Couverture de RFP_711

Article de revue

Où suis-je ?

Pages 115 à 134

Notes

  • [1]
    Après de nombreuses années de travail intensif avec ce garçon, les premiers signes d’un véritable dédoublement du Moi sont apparus dans du matériel clinique qu’il serait malheureusement trop long de décrire. En un mot, disons qu’il s’agit pour ne plus produire de clone de construire un " double dédoublement " !
  • [2]
    Cf. le récit clinique complet intitulé " Je ne sens rien ! ", à paraître in Le dedans et le dehors, sous la direction d’André Green, Paris, PUF, 2006.
  • [3]
    Notons au passage que, chez Aurélie, la fantasmatique phallique (le pommeau de canne dans le ventre) vient là pour contenir fétichiquement ce chaos, c’est pourquoi il est très difficile de toucher aux défenses phalliques de ces patientes, il est nécessaire d’atteindre la situation de détresse narcissique sous-jacente.
  • [4]
    Cf. L’énergétique et le sensible, Revue belge de psychanalyse, no 48, 2006, ou mon article de la Revue française de psychosomatique, no 19, 2001, " Le potentiel hallucinatoire... ", 123-144.
  • [5]
    Cf. mon intervention au colloque de Cerisy : " L’enveloppe du rêve et l’hallucinatoire de transfert, hypothèses sur le dégagement d’un trauma nocturne ", in Autour de l’œuvre d’André Green, enjeux pour une psychanalyse contemporaine, sous la direction de François Richard et Fernando Urribarri, Paris, PUF, 2005.
Aux collègues, proches et lointains, connus et inconnus, vivants et morts, qui m’ont inspiré ces lignes.

1" Où suis-je ? ", dit-on, au sortir de l’inconscience ! Où est-Je ? Daniel-Paul, un jeune homme qui s’est effondré sur un mode psychotique et qui approche de sa quatrième année de thérapie intensive, m’apostrophe, en regardant autour de lui : " Il est où Moi ? Hein ! Monsieur Lavallée, il est où mon Moi ? " La conviction que nous avons que notre monde est en nous, à l’intérieur des limites de notre Moi-corps, ne va pas de soi. C’est une construction que le travail analytique permet de conforter. Au fur et à mesure que l’analysant met en sens en se l’appropriant sa propre histoire, cette construction se confond avec la notion de réalité psychique. Notre monde est en nous et il est à nous, en sécurité, dans un espace psychique inviolable. L’existence d’une réalité psychique travaillable dans un processus analytique classique, suppose un espace psychique, espace où le Moi-sujet peut subjectivement s’installer avec lui-même, dans un rapport supportable à cet " attracteur " transférentiel qu’est le psychanalyste.

2Lorsque nous cherchons à nous rendre sensible aux lieux où nous vivons, deux espaces se dégagent nettement : le Moi-corps et l’espace dédoublé de la pensée. Pour être plus complet, il nous faudrait distinguer une triple enveloppe diurne : une enveloppe perceptive pour les diverses formes de perception, une enveloppe endoperceptive pour les diverses formes de pensées (l’appareil à penser les pensées), l’enveloppe du Moi-corps en tant qu’habitat lieu de la mise en sens émotionnelle, et la nuit une enveloppe du rêve. Ces quatre enveloppes figuratives sont animées par une énergie pulsionnelle que je conçois en termes d’hallucinatoire, je vais y revenir. Mais, en dernière analyse, l’espace dédoublé du Moi et le Moi-corps sont les lieux les plus importants du dépôt de notre réalité psychique, les lieux de la subjectivation diurne, ce sont donc eux que je vais, dans ce bref exposé, privilégier.

L’ESPACE PSYCHIQUE DéDOUBLé

3Au début de la vie, l’espace de la psyché est indivis, marqué par un premier organisateur des excitations exogènes et endogènes : le continuum hallucinatoire entre la mère et l’enfant, dans l’accordage affectif. L’espace interne est creusé par les expériences orales et sphinctérisé par les expériences anales : un sens érogène émerge sur ces expériences. La peau organise une première limite et une surface érogène d’inscription fantasmatique des expériences motrices. La réflexivité s’organise. Réflexivité de la voix : s’entendre vociférer ; de la peau : se toucher-touchant ; de la main : jeter au loin un objet, ou bien le porter à sa bouche pour l’incorporer, etc. Le miroir maternel dans la mimésis humanise le dédoublement : la mère est le premier double, le bébé se voit dedans. Sur fond de continuité de l’espace visuel, des rythmes organisent une temporalité.

4L’espace interne va se dédoubler au-dedans, en même temps que l’espace externe va se redoubler au-dehors.

5Une séparation soi-monde, au-dehors, où les expériences érogènes anales assurent une mise en sens clé, dont nous retrouverons la trace dans toutes les analyses, va s’accompagner au-dedans, d’une séparation de soi à soi, pourvue d’une liaison réflexive : le monde interne devient un réceptacle où l’introjection est possible. Bien évidemment, ces limites psychiques n’existent qu’autant qu’une autre barrière interne est mise en place vis-à-vis de l’inconscient : celle du refoulement.

6Un double imaginaire, avec lequel on peut dialoguer, accompagne et incarne la naissance du dédoublement de l’espace interne. Ce double va progressivement s’anonymiser et se réduire à un rapport en pensée de soi à soi. Une structure fondamentale du dédoublement est née.

7C’est cette position de double interne que va venir occuper l’analyste : " Vous êtes celui à qui je me parle ", me dit, amusé, un analysant ! être soi c’est être seul, mais être seul c’est être dédoublé ! Il faut être seul avec " soi-tiret-même ", et en analyse être seul avec soi-même... en présence de quelqu’un ! C’est ce lien de soi à soi que l’analyse remet au travail en lui permettant un détour par un objet ajusté et transformationnel : l’analyste.

8Cette structure fondamentale du dédoublement du Moi est munie d’une liaison réflexive entre ses deux pôles, et nous allons la retrouver dans toutes les enveloppes psychiques que j’ai décrites. C’est ce qui permettra, dans le même temps, de multiples dédoublements, par exemple : de penser le monde, en se pensant soi-même en train de le penser. Dans toutes les enveloppes, dans tous ces lieux de la psyché, la liaison entre les deux pôles de cette structure fondamentale du dédoublement est dynamisée par un quantum hallucinatoire positif d’intensité variable, qui rapproche plus ou moins ces deux pôles. En outre, il existe un écran interface hallucinatoire et négatif, fruit de l’introjection hallucinatoire et négative de la mère, qui relie et sépare ces deux pôles. Cet écran interface est aussi une surface d’inscription pour les figurations, et un pare-excitation, je vais y revenir.

