PSYCHANALYSE ET PSYCHOSE, no 6, « Penser, imaginer, délirer », 2006 (Centre de psychanalyse et de psychothérapie Évelyne-et-Jean-Kestemberg). / Danielle KASWIN-BONNEFOND
1Freud, en s’intéressant aux différentes formes de la pensée et à leurs relations, leurs transitions, leurs conflits, a pu créer un nouveau mode de connaissance. Liliane Abensour et Antoine Nastasi, dans leur introduction de ce sixième numéro de Psychanalyse et psychose qu’ils ont intitulé « La matière première psychique », proposent une exploration des différentes modalités du « penser ». Ce numéro fait suite à un précédent volume, « Rêves, onirisme, hallucination », recueil qui traitait des phénomènes intermédiaires de la vie psychique « entre veille et sommeil, entre perception et illusion, entre fantasme et délire ». Il s’inscrit donc dans une logique de réflexion sur la mise en représentation de ce qui pourra s’énoncer à partir de ce modèle premier du penser, indissociable du désir et de sa réalisation hallucinatoire qu’est le rêve pour la théorie freudienne.
2Les articles denses qui composent cette revue recouvrent de nombreux thèmes et, bien évidemment, les questions de la symbolisation, de l’interprétation et de leur devenir.
3Dans « Les mots perdus des aphasiques et des hystériques », Daniel Zaoui reprend les textes qui précèdent L’interprétation des rêves pour comprendre le déplacement des hypothèses sur les troubles du langage du Freud neurologue au Freud thérapeute de l’âme ; il s’appuie tout particulièrement sur la « Contribution à la conception des aphasies ». C’est en effet une formidable révolution conceptuelle qu’initie Freud lorsqu’il critique la position neurophysiologique de ses maîtres Broca, Wernicke, Meynert, points de vue sur lesquels toutefois il prend appui pour accéder à sa conception théorique de l’appareil de langage. Freud discute et conteste la théorie des localisations cérébrales et le déterminisme lésionnel des aphasies. Il s’engage dans une approche fonctionnelle et ouvre le volet psychique du langage. Il introduit un nouveau vertex : celui de la représentation. Freud affranchit les phénomènes psychiques de leur support matériel, tandis qu’il abandonne toute idée de localisation anatomique des perceptions en ouvrant la notion d’ « aire du langage » : toutes les aphasies relèvent de troubles de l’association. Freud s’est appuyé sur les recherches de J..H. Jackson. Ce dernier s’est attaché à différencier les étiologies psychologiques, physiologiques et neurologiques des aphasies. Freud a repris et développé l’originalité de l’apport de Jackson : les niveaux supérieurs du fonctionnement psychique, comme par exemple la conscience intentionnelle, relèvent en fait d’un niveau inférieur du fonctionnement du système nerveux central, et se trouvent dès lors précocement affectés. D. Zaoui nous montre comment Freud, à partir de sa compréhension du jeu des représentations dans les aphasies, poursuit sa réflexion sur la « lésion hystérique », recherche l’étiologie de chaque dysfonctionnement du langage et modélise les relations entre les systèmes de représentations de mot et de représentations d’objet depuis l’expérience traumatique.
4René Roussillon, avec « La pensée et la réflexivité », ouvre un échange sur cette pensée qui s’intéresse à elle-même comme objet, entre symbolisation et appropriation subjective. La psychose est l’un des avatars psychopathologiques de la pensée lorsqu’ « elle échoue dans la tâche de représenter qu’elle représente », et surtout « échoue à représenter l’absence de représentation ». R. Roussillon travaille « la matière psychique première » : celle-ci à travers son hypercomplexité va, par la médiation des « objeux », accéder à son auto-appréhension dans et par la représentation. Il nous retrace la théorie de la genèse de la représentation pour souligner l’importance de sa subjectivation. Il questionne, en partant des travaux des neuroscientifiques cognitivistes (Rizzolatti), le processus d’appropriation de la représentation perceptive de l’action. Il distingue trois temps dans ce processus : prise, lâcher-prise, reprise, en appui sur une médiation transitionnelle. De Winnicott à Bion, R. Roussillon reprend cette nébuleuse subjective qui constituerait un premier monde pour le nouveau-né. L’expérience de rassemblement potentiel des éprouvés corporels psychisés par la mère autorise, à travers les expériences de satisfaction, l’organisation d’un principe de plaisir. À partir de cette « corporéité première » incarnée viendront s’organiser les auto-érotismes, qui soutiendront les activités proto-représentatives. Les expériences de frustration, quelle qu’en soit l’étiologie, sein-absent ou insatisfaction propre des auto-érotismes, contribuent à ce travail de construction d’un appareil à penser tout autant qu’elles entretiennent la destructivité. R. Roussillon rappelle l’importance de la survie de l’objet dans la pensée de Winnicott, et souligne la différenciation perception/représentation et son renfoncement par les notions d’interdits : « Ainsi, peu à peu, la psyché saisira sa nature proprement représentative, sa nature symbolique, elle sera confrontée à la nécessité de penser cette forme de réalité tout à fait spécifique qu’est celle des symboles, des représentations, des pensées subjectives. » C’est là le point d’inscription de la réflexivité de la pensée. Pour conclure, R. Roussillon ouvre sur deux idées qui, de son point de vue, demanderaient qu’on leur prête plus d’intérêt dans la littérature psychanalytique. La première est l’importance de l’exploration par le sujet, l’enfant, le patient, du fonctionnement psychique de l’objet autre-sujet dans sa double dimension de double (semblable) et d’autre (étranger). La pulsion aurait une fonction messagère lorsqu’elle s’adresse à l’objet autre-sujet, puisque, dans le même temps, elle interroge l’objet sur la place que le sujet occupe pour lui. Cette fonction est défaillante dans la psychose. La seconde idée concerne le rôle du corps dans la découverte et l’appropriation de l’âme, ainsi que dans le traitement des énigmes issues des mystères de l’autre comme de soi. Malgré le nécessaire dégagement par la psyché de cet étayage premier, celui-ci garderait toutefois la mémoire de la circulation de ces échanges fondamentaux. Dans les pathologies narcissiques-identitaires, il ne s’agit plus de dégagement mais de clivages, qui maintiennent des formes primitives de communication où dominent l’acte et le corps.
