1La conduite addictive, comme quête d’affranchissement de la dépendance affective vis-à-vis des objets externes et internes, induit une autre forme de dépendance qui en prend le relais et la renforce paradoxalement.
2La question est alors de savoir quels pourraient être les rapports entre ces deux formes de dépendance. Mais ce mot très polysémique du langage courant ne fait-il pas illusion ? La notion de dépendance affective est descriptive et de première approximation clinique. Il appartient à l’investigation psychanalytique d’en démêler les modes de composition, l’organisation et la genèse. Les cas dans lesquels un processus analytique se développe s’y prêtent mieux que d’autres.
3En matière d’addiction, il s’agit d’abord de la pharmaco-dépendance des toxicomanes. La place tenue par son déterminisme neuro-chimique la met apparemment hors de portée de la psychanalyse. Mais les parentés cliniques entre les diverses addictions, et notamment les “ toxicomanies sans drogue ”, conduisent à l’idée de l’appétence et de l’accoutumance, soit, selon les critères les plus généralement admis, la compulsion et la dépendance d’un comportement (Goodman, 1990). La définition clinique contemporaine de cette dépendance est faite sur trois critères :
- — la répétition compulsive d’une activité ;
- — sa persistance malgré ses conséquences néfastes ;
- — l’obsession de celle-ci.
4On voit qu’elle correspond aussi bien à la prise de toxiques qu’au trouble du comportement alimentaire, l’excès et la restriction, c’est-à-dire la boulimie et même l’anorexie.
5Qu’il s’agisse d’un comportement comme conduite agie, comme réalisation (cf. A. Green, 2000, p. 97), implique la triple référence au cerveau, au social proche et à la culture d’une manière qui met en échec la distinction classique de la nature et de l’esprit, des sciences naturelles en quête de savoir positif, de causalité universelle, et les sciences de la culture qui font appel à la compréhension et à l’interprétation à partir des régularités dégagées de la singularité des cas. Ainsi, la généralisation d’inspiration biologique suscite la définition d’un type de personnalité supposé inné, tel que la “ personnalité dépendante ”. À l’opposé, la dimension culturelle de la dépendance trouve place dans les multiples interprétations de l’adolescence. Mais la collusion entre la biologie et la psychologie sociale fait disparaître l’objet même de la psychanalyse dont la méthode exclut l’investigation biologique et l’enquête sociale pour donner toute sa place à l’expression verbale du pulsionnel inconscient et au repérage dans l’organisation psychique singulière des effets historiques des facteurs biologiques, familiaux et culturels. Comment le pulsionnel inconscient pourrait-il ne pas être en cause au cœur même de la théorie des addictions ?
6En psychanalyse, le mot de “ dépendance ” suggère immédiatement trois significations :
- — les “ états de dépendance du moi ”, selon la deuxième topique freudienne : le ça, le surmoi et la réalité (dont le corps et l’objet comme pôle extérieur d’investissement : la relation d’objet) ;
- — non pas l’hypnose mais le transfert et la névrose de transfert : et plus précisément la question du transfert addictif, de l’ “ addiction à la psychanalyse ” ;
- — le cadre général du développement humain : de la dépendance absolue (du fait de la néoténie) à l’indépendance relative. Ce dernier point de vue conduit à la distinction du besoin (dont l’ “ attachement ”) et du désir. Leur rapport définit la dépendance dite anaclitique en référence au modèle freudien de l’étayage.
7Avant d’en venir aux constructions métapsychologiques nécessaires, je rappelle quelques problèmes de la psychopathologie des addictions, les grandes références psychanalytiques utiles à la perspective proposée, dont le rapport avec la sexualité et l’auto-érotisme. Après avoir explicité mon point de vue, je l’illustrerai par deux exemples cliniques.
DANS LA PSYCHOPATHOLOGIE ACTUELLE
8L’addiction est définie par des critères sémiologiques hétérogènes et considérée comme un “ processus pluridimensionnel et polyfactoriel ”. Le risque est d’invoquer par le terme d’ “ addiction ” un principe explicatif très général, passe-partout, sans valeur scientifique, suscitant des images sociales du pathologique ayant de fortes implications morales. Le risque est qu’il soit au service des attitudes de rejet et de stigmatisation, mais sans doute à un moindre degré que celles du drogué, de l’alcoolique et du pervers (cf. les euphémismes conjuratoires de ce risque : “ les personnes en affaire avec l’alcool ”, “ l’adolescent en affaire avec la drogue ” (J. Guillaumin)).
9La problématique “ multi-axiale et transdisciplinaire ” des addictions est devenue un lieu de débats au cœur de la psychopathologie contemporaine avec des enjeux institutionnels importants : les centres d’addictologie, les postes, les recherches de financement privilégié, etc. Mais on ne peut nier les différences entre les addictions, surtout si l’on y inclut, ce qui est très discutable, l’addiction au jeu, à l’autre, au sexe, aux achats inconsidérés, la kleptomanie, au travail, etc. La similitude sémiologique par quelque aspect descriptif n’est pas suffisante, mais l’éparpillement en fonction des présupposés théoriques et pratiques traditionnels ne l’est pas non plus.