9Lorsque je pense tout bas, je m’entends plus ou moins hallucinatoirement parler en silence, avec ma voix ou... celle d’un autre. Dans les psychoses, la pensée n’est plus contenue silencieusement au-dedans : elle explose à voix haute au-dehors. La réflexivité psychique permet " normalement " d’éviter cette " excorporation ". Des " boucles contenantes " pulsionnelles ramènent à soi la projection qui émane de soi : les pensées ne sont pas perdues. Cette réflexivité permet aussi que des expériences érogènes se constituent en auto-érotismes remobilisables. La réflexivité et les " processus-auto " accompagnent la mise en sens fantasmatique, ils sont à la base de la réalité psychique, du " théâtre du Je ". Le dédoublement du Moi, le rapport de soi à soi, a des qualités psychiques différentes et constitue un espace plus ou moins tridimensionnel, sécurisé et temporalisé. Je vais en donner des exemples chez les psychoses infantiles rencontrées en institutions, puis j’en donnerai d’autres exemples, chez des patients en analyse, ou en thérapie psychanalytique, que je reçois chez moi. Notons, tout de suite, qu’il est important de distinguer le Surmoi du double interne, nous verrons pourquoi.

VARIANTES DE L’ESPACE DéDOUBLé INTERNE

Chez des adolescents présentant des psychoses infantiles

10Marius a une grave psychose infantile qui permet de comprendre à la loupe le problème du dédoublement du Moi, son échec et ses conséquences sur la perception et la pensée.

Marius se penche en avant en regardant ses pieds, et dit " je vois mes jambes ", puis se redressant et regardant ses mains, il ajoute : " Je vois mes bras ", puis regardant droit devant lui dans le vide, il dit : " Mais je ne me vois pas, pour me voir, il me faudrait un frère jumeau ! "

11Grâce au dédoublement du Moi, nous disposons tous de l’équivalent d’un double interne pour nous autopercevoir, sans pour autant avoir besoin d’un frère jumeau devant nos yeux ! Marius est totalement dépourvu de cette structure dédoublée du Moi. Dès lors, le mouvement d’investissement vers le dehors ne revient pas réflexivement vers lui, il ne se voit pas dans l’objet, il s’y perd. Perception et pensée n’ont pas, ici, de structure où déployer leurs investissements objectaux, elles n’ont pas non plus d’enveloppe pour les contenir narcissiquement par retournement réflexif. Il me faut redire que l’espace " dédoublé " interne se forme en même temps, et a les mêmes caractéristiques, que l’espace " redoublé " externe. Ce qui veut dire, par exemple, que l’adhésivité avec les objets externes se double au-dedans d’une adhésivité interne entre les deux pôles de l’espace psychique dédoublé. Au collage à l’objet correspond un collage des deux pôles du " pensoir " et des pensées entre elles. L’espace interne est alors aussi mince qu’une feuille de papier. C’est un monde qui ne contient rien : bi-dimensionel. Le Moi, s’il tente de naître, vit alors dans l’angoisse de son propre anéantissement. Voici quelques autres variantes des difficultés du dédoublement dans le champ des psychoses infantiles.

  • Roland présente une configuration particulière du dédoublement du Moi. Il tente de vivre dans deux espaces siamois accolés entre eux, qu’il représente clairement dans ses dessins ! Psychiquement, cela donne une forme d’immobilité adhésive où chaque partie dédoublée colle et parasite l’autre partie.
  • Chez Michael, le dédoublement se perpétue à l’infini. Le Moi, terrorisé, est placé entre deux miroirs face à face qui renvoie deux images opposées se redoublant en se rapetissant à l’infini. Cela donne une pensée obsessionnelle vertigineuse qui se perd dans des " pourquoi ? " sans fin. La solution fantasmatique : passer à travers le miroir pour se libérer du vertige !
  • Chez Crevette, qui est un post-autiste, il n’y a pas de véritable dédoublement du Moi. L’autre-semblable est en fait un " clone " (sic) duplicable, une " photocopie " : le dédoublement s’amorce sans possibilité de liaison et de transformation, et tourne court. Ce pseudo-dédoublement n’est pas contenant, puisqu’il y en a toujours un de plus, encore un, et encore un, et encore un à l’infini... [1] !
  • Câlin auprès de qui je travaille depuis plus de dix ans, et qui a remarquablement évolué, a le meilleur espace dédoublé que je connaisse chez un post-autiste. Mais c’est un espace qui n’a pu encore s’anonymiser et se transformer en structure (de la même façon que le Surmoi doit être " impersonnel "). Câlin me parle de ses " anges gardiens ", doubles narcissiques homosexuels protecteurs, incarnés par des joueurs de football connus qu’il fréquente. Ces anges gardiens doivent toujours être là, il leur parle " comme au téléphone ". Faute d’un espace interne suffisamment bien organisé pour se parler à lui-même tout bas, en pensée, il pense à mi-voix. Il se rend bien compte que ces dialogues sans fin le font exister, lui, qui peine à vivre dans son Moi corporel tant il est marqué par sa psychose infantile (balancements, agitation, etc.). Par exemple, il dit : " Si Gaby n’est pas là derrière moi (il se retourne) ou si je ne peux pas imaginer que je l’ai au téléphone, eh bien ! Je te le dis Guy, j’ai peur ! Je sais qu’il n’est pas là pour de vrai, c’est en imagination, mais c’est quelqu’un qui existe, c’est pas juste une image à la télé. " Et il me demande : " C’est normal tout ça Guy ? " Pour tenter de répondre de façon sensée à une telle question il est parfois utile d’avoir des théories sur les espaces psychiques, et l’internalisation des objets !

Chez des patients en psychothérapie psychanalytique, en " vis-à-vis ", trois fois par semaine

