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Cet article est une version raccourcie. La version intégrale pourra être consultée dans l’International Journal of Psycho-Analysis, 2005, vol. 86, no 2, 267-290.
INTRODUCTION
1Il est largement connu que la notion de trauma psychique est présente en psychanalyse depuis ses débuts, voire depuis sa préhistoire, comme l’attestent les extraits des notes de Freud dans sa traduction de Charcot (Freud, 1892-1894).
2Tout au long de l’œuvre freudienne, cette notion est inscrite dans le cadre de ses conceptions sur l’origine traumatique des névroses en général (1939), dans les formulations sur la névrose traumatique elle-même (1920) et, enfin, dans la théorie de l’origine traumatique de l’angoisse (1926, 1933). Lorsque l’on examine ces perspectives, dans la première se détachent le rôle de la mémoire et le concept d’après-coup (Nachträglichkeit), associés à la conception du trauma en deux temps (Laplanche, 1980, 1999). Au sein de la théorie de la névrose traumatique elle-même, centrée sur les phénomènes et les mécanismes intrapsychiques à l’œuvre au cours de l’événement traumatisant, on relève ladite fonction – ou appareil – de pare-excitations (Freud, 1920). Enfin, dans la dernière approche, nommée par Baranger et al. (1987) la théorie du trauma généralisé, apparaît au premier plan la notion de détresse psychique (Hilflösigkeit), liée à celles de situation traumatique et d’angoisse automatique (Freud, 1926, 1933). Cependant, au long de tout cet éventail de théories, l’aspect économique du trauma demeure l’élément essentiel et indispensable du concept freudien. En ce sens, la conceptualisation présentée dans Introduction à la psychanalyse (1916-1917) est exemplaire : « ... le terme “traumatique” n’a pas d’autre sens qu’un sens économique. Nous appelons ainsi un événement vécu qui, en l’espace de peu de temps, apporte dans la vie psychique un tel surcroît d’excitation que sa suppression ou son assimilation par les voies normales devient une tâche impossible, ce qui a pour effet des troubles durables dans le fonctionnement énergétique » (p. 275).
3L’excès traumatisant n’est d’abord attribué qu’aux excitations externes en raison d’une large effraction de la fonction de pare-excitation. Plus tard cependant, Freud (1926) considère que cette même condition économique est déclenchée par des excitations pulsionnelles, internes, essentiellement libidinales.
4Dans sa dernière théorie de l’angoisse, lorsque Freud introduit les notions de situation de danger et d’angoisse-signal, le rôle de l’objet dans le trauma devient plus perceptible. Je le cite encore une fois textuellement :
« Avec l’expérience qu’un objet extérieur, perceptible, est susceptible de mettre fin à la situation dangereuse qui évoque celle de la naissance, le contenu du danger se déplace de la situation économique à ce qui en est la condition déterminante : la perte de l’objet. L’absence de la mère est désormais le danger à l’occasion duquel le nourrisson donne le signal d’angoisse, avant même que la situation économique redoutée ne soit instaurée » (1926, p. 137-138).
6Il faut cependant considérer que pour Freud, à la limite, le trauma proprement dit demeure essentiellement une condition économique intrapsychique, dérivée de la détresse (Hilflösigkeit) psychique de l’enfant.
7Après Freud, des auteurs tels que Ferenczi (1932) en sont venus à affirmer une participation nécessaire de l’objet à l’origine du trauma. Balint (1969), par exemple, place l’objet traumatogène au centre de sa proposition, fondée sur la théorie des relations d’objet, et propose une structure à trois phases du trauma infantile. Selon lui, l’enfant immature entretient au départ une dépendance rassurante vis-à-vis d’un adulte. Dans un deuxième temps, cet adulte, contrariant les attentes de l’enfant, fait avec lui quelque chose de très excitant, menaçant ou douloureux. Ce serait le seul moment pris en compte dans les conceptions classiques du trauma. Enfin, dans la troisième phase, indispensable, l’adulte refuse à l’enfant la reconnaissance, la compréhension et le confort par rapport à ce qui s’est produit dans la phase précédente.
8Même s’ils partent d’autres référentiels théoriques, Khan (1963) et Winnicott (1965) présentent aussi des concepts de trauma dans un cadre relationnel. D’une manière très proche de celle de Balint, Winnicott (1965) affirme que « le trauma est un échec relatif à la dépendance... C’est ce qui rompt l’idéalisation d’un objet par la haine de l’individu, en réaction à l’échec de cet objet dans l’accomplissement de sa fonction » (p. 113). Dans cette même perspective, Khan (1965) ajoute que l’objet (la mère, dans le cas de l’enfant) exerce aussi les fonctions de pare-excitation, en transformant donc en relationnel et situé hors du sujet un concept originalement économique et intrapsychique (Baranger et al., 1969).
9Pour ces derniers auteurs, il n’y a pas par définition de trauma sans objet. Ces conceptions sont cependant contestées par Baranger et al. (1987), qui affirment qu’elles ternissent la spécificité de la situation traumatique et la confondent avec une situation pathogène quelconque. C’est pourquoi ils reprennent et défendent un concept limite de trauma, en le reliant à la notion d’angoisse automatique : toutes les formes psychopathologiques – disent-ils – ainsi que les techniques de contrôle normales ont pour objectif commun d’éviter cette forme extrême d’angoisse, si primitive qu’elle ne peut être décrite qu’en termes économiques : rupture de barrière, débordement d’une ampleur incontrôlable, détresse complète. On pourrait caractériser cette forme d’angoisse automatique comme le trauma initial, le trauma pur, dépourvu de sens, totalement disruptif (p. 766).
10À partir d’une telle perspective, poursuivent ces mêmes auteurs, la fonction primitive de l’objet est de préserver l’apparition du trauma pur, intrapsychique, chez le sujet. Ce trauma sera pourtant subjectivement toujours dépendant de « quelqu’un qui n’a pas fait ce qu’il aurait dû faire ou qui a fait ce qu’il n’aurait pas dû faire » (p. 765).
11Le maintien du noyau traumatique essentiellement économique me semble également être défendu par C. et S. Botella (2002) dans leur conception du trauma infantile en tant que non-représentation... « vécue par le moi comme un excès d’excitation » (2002, p. 92). Selon eux, c’est cette perte de la représentation de l’objet, et non la perte de l’objet lui-même, qui constitue la Hilflösigkeit fondamentale, sans doute une expérience de mort pour l’être humain.
12L’objectif de ce travail est de développer des formulations sur le trauma psychique qui répondent au mieux aux conditions suivantes : préserver, autant que possible, les éléments fondamentaux de la notion freudienne originale, en évitant ainsi le risque d’une intersectionalité conceptuelle qui empêche de distinguer le trauma de toute autre situation pathogène. Cela requiert la nécessaire inclusion d’une conception de ce qui se produit dans l’esprit lors de la situation traumatique, c’est-à-dire intrapsychiquement (et non seulement dans la relation).
