Notes
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[1]
À cet égard, Freud (1915) apparaît comme un précurseur de Winnicott : “ Naturellement, rien ne nous empêche d’admettre que les pulsions elles-mêmes, du moins pour une part, sont des précipités d’actions de stimulus externes qui, au cours de la phylogenèse, ont exercé une action modificatrice sur la substance vivante. ” Avec Roussillon, nous pouvons considérer la phylogenèse chez Freud comme une métaphore de l’originaire.
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[2]
“ Il n’existe dans l’inconscient aucun “indice de réalité”, de telle sorte qu’il est impossible de distinguer l’une de l’autre, la vérité et la fiction investie d’affect ” (lettre à Fliess du 21 septembre 1897).
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[3]
Ainsi en est-il du processus du détruit/trouvé souvent présenté comme la survie de l’objet à la destruction fantasmatique, alors que le fantasme comme espace est une conséquence de la réussite du processus et non pas un ingrédient de ce processus car la différenciation des espaces psychiques du dedans et du dehors est la résultante de ce processus.
“ Le Moi s’éveille par la grâce du Toi...
La rencontre nous crée. ”
1Les grands apports de la métapsychologie freudienne ne doivent pas nous empêcher de reconnaître ses insuffisances. Soulignons d’entrée de jeu une carence majeure de cette métapsychologie, soit “ l’absence d’une référence suffisante à la réponse de l’objet dans la structuration de la psyché ” (A. Green, 2002). Une question dès lors se pose : comment tenter de combler cette lacune sans invalider la métapsychologie de Freud ? Il peut être utile d’aborder cette question à l’aide d’une perspective qui, tout en étant différente au départ, n’en possède pas moins des éléments qui s’apparentent aux repères fondamentaux de la métapsychologie freudienne : telle me semble être la métapsychologie de Winnicott.
2Perspective de départ différente, disons-nous : comme le rappelle B. Brusset (2005), pour Freud, la psyché, même dans son état le plus primitif, forme d’emblée une unité fonctionnelle sur le modèle du réflexe monosynaptique ; pour Winnicott, il n’existe pas d’emblée une telle chose qu’un psychisme individuel mais plutôt un ensemble individu/environnement. Certaines conditions sont nécessaires pour assurer le passage de cette unité duelle primitive à l’unité individuelle – le passage, dirons-nous, de la dyade à la monade. Winnicott ouvre ainsi un nouveau champ épistémique à la réflexion analytique : un travail psychique est dorénavant nécessaire pour qu’advienne un psychisme individuel. Présentons d’emblée notre thèse : ce travail psychique constitue un enjeu du développement suffisamment important pour justifier l’introduction d’une troisième topique, une troisième théorie de l’appareil psychique dont les instances sont le Soi et l’objet.
3Le concept d’un ensemble individu/environnement représente, selon nous, le postulat fondamental de la métapsychologie de Winnicott ; dans le sillage de ce postulat, un deuxième concept ordonnateur de sa pensée concerne l’articulation paradoxale psyché/environnement. Si la rencontre individu-environnement n’est pas suffisamment bonne, si elle n’a pas pour effet de faciliter un certain travail de monadisation, l’extérieur – le hors-psyché – ne peut prendre place dans le fonctionnement psychique. Dans la mobilisation pulsionnelle, la psyché n’a pas accès à l’extériorité de l’objet de par l’échec des processus transitionnels.
4La rencontre des métapsychologies de Freud et de Winnicott crée un espace carrefour où peuvent transiter les concepts de relation d’objet, de pulsion, d’emprise et de narcissisme. Au sortir de ce transit, ces concepts, quelque peu dégagés de certaines de leurs apories, pourront connaître une cohérence théorique et une pertinence clinique renouvelées. La réussite du travail de monadisation permet la création d’une interface individu/environnement en lieu et place de l’ensemble individu/environnement ; elle permet la création de l’espace transitionnel qui, paradoxalement, unit et sépare simultanément l’individu et l’environnement. Dans l’espace transitionnel, l’objet est et n’est pas la mère. Nous observons “ une coexistence conjonctive du oui et du non ” (A. Green, 1993).
5En nous référant au couple d’opposés dyade-monade et à la tension dialectique à l’œuvre dans ce couple, nous proposons la réhabilitation de la “ monadologie freudienne ”, si souvent décriée. Car cette monade, mâtinée de transitionnalité, dans la mesure où elle ouvre la voie à l’actualisation de la psyché comme unité fonctionnelle, devient une visée fondamentale du développement de l’appareil psychique. En outre, la réussite de cette visée s’avère une condition sine qua non pour assurer de jure la légitimité du travail interprétatif partant la possibilité d’un processus analytique : nous y reviendrons.