12

  • Daniel-Paul est un patient présentant une décompensation psychotique aiguë à l’adolescence. Lors de sa première solution délirante, il a entretenu un dialogue à forte charge hallucinatoire avec un double féminin. Pour ne pas perdre une jeune fille qu’il aimait, et qui l’avait quitté, il était devenu cette jeune fille. Dans la structure dédoublée du Moi, un pôle le représentait et l’autre était la jeune fille. Quand il pensait, était-ce lui qui se parlait à lui-même, ou la jeune fille qui lui parlait ? Qui était-il ? le garçon ou la fille ? La structure dédoublée n’était pas détruite mais subvertie. L’intense quantum hallucinatoire de sa pensée rapprochait ces deux pôles, ils tendaient à se confondre, abolissant tout espace psychique. Son Moi-corps était en même temps insensibilisé par des phénomènes hallucinatoires et négatifs, dès lors, il était partout et nulle part et il ne savait plus, ni s’il avait un corps, ni s’il était un garçon, ni s’il était une fille. Il lui faudra quatre ans pour parvenir à se poser la question que j’ai rapportée : " Il est où Moi ? " [2]
  • Iphigénie est une intellectuelle reconnue, extrêmement brillante, de formation philosophique et littéraire, pourtant aussi surprenant que cela puisse paraître : elle n’a ni espace, ni réalité psychique viable ! Comment comprendre cela en termes de structure ? Son double interne n’en est pas un, ça n’est pas un soi-même anonymisé mais il est sans cesse incarné (comme Câlin !). Au début du travail analytique, son double interne c’était moi ! Dans la solitude, elle me parlait sans cesse ! Lucide, elle me disait : " C’est avec moi que je devrais parler, pas avec vous ! " En pensée, elle devait lutter contre moi pour me dominer, elle avait alors l’impression que je faisais comme son génie de père : je pensais à sa place ! J’étais donc inclus dans son espace interne : elle n’y était pas " chez elle ". Dans la solitude de son appartement, elle a souvent l’impression hallucinatoire, que son père est là dans la pièce et la regarde. En lisant Melanie Klein et la notion d’objet interne, elle s’effraie : a-t-elle un autre en elle ? Sa mère, son père ? " Cette Melanie Klein est complètement folle ! " Iphigénie décrit, à la place d’un Surmoi anonymisé, un " surveillant " qui l’épie, lui réclame des comptes, la force à vérifier sans cesse ce qu’elle a fait, dit, appris, lui fait honte, etc. La compulsion à penser est totale. Ce trait de contrainte évoque une névrose obsessionnelle, mais d’autres traits (notamment la conversion) évoquent une hystérie... sans compter la parano ïa : " La différence entre moi et un parano ïaque, me dit-elle, c’est juste que moi, je me rends compte que je suis persécutée ! " Iphigénie ne peut se penser qu’en pensant l’action des autres sur elle. Par exemple, si je cherche à lui montrer que les choses de l’amour ne se passent pas seulement chez l’être aimé mais aussi en elle, la séance bascule dans l’effroi et le désespoir. Elle me dit : " Vous ne comprenez pas : si le problème est en moi alors c’est sans espoir, c’est que je suis folle, ça ne pourra jamais changer ! " Elle est alors accablée de honte, le pacte narcissique inconscient passé avec son père est rompu. Elle ne peut plus être la jeune fille idéale toujours dans l’excellence, qu’il souhaite et qu’il peut aimer : elle n’a plus qu’à se suicider. Sa réalité psychique est donc insupportable : elle doit la fuir, l’externaliser, au prix d’angoisses sans fin. Iphigénie, hypersensible et hyper-intelligente, n’a donc pas de lieu psychique pour vivre en paix avec elle-même : ni espace dédoublé privé, ni, nous le verrons, de Moi-corps comme habitat.
  • Chez Marie-Jeanne, que je qualifierai d’ " anti-hystérique ", la structure de l’espace dédoublé interne est solidement implantée, elle vit dans sa réalité psychique en relation avec elle-même, pourtant cette femme n’est pas une structure névrotique ! Comme quoi la notion de réalité psychique n’est pas synonyme de structure névrotique ! Il y a pourtant deux choses qui clochaient, la première c’est que son espace interne n’était pas suffisamment mis en relation avec un espace redoublé externe, où la projection joue son rôle d’ouverture au monde. Cette femme projetait trop peu ! Chez elle, l’hallucinatoire négatif dominait et inhibait la projection. Elle avait le sentiment d’être enfermée dans une cage ou une gangue minérale. En outre, son double interne n’a pas été suffisamment " nourri " par la présence de sa mère, elle l’a construit (comme Crevette) sur une base de réplication. Petite, loin de sa mère, elle jouait toute seule aux cartes et elle changeait de chaise pour mieux incarner la présence du double ! Marie-Jeanne avait la conviction que l’autre ne peut pas partager ce qu’elle pense et ressent : lorsque je lui prouve le contraire, elle est bouleversée. Au début de notre travail, la défense était radicale : elle permutait les places. Elle m’a souvent mis à sa place et réciproquement. Dans ces conditions, on ne sait plus qui est qui : il n’y a plus ni dedans, ni dehors. La permutation des places n’altère pas la structure de son espace dédoublé interne, elle se contente de l’inverser (comme dans son jeu solitaire, elle changeait de chaise !). Contrairement à Câlin ou Iphigénie (ou Aurélie, infra), on pourrait dire que son espace dédoublé est dévitalisé, il manque d’ " incarnation ". En cours de thérapie (mais en fait il s’agit d’une véritable psychanalyse en face à face, où la régrédience a toute sa place), nous sommes passés de la permutation des places à la " réciprocité réflexive " où chacun reste à sa place et où elle peut se voir en moi " dans " son enveloppe perceptive en face à face et en même temps se percevoir en elle-même " dans " son enveloppe endoperceptive ! C’est ainsi qu’un jour en sortant d’une séance où nous avions regardé ensemble une photo de sa mère, elle a eu une vision à fort " quantum hallucinatoire " : elle s’est vue dans la glace de mon ascenseur, ressemblant trait pour trait à sa mère ( " mère-ailleurs ", " mère-morte " ) alors qu’on lui a toujours dit qu’elle ressemblait à son père ! L’hallucinatoire de transfert porte ses fruits.

Problématique narcissique du dédoublement et trouble de la pensée, chez une analysante : Aurélie

13Dans cette névrose hystérique, on peut dire que la structure du dédoublement du Moi est constituée. Cependant quand la quête d’un objet d’amour, hors analyse ou dans le transfert, en vient à remobiliser la genèse de cette structure, une souffrance narcissique apparaît. Le double interne anonymisé se réincarne et révèle ses failles. Aurélie a construit sa structure du dédoublement à partir d’une " mère brouillard ", " lumineuse " mais confusionnante, " colorée et légère ". Cette construction structurale mise en crise n’est ni limitante, ni contenante, ni réfléchissante. D’autre part, son père a été très absent et rejetant, il n’a pas bien rempli sa fonction d’attracteur œdipien et de miroir secondaire. À de multiples moments de cette analyse, en séance, des représentants du double interne ne " répondent " pas et plongent ma patiente dans un grand désarroi. Par exemple, elle se souvient que, petite, son père lui avait ramené une très belle robe rouge de retour d’un de ses longs voyages. Elle avait mis la belle robe et couru voir une petite copine, une voisine de son âge, avec qui elle parlait derrière le " grillage-miroir " qui les séparait. Et soudain en séance, Aurélie a un blanc de pensée. La chaîne associative est rompue. Je vais donc m’installer à la place de cette petite fille, double d’elle-même, pour lui réfléchir la pensée effacée. Je vais lui dire : " Vous auriez souhaité que la petite fille vous dise combien vous étiez belle dans les vêtements que vous avait achetés votre père. " Aurélie, en larmes répondra : " Oui, c’est... il était jamais là mon père ! " Et le processus associatif reprendra. On peut dire que la pensée " J’étais belle avec les vêtements donnés par mon père " était trop intensément une réalisation de désir de l’amour du père, chez cette jeune femme travaillée par l’incestuel – dont tous les amoureux avaient l’âge de son père. Cette pensée – à la fois porteuse du trop et du manque – avait donc été effacée, " tuée " par de l’hallucinatoire négatif de mort (soulignons que le dédoublement narcissique et le dédoublement de la pensée révèlent ici, clairement, leur parenté structurale), l’excès d’hallucinatoire positif hystérique et le blanc hallucinatoire négatif de la pensée ne sont que le double visage d’une même problématique : le destin de l’hallucinatoire positif en excès trop " éblouissant " est de se négativer. Chez Aurélie, une modification de la qualité narcissique structurale du dédoublement de son moi et une réorganisation de l’hallucinatoire positif et négatif sont à l’œuvre, grâce à l’hallucinatoire de transfert, je vais y revenir.

L’ESPACE PSYCHIQUE, SES SIGNIFIANTS FORMELS ET L’ANALYSTE ATTRACTEUR

Aurélie et les signifiants formels de l’espace psychique

14Le chaos énergétique du Ça n’est pas une vue de l’esprit, voilà un extrait de séance avec Aurélie qui le rend palpable.

