Couverture de RFP_671

Article de revue

Le roman familial non traditionnel

Pages 197 à 218

Notes

  • [1]
    En anglais, « barbe du soir » se dit five o’clock shadow. (NdT.)
  • [*]
    Psychoanalytic Quarterly, 2001, vol. 70, no 3, 599-624.
English version

1Il n’a jamais été facile de poser la question : “ D’où est-ce que je viens ? ”, ni d’y répondre. Outre l’incertitude existentielle qu’elle provoque, elle se trouve mettre souvent les enfants comme les parents aux prises avec le désir, l’anxiété et le sentiment de devoir se défendre. Ce nœud d’inquiétudes s’est encore resserré avec la prolifération des familles non traditionnelles, notamment celles que forment les homosexuels, hommes et femmes, mais aussi les familles multiparentales et monoparentales. Comment parler aux enfants de ce qui différencie leur conception et/ou l’union sexuelle de leurs parents des récits familiaux traditionnels sur la procréation et la sexualité parentale ? Comment aborder et traiter la conscience qu’un enfant développe des histoires majoritaires opposées aux histoires minoritaires de la parenté et de la procréation ? Comment expliquer et exprimer les sentiments que l’on peut avoir à l’égard du fait que deux femmes sont capables de reproduction sur le plan de la gestation, mais que deux femmes ou deux hommes ne sont pas capables de reproduction génétique ? Comment expliquer, en tant que parent unique, le désir d’avoir un enfant en dehors des liens du mariage et du récit traditionnel mariage/amour souvent utilisé pour expliquer la procréation ? Comment créer un espace triangulé composé du parent, de l’enfant et du donneur ? Comment contenir les sentiments de culpabilité et de défense vers lesquels le parent et l’enfant minoritaires sont attirés lorsqu’ils se trouvent confrontés aux suppositions normatives et aux attentes majoritaires ?

2Ajoutons à tout cela les façons dont de nombreuses familles non traditionnelles (sinon toutes) recourent aux techniques de la fertilité et de la reproduction, de plus en plus complexes et diverses. Considérons, par exemple, les innombrables médicaments qui favorisent la fertilité, ou les nombreuses variantes de la fécondation in vitro qui dépendent des techniques employées pour traiter le sperme et l’œuf avant qu’il soit implanté dans le corps d’une femme. Considérons également le large éventail des différents types d’insémination artificielle et d’œufs possibles : le donneur peut être anonyme ou connu, ou encore connu dès le début ou seulement plus tard dans la vie de l’enfant ; il y a aussi le donneur connu qui joue un rôle actif dans la vie de l’enfant et celui qui, au contraire, n’est pas activement impliqué ; le donneur peut être génétiquement apparenté ou non apparenté, unique ou multiple – pour ne citer que quelques exemples. Comment parler des innovations technologiques que même le parent a parfois des difficultés à appréhender ? Comment aborder avec un enfant des distinctions de catégorie qui commencent tout juste maintenant à se combiner (telles celles entre mère génétique, mère de gestation et mère sociale) ? Il faut ajouter à cela les dispositions sociales et contractuelles, notamment l’adoption, le statut de mère porteuse ou celui de parent contractuel, sur la base desquelles les familles non traditionnelles sont établies. Et l’on voit ainsi aisément qu’il vaut mieux en effet être courageux dans ce meilleur des mondes.

3Mais même avant que cette sorte de meilleur des mondes n’émerge, les parents manquaient notoirement de courage face aux questions de procréation. Les parents anxieux recouraient à des détours métaphoriques qui leur permettaient d’éluder des questions sur la reproduction et la sexualité parentale. D’où les histoires de chou, de rose et de cigogne. La mystification engendrée par la comparaison établie entre un chou et le processus de gestation est devenue emblématique de l’inquiétude et de l’attitude défensive des parents. Là encore, ils ne s’appuient pas sur des métaphores seulement pour mystifier ; ils recourent également à des comparaisons et des métaphores dans leurs efforts pour aider leurs enfants à comprendre des phénomènes complexes et générateurs d’anxiété.

4Les métaphores sont employées pour raconter une histoire. Les histoires ou « romans familiaux » sont un des aspects du devenir d’une famille. Freud (1909) a le premier introduit cette notion de roman familial en décrivant comment les adolescents fantasment parfois, pour les besoins d’une séparation, qu’ils sont nés d’autres parents que les leurs. Alors que Freud liait cette expérience à l’enfant et à l’acte de la séparation, je suggère que les romans familiaux sont également racontés par les parents ou entre parents et enfant aux fins de l’attachement. Les enfants demandent souvent que des histoires de conception et de naissance leur soient racontées à maintes reprises alors qu’ils s’efforcent de saisir ce que sont la reproduction, la sexualité parentale et la formation d’une famille. Des récits héro ïques et miraculeux de naissance, par exemple, occupent souvent une place particulière dans les romans familiaux.