6La réhabilitation du concept de monade demande de faire la distinction entre monadisme et solipsisme. Selon Le Petit Robert, le solipsisme renvoie à “ une théorie selon laquelle il n’y aurait, pour le sujet pensant, d’autre réalité que lui-même ”. En ce sens, il est tout à fait justifié de déplorer le solipsisme de Freud dans sa conception de la genèse de l’appareil psychique. Nous songeons ici à l’ignorance déjà signalée du rôle de l’objet, dans son double statut interne et externe, dans la structuration de la psyché. Cela diffère assez du monadisme conçu comme une théorie faisant état de la capacité de la psyché à devenir une unité fonctionnelle.
LE MODèLE PULSIONNEL DE WINNICOTT
7“ Tous les êtres circulent les uns dans les autres... Et vous parlez d’individus, pauvres philosophes. Laissez-là vos individus ”, nous dit Denis Diderot (1796). Comment, dès lors, peut circuler le concept de pulsion dans cet espace qu’est l’ensemble individu/environnement ? À ce sujet, nous proposons que la métapsychologie de Winnicott recèle un nouveau modèle de la pulsion, un modèle qui serait opérationnel dans un temps théorique antérieur à celui du modèle freudien qui devient conséquemment un modèle de deuxième génération. Ce faisant, nous nous situons dans ce que Laplanche (1987) désigne comme la “ capacité évolutive ” de la pensée de Winnicott.
8On peut distinguer les deux modèles de la pulsion selon les particularités de ses composantes que sont la source, la poussée, le but et l’objet. D’abord, en regard de la source : pour Freud (1905), la localisation interne de la source est nécessaire pour définir le caractère pulsionnel d’une excitation, alors que, pour Winnicott (1960), “ dans le domaine que j’étudie, les instincts ne sont pas encore clairement définis comme internes par rapport au nourrisson. Ils peuvent s’avérer aussi externes qu’un grondement de tonnerre ou une claque ” [1].
9Dans le modèle freudien, le but est intrinsèque au mouvement pulsionnel : la pulsion possède en elle-même sa visée, que celle-ci soit libidinale, d’autoconservation ou encore ultérieurement une visée de vie ou de mort. Pour Winnicott (1950-1955), le but de la pulsion ne réside pas dans le mouvement pulsionnel lui-même qui est, en quelque sorte, indifférencié quant à sa qualité : “ Il convient alors de dire que la pulsion libidinale primitive (Ça) a une qualité destructrice bien que le but de l’enfant ne soit pas de détruire car la pulsion est ressentie au stade précruel. ” La qualité libidinale ou destructrice réside plutôt dans la réponse de l’objet : “ Le mot “destruction” est nécessaire, non en raison de l’impulsion destructrice du bébé, mais de la propension de l’objet à ne pas survivre, ce qui signifie également subir un changement dans la qualité, dans l’attitude ” (Winnicott, 1971). Introduisons une situation paradigmatique : ainsi en est-il de l’enfant qui bouge sur les genoux de sa mère. “ Il est plein de vie ”, dira la mère, ou encore : “ Attention, tu vas faire mal à maman. ” Le but du mouvement pulsionnel est déterminé par la réponse de l’objet.
LE NARCISSISME PRIMAIRE
10Par ailleurs, l’objet propre au montage pulsionnel s’avère différent dans l’un et l’autre des modèles de la pulsion. Cette différence se manifeste au moment du narcissisme primaire, c’est pourquoi nous ne pouvons éluder les difficultés conceptuelles associées à cette notion dans la pensée de Freud. On y rencontre, en effet, deux acceptions apparemment peu conciliables du narcissisme primaire. L’une d’elles, introduite en 1914, décrit un narcissisme primaire unificateur du monde pulsionnel ; il est contemporain de la formation du Moi ; une “ nouvelle action psychique ” fait en sorte de prendre ce Moi comme objet d’amour ; ce narcissisme primaire est dit objectal.