En Moi, c’est comme des flocons de neige, ça tourbillonne dans le blanc, dans le vide : c’est une agitation panique, si seulement ça pouvait être un pommeau de canne dans le ventre, sur lequel je puisse m’appuyer (un phallus structurant). J’ai envie que les choses se posent en Moi. J’en ai assez d’être remplie de plumes qui volent, que des morceaux de mon corps pas ensemble, désarticulés ; ça vole partout, je suis dispersée. Je sais plus où est mon chemin ! "

15À l’écoute de ma patiente, son problème de contenance énergétique, que je vais théoriser plus loin en termes de " matrice énergétique de la psyché ", n’est pas une abstraction. Le rythme haletant de sa parole, l’intensité de ses affects, ont un impact sur moi. Ils donnent leurs forces de surgissement aux signifiants formels de l’espace psychique révélés par son langage : l’agitation, le tourbillon, la dispersion, la désarticulation, etc. Le repérage de ces signifiants formels permet à l’analyste de comprendre et d’interpréter la problématique de la contenance dans son articulation aux contenus. C’est une démarche qui me semble nécessaire avec une telle patiente [3].

Mousse : l’espace psychique et l’objet du transfert comme attracteur

16Aurélie et Mousse sont deux névroses hystériques théoriquement " parfaitement " analysables. À partir du moment où le processus analytique est enclenché, à leur association libre répond mon écoute flottante : un sens inconscient se forme dans mon esprit et il ne s’agit plus que de savoir quand, comment et quoi interpréter (!). Ce sont ces patientes qui ont contribué à créer la psychanalyse et ce sont elles qui nous font psychanalystes ! Pourtant, ces patientes ont aussi une pathologie des limites du Moi et posent des problèmes de contenance très subtils qui, s’ils ne sont pas repérés et interprétés à temps peuvent rendre l’analyse stérile. Pour Aurélie, j’étais son premier analyste. Pour Mousse, je suis le troisième, ce qui, quoi qu’on en pense, chez une femme de 35 ans qui n’a pas eu une enfance traumatique, pose problème. Les réponses cliniques se trouvent d’abord du côté de la contenance de la parole. Au début de l’analyse, Mousse avait une parole qui dévidait, qui précipitait, qui " tournoyait ", anti-élaborative. Mousse présente une organisation plus ferme que celle d’Aurélie, au prix d’une soumission rigide aliénante. Mousse est respectueuse du cadre, alors qu’Aurélie " ruait " dans le cadre. Mousse est très " cadrée " par un Surmoi ferme. Elle se représentait elle-même comme " un petit soldat qui marche droit et au pas " ! Pourtant, en l’écoutant, j’avais une autre sensation : j’avais l’impression d’une girouette, inamovible certes, mais qui tournait sans cesse rigidement en subissant de violents vents pulsionnels contradictoires. J’avais une sensation paradoxale de " fixité trop mobile ". Les défenses narcissiques-phalliques fétichisantes étaient omniprésentes. La première année, Mousse finissait ses phrases de façon systématiquement interrogative : elle ne m’oubliait jamais. Il n’y avait pas dans son esprit d’hallucinatoire négatif contenant bien intriqué formant écran. Le résultat c’est qu’elle me donnait le " tournis ", ses propos n’était pourtant ni véritablement confus ou ennuyeux, mais... ils m’endormaient. Ce dont je me sentais évidemment très coupable. Le processus analytique ne démarrait pas. J’ai donc, à diverses reprises, essayé d’interpréter à partir de mes éprouvés. Par exemple : comme Mousse a une petite fille et qu’elle regarde des dessins animés avec elle, j’ai comparé ma patiente à la petite souris de Tom et Jerry qui court dans tous les sens pour échapper au gros chat Tom, ce dernier menaçant de la manger (bien qu’ils s’adorent). Je vais donc interpréter les modalités de son espace psychique " tournoyant " dans ses rapports à l’objet du transfert comme attracteur. Cet objet du transfert, c’est pour Mousse, une mère sans douceur " qui a Tout ", à la fois merveilleuse et folle, qui ne s’absente pas dans son esprit, à qui elle ne peut pas échapper et à qui elle doit absolument échapper. Ce vertex, plus complexe et subtil que je ne puis le décrire, qui donna lieu à diverses interventions, a eu un pouvoir " cadrant " sur elle. L’amplitude du mouvement élation/effondrement s’est réduit. La patiente s’est installée, s’est " calée " sur le divan et l’analyse a démarré. Étonnée, elle a découvert du nouveau et a commencé à se désaliéner : elle ne m’endormira plus jamais. Mon erreur était de croire, avec cette " bonne indication " d’analyse qui avait du " métier ", en un autoprocessus " spontané ", qui au bout d’un an ou deux, n’était toujours pas là. L’échec n’était pas loin et... la quatrième tranche en vue !

QUELLES THÉORIES PULSIONNELLES POUR LE TRAVAIL ANALYTIQUE ?

17Si le Moi, en quête de fonctionnalité, est le dompteur de la pulsion (contre- investissements, répression des affects, emprise, motricité, etc.), l’ " âme " du Sujet, quant à elle, naît du " chaudron " pulsionnel. Où se situe le " Je " pulsionnel ? En complément des idées de Freud – toujours aussi pertinentes – qui font de la pulsion le lien psyché-corps par excellence, j’ai cherché du côté de l’énergie psychique " décorporée " dans ses liens avec le soma et le surgissement des figurations. Je me suis demandé ce qui, en quelque sorte, pourrait constituer la " matière psychique primaire " de la pulsion, présente tout au long de notre vie. Et j’en suis arrivé à penser que le " Ça " freudien, en tant que source énergétique, était constitué essentiellement d’un potentiel hallucinatoire inorganisé, toujours là, quel que soit le destin psychique multiforme de cet hallucinatoire. Tel un soleil qui réchauffe, mais qui peut aussi brûler, le " Ça ", en tant que source d’excitations, contient un potentiel de vie et d’autodestruction. En son émergence du Ça, ce potentiel va prendre la forme d’un hallucinatoire positif de vie, de surgissement et de liaison et d’un hallucinatoire négatif de mort, d’entropie et de déliaison, que l’objet primaire, et plus tard l’analyste, auront la tâche d’accueillir, d’organiser et donc d’intriquer.

18Je ne puis reprendre ici mon argumentaire en faveur de l’omniprésence de ce " potentiel hallucinatoire ". Il repose sur l’expérience culturelle du cinématographe et de la vidéo (qui relève à la fois de la perception et de l’hallucination), l’imagerie cérébrale (qui montre la même localisation pour les perceptions et les hallucinations), les activités psychiques du dormeur (présence de l’hallucinatoire tout au long de la nuit), les ébauches de la vie psychique chez le nouveau-né (la théorie de la réalisation hallucinatoire du désir) et l’expérience du transfert dans la psychanalyse (indistinction hallucinatoire perception-représentation et analyste-patient) [4]. Je dois ajouter ici l’intérêt, inattendu, de l’anthropologue Maurice Godelier qui voit dans le potentiel hallucinatoire de la psyché la base de l’élaboration de la notion d’âme (anima), toujours présente, dans toutes les sociétés humaines (cf. sa discussion de mon exposé à Cerisy, in 2005, supra, p. 325).

