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Article de revue

Épreuve de réalité et jeu

Pages 19 à 37

Notes

  • [1]
    S. Freud, Formulation sur les deux principes de l’advenir psychique, OCF.P, XI, PUF, p. 16-17.
  • [2]
    S. Freud (1933), Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse, « Rêve et occultisme », in OC, vol. XIX, Paris, PUF, 1995, p. 144.
  • [3]
    S. Freud (1925), La négation, in OC, vol. XVII, Paris, PUF, 1992, p. 170.
  • [4]
    S. Freud (1915), « Deuil et mélancolie », Métapsychologie, in OC, vol. XIII, Paris, PUF, 1988, p. 264.
  • [5]
    S. Freud (1925), Inhibition, symptôme et angoisse, in OC, vol. XVII, Paris, PUF, 1992, p. 286.
  • [6]
    Voir S. Freud (1919), L’inquiétant, in OC, vol. XV, Paris, PUF, 1996, p. 183-184.
  • [7]
    J. Laplanche et J.-B. Pontalis (1967), Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, p. 138.
  • [8]
    S. Freud (1895), Esquisse d’une psychologie scientifique, in La naissance de la psychanalyse, Paris, PUF, 1956, p. 337.
  • [9]
    S. Freud, Esquisse d’une psychologie scientifique, op. cit., p. 343-344.
  • [10]
    Voir notre précédent article : M. Leclaire et D. Scarfone, Vers une théorie unitaire de l’épreuve de réalité, Revue française de Psychanalyse, t. LXIV, no 3, 2000.
  • [11]
    J. Laplanche, Vie et mort en psychanalyse, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1987, p. 97.
  • [12]
    S. Freud, Esquisse d’une psychologie scientifique, op. cit., p. 344.
  • [13]
    Ibid., p. 346.
  • [14]
    Ibid., p. 350, italiques dans l’original.
  • [15]
    Pour juger de l’étendue de la concordance avec les recherches neuroscientifiques récentes, voir V. Gallese, The inner sense of action. Agency and motor representations, Journal of Conscisousness Studies, vol. 7, no 10, 2000, p. 23-40.
  • [16]
    Ce qui caractérise l’hypnose, c’est une suppression de la volonté. « Un savoir selon lequel l’hypnose n’est malgré tout qu’un jeu, un renouvellement mensonger de ces impressions anciennes, peut néanmoins rester conservé et pourvoir à la résistance contre des conséquences trop sérieuses de la suppression de la volonté hypnotique » (S. Freud (1921), Psychologie des masses et analyse du moi, in OC, vol. XVI, Paris, PUF, 1991, p. 67).
  • [17]
    S. Freud (1912), Totem et tabou, in OC, vol. XI, Paris, PUF, 1998, p. 293-294.
  • [18]
    S. Freud, Esquisse d’une psychologie scientifique, op. cit., p. 353.
  • [19]
    M. Leclaire, The Mad scientists : Psychoanalysis, Dream and virtual reality, in The International Journal of Psycho-Analysis, 84, 2003, 331-346.
  • [20]
    On voit que cette notion d’hallucination motrice pourrait éclairer certains mécanismes qui, tel l’identification à l’agresseur, ont principalement été considéré sous l’angle de leur caractère défensif. La défense s’infiltrerait, en après-coup, là où régnait d’abord le désir et la recherche de satisfaction.
  • [21]
    S. Freud, Totem et tabou, op. cit., p. 292.
  • [22]
    S. Freud, ibid., p. 295.
  • [23]
    S. Freud, Esquisse d’une psychologie scientifique, op. cit., p. 346.
  • [24]
    H. Bergson, Matière et mémoire, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1997 ; J. Piaget, La construction du réel chez l’enfant, Neuchâtel et Paris, Delachaux & Niestlé, 1937 ; A. Damasio, The Feeling of What Happens. Body and Emtions in the Making of Consciousness, New York, Harcourt Brace & Co., 1999 ; F. Varela, E. Thompson et E. Rosch, L’inscription corporelle de l’esprit, Paris, Le Seuil, 1993.
  • [25]
    Ibid., p. 337.
  • [26]
    S. Freud (1933), Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse, in OC, vol. XIX, Paris, PUF, 1995, p. 20-21.
  • [27]
    S. Freud, Totem et tabou, op. cit., p. 295.
  • [28]
    J. Imbeault, Mouvements, Paris, Gallimard, coll. « Tracés », 1997, p. 49.
  • [29]
    Esquisse, op. cit., p. 359.
  • [30]
    Ibid., p. 359.
  • [31]
    Ibid., p. 376.
  • [32]
    Ibid, p. 350.
  • [33]
    J. Lacan, Le Séminaire, livre VII : L’Éthique de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1986, p. 55-86.
  • [34]
    S. Freud, Entwurf Einer Psychologie, Gesammelte Werke, Nahträgsband, Frankfurt am Main, Fischer Verlag, 1987, p. 429.
  • [35]
    J. Laplanche, Vie et mort en psychanalyse, op. cit., p. 102. Entre crochets : ajouté par nous.
English version
“ On a tort, à mon sens, de poser que l’acte de croire a, en son origine, affaire avec le désir de vérité. Sa fonction première est de métaphoriser le réel, afin qu’il ne soit pas le vrai. ”
J.-B. Pontalis.

1La question de l’épreuve de réalité dans le jeu, c’est Freud qui nous incite à la formuler. Dans un passage des « Formulations sur les deux principes de l’advenir psychique », où il introduit pour la première fois dans son œuvre le concept d’épreuve de réalité, il écrit en effet, et de façon bien énigmatique pour quiconque est familier avec les définitions contemporaines de l’épreuve de réalité, que le « jouer des enfants », « la rêverie », et « le fantasier » sont des activités de pensée demeurées libres à l’égard de l’épreuve de réalité [1]. Aucune définition contemporaine de l’épreuve de réalité, si ce n’est celle de Winnicott sur les théories duquel nous aurons à revenir, ne semble prendre acte de cette indication freudienne sur le jeu, la rêverie et le fantasier. L’épreuve de réalité, lorsqu’elle n’est pas ramenée à un critère permettant de distinguer les états limites des psychotiques, est généralement définie comme la capacité d’un sujet de distinguer ses perceptions de ses représentations de manière à éviter l’hallucination. Or, dans le passage cité des « Formulations... », Freud paraît fonder l’épreuve de réalité sur autre chose. De toute évidence, la référence à l’hallucination peut être écartée et il se développe une tout autre ligne de pensée où l’épreuve de réalité se présente comme une série d’exigences auxquelles la fantaisie et le jeu évitent de se soumettre.