11Ailleurs, Freud évoque un premier état de la vie, un narcissisme primaire dit anobjectal, un narcissisme “ total ”, antérieur à la différenciation Moi/non-Moi où il s’agit d’une sorte de stase sur place de la totalité de la libido ; c’est la métaphore de l’amibe. La vie intra-utérine devient le prototype de ce narcissisme primaire anobjectal. Jean Laplanche (1970), dont la méthode historico-critique cherche à faire une place aux diverses variantes de la pensée freudienne, aura des mots très sévères pour cette seconde modalité du narcissisme primaire “ conçu comme cet état totalement refermé sur lui-même dont l’absurdité vient braver aussi bien la réflexion théorique que les données les plus élémentaires de l’observation ”.
12Si nous situons le narcissisme primaire dans cet espace carrefour où s’élabore le passage de la dyade à la monade, si, de plus, nous l’inscrivons dans l’articulation paradoxale psyché/environnement, les deux acceptions du narcissisme primaire, désormais conciliables, deviennent deux moments charnières dans la formation du narcissisme primaire. Une fois n’est pas coutume : Winnicott (1954) nous offre ici une passerelle entre sa pensée et celle de Freud : “ Dans le narcissisme primaire, l’environnement maintient l’individu et, en même temps (mots soulignés par D. W. W.), l’individu ignore l’environnement et ne fait qu’un avec lui. ” Ainsi, paradoxalement, la mère, “ cet entour indivis ”, selon la formule heureuse de J.-B. Pontalis (1977), est partie intégrante du narcissisme primaire dit “ anobjectal ”.
13Car la mère est un espace avant d’être un objet, précise fort pertinemment B. Brusset (2005). De cette manière, Winnicott réhabilite le narcissisme primaire, dit anobjectal, de Freud. Évitons d’être piégés par les mots : l’absence de l’objet dans l’expérience personnelle de l’individu est en même temps présence déterminante de l’objet pour l’observateur extérieur. Au pôle dyadique du narcissisme primaire, il n’y a qu’un seul narcissisme pour deux ; si la rencontre psyché/environnement est suffisamment bonne, l’objet-environnement ou l’entour indivis facilitera la création d’un pôle monadique où chacun aura son narcissisme propre. Dans ce contexte optimal, le narcissisme primaire possède une structure bipolaire et il existe un mouvement continu d’oscillation entre les deux pôles du narcissisme primaire. Dans le modèle pulsionnel de Freud, l’objet d’abord absent devient présent ; dans le modèle de Winnicott, au départ, l’objet est à la fois présent et absent.
La poussée pulsionnelle
14Qu’en est-il maintenant quant à la poussée ? B. Brusset (2005) rappelle que, dans le langage courant auquel Freud se réfère, le terme de “ pulsion ” “ exprime l’idée de contrainte, de force, de mouvement d’action ”. Winnicott (1952) décrit une force, un mouvement d’action qui, pour l’observateur extérieur, a son origine dans l’individu ; il donne même une présentation graphique de cette force sous la forme d’une protubérance issue d’un petit cercle entouré d’un cercle plus grand, les deux cercles figurant l’ensemble individu/environnement. La poussée relève bien d’un déterminisme interne. Cependant, ce déterminisme possède un caractère indéterminé quant à sa qualité libidinale ou destructrice. Il s’agit, peut-on dire, d’un mixte de spontanéité, de sensorialité et de motricité, un mixte qui pour le sujet ne serait ni libidinal ni destructeur mais plutôt de l’ordre d’une intensité tensionnelle indifférenciée, une intensité tensionnelle sous l’égide de l’hallucinatoire.
15Dans le modèle implicite de Winnicott (1950-1955), cette composante de poussée représente l’élément essentiel du mouvement pulsionnel. Cette poussée s’exprime dans la capacité de “ faire passer la motricité primitive dans les expériences instinctuelles ”. Winnicott dégage ainsi un premier enjeu pulsionnel antérieur à l’actualisation du modèle freudien de la pulsion. Quel sera le destin de cette poussée lors du travail psychique assurant le passage de l’unité duelle à l’unité individuelle ? Ce travail psychique permettra-t-il l’intégration de l’excitation pulsionnelle et de la sensori-motricité spontanée ? On peut considérer que la réussite de ce travail est nécessaire à l’actualisation du modèle freudien de la pulsion où celle-ci devient une im-pulsion du double point de vue de l’observateur extérieur et de l’expérience de l’individu.