19Imaginons un bébé métapsychologique. Tout juste sorti du ventre maternel, il est menacé par le chaos des innombrables stimuli internes et externes, l’hallucinatoire va lui fournir le sentiment d’une continuité et d’une indistinction organisatrice entre les perceptions qu’il a de sa mère, au-dehors de lui et les ébauches de représentations qu’il s’en construit au-dedans. Cela n’est pas automatique, la mère doit s’ajuster, elle y réussit inéluctablement plus ou moins bien, le psychanalyste aussi ! Le continuum hallucinatoire est donc le premier organisateur du chaos, il produit un affect de jubilation, qui signe la présence du noyau pulsionnel du sujet. Dans une psychanalyse, le patient va revivre des sentiments de continuité ou d’indistinction avec son psychanalyste, à condition que l’analyste parvienne à s’ajuster assez finement à lui pour lui fournir ce sentiment. En analyse, sur fond d’asymétrie princeps, d’altérité radicale, le point d’orgue en sera le moment de " conjonction tranférentielle " optimale : le patient et l’analyste pensent et ressentent la même chose en même temps. Bien évidemment, le continuum hallucinatoire n’existe qu’à l’état de quantum, il ne connaît que des gradients. L’ajustement de l’analyste, dans le silence et la parole, permet la création d’une aire d’illusion, d’essence hallucinatoire et positive, qui va reprendre la question du rapport représentation-perception, dedans-dehors, soi-monde, soi-objet, mais aussi psyché-soma, à sa source et lui donner un nouveau destin. En outre, l’hallucinatoire positif génère un espoir primaire, véritable moteur de l’analyse, celui des retrouvailles avec un objet primaire ajusté à jamais perdu.

20Revenons à notre bébé métapsychologique : quand sa mère s’ajuste à lui en lui donnant le sein au moment où il a faim, il vit que son désir se réalise hallucinatoirement, et il s’agit là de l’hallucinatoire positif. À l’acmé de la satisfaction hallucinatoire et positive quand il a introjecté sa mère en même temps qu’il a absorbé goulûment son lait, le signe de l’hallucinatoire s’inverse : la présence de sa mère tend à s’effacer au-dehors parce qu’il l’a introjectée au-dedans. Le processus de l’introjection hallucinatoire et négative de la mère, créateur d’une " fonction écran ", d’un contenant dynamique est en route. Sa mère est toujours là devant ses yeux, mais c’est comme si le tout petit ne la voyait plus : un écran psychique hallucinatoire négatif pare-excitation et surface d’inscription s’est créé en lui. C’est ce même écran psychique, tel que je l’ai décrit dans " L’enveloppe visuelle du Moi ", qui lui permettra de rêver, donnera forme à ses affects et à ses pensées, et concourra à symboliser ses perceptions. Cette " fonction-écran " existe dans toutes les enveloppes psychiques.

21Cela a des conséquences pratiques importantes dans les cures. Le " potentiel hallucinatoire " toujours là de l’analysant – souvent fourvoyé dans divers phénomènes psychopathologiques – va être accueilli, transformé et réorganisé par le travail analytique selon un processus qui est propre à chaque patient. C’est là un travail de fond qui ne peut pas se décrire en quelques mots, mais j’ai déjà donné des exemples significatifs de moments hallucinatoires spectaculaires qui seraient en quelque sorte l’ " indice " de ce travail de fond ; par exemple, quand j’ai parlé de Marie-Jeanne qui, en sortant de sa séance, se voit dans le miroir de mon ascenseur, ressemblant trait pour trait à sa mère, alors qu’on lui a toujours dit qu’elle ressemblait à son père. Je vais emprunter à Aurélie un autre " indice " spectaculaire qui concerne plus directement le transfert.

Ce sont les premières séance d’Aurélie et elle donne des signes de grand désarroi. Elle se retourne pour me voir et pleure, puis elle se lève du divan pour régler la lumière de mon cabinet qu’elle trouve trop vive. Après avoir actionné mon double rideau, elle s’assoit sur le divan, puis – à ma demande – se rallonge et j’ajoute quelques mots. En entendant mon intervention, elle s’exclame : " Le timbre de votre voix me fait jubiler, j’ai l’impression d’entendre la voix grave de mon père. "

22À partir de là, le transfert paternel s’installe, ma patiente a éprouvé un sentiment de continuité entre la perception de ma voix et sa représentation interne de la voix de son père. Cette perception à fort quantum hallucinatoire est jubilatoire : c’est une réalisation hallucinatoire du désir de la présence d’un père qui a toujours été trop absent dans sa vie. À l’acmé de la satisfaction hallucinatoire positive, le signe de l’hallucinatoire positif s’est inversé chez ma patiente, elle a constitué un écran hallucinatoire négatif contenant pour ses pensées : elle " m’oublie ". Désormais, elle peut rester allongée tranquillement sur le divan sans me voir et verbaliser sans trop d’angoisse ses pensées, il y a eu introjection hallucinatoire et négative de l’analyste dans sa fonction maternelle, même si j’étais en transfert paternel ! Le potentiel hallucinatoire de mon analysante a commencé d’être accueilli et contenu dans un processus, son potentiel hallucinatoire est devenu un " hallucinatoire de transfert " travaillable dans l’analyse. L’hallucinatoire de transfert va permettre une transformation profonde du lien de ma patiente à son objet primaire, en réorganisant l’hallucinatoire, il va constituer une matrice énergétique stabilisante pour sa psyché. Notons aussi l’émergence de l’affect de subjectivation primaire qu’est la " jubilation ".

23En termes d’intrication des pulsions de vie et de mort, nous pourrions dire qu’à l’acmé énergétique du continuum hallucinatoire de vie analysant-analyste, marqué par une apaisante satisfaction, l’hallucinatoire positif en excès est négativé, il intrique alors l’hallucinatoire négatif en provenance directe du ça, qui est à l’origine le représentant de la pulsion de mort. L’hallucinatoire négatif cesse alors d’être destructeur, il change de qualité et devient limitant et contenant. L’hallucinatoire, intriqué par l’objet, s’autorégule alors dans une relation entre un contenant hallucinatoire et négatif et des contenus " chargés " d’un quantum d’hallucinatoire positif. La quantité d’excitation demeure donc constante : la matrice énergétique de la psyché est constituée. Notons que l’acmé satisfaisante qui retient, se situe à l’opposé de la décharge qui évacue, mais l’une et l’autre répondent au même problème économique.