5Avec un texte intitulé « Les deux vies de l’opératoire », Claude Smadja nous présente le fonctionnement opératoire comme une tentative d’échapper à une aliénation traumatique originaire, une solution de guérison d’un trouble très précoce, narcissique et identitaire, et en propose une conceptualisation qui articule deux modèles métapsychologiques : la névrose traumatique et le fonctionnement psychotique. Il nous rappelle que le concept magistral de pensée opératoire a été inventé par les auteurs de l’ « investigation psychosomatique » en 1962, à partir de l’observation du fonctionnement psychique de nombreux patients reçus en consultation psychosomatique. Mais la continuité du travail analytique, avec l’engagement du psychisme de l’analyste « en situation », apporte une nouvelle dimension qui permet de découvrir, derrière l’apparente superficialité de cette pensée plate, monotone et conformiste, une « profondeur psychique toujours à construire ».
6C. Smadja nous propose donc une nouvelle représentation théorique de l’opératoire, née du travail en séance, qu’il aborde à travers l’associativité et le transfert. Pour l’associativité, il reprend le modèle d’A. Green, qui localise le processus associatif au niveau du couple analytique, c’est-à-dire qu’il concerne la dynamique de deux psychismes, celui du patient et celui de l’analyste. Avec la pensée opératoire, le fonctionnement psychique des deux protagonistes est spécifique. « Du côté du patient, on observe habituellement une hypersecondarisation de la pensée et une hypertrophie des mécanismes de rationalisation. Du côté de l’analyste, on observe habituellement un barrage à l’association libre et, corrélativement, une moindre capacité de sa pensée à la régression formelle. » Ce fonctionnement est toujours pénible pour l’analyste mais laisse parfois émerger, de loin en loin, comme « des rescapés d’une guerre interne de la pensée », quelques matériaux psychiques porteurs de sens pour son système associatif, qui lui ouvrent alors un accès fragmentaire à l’histoire infantile du patient. Mais le mécanisme le plus déterminant chez le patient opératoire est l’interruption immédiate d’un tel processus associatif. C. Smadja nous en donne un exemple avec la question que lui pose son patient après une interprétation : « So what ? » et nous montre comment, à travers le repérage de sa propre activité de pensée au cours de la séance, il parvient à lui donner sens dans le transfert : celui-ci, à la fois massif et fragile, rejoue une expérience traumatique fondamentale avec l’objet primaire, ce qui induit un mécanisme d’exclusion systématique de l’affect pour échapper à toute réminiscence du contact avec cet objet. Ainsi sont éclairées les logiques du fonctionnement psychique du patient et la contrainte interne de celui-ci à désinvestir en permanence ce que l’analyste cherche de son côté à investir dans sa vie psychique.
7C. Smadja remet sans cesse au travail son essai de modélisation de la vie opératoire, et nous propose deux nouveaux schémas. Le premier montre les deux polarités du clivage dans la pensée opératoire, qui s’entendent dans le registre contre-transférentiel : un clivage intranarcissique correspondant au « silence opératoire » défensif, qui peut se déplacer et devenir clivage somato-psychique si se développe une somatisation. Le second schéma, beaucoup plus complexe, représente un modèle métapsychologique de la vie opératoire en trois étages, qui vise à figurer, parallèlement aux mécanismes essentiels du « silence opératoire ou délire conformiste » (formulation d’abord surprenante associant deux termes en apparence contradictoires, mais que l’on comprend mieux à la lecture du texte), les hypothèses psychanalytiques de l’auteur quant à leur soubassement – à savoir, respectivement, l’économie de la névrose traumatique et la « folie identitaire ». Pour bien comprendre ce que l’auteur entend par ces termes, il faut se reporter à une lecture attentive de son texte, très condensé mais très riche. Indiquons seulement qu’il postule une soumission précoce du psychisme infantile à un impératif de complétude narcissique phallique commandé par la mère, qui empêche l’élaboration de la moindre conflictualité et induit un vécu de surveillance par la figure maternelle interne qui conditionne une « exclusion subjectale ». On mesure en effet les liens introduits avec la psychose.