2Une certaine résistance « se mobilise en nous contre l’inexorabilité et la monotonie des lois de la pensée et contre les exigences de l’examen de réalité... On découvre alors quel plaisir cela procure de se soustraire à elle au moins temporairement et de s’abandonner aux appâts du non-sens » [2]. Ces exigences auxquelles pensait Freud visent à vérifier la persistance dans le monde présent de ce qui fut jadis perçu et qui est maintenant désiré. Elles visent à « retrouver » l’objet plutôt que simplement le « trouver ». Ce faisant, elles s’inscrivent du côté de la séparation, du deuil, de la perte, là, en somme, où le temps est pris en considération. Elle-même née de la perte – « On reconnaît, comme condition pour la mise en place de l’examen de réalité, que soient perdus des objets qui autrefois avaient apporté une satisfaction réelle » [3] –, cette épreuve de réalité prendrait la forme d’un pénible commandement à respecter : « L’examen de réalité a montré que l’objet aimé n’existe plus, et édicte dès lors l’exigence de retirer toute la libido de ses connexions avec cet objet. » [4] C’est l’examen de réalité qui commande, appelle le travail du deuil et « réclame catégoriquement que l’on ait à se séparer de l’objet, parce qu’il n’existe plus » [5]. C’est encore lui qui exige de se dresser contre la crédulité, la croyance au miracle et plus généralement contre l’animisme de pensée [6]. C’est à ses dépens que se déploie la liberté de la rêverie, du fantasme et du jouer.

3La question de l’épreuve de réalité dans le jeu, nous la formulerons donc de la manière suivante : Qu’est-ce qui fait qu’un jeu, après tout, n’est qu’un jeu ? À quelles exigences se soustrait-il pour rester un jeu ? Pourquoi la limite qu’instaure le jeu permet-elle que s’y produisent des activités et des rapports autres que ceux qui s’y installeraient si cette frontière n’était pas à l’avance admise et proclamée ? Quel découpage opère le jeu, quelle limite instaure-t-il par rapport à d’autres circonstances où ce mot magique n’est pas prononcé, ou pire encore, lorsqu’il ne l’est qu’à moitié : plutôt que jouer, on se joue alors de... au risque de se faire dé-jouer.

ÉPREUVE D’ACTUALITÉ

4Dans les écrits psychanalytiques, l’épreuve de réalité se voit généralement définie comme la capacité d’un sujet de distinguer ce qu’il perçoit de ce qu’il se représente. De Freud à Kernberg, en passant par Laplanche, Hartmann et Frosh, tous ont mentionné cette capacité de distinguer le perçu du représenté, et plusieurs l’ont placée au cœur de leur concept d’épreuve de réalité. Il s’agirait, pour celui qui dispose de l’épreuve de réalité, de laisser jouer seule la perception du monde extérieur ; de ne pas se mettre à halluciner. Sans doute la plupart des auteurs reconnaîtraient-ils dans l’épreuve de réalité « un processus, postulé par Freud, permettant au sujet de distinguer les stimuli provenant du monde extérieur des stimuli internes, et de prévenir la confusion possible entre ce que le sujet perçoit et ce qu’il ne fait que se représenter, confusion qui serait au principe de l’hallucination » [7].

5Il est bien vrai que, chez Freud, la question de l’épreuve de réalité croise de près celle de l’hallucination primitive. Freud n’a pas introduit le terme d’épreuve de réalité pour traiter d’un type d’hallucination en particulier – hallucination onirique ou psychotique par exemple. Ce concept est d’emblée relié à l’hypothèse d’une hallucination primitive. Cette hypothèse stipule que le premier mode de travail de l’appareil psychique serait un mode d’investissement des souvenirs dans lequel le désir aboutirait en expérience hallucinatoire. L’appareil psychique aurait tendance, dès le premier investissement des souvenirs, à produire les mêmes « signes de réalité » que ceux qui se produisent spontanément du côté de la perception. Rappelons, à ce chapitre, que la perception du monde extérieur ne pose aucun problème de réalité selon Freud. Dès qu’une perception se produit, elle s’accompagne d’un signe de réalité. Si problème de réalité il y a, c’est plutôt du côté du souvenir ; du représenté. Freud part en effet du présupposé que parmi l’ensemble des traces qui s’inscrivent dans la mémoire, celles produites lors d’une expérience de satisfaction tendent à acquérir une valeur privilégiée dans l’appareil psychique du fait de leur support motivationnel – le plaisir, la chute de tension qui y est associée. En vertu de cette association, lorsque le besoin resurgira, les traces mnésiques seront investies à nouveau, et ce réinvestissement conduira selon Freud « à quelque chose d’analogue à une perception – c’est-à-dire une hallucination » [8]. Le premier mode de travail de l’appareil psychique mènerait donc vers une hallucination indistincte de la perception. La représentation fortement investie s’accompagne du même signe de réalité que celui qui surgit spontanément du côté de la perception.

6À l’origine, l’appareil ne serait donc pas en mesure de distinguer une représentation fortement investie de l’objet désiré de la perception de celui-ci. Aucun critère ne permettrait d’établir cette distinction. Le procès permettant de distinguer les perceptions des représentations quant à ces « signes de réalité » ne serait apparu que plus tardivement. L’originalité de la position freudienne sur l’hallucination surgit de ce renversement : il ne s’agit pas de savoir comment l’on en vient à halluciner, mais bien, en vertu du pouvoir intrinsèque du désir, comment il est possible de ne pas constamment halluciner. La question est de savoir comment les « signes de réalité » du représenté pourront être inhibés.

7Notre dernière phrase l’a déjà annoncé, Freud ne cherchera pas du côté d’un « plus de signes de réalité » pour la perception de la solution du problème qu’il vient de poser. Ce n’est pas parce que la perception comporte une plus grande réalité qu’elle pourra être différenciée de la représentation. Freud proposera plutôt un modèle d’inhibition du représenté : « La charge en désir se trouve soumise à une inhibition – ce qui devient possible lorsque le moi est investi – une réaction d’ordre quantitatif peut survenir, au cours de laquelle la charge en désir ne suffit pas à donner une indice de qualité, comme il arriverait pour une perception extérieure. » [9] C’est le moi qui vient inhiber le signe de réalité de la représentation. Non pas qu’il soit lui-même en mesure de départager les signes issus du perçu et ceux venant du représenté, mais parce que, absorbant dans son réseau une bonne part de l’énergie d’investissement disponible, il freine le processus d’investissement des représentations. Le moi, qui est lui-même un groupe de souvenirs investis, vient gêner le processus d’investissement et lui évite d’aller droit vers l’hallucination. Il impose un parcours. Il leste le processus d’investissement, l’empêche, par sa seule présence, de devenir hallucination. Dès lors que le moi est introduit comme organisation au sein du préconscient, seules les perceptions peuvent fournir des « signes de réalité ».

8C’est à propos de cette distinction perception-représentation que les auteurs contemporains parlent souvent d’« épreuve de réalité ». Nous préférons, quant à nous, l’expression « épreuve d’actualité » [10], puisqu’il nous semble que les indices dont il est ici question – qu’ils concernent le perçu ou le représenté – n’ont pas grand chose à voir avec la « réalité ». Certes l’hallucination est ce que la distinction perception-représentation doit finalement permettre d’éviter. Mais l’hallucination, telle qu’elle est décrite par Freud sous la rubrique de l’hallucination primitive, ne présente pas vraiment de problème de réalité. En effet, le risque lié à une confusion perception-représentation – à l’hallucination – n’est pas tant de qu’on ne sache plus ce qui, du représenté ou du perçu, est réel ou pas, mais ce qui est actuellement perçu ou pas. Car des souvenirs moteurs sont au même titre que l’image de l’objet intimement reliés à l’expérience de satisfaction. Or leur réactivation pourrait mener à une décharge motrice s’effectuant alors que l’objet n’est pas disponible. Il semble que ce soit cette décharge, beaucoup plus que l’hallucination elle-même, qu’il convient à l’appareil psychique d’éviter pour des motifs d’autoconservation. On pourrait, en ce sens, parler aussi d’une « épreuve de disponibilité » qu’on situerait, dans la veine winnicottienne, du côté de la mère suffisamment bonne, celle qui présente l’objet désiré au moment où l’enfant est prêt à l’halluciner.