5Traditionnellement, les récits de l’union parentale et de conception constituent le premier chapitre des romans d’apprentissage familiaux. Mais qu’en est-il des familles pour lesquelles il n’y a pas d’union parentale et/ou quand la conception a eu lieu avec l’aide de quelqu’un d’extérieur à la famille ? Comme les psychanalystes d’enfants et les thérapeutes familiaux le savent très bien, nous ne pouvons aujourd’hui regarder à l’extérieur ou à l’intérieur de nos propres foyers et/ou de nos cabinets de consultation sans avoir à nous battre avec notre conscience croissante de la multiplicité qui imprègne le tournant de ce millénaire.

6Il n’y a pas qu’une seule histoire à raconter. Nos observations cliniques sont confirmées par les données démographiques actuelles selon lesquelles seulement 51 % des enfants américains vivent dans le même foyer avec leurs père et mère biologiques (The New York Times, 11 juin 1999). Compte tenu de ces nouvelles normes, nous sommes obligés de repenser les façons dont les enfants et les familles se développent. Il nous faut réexaminer nos théories développementales qui supposent une mère, un père et un enfant. En même temps que nous procédons à ce réexamen, nous devons également considérer les façons dont l’idéal normatif de la famille nucléaire continue d’exister. En d’autres termes, les normes ne sont pas seulement une façon de parler de données démographiques empiriques, elles servent aussi à maintenir des idéaux sociaux ou un ordre normatif idéalisé. Nous pouvons vraiment affirmer qu’il n’y a pas qu’une seule histoire à raconter. Mais ce faisant, nous devons également reconnaître que les histoires dépendent autant des idéaux que des faits.

7Je me propose maintenant de traiter de trois constructions qui filtrent dans cet aspect de la clinique psychanalytique qu’est l’élaboration d’histoires, et que nous devons maintenant repenser à la lumière des problèmes aigus de catégorie que posent les familles non traditionnelles, mais aussi de ceux auxquelles elles sont confrontées : 1 / la logique normative, 2 / la rêverie familiale et la construction d’un roman familial, et 3 / la scène primitive. Guidé ici par une observation pleine de prescience de Ronald D. Laing (1968) qui dit : « Nous parlons de familles comme si nous savions tous ce que sont les familles », je voudrais suggérer que l’examen de familles non traditionnelles et des vicissitudes de la reproduction contemporaine mène à ne plus savoir ce que sont les familles – notamment comment nous configurons la famille au sein de la théorie développementale. Les romans familiaux sont de première importance (peut-être les plus importants) non seulement dans notre conception du développement de l’enfant, mais aussi dans nos efforts cliniques. Mais de quelle famille s’agit-il ? Et quand nous posons la question de savoir ce qu’est une famille, nous nous trouvons devoir également nous demander comment elle est. Comment une famille fait-elle son travail de famille ? Ce travail dépend-il d’une structure familiale particulière ou fixe ?

LA LOGIQUE NORMATIVE

8Je commence par la crise de la logique normative et de la famille non traditionnelle et j’avance la proposition suivante : personne ne se développe en dehors d’un système de normes, mais personne ne se développe non plus comme un simple mécanisme qui reproduirait de telles normes (Butler, 1997 a, 1997 b ; Layton, 1998).

9Les enfants et les familles se développent à la fois contre la « logique » de la structure sociale normative et au sein de celle-ci. Une structure de ce type fonctionne à travers différentes formes de pratiques, de pouvoirs et de langages sociaux. Aucun enfant, ni aucune famille ne sort de ce monde extérieur. Personne ne vit en dehors de l’extérieur. Toutefois, comme Jane Flax (1993) l’affirme, chaque enfant et chaque famille s’individualise à travers sa lutte avec et contre ces structures sociales.

10Il est, par exemple, souvent rappelé aux enfants de familles non traditionnelles qu’ils sont incompréhensibles dès lors que la loi ou la logique de la culture dominante pèse sur eux. Comment cette logique normative peut-elle être intériorisée et intégrée par la conscience et l’inconscient d’un enfant ? Comment pouvons-nous considérer la façon complexe dont la psyché est toujours produite à l’intérieur d’un monde extérieur et, en même temps, garder à l’esprit qu’à côté des normes l’imprévu et la chance y sont toujours présents, et toujours en interaction avec les normes – créant par là même la possibilité de la répétition avec une différence (Butler, 1997 a, 1997 b ; Layton, 1998 ; Corbett, 2001). En d’autres termes, les normes ne sont jamais simplement reproduites, mais plutôt toujours produites avec des différences.

11Prenons l’exemple de Andy, âgé de 7 ans et fils de deux mères. Confronté dans la cour de récréation au privilégié de la famille nucléaire traditionnelle lui disant qu’il ne pouvait être né de deux mères, il répondit : « Abruti, tu n’as jamais entendu parlé de l’insémination artificielle ? » Ou bien l’exemple de Jane, 6 ans, fille d’une mère célibataire, qui, confrontée à une remarque similaire, répondit simplement : « Eh bien, un homme nous a aidées. » Sur ce, une de ses amies a pris sa défense en faisant remarquer que leur amie commune, Lilly, « venait d’un récipient ». Comme ces réalités et d’autres de la vie de ces enfants le suggèrent, ils se voyaient eux-mêmes comme marginaux et, au moins une partie de leur temps, ils défendaient leur marginalité à l’aide d’explications en apparence désinvoltes ou avec un sentiment de défi autorisé. Ils étaient certes différents, mais prêts à se défendre en tant que tels.