8Dans “ Contre-transfert et fonctionnement opératoire ”, Claire Rueff-Escoubes oppose, quant à elle, le vécu contre-transférentiel « profondément différent » vécu avec les patients psychotiques et avec ceux qui présentent une pensée opératoire : excès pulsionnel envahissant mais fascinant et stimulant, d’un côté, manque d’investissement suscitant ennui et lassitude, de l’autre, appelleraient, selon elle, à penser leurs problématiques respectives en termes de défense pour les premiers et de déficit pour les seconds. Elle insiste sur le vécu narcissique négatif d’inutilité et de stérilité éprouvé avec les patients opératoires, la pénibilité d’avoir à associer pour deux, le peu d’empathie, voire le rejet qu’ils déclenchent. Elle remarque toutefois que l’on peut, dans les deux cas de figure, éprouver un même sentiment de désespoir et d’impuissance à modifier ou mobiliser le monde interne du patient, conjugué à la nécessité d’ « être là pour sa survie ».
9Clarisse Baruch nous offre, avec « Amélie et sa colère », une intéressante observation clinique discutée par Michel de M’Uzan dans « Vertus du clivage et du déni ». Ce travail nous permet de suivre et de comprendre l’évolution du positionnement de l’analyste et nous permet de réfléchir sur les représentations-buts incidentes. La patiente, qui présente une pathologie narcissique-identitaire, découvre au bout de quelques mois de psychothérapie une lésion cancéreuse à type de mélanome qui évolue déjà depuis un certain temps, et en informe l’analyste en la plaçant dans une situation de double-bind. À partir de là, s’organise un jeu transféro-contre-transférentiel où l’analyste reconnaît et accepte d’occuper la place d’objet partiel que lui assigne la patiente, dans une répétition agie qui témoigne des mécanismes de clivage et de déni qui organisent sa vie psychique. Le fonctionnement quasi délirant de la patiente n’enlève pas les éléments de réalité et il appartient à l’analyste de soutenir les mouvements psychiques en recevant, éprouvant et transformant le matériel projectif. Comme le précise M. de M’Uzan, il importe de « permettre au sujet de fonctionner psychiquement jusqu’à l’extrême limite de son existence ». Ce qui signifie accompagner le patient jusque dans ses modalités défensives, qui non seulement sont les siennes à ce moment-là de sa vie mais deviennent parfois une nécessité de survie psychique. On retrouve au cours des entretiens préliminaires et autour de l’engagement de cette cure des éléments communs avec le cas de Sabine Cann-Olewkowiez (cf. infra), au niveau de l’emprise à travers l’intensité de la demande et de l’accrochage du regard.
10On lit « Un corps délirant » de Christine Pelissier comme une nouvelle. Devant la défaillance des auto-érotismes, c’est un travail sur le corps qui est proposé. Cette prise en charge s’effectue sur plusieurs années, interrompue épisodiquement par des séjours en prison. Sans doute la permanence de la personne du thérapeute permet-elle au patient d’occuper la place de « personne clé », telle que la définit M. de M’Uzan. Toutefois, on saisit mal les raisons de C. Pelissier quant au choix second du face-à-face, compte tenu des déterminants de l’indication de relaxation.
11Vaincre la peur, entre le rien et l’illimité de la pensée, n’est-ce pas le dessein même de la pensée ? Liliane Abensour, avec « Tentation délirante et pensée imaginante », présente le recours à la métapsychologie comme le point d’assise de la pensée de l’analyste au regard de ces extrêmes vertigineux où les contenus du délire laissent place à d’autres modalités de fonctionnement de la pensée. Elle aborde « l’activité imaginante comme relais de la pensée délirante », et fait travailler la proposition de Bion sur « les pensées sans penseur ».
12Toute pensée serait-elle potentiellement délirante, à la frontière d’une création visant à résoudre l’énigme existentielle des origines et du sens de la vie ? Cette approche désaliène la notion de psychose et élargit la réflexion à d’autres formes de pensée. L. Abensour nous montre à travers quelques moments du traitement psychodramatique d’un patient psychotique l’usage et le mésusage qu’il fait du langage, à partir de la dislocation de celui-ci en séance, indice du manque à organiser un délire, mais aussi devant son accrochage aux mots à d’autres moments. Les deux fragments de séances nous permettent de saisir le fonctionnement alternativement paradoxal et délirant du patient.