13Écarter une tendance solipsiste, toujours possible dans la conception classique, en tenant compte du principe général – défendu par de nombreux psychanalystes – selon lequel il n’y a pas de sujet sans la participation d’un autre, voire d’autres sujets (Winnicott, 1971 ; Bion, 1962 b ; Green, 1990). En ce qui concerne l’objet, je pense qu’il faut aussi ajouter, à l’exemple de Bion (1962 b), que l’objet n’a pas seulement pour fonction de gratifier ou de frustrer les pulsions du sujet, mais, chez l’enfant, de favoriser la genèse et le développement de la capacité de penser ou, au contraire, de lui faire obstacle, de l’inhiber ou de la détourner. Cela dit, les formulations devront non seulement privilégier l’objet (outre le noyau traumatique pur chez le sujet) mais aussi cette dimension épistémologique (Meltzer, 1983) apportée par Bion à la psychanalyse (dans le sens d’y avoir introduit une théorie des pensées et le penser) avec ses précieux concepts vides de fonction alpha, d’éléments alpha et bêta, de contenance et de rêverie maternelle, pour n’en citer que les plus directement pertinents.
14Prendre en compte le principe méthodologique – que j’ai adopté – selon lequel le seul lieu possible et indispensable d’observation, d’inférence et d’intervention du psychanalyste en tant que tel, et donc de l’investigation psychanalytique proprement dite, est la situation psychanalytique. Ce principe est défendu par des auteurs appartenant à différentes orientations théoriques, tels que Bion (1992), Meltzer (1975), Botella (2001) et Green (2003). En outre, j’estime qu’il est indispensable de considérer, dans la relation analytique, et la présence des deux subjectivités individuelles – celle de l’analysant et celle de l’analyste, chacun ayant sa structure psychologique et son histoire propres – et l’émergence concomitante de phénomènes particuliers au couple, c’est-à-dire des expériences partagées par le couple qui vont au-delà de la somme des esprits de chacun. Ces phénomènes ont été privilégiés par Baranger et al. (1969). D’un autre point de vue théorique, Ogden (1994) les nomme le tiers analytique intersubjectif. Je trouve cliniquement pertinente et nécessaire son observation selon laquelle ils sont en tension dialectique constante avec les deux subjectivités qui demeurent présentes dans le cadre analytique.
15Sous cet angle intersubjectif, il est également possible de concevoir la notion d’une fonction contenante du couple analytique qui dépasse la somme des fonctions contenantes de chacun des deux membres.
16Dans le but de répondre aux trois exigences ci-dessus, j’effectuerai une transformation (Bion, 1965) des concepts freudiens cités auparavant pour en arriver ainsi à la formulation suivante qui, à mon avis, est en accord avec ce cadre référentiel élargi.
17J’appellerai traumatique une situation qui suscite dans la relation analytique une ampleur ou une qualité d’émotions excédant la capacité de contenance (Bion, 1962 b) du couple, à tel point ou de telle sorte qu’elle crée dans la relation et dans l’esprit de l’un des participants ou des deux une zone ou une période de démentalisation. Cette démentalisation devra suffire pour rendre nécessaire, si elle est repérée, un travail analytique ultérieur sur ce trouble et pour produire tout de même un changement psychique considérable dans ce rapport, qu’il soit positif ou négatif.
18Par démentalisation, j’entends une défaillance des fonctions mentales nécessaires à la transformation des impressions sensorielles et des émotions brutes du vécu lors d’un phénomène psychique, c’est-à-dire nécessaires à la transformation d’un fait en une expérience mentale (Bion, 1962 b). Sous un autre angle, elle implique une défaillance du système de représentations constitutif du psychisme (Green, 1993 ; Botella, 2002). Dans l’élargissement conceptuel proposé, elle correspondrait au noyau traumatique pur mentionné auparavant et concernerait le passage d’une angoisse avec objet à une autre essentiellement sans représentation psychique, correspondant peut-être à la terreur sans nom décrite par Bion (1962 a). C’est cette rupture du tissu des représentations qui constitue l’effraction essentielle du trauma psychique, si l’on considère que le mot trauma, issu du grec, signifie justement une blessure avec effraction (Laplanche et Pontalis, 1982), c’est-à-dire avec rupture, brisure, déchirure.
19Dans la grande majorité des cas, nous ne retrouvons que des moments fugaces ou des manifestations seulement indirectes de cette démentalisation, puisque l’analysant, l’analyste ou tous les deux se chargent de la boucher au moyen de mécanismes de défense d’urgence en vue de la survie psychique.
20Je nommerai ce phénomène qui se produit dans le cadre analytique la situation traumatique psychanalytique minimale ou fondamentale. De ce point de vue, il s’agit d’un phénomène transférentiel/contre-transférentiel, donc d’un concept essentiellement technique concernant précisément la relation et le processus psychanalytiques, le fonctionnement mental au cours de la séance, comparable à la façon dont nous nous référons, par exemple, à une perversion de la relation analytique. Cela n’exclut nullement l’existence de traumas psychiques hors de ce cadre analytique particulier. Il s’agit simplement de formuler un concept compatible avec les caractéristiques, les potentialités et les contraintes de la méthode propre à la psychanalyse, en étudiant le processus traumatique à travers sa formation et son développement dans la séance, au lieu de se contenter de le déduire à partir d’un récit fait par l’analysant de quelque chose qui s’est produit ailleurs. En outre, je l’estime assez macroscopique pour être facilement repéré. Cependant, on n’exclut pas la possibilité de repérer aussi par la suite des formes chaque fois plus microscopiques de cette même situation traumatique, ce qui intégrerait, par exemple, les conséquences des microfractures sur la condition mentale de l’analyste, telles qu’elles ont été décrites par Ferro (1997).
21En partant du présupposé selon lequel l’analyste n’est pas constamment en train d’accueillir, de contenir, de comprendre et d’interpréter adéquatement les émotions présentes dans la relation et qu’au contraire cela ne se passe sans doute qu’à certains moments, la question des circonstances particulières, où le manque de contenance conduit à une situation traumatique qui prend la forme décrite ci-dessus, reste ouverte. Mais c’est justement sa délimitation conceptuelle dans le cadre analytique qui, à mon avis, permettra une recherche analytique plus minutieuse et plus approfondie. Quoi qu’il en soit, je pense que ces conditions déterminantes peuvent se situer tout au long d’un spectre qui s’étend depuis celles qui se trouvent essentiellement chez l’analysant jusqu’à celles qui relèvent principalement de l’analyste, en traversant une vaste et importante zone centrale où tous les deux participent en tant qu’agents de la situation traumatique. Des sujets très traumatisés au cours de leur vie ont bien évidemment tendance à ramener leurs expériences traumatiques dans le cadre analytique, mais ils seront aussi sans doute plus susceptibles de retomber dans un état traumatique à la suite d’un événement quelconque survenu dans la relation, et ce justement en raison d’un déficit de contenance entraîné par ces traumas du passé. Mais il faut également toujours garder à l’esprit qu’une telle situation traumatique peut être déclenchée par une difficulté ou une diminution, circonstantielle ou spécifique, de la capacité de contenance de l’analyste, ou encore par ce que Ferro (1997) décrit comme une inversion du flux des identifications projectives, de l’analyste vers l’analysant.