12Andy et Jane ne souffraient pas simplement ou seulement d’être confrontés aux normes culturelles dominantes, mais semblaient comprendre à leur façon que les normes ne peuvent exister qu’avec des différences et qu’à la fois une répétition de certaines normes et un défi à d’autres normes se trouvaient mêlés tant dans leur subjectivité que dans celle de leurs mères. Ce qui ne veut pas dire que ces enfants pouvaient résister à des normes sans désirs complexes et même contradictoires du normatif.

13Andy, par exemple, était très troublé, honteux et en colère à l’égard de l’allure masculine de R. J., l’une de ses mères. Ce qu’il percevait comme l’incompréhension de R. J. – notamment quand il arrivait qu’on la prenne publiquement pour un homme – pouvait l’amener à se sentir particulièrement honteux et en colère. Les sentiments de Andy à cet égard étaient surdéterminés. Une des variantes de cette surdétermination consistait en cela qu’il pouvait se sentir incompréhensible en tant que son fils. Il n’était pas l’enfant biologique de R. J. et n’avait aucune ressemblance avec elle, alors qu’il ressemblait manifestement à sa mère biologique. Il lui arrivait fréquemment, non seulement de devoir expliquer que R. J., que d’autres prenaient souvent pour un homme, était sa mère, mais aussi de devoir expliquer et comprendre leur différence physique. Un autre aspect compliquait encore les choses : Andy devait tenir compte de son désir d’une sorte de présence physique active qu’il trouvait chez R. J. et avec laquelle il s’identifiait. Contrairement à Ellen, l’autre mère de Andy, qui ressentait et exprimait souvent des sentiments d’appartenance à un sexe différent de celui du petit garçon qu’il était, R. J. s’identifiait régulièrement à lui et le rejoignait dans ses occupations d’enfant. Ils jouaient ensemble au football, construisaient des maquettes d’avion et défiaient la délicatesse féminine de Ellen face à des insectes ou autres bestioles.

14En conséquence, les sentiments de colère de Andy et son désir de prendre de la distance à l’égard de R. J. étaient source de beaucoup de souffrance, autant pour lui que pour sa mère. R. J. parlait souvent de son expérience d’être sexué avec une sorte de plaisir ironique. Elle aimait, par exemple, souligner qu’elle entraînait l’équipe de football de Andy mais comptait en même temps parmi les mères membres de l’association des parents d’élèves pour la classe de son fils. Elle n’était toutefois pas indifférente aux dilemmes que son expérience posait à Andy, ni au trouble et à la colère qu’il ressentait parfois. À cet égard, la capacité de R. J. à jouer son rôle de parent était utile. Elle avait une façon d’aborder la vie à bras-le-corps, avec vigueur et avidité. Elle se lançait facilement dans le jeu actif et pouvait percevoir intuitivement et être à l’origine du plaisir voluptueux d’un enfant à l’excès, tout en sachant également percevoir son besoin de réconfort, d’apaisement, de structure, et y répondre de façon appropriée.

15R. J. et moi-même avons œuvré à utiliser sa capacité à être un parent assez bon afin de satisfaire le désir de Andy d’avoir, comme il le disait, « une maman qui ressemblait à une fille mais savait jouer comme un garçon ». R. J. comprenait qu’elle ne pouvait incarner ce désir, mais était en revanche capable d’offrir un esprit ouvert tant au désir de Andy, qu’au trouble, à la colère et à la haine qui allaient de pair avec ce désir. À travers sa capacité réflexive de rester ouverte aux projections de Andy, un paradoxe put être créé et tenu : le désir de Andy put être reconnu, de même que ses perceptions des normes culturelles. L’incompréhension culturelle de R. J. fut également située par rapport à ces normes. Le dilemme de Andy n’était pas résolu ; sa honte et sa colère n’étaient non plus effacées, mais plutôt tenues et explorées.

16Andy se trouvait confronté à un dilemme similaire, bien que manifestement différent, avec son autre mère, Ellen. Il se mettait souvent en colère quand elle s’efforçait d’expliquer leur famille à d’autres, ce qui signifiait entre autres choses de se déclarer lesbienne. Andy pressait Ellen de se taire et de passer pour pratiquement normale. Elle acceptait parfois de se soumettre au désir de son fils, mais craignait qu’une telle acceptation ne signifie d’être également complice de sentiments de honte. Ellen parla de sa préoccupation lors de notre premier entretien :

17« Andy est un gosse formidable. Je l’aime de tout mon cœur et je suis sûre qu’il le sait, en même temps qu’il ressent les complications qu’il y a là, vous savez, avec son « Oh, m’man ». Il n’a pas été difficile de l’aider à comprendre que je suis lesbienne et ce que cela veut dire. Il comprend cela. Je pense qu’il comprend aussi du mieux qu’il le peut, à ce stade, les circonstances de sa naissance. Mais qu’est-ce que je fais maintenant qu’il commence à comprendre qu’on me hait ? »