13Aujourd’hui, l’interprétation des contenus laisse souvent la place aux modes de fonctionnement, et l’histoire du patient ne répond pas aux préoccupations de l’approche dans l’urgence des dysfonctionnements psychiques. « Morcellement de la pensée, distorsion de la pensée, surinvestissement de la pensée : la tentation délirante est là pour répondre au risque d’effondrement, d’anéantissement. » Depuis Winnicott, on pense que les expériences originelles catastrophiques n’ont pu être éprouvées ni traitées du fait de l’immaturité du Moi. Il en résulte des conséquences majeures de morcellement, de mort psychique, de menace d’effondrement. « C’est une expérience dont il n’est pas possible dans la cure de faire l’économie pour que soit enfin éprouvé, de manière régressive, à la manière d’une remémoration, ce qui ne l’a pas été. » Avec en pierre d’achoppement les difficultés à la régression des patients psychotiques, coupés de leur histoire et de leur sexualité infantile. La réflexion métapsychologique que nous propose L. Abensour part de cette problématique de la régression et des conséquences techniques qui en découlent. Quels sont la place et le rôle du Préconscient, lorsque la circulation entre les instances psychiques n’est pas fluide ? Entre vide représentatif et exacerbation de l’excitation du Préconscient coupé alors de l’Inconscient, c’est l’oscillation entre l’inhibition et le surinvestissement du langage verbal. Ces patients sont privés de l’historicité d’une sexualité infantile structurante de l’histoire du sujet. « Imaginer, quelque chose plutôt que rien. » L. Abensour introduit la fonction imaginante comme une activité psychique transitionnelle porteuse d’une potentialité réflexive et d’espoir, si quelqu’un est là, l’analyste, pour en faire quelque chose de partagé puis d’adressé.
14De l’imaginaire à l’image et sa place dans le travail de la pensée, nous passons à « La pensée par images ou Janus entre la chose et le mot. Réflexions à partir du psychodrame de Monsieur A. », texte dans lequel Alain Gibeault nous propose une lecture de la théorie de la pensée à travers ses divers constituants : l’image psychique, la représentation de chose, la représentation de mot, l’affect et son traitement. Il interroge la spécificité du préconscient, instance de la première topique constituée essentiellement des représentations de mot mais pas seulement. En effet, il existe au niveau préconscient un travail de liaison d’impressions sensorielles qui constitueraient une constellation de pensées préverbales. L’idée que la pensée est primitivement inconsciente conduit à interroger le statut des représentations de chose, mais aussi des images. Et comment les distinguer dans leur spécificité, puisqu’elles peuvent relever d’un registre perceptif tout autant que mémoriel ? Les représentations de chose peuvent s’entendre selon une dynamique processuelle ; de plus, elles se laissent infiltrer par les mouvements pulsionnels : elles rendent compte d’un travail psychique antérieur relevant de capacités d’investissement et rencontrent le représentant psychique de la pulsion. C’est à travers et par l’affect lié à l’ « image psychique » que s’effectue la discrimination entre le retour hallucinatoire et l’hallucination. Dès lors, cette image occuperait une position intermédiaire et autoriserait tout un travail de médiation contenante, voire symbolisante.
15A. Gibeault nous offre deux longues séquences de psychodrame, où il nous montre comment « l’appui sur un jeu psychodramatique sous le regard du meneur de jeu permet de construire cet écart nécessaire à la constitution d’un processus de symbolisation, qui n’est autre qu’une possibilité de jeu sur les images, les représentations et le langage ». Ce patient est suivi depuis plus de dix ans et nous pouvons nous le représenter s’éloignant de la solution délirante vers l’acquisition d’une capacité réflexive. Je ne reprendrai pas ces séquences qui sont entièrement retranscrites, sans doute par l’intermédiaire d’un enregistrement vidéo, et je relèverai uniquement quelques points. Parmi ceux-ci, la possibilité pour le patient de se jouer « adopté » par le meneur de jeu et l’équipe de psychodrame est une des clés du travail qui peut alors s’effectuer. À la fin de la première séquence, A. Gibeault souligne la double polarité de l’image telle qu’elle apparaît dans le jeu et permet « une articulation entre sa fonction d’indifférenciation quasi hallucinatoire et sa fonction contenante ». En effet, la ressaisie interprétative par le meneur après le jeu, malgré la tentative de gel des affects ( « la mer était gelée » ) suivie d’un débordement ( « ça me saoule, ça déborde » ), va permettre la reconnaissance du désir de meurtre ainsi que la sortie de cet « arrêt sur image » qui persiste lorsqu’il n’y a plus de profondeur, plus d’ombre de l’image ou une indistinction des limites. Le statut de l’image est entièrement pris dans un travail de vision qui ne se contente pas d’une recherche d’identité de perception mais « entraîne le mouvement vers l’identité de pensée ». S’agit-il d’hallucination ou d’hallucinatoire ? Toute la question tourne autour du clivage qui va laisser coexister perception et trace mnésique, sans que puisse se constituer une conflictualité qui fera l’objet du travail avec le patient psychotique : permettre la création d’un processus fantasmatique témoin d’un refoulement corrélatif de la perte de l’objet et de l’élaboration de celle-ci. Tout à la fois élaboration du meurtre de l’objet et constitution des auto-érotismes secondaires. Une dernière séquence de psychodrame illustre l’accès du patient à un registre hallucinatoire, à travers la constitution d’une histoire qui prend en compte ses propres hallucinations.