22Je présenterai ci-dessous quelques illustrations cliniques qui serviront d’appui aux considérations conceptuelles et théoriques pertinentes. Pour chacune, l’accent sera mis sur différents aspects des situations traumatiques tout en gardant comme référence permanente leurs manifestations et leurs vicissitudes au sein de la relation analytique.
RÉFÉRENCES CLINIQUES
23Je commencerai par le récit d’une situation déclenchée à mon avis par l’analyste dans la relation, ce qui n’implique pas d’ignorer la participation de l’analysant.
24Au retour des vacances analytiques d’été, « A » est plus anxieux et évoque quelques pratiques homosexuelles pendant ce mois de vacances. Nous les avons analysées en considérant les angoisses et le ressentiment qu’il aurait éprouvés parce que je l’avais laissé tout seul, abandonné, l’embarras exclu (sic), à l’image de ce qu’il avait toujours ressenti envers la famille d’origine, car il y avait plusieurs indices dans ce sens. Il y a d’abord eu une certaine diminution de l’angoisse et un moment de rapprochement analytique. Mais ensuite la tension a commencé à monter dans les séances. Des manifestations du syndrome des jambes sans repos, dont il ne parlait plus depuis longtemps, sont réapparues. Il répétait sans cesse que l’analyse ne lui servait à rien, que c’était une façon d’exploiter les malades mentaux et que tout ce que je lui disais représentait des constructions théoriques. Le contenu de son discours et surtout sa façon de parler ont éveillé en moi un désir de rétorquer vivement, voire agressivement, ou encore simplement de m’éloigner de la séance. À un moment donné, il s’est mis à affirmer qu’il ne pouvait plus entendre, qu’il devenait complètement sourd. Il sentait nettement une masse spongieuse qui grossissait vite dans sa tête à partir des oreilles. Il l’associait à un début d’otosclérose diagnostiqué par un médecin quelques années auparavant mais qui, jusque-là, n’avait pas déclenché de manifestations cliniques importantes. Ce médecin lui aurait parlé de quelque chose de spongieux qui pourrait grossir dans ses oreilles. Au début, il me disait de parler plus fort. Ensuite, cependant, il s’est mis à dire qu’il ne m’entendait plus du tout à cause d’un bourdonnement interne croissant. L’idée de tomber dans la démence et d’avoir son cerveau entièrement transformé en une masse pleine de trous (spongieuse) l’épouvantait aussi. Et, pire encore : il a acheté un transistor qu’il apportait à la séance et il a souvent failli l’allumer pour étouffer le bourdonnement et parce que, de plus, ce qu’il entendait de moi ne l’intéressait plus du tout. Il touchait silencieusement les boutons du transistor – sans l’allumer – en cherchant, à ces moments-là, à montrer une complète indifférence à ma présence. Je poursuivais en essayant encore de signaler et d’aborder de différentes manières ses sentiments vis-à-vis de notre séparation pendant les vacances, mais, à un moment donné, je me suis rendu compte de quelque chose que je n’avais pas remarqué jusque-là : durant plusieurs séances après la rentrée, pendant ses silences ou ses plaintes, je me trouvais en train de penser et de revoir des scènes de mes agréables vacances au bord de la mer avec ma famille. Parfois, je les comparais même à la rudesse et à la difficulté des situations vécues dans ces séances. Je me suis aperçu que ces doux souvenirs me survenaient plus intensément les premiers jours qui ont suivi mon retour au travail avec cet analysant et que j’en jouissais avec un plaisir particulier, comme s’ils se produisaient à nouveau. À ces moments-là, je ne cessais de le sentir comme un embarras, tout comme il s’imaginait vis-à-vis de sa famille d’origine. Conscient de cela, j’ai remarqué qu’en fait je n’étais pas mentalement présent dans cette relation analytique tel que je pense l’être d’habitude. J’ai noté, en outre, que j’avais par conséquent répété presque machinalement les interprétations de l’abandon pendant les vacances, et m’est venue l’image de travailler sur le pilote automatique. Je lui ai alors dit qu’à mon avis son principal sentiment à ce moment-là ne concernait pas le fait que je l’avais laissé tout seul pendant les vacances, mais plutôt le fait que je n’étais pas encore de retour et que je n’étais pas sur la même longueur d’onde que lui.
25« A » a gardé un long silence pesant. Puis il a repris son transistor et a recommencé à tourner les boutons. J’ai craint que cette fois-ci il allait vraiment l’allumer, tout en sentant que le silence créait une atmosphère émue dans la séance, tout à fait différente des fois précédentes. Enfin, il a dit :
« Vous voyez comment les choses évoluent dans le monde aujourd’hui. Il y a quelques années, j’avais un autre transistor dont la syntonisation était mécanique, ce qui faisait qu’on n’arrivait pas toujours à la régler et à la maintenir exactement à la fréquence de la station souhaitée. Il y avait souvent des bruits de fond. Alors que celui-ci a une technologie beaucoup plus avancée : la syntonisation est électronique, automatique. On peut donc repérer à peu près la station et la syntonisation précise se fait ! »
27Nous sommes restés en silence mais j’ai eu la sensation que nous nous entendions l’un et l’autre intérieurement, en syntonie fine. Je me suis contenté de dire qu’une syntonie sans perturbations rendait toute communication vraiment beaucoup plus effective.
28La situation a changé les jours suivants, et nous avons même pu reprendre l’analyse de ses fantasmes et de ses sentiments à l’égard de mes vacances et de mon absence mentale dans les séances (y compris les liens avec des vécus infantiles d’abandon et d’exclusion), dans une autre atmosphère relationnelle, qui n’excluait pas les turbulences mais qui n’avait pas le caractère répétitif et stérile d’auparavant. « A » n’a plus parlé de la surdité, ni de la masse spongieuse dans sa tête. D’ailleurs, dans la suite de l’analyse, cet épisode est devenu une contribution importante pour le stock de mémoires relationnelles positives.
29Des situations précédentes de séparations analytiques signalaient fortement une déficience d’un objet contenant interne chez « A ». À ces moments-là, au bord des interruptions par exemple, des pratiques sexuelles à risque étaient courantes, ainsi que des tentatives d’établir un rapport sadomasochiste dans les séances. Cependant, cette fois-ci, pour la situation décrite ci-dessus, mon absence mentale relative n’a pas seulement empêché, pendant plusieurs séances, de contenir, de penser et de verbaliser la turbulence émotionnelle de la séparation mais elle a également accru le sentiment d’abandon, maintenant au temps présent. C’est pourquoi l’angoisse et l’agressivité ont commencé à augmenter et d’autres phénomènes se sont produits dans la relation analytique, que je commenterai après avoir présenté les formulations théoriques qui me permettront de mieux les comprendre.