18Leur famille ne se fondait pas toujours dans la logique d’arrière-plan. Elle était parfois accueillie avec inquiétude et haine. R. J. se souvenait d’un « moment de haine », un jour qu’elle retrouvait Ellen et Andy à l’angle d’une rue. Elle les embrassa, ils se prirent tous les trois par la main et se dirigèrent vers un restaurant. Alors qu’ils se prenaient par la main, un passant cria : « Sales homos ! » Les larmes aux yeux, elle décrivit son effroi, sa colère, son impuissance et son chagrin quand elle vit l’expression joyeuse de Andy tourner à la confusion, à la peur, puis à la colère. R. J. et Ellen résistaient activement à la haine que leur sexualité et leur famille suscitaient souvent. Elles encourageaient les idées de tolérance et les discussions sur la différence. Elles s’élevaient contre les actes de violence et de haine. Elles informaient volontairement Andy sur ce que vivaient des minorités, et faisaient partie, en tant que famille, d’un organisme municipal de soutien aux familles gays et lesbiennes.

19Toutefois, R. J. et Ellen se rendaient compte que leur attitude consistant à prendre les devants et à se montrer positives ne suffisait pas, bien qu’elle fût nécessaire. Elles avaient besoin de ce que Ellen appelait « un espace plus réflexif, moins réactif ». Et c’était précisément ce besoin qui les avait amenées à consulter. Elles s’étaient renseignées auprès de la psychologue de l’école de Andy, qui me les avait adressées. La psychologue scolaire ne notait pas de problèmes importants chez Andy à l’école. Selon elle, c’était « un garçon sain qui luttait avec les hauts et les bas d’une vie non traditionnelle ». Dans une école compétitive, c’était un élève au-dessus de la moyenne. Ses relations avec les autres semblaient bonnes ; il avait plusieurs amis et était considéré comme un gamin ayant « la cote ». La psychologue scolaire souligna que deux autres enfants de la classe de Andy venaient de familles non traditionnelles, et qu’aussi bien l’instituteur que l’école s’efforçaient résolument de les intégrer. Il lui semblait que les efforts de Andy pour traiter la perception de la différence de sa famille étaient mitigés ; il oscillait entre être plus ou moins ouvert aux discussions sur ce sujet. Elle disait à ce propos : « Il essaie. Mais il y a quelque chose de cette situation qui essaie aussi. »

20J’ai travaillé deux ans avec Andy et sa famille et je continue à les voir de temps en temps en consultation. Au moment où j’avais entrepris une psychothérapie individuelle avec lui, à raison de deux séances par semaine, je rencontrais fréquemment ses mères (en général deux fois par mois). Cela me semblait particulièrement important pour saisir ce que je pouvais, non seulement de la façon dont ils vivaient tous les trois en famille, mais aussi comment Ellen et R. J. vivaient en couple. Elles décrivaient leur relation comme affectueuse et largement satisfaisante. Elles montraient en effet une affection réciproque naturelle et une égale volonté d’écouter l’autre jusqu’au bout. Je notai toutefois une tendance subtile à « gérer » les sentiments de l’autre de façon à tranquilliser, mais aussi tronquer ce qui était dit. Quand je les interrogeai à ce propos, elles commencèrent à considérer ce que R. J. appela finalement le « cercle que formaient les wagons ». Il était intéressant de noter comment cette dynamique, non seulement inspirait leurs relations familiales immédiates mais se retrouvait aussi dans le « cercle restreint » de leurs amis et leurs relations « très proches » avec leurs frères et sœurs, ainsi que les enfants de ceux-ci. Comme je le montrerai de façon détaillée, des thèmes autour du silence protecteur émergèrent rapidement et se faufilèrent tout au long du traitement.

21Il y avait au cœur de mon travail avec Ellen et R. J. nos efforts pour comprendre comment Andy trouverait le moyen de traiter son anxiété à l’égard de leur différence et de supporter ses expériences de honte et de haine à travers la capacité de R. J. et Ellen de rester dans un état d’esprit ouvert à ses identifications projectives, qu’elles soient ressenties comme bonnes ou mauvaises (Bion, 1959, 1962). Ensemble, nous avons réfléchi au besoin qu’Andy avait non seulement de leurs esprits, mais aussi de s’en servir, et même de s’en servir impitoyablement (Winnicott, 1955 ; Fonagy et Target, 1996). Ellen et R. J. arrivèrent à voir les façons dont leurs capacités réflexives soutenaient Andy et démontrèrent également leur capacité à survivre à une utilisation aussi impitoyable. Nous avons travaillé ensemble à comprendre que bien que nous souhaitons protéger nos enfants de la douleur, de l’anxiété et de la haine, nous sommes en fait impuissants à empêcher que ces sentiments n’entrent dans leur vie ; de plus, une vie sans douleur ni perte serait complètement déformée. Elles parvinrent à comprendre qu’Andy ne vivrait pas sans douleur, ni anxiété, bien qu’il ait la force de les contenir.