16Réalité ou fantasme ?, questionne Ferenczi. « Délire ou réalité ? L’expérience du doute », reprend Sabine Cann-Olewkowiez, avec la problématique toujours réactualisée de la neurotica qui, abandonnée, ressurgit toujours. S. Cann interroge ce manque de conviction qui s’infiltre dans l’écoute de certains patients. Que devient alors la neutralité bienveillante, dénoncée comme hypocrisie par Ferenczi ? Dans l’émergence du doute concernant le patient, ce sont les incidences contre-transférentielles sous-jacentes qu’il convient d’interroger.
17Chez sa patiente, la recherche active de prises en charge médicales et institutionnelles simultanées en contradiction les unes avec les autres s’intrique avec la dynamique du traitement, en renforce la complexité et joue la perversion narcissique dans la répétition agie. En effet, S. Cann nous montre comment s’inscrit une transgression dans la mise en place du traitement, analogon d’une défaillance du cadre institutionnel pris dans la logique d’urgence et d’emprise de la patiente. Cette répétition agie, probablement ultime défense contre la décompensation, évoque les travaux de Winnicott à propos des expériences originelles de déréliction qui n’ont pas été éprouvées ni traitées et qui doivent être vécues comme succédané de remémoration pouvant ouvrir un frayage à la représentation. La difficulté de ce traitement est grande, car la mosaïque de déplacement et de projection des clivages réactualise en permanence un objet primaire impossible à rencontrer, et pour lequel, de ce fait, il semble impossible que s’engage quelque travail de deuil. S. Cann questionne sa position d’analyste, les exigences passionnelles et pulsionnelles de sa patiente la font douter de ses capacités discriminatives sur sa propre pensée. Croire, ne pas croire, douter, n’est-ce pas toute la problématique de ce qui n’arrive pas à se représenter ?
18Vassilis Kapsambelis examine « Le “délirer” en tant qu’activité psychique ». Qu’est-ce qui détermine le choix de l’activité délirante, psychose aiguë ou pathologie psychotique ? Quels éléments contre-transférentiels interviennent dans la conduite thérapeutique ?
19V. Kapsambelis aborde le « délirer » comme une activité psychique de perception, synthèse de deux mouvements, relevant l’un de ce qui appartient au biologique, avec tout particulièrement le représentant psychique de la pulsion, donc de qualité proprioceptive, et l’autre, extéroceptif, relevant de ce qui appartient au monde extérieur mais aussi concernant la catégorie psychique de l’objet. Les travaux contemporains ont caractérisé l’hallucinatoire comme base fonctionnelle de toute activité psychique, et montré ses articulations avec l’irreprésentable et le négatif. V. Kapsambelis distingue les deux axes de recherches que sont la genèse de la constitution de l’activité psychique, d’une part, et les modalités de fonctionnement du psychisme au regard des formations délirantes, d’autre part. Il s’attache à étudier ce second point à travers deux textes freudiens : le « délirer » dans La Gradiva de Jensen et le « délirer ” dans Pour introduire le narcissisme, avant de développer la question de la détermination du « délirer ”. Avec le « délirer » de Norbert Hanold, nous avons le modèle de l’épisode délirant aigu non psychotique, et le récit d’une inévitable bascule vers « une éclosion délirante finale et salvatrice ». Une exacerbation perceptive plurifactorielle précipite le jeune homme dans cette activité hallucinatoire accompagnée de désorientation et de troubles de la vigilance, appelée classiquement onirisme, qui relève d’une mise en tension et d’une mise en échec de l’épreuve de réalité. C’est là le point de divergence entre les processus oniriques et l’activité délirante psychotique. La perturbation intense de l’activité perceptive et l’indistinction des origines proprioceptive ou extéroceptive des excitations ne mettent pas en danger l’intégrité du Moi, qui « a étendu ses limites jusqu’à ce que le perçu soit halluciné et que les limites de l’univers perçu coïncident avec celles du Moi ».