9Au-delà de cette logique inhérente à la position freudienne, si nous préférons parler d’actualité plutôt que de réalité, c’est aussi parce qu’il nous semble que l’emploi du mot « réalité » peut ici conduire à une certaine confusion : croire qu’une fois cette « épreuve de réalité » mise en place, serait réel ce qui est perçu et pseudo-réel ce qui est représenté. Or, il apparaît bien évident qu’il ne suffit pas de percevoir pour croire, et que la mémoire elle-même, qu’elle soit dirigée vers la remémoration ou l’action, détermine la perception. D’autre part, la réalité est une question qui se pose dans un temps autre que celui du perçu. Si la perception, son caractère rythmique et actif notamment, permet de donner des « signes », nous pensons que ces signes doivent concerner une réalité très limitée : celle de l’ici et maintenant ou plutôt, de l’actualité. Le temps de la perception dont il est ici question ne comporte en effet ni futur ni passé.

10Parler d’actualité plutôt que de réalité pour qualifier ces « signes » a l’avantage d’être au plus près des modalités de l’action inhibitrice du moi. En effet, nous l’avons déjà dit, l’action inhibitrice du moi, dont dépend selon Freud la distinction perception-représentation, n’opère pas sur le modèle d’une décision. Il ne s’agit pas pour le moi de « décider » ce qui est réel ou pas par quelque comparaison entre le perçu et le représenté. En fait, l’action inhibitrice du moi se produit, en quelque sorte, indépendamment de la volonté du moi. Issu de la répétition d’un certain nombre d’expériences plaisantes, le moi est ici conçu comme un réseau de souvenirs potentiellement investi. C’est le caractère constant de son investissement qui permet l’inhibition du signe d’actualité de la représentation. L’action inhibitrice du moi est de l’ordre du tout ou rien : ou bien le représenté s’accompagne du signe d’actualité ou bien il se produit sans lui. Il n’y a aucune décision à prendre, aucun jugement à rendre, ce qui paraît d’ailleurs peu compatible avec l’idée d’une « épreuve » de réalité. Soit il y a hallucination, soit il n’y en a pas. Rien dans ce mode de présence et d’absence du moi au sein du préconscient ne permet de venir remettre en question l’expérience de l’hallucination. Perceptions et représentations seront distinctes selon que le moi exerce ou non son effet d’inhibition. Mais que les signes d’actualité soient issus du perçu (perception) ou qu’ils soient issus du représenté (hallucination), on obtient un même constat d’actualité. Ce constat d’actualité, rien ne permet dans l’immédiat de le confirmer ou de l’infirmer. Il est donné.

11Pour assurer la distinction perception-représentation, le moi doit ainsi – nous paraphrasons Laplanche [11] – « empêcher l’hallucination, retrancher ce trop d’actualité provenant de l’excitation interne pour permettre au signe d’actualité venu de la perception externe (et qui a toujours existé sans qu’il soit besoin du moi) de jouer désormais seul, sans la concurrence de la reviviscence hallucinatoire et en fonctionnant désormais comme seul critère valable » pour ce qui est de la décharge. Distinction peu « éprouvante », du moins pour le moi qui l’assure, selon Freud, du seul fait de sa présence.

ÉPREUVE DE RÉALITÉ

12La distinction perception-représentation fut souvent considérée comme étant le développement freudien sur l’épreuve de réalité. Il est vrai que Freud en a souvent traité en ces termes. Néanmoins, il a parallèlement développé, et cela dès l’Esquisse, une formulation nous paraissant plus pertinente de l’épreuve de réalité. Une formulation où l’épreuve de réalité viendra compléter la distinction perception-représentation par le jugement et l’action motrice. Jugement et action motrice qu’on retrouvera plus tard dans La négation et dans Complément métapsychologique. Une épreuve de réalité dont le résultat serait non pas une perception brute du monde extérieur, mais quelque chose de beaucoup plus subjectif et nuancé, beaucoup plus compatible peut-être avec l’idée d’ « épreuve » et de « réalité » et que Freud nomme la « croyance », l’« appréhension de réalité ».

13Cette épreuve de réalité se présente dans l’Esquisse autour du second usage que fait Freud de la notion d’« indice de réalité ». Tout se passe comme si, après avoir réglé la question de la distinction perçu-représenté, Freud n’en avait pas encore terminé avec les « indices de réalité ». Il continue en effet à parler d’indice de réalité, du côté du représenté, en introduisant l’idée d’une « utilisation correcte des signes de réalité » [12]. Il propose qu’en inhibant l’hallucination l’appareil psychique ne se soumet pas passivement à la perception. Un nouveau processus apparaîtra, lui-même rendu possible grâce à la présence inhibitrice du moi : le jugement. Défini comme « moyen de passer d’une situation réelle perçue à la situation désirée », le jugement est provoqué « par une dissemblance entre l’investissement empreint de désir et un investissement perceptuel qui lui ressemble » [13]. Il vise à faire revenir de l’extérieur, dans la perception, l’image de l’objet satisfaisant. Pour ce faire, il intercale des souvenirs moteurs entre une représentation désirée et une perception qui lui ressemble. C’est ce fait d’aller au devant du monde environnant, de le rechercher activement par réactivation de souvenirs moteurs qui sera responsable de l’apparition d’un second indice de réalité qui provoquera, quant à lui, croyance et appréciation de la réalité. « Quand à la fin de l’acte cogitatif, l’indice de réalité en vient à atteindre la perception, alors une appréciation de la réalité, la croyance ont pu se réaliser, et le but de toute cette activité est atteint. » [14]

14Suscitant la croyance, l’indice de réalité qui apparaît comme résultat final du jugement ne saurait être assimilé aux indices d’actualité qui peuvent tantôt apparaître du côté du perçu, tantôt du côté du représenté. D’abord parce qu’il nécessite que le moi soit présent pour se manifester. Ensuite parce qu’il découle d’un travail complexe, constitué d’action [15] – c’est là la nouveauté – et de pensée, visant à retrouver un objet désiré. Il apparaît ainsi avec un certain retard sur les signes d’actualité. Finalement, lorsque le signe de réalité apparaît, quelque chose en supplément se produit : la croyance, l’appréciation de la réalité. La mémoire qui, dans une conception de l’épreuve de réalité centrée sur la capacité de distinguer le perçu du représenté, est renvoyée à un rôle négatif, retrouve, dans cette seconde ligne freudienne de pensée, son pouvoir de réalité. Loin de se situer à l’opposé de la perception, elle conditionne ce qui pourra être perçu comme « réalité ». Avec cette notion de croyance, il semble que l’on quitte le terrain de l’actualité. C’est désormais une question d’histoire, de construction et de temporalité.