10Des tentatives de dépasser les clivages entre les points de vue biologique, sociologique, psychologique et psychanalytique proposent, par exemple, un modèle dit “ intégré ” à partir des notions de dépendance et d’ordalie. La vulnérabilité aux addictions est expliquée par les aléas de l’ “ attachement ” et de la résilience dans une conception développementale et traumatologique simple. Les addictions seraient “ une nouvelle façon de penser (ou panser selon Ph. Jeammet, 2000) la souffrance psychique ” (M. Valleur et J..C. Matysiak, 2002). L’absence de prise en compte des différences épistémologiques qui fondent les divers points de vue rend évidemment fragiles ces tentatives d’intégration et de totalisation qui ont en commun la négation de la causalité psychique inconsciente au profit d’une conception développementale dite bio-psychosociale finalisée par le projet d’intégrer le biologique et le socioculturel. On voit le risque d’amalgame syncrétique et l’impossibilité d’y trouver le fondement d’un projet thérapeutique.
11Dans une autre direction, on peut soutenir l’idée que la signification addictive de nombreux comportements et de nombreuses activités observés en clinique montre bien qu’il ne s’agit pas d’une catégorie exclusive, mais plutôt d’une dimension qui prend des proportions très diverses dans la vie des sujets et sans doute de tout le monde. Plus que l’addiction comme entité isolable, il s’agirait du caractère addictif de certaines conduites, donc d’une qualification de celles-ci, ou de la caractéristique de certains processus différents qui passent ou non par des phases typiques. Semblables, mais non identiques, sont les étapes de l’illusion, de la désillusion, de la dépendance, de l’inversion de la jouissance en souffrance, du déni au désarroi.
12Ce qui est commun aux principales formes cliniques d’addiction au sens strict, c’est la logique d’un comportement consommatoire producteur d’une expérience nouvelle qui peut survenir dans des contextes divers, mais tout particulièrement à l’adolescence et dans les organisations non névrotiques. Le rapport avec les états limites était déjà établi par la description des toxicomanies dans le cadre des “ états transitionnels ” par Glover en 1932. La référence à la fixation orale ou à son absence ont fondé à la même époque, notamment en référence à K. Abraham, de nombreuses théorisations. En 1981 et par la suite, J. Bergeret et d’autres auteurs avec lui, attentifs à la dimension sociale et culturelle de la toxicomanie des adolescents et prenant en compte toute l’envergure du problème, parlaient de maladie de la civilisation, de l’estime de soi, récusaient la notion d’une structure spécifique pour décrire une relation d’objet caractérisée par la dépendance (anaclitique), une disposition affective profonde possible dans toutes les organisations psychiques. Elle serait reconnaissable à certains traits comme le manque d’élaboration, l’importance de l’agressivité, le déficit, la violence non intégrée, la recherche d’une solution magique. Il insista par la suite (1988) sur la dépression essentielle, le trouble des régulations pulsionnelles, la carence narcissique et auto-érotique dont les effets se révèlent dans la problématique de l’adolescence et dans celle des états limites. Plus récemment, G. Guillaumin a décrit la désymbolisation de la pensée (2001).
13C’est dans le cadre extensible de la clinique des états limites que l’addiction a été expliquée par les troubles de l’identité, le faux self adaptatif, les difficultés de relation affective, la dépressivité, l’angoisse, le vide et, du point de vue métapsychologique, le polymorphisme et l’inefficacité des mécanismes de défense n’empêchant pas l’angoisse, la détresse, voire le désespoir. S’y ajoutent l’absence apparente d’ancrage dans l’organisation œdipienne, l’importance des mécanismes de clivage et de projection, la destructivité, la fragilité narcissique dans les rapports avec les objets qui sont toujours trop loin ou trop près, entre l’abandon et l’intrusion dépossédante de soi.
14Mais le terrain sur lequel prend comme une greffe le comportement addictif n’est pas toujours d’emblée repérable. Il est masqué par le processus dont les étapes ont une temporalité propre qui tend à se substituer à l’hétérochronie normale de la vie psychique. En première approximation, l’addiction comme conduite addictive implique l’acte et le corps, la compulsion et la dépendance dans la recherche d’une satisfaction solitaire, sans pensée, sans parole, dans un temps différent ou aboli : effet du processus addictif plus que d’une hypothétique “ forclusion de la temporalité ” comme mécanisme psychique.