20Dans son texte sur le narcissisme, Freud présente la constitution d’un état délirant en deux temps : un premier mouvement de retrait narcissique, suivi d’une tentative de guérison à partir de la création d’une néoréalité d’origine hallucinatoire. Mais pourquoi ce retrait narcissique ?, s’interroge V. Kapsambelis, qui pose l’hypothèse d’une expérience primaire catastrophique ayant inscrit l’objet comme « porteur d’une menace vitale ». Il suppose donc un temps préliminaire : « Comprendre ces pathologies en trois étapes : menace représentée par l’objet, retrait narcissique, reconstitution de l’objet à travers l’activité hallucinatoire et délirante. » Le « délirer » est une tentative de rencontre avec l’objet et d’échange, à partir du manque d’inscription de traces mnésiques de satisfaction narcissique primaire. De quelles qualités, de quelles spécificités du négatif s’agit-il ? L’absence de la chose en soi, le désinvestissement, le non-investissement questionnent également l’écart entre l’attaque contre les liens et l’absence de lien, tout autant que le concept de pulsion de mort et le jeu de la désintrication qui implicitement suppose un processus d’intrication. La relation objectale rencontre cette défense drastique du déni de l’existence de l’objet en tant qu’objet à investir. Le « délire de rêve », qui garde sa qualité discriminative pour le Moi, fait place à un « délire de réalité » où domine la conviction perceptive. Quelque chose de l’hallucinatoire ne peut s’organiser en raison d’une défaillance essentielle d’investissement de l’objet primaire pour le sujet en devenir, entravant les mouvements pulsionnels organisateurs de renversement et de retournement.
21Et en effet, comme V. Kapsambelis l’énonce dans la dernière partie de son article, le « délirer » est aussi une activité psychique adressée ; dans la pratique clinique, il prend valeur de récit impliquant un destinataire. Dès lors surgit une dynamique contre-transférentielle déterminante pour la conduite thérapeutique. Identifications complexes, acting du thérapeute, exigent des aménagements du cadre qui s’appuient sur des prises en charge institutionnelles.
22Pour introduire « Vérité, fiction et délire (Dichtung, Wahrheit und Wahn) ”, Antoine Nastasi évoque la pensée délirante primaire, magistrale démonstration par Piera Aulagnier de cette nécessité pour un « je » de donner un sens au non-sens transmis du côté des origines. La potentialité psychotique est le type de fonctionnement qui en résulte, avec son impossibilité d’inventer de nouvelles modalités défensives.
23A. Nastasi s’intéresse au terme de « fiction » pour évoquer le récit fantasmatique ou mythique. Les pensées délirantes sont alors des manifestations plurielles et autonomes, qui peuvent s’articuler aux fantasmes ou s’associer à un délire : « Les pensées délirantes sont comme une construction mouvante qui tente de rétablir une fiction des origines. Elles sont aussi bien le substrat du délire que ce qui le relaie lorsqu’il cède le pas à la réalité. Mais elles sont aussi ce qui contamine la fiction. » Conviction ou incertitude sont les indices différentiels du délire et de la fiction, laquelle relève des logiques du fantasme. Avec Mario, A. Nastasi illustre son approche de la pensée délirante. Avec ce type de patients mais aussi avec les patients limites, le travail psychanalytique, théorique ou clinique, a conduit les analystes à s’intéresser davantage au fonctionnement psychique qu’au contenu. A. Nastasi nous décrit les méandres du clivage contre-transférentiel inducteur du travail psychique du côté de l’analyste, et son impact sur le délire du patient permettant alors l’émergence de pensées délirantes. « C’est une fiction qui se construit au présent du transfert », écrit-il. Mais on comprend mal ce qui amène l’auteur à introduire ce terme de « fiction », étranger à la métapsychologie. Est-ce pour sa valeur d’indétermination entre fantasme et virtualité délirante ? Les résumés de plusieurs mois de séances avec Mario illustrent la dynamique transféro-contre-transférentielle qui conduit le patient à découvrir le désir de l’autre à son adresse. Une réflexivité qui peut lui permettre de tenir ensemble des éléments psychiques hétérogènes et non liés. L’auteur évoque dans sa conclusion la problématique de l’épreuve de réalité, à travers le discours de Mario, l’investissement de l’analyste et leur langage commun.
24Enfin, on lira avec intérêt les deux derniers textes du numéro, qui concernent tous deux la question de la transitionnalité. Celui d’Armando Bianco-Ferrari : « Métaphore et analogie dans le langage de la relation analytique ” (traduit par M.-F. Vaneecke), montre comment dans l’expérience analytique la métaphore trouvera sa place à condition de devenir un jeu partagé. Celui de Laurent Nottale et Pierre Timar, « De l’objet à l’espace psychique », cherche, à l’instar de Freud qui a souvent fait usage de métaphores scientifiques dans sa construction métapsychologique, à utiliser métaphoriquement les nouvelles théories de la relativité pour décrire l’espace psychique transitionnel.