30J’aurais pu sans nul doute – et je l’ai effectivement fait ultérieurement – me servir de mes réactions et de mes rêveries pendant cette période comme signes d’importants fantasmes structurants de notre relation, possiblement dérivés de quelque chose du monde interne et de l’histoire de l’analysant. En particulier, sur un plan plus profond, je pense avoir inconsciemment saisi l’angoisse, la colère, voire le désespoir qu’il ressentait en se voyant devant un objet pour lequel il sentait ne pas exister. Toutefois, il est vrai que pendant un certain temps je n’ai pas pu en prendre conscience, le transformer en un fait clinique et le travailler en analyse avec « A ». C’est pourquoi je considère que le principal facteur déclencheur de la psychopathologie relationnelle à ce moment-là, ou du moins celui dont il fallait prendre conscience et celui qu’il fallait changer parce qu’il était au premier plan comme le plus urgent, c’était mon absence mentale elle-même. Elle était responsable de la démentalisation de l’analysant, qui était à mon avis défensive. En outre, concernant cette période particulière, j’étais démentalisé aussi relativement à l’expérience émotionnelle en cours, mon esprit étant pris, de plus, par d’agréables fantaisies-écrans.
31Le fait d’avoir reconnu indirectement, devant l’analysant, mon absence mentale a servi, selon moi, à empêcher la perpétuation de la troisième phase du processus traumatique, telle qu’elle a été décrite par Balint (1969). Cette interruption a entraîné des effets thérapeutiques, dans la mesure où le jugement de réalité de l’analysant cessait d’être encore plus altéré. Enfin, je pense que l’un des facteurs responsables de la haine croissante de « A » dans les séances était sa déception face à mon impossibilité d’exercer à ce moment-là ma fonction, telle qu’elle est décrite par Winnicott (1965).
32Une autre analysante, « B », suivait une cure avec moi depuis environ deux ans. Elle avait une quarantaine d’années, était célibataire et venait d’une famille modeste. Elle avait réussi professionnellement grâce à son intelligence, à son engagement et à sa grande capacité opérationnelle. Elle avait perdu son père vers l’âge de 5 ans et évoquait vaguement, par de rares souvenirs, de possibles épisodes ou des tentatives d’abus sexuel de la part d’adultes dans un foyer où sa mère avait travaillé comme bonne. Ses relations affectives duraient peu, et elle avouait ne jamais parvenir vraiment à se donner émotionnellement. Les séances se caractérisaient par une permanente description factuelle de situations essentiellement professionnelles. Le récit était plat, rectiligne et éveillait en moi peu d’émotions et d’associations. Il me rappelait souvent la description de Bion (1962 b) au sujet de patients dont la parole amène l’auditeur à finir par dire : « Et alors ? » En revanche, elle avait eu quelques crises intenses d’angoisse pendant la nuit, toute seule dans son appartement, au point de me téléphoner, terrifiée, de peur de devenir folle et de finir ses jours dans un hôpital psychiatrique quelconque. Elle n’arrivait jamais à saisir ce qui aurait pu déclencher ces épisodes, qui n’avaient pas non plus de contenu idéationnel particulier. Elle trouvait – ou, plutôt, nous trouvions – parfois une apparente motivation dont nous n’étions pourtant pas émotionnellement convaincus et qui ne suscitait aucun élargissement ou approfondissement des associations. De temps en temps, elle se souvenait d’un fragment de rêve et le racontait. Il s’agissait toujours de parties décousues, fragmentées, éparses, de scènes violentes et agressives. Mais elle évitait ostensiblement de parler de ces expériences.
33Je me sentais souvent dans la position d’un auditeur devant une personne extrêmement sensible à toute inattention ou à tout changement dans le cadre analytique, et je devais être très attentif à tous les détails de son récit. Elle me laissait peu d’espace pour intervenir et, en général, elle semblait ne pas saisir les interventions ou, au contraire, elle se sentait tout de suite reprochée et blessée par ce que je lui avais dit. Elle craignait que les interprétations qui cherchaient à noter sa participation dans une situation quelconque ne puissent la laisser décompensée (sic), au détriment de l’équilibre émotionnel qu’elle considérait maintenir jusque-là. Je me sentais aux prises avec un équilibre instable. Il m’est venu à l’esprit l’image d’une enveloppe délicate contenant quelque chose de dangereux, qui pourrait se briser de manière désastreuse à tout moment, mais qu’il fallait tout de même ouvrir pour pouvoir établir un vrai contact.
34À un moment donné, je me suis rendu compte que je développais un symptôme à son égard. Je faisais attention depuis quelque temps, sans pour autant m’en rendre compte, aux chaussures que je porterais les jours de ses séances, ce qui habituellement ne fait pas partie de mes intérêts majeurs. Pendant un certain temps, je n’ai pu m’en occuper qu’intérieurement, sans parvenir à en faire un usage thérapeutique. Un jour, « B » a commencé à raconter une situation difficile, délicate et même risquée qu’elle vivait au travail. Elle l’a comparée à la traversée d’un sentier étroit et dangereux au sol pierreux. Cet emploi d’une métaphore, rare dans son cas, a particulièrement attiré mon attention. Puis, cependant, il m’est venu inopinément à l’esprit la scène d’une personne qui marchait sur ce sentier, pieds nus. En imaginant intensément la douleur que cela aurait provoqué, je me suis rappelé mon symptôme des chaussures. Sans trop y réfléchir, je lui ai parlé de cette image de quelqu’un qui marchait pieds nus, douloureusement sur un sol pierreux. L’atmosphère de la séance a tout de suite changé, et la salle m’a semblé prise d’un silence lourd, grave, angoissant, effrayant. En prenant un ton de voix et une expression générale tout à fait différents, « B », visiblement émue, m’a dit avoir offert une paire de chaussures à chacun des petits amis qu’elle avait eus, sans jamais y avoir réfléchi. Puis, en larmes, elle a raconté que son père s’était en fait suicidé devant elle, dans la cour de la maison, et qu’à cette époque-là la famille était si pauvre que son père avait été enterré pieds nus. Elle m’a dit que cette image lui venait à l’esprit avec une clarté étonnante : son père mort, dans un cercueil précaire fait de planches, pieds nus. Moi-même, j’avais du mal à contenir l’émotion déclenchée par ce récit et je craignais de me mettre aussi à pleurer. Enfin, je lui ai dit seulement que je comprenais la douleur qu’elle gardait en elle de tout cela.