15Les difficultés de verbalisation et d’élaboration dans la relation clinique rendent nécessaire une investigation active portant sur l’expérience subjective consciente et préconsciente avant que l’anamnèse associative ne soit possible. Les cas privilégiés permettent de construire des hypothèses sur les liens entre le comportement qui fait écran et le fonctionnement psychique, et de les valider dans le travail psychanalytique, mais ils laissent sans réponse la question des limites de la généralisation des conclusions. Devant le monomorphisme du tableau clinique qui résulte de la logique du processus, il est alors possible de repérer ce qui lui échappe et qui reste vivant, actif, indicateur de la singularité personnelle. C’est un point d’appui et un moyen de nouer l’alliance de travail. Le postulat de la méthode est que des conflits intra-psychiques, éventuellement en rapport direct avec des situations traumatiques et leurs effets après coup, ont trouvé issue, à défaut de trouver solution, dans les conduites agies – en l’occurrence, un comportement consommatoire. Celui-ci est devenu de plus en plus autonome, anormal et contraignant à la mesure des fonctions qu’il remplit vis-à-vis des effets de la conflictualité interne ainsi évités. Apparaissent d’abord les fonctions tenues par l’addiction d’évitement, de substitution, d’excitation et de décharge. Mais la question centrale est celle de la réorganisation de l’économie pulsionnelle qui en résulte.
LES MODèLES THéORIQUES
16En tant que comportement plus ou moins contraignant et automatisé, l’addiction ne peut pas être expliquée et interprétée comme un symptôme névrotique, mais elle est susceptible de se transformer en celui-ci. D’où la diversité des théorisations psychanalytiques. Une question sans réponse simple s’impose d’emblée : ce qui est inspiré par certaines formes d’addiction prises pour type est-il généralisable ? Les plus grandes différences sont-elles entre les psychanalystes, entre les formes cliniques d’addiction ou entre les modes d’organisation psychique sous-jacents ou adjacents ?
17La diversité des théorisations psychanalytiques, leur caractère partiel par déplacement de modèles venus d’autres domaines, s’explique par la centration sur telle ou telle forme d’addiction, mais aussi par la nécessaire participation active de l’analyste. Initialement au moins, elle est de l’ordre de la psychothérapie par la nécessité de créer un lien, de susciter un intérêt et un espoir, d’avoir un effet réparateur, ne serait-ce que par l’investigation, l’attention soutenue vis-à-vis du patient, de son histoire personnelle et, surtout, de sa parole et de son activité de penser. Beaucoup d’auteurs ont ainsi décrit un temps préalable au travail psychanalytique proprement dit. Il ne s’agit pas seulement de la réparation narcissique et de la séduction par une écoute attentive démarquée de toute position prescriptive ou normative, mais de la sollicitation active d’une pensée interrogative sur soi. Il est logique que le mode de fonctionnement psychique en séance soit ainsi induit par le style de la communication, le contre-transfert antérieur au transfert et les théories d’attente du psychanalyste.
18La pluralité des modèles théoriques peut donner l’impression d’un abord latéral qui ne retient qu’une partie de la problématique et parfois la partie la plus contingente, et cela en fonction des courants de la pensée psychanalytique et de l’accessibilité à l’analyse de tel ou tel patient. Ainsi peut être considéré comme organisation addictive ce qui n’est qu’un aspect de configurations cliniques dont l’axe majeur est ailleurs. L’addiction peut être, en quelque sorte, annexée au service de thèses qui à la fois débordent largement et méconnaissent ses spécificités relatives. Il en est de même pour l’anorexie mentale par exemple.
19Quoi qu’il en soit, le caractère compulsif des conduites de dépendance semble appeler directement la théorie des pulsions au sens le plus restrictif, celui de leur ancrage biologique, toxique, dans la conception freudienne de la libido.
20Freud a peu traité de la toxicomanie, embarrassé par sa culpabilité d’avoir induit la coca ïnomanie de son ami Fleisch et, sans doute, pour d’autres raisons personnelles. La rareté des écrits donne encore plus de relief à des citations souvent faites. Dans la lettre à Fliess no 79, le 22 décembre 1897, il évoque la psychanalyse des habitudes morbides et considère la masturbation comme un besoin primitif : “ J’en suis venu à croire que la masturbation est la seule grande habitude, la toxicomanie (ou addiction) originaire (Ursucht), et que les autres toxicomanies (Suchten) (dans la version anglaise : addictions) concernant l’alcool, la morphine, le tabac, n’en sont que des substituts, les produits de remplacement. ” La même idée est reprise dans le commentaire de la nouvelle de Stefan Zweig, “ Vingt-quatre heures de la vie d’une femme ”, in Dosto ïevski et la mise à mort du père (1927). Quel que soit le poids des idées reçues, les positions de Freud vis-à-vis des dangers de l’onanisme sont, dans d’autres textes, très affirmées.
21Dans sa lettre à Abraham du 7 juin 1908, on peut lire : “ Tous nos breuvages enivrants et nos alcalo ïdes excitants ne sont que le substitut de la toxine unique, encore à rechercher, de la libido. ” Mais dans l’Abrégé, à propos des sources somatiques, il écrit : “ ... cet élément de la libido que, d’après son but pulsionnel, on appelle excitation sexuelle ”. Ce qui laisse ouverte la question du destin de la libido à défaut de ce but pulsionnel.