16Winnicott sera conduit à distinguer l’être et le faire ; il désignera un faire par impulsion, consécutif à l’instauration de l’être et ce, par opposition à un faire par réaction de par le non-établissement de l’être. C’est la réussite ou l’échec de ce stade du “ je suis ” qui permettra ou non à l’individu de devenir l’auteur de la poussée pulsionnelle dans la représentation inconsciente qu’il aura de lui-même. Il est intéressant de noter que C. Chabert (2003) décrit cette appropriation subjective de la pulsion sous la forme d’une passivité inhérente à l’état d’excitation “ être excité par... ” (mots soulignés par W. R.).
17A contrario, l’échec du travail de monadisation, dans un mouvement d’autodestruction, entraîne la disparition de la poussée comme im-pulsion ; dans la subjectivité inconsciente de l’individu, le mouvement d’action se présente comme une réaction. L’excitation pulsionnelle ne peut devenir une expérience personnelle. L’individualité se développe comme une extension de l’écorce plutôt que du noyau de la psyché : “ À l’extrême, il y a très peu d’expérience des pulsions excepté en tant que réaction et le Moi n’est pas établi... À sa place, le développement se base sur l’expérience de la réaction à l’envahissement ; ainsi apparaît un individu que nous appelons faux parce que toute impulsion personnelle (mots soulignés par W. R.) est absente ” (Winnicott, 1950-1955).
18Pour Winnicott, la présence d’un Moi rudimentaire est nécessaire pour que la pulsion devienne une expérience du Soi. Dans l’après-coup de la pensée de Winnicott, le modèle freudien décrit une pulsion visitée par le Moi. La pulsion cesse d’être une donnée, elle devient un processus, un work in progress. Si la pulsion, au départ, possède une inscription relationnelle, en ce sens qu’elle se situe dans la relation avant de se situer dans l’individu, dans la problématique limite, le processus pulsionnel est entravé dans son développement ; dès lors, l’accès à la pulsion comme expérience personnelle devient l’un des enjeux fondamentaux du processus analytique.
19Cette découverte de la pulsion comme impulsion, comme élan, est contemporaine de la différenciation dedans-dehors. Didier Anzieu (1985) dira comment “ la poussée n’est ressentie comme force motrice que si elle rencontre des limites et des forces spécifiques d’insertion dans l’espace mental ”. Notons, au passage, comment Anzieu reprend cette idée de Winnicott où l’expérience personnelle de la pulsion demande l’arrimage de la stimulation pulsionnelle et de la motricité.
L’HALLUCINATOIRE
20Si, sur le plan phénoménologique, la motricité réfère à l’appareil musculaire, qu’en est-il sur le plan métapsychologique ? En ce qui concerne la motricité psychique, nous devons renouer avec le tournant de 1897, cet acte fondateur de la psychanalyse. On présente souvent ce tournant comme la découverte du fantasme ; ce faisant, on glisse rapidement sur l’introduction de l’hallucinatoire [2] qui donne véritablement sa prégnance au fantasme. Co ïncidant avec l’abandon de la neurotica, la découverte du caractère hallucinatoire du système inconscient fera basculer le centre de gravité de la théorie qui passe de l’extérieur à l’intérieur, donnant dorénavant tout son poids à la pulsion et ses avatars dans les diverses modalités de fonctionnement psychique. L’hallucinatoire n’est-il pas l’expression première de la mise en mouvement, de la motricité de la psyché ?
21Dans le fil de cet énoncé, les avatars de l’hallucinatoire détermineront la réussite ou l’échec de l’intrication de la sensori-motricité spontanée et de l’excitation pulsionnelle – partant, l’actualisation ou non du modèle pulsionnel de Freud à partir du modèle pulsionnel de Winnicott. Car ce dernier, à sa manière, renoue avec le tournant de 1897 et la découverte de l’hallucinatoire quand il pose l’omnipotence comme le premier principe régulateur de la psyché et la modulation de cette omnipotence comme enjeu dans la séquence maturative : affect d’omnipotence, expérience de l’omnipotence, expérience du détruit/ trouvé et transitionnalité.
22En effet, si l’hallucinatoire évoque la coalescence de l’objet du dehors et de l’objet du dedans, à l’entrée dans cet espace qu’est l’ensemble individu/environnement, nous sommes en présence de l’affect d’omnipotence. C’est la réussite du trouvé/créé qui permettra l’arrimage de l’omnipotence et de la réalité extérieure dans ce qui devient désormais l’expérience de l’omnipotence. Notons, au passage, que Winnicott récuse l’antinomie freudienne entre satisfaction hallucinatoire et satisfaction réelle. Dans l’expérience de l’omnipotence, la satisfaction est à la fois hallucinatoire et réelle. D’où le rôle de l’objet externe dans l’expérience de l’omnipotence qui exige davantage que la simple satisfaction de la pulsion d’autoconservation. “ Le plaisir noue le Moi à l’objet ” (A. Green, 1993). De là, la nécessité d’une expérience partagée de plaisir avec l’objet, expérience qui permettra “ la mise en relation du plaisir de la zone érogène avec la réflexion projetée de ce plaisir sur l’objet ” (A. Green, 1993) dans la mesure où la réponse de l’objet n’est pas trop éloignée de ce mouvement projectif.