35« B » m’avait déjà parlé de la mort de son père (mais non comme un suicide), mais, les rares fois qu’elle l’évoquait, cela semblait la description d’un fait qui lui était presque étranger, un événement de plus dans son enfance difficile, une douleur qu’elle ne parvenait pas à ressentir, pour employer la célèbre expression de Bion (1970). Il a fallu alors un long travail d’élaboration autour de cette situation émotionnelle (ainsi que d’autres), mais cela échappe à mon propos actuel. Tout comme pour le cas de « A », je dirais que, sur un plan plus profond, je saisissais inconsciemment l’angoisse que « B » cherchait à me transmettre, y compris ce que représentait pour elle se sentir pieds nus dans la vie, c’est-à-dire délaissée, sans soutien matériel ni émotionnel, en détresse, et par-dessus tout dans une condition vécue comme humiliante. Cependant, pendant un temps assez long, je n’ai pas pu à nouveau transformer tout cela en un fait psychanalytique et l’explorer en tant que tel avec « B », en la laissant donc encore une fois en détresse.
36Aujourd’hui encore je ne saurais dire quelles voies m’ont amené à saisir la question des chaussures au point de développer un symptôme, jusqu’à ce que je puisse contenir l’émotion présente et l’exprimer sous forme d’une image, floue au début mais tout de suite appréhendée et utilisée par « B ». Il est possible qu’elle ait subtilement observé mes chaussures et que, moi, je l’aie aperçu de façon subliminale.
37Dans ce cas, le trauma lui-même n’a certes pas eu son origine dans le présent, dans la relation analytique, mais il y a été actualisé et aurait pu se perpétuer, voire gagner une deuxième couche traumatique (en raison d’une nouvelle déception causée par un autre objet non contenant), si j’étais resté incapable d’accueillir, de traiter et de l’aider alors à revivre et à contenir ces émotions intenses. Je considère a posteriori que l’emploi d’une métaphore par l’analysante a indiqué en quelque sorte qu’elle avait, à ce moment-là, une capacité mentale et un niveau de symbolisation suffisants, peut-être même à la demande d’une approche plus profonde des émotions en vigueur. Mais ce fut aussi un moment où ma capacité de rêverie (Bion, 1962 b) ou de figurabilité (C. et S. Botella, 2002) était convenable et en phase avec « B », de sorte que la capacité de contenance du couple était adéquate à l’intensité de l’expérience émotionnelle qui poussait à une mentalisation thérapeutique.
38Un troisième analysant, « C », exerce un métier hautement technique et son autre intérêt majeur est la musique érudite. Enfant fragile, asthmatique, il s’est consacré très tôt à la lecture et à la musique, en s’isolant dans sa chambre tandis que ses frères jouaient avec les voisins.
39Il s’est beaucoup développé dans son domaine professionnel et, au bout de quelques années d’analyse, il a réussi à avoir une relation affective durable et stable, en surmontant une vraie compulsion à des pratiques sexuelles très risquées. Vers l’âge de 50 ans, en affrontant quelques problèmes de santé ainsi que des difficultés professionnelles, il a commencé à avoir des crises d’anxiété, des blocages de la production intellectuelle. Les compulsions sexuelles sont revenues, cette fois-ci seulement virtuellement, via Internet. Il sentait, cependant, que cela pourrait évoluer facilement vers des comportements réels et détruire la relation affective à laquelle il tenait beaucoup maintenant.
40Après un bilan de santé, il a reçu le résultat de son examen PSA (Antigène spécifique de la prostate – ASP), dont le dosage était anormalement élevé. Le médecin lui a annoncé qu’il y avait 40 % de « chances » qu’il s’agisse d’un cancer de la prostate et 60 % d’un cas d’infection, et lui demanda de pratiquer au plus vite une biopsie.
41Dans la séance où il a raconté cette situation – c’était un vendredi –, il s’est montré très bavard et anxieux (sans le reconnaître), tout en affirmant que son inquiétude concernait essentiellement la conclusion de certains travaux en cours.
42Il a dit préférer qu’il s’agisse d’un cancer, car, d’après lui, une chirurgie résoudrait vite le problème, grâce au dépistage précoce. Une infection, par contre, demanderait, à son avis, un traitement long et inconfortable. En réponse à mes tentatives d’aborder ses craintes, il disait que ce n’était qu’un embarras de plus propre à l’âge (sic).
43Quelques jours plus tard – le mardi suivant, c’est-à-dire sa première séance de la semaine –, la biopsie a été faite, et le lendemain il a décrit pendant la séance, sur le ton d’un rapport factuel, la douleur provoquée par les diverses incisions et les traces de sang, ainsi que l’inconfort de devoir porter une sorte de protège-slip après avoir quitté la salle ambulatoire où l’examen avait été fait. Il a raconté aussi qu’il était parti ensuite s’occuper d’un document à renouveler et avait téléphoné au médecin de son père pour se mettre au courant de l’évolution du traitement du cancer de ce dernier. Son partenaire, très affligé par l’examen, a même demandé une grâce à un saint (ce qui n’est pas dans ses habitudes), pour que le résultat ne soit pas une tumeur maligne. « C » lui a durement reproché son attitude qu’il considérait ridicule. Il s’est alors remis à parler de ses projets intellectuels en les décrivant dans le détail et en se montrant étranger à mes tentatives de lui signaler que la réaction de son partenaire pourrait traduire les craintes que lui-même ne parvenait pas à ressentir. J’ai également essayé d’associer cette difficulté au fait que – comme il avait déjà été prévenu – je n’allais pas le recevoir le vendredi suivant, de sorte qu’il se trouverait sans mon aide dans ce moment difficile.
44Vers la fin de la séance, cependant, il a raconté le rêve qu’il avait eu cette nuit-là : il devait appeler un avocat qu’il connaissait – qui porte d’ailleurs le même prénom que lui – pour parler d’une affaire concernant les droits d’héritage des couples homosexuels. Il hésite et repousse l’appel, mais son partenaire l’encourage à le faire. Il se réveille sans savoir s’il l’a vraiment fait. J’ai signalé son hésitation sur le fait de dialoguer avec lui-même sur ses angoisses actuelles, y compris la peur de la mort. J’ai associé le partenaire, dans le rêve, à moi-même, c’est-à-dire à mes tentatives de le conduire à ce contact interne. Pendant la séance, toutefois, la situation d’un proche présentant des signes évidents de cancer me venait souvent à l’esprit, au point de m’éloigner momentanément du contact avec lui. Je pensais à ce que je considérais comme la réaction appropriée d’inquiétude et d’angoisse en la comparant parfois avec celle de « C ». Je lui ai alors dit – sur un certain ton d’exaspération sous-jacent, je crois – que dans une telle situation toute personne réagirait normalement avec plus d’inquiétude que celle qu’il affichait, comme c’était le cas de son partenaire. « C » s’est contenté de rétorquer tout de suite que lorsque l’on est adolescent on n’a pas ce genre d’inquiétude avec la prostate, et a regretté une fois de plus le passage inexorable du temps.