22Le rapprochement des addictions avec la sexualité s’impose toujours de différents points de vue. Les connaissances actuelles sur les sites cérébraux et les neuro-médiateurs tendent à faire considérer qu’il s’agit d’une alternative à la sexualité génitale post-pubertaire, ce que confirme la clinique. Il ne s’agit ni de refoulement ni de formation substitutive, mais d’une forme de jouissance et de souffrance qui confisque les investissements et exerce un pouvoir d’attraction et de capture de la vie psychique ainsi appauvrie de manière diverse mais souvent croissante. Cette jouissance et cette souffrance solitaires dont le sujet devient dépendant tendent apparemment à exclure toutes les dépendances affectives. Vis-à-vis de celles-ci, l’addiction apparaît comme revanche, vengeance des déceptions et des frustrations, quête d’affranchissement, mais plus fondamentalement négation d’une dépendance qui n’en persiste pas moins de diverses manières. Souvent, la dépendance addictive ne peut être abandonnée que par telle ou telle forme de dépendance affective trouvée ou retrouvée dans le rapport aux objets ou à l’analyste.
23Les addictions illustrent cliniquement l’ancrage somatique du pulsionnel comme force en quête de sens et de lien avec les représentations qui ne peuvent se constituer que par la médiation de l’expérience du corps et des rapports aux objets, d’où l’importance de la problématique de la perte d’objet, du deuil originaire, de la dimension mélancolique ou, en d’autres termes, de la dépressivité.
QUEL MODE DE RAPPORT à L’OBJET AU SEIN MêME DE LA CONDUITE ADDICTIVE ?
24En référence à l’addiction à la boulimie et au vomissement, il y a lieu de penser que la mise en acte et les sensations corporelles et psychiques induites par l’addiction, quel que soit le rôle d’une éventuelle prédisposition biologique, activent les traces mnésiques des expériences primaires de satisfaction et d’insatisfaction. D’où l’expression d’un secteur du fonctionnement libidinal clivé, situé à divers degrés en dehors des représentations constituées comme telles. La dimension régressive se manifeste en secteur à la fois dans le registre pulsionnel et dans le mode de fonctionnement du moi impliquant l’étayage sur l’autre confondu avec soi. Elle met en œuvre une partie du soi en rapport avec l’objet primaire à un niveau d’indifférenciation sujet/objet dans la continuité négatrice de la différence. Mais cette quête de jouissance ne peut s’affranchir de la logique inverse d’expulsion différenciatrice, potentiellement destructrice.
25En somme, l’acte addictif est un moment de vie débrayé de l’intersubjectivité, mais aussi débrayé du rapport réflexif à soi-même dans un état modifié de conscience et de perception du corps. Il abolit la temporalité ordinaire, exclut le sexuel, le langage et la parole en actualisant un mode fusionnel de lien à l’objet alors même que l’objet est en quelque sorte effacé dans son altérité par l’auto-érotisme ?
L’ADDICTION COMME AUTO-éROTISME DéSEXUALISé
26En référence au modèle freudien de l’étayage du sexuel sur la satisfaction du besoin et, par là, à la nécessaire séduction originaire par la mère, de nombreux auteurs ont cherché à expliquer la prédisposition à l’addiction par un auto-érotisme perverti, constitué en impasse par l’inadéquation des attitudes de la mère. Le court-circuit des expériences primaires de satisfaction déterminerait une réduction du désir au besoin.
27La prise en compte du rôle de la mère dans la réalité des expériences de plaisir qu’elle donne à l’enfant a inspiré à H. Bruch le modèle des effets négatifs sur le développement de l’enfant du don alimentaire comme mode de réponse stéréotypé et automatique à toute demande de l’enfant. D’où l’idée du déficit du learning appelant une réponse rééducative plus que psychanalytique. L’opposition lacanienne de la demande, du besoin et du désir a fait parler de l’écrasement du désir dans la satisfaction du besoin. Dans la référence au modèle freudien de l’étayage, D. Braunschweig et M. Fain (1975) ont opposé “ l’expérience de satisfaction ” (du besoin) et “ l’hallucination de désir ” qui spécifie l’auto-érotisme. La notion de “ néo-besoins ” indûment créés par la mère met directement en cause les attitudes de celle-ci dans une perspective développementale qui peut paraître quelque peu linéaire, mais elle relance la question métapsychologique des conditions de constitution normale de l’auto-érotisme dans ses fonctions instauratrices tant de la sexualité que du narcissisme. Le “ néo-besoin ” soutient l’illusion de l’aconflictualité et du déni de la castration. L’enfant capté par le néo-besoin renouvelle les expériences de satisfaction aux dépens des activités mentales découlant des auto-érotismes. Rien ne s’étaye sur les “ néo-besoins ” constitués sur l’expérience de satisfaction des besoins primaires de l’ordre de l’auto-conservation. Le moi tente de masquer le clivage.