L’HALLUCINATION MOTRICE

15Le jeu, nous dit Freud, serait demeuré libre à l’égard des exigences de l’examen de réalité. Cela donne à penser que le jeu s’affranchirait du rapport entre le perçu et le représenté qui prévaut généralement dans le jugement. En effet, si le jeu s’exerce indépendamment de l’épreuve de réalité, c’est probablement qu’il ne s’embarrasse guère du processus qui commande d’utiliser « correctement » les indices de réalité. Le jeu y renonce, pour rétablir le courant de la croyance et de toute puissance de la pensée. Pour nous qui, nous fiant à l’Esquisse, en étions venus à considérer la croyance (deuxième signe de réalité) comme résultat ultime de l’épreuve de réalité, cette seconde vue freudienne sur l’épreuve de réalité – qui l’oppose à la croyance et à l’animisme de pensée – a de quoi surprendre. Car comment la croyance pourrait-elle à la fois faire office de but pour l’épreuve de réalité (quand l’indice de réalité atteint la perception, la croyance se réalise, et le but du jugement est atteint) et être ce contre quoi celle-ci doit impérativement se dresser ? Cela aurait déjà demandé réflexion, mais voici qu’un passage de Totem et tabou vient ajouter à notre trouble et bouleverser nos idées. Ce passage fait apparaître tant de nouveauté qu’on s’étendrait indûment à en paraphraser les principales idées. Voulant l’examiner de près, nous nous permettons, malgré sa longueur, de le citer en entier.

16

« Pour l’enfant, qui se trouve dans des conditions psychiques analogues [à celles de l’homme primitif], mais qui sur le plan moteur n’est pas encore capable d’agir, nous avons soutenu ailleurs l’hypothèse qu’il satisfait d’abord ses souhaits de façon hallucinatoire, en faisant en sorte que s’instaure la situation satisfaisante au moyen d’excitations centrifuges de ses organes sensoriels (Freud se réfère ici à ses Formulations). Pour le primitif adulte se dégage une autre voie. À son souhait est attachée une impulsion motrice, la volonté [16], et celle-ci – qui plus tard changera la face de la terre au service de la satisfaction de souhait – est maintenant utilisée à présenter la satisfaction, de telle sorte qu’on puisse pour ainsi dire la vivre au moyen d’hallucinations motrices. Une telle présentation du souhait satisfait est tout à fait comparable au jeu des enfants qui, chez eux, prend le relais de la technique purement sensorielle de la satisfaction. Si le jeu et la présentation imitative suffisent à l’enfant et au primitif, ce n’est pas là un signe de modestie, au sens où nous l’entendons, ni de résignation, due à la reconnaissance de leur impuissance réelle, mais c’est la conséquence bien compréhensible de la valeur prépondérante accordée à leur souhait, de la volonté qui en dépend et des voies empruntées par lui. Avec le temps, l’accent psychique se déplace des motifs de l’action magique sur les moyens de celle-ci, sur l’action elle-même... Au stade de la pensée animiste, il n’existe encore aucune occasion de prouver objectivement le vrai état des choses, mais il en existe bien à des stades ultérieurs, quand toutes ces procédures sont encore en usage, mais que le phénomène psychique du doute est déjà possible en tant qu’expression d’un penchant au refoulement. » [17]

17Dans cette citation, trois éléments attirent plus particulièrement notre attention. Premièrement, cette curieuse « hallucination motrice », comment la penser ? Comment l’intégrer dans nos développements sur l’épreuve de réalité ? Et tout d’abord, en vertu de quelle propriété une hallucination – qui est une perception sans objet – peut-elle avoir la particularité d’être motrice ? Deuxièmement, l’idée selon laquelle le refoulement inhibera cette voie bien particulière de réalisation du désir. Plus que jamais semblent distingués ici trois modes de réalisation du désir : hallucination primitive, hallucination motrice, jugement ; les deux premiers (hallucinatoires) étant séparés du dernier par la barrière du refoulement. Troisièmement, cette « volonté », décrite ici comme impulsion motrice, et souvent associée ailleurs par Freud à une accumulation de quantité dans le moi, un moi que le sommeil, tout comme l’hypnose et l’activité d’âme de la masse, ont le pouvoir de « paralyser » [18]. Tous les éléments que nous avons considérés jusqu’ici – hallucination primitive, souvenirs moteurs, jugement, croyance – paraissent donc redéfinis par cette citation. L’hallucination primitive, ailleurs rapprochée du rêve et de l’hallucination psychotique, est ici abordée en référence au jeu des enfants et à la pensée des primitifs. Les souvenirs moteurs comportent maintenant leur part d’hallucinatoire et de volonté. Le jugement, caractérisé antérieurement par son résultat – la croyance –, se place désormais plutôt du côté du doute. L’intime interaction entre le rêve et l’hallucination primitive que nous avons pu commenter ailleurs [19] semble de plus se dédoubler, se répéter entre le jeu et l’hallucination motrice. Mais plus important encore, cette citation invite à reconsidérer l’ensemble de ces développements sous l’angle du narcissisme.

18Sur l’hallucination motrice, Totem et tabou fournit quelques précisions. Infliger à l’effigie ce que l’on souhaite à l’ennemi, imiter, « jouer » à la pluie pour l’obtenir, désinfecter le clou ayant blessé la main, plutôt que la main elle-même, en espérant la guérison, tous des exemples d’hallucinations motrices dont le trait commun est de surestimer la valeur de l’acte psychique, de présenter la satisfaction au moyen de connexions existant au sein de la pensée. Cette surestimation de la valeur de l’acte est ce qui permet le rapprochement de la pensée du primitif avec le jeu d’enfant. Infliger à une effigie ce qu’il souhaite à l’ennemi, voilà ce que semble faire le tout petit lorsque, le docteur ayant pratiqué une opération dans sa gorge, cette « effrayante expérience vécue deviendra en toute certitude le contenu du prochain jeu... En même temps que l’enfant passe de la passivité de l’expérience de vie à l’activité du jeu, il inflige à un camarade de jeu le désagrément qui lui est arrivé à lui-même et se venge ainsi sur la personne de ce remplaçant » [20].

19Ce qui est donc ressenti comme effectif dans l’hallucination motrice selon Freud, c’est la ressemblance ou la contigu ïté entre l’action effectuée et l’événement souhaité. « Comme ressemblance et contigu ïté sont les deux principes essentiels des processus d’association, c’est la domination de l’association des idées qui s’avère effectivement l’explication de toute l’extravagance des prescriptions magiques [21] », si l’on veut bien ajouter à cette théorie explicative des techniques de la magie son essence véritable, à savoir qu’elle est une des voies empruntées par le désir. C’est, en effet, en vertu du désir que l’action effectuée sur le remplaçant est tout aussi satisfaisante que celle effectuée sur la chose elle-même, que « les choses s’effacent derrière les représentations qu’on en a », que « ce qui est entrepris avec ces dernières ne peut que se produire aussi pour les premières », que « les relations qui existent entre les représentations sont présupposées également entre les choses » et que, au bout du compte, « l’image en miroir du monde intérieur ne peut, à l’époque animiste, que rendre invisible cette autre image du monde que nous croyons connaître » [22].