25Danielle Kaswin-Bonnefond
35, rue Barbet-de-Jouy
75007 Paris
PENSER/RêVER, no 9, « La double vie des mères », 2006. Delphine SCHILTON
26« La double vie des mères » est « un lieu commun de la culture et une source d’énigmes individuelles », propos inauguratif d’un numéro qui invite à réfléchir sur les différentes figures des mères de notre culture occidentale. L’argument invalide d’emblée l’idée d’un monde de représentations, dominé par « l’emprise de la métaphore paternelle », allant jusqu’à trouver dans la récente formule présidentielle américaine du combat entre le bien et le mal une tentative du fait d’éléments archaïques infantiles, voire religieux, infiltrant cette proposition du maintien d’une image maternelle soit bonne, soit mauvaise. L’enjeu clinique est aussi présent dans ce numéro avec une question : Qui sont-elles, les mères, quand nous n’y sommes pas ?, formulation littéraire de la censure de l’amante, chère à Fain.
27Jean Clair, homme de lettres et d’art, inaugure ce numéro par un article qui interroge la disparition de la loi paternelle dans la société au profit d’un matriarcat autrement puissant. Il souligne la proximité des dates de modification du Code civil en 1970, 1972, 1975, qui concernent respectivement l’abolition de la notion de puissance paternelle, la légalisation de la pornographie et l’ « autorisation » de l’avortement. L’auteur dénonce alors un soi-disant progrès qui serait selon lui un retour au niveau archaïque de la pulsion sexuelle, un retour aux cultes des grandes déesses mères : « La mère libérée du père retrouve la possibilité d’assouvir sa passion anthropophage. » À ce stade de la réflexion de l’auteur, le doute saisit le lecteur qui se demande s’il est question de l’individu, de la société ou des représentations personnelles de l’auteur. La démonstration de celui-ci reste peu convaincante, tant les différents niveaux épistémologiques semblent traités sur un pied d’égalité. On aurait envie de lui soumettre cette remarquable citation produite un peu plus loin dans la revue par la psychanalyste Corinne Ehrenberg, qui, opportunément, rappelle, à propos de La métamorphose impensable, de Jean-Pierre Castel : « La société n’est pas une collection d’individus, c’est un ordre au sens d’un ordre descriptif. On ne peut pas parler de la société comme d’un individu en lui reprochant sa défaite symbolique. »
28Beaucoup plus intérieure est la parole du psychanalyste Antonio Alberto Semi lorsqu’il annonce que : « Mater semper incerta », là où Freud notait : « Pater semper incertus. » Semi travaille donc sur les imagos et non plus uniquement sur quelque chose qui serait le « Mater certissima » des organes des sens. La conflictualité psychique viendrait à naître, entre autres, dans le rapport du sujet à la représentation maternelle. Sur ce point, l’auteur affirme qu’il y a toujours plus que ce qu’il sera possible de connaître, d’être et d’avoir. D’où sa réflexion sur la difficulté aujourd’hui fréquente d’établir des liens durables, notamment dans les relations de couple : le lien durable implique de renoncer à la certitude pour la potentialité, à accepter le caractère inépuisable de la mère. Pas double mais inépuisable ! Et, de même, l’interprétation du psychanalyste est à concevoir pour Semi comme une promesse face à l’inépuisable des possibles.
29Cet inépuisable est-il l’ombilic de la cure que nous propose Dominique Scarfone dans son étonnante « Suite lunaire » ? Dans cet article, un non-lieu à atteindre est postulé, un trouvé-créé à l’horizon de toute cure, ce qu’un moment de clinique vient ici illustrer. Avec Solange, qui se trouve plongée dans une crise intense et qui réclame quelque chose, l’analyste optera pour une apposition de sa main sur le front de la patiente. Cet agir transgressif, que l’auteur reconnaît comme tel et ne glorifie pas, est à comprendre, selon lui, du côté de la convocation d’un maternel tendre en contrepartie d’un maternel affolant. D. Scarfone explique comment le rapport à la mère donneuse de vie donne aussi le trouble du vivant et marque la limite du projet analytique. Nous aurions aimé que l’auteur explicite un peu plus la difficulté, le trouble pour l’analyste à être justement une mère affolante dans le transfert. Double vie des mères certes, mais peut-être aussi double vie de l’analyste, aux prises toujours avec son inconscient et son propre maternel ? D. Scarfone souligne par ailleurs que souvent l’analyste, pour s’en sortir, convoque le tiers en la personne de la métapsychologie, et rappelle à point nommé qu’elle fut baptisée « sorcière » par le père de la psychanalyse. Simple remarque qui interroge à juste titre sur le choix par Freud de ce vocable...