23Subséquemment, le passage de l’expérience de l’omnipotence à la transitionnalité demandera la réussite du détruit/trouvé ; cette réussite constitue une étape cruciale du travail de monadisation en médiatisant l’hallucinatoire. De par la création de cet espace tiers qu’est l’aire de l’illusion, la psyché peut créer ces espaces distincts que sont respectivement les espaces du régime hallucinatoire et du régime de la réalité extérieure. En parallèle, nous avons une avancée du processus pulsionnel : la pulsion peut devenir une expérience personnelle où “ je suis excité par... ” (pour paraphraser Catherine Chabert).
24De par son inscription relationnelle, le modèle pulsionnel implicite de Winnicott ouvre la voie à une nouvelle lecture de la pulsion de mort. Pour ce faire, reconnaissons d’abord avec Jean Laplanche (1970) que “ la priorité du temps auto ” représente une dimension fondamentale de l’hypothèse de la pulsion de mort : il devient, dès lors, tout à fait possible d’envisager une telle modalité de fonctionnement psychique. En même temps, nous pouvons concevoir cette primauté des pulsions de destruction sur le mode auto comme la résultante de l’échec du travail de monadisation ; double échec, disons-nous, soit à l’interface psyché/environnement, échec de la double paradoxalité, soit au centre de la psyché, échec de la négativation de l’hallucinatoire. L’échec de la négativation de l’hallucinatoire semble faire basculer la psyché dans la réalisation hallucinatoire du non-désir. L’introduction de la troisième topique, en référant au modèle de la double limite (A. Green, 1982) et à la dialectique écorce-noyau de N. Abraham cité par D. Anzieu (1985), présente la pulsion de mort comme un échec de la transitionnalité.
LE CONCEPT D’EMPRISE
25Que devient, dès lors, le concept d’emprise dans cette perspective qui pose le passage de la dyade à la monade comme un travail psychique déterminant dans la structuration de la psyché ? Nous ne sommes peut-être pas très éloigné du projet de Paul Denis (1997), celui d’ “ intégrer une composante d’emprise à un modèle auto-organisant et éventuellement autodésorganisant du fonctionnement mental ”.
26Paul Denis présente l’emprise tantôt comme “ le champ du pouvoir ”, tantôt comme “ l’exercice de la puissance sur l’objet ” ; nous ferons ici appel à la distinction proposée par André Green (1982) entre pouvoir et puissance où le pouvoir est susceptible d’être partagé alors que la puissance s’exerce sans partage, ne pouvant qu’osciller “ entre deux pôles opposés : l’impuissance ou la toute-puissance ”. Ce faisant, nous pouvons articuler les diverses modalités de l’emprise et les avatars de l’hallucinatoire.
27Au commencement est la dyade ; au commencement est l’emprise dyadique, une visée de contrôle omnipotent, une emprise d’autant plus forte que paradoxalement, au moment du narcissisme primaire, modèle Winnicott, l’objet n’existe pas comme entité propre dans l’expérience de l’individu. Pontalis (1974) décrit bien cette relation paradoxale : “ On pourrait avancer le paradoxe suivant : la relation à l’objet, externe ou interne, n’est jamais si prévalente que lorsque l’objet, au sens d’un autre qui a sa propre réalité, n’est pas constitué, pas plus que ne l’est l’espace du Moi. ”
28L’échec de la négativation de l’hallucinatoire, et conséquemment l’échec de la transitionnalité, a pour conséquence de fixer l’individu dans un régime dyadique de l’emprise, un régime assez proche de ce que Roger Dorey, cité par Paul Denis (1997), décrit comme une relation d’emprise, c’est-à-dire “ un mode particulier d’interaction entre deux sujets qui ne se réduit pas à l’activité d’une seule tendance mais correspond à un agencement complexe de la relation à l’autre ”. Cet agencement complexe manifeste “ la tendance à la neutralisation du désir de l’autre, c’est-à-dire la réduction de toute altérité ”. Nous sommes bien dans une emprise dyadique, en deçà de l’extériorité de l’objet, sous l’égide de la toute-puissance. Nous rejoignons vraisemblablement ici ce que Paul Denis désigne comme l’emprise perverse où, dit-il, “ l’épreuve de force remplace l’épreuve de réalité ”.