45Cette nuit-là, la veille de l’arrivée du résultat de la biopsie, lorsqu’il s’est couché, « C » a commencé à éprouver un état d’angoisse croissant. Il ne parvenait pas à s’endormir et soudain il lui est venu à l’esprit une succession ininterrompue et épouvantable de fragments d’images – presque réelles, selon sa description – contenant du sang, des morceaux de chair, des cochons abattus, vidés et pendus par des crochets de boucherie, des outils coupants et tranchants, des couteaux, des bistouris, de l’éjaculation avec du sang (le médecin l’avait averti que cela pourrait se passer après la biopsie), des coupes chirurgicales, des lacérations.
46Dans la tentative de se distraire et de fuir ces images (qu’il a considérées comme presque hallucinatoires), il a mis ses écouteurs et choisi d’abord un CD de musique érudite uniquement instrumentale. Face à son échec, il a choisi la Trilogie de la Solitude de Glenn Gould, constituée, selon lui, de voix de personnes vivant dans la solitude extrême du nord de l’Alaska, où chacune chante non seulement d’une voix différente mais aussi des contenus différents. Il croyait qu’en essayant de prêter attention simultanément à chacune des voix il parviendrait à occuper son esprit et à éliminer les images épouvantables. Sans le résultat attendu, il s’est mis à penser à des extraits d’un texte qu’il avait écrit il y a quelque temps sur l’incontournable déclin physique des personnes, et, enfin, à l’aube, il s’est endormi.
47Le lendemain, en se souvenant des scènes, il les a associées à l’image décrite par un ami, encore à l’adolescence, où celui-ci se voit dans le miroir, le visage taché de sang après avoir pratiqué le sexe oral avec une copine en période de menstruation ; cela l’excite mais, malgré son désir, il n’est pas capable de tenir son excitation.
48Dans la séance, après l’avoir écouté, je lui ai dit que je comprenais son angoisse. Je l’ai associée à la peur concernant le résultat de la biopsie, qu’il allait avoir cet après-midi-là. Nous avons également compris ses tentatives défensives d’érotiser cette situation.
49Le résultat fut négatif pour une tumeur maligne.
50Les séances suivantes, il lui venait constamment à l’esprit ou alors il se rappelait nettement des fragments de rêves contenant des images abstraites (sic), qu’il associait à des plans de projets architecturaux, toujours très rectilignes, rectangulaires, logiques. Il ne pouvait plus rien associer à ces figures, sauf le fait que ces dernières années il avait commencé à préférer l’expressionnisme abstrait de Jackson Pollock au néoplasticisme de Mondrian. J’ai interprété ces figures comme une tentative de maîtriser, de façon logique et abstraite, les épouvantables images expressionnistes fragmentées qui l’avaient envahi à la veille du résultat de la biopsie, tout en considérant que le contenu et surtout la forme de ce qu’il exprimait dans les séances dénotaient l’usage défensif de l’intellectualisation, ainsi qu’un fantasme déjà connu d’exhibitionnisme et de supériorité envers moi. Lui-même a ultérieurement relié tout cela à l’intérêt profond et précoce qu’il avait développé, en tant que garçon fragile, asthmatique et solitaire, pour des théories complexes et pour la musique érudite moderne.
51Par la suite est apparu dans les séances le thème de Mowgli l’enfant-loup, de Kipling, qui a commencé à l’intéresser outre mesure dans cette période, plus que ces activités habituelles. Il était particulièrement touché par la détresse initiale de l’enfant et par l’accueil offert par le Père Loup, le chef de la bande, qui le protégeait ainsi contre le tigre. Celui-ci voulait le tuer parce qu’il représentait les hommes porteurs du feu destructeur de la forêt. En suivant ce fil associatif, « C » a raconté un rêve de la façon suivante :
« J’accompagne mon frère cadet voir un ami à lui qui fait du camping avec sa sœur au milieu de la forêt. Nous sommes tous les deux petits ; je dois avoir 12 ou 13 ans et lui 5 ou 6. Le garçon que nous cherchons a effectivement été son meilleur ami d’enfance. Nous avons été voisins pendant de longues années. Son père était alcoolique et a perdu un bras dans un accident, en obtenant ainsi le droit d’importer une voiture américaine à boîte de vitesses automatique qui faisait fureur dans le voisinage. Il arrivait à la maison presque tous les soirs ivre, se disputait et faisait peur à la famille. Dans le rêve, quand nous nous sommes approchés du campement, nous avons remarqué que cet ami était devenu fou et tirait dans toutes les directions, au grand risque de nous toucher. Nous nous sommes alors cachés à l’intérieur de la carcasse d’une voiture abandonnée dans cette forêt, mais les balles commencent à l’atteindre et à la perforer. J’essaie de protéger mon frère et je deviens si épouvanté que je me réveille, soulagé de constater que ce n’était qu’un rêve. Puis je me suis rendu compte que c’était la voiture de notre voisin alcoolique et privé d’un bras. »
53Plusieurs aspects importants de la vie émotionnelle de l’analysant ont été travaillés autour de ce rêve. Concernant mon propos actuel, je relève seulement son désir de rencontrer une petite partie de lui, dépendante et en détresse, exposée à une autre partie agressive et destructive ainsi qu’aux incisions et aux menaces de la biopsie, associé au sentiment que je pourrais non seulement être incapable de l’accueillir et de le protéger (la carcasse vulnérable de la voiture abandonnée, l’homme privé d’un bras) mais aussi de le réprimander (le père alcoolique qui fait peur aux enfants au lieu de s’occuper d’eux). Des fantasmes de castration ont fait jour. Tout cela a pu être ultérieurement associé à des situations de son enfance, mais ce n’est pas mon propos actuel.