20Pourquoi en est-il ainsi ? Il semble que ce soit parce que le désir, si nous revenons à l’Esquisse et à L’interprétation des rêves, tend à rétablir par la voie la plus courte les signes liés aux premières expériences de satisfaction. Le désir est intiment lié à des traces mnésiques et trouve son accomplissement dans leur réactualisation. Avec l’hallucination primitive, nous avions une première façon de présenter la satisfaction par des connexions existant au sein de la pensée. L’expérience de satisfaction a comme conséquence que l’image de l’objet auquel est liée la satisfaction tendra, lorsque le besoin se présentera à nouveau, à être réinvestie sur le modèle de l’hallucination. Or, voilà que tout se passe comme si Freud, avec sa notion d’hallucination motrice, rappelait à notre souvenir ce qu’il avait déjà indiqué ailleurs [23] et que nous avons commenté dans un autre article, à savoir qu’il y a, en fait, deux conséquences « au fait de satisfaction ». Comme plusieurs auteurs qui se sont intéressés au développement cognitif, Freud semble ici avoir l’intuition qu’il faut postuler une contribution motrice au développement des représentations. Dans une lignée où l’on pourrait inscrire des auteurs aussi divers que Bergson, Piaget, Damasio et Varela [24], Freud place l’action au fondement de la mémoire et de la perception. Il propose que l’expérience de satisfaction aboutit à un frayage entre deux images mnémoniques : l’image de l’objet et les images des mouvements ayant conduit à la satisfaction. Deux types de traces se constituent lors de l’expérience de satisfaction et qui marqueront à jamais le mouvement du désir. Si les premières se rattachent à l’image de l’objet, les secondes traces sont de nature motrice ; elles sont issues des mouvements qui, lors de l’expérience de satisfaction, ayant provoqué « de nouvelles excitations sensorielles – de la peau et des muscles [25] », produisent dans la mémoire une image motrice ou kinesthésique. À l’origine, un frayage étroit s’établit entre l’image d’objet, l’image motrice et la satisfaction. Frayage que semblent réemprunter, chacune à leur façon, l’hallucination primitive et l’hallucination motrice. L’hallucination primitive réactive le souvenir de l’objet lié à la satisfaction, alors que l’hallucination motrice réactive le souvenir du mouvement lié à la satisfaction. Leur caractère hallucinatoire tient au mode bien particulier de réalisation de désir qui y est impliqué. L’hallucination primitive et l’hallucination motrice, bien que fondamentalement distinctes dans leur expression, montrent toutes deux à quoi pourrait ressembler une satisfaction sans détour ni travail. C’est en cela qu’elles sont des hallucinations.

HALLUCINATION PRIMITIVE, HALLUCINATION MOTRICE ET JUGEMENT : DISTINCTIONS

21Bien qu’elles soient toutes deux du registre de l’hallucinatoire, une première distinction s’impose d’emblée entre l’hallucination primitive et l’hallucination motrice. En effet, l’hallucination primitive ne porte que sur le souvenir de l’objet qui avait apporté la satisfaction : « Il est fort probable, écrit Freud, que c’est l’image de l’objet qui est, la première, atteinte par la réactivation. » Dans l’hallucination primitive, la motricité elle-même n’a aucun rôle à jouer. L’hallucination primitive néglige le couplage qu’on retrouve dans l’expérience de satisfaction entre la représentation désirée et l’image motrice qui lui est associée. Elle n’investit pas l’action comme lieu de retrouvailles avec le désiré. Ce faisant, selon nos précédents développements, elle produit des « signes d’actualité » mais non des « signes de réalité ». Or, il semble que dans l’hallucination motrice, c’est un tout autre type de couplage qui se voit négligé. Ici, ni la motricité ni la perception ne seront mises de côté. Le souvenir de l’objet désiré ne sera pas, non plus, abandonné. De ce point de vue, l’hallucination motrice opère dans des conditions qui sont peut-être plus semblables à celles qui sous-tendent le jugement qu’à celles qui permettent l’hallucination primitive. Mais elle ne se laisse pas réduire au jugement pour autant.

22En effet, le jugement, nous l’avons vu, est avant tout un acte de mémoire. Il est provoqué par une dissemblance entre l’investissement du souvenir et une perception qui lui ressemble. Il vise, par la réactivation de souvenirs moteurs, à découvrir le chemin qui permet de relier le souvenir de l’objet désiré à une perception qui lui ressemble. En fait, il est ce trajet, ce parcours qui consiste à retrouver un objet désiré dans la perception. Le cas échéant, le jugement donne lieu à un signe de réalité. Or, dans l’hallucination motrice, bien que la motricité soit aussi impliquée, ce chemin n’est pas parcouru dans son entier. La volonté – cette impulsion motrice – « qui plus tard changera la face de la terre au service de la satisfaction de souhait [dans le jugement] est maintenant utilisée à présenter la satisfaction, de telle sorte qu’on puisse pour ainsi dire la vivre au moyen d’hallucinations motrices ». Il importe donc peu, dans l’hallucination motrice, que la perception ressemble à l’objet désiré. Le souvenir de l’objet désiré ne guide pas, comme c’était le cas dans le jugement, la recherche perceptive. Dès que les souvenirs moteurs sont activés, voilà que la satisfaction se trouve présentée, voilà qu’elle est actualisée sans égard pour l’objet auquel elle était initialement associée. Certains exemples freudiens donnent même à penser que l’objet de l’hallucination motrice doit être déplacé ; qu’il ne doit pas trop correspondre à l’objet auquel la satisfaction ou la douleur était initialement associée. « Si le docteur, pour lui regarder la gorge, a ouvert la bouche de l’enfant qui se rebellait, l’enfant, après son départ, jouera au docteur et répétera la procédure violente sur un petit frère-ou-sœur qui est tout aussi en désaide face à lui qu’il l’était lui-même face au docteur. » [26] C’est bien en ce sens, par cette sorte de déplacement, que le jeu pourrait servir de voie de dégagement face à la contrainte de répétition. Le jeu répète mais il ne vise pas l’identité. L’acte est réactualisé dans un passage de la passivité à l’activité.

23L’hallucination motrice semble ainsi se situer à mi-chemin entre le jugement et l’hallucination primitive. Elle s’élabore à partir des mêmes éléments que le jugement mais opère à la façon de l’hallucination primitive. Comme l’hallucination primitive, elle montre à quoi pourrait ressembler une satisfaction sans travail ni retard. Son caractère hallucinatoire tient au mode de réalisation de désir qui y est impliqué. L’hallucination motrice « trouve » dans la perception un objet et réinvestit à partir de lui des images motrices sans pour autant chercher, comme dans le jugement, à le « retrouver ». Elle sacrifie ainsi une part de l’identité. Si les images motrices sont bel et bien investies et utilisées, elles ne servent pas, comme dans le jugement, à retrouver à l’extérieur un objet désiré, à recueillir des indices de réalité. Dans ce contexte, si une régression à l’hallucination motrice était possible, il est fort à parier que l’expérience qu’elle permettrait se produirait indépendamment de l’épreuve de réalité, puisque les conditions dont dépend l’apparition des signes de réalité ne sont pas respectées. L’objet désiré n’est pas retrouvé dans la perception.