28De son côté, J. McDougall développe à sa manière l’idée de “ néo-besoin ” et de néo-sexualité comme caractéristique des addictions. Dans une œuvre abondante et d’écriture séduisante, elle témoigne d’une expérience riche et ouverte de grande qualité, associant le lecteur à sa réflexion à partir de la pratique qu’elle rend sensible et immédiatement compréhensible. Cette centration conduit à donner un sens très large à la notion d’addiction et empêche toute fermeture dans les théorisations qui, de ce fait, restent incertaines. Elle reprend à sa manière les modèles winnicottiens du clivage somato-psychique, de faux self et de l’activité transitionnelle défaillante, décrivant l’objet de l’addiction comme “ transitoire ” du fait de la brièveté de son action résolutoire. Les notions de “ dispersion des affects ” et de “ désaffectivation ” restent descriptives. Celle de “ forclusion des affects ” est associée à l’idée des rapports spécifiques entre le psychique et le somatique, et c’est dans les diverses modalités des rapports avec tel ou tel aspect du corps que son apport me paraît le plus précieux.
29L’idée centrale est que la quête addictive est la recherche dans le monde externe d’une solution au manque d’introjection d’un environnement maternant. Par rapprochement avec la pathologie psychosomatique, elle écrit : “ Les objets addictifs (ou “objets transitoires”) ne résolvent que momentanément la tension affective, car ce sont des solutions somatiques et non psychologiques, censées remplacer la fonction maternante primaire manquante ” (1996, p. 235).
30Mais il me semble qu’il faut prendre en compte le fait que les modifications somatiques provoquées par l’addiction ont des effets sur les sensations corporelles et psychiques et que le processus engagé de la sorte se caractérise justement par la circularité des causes et des effets entre différents niveaux. Les rapports de la force et du sens par l’activité de représentation, ses aléas, ses limites et ses échecs constituent le fil conducteur de l’intelligence métapsychologique des addictions.
31La pratique solitaire de la conduite addictive évite la relation à l’autre par un effacement du moi et du surmoi comme de l’objet, rendant possible l’expérience de la position d’omnipotence dans l’indifférenciation qui est à l’origine du Moi idéal. Pourquoi le rapport à l’autre est-il dangereux ? Le désir d’être aimé implique le refoulement ou le clivage de ce qui risquerait, en manifestant la différence, donc l’altérité de l’objet, de faire rupture, de comporter la destruction de l’objet et de soi, la haine, la culpabilité ou la projection parano ïde. La dépendance affective est insupportable parce que la fusion des désirs et des pensées abolit la différence et n’a pas d’autre alternative acceptable que le vide et la détresse. Dans ces cas, la dépendance addictive a pour contexte une dépendance affective insupportable et inévitable par incapacité non seulement d’être seul mais aussi de refuser, de dire non, de prendre la parole en son nom propre.
ADDICTION ET DéPENDANCE AFFECTIVE ACTUELLE
32En psychanalyse, la centration sur l’organisation psychique individuelle porte à sous-estimer l’importance de la dépendance actuelle dans la relation aux parents. Or certaines formes d’addiction, comme équivalent désexualisé de l’auto-érotisme, trouvent leur pleine signification dans la nature des liens avec l’entourage.
33Louis, jeune homme de 19 ans, fait de brillantes études en classe préparatoire des grandes écoles. Il a des crises de boulimie quasi quotidiennes suivies, le vomissement étant impossible, de restrictions alimentaires compensatrices soigneusement calculées à la manière d’une arithmomanie obsédante des calories. Ces crises sont pour ses parents comme pour lui une “ maladie ” dont ils sont tous les trois victimes. Elle joue le rôle d’exemption de la responsabilité de ses études, de demande d’un surcroît de protection régressive verrouillant en quelque sorte l’état de dépendance. En effet, la phobie d’impulsion boulimique requiert la présence de l’un ou l’autre des parents.
34L’addiction boulimique est aussi, sous couvert de la maladie, une révolte fondamentale, une attaque tacite des parents mis en échec en tant que tels, mais elle est aussi l’appel au tiers extérieur par l’intervention thérapeutique qu’elle rend nécessaire. Sur le plan manifeste, la dépendance addictive renforce la dépendance affective, mais elle la pousse à ses limites par l’excès, par la caricature. Elle apparaît bien comme telle à tous les trois dans l’identification au regard du médecin, de sorte que le projet d’autonomie progressive sous la menace de l’admission dans un centre spécialisé put être assez vite envisagé par le psychiatre. Il a reçu Louis et ses parents tous les mois, parallèlement à la psychothérapie dans un cadre spécifiquement analytique pour laquelle il me l’a adressé.
