terrible tempête, il compare son émotion à la joie qu’éprouvent les enfants de voir ressusciter leur père, après une grave maladie. Puis, avant de s’endormir, couvert de feuillages et loin de tout, Ulysse enfouit une torche allumée sous les cendres, pour sauvegarder « le sperme du feu », ne pas avoir à le chercher ailleurs, garder vivant ce qui semble près de s’éteindre.


Mots-clés éditeurs : Construction, Contre-transfert, Affect gelé, Interprétation, Affect, Somatisation, Représentance, Représentation

Date de mise en ligne : 14/02/2011

https://doi.org/10.3917/rfp.745.1539

Notes

  • [1]
    A. Green (1973), Le Discours vivant, Paris, puf, p. 228.
  • [2]
    S. Freud, se, XXII, 96.
  • [3]
    A. Green, idem, p. 229.
  • [4]
    A. Green (2002), Idées directrices pour une psychanalyse contemporaine, Paris, puf.
  • [5]
    A. Green (2002), « Sur la discrimination et indiscrimination affect-représentation », La Pensée clinique, Paris, Odile Jacob.
  • [6]
    S. Freud (1916-1917), Introduction à la psychanalyse, Paris, Payot, 1961, p. 373.
  • [7]
    C. Smadja (2005), « La place de l’affect dans l’économie psychosomatique », L’Affect, Paris, puf, « Monographies et débats de psychanalyse », p. 176.
  • [8]
    C. David (1970), « Affect, travail et signification », rfp, t. XXXIV, nos 5-6, p. 1191-1202, repris in L’État amoureux, Paris Payot, 1971.
  • [9]
    C. Parat (1995), L’Affect partagé, Paris, puf, p. 351.
  • [10]
    M. Aisenstein et S. Savvopoulos (2009), « Les exigences de la représentation, Rapport au 70e Congrès des psychanalystes de langue française », Bulletin de la spp, no 94.
  • [11]
    A. Green (1985), « La représentation de l’affect », rfp, t. XLIX, no 3, p. 89.
  • [12]
    Homère, L’Odysée, Chant V, 490, Paris, Les Belles Lettres.

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