22R. J. et Ellen reconnurent que leurs capacités de réflexion et de rêverie, en particulier celle de réfléchir sur leur marginalité, s’était développée sur une longue période et commencèrent à penser à la façon dont elles pourraient aider Andy à cet égard comme dans une danse – parfois on conduit, parfois on suit. Parfois, en fonction de l’anxiété de Andy, elles suivaient ses défenses. Si l’occasion se présentait, elles réfléchissaient à sa peur, ou à ses façons de percevoir leur incompréhension culturelle, ou encore à leur désir collectif de l’apparente facilité que représentait la norme. D’autres fois, elles aidaient activement le petit garçon à forger sa propre histoire de minorité.

LA RÊVERIE FAMILIALE ET LA CONSTRUCTION D’UN ROMAN FAMILIAL

23Un autre aspect de l’histoire de minorité de Andy était sa façon de se débattre avec son idée de père. À cet égard, il se montrait prudent et tranquille – une attitude inhabituelle par rapport à sa manière d’être à d’autres égards impitoyable. Sa répugnance à donner libre cours à sa curiosité sur les pères était manifeste. Alors que je faisais référence une fois à son « père », il me corrigea assez fermement et catégoriquement en m’expliquant qu’il n’avait pas de père, mais un donneur. Je compris qu’il répétait ce qu’on lui avait dit à ce sujet. Mais je fus aussi sincèrement frappé par l’honnêteté de sa réponse. Après avoir noté ma gaffe, je lui demandai s’il avait déjà imaginé son donneur. Il répondit en énumérant les faits qu’on lui avait livrés. Andy connaissait la différence entre les faits et l’imagination et lorsque j’attirai son attention sur son « juste les faits », il révéla à contrecœur qu’il se faisait tout de même une idée du donneur. Il avait dans l’idée qu’il ne pouvait rencontrer cet homme avant qu’il n’ait lui-même dix-huit ans ; autrement le donneur pourrait vouloir le garder.

24Nous sommes parvenus à comprendre beaucoup de choses sur ce fantasme, notamment son désir et sa peur que je puisse vouloir le garder avec moi. Nous avons également examiné ses sentiments partagés à l’égard de son désir de connaître cet homme (et de connaître des pères en général), et comment cela affecterait ses mères. En particulier, sa curiosité le séparerait-elle d’elles ? Sa curiosité serait-elle punie par le fait que cet homme inconnu le volerait ?

25À ce moment du traitement, je commençai à travailler avec Andy et ses mères à faire entrer leurs fantasmes collectifs sur le donneur dans ce que j’appelle leur « rêverie familiale ». Il devînt assez rapidement évident que toute la famille avait œuvré à faire taire ses fantasmes sur cet homme. Les mères de Andy avaient eu de nombreuses discussions souvent colorées de fantasmes animés sur le donneur – discussions qui avaient toutefois eu lieu avant la naissance du garçon. Elles avaient en particulier relié le donneur à leurs propres histoires au niveau de ce qui nous est apparu comme leurs désirs de reproduction génétique et de continuité. Elles imaginaient toutes les deux le donneur comme ressemblant au frère ou à la sœur bien aimé(e) de l’autre : R. J. l’imaginait être comme la sœur cadette d’Ellen, alors qu’Ellen l’imaginait être comme le frère aîné de R. J. Elles établissaient ces liens compte tenu des informations dont elles disposaient sur le donneur : il avait un diplôme d’études supérieures en mathématique comme la sœur d’Ellen, et jouait du violoncelle comme le frère de R. J. Une autre expression de leurs efforts pour rendre le donneur « familier » était qu’elles se souvenaient être presque « tombées amoureuses » de lui. Ellen avait précisé qu’elles n’étaient pas vraiment « tombées amoureuses, mais qu’elles avaient au moins un grand béguin pour lui. Nous n’avions de lui qu’une description écrite, pas de photo. Mais nous l’imaginions certainement comme très sympathique. C’est en ce sens que nous étions tombées amoureuses ». R. J. avait ajouté : « Nous lui avions même donné un prénom que je trouve très sympathique : Tim. Bien entendu, nous ne connaissions pas son vrai nom. »

26R. J. et Ellen commencèrent à voir comment leur silence sur le donneur avait été le résultat d’inquiétudes déterminées de multiples façons. Elles s’inquiétaient toutefois principalement du fait qu’une discussion ouverte comme celle-là se révélerait trop stimulante et mènerait à des questions auxquelles elles ne pouvaient répondre, et à des désirs qu’elles ne sauraient satisfaire. Nous avons travaillé dans le sens d’une reconnaissance des limites de la réalité : il y avait des réponses et une satisfaction qu’elles ne pouvaient apporter. En même temps, nous avons travaillé en direction de ce qu’elles pouvaient apporter : leur esprit, la possibilité de rêverie, ainsi que celle, correspondante, d’un échange réflexif qui pouvait émerger de la rêverie.