54Mon principal intérêt concernant cet exemple est d’illustrer les événements psychiques qui ont lieu au moment de la démentalisation ou, du moins, dans les situations où le danger de sa survenue est très proche. Je ne saurais dire si les phénomènes qui se sont produits pendant la nuit d’insomnie, à la veille du résultat de la biopsie, décrits par l’analysant lui-même comme presque hallucinatoires, ont déjà été des tentatives de rétablissement de l’appareil mental provisoirement destructuré, ou alors les derniers recours pour empêcher cela de se produire. Quoi qu’il en soit, il me semble que ce sont des événements aux frontières de la démentalisation et qu’il est important de souligner la suite des phénomènes psychiques, qui ont commencé par quelque chose de visuel (les presque hallucinations), en passant par l’auditif (la mélodie sans paroles), pour atteindre le verbal (le chant et les paroles écrites). En principe, cela correspondrait à l’ontogenèse de la construction du psychisme telle qu’elle avait été postulée par Freud (1915 b), dans la mesure où les représentations de chose (essentiellement visuelles) précèdent les représentations de mot (liées à des restes acoustiques) et demeurent la forme de représentation qui caractérise le processus primaire. Je souligne, en outre, les desseins d’érotisation de l’expérience traumatique dans le souvenir de la description, faite par son ami, du visage taché de sang après le sexe oral. Je le comprends comme une tentative de survie psychique dans laquelle le recours à la libido sert à contenir l’action des pulsions destructives, mais peut aussi représenter le point de départ d’une perversion sexuelle. Dans ce troisième exemple, je pense qu’il y a aussi un lien immédiat avec la relation analytique, concernant à nouveau des problèmes de contenance du couple, même si à la rigueur les presque hallucinations ont eu lieu ailleurs. Ainsi, en plus des difficultés de l’analysant à contenir des expériences émotionnelles intenses, dont témoigne son fonctionnement psychique habituel, l’annonce de l’annulation de la séance du vendredi a dû engendrer un sentiment d’abandon chez « C » et, je le pense, ma culpabilité concernant le fait de le laisser tout seul dans cette circonstance. Tous les deux, l’abandon et la culpabilité, ont dû compromettre la capacité analytique du couple. Mais, plus directement, il y a eu également des signes de moments d’un détachement mental de ma part, sous la forme des pensées tournées vers le cancer d’un proche et d’une certaine exaspération dans les interventions, par rapport à l’immédiat de l’expérience émotionnelle dans la relation et par rapport à ma capacité de contenance pendant ces séances. En d’autres termes, tout en essayant de l’aider à se mettre en contact avec lui-même, je m’éloignais, de mon côté, de sa propre angoisse et me tournais vers une situation inquiétante extérieure, ce qui était aussi un moyen de me défendre de l’angoisse plus immédiate de la séance. Alors que, dans le cas de l’analysant « B », je pense avoir réussi à saisir et à mettre à profit un moment de plus grande capacité mentale de celui-ci, et donc de disponibilité et de conditions pour faire face à des émotions très douloureuses, dans ce dernier cas, au contraire, j’estime ne pas avoir assez perçu combien « C » était incapable de le faire ; j’ai peut-être fini par l’accabler par des interventions prématurées ou, du moins, peu accueillantes.
55Toutes ces défaillances de contenance ont été, à mon avis, signalées et représentées par l’analysant dans le rêve de la forêt.
56Enfin, je pense que la répétition des images abstraites vives, vécues et relatées pendant les séances étaient des phénomènes dont les fonctions psychiques ressemblaient à celles des phénomènes de la nuit blanche, bien que nettement plus évoluées en termes de mentalisation.
Formulations théoriques et commentaires
57Le concept de situation psychanalytique traumatique fondamentale – que j’espère avoir illustré à travers les cas cliniques exposés ci-dessus – est fondé sur les concepts vides de Bion (1962 b), cités dans l’introduction de cet article, ainsi que sur la théorie des représentations de Freud (1915 a, 1915 b), telle qu’elle a été systématisée et développée par Green (1990, 1995).
58Dans une approche bionienne, le trauma pourrait être conceptualisé comme une accumulation d’éléments bêta ou d’objets bizarres, résultant d’une atteinte plus ou moins importante à la fonction alpha de l’analysant, de l’analyste ou, en termes intersubjectifs, à celle du couple dans la séance, comme une forme radicale de défense contre l’expérience émotionnelle d’un événement relationnel vécu comme intolérable. Cette destruction plus ou moins localisée de la fonction alpha est responsable de la zone de démentalisation référée dans la présentation du concept de « situation traumatique fondamentale ».
59Sous ces conditions, un analysant peut par exemple (Bion, 1959) parler d’une table de telle sorte que nous comprenons que cela ne correspond pas à ce que nous entendons par ce mot dans son emploi courant. Ce mot ne s’accompagnera pas de la pénombre d’associations qui, pour chacun de nous, s’intègre au sens courant et semblera, au dire de Bion, une note musicale pure, sans ses harmoniques normales. Quant aux émotions, cet analysant sera incapable de les nommer ou de les mettre en image, et donc, même s’il les perçoit, il ne peut pas leur attribuer de sens. Par conséquent, la douleur (ou le plaisir) est sentie mais n’est pas ressentie, et c’est pour cette raison qu’elle ne peut pas être dévoilée (Bion, 1970).
60La fonction alpha restante sera surtout mise au service de la production compulsive de formulations psychiques pouvant être inscrite dans la colonne 2 de la grille de Bion (1977), c’est-à-dire des formulations que l’on sait être fausses, soutenues en tant que barrières pour essayer de retenir un cataclysme psychique complet. Cela inclut l’usage saturé de la mémoire, le désir et la compréhension de la part de l’analysant, de l’analyste ou du couple analytique (Bion, 1970).
61Cela dit, nous pouvons supposer que dans la première situation clinique décrite (analysant « A »), par exemple, la défaillance de la fonction alpha dans le cadre analytique, entraînée principalement par mon absence mentale, a provoqué un phénomène psychosomatique (la réactivation du syndrome des jambes sans repos) et un objet bizarre sous la forme d’une possible hallucination cénésthésique (la masse spongieuse qui serait en train d’envahir son cerveau). Quant à l’objet bizarre en tant que tel, il serait intéressant de remarquer qu’il implique à la fois la matérialisation de la sensation d’une accumulation croissante d’émotions non traitées (la masse expansive) et des résidus de mentalisation, dans la mesure où il n’est pas sans représenter aussi les zones de démentalisation elles-mêmes (les trous du tissu spongieux).
62Chez « B », une capacité de contenance et une fonction alpha insuffisantes aux émotions traumatiques du passé, ramenées dans la relation analytique, provoquent des crises émotionnelles dépourvues de sens (syndrome de Krakatoa, selon Ferro, 1999, p. 19) et un fonctionnement mental permanent ayant une vie imaginative pauvre.
63En ce qui concerne le troisième cas, « C », lors de la défaillance extrême de la fonction alpha la nuit de l’insomnie, apparaissent également des objets bizarres dans les presque hallucinations décrites par l’analysant.
64À partir de la théorie des représentations, je pense que nous pourrions concevoir le noyau traumatique comme le résultat de l’utilisation défensive de la fonction désobjectalisante (Green, 1993) de la pulsion de mort (activée par le vécu traumatique), et ce dans le but de délier le représentant psychique de la pulsion des principales représentations de chose inconscientes liées à une expérience relationnelle vécue comme intolérable. Cela signifie un démontage de la matrice cruciale du système de représentations constitutif du psychisme. En conséquence de cette déliaison matriciale, de cette sorte d’automutilation psychique défensive, surgit, d’une part, un excédent pulsionnel (sexuel et destructif) désintriqué et sans représentation (constitutif du noyau traumatique pur), et, d’autre part, des représentations de chose (ou des traces mnésiques) désinvesties. Les représentations de mot et de chose préconscientes et conscientes liées au trauma peuvent même continuer d’exister mais, pour la plupart, sans liens avec les représentations de chose inconscientes correspondantes, ce qui expliquerait le phénomène clinique, observable dans ces cas, de savoir ou de faire quelque chose sans le vivre émotionnellement. Cela pourrait être illustré par la façon dont « B » me racontait l’épisode infantile de la mort de son père.