29A contrario, dans la réussite de la négativation de l’hallucinatoire, s’installe une emprise monadique sous l’égide non plus de la toute-puissance, mais plutôt d’un certain pouvoir qui se partage. Nous pouvons convenir ici avec Paul Denis que cette emprise “ ne recherche pas tant l’abolition du désir d’autrui que de le réorienter vers le sujet lui-même... Toute séduction est emprise, y compris la séduction amoureuse la plus heureuse ”. Nous avons bien deux modalités différentes d’emprise.
30Le passage de la modalité dyadique à la modalité monadique de l’emprise s’inscrit dans la foulée des processus transitionnels. Comme le précise Paul Denis, les phénomènes transitionnels “ associent une activité musculaire, des stimulations autosensorielles à une activité auto-érotique qui s’inscrit dans le registre de la satisfaction ”. Cela dit, nous sommes tenté de considérer la négativation de l’hallucinatoire comme le facteur déterminant l’intégration de la sensori-motricité et de l’excitation libidinale plutôt que d’accorder “ une valeur anti-hallucinatoire ” aux éléments musculaires et sensoriels, comme le propose Paul Denis. Grâce à la négativation de l’hallucinatoire, ces éléments sont désormais dégagés des “ démesures de l’emprise ” (Denis, 1997).
31Pour nous, la monadisation de l’emprise a partie liée avec le passage du modèle pulsionnel de Winnicott à celui de Freud. Nous avons là peut-être une autre manière de désigner le processus de subjectivation qui “ transforme l’expérience pulsionnelle effractive en expérience pulsionnelle du Moi ” (Roussillon cité par Paul Denis, 1997). Le modèle de la pulsion de Winnicott pose précisément comme premier enjeu du processus pulsionnel l’intégration de la sensori-motricité spontanée et de l’excitation pulsionnelle ouvrant la voie à une organisation pulsionnelle sous la forme de la polarité créativité-destructivité.
32Selon Winnicott, l’appropriation subjective de la destructivité ne peut survenir que dans l’après-coup ; elle demande comme condition préalable l’émergence de la créativité. Le modèle pulsionnel implicite de Winnicott met en évidence un enjeu majeur du processus analytique dans les problématiques limites, soit l’intégration conflictualisée de la sensori-motricité spontanée et de l’excitation pulsionnelle ; cette conflictualité compromet la reconnaissance de l’existence d’une poussée, d’un élan pulsionnel. L’instauration du dualisme pulsionnel destructivité/créativité précède de cette manière l’établissement du dualisme pulsionnel libido/destructivité. Ce sera un signe distinctif de la réussite du processus analytique que la résurgence de cet élan pulsionnel mis à mal dans la rencontre primitive individu/environnement ; nous assistons à un saut qualitatif du fonctionnement psychique maintenant caractérisé par une tolérance au conflit interne. Désormais, le fonctionnement psychique s’inscrit moins dans l’ordre d’un destin, d’un fatum ; de par l’émergence de la créativité, l’actualisation du modèle pulsionnel de Freud fait en sorte que la pulsion est devenue une im.pulsion.
La relation d’objet
33Le modèle de la relation d’objet est souvent présenté comme s’opposant au modèle de la pulsion. Le modèle pulsionnel de Winnicott, de par son inscription d’emblée dans la relation, décrit essentiellement une modalité de lien ; il constitue dès lors naturellement une passerelle entre le modèle de la relation d’objet et le modèle pulsionnel de Freud. En ce sens, André Green cité par B. Brusset (2005) souligne comment “ l’étude des relations est celle des liens plutôt que des termes unis par ces liens ”. Car le passage de la dyade à la monade devient un cheminement critique où la poussée, surgie initialement dans l’ensemble individu/environnement, aura à se maintenir comme modalité de lien grâce au travail psychique de monadisation ; cette poussée devient dorénavant une expérience personnelle dans une psyché devenue une unité individuelle fonctionnelle de par l’accès à la transitionnalité.