27Dès lors qu’elles eurent compris combien leurs fantasmes à l’égard du donneur avaient été importants pour elles, il devenait facile de voir qu’il en allait peut-être de même pour Andy. Elles avaient apporté à Andy les quelques faits qu’elles connaissaient mais n’avaient pas encouragé la discussion au-delà de ceux-ci. Elles ont commencé à voir comment Andy avait peut-être limité ses fantasmes par respect pour leur anxiété. À l’opposé de leur peur que leurs fantasmes se révéleraient trop stimulateurs ou les sépareraient en tant que famille, elles devenaient capables de considérer la possibilité du contraire : celle de voir leurs esprits s’ouvrant sur et dans leurs fantasmes collectifs d’une façon qui les rassemble en tant que famille.

28Le dilemme que vivait Andy à l’égard de son donneur m’amène aux récentes réflexions de D. Ehrensaft (2000) sur ce qu’elle décrit comme « la destruction » du père-donneur de sperme. Passant en revue la littérature consacrée aux lesbiennes qui élèvent des enfants, elle note une tendance à nier l’importance de l’information sur l’insémination donnée à l’enfant. D. Ehrensaft affirme qu’en reléguant le rôle du père biologique à celui d’un « homme charmant qui donne son sperme », les parents sous-estiment le besoin de leur enfant d’être informé sur ses origines biologiques (p. 384), et qu’en réduisant ce père biologique au sperme qu’il a donné, ils se défendent contre leur propre anxiété à l’égard du rôle que le donneur joue dans la conception de l’enfant. Selon elle, un tel déni masque le besoin d’un enfant d’établir et de construire un « père entier » (p. 389).

29En ce qui concerne Andy, nous pouvons noter que ni lui-même ni ses mères n’avaient détruit le donneur ; Andy et ses mères le séquestraient en fait, et par là même s’efforçaient de limiter leurs propres fantasmes d’un père. En reprenant les termes qu’emploie D. Ehrensaft, nous pouvons dire que Andy avait des difficultés à créer un « père entier », opposé à un « père partiel » – un père qui ne soit pas seulement composé de sperme et de faits. J’avais toutefois bien conscience qu’en créant un père-donneur, Andy se trouvait confronté à un paradoxe : sperme-donneur est un fragment ou une composante à part donné(e) dans ce cas par un homme inconnu, bien que vraisemblablement entier. Andy avait un besoin intégrateur d’en savoir plus sur cet homme et d’imaginer plus sur lui, bien qu’il fût en même temps confronté au rôle séparé que cet homme inconnu jouait dans sa conception.

30À la fois construit et déconstruit par la réalité matérielle, le père de Andy était déterminé de multiples façons dans la réalité psychique. Une facette de cette détermination multiple consistait en cela que le père-donneur de Andy était un objet à la fois partiel et entier. Une autre facette avait trait à une réalité matérielle, à savoir que la personne qui, dans la vie de Andy, s’occupait des activités le plus souvent associées au rôle du père était en fait une femme, R. J. Un autre aspect encore résultait de la façon dont Andy et ses mères avaient isolé le donneur. Ils cherchaient tous les trois à se protéger à travers leur silence collectif ; mais en fait, ils se niaient eux-mêmes, et refusaient en particulier à Andy un objet interne pouvant être utilisé. Une utilisation rendue encore plus compliquée par le fait que Andy ne pouvait connaître et utiliser cet homme qu’intérieurement. N’ayant pas accès à lui matériellement, il ne pouvait de ce fait l’utiliser extérieurement. Il n’avait pas l’occasion d’utiliser, et peut-être même de détruire, son objet interne tout en observant la survie de cet homme dans la réalité extérieure, matérielle (Winnicott, 1945).

31Par contraste avec les observations de D. Ehrensaft sur la destruction du père-donneur, je trouve que Andy n’avait pas la liberté d’utiliser son donneur, et par là même celle de l’utiliser impitoyablement et de le détruire ; il était trop occupé à le protéger. Ce fut là un aspect particulièrement fascinant de sa relation transférentielle avec moi. Au début du traitement, il me traita avec beaucoup de soin et craignait de me contrarier. Il se déplaçait avec prudence dans la salle de consultation, en prenant soin de ne rien déranger ou renverser. Il traitait également les jouets avec soin de peur de les casser. Il lui est pourtant arrivé une fois d’en faire tomber un, ce qui fit un minuscule creux dans la moquette. Il s’inquiéta que je me mette en colère et ne lui demande pas de revenir. Je fis souvent, au cours de cette période, des commentaires sur l’attention qu’il prêtait aux détails et suggérai qu’il s’inquiétait peut-être de ce qui arriverait si nous « jouions vraiment ». Je parlai également de son apparente inquiétude à l’égard de la réparation et la capacité de réaction. Par exemple, nous avons pu voir, au cours de la séance, que la moquette « se remettait très vite », et je saisis alors l’occasion de lui demander s’il « s’inquiétait que nous ne nous remettions pas très vite si nous jouions vraiment ».