LA MATRICE ÉNERGÉTIQUE DwE LA PSYCHÉ ET L’OBJET INTERNE

24Nous pourrions avancer que le " bon objet internalisé ", dans la conception kleinienne, doit être infigurable (contrairement aux " imagos "), comme l’a très bien compris Iphigénie qui s’effrayait de la conception kleinienne – prise au pied de la lettre – qui reviendrait à être envahi par quelqu’un en soi ! Ce bon objet internalisé serait constitué d’un contenant hallucinatoire et négatif qui absente cet objet en l’introjectant et d’un contenu hallucinatoire et positif, sorte de " précipité " au sens chimique, des sommes d’éprouvés du sujet autour de la qualité de la présence maternelle (et de l’analyste). Et ce serait la relation contenant-contenu entre ces deux " qualités " pulsionnelles de l’hallucinatoire, positif " de vie " et négatif " de mort ", autrement dit l’intrication pulsionnelle de l’hallucinatoire, qui pourrait produire la sensation homéostatique paradoxale d’une " plénitude-blanche " du monde interne. Cette sensation interne résulte du travail de régulation de l’hallucinatoire positif et négatif dans la relation contenant-contenu à l’intérieur de toutes les formes que prend la structure fondamentale du dédoublement du Moi : enveloppes perceptives et endoperceptives, enveloppe du Moi-corps et enveloppe du rêve. Mais il y a aussi une régulation de l’hallucinatoire qui doit intervenir entre tous ces espaces. Par exemple, nous devons " fermer " par une valence hallucinatoire et négative prévalente notre enveloppe perceptive, tandis que nous " ouvrons " et dynamisons notre enveloppe endoperceptive pour nos pensées, à l’aide d’une valence hallucinatoire et positive dominante. Entre les deux enveloppes, la relation contenant-contenu maintient une homéostasie de l’hallucinatoire positif et négatif. S’il n’en était pas ainsi, nous serions (comme des psychoses infantiles) envahis par nos perceptions, incapables de penser. La régulation de l’hallucinatoire est donc vitale pour toute la psyché.

LE MOI-CORPS COMME HABITAT

25Pour situer le problème de façon imagée, on pourrait dire que le Moi-corps doit prendre le Moi-sujet dans ses bras, le porter... tout en réussissant à se faire oublier ! Il y a une évidence à dire que nous vivons dans notre Moi-corps, que nous y habitons. Que survienne une maladie, et nous voilà en souffrance, mobilisés sur nos organes malades et douloureux, obligés de nous réfugier dans l’espace dédoublé de la pensée. Mais l’expérience la plus commune prouve que, lorsque l’on est malade, on pense mal ! Le Moi-corps en tant qu’espace de vie est un lieu de plénitude qui doit être blanchi. La vie organique (ex. : les battements du cœur) doit en effet être négativée, sauf à générer de l’hypocondrie. La teinte auto-érotique de cet habitat doit rester discrète, mais est indéniable. Les psychosomaticiens insistent, le Moi-corps est un corps discrètement érogène. Sur ce point, encore, nous ne sommes pas tous égaux. Nous allons voir comment l’hallucinatoire de transfert peut modifier la donne. L’hallucinatoire relève aussi, en effet, d’une forme d’indistinction soma-psyché : les phénomènes de conversion en témoignent (cf. plus loin mon patient Éphèbe), mais ils ne sont pas les seuls, j’en donnerai un exemple avec un rêve de Marie-Jeanne.

  • Chez des psychoses infantiles, le Moi-corps n’est pas un lieu de plénitude blanche où le sujet peut vivre. C’est un lieu qui peut être trop " blanc ", inhabité, insensible, dominé par un hallucinatoire négatif de mort (désintriqué), par exemple un adolescent autiste, pieds nus, se blesse gravement sous le pied en marchant sur un tesson de bouteille, il ne s’en aperçoit pas ! Il n’a pas senti la douleur (l’hallucinatoire négatif de mort est à l’œuvre). Un autre, au contraire, a le sentiment d’une brûlure, d’une urtication de sa peau, ou la sensation que de l’électricité parcourt son corps, l’hallucinatoire positif désintriqué est " recorporé ". Se balancer, se gratter jusqu’au sang, agiter ses mains, ses bras, courir, crier, etc. les sollicitations forcenées de l’énergétique corporelle tentent parfois d’éviter le néant de la mort psychique.
  • Daniel-Paul a longtemps vécu dans un Moi-corps qu’il comparait à une masse de béton, il commençait ses séances en disant : " Je ne sens rien ! " Enfermé dans son blockhaus hallucinatoire et négatif, il pouvait délirer dans l’espace dédoublé de sa pensée dominé par de l’hallucinatoire positif désintriqué : il ne savait plus si c’était lui qui parlait à " elle ", ou " elle " qui parlait à " lui " !
  • Marie-Jeanne avait un Moi-corps frigide, dominé par l’hallucinatoire négatif, pas seulement une sexualité frigide, elle peinait à ressentir ses émotions et à leur donner sens. Car c’est " dans " ce Moi-corps, " sur " un écran psychique que nous " palpons " nos affects pour leur donner sens. Je le répète, le sens est – dans son essence – émotionnel et il est éprouvé dans notre Moi-corps, c’est dire son importance. Lorsque l’émotion n’est pas au rendez-vous, Marie-Jeanne, qui n’est plus très jeune, est assez contente de me parler de ses douleurs corporelles (bénignes). Elle me dit, avec une touche d’humour : " Enfin il se passe quelque chose dans mon corps ! "
  • Iphigénie n’a pas réussi à insensibiliser son Moi-corps comme Marie-Jeanne, mais comme tant d’autres intellectuels, elle a dissocié sa pensée et son corps en tant que siège des émotions. En début de thérapie, la voix d’Iphigénie est discordante, semblable à un instrument de " musique pulsionnelle " désaccordé : un indice de la discordance entre son Moi-corps et sa pensée. Iphigénie va vite découvrir que si elle ressent ce qu’elle me dit, elle se sent mieux. Quand elle peut être émue en séance, elle pense mieux et sort soulagée de sa séance. D’ailleurs, la discordance de sa voix disparaît. Ce qui l’aide, c’est qu’elle me trouve " sensible ", le contraire de son père. Dans mes interventions, je suis en effet préoccupé par l’articulation du registre du sensible à celui de l’intelligible, je cherche les mots justes devant elle, tout haut, " à tâtons ". J’éprouve ce que je pense, je pense ce que j’éprouve. Ma " pensée-émotion " sera une découverte pour cette intellectuelle et c’est peut-être ce qui lui fait dire – et redire – que j’ai sauvé sa pensée. La sexualité infantile et adolescente de cette patiente a été réprimée par une éducation férocement prude, et déniée par elle. Elle a nécessité l’insensibilisation de son Moi-corps et a finalement abouti à des phénomènes spectaculaires de conversions hystériques, heureusement déplaçables et aisément réversibles, semblables aux premières patientes de Freud. Ces phénomènes de conversion ont disparu en cours de thérapie, en même temps que la sexualité génitale pouvait être – enfin – assumée. Mais là encore : comment vivre dans un tel Moi-corps ? Iphigénie devait donc " verrouiller " son Moi-corps qui menaçait de " déborder ". Elle comparait son activité intellectuelle à celle d’un sportif de haut niveau qui devrait s’entraîner ligoté dans une camisole de force, ou encore, elle disait qu’elle était une enfant-robot. En séance, Iphigénie décrivait son esprit détaché du corps s’élevant dans l’espace et se penchant en avant pour contempler son corps vide et asexué. La décorporation subjectivante est bien ici devenue une excorporation psychotisante. Et l’angoisse, en empêchant toute mise en sens des éprouvés, donne à Iphigénie la sensation d’un Moi-corps en déroute qui entraîne avec lui son intérieur et le vide de sa substance, telle une diarrhée. L’angoisse de mort par " vidange " de " sa réserve d’amour " (narcissique) est omniprésente. Elle ne peut donc vivre que dans sa tête... persécutée par son " surveillant ", ou par... son psychanalyste. On imagine les enjeux de la séance et nos difficultés de travail !
  • Éphèbe est un homo-érotique sujet, il présente un tableau d’opérations chirurgicales bénignes ou inutiles, suscitées par sa mère, qui sont autant d’images de la castration : un véritable catalogue ! Son Moi-corps est en morceaux, investi de façon hypocondriaque. Les morceaux sont tenus ensemble par une identification féminine et maternelle étonnante. Son Moi-corps, en tant que contenant, est fantasmé comme un " utérus ". Il dit qu’il est un hystérique et qu’il a un utérus. Il décrit son Moi-corps tour à tour gonflé, vidé, putréfié à l’intérieur, générant une haleine fétide, etc. Il présente une allergie brutale avec des gonflements impressionnants de la gorge au moment même où sa mère se fait elle-même opérer de la gorge. Lorsque je lui fais remarquer, il est étonné, il n’avait pas fait le lien ! Comment, lui aussi, pourrait-il vivre comme un Moi-sujet dans son Moi-corps ? Sa voix est étrange : " expirante ". Il a fait une bouffée délirante à l’adolescence. Son homosexualité l’a sauvé d’une psychose. Il cherche dans l’homosexualité une relation narcissique idéale " de garçon à garçon ", il refuse d’être assimilé à une femme, mais en même temps c’est bien cette position fantasmatique qui lui plaît. Il a heureusement un métier intellectuel et vit à peu près bien dans l’espace dédoublé de la pensée. Son hypocondrie angoissée est compensée par la sexualité homosexuelle : il peut jouir de se faire sodomiser dans son " anus-utérus ". Le phallus magique d’un homme plus âgé, celui que lui a fantasmatiquement refusé son " pauvre " père inculte, sans mots, mutilé, déprécié, l’empale et le tient droit. Son anus est pourtant, lui aussi, menacé par divers maux, qu’il doit traiter douloureusement par la chirurgie. Il est dans un vertige identificatoire menacé par le faux : être ce qu’il souhaite et refuse, une femme.