24Cela étant dit, il reste à examiner ce qui permet à l’hallucination motrice – qui se produit dans les mêmes conditions que le jugement – d’en différer. Ou, posé autrement : l’hallucination motrice, qui ne fournit pas des signes de réalité, s’accompagne-t-elle alors – comme l’hallucination primitive – de signes d’actualité ? À première vue, il semble que non. Nous avons vu dans notre section sur l’épreuve d’actualité que lorsque le moi est investi, il exerce un effet d’inhibition sur l’investissement des représentations. Le moi vient freiner le processus d’investissement et l’empêche d’atteindre l’hallucination. Le moi est temps de retard, de réalité. Dès lors qu’il est introduit, la mémoire et le jugement le sont aussi, et nous ne sommes plus dans le fonctionnement tout-ou-rien de l’actualité. Or, l’hallucination motrice présuppose bien un degré d’investissement du moi. Un degré particulièrement élevé puisque la surestimation de la pensée observée dans le jeu des enfants et dans la technique de magie des primitifs est considérée par Freud comme un stigmate du narcissisme. C’est d’ailleurs, à côté de l’homosexualité et de la psychose, un des facteurs qui l’amènera à formuler, dans Pour introduire le narcissisme, l’hypothèse d’un investissement libidinal originaire du moi. Si donc le moi est présent, en vertu de ce que nous avons jusqu’ici formulé, le jugement devrait l’être tout autant. Comment, alors, penser, dans le jeu ou dans l’hallucination motrice, un clivage permettant la mise à l’écart de l’épreuve de réalité ? Comment concilier cette présence du moi et celle d’un fonctionnement supposé hallucinatoire ?

LE SURINVESTISSEMENT DU MOI

25Freud, dans Totem et tabou, nous donne quelques indices. Certes, le moi est investi lors de l’hallucination motrice, mais en l’absence d’un certain refoulement, rien ne peut, à ce stade, rendre possible le phénomène du doute. Sans refoulement, « l’image en miroir du monde intérieur ne peut, au stade de la pensée animiste, que rendre invisible cette autre image du monde que nous croyons connaître. » [27]. Le moi qui est investi dans l’hallucination motrice l’est donc d’une manière un peu particulière. Il s’agit d’un moi qui, par comparaison avec celui qui est décrit dans le jugement – où l’investissement était dit constant –, se présente comme fortement investi. Il s’agit d’un moi qui s’est détourné du monde extérieur et dont le fonctionnement est régi par l’unisson des intérêts sexuels et des intérêts du moi. Un moi non encore condamné à se mesurer à un idéal clivé pour s’estimer. Un moi qui, par corollaire, n’est pas en état de refouler. Si donc une régression à un mode hallucinatoire de désirer dans le jeu est possible, il semble qu’il faille la concevoir sur le modèle d’une expansion narcissique. Le moi est surinvesti dans l’hallucination motrice ; ce surinvestissement est un premier pilier permettant sa distinction d’avec le jugement.

26Le surinvestissement du moi, on pourrait l’expliquer de diverses façons. On pourrait, comme Freud dans Totem et tabou et dans Psychologie des masses et analyse du moi, admettre qu’il se produit aux dépens de l’objet et de l’idéal. Au stade de la pensée magique, l’individu s’attribue à lui-même la toute-puissance qu’il prêtera ensuite à l’autre lors de la trouvaille de l’objet. La pensée serait alors dans une large mesure sexualisée ; les intérêts du moi et les souhaits libidinaux se trouveraient à y confluer. Mais on pourrait aussi considérer que le surinvestissement du moi dans l’hallucination motrice résulte, à l’inverse, de la suspension du jugement et du renoncement à l’identité de perception et donc, paradoxalement, d’un désinvestissement de la partie du moi résultant des identifications secondaires. Nous avons vu que l’objet n’a plus, dans l’hallucination motrice, à être recherché dans la perception. Il peut simplement être trouvé là, il n’a plus à être retrouvé. Or, ce qui vaut pour l’objet vaut aussi pour le moi. Le moi qui joue n’est plus tout à fait le même. Il peut certes s’élargir, mais il semble que cette expansion suppose la dissolution partielle des investissements qui usuellement lui confèrent ses traits de caractère particuliers. Le fait de ne plus s’engager à retrouver l’identité dans la perception doit ébranler quelque chose qui a trait à la mémoire égocentrée, cette manière dont Imbeault propose que « le moi se fonde sur la mémoire, s’y enracine et s’y appuie pour méconnaître et reconnaître les choses » [28]. À preuve, quelque chose empêche le jeu de « passer à l’histoire », c’est-à-dire de s’inscrire dans la temporalité du sujet comme une chose « vraie, vraisemblable, possible ». Le moi qui joue, pourrait-on dire, n’a pas à s’y retrouver. Et c’est peut-être là le signe que quelque chose du moi lui-même se trouve désinvesti dans le jeu et dans l’hallucination motrice. Le résultat du jeu ne saurait s’inscrire dans la mémoire autobiographique du sujet qui a joué sans les indices qui en précisent la nature. Le jeu porte en lui une sorte d’après-tout – « après tout, ce n’est qu’un jeu ». C’est dire que le moi qui juge, au terme du jeu, le fait en fonction d’une mémoire qui engage la temporalité et qui n’était pas active au moment du jeu lui-même. Nous croyons que le fait que moi et objet n’ont pas eu à être retrouvés dans la perception est ce qui soutient le clivage du jeu par rapport à la mémoire égocentrée.

27Le fait qu’il puisse y avoir de l’hallucinatoire en présence du moi s’expliquerait donc de la manière suivante. L’introduction du moi n’a pas comme seule conséquence de permettre au processus de jugement de devenir efficient. Nous devons aussi considérer cette introduction sous l’angle du narcissisme et admettre que la possibilité de « s’imaginer » réalisant un acte surgit également comme conséquence de l’investissement du réseau de souvenirs potentiels qui constituent le moi. Avant que le moi ne soit introduit, on ne peut parler d’imagination sans aussitôt voir pointer l’hallucination. L’instauration du moi inhibe l’hallucinatoire et met en lieu et place l’imagination. Celle-ci n’est pas actuelle au sens où l’hallucination peut l’être, puisqu’elle implique la temporalité. En effet, il semble que l’imagination – comme la fantaisie et la rêverie – implique toujours une sorte de séquence d’événements qui intéressent le désir de son auteur. Néanmoins, elle conserve une certaine parenté avec l’hallucination primitive. Cette parenté réside dans la capacité de l’imagination de produire, à tout instant, une image actuelle... du moi. Si donc l’imagination n’est pas hallucination, elle permet néanmoins au sujet de s’halluciner réalisant un acte. Son actualité est liée au narcissisme et donc à l’image de soi. Ce qui surgit avec l’introduction du narcissisme, c’est la possibilité de littéralement « s’imaginer », de se voir dans le miroir concret ou dans celui de la pensée. Telle serait l’hallucination motrice : une hallucination où le sujet se « voit » réalisant un acte. Le moi est présent et actif, mais le jugement étant temporairement suspendu, tout se passe comme si ce même moi, dans sa dimension autobiographique, prenait temporairement congé et que seule subsistait une image actuelle du moi (nous verrons plus loin comment concevoir cette dernière). Comme certains investissements sont suspendus, d’autres, qui ne font pas partie du réseau habituel (non-moi), gagnent de ce fait en degré de liberté. Il faut cependant surtout ne pas confondre la suspension temporaire du jugement avec une levée du refoulement. Nous croyons, à l’instar de Winnicott, que lorsque le sexuel fait irruption en devenant brutalement manifeste dans le jeu, alors celui-ci cesse ou s’en trouve profondément perturbé.