Le lien
34La transitionnalité représentant une nouvelle modalité d’investissement de l’objet, non pas l’investissement d’un nouvel objet, peut-on la considérer comme une nouvelle modalité de lien ? La réponse est certes positive sur le plan phénoménologique. En même temps, Winnicott adopte une position beaucoup plus radicale sur le plan métapsychologique, en soulignant que seule la transitionnalité permet l’établissement d’un lien véritable avec l’objet ; il dira la nécessité de “ l’illusion sans laquelle aucun contact n’est possible entre le psychisme et l’environnement ” (Winnicott, 1952). Une relation analytique où l’inconscient est partie prenante, de manière vivante, demande l’instauration de la transitionnalité.
La troisième topique
35Dès lors, à juste titre, B. Brusset (2005) propose une définition métapsychologique du lien où celui-ci comporte “ une communication, une non-communication et, par l’interprétation, la métacommunication ”. Cet énoncé pose la troisième topique comme étant véritablement en phase avec le travail analytique. De fait, si la première topique, selon Freud lui-même, fut élaborée d’abord et avant tout en regard de la fonction onirique, la deuxième topique tente essentiellement de rendre compte des diverses organisations de la conflictualité inconsciente. En dégageant les espaces psychiques interne, externe et intermédiaire, il revient à la troisième topique de définir les conditions qui, de jure, rendent légitimes, pour l’analysant, l’exploration et l’interprétation de cette conflictualité inconsciente. La mise en place de ces trois espaces est en effet nécessaire pour que l’analysant entende l’interprétation “ comme venant d’un lieu imaginaire autre que celui où il situe l’analyste comme objet pulsionnel ” (B. Brusset (2005) citant J..L. Donnet).
36Nous distinguons ici deux modalités différentes d’obstacle au travail interprétatif. La première réfère à la modalité classique de résistance : son enjeu réside dans l’acceptation ou le rejet de l’interprétation. La seconde modalité se situe au-delà de l’acceptation ou du refus ; le cas échéant, l’acceptation peut se révéler ici plus délétère que le refus quant à l’instauration d’un processus analytique en générant une analyse en faux self ; ce qui est en cause, c’est l’absence de portée de l’interprétation quand demeure intacte “ cette sorte de pellicule totalement transparente et imperméable entre les productions de la psyché et l’être, entre le fruit de leur élaboration et leur prise en compte ” (R. Cahn, 2002).
37Dans la seconde modalité de résistance, l’enjeu concerne la capacité de l’analysant d’accueillir l’interprétation comme une interprétation, c’est-à-dire comme une métacommunication et non pas uniquement comme un geste d’amour ou de haine, soit comme partie intégrante de la communication. Pour que l’analysant situe l’interprète dans un lieu autre que celui dévolu à l’objet pulsionnel, il importe que cet objet pulsionnel soit à la fois présent et absent ; il importe conséquemment que l’objet pulsionnel soit placé dans l’espace transitionnel.
38D’où la pertinence d’une écoute métapsychologique plutôt que purement sémantique (B. Brusset, 2005) ou, dirons-nous, d’une écoute transitionnelle. Car la part d’absence de l’objet pulsionnel s’exprime surtout dans le contenu du silence qui enveloppe le discours de l’analysant. Illustrons schématiquement la chose quand l’analysant fait état de l’inutilité de l’analyste. Si l’analyste est présent et absent comme objet pulsionnel, certes il est présenté comme inutile ; en même temps – c’est là la part silencieuse –, il est utile de parler de cette inutilité à cet analyste inutile. L’exploration de ce contenu psychique devient légitime.
39A contrario, envisageons la perspective d’une expérience négative de la transitionnalité et portant la mise en abyme de la conflictualité inconsciente. L’analyste est présenté comme inutile ; en même temps – c’est là la part silencieuse –, l’analysant n’aura de cesse inconsciemment de faire la preuve de cette inutilité nécessaire à son intégrité narcissique. Dans ce deuxième cas de figure, l’interprétation risque fort d’être accueillie en faux self ou bien de passer dans le collimateur de la conflictualité inconsciente sur laquelle porte l’interprétation. Ainsi, l’analysabilité du discours relève davantage de la configuration des espaces psychiques que de la dimension sémantique du discours.
L’espace carrefour
40Une considération générale se dégage de ces réflexions : l’espace carrefour où se rencontrent les métapsychologies de Freud et de Winnicott assure l’émergence d’une nouvelle métapsychologie, une métapsychologie des espaces : espace psychique du dedans, espace psychique du dehors et espace intermédiaire. Cette métapsychologie doit être à la fois différenciée et articulée à une métapsychologie plus classique de l’objet. À cet égard, soulignons que les conceptions propres à la métapsychologie des espaces sont souvent décrites dans le langage de la métapsychologie de l’objet : ce qui n’est pas sans créer parfois certains contresens [3].