32J’observai un changement notable dans la qualité de son jeu à partir du moment où nous avons abordé la question de son donneur (ainsi que le travail que je faisais avec ses mères). Son jeu devînt plus actif et agressif. Je me souviens de mon optimisme la première fois que je dus imposer des limites à son niveau d’activité dans la salle de consultation. Les thèmes caractéristiques de l’âge de Andy commencèrent à émerger, en particulier celui de la lutte entre les petits et les grands. Ce thème de jeu fut à maintes reprises représenté dans une course entre des voitures que nous construisions en lego. Sa voiture était toujours la plus grande et la plus solide, la mienne toujours petite et moins fiable. Je commentai souvent ce jeu en parlant des désirs de Andy de « devenir grand », mais aussi des inquiétudes qu’il avait à ce sujet. Pendant cette période, il instaura un jeu dans lequel je mesurais sa taille (qui, selon Andy, changeait) lors de chaque séance, et nous faisions sur le bord d’une bibliothèque une entaille secrète correspondant à sa taille. La vigueur et l’affirmation de ce type de jeu, qui, je le répète, n’étaient pas inhabituelles pour un garçon de son âge, offraient tout de même une ouverture pour commencer à traiter ses inquiétudes à l’égard du fait de grandir. Comment grandirait-il ? Grandirait-il ? Comment deviendrait-il un homme ? Comment pour un garçon était-ce de grandir avec deux mères ? Comment était-ce de grandir devant moi ?

33Andy ne répondait que rarement, voire jamais, directement à ce type de questions. Je tirais plutôt des informations des façons dont il répondait à travers le jeu. Ce fut à cette époque qu’il commença à s’intéresser davantage à moi, en particulier à mon corps. Pendant le jeu, il se rapprochait souvent doucement de moi, se cognait contre moi, ou sautait sur mes genoux. Un jour que nous regardions un livre, il toucha mon menton. Il me questionna sur la barbe qu’il découvrit là : ainsi s’instaura le thème de la « barbe du soir » [1]. (Nous avions en fait rendez-vous à cinq heures.) Il se délectait de l’expression « barbe du soir » qui lui paraissait une des « choses les plus amusantes » qu’il ait jamais entendues. Au cours de plusieurs séances qui suivirent, il inspecta mon menton à peine avait-il passé le seuil de mon cabinet. Cet examen avait lieu de nombreuses fois au cours de la séance afin de voir si ma barbe avait poussé. Je me servis de ce jeu pour élargir la discussion à son désir de « devenir grand » et de « développer un grand corps d’homme ». Nous parlâmes de sa curiosité comme d’une façon de désirer et d’apprendre. Mais je pris également note des façons dont la répétition et l’exagération de ce jeu pouvaient communiquer quelque chose d’une défense maniaque qui, à son tour, posait la question de savoir contre quoi il s’agissait pour lui de se défendre.

34Andy commença à ce moment à s’intéresser plus largement à moi. Il se demandait où j’habitais, si mon bureau était aussi là où je vivais, si le divan était mon lit, si j’étais marié, si j’avais des animaux domestiques, et des enfants. La question qui revenait le plus souvent était celle de savoir pourquoi nous nous rencontrions à mon bureau. Pourquoi ne pouvions-nous pas aller jouer dehors ? Pourquoi n’allions-nous pas à la pêche ? J’essayai d’abord d’établir un lien entre la pêche et la thérapie, et d’aller vers la « pêche »/exploration que nous faisions dans notre travail ensemble. Toutefois, Andy insistant dans sa demande, il m’apparut que ma réaction initiale (trop intelligente) était la conséquence d’une défense contre-transférentielle.

35Ce fut en effet pendant cette phase de notre travail que je me mis à nourrir le fantasme d’aller à la pêche avec Andy. Je me surpris moi-même en train de lire un article sur la pêche dans un magazine – un article que j’aurais normalement sauté. Alors que je commençai à examiner mon fantasme, je notai que je ressentais mon désir en grande partie comme physique – il y avait le bercement du bateau, la chaleur du soleil et la fraîche obscurité de l’eau. Le silence. Certainement pas l’expérience d’être dans un bateau avec un enfant. Je commençai à voir dans cette contradiction le reflet de mon effort pour nier/faire taire le désir de Andy que je me joigne à lui dans une union parentale, jusqu’à et y compris ses désirs d’union sexuelle. Je considérai ici la manière dont je pourrais me joindre à lui en représentant sa dynamique familiale de protection à travers le silence.

36J’examinai comment le fantasme semblait en même temps communiquer et contenir un désir sexuel – peut-être une manifestation de mes efforts non verbaux pour permettre et néanmoins contenir le transfert et le contre-transfert érotiques. Je réfléchis en particulier aux signes non verbaux restrictifs que je communiquai à Andy sur la façon dont il pouvait s’asseoir avec moi, ou l’attitude que j’adoptais à l’égard de son jeu consistant à m’attirer à lui de manière désordonnée. Mais mes efforts étaient-ils aussi défensifs ? Nous abordons ici, me semble-t-il, un aspect de la thérapie des enfants rarement discuté et insuffisamment considéré comme un problème, à savoir les façons subtiles dont un thérapeute d’enfant se trouve souvent dans une situation où il doit traiter l’érotisme musculaire des enfants, mais aussi sa propre réaction érotique contre-transférentielle. Comme, je le pense, mon rêve éveillé de pêche l’exprime, j’avais conscience du type de contact sensuel qui caractérise les soins parentaux – tenir, baigner, caresser, calmer –, et j’étais en même temps inconsciemment attiré par celui-ci. Mais j’avais également conscience de quelque chose de plus vigoureux : de l’échange muscle à muscle provoqué par les efforts de Andy pour avoir un contact plus agressif avec mon corps. Par exemple, j’avais conscience du plaisir que je ressentais en usant de ma force pour lui imposer des limites, et de reconnaître son plaisir de sentir ma force, ou encore du plaisir que j’éprouvais en sentant son petit corps (la fragilité de sa cage thoracique, la minceur de ses bras) lorsque je le soulevais afin qu’il puisse atteindre quelque chose sur une étagère dans mon bureau – il tenait à y arriver. À la lumière de cela, je considérai mon fantasme de pêche comme une défense et je dus réfléchir aux façons dont ma propre expérience de l’interdiction avaient peut-être inhibé le développement du transfert érotique de Andy. Étais-je plus à l’aise en me présentant comme un parent qui éduque par opposition à un homme érotique ?