26On voit que la théorie pulsionnelle de l’hallucinatoire que j’ai exposée, qui donne un contenu restreint, mais purement clinique à la seconde théorie pulsionnelle de Freud, n’empêche pas l’existence des pulsions partielles : orale, anale, etc. telles que Freud les a génialement conçues. Ces pulsions partielles mettent en sens les " interfaces " orificielles du Moi-corps qui " qualifie " les rapports dedans-dehors et sujet-objet. Iphigénie a une oralité dévorante accouplée à une analité " diarrhéique ". Éphèbe nous fournit un riche et complexe exemple de problématique anale, mais aussi orale sexualisée. Nous ne pouvons pas nous contenter d’une seule théorie pulsionnelle pour penser la complexité clinique.

L’ANGOISSE DE MORT, LA DOULEUR PSYCHIQUE, LES PSYCHOTROPES ET LA MATRICE ÉNERGÉTIQUE

27Les éprouvés du Moi-corps sont intimement liés à la matrice énergétique de la psyché. Le Moi-corps doit réguler l’énergie pulsionnelle hallucinatoire pour constituer un lieu psychique viable. La théorie de la matrice énergétique rend compte du mouvement maniaco-dépressif et de sa possible homéostase dans une dépression intégrative supportable. L’élation maniaque où le Moi fusionne avec l’objet est de l’ordre de l’excès d’hallucinatoire positif qui se désintrique, le mouvement dépressif utilise de l’hallucinatoire négatif de mort désintriqué.

28L’angoisse est un terrible affect, envahissant, qui annonce dans le futur la mort d’un Moi qui se croit incapable de faire face à l’épreuve, surévaluée, infiltrée de destructivité projetée, qu’il anticipe. Le moi a alors le " choix " : ou il s’égare dans une panique agie, ou il s’effondre immobile dans l’angoisse de mort. Notons que la panique ne permettant pas de penser une solution adaptée, elle conduit dans un second temps, dans la solitude, immanquablement à l’angoisse de mort. Par exemple : Iphigénie passe de la panique parano ïde agressive en début de séance à l’angoisse de mort dépressive à la fin de la séance ! L’angoisse de mort au sommet de sa " montée " bloque le rapport à soi dans la structure dédoublée du Moi : elle empêche de penser des solutions à un danger qui cesse d’être représentable, et se confond lui-même avec la mort du Moi. Les limites spatiales et temporelles du Moi étant rompues, l’angoisse semble là de toujours et pour toujours : un vécu d’agonie sans fin est engagé. En outre, l’angoisse déqualifie la gamme des affects qui ne peuvent plus être, ni éprouvés, ni distingués, dans le Moi-corps. Ce dernier se fige et perd sa capacité de mise en sens émotionnelle. Dans l’angoisse de mort, l’hallucinatoire positif désintriqué donne de l’intensité au vide de représentation et d’affect créé par l’hallucinatoire négatif désintriqué. La sensation du néant mortifère est donc intensifié : l’angoisse signal de danger se transforme en angoisse de mort du Moi. La matrice énergétique est dégradée. La nuit, l’angoisse de mort nocturne rompant le sommeil, sans représentations de la mort, peut être comprise sur le même modèle. L’échec du travail du rêve désintrique l’hallucinatoire négatif et transforme l’écran " blanc " du rêve (hallucinatoire et négatif) en trou noir de la néantisation. La mère interne, conservée en tant qu’écran dans le travail du rêve, est alors perdue, le réveil est nécessaire pour échapper à une sensation catastrophique de mort imminente [5]. À un certain niveau d’intensité, la douleur psychique liée à la perte d’un objet vital (deuil ou conflit) devient, elle aussi, irreprésentable et tend à se confondre avec une douleur physique sans claire localisation corporelle (le ventre ? le dos ? la tête ?). Et là encore, la matrice énergétique est mise à mal. Dans tous ces cas, il n’y a plus de " plénitude-blanche " du monde interne. Le Moi-corps, pris dans l’angoisse ou la douleur psychique, n’est plus un lieu pour vivre : il y a excorporation psychotisante.

29La sensation interne de plénitude-blanche fait partie des acquisitions d’une psychanalyse. C’est ce qu’Éphèbe, Marie-Jeanne, Iphigénie, tentent de reconstruire dans l’analyse. Chez tous ces patients, la matrice psychique énergétique produite par la relation contenant-contenu était défaillante. Au départ, chez Iphigénie, l’hallucinatoire positif domine la pensée : c’est trop plein, l’angoisse parano ïde explose son " pensoir " ! Et l’hallucinatoire négatif domine le corps : c’est trop vide, l’angoisse dépressive efface son Moi-corps. Chez Marie-Jeanne, l’hallucinatoire négatif de mort : c’est trop blanc ! dominait partout. Chez Éphèbe, le corps est le lieu de phénomènes de conversions trop chargés en hallucinatoire positif désintriqué : le psychique et le physique ne sont plus distinguables. Son haleine, qu’il croit fétide, signe de son pourrissement interne, est l’équivalent hallucinatoirement " recorporé " de sa conviction d’être un être vil : " puant ". À l’adolescence, il a fait une bouffée délirante, avec des hallucinations : sa pensée a été dévastée par de l’hallucinatoire positif désintriqué. L’hallucination, c’est de l’hallucinatoire désintriqué, c’est même là sa définition !