41Le transit entre dyade et monade permet la remise au travail de plusieurs concepts fondamentaux de la théorie analytique. Tels sont les concepts de pulsion, de narcissisme, de relation d’objet et d’emprise. Cette énumération est loin d’être exhaustive. En évoquant la coalescence des angoisses dépressive et parano ïde, B. Brusset ouvre la voie à une nouvelle problématique de l’affect où l’enjeu réside essentiellement dans l’affect au second degré : comment sommes-nous affectés par nos affects ? S’il est dangereux d’être déprimé et déprimant d’être angoissé, il est également déprimant d’être déprimé quand la dépression s’avère sans fond et dangereux d’être angoissé quand l’angoisse est de type catastrophique. Nous retrouvons là le phénomène de la mise en abyme.
42En transitant dans ce carrefour, le concept de fantasme prend également une nouvelle signification : si nous pouvons toujours l’entendre comme un contenu psychique, il se présente maintenant également comme un contenant, un espace, et cette nouvelle définition devient déterminante pour son “ utilisation ”. De même en est-il du concept de trauma psychique ; nous pouvons y introduire la distinction du traumatisme et du traumatique (W. Reid, 2005). Le traumatisme comme trauma-événement ou trauma-environnement constitue un phénomène hors psyché qui, de par sa visée effractive, risque de faire surgir ou resurgir le potentiel traumatique inhérent au fonctionnement psychique : en effet, de par le maintien ou la résurgence de la primauté de l’hallucinatoire, la psyché ne peut faire usage de sa capacité élaborative ; elle ne peut opérer sur le mode d’une unité individuelle. Nous sommes en présence de l’actualisation du traumatique.
43Enfin, au moment de conclure, the last but not the least : les enjeux de la troisième topique ne sont pas sans exercer une influence quant au modèle théorique de la méthode que nous devons privilégier. Ainsi, l’échec dans l’instauration de la troisième topique ne peut qu’infléchir la visée fondamentale de la cure, déterminant une certaine mise en latence du modèle de la remémoration au profit du modèle de la transitionnalité. André Green (2000) a ici une formule heureuse qui exprime bien la nécessité d’une tension dialectique entre les deux modèles : “ On voit bien alors qu’il est moins question de lever l’amnésie infantile que d’autoriser l’enfance à se constituer en mémoire fictionnelle. ”
44Selon le mot de Lao-Tseu : “ C’est avec l’argile que l’on fabrique les vases, mais c’est du vide interne que dépend leur usage. ” Reconnaissons-le avec Freud : c’est avec les pulsions et leurs destins que l’on fabrique la relation analytique. En même temps, reconnaissons-le avec Green et Winnicott : c’est de l’hallucinatoire et de ses destins dans le travail du négatif que dépend l’ “ utilisation ” de cette relation, que dépend l’actualisation du processus analytique.
45Wilfrid Reid
74, Courcelette
Outremont, Québec
Ca, H2V 3A6
RéFéRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Mots-clés éditeurs : Troisième topique, Ensemble individu/environnement, Modèles de la pulsion et modèles de la relation d'objet
Date de mise en ligne : 01/01/2007
https://doi.org/10.3917/rfp.705.1543Notes
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[1]
À cet égard, Freud (1915) apparaît comme un précurseur de Winnicott : “ Naturellement, rien ne nous empêche d’admettre que les pulsions elles-mêmes, du moins pour une part, sont des précipités d’actions de stimulus externes qui, au cours de la phylogenèse, ont exercé une action modificatrice sur la substance vivante. ” Avec Roussillon, nous pouvons considérer la phylogenèse chez Freud comme une métaphore de l’originaire.
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[2]
“ Il n’existe dans l’inconscient aucun “indice de réalité”, de telle sorte qu’il est impossible de distinguer l’une de l’autre, la vérité et la fiction investie d’affect ” (lettre à Fliess du 21 septembre 1897).
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[3]
Ainsi en est-il du processus du détruit/trouvé souvent présenté comme la survie de l’objet à la destruction fantasmatique, alors que le fantasme comme espace est une conséquence de la réussite du processus et non pas un ingrédient de ce processus car la différenciation des espaces psychiques du dedans et du dehors est la résultante de ce processus.