35Il est d’emblée évident que Louis est l’enfant unique idéal et indispensable de ses parents. Ils restent unis par lui et à travers lui à la suite de leur divorce sans conflit dans son enfance. D’où, pour lui, l’expérience douloureuse de la garde alternée par semaine, puis par mois et finalement par année, lui donnant le sentiment pénible d’être toujours dans la séparation. Il peut éviter la boulimie si l’un ou l’autre de ses parents est avec lui. Il poursuit ainsi la garde alternée de son enfance. À défaut, pour éviter le passage à l’acte, il renonce à rentrer chez lui, errant dans les rues avec le sentiment de passer pour fou, décalé, marginal, malade.
36Il est au centre d’un système comportant beaucoup de satisfaction dans la réciprocité deux à deux des voyages en couple avec la mère, des sorties avec le père dans des intérêts communs riches et très investis, et, pour certains, liés à l’histoire héro ïque de la famille dans la génération des grands-parents. Le mythe familial requiert un aboutissement glorieux qui ne peut être réalisé que par lui, seul garçon de la famille élargie. Il est l’héritier d’une grandeur perdue, celle du grand-père paternel héros et modèle, et la valeur retrouvée dans la lignée maternelle marquée par la pathologie et la délinquance. Il ne peut être que ce que ses parents ont décidé qu’il serait, il doit être conforme à leurs attentes qui définissent son sentiment d’identité et sa valeur personnelle. D’où sa polarisation ascétique sur la préparation des concours que vient mettre en échec l’addiction boulimique. Elle occupe une place majeure dans la vie de ce garçon de plus en plus isolé, incapable de rester seul et de plus en plus empêché de travailler efficacement.
37En première approximation, la proximité et l’intensité des relations actuelles avec les parents maintiennent une sorte de période de latence rigide qui exclut toute forme de sexualité génitale, comme si toute émergence de celle-ci ne pouvait être que directement œdipienne : incestueuse et meurtrière. La dépendance vis-à-vis des parents, activement entretenue par eux dans la réalité et dans l’actualité, exerce une forte séduction narcissique et garantit la protection vis-à-vis des dangers externes et internes. Il n’y a pas de place pour ses désirs propres sévèrement réprimés par un surmoi confondu avec l’idéal du moi et resté extérieur, incarné par les parents.
38L’assignation identitaire à une fonction réparatrice des parents au regard du mythe familial constituait un enfermement prescrit sans alternative pensable. Sa vie était entièrement ordonnée à la réalisation des désirs de ses parents à son sujet, sauf la “ maladie ” qui a pour premier effet, opposé à sa signification d’émergence pulsionnelle, de renforcer encore la dépendance affective. Elle occulte chez ce garçon l’activité fantasmatique propre et efface l’altérité interne que vient bruyamment révéler l’addiction boulimique.
39Il est clair que la prédominance des significations narcissiques dans le système familial de “ victimisation ” réciproque contribue à la désexualisation. Le lien de dépendance et d’emprise affective contribue au refoulement des parents œdipiens, de sorte que toute idée d’indépendance est impensable, comme si elle signifiait la mort des parents et la sienne. La place tenue par l’autre exclut l’expression pulsionnelle dans le fantasme et dans l’auto-érotisme, ne laissant d’issue que sur le mode travesti et substitué de l’acte boulimique : d’où le processus d’une satisfaction inachevée et honteuse expiée dans la restriction consécutive et qui prend la place de tous les plaisirs possibles.
40L’addiction boulimique est inscrite dans un contexte relationnel familial fait de dépendance aux parents comme attachement, comme mode de penser et de communiquer. Cette dépendance est étroitement définie et contrainte par l’exclusion de l’autonomie et d’un espace privé. Elle constitue un contre-investissement massif de la sexualité infantile qui va jusqu’à exclure la génitalité post-pubertaire, ce que rend effectif l’addiction. Celle-ci, débrayée de la mémoire et du sens, épuise le régime des représentations (et résulte aussi de leur insuffisance), accroissant par le fait même la force de la compulsion et la répétition des passages à l’acte. Or, plus fondamentalement, tout se passe comme si les sensations produites par le comportement alimentaire compulsif avaient le pouvoir d’activer des potentialités pulsionnelles primaires en deçà de la spécification sexuelle, c’est-à-dire en deçà des effets de la séduction oro-alimentaire originaire et de l’objet primaire maternel, en deçà de la représentation et de la différenciation. Ce noyau de la jouissance boulimique constitue la clé susceptible d’expliquer à un autre niveau les forces inconsciemment en jeu dans les relations de dépendance actuelle aux parents. En dépit des apparences inverses, la dépendance addictive entretient la dépendance affective en continuité avec celle de l’enfance, mais les enjeux narcissiques de la dépendance actuelle occultent cette dimension objectale secrète.