30Les antipsychotiques, les antidépresseurs et les anxiolytiques, adéquatement prescrits et dosés, ont pour effet de rétablir la matrice énergétique de la psyché et l’habitat corporel. Iphigénie, torturée par l’angoisse de mort et au bord du suicide, a dû se résoudre à une légère médication. Elle est sidérée par les effets perçus de ces psychotropes (anxiolytique le soir, plus antidépresseur, prescrits par son psychiatre) : " C’est par le corps que ça passe ", dit-elle étonnée. " Pourquoi peut-on résoudre des problèmes psychiques en changeant la sensation que l’on a de son corps, comment c’est possible ? ", me demande-t.elle. Ma théorie de la matrice énergétique tente de répondre à la question d’Iphigénie. Bien évidemment, et Iphigénie le pointe : " Mes problèmes ne sont pas résolus ! " Notons au passage que des myorelaxants, en détendant la musculature ont des effets d’anxiolytique. Nos collègues qui pratiquent une technique d’appoint de relaxation pour engager un travail analytique avec certains patients ne s’y sont pas trompés ! Tant que l’angoisse ou la douleur psychique paroxystique n’ont pas figé à la fois la pensée et le Moi-corps (comme c’était malheureusement le cas chez Iphigénie), il est possible de modifier la matrice énergétique par des voies psychiques en réorganisant l’hallucinatoire, dans l’hallucinatoire de transfert. Par exemple, Marie-Jeanne dont le Moi-corps a été frigide, fait un rêve. Dans ce rêve, elle retrouve la présence corporelle de sa mère, morte il y a bien longtemps ; elle la sent au contact de son corps, alors que comme dans son histoire réelle, elle ne la voit pas parce qu’elle est absente : la matrice énergétique de Marie-Jeanne est modifiée par la voie hallucinatoire, l’état de son Moi-corps est modifié. L’hallucinatoire, via le corps, est capable d’agir sur le rapport psycho-soma. Ce rêve, qui met sa mère au contact de son corps, va l’accompagner pendant de nombreuses séances et sera bien souvent réévoqué. Le travail de l’hallucinatoire rend présente sa mère : elle peut alors en faire le deuil. Le travail psychique de l’hallucinatoire produit donc les mêmes effets que... des psychotropes ! C’est encore plus évident pour mon patient psychotique Daniel-Paul, chez qui l’hallucinatoire " dégradé " en hallucination, a été réorganisé. Ce jeune homme qui vivait dans une armure hallucinatoire et négative et ne " sentait " plus rien est aujourd’hui, huit ans plus tard, " ré-humanisé " et hypersensible – et donc, malheureusement, fragile ! (G. Lavallée, 2006, ibid.).

31Tout cela conforte l’idée que l’hallucinatoire serait la " matière " même de la pulsion et s’incarnerait au sein du soma dans des substrats neurophysiologiques... à découvrir ! Quant aux comportements " autocalmants " ou " addictifs ", le choix de leur matière première (fatigue, drogues diverses, médicaments, sexe, etc.) vise de toute évidence à modifier la matrice énergétique par des moyens physiques faute de pouvoir y parvenir par des moyens psychiques.

32Enfin, notons la nécessité pour tout Moi-sujet de pouvoir " passer " du Moi-corps à la pensée et réciproquement. La chute dans le sommeil suppose de pouvoir s’abandonner dans les bras de son Moi-corps en désinvestissant l’espace de la pensée, le réveil nécessite le mouvement inverse. En séance, dans le mouvement progrédient, l’espace de la pensée est surinvesti, dans le mouvement régrédient, c’est, au contraire, le Moi-corps et ses surgissements émotionnels. C’est pourquoi chez tous les patients qui peinent à vivre dans leur Moi-corps, la voie régrédiente, passivisante, nécessaire au travail analytique classique est extrêmement difficile (ex. : Iphigénie) ou fascinante mais dangereuse (Éphèbe, Daniel-Paul). Articuler les éprouvés émotionnels du Moi-corps et les pensées " décorporées ", en les partageant avec un psychanalyste, revient à intriquer le registre du sensible à celui de l’intelligible. L’intrication du sensible et de l’intelligible est une clef de la vie psychique et un des résultats les plus importants d’un travail analytique réussi.

CONCLUSION : ENRICHIR NOTRE THÉORISATION FLOTTANTE

33Dans quels lieux psychiques naissons-nous et vivons-nous ? J’ai décrit une structure dédoublée et un Moi-corps aux diverses figures et aux multiples destins. Ces lieux sont dynamisés par un " potentiel hallucinatoire " pulsionnel qui doit s’organiser pour remplir sa fonction de " matrice énergétique de la psyché ". Si cet ensemble n’est pas " habitable " par nos patients, ils fuient leur réalité psychique. Un new beginning analytique suppose un repérage, une modification et une nouvelle organisation de ces espaces et de l’énergie psychique qui les anime dans l’ " hallucinatoire de transfert ". Toutes ces propositions ne visent qu’à compléter le corpus analytique classique, notre précieux bien commun, qui est présent dans ma mise en perspective du matériel clinique. Pour dire les choses au plus simple, les propositions contenues dans ces pages complètent, enrichissent la " théorisation flottante " qui vient doubler mon écoute flottante, elles m’aident à repérer, parfois à dépasser les difficultés que je rencontre avec mes patients et j’ai la na ïveté de croire qu’il pourrait en être de même pour d’autres... !


Mots-clés éditeurs : Matrice énergétique, Moi-corps, Hallucinatoire, Lieux psychiques, Espace dédoublé

https://doi.org/10.3917/rfp.711.0115

Notes

  • [1]
    Après de nombreuses années de travail intensif avec ce garçon, les premiers signes d’un véritable dédoublement du Moi sont apparus dans du matériel clinique qu’il serait malheureusement trop long de décrire. En un mot, disons qu’il s’agit pour ne plus produire de clone de construire un " double dédoublement " !
  • [2]
    Cf. le récit clinique complet intitulé " Je ne sens rien ! ", à paraître in Le dedans et le dehors, sous la direction d’André Green, Paris, PUF, 2006.
  • [3]
    Notons au passage que, chez Aurélie, la fantasmatique phallique (le pommeau de canne dans le ventre) vient là pour contenir fétichiquement ce chaos, c’est pourquoi il est très difficile de toucher aux défenses phalliques de ces patientes, il est nécessaire d’atteindre la situation de détresse narcissique sous-jacente.
  • [4]
    Cf. L’énergétique et le sensible, Revue belge de psychanalyse, no 48, 2006, ou mon article de la Revue française de psychosomatique, no 19, 2001, " Le potentiel hallucinatoire... ", 123-144.
  • [5]
    Cf. mon intervention au colloque de Cerisy : " L’enveloppe du rêve et l’hallucinatoire de transfert, hypothèses sur le dégagement d’un trauma nocturne ", in Autour de l’œuvre d’André Green, enjeux pour une psychanalyse contemporaine, sous la direction de François Richard et Fernando Urribarri, Paris, PUF, 2005.

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