28Nous retrouvons ainsi l’idée, déjà rencontrée à propos du rêve, que c’est au niveau d’un degré d’investissement variable des frontières du moi qu’il faut rechercher la possibilité d’une mise à l’écart de l’épreuve de réalité. Le degré d’investissement du moi, et par corollaire, son degré d’investissement de la perception comme lieu de rencontre avec le désiré ne serait pas quelque chose de fixé une fois pour toutes, mais varierait en fonction des aléas du narcissisme. Tout comme le rêve, le jeu tirerait son efficacité d’une certaine modification dans la répartition des investissements du moi. Tout comme dans le rêve, la mise en suspens de l’épreuve de réalité dépendrait, dans le jeu, de la possibilité de faire co ïncider à nouveau les intérêts sexuels et les intérêts du moi. Toutefois, les intérêts sexuels et les intérêts du moi ne co ïncident pas absolument dans le jeu. Ils confluent seulement dans le traitement qu’une part du moi fait subir aux représentations d’objet et d’action.

DE L’IMPORTANCE DES IMAGES MOTRICES

29Il est intéressant de constater que, tant que nous n’avions pas introduit l’hallucination motrice, nous n’avions pas eu à recourir au concept de narcissisme dans nos discussions sur l’épreuve de réalité. Qu’est ce qui, dans l’hallucination primitive, permettait de faire l’économie du recours au narcissisme ? Pour répondre à cette question, il nous semble devoir mieux comprendre le rôle joué par les images motrices et tenter de déterminer à quelles exigences de la pensée freudienne elles répondent. Notons d’abord que Freud, tout au long de l’Esquisse, accordera une attention considérable aux images motrices. Il cherchera à expliquer par elles l’expérience de satisfaction, le jugement primaire, le mécanisme psychique de l’attention, l’acquisition du langage et les effets de l’après-coup du sexuel. C’est sur le thème des images motrices qu’il conclura d’ailleurs son exposé en tentant de préciser leur lien avec la perception. Les images motrices sont omniprésentes dans cet écrit, et il est difficile de déterminer précisément à quelle exigence elles répondent.

30Cependant, il nous semble que les images motrices apparaissent plus souvent et avec plus de clarté quant à leur rôle lorsqu’il s’agit de traiter de deux phénomènes particuliers, à savoir l’expérience de satisfaction et la constitution du moi. Le rôle des images motrices dans l’expérience de satisfaction, nous l’avons déjà abordé. Il est centré sur l’idée que les images motrices marquent, dès l’origine, les voies empruntées par le désir. Au même titre que le souvenir de l’objet satisfaisant, elles auront fortement tendance à être réactivées et lorsqu’elles le seront, elles permettront, en quelque sorte, de présentifier les circonstances de la satisfaction. Ainsi conçues, les images motrices permettent à Freud de rendre compte d’un fait clinique. Dans l’hystérie « la survenue d’une représentation excessivement intense produit des effets qu’il n’est possible ni de supprimer, ni de comprendre : décharges d’affect, innervations motrices, inhibitions. Le sujet lui-même se rend compte de la bizarrerie de la situation » [29]. Avec cette première utilisation des images motrices, Freud répond, selon nous, à cette exigence théorique et clinique fondamentale que la « représentation inconsciente » n’est pas pure image. La représentation est, en vertu de cette connexion originaire entre image de l’objet et image motrice, d’emblée et toujours une disposition à l’action.

31À cette fonction originaire des images motrices, Freud en greffe cependant bientôt une autre. Du point de vue clinique, il constate que les représentations hyper-intenses qui s’accompagnent d’innervations motrices peuvent aussi surgir de façon normale et que ce sont elles qui, finalement, « confèrent au moi son caractère particulier » [30]. Cette constatation clinique sera suivie, dans la troisième partie de l’Esquisse, d’un développement théorique assez complexe visant à rendre compte, grâce aux images motrices, de la constitution du moi. Ce moi, l’Esquisse nous le présente comme étant divisé en une partie fixe, le noyau constamment investi, et une partie mobile, aux investissements variables, qui induit le processus secondaire. Or, cette distinction est elle-même corrélative d’une distinction entre une partie fixe de l’objet et une partie variable – le prédicat – qui « est révélée au moi par sa propre expérience » [31], c’est-à-dire par la réactivation de ses propres images motrices. « Tout en percevant W, on imite soi-même les mouvements, c’est-à-dire que l’on innerve sa propre image motrice (qui co ïncide avec la perception) au point de reproduire réellement le mouvement. C’est pourquoi il est permis de parler de la valeur imitative d’une perception. » [32]

32On voit mieux en quoi les souvenirs moteurs rejoignent le thème du narcissisme. La partie mobile de l’objet est révélée au moi non pas par un jugement secondaire mais, fait surprenant, « par sa propre expérience », c’est-à-dire par une tendance à imiter l’objet qui se produit en réactivant des images motrices... Tendance à imiter... comme dans l’hallucination motrice. Cette tendance est d’autant plus importante qu’elle porte sur la seule partie de l’objet qui peut, au bout du compte, être « comprise ». L’objet en tant que tel, sa partie fixe, demeure incompris en tant que « chose », comme Lacan l’a bien relevé [33]. Ce que nous nommons objets (choses, Dinge), écrit Freud, « sont des reliquats échappant au jugement » [34]. Le cœur du moi et de l’objet, leur partie centrale, leur noyau se constituent en dehors de tout jugement de réalité. Ils sont du registre de l’actualité.

33Les images motrices contribueraient ainsi au « jugement primaire », lequel vient fonder dans un même mouvement la forme du moi et celle de l’objet. Nous serions tentés de voir dans ce jugement primaire l’origine de ce qui sera plus tard décrit par Freud sous la rubrique de l’identification. Ne s’agit-il en effet pas, par le biais de l’action, d’accueillir quelque chose dans le moi ? Pour sa part, Laplanche le définit comme étant « l’acte par lequel, sur le fondement “des expériences propres, des sensations et des images du mouvement”, est posée une première permanence de l’objet, par la distinction entre son “noyau” et ses “prédicats”. Dire que le jugement s’effectue selon le processus primaire et qu’il se passe, pour ainsi dire, du moi, alors que précisément il vient poser dans la perception une structure analogue à celle du moi, n’est-ce pas dessiner la place d’expériences perceptives [nous ajouterons motrices] qui soient fondatrices, dans un même mouvement, de la forme du moi et de celle de l’objet total ? » [35]. N’est-ce pas aussi dire que s’il est une chose qui, une fois opérée l’introduction du moi, restera à jamais soustraite au jugement et à l’épreuve de réalité, c’est, en quelque sorte, le propre rapport du moi aux perceptions et aux images motrices qui l’ont fondé ? Le moi est un objet, et en ce sens, les expériences perceptives et motrices qui ont entraîné sa précipitation sont des reliquats échappant au jugement. Le noyau du moi est actuel. C’est pourquoi, il y aura toujours une certaine part du traitement que le moi fait subir aux perceptions, aux représentations et aux souvenirs moteurs qui restera soustraite au jugement secondaire. L’apparition du moi n’aura pas comme seule conséquence de permettre le processus de jugement secondaire, c’est-à-dire de surinvestir la perception de façon à y retrouver un objet désiré. Elle a aussi comme effet que ce moi, identifié à une forme – celle de l’autre semblable –, reprendra libidinalement à son compte la perception. C’est-à-dire qu’il se pose lui-même, par identification, comme cette forme toujours actuelle à qui des événements peuvent advenir. Tel est, en effet selon nous, le résultat ultime de ce qui est décrit sous la rubrique « jugement primaire ».