65De plus, on peut encore repérer dans les récits cliniques présentés les mouvements psychiques suivants :
66a) Une réaction compensatoire des pulsions de vie dans la tentative de surinvestir sans cesse les mêmes représentations de chose désinvesties par l’action de la pulsion de mort afin d’éviter le démontage du système psychique, vécu comme la mort de l’esprit. Les presque hallucinations et la séquence de phénomènes psychiques ayant eu lieu pendant la nuit d’insomnie, décrits par l’analysant « C », pourraient être comprises comme des réponses psychiques reconstitutives de ce type.
67b) Une tendance à poursuivre le travail de déliaison de la pulsion de mort activée et désintriquée, qui conduit à la forclusion (Verwerfung) (Freud, 1918), du représentant psychique de la pulsion (Green, 1990), et par là le retour de l’excitation endosomatique sur le corps, déclenchant la « dépression essentielle » (Marty, 1990) ainsi que des phénomènes psychosomatiques. La manifestation psychosomatique de « A » peut être comprise à partir de ce processus. Comme on le sait, nombre de patients ayant vécu des histoires traumatiques présentent des psychosomatoses (Marty, 1990).
68c) La forclusion (Verwerfung) dans le réel des représentations de choses encore douloureuses (Freud, 1918 ; Lacan, 1966), ce qui provoque des phénomènes hallucinatoires. C’est le cas, à mon avis, de la possible hallucination de « A » quant à la masse spongieuse qui détruirait son cerveau.
69Tout ce processus de déliaison provoqué par la pulsion de mort constitue, comme Green (1993, p. 123) l’observe bien, quelque chose qui s’oppose au travail de deuil – métaboliseur et conservateur de l’objet – promu par la pulsion de vie.
70On ne peut pas exclure la possibilité que l’excès d’excitations internes (pulsionnelles) ou externes – et non une action défensive active de la pulsion de mort – empêche sa représentation psychique ou la détruise. C’est d’ailleurs la thèse freudienne originale du trauma. Je pense qu’à présent la seule base clinique ne permet pas de résoudre ce genre de controverse théorique.
71Les deux formulations concernant la situation psychanalytique du trauma fondamental exposées ci-dessus découlent de deux contextes théoriques qui ne sont pas nécessairement superposables et qui sont peut-être même excluants sous certains aspects ou par rapport au positionnement épistémologique de base. Je crois cependant que tous les deux peuvent être utilisés dans l’approche du même problème au moyen de l’emploi du point focal altéré proposé par Bion (1961).
72En parlant du besoin d’observer aussi bien le groupe de travail que le supposé de base dans le fonctionnement groupal, Bion affirme :
« Je me rappelle d’avoir un jour observé au microscope une portion très épaisse ; un des points focaux me permettait de voir une image, non très clairement peut-être, mais assez nette. Si je déplaçais le point focal très légèrement, j’en voyais une autre. Par analogie à ce que je fais mentalement, je jetterai alors un autre regard sur ce groupe et décrirai la configuration de ce que je vois à travers ce point focal altéré » (p. 40).
74En m’appuyant sur cette analogie, je dirai que, lorsque je cherche à observer la situation traumatique fondamentale à travers le point focal bionien, je me sens mieux placé pour comprendre ce qui se passe entre l’analysant et l’analyste en termes de jeu d’identifications projectives et introjectives. En outre, je comprends mieux l’état mental et le travail psychique nécessaires pour réussir à saisir, à donner sens et à utiliser analytiquement les émotions présentes dans la relation.
75Toutefois, je ne parviens à concevoir qu’en termes plus généraux la défaillance du fonctionnement intrapsychique dans cette situation. Je parle d’un déficit de la fonction alpha, mais je me demande jusqu’à quel point je sais ce que cela veut vraiment dire. Est-ce que je connais effectivement les facteurs (Bion, 1962) constitutifs de cette activité mentale qui y seraient impliqués ? Je crains, de plus, qu’en employant cette expression dépourvue de sens, comme l’observe Bion (1962), je ne puisse non seulement la réifier mais aussi l’utiliser, en la considérant déjà expliquée, en tant que formulation pouvant être inscrite dans la colonne 2 de la grille.
76Si, d’un autre côté, j’altère le point focal et que je me sers de la théorie des représentations, je pense pouvoir formuler avec une plus grande clarté et de façon plus détaillée la déstructuration intrapsychique du système de représentations qui – je le répète – constitue le noyau de la situation traumatique.
77En revanche, je me crois moins capable de théoriser les fonctions de l’objet et d’expliquer ce qui se produit intersubjectivement dans la relation analytique.
78Il se peut aussi que les limites que j’ai soulignées par rapport aux deux focalisations référées découlent de ma connaissance insuffisante de chacune ; autrement dit, suivant la métaphore de Bion, la difficulté est peut-être du côté de l’observateur au microscope.
79Quoi qu’il en soit et pour toutes ces raisons, je me vois souvent en train d’altérer mentalement la focalisation, selon le plus gros besoin du moment. Ainsi, la déliaison matricielle entre le représentant psychique de la pulsion et la représentation de chose – noyau de la situation traumatique – pourrait correspondre à une forme ou à un niveau d’attaque au lien, décrite par Bion (1957). Comme on le sait, pour Bion cette attaque peut concerner depuis le lien avec l’analyste jusqu’aux matrices primitives de la vie mentale, comme c’est le cas, à mon avis, de la déliaison dont il est question.
80Ce qui est toutefois essentiel, c’est de ne pas nous laisser dominer par l’objet d’étude lui-même et, traumatisés par la complexité de la notion du trauma, renoncer à la représenter dans nos formulations théoriques, ou alors n’utiliser ces dernières que pour dissimuler ce que nous méconnaissons essentiellement. Cette notion qui accompagne la psychanalyse depuis sa préhistoire, comme on l’a rappelé au début de ce travail, suscite encore des hypothèses, des controverses, des débats, des colloques, ce qui dénote à la fois ses enjeux et son importance clinique, sa fécondité heuristique.
81(Texte traduit par Vanise Dresch.)
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Mots-clés éditeurs : Excitation, Démentalisation, Traumatique, Capacité de contenance, Bion, Trauma, Point focal altéré
Notes
-
[1]
Cet article est une version raccourcie. La version intégrale pourra être consultée dans l’International Journal of Psycho-Analysis, 2005, vol. 86, no 2, 267-290.