41L’analyse de ses différences d’avec ses parents et d’avec ses camarades dans la relation à l’analyste comme tiers extra-familial, ouvrit l’espace d’une activité fantasmatique. Elle trouvait expression par exemple dans des rêves mettant en scène la révolte et la violence : le fils de Mussolini se révolte contre son père, les tours de Paris sont effondrées... Ses boulimies perdaient leur importance, devenues comme une mauvaise habitude dont il essayait de se débarrasser, tandis qu’il tombait amoureux d’une jeune fille elle-même culturellement marginale et très surveillée par sa famille, ce qui permettait le contrôle de la distance objectale. L’évolution corrélative de ses parents et surtout de son père contribua à l’évolution favorable vers l’autonomie de sa pensée et de ses désirs, au prix d’une réorientation des études à moindre ambition.
DANS D’AUTRES CAS
42La tentative d’échapper à la double dépendance affective et addictive détermine le passage par l’acte suicidaire ou par l’apparition d’une nouvelle forme de compulsion.
43Dans le cas de Sandrine, déjà publié en 2001, le changement décisif survint au décours d’un acte suicidaire dans un état de désespoir froid. Âgée de 27 ans, elle était en proie depuis des années à l’addiction aux boulimies-vomissements et à la polytoxicomanie dans une forme de vie pour cela facilitante. Lors de l’interruption de la psychothérapie pendant les vacances, se trouvant seule, elle tente de se suicider par décision froide dans des conditions prévisibles de sauvetage par sa sœur. Il apparut que, par là, elle a tenté de se réapproprier une position de sujet de sa vie, position dont elle était dépossédée par l’addiction mais aussi par ce que celle-ci occultait : la dépendance vis-à-vis d’un père à la fois aimé et ha ï et d’une mère défensivement innocentée par clivage et idéalisation de l’avoir brutalement abandonnée à 3 ans.
44Dans le cas d’Adèle, le changement se fit par l’analyse d’une nouvelle forme de passage à l’acte compulsif au plus près de la dépendance affective et addictive. Alors qu’à 26 ans son diplôme d’une grande école lui aurait permis de trouver du travail, elle restait dans une forme d’existence adolescente, fille unique s’occupant de son père divorcé avec lequel elle vivait la plupart du temps, faisant pour lui du secrétariat, partant en vacances avec lui, entièrement dépendante de lui et s’efforçant de le rendre dépendant d’elle, jalouse de ses maîtresses intermittentes et de sa grand-mère paternelle.
45Après quelques échecs sentimentaux, elle était incapable de rester seule et de vivre dans son studio, confinée dans une étroite relation à son père à la fois admiré et considéré comme un enfant, et à sa mère dans une vive ambivalence. L’addiction aux boulimies et vomissements quotidiens depuis plusieurs années était inscrite dans cette dépendance aux parents, constituant l’espace privé et dissimulé d’une jouissance et d’une souffrance, une dépendance addictive dans la dépendance affective. Elle vidait secrètement les frigidaires de ses deux parents avant de le réassortir à l’identique. Cette pratique centrait sa vie dont elle ne pouvait se passer en dépit des conséquences fâcheuses tant physiques que psychologiques et sociales. Toute velléité de relation amoureuse et de pratique sexuelle tendait à disparaître, au moment où l’endocrinologue consulté pour son aménorrhée me l’adressa pour une analyse.
46La disparition des addictions pendant un état amoureux qui tourna court rapidement l’avait convaincue que, contrairement à ce qu’elle avait préféré croire, la cause n’était pas ou pas seulement biologique.
47Elle fit l’expérience d’une écoute attentive et compréhensive, et aussi de la rage de ne l’obtenir que de l’analyste, et en payant pour cela, et surtout de ne pas l’avoir trouvée auprès de ses parents. D’où aussi le retournement contre soi de l’agressivité, l’accroissement de la dépression, de l’autocritique, et des positions masochiques.
48L’interprétation qui suscita le mouvement d’intérêt propre à l’engager dans l’analyse lui montra qu’elle sollicitait mes interventions pour les rejeter aussitôt ( “ c’est débile ! ” ), exprimant ainsi, sur le plan de la communication verbale, ce que son comportement réalisait en vidant de son contenu le frigidaire de son père et celui de sa mère pour l’ingérer et le vomir juste après. Mais l’émergence des souvenirs de rêves et, par là, d’un espace pour l’activité fantasmatique n’apparut vraiment que par l’interprétation d’une nouvelle forme de compulsion au sein même de la dépendance affective à son père : la compulsion à fumer les longs mégots de cigarette qu’il laissait fut la clé de l’espace fantasmatique de la sexualité qui était strictement occulté par les boulimies et les vomissements. Dans ce passage à l’acte compulsif dans le dégoût et la honte, se trouvaient condensées des significations qui apparurent, dans les rêves, dans le double registre de l’envie du pénis et de l’envie du sein : l’identification avec le père en rapport avec le désir très conscient d’être lui ou, à défaut, à sa place, prenant sa suite dans le même métier, mais aussi celui d’être sa femme. La seule période heureuse avec sa mère avait été, disait-elle, la vie anténatale et l’allaitement. Dans un rêve par exemple, elle vivait le bonheur de l’immersion dans la mer, emportée par le tourbillon avant que quelque chose d’horrible et de dégoûtant ne vienne remplir sa bouche.