30La discussion qui suit entre trois psychanalystes, Corinne Ehrenberg, Jean-Claude Lavie et Nathalie Zaltzman, est remarquablement vivante. Ils partiront de ce que les mères sont des femmes, qu’elles ont une vie sexuelle. Du trouble qu’il y a à penser le plaisir de l’activité sexuelle et le plaisir de procréer, même si l’un peut aller sans l’autre... Ce dernier point les amènera à formuler des questions essentielles : le fait que l’enfant naisse hors rapport sexuel suppose-t-il que le père ne possède pas la mère ?, mais aussi des réponses : ce qui peut se transmettre, c’est le désir d’être mère par le père. C’est un moment de bonheur pour le lecteur de cet article, qui vaut plus par les hésitations qu’il propose, les ombres qu’il porte, que par les réponses... On y voit les auteurs faire des sauts épistémologiques, passant de la clinique à l’ordre social mais s’en rendant compte et revenant vers elle. On les voit dénoncer le discours normatif de la psychanalyse face aux nouvelles technologies tout en y recourant parfois. Mais surtout, à partir du constat que les patientes femmes disent souvent qu’ « une mère c’est forcément bête », ils interrogent le charnel (représentant le maternel), qui n’aurait pas accès au phallicisme de l’intellect et de la sublimation. Ce trop charnel, trop corporel, situerait la femme du côté « animal », animalisation de la mère que les techniques de procréation assistée tendraient à défaire. Alors, la procréation sans rapport sexuel humaniserait-elle la mère, la ferait-elle entrer dans plus d’humanisation ? En réponse, le cri de N. Zaltman : n’est-ce pas terrifiant l’idée d’un humain sans animalité ? Ce débat très riche est donc à lire pour l’enthousiasme théorisant qu’il suscite mais aussi pour les oublis qu’il contient, et que d’autres auteurs prennent en charge de rétablir. Évelyne Tysebaert a cette belle phrase : « Ce ne sont pas les parents qui conçoivent un enfant au cours d’un rapport sexuel, mais l’âme d’un enfant qui choisit la scène primitive par laquelle il va s’incarner », restituant ainsi l’importance des fantasmes originaires dans la structuration psychique du devenir mère. Elle interroge le privilège féminin – pour l’instant... – de la procréation, et le trouble qu’il sème du côté des figurations par l’inconscient.
31Linda Balestrière, membre de l’école belge de psychanalyse, centre son propos sur une question : est-il donc si difficile de « perdre » une mère, au point qu’il soit préférable de théoriser l’indestructibilité du lien à la mère plutôt que son deuil ? S’appuyant sur les travaux de C. Stein, elle nous incite à penser le meurtre de la mère, qui, dans la clinique, convoque les mêmes coordonnées (meurtre, triomphe, deuil et réconciliation) que celui du père. Le « Muttercomplex » resterait, selon l’auteur, à formuler. Il nous semble pourtant que nombre d’auteurs, notamment ceux qui ont travaillé avec la psychose, voire Winnicott, n’ont cessé de penser le deuil du maternel, et tendent même, pour beaucoup d’entre eux, à y voir l’origine de la conflictualité psychique.
32Christian David, reprenant les propos de M. Fain et D. Braunschweig, nous rappelle que la femme refoule en elle-même la mère afin d’être disponible et présente dans la relation sexuelle à son partenaire. Il se produit là, par renversement inconscient, comme un avatar du fantasme originaire de la scène primitive. Ainsi, l’inévitable dédoublement de la femme en devenir de mère, porteuse pendant neuf mois d’un embryon, entraîne nécessairement et immédiatement, selon l’auteur, l’apparition d’une ambivalence maternelle. Et il se demande ce qu’il peut en être de cette ambivalence dans les cas de procréation par « utérus artificiel », en référence au dernier ouvrage du biologiste Atlan.
33Autre bon moment de la revue, ce choix de nous donner en pâture des paroles de mères spartiates (laconiennes), extraites de Plutarque. Ces mères grecques étaient volontiers infanticides si l’honneur de Sparte était en jeu. Il fallait bien une culture différente de celle d’Athènes pour que l’infanticide puisse avoir droit de cité, pour que Médée devienne une institution et reçoive la reconnaissance de Sparte. C’est une manière subtile pour les rédacteurs de la revue de nous rappeler que l’être mère est aussi un fait de culture, qui peut inclure jusqu’au droit de mort sur l’enfant. En cette période contemporaine d’interrogations portant sur les limites de la vie, depuis les techniques de procréation assistée jusqu’à l’euthanasie, ces paroles sont un véritable appel à la réflexion.
34Le psychanalyste et écrivain Michel Schneider reste autour de la cité, non plus grecque mais allemande et nazie. Il démontre qu’un certain maniement des imagos maternelles par le nazisme a séduit jusqu’aux féministes allemandes d’alors. « Toute la différence entre les dictatures de l’ère dite moderne et les totalitarismes contemporains tient peut-être dans ce changement de la figure tutélaire d’un père césarien, dictateur, tyran ou despote imposant l’obéissance, en une Big Mother, mère guide initiatrice. » Ce passage au dictateur maternel, figure d’une mère inspirant l’amour et la terreur, est lisible pour qui écoute la langue du nazisme qui enchante, berce, unifie, idéalise. Elle ne nomme pas les choses, elle les rêve, les rend supportables ou même désirables. Il faut absolument lire cet article, qui montre comment la psychanalyse peut contribuer à la pensée politique.
35Delphine Schilton
6-8, rue des Tanneries
75013 Paris