34S’il en est ainsi, on comprend mieux pourquoi la question moi/non-moi et la question de la réalité n’ont pas à être posées dès lors que l’on accepte véritablement de jouer. Renonçant à une forme de croyance – celle, liée au jugement secondaire, qui commande de retrouver des signes de réalité – le jeu en ré-institue une autre, tout aussi fondamentale, dans le tout ou rien de l’actualité, selon laquelle c’est au moi que les perceptions et les actions doivent être rapportées. Grâce à la suspension du jugement, partie mobile du moi et partie mobile de l’objet paraissent pouvoir temporairement se dissoudre dans le jeu. Il y a relâchement des frontières identitaires. Le moi s’élargit. Il peut admettre en son réseau des représentations d’objets et d’action qui n’en font habituellement pas partie. Il peut admettre du non-moi sans que cela ait de conséquences sur son autobiographie. Mais le jeu n’est pas sans affecter le moi pour autant. Car du point de vue du désir, le jeu fait certainement événement. Et s’il sera clivé de la mémoire égocentrée, il n’en reste pas moins capable d’enrichir provisoirement le moi par l’identification. La partie fixe du moi, comme celle de l’objet d’ailleurs, n’y perd aucunement son investissement. Bien au contraire, c’est à cette partie fixe du moi, à cette forme toujours actuelle que les événements peuvent atteindre, que le jeu s’adresse au fond.

35Pourquoi donc un jeu, après tout, n’est-il qu’un jeu ? Nous répondrons, avec un clin d’œil à Rimbaud, que c’est parce que : « Je(u) est un autre. »

Notes

  • [1]
    S. Freud, Formulation sur les deux principes de l’advenir psychique, OCF.P, XI, PUF, p. 16-17.
  • [2]
    S. Freud (1933), Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse, « Rêve et occultisme », in OC, vol. XIX, Paris, PUF, 1995, p. 144.
  • [3]
    S. Freud (1925), La négation, in OC, vol. XVII, Paris, PUF, 1992, p. 170.
  • [4]
    S. Freud (1915), « Deuil et mélancolie », Métapsychologie, in OC, vol. XIII, Paris, PUF, 1988, p. 264.
  • [5]
    S. Freud (1925), Inhibition, symptôme et angoisse, in OC, vol. XVII, Paris, PUF, 1992, p. 286.
  • [6]
    Voir S. Freud (1919), L’inquiétant, in OC, vol. XV, Paris, PUF, 1996, p. 183-184.
  • [7]
    J. Laplanche et J.-B. Pontalis (1967), Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, p. 138.
  • [8]
    S. Freud (1895), Esquisse d’une psychologie scientifique, in La naissance de la psychanalyse, Paris, PUF, 1956, p. 337.
  • [9]
    S. Freud, Esquisse d’une psychologie scientifique, op. cit., p. 343-344.
  • [10]
    Voir notre précédent article : M. Leclaire et D. Scarfone, Vers une théorie unitaire de l’épreuve de réalité, Revue française de Psychanalyse, t. LXIV, no 3, 2000.
  • [11]
    J. Laplanche, Vie et mort en psychanalyse, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1987, p. 97.
  • [12]
    S. Freud, Esquisse d’une psychologie scientifique, op. cit., p. 344.
  • [13]
    Ibid., p. 346.
  • [14]
    Ibid., p. 350, italiques dans l’original.
  • [15]
    Pour juger de l’étendue de la concordance avec les recherches neuroscientifiques récentes, voir V. Gallese, The inner sense of action. Agency and motor representations, Journal of Conscisousness Studies, vol. 7, no 10, 2000, p. 23-40.
  • [16]
    Ce qui caractérise l’hypnose, c’est une suppression de la volonté. « Un savoir selon lequel l’hypnose n’est malgré tout qu’un jeu, un renouvellement mensonger de ces impressions anciennes, peut néanmoins rester conservé et pourvoir à la résistance contre des conséquences trop sérieuses de la suppression de la volonté hypnotique » (S. Freud (1921), Psychologie des masses et analyse du moi, in OC, vol. XVI, Paris, PUF, 1991, p. 67).
  • [17]
    S. Freud (1912), Totem et tabou, in OC, vol. XI, Paris, PUF, 1998, p. 293-294.
  • [18]
    S. Freud, Esquisse d’une psychologie scientifique, op. cit., p. 353.
  • [19]
    M. Leclaire, The Mad scientists : Psychoanalysis, Dream and virtual reality, in The International Journal of Psycho-Analysis, 84, 2003, 331-346.
  • [20]
    On voit que cette notion d’hallucination motrice pourrait éclairer certains mécanismes qui, tel l’identification à l’agresseur, ont principalement été considéré sous l’angle de leur caractère défensif. La défense s’infiltrerait, en après-coup, là où régnait d’abord le désir et la recherche de satisfaction.
  • [21]
    S. Freud, Totem et tabou, op. cit., p. 292.
  • [22]
    S. Freud, ibid., p. 295.
  • [23]
    S. Freud, Esquisse d’une psychologie scientifique, op. cit., p. 346.
  • [24]
    H. Bergson, Matière et mémoire, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1997 ; J. Piaget, La construction du réel chez l’enfant, Neuchâtel et Paris, Delachaux & Niestlé, 1937 ; A. Damasio, The Feeling of What Happens. Body and Emtions in the Making of Consciousness, New York, Harcourt Brace & Co., 1999 ; F. Varela, E. Thompson et E. Rosch, L’inscription corporelle de l’esprit, Paris, Le Seuil, 1993.
  • [25]
    Ibid., p. 337.
  • [26]
    S. Freud (1933), Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse, in OC, vol. XIX, Paris, PUF, 1995, p. 20-21.
  • [27]
    S. Freud, Totem et tabou, op. cit., p. 295.
  • [28]
    J. Imbeault, Mouvements, Paris, Gallimard, coll. « Tracés », 1997, p. 49.
  • [29]
    Esquisse, op. cit., p. 359.
  • [30]
    Ibid., p. 359.
  • [31]
    Ibid., p. 376.
  • [32]
    Ibid, p. 350.
  • [33]
    J. Lacan, Le Séminaire, livre VII : L’Éthique de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1986, p. 55-86.
  • [34]
    S. Freud, Entwurf Einer Psychologie, Gesammelte Werke, Nahträgsband, Frankfurt am Main, Fischer Verlag, 1987, p. 429.
  • [35]
    J. Laplanche, Vie et mort en psychanalyse, op. cit., p. 102. Entre crochets : ajouté par nous.
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