49Au cours de la cure, comme dans d’autres cas, l’émergence de passages par l’acte et d’autres modes de fonctionnement psychique transforme l’addiction en actes symptomatiques susceptibles d’être interprétés comme des symptômes névrotiques. Cette transformation, qui est à l’opposé de la logique mortifère de la déliaison, ramène, avec le sens, la mémoire et l’espoir. Il est vraisemblable que le cadre de l’analyse ait pu générer cette forme de passage par l’acte qui, par l’interprétation, ouvre un nouvel espace de sens puis de représentations liées à la sexualité, ce qui ne fait pas disparaître pour autant les conduites addictives mais en atténue la contrainte interne. L’addiction est reconnue comme jouissance et comme souffrance, tandis que la prise de conscience de ses effets négatifs attise l’angoisse et que se développe une activité de penser nouvelle.
50En conclusion, par la notion d’addiction, la théorie psychanalytique est renvoyée à ses origines – à savoir, la théorie des pulsions dans ses rapports avec le somatique. D’où l’intérêt d’un retour à la théorie du fonctionnement psychique en deçà de l’activité de représentation des pulsions (affects et représentations) telle que le modèle du rêve et l’analyse des névroses en a permis la théorisation et la validation clinique. Or, dans la deuxième topique, la conception freudienne du ça comme fait de motions pulsionnelles, et non pas de représentations, donne une base de réflexion pertinente. A. Green écrit ainsi : “ Lorsque Freud, dans la XXXIIe Conférence, donne la description des traits qui caractérisent le ça, toute référence à un contenu quelconque – donc toute inscription représentative – est abolie. Donc rien que des motions pulsionnelles... qui cherchent la décharge... Sans représentation, la pulsion est devenue force. Elle est aussi devenue – second changement – conflictuelle au maximum puisque cohabitent dans le ça des pulsions de vie et des pulsions de mort ” (La folie privée, p. 175). D’où les manifestations d’un temps éclaté et de la logique primitive de l’appropriation destructrice de l’objet et la projection qui le rend dangereux.
51La pulsion n’est plus une cause extérieure agissant sur la représentation et de nature différente, mais la force qui vise l’agir dans la motion pulsionnelle elle-même. Celle-ci est-elle modifiée par l’addiction ? En d’autres termes, les effets biologiques et psychiques du comportement addictif induisent-ils récursivement des modifications de l’économie pulsionnelle au plus près de ses origines ?
52En deçà de la spécification sexuelle par les buts pulsionnels, et de l’activité fantasmatique correspondante, le pulsionnel trouve issue non pas, ou pas seulement, dans le somatique, mais dans des comportements qui ont pour caractéristique de comporter une dimension biologique, métabolique et neurochimique inductrice de sensations corporelles et psychiques singulières, différentes d’un sujet à l’autre. Ces sensations psychiques appellent à la répétition de l’expérience dans la logique du principe de plaisir, même quand celui-ci s’inverse en souffrance. Elles ont des rapports de conjonction et de disjonction avec l’économie pulsionnelle qu’elles tendent à ramener à des formes primitives caractérisées par la violence et par la prédominance de la quantité aux dépens des qualités et des significations (cf. M. de M’Uzan, 1984). Déliaison, désobjectalisation et compulsion de répétition appellent la référence à la pulsion de mort.
53Et, si la dépendance addictive peut avoir pour visée première l’affranchissement vis-à-vis d’une dépendance affective aux parents dans la réalité actuelle et vis-à-vis de l’emprise d’un contrat narcissique aliénant, elle est aussi un moyen de les protéger de la violence pulsionnelle primaire localisée dans l’addiction. Le système ainsi constitué les sollicite indirectement de manière fortement ambivalente. Mais la logique narcissique et auto-érotique désexualisée de l’addiction prend une signification auto-destructrice qui étend ses pouvoirs sur l’ensemble de la vie du sujet, à moins que le clivage ne laisse des secteurs préservés, ou que l’expérience analytique ouvre la voie du rétablissement des connexions avec les fantasmes, la sexualité interdite et dangereuse, la mémoire et l’histoire.
54Force est de conclure que toute métapsychologie des addictions requiert la théorie du registre de réalisation comportementale dans ses rapports avec la jouissance aux limites de qui est accessible en analyse. À tous les niveaux, la causalité circulaire ou, mieux, spiralaire explique la contrainte du processus de la dépendance addictive qui tend à régir toute l’économie pulsionnelle. Elle occulte les enjeux de la dépendance affective qui est d’une autre nature !
55Bernard Brusset
40, avenue d’Italie
75013 Paris
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
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Mots-clés éditeurs : Dépendance, Auto-érotisme, Déliaison, Passage par l'acte, Comportement, Addiction, Boulimie