37À la suite de ces réflexions sur le contre-transfert, je commençai à interpréter plus directement le désir de Andy d’être près de moi, d’observer mes habitudes, de toucher mon corps, de l’excitation (l’érotisme musculaire) du jeu désordonné. D’une façon très contrastée avec son style habituel qui était de ne réagir verbalement que peu à mes interprétations, il montra un vif empressement à rejeter ces pensées. En essayant de comprendre sa réaction, je me demandai s’il voulait être près de moi mais sans que nous en parlions. Cela ne m’apparut pas comme particulièrement inhabituel pour un garçon de son âge. Je fus en revanche frappé par le fait qu’en m’écartant de la manière non verbale que j’avais d’aborder ses désirs, je m’écartais également du désir.

38À cet égard, je parlai de la façon dont il voulait peut-être « m’inventer et jouer avec moi » sans avoir à en parler. Simultanément, je commençai à parler plus directement des efforts de Andy pour « inventer » un père, et comment il cherchait à « m’inventer en tant que père ». Je ne me proposais pas seulement, à travers une telle interprétation, d’être en empathie avec l’état mental de Andy (et la vraie difficulté qu’il rencontrait pour imaginer son père-donneur), mais aussi d’offrir une re-représentation qui éveillerait et procurerait l’action développementale du jeu. Je cherchais en particulier à créer un cadre pour le jeu et la réflexion qui permettraient à Andy de résoudre ses angoisses liées aux circonstances de sa naissance et de sa vie familiale – des angoisses qui avaient été partiellement ensevelies sous l’ignorance et la confusion et, de ce fait même, étaient devenues plus difficiles à exprimer et à perlaborer.

39Peu à peu, Andy et moi-même avons commencé à saisir sa déception et sa colère que son désir ne puisse être reconnu. Prétendre que j’étais une figure paternelle (avec une allure convenant du point de vue de l’appartenance sexuelle) et pousser à la représentation de ce désir ne modifiait pas la réalité de sa structure familiale, ni n’annulait le paradoxe de sa relation avec son père-donneur. Pour Andy, l’accès à ces prises de conscience n’était pas configuré seulement par la perte. Il commença à concevoir les façons dont les pères ne sont pas seulement réels. Ils existent également dans notre esprit. Nous commençâmes à parler « du père-donneur dans sa tête » ; ce qui, à son tour, stimula le fait de prétendre (pas seulement en rapport avec les pères) et l’émergence d’une représentation de soi et d’une réflexion plus étendues.

40Aborder la déception de Andy permit d’avancer dans l’exploration de sa confusion à l’égard de la relation à la paternité de son donneur. Par opposition au silence qui masquait les sentiments de déception qu’il avait eus précédemment (ainsi que les fantasmes reniés et menaçants), lui-même et ses mères devinrent capables de s’engager dans un processus de mutation. Au lieu de scinder leurs confusions et peurs collectives, ils purent créer et intégrer un ensemble de représentations partagées avec lesquelles jouer. Notons ici, à la suite de Fonagy et Target (1996), que Andy et ses mères purent jouer au sein d’une rêverie familiale à métaboliser et concevoir la réalité partagée de leur famille non traditionnelle. J’ajouterai qu’à travers ce « mode conceptualisant » (Fonagy et Target, p. 231), Andy et ses mères ont construit leur roman familial. À travers cet exercice développemental, les mères du petit garçon ont pu l’aider à comprendre son expérience de marginalité sans nier ni ses angoisses, ni les plaisirs de la différence.

41Les enfants conçus au moyen des technologies du don de sperme ou d’ovule doivent parfois créer un parent-donneur entre la réalité matérielle de leur conception, les vicissitudes psychiques et matérielles de leur vie familiale, et les constructions psychiques produites via leurs besoins d’intégration spécifiques. Ces constructions intérieures d’un parent dépendent de facteurs multiples et surdéterminés, tel que le degré de responsabilité de l’objet donneur, le degré de turbulence et de défense correspondante, et la capacité de transformation de l’esprit d’un enfant donné. Comment l’objet manquant (manque-t.il ?) est-il transformé dans la sphère mentale de l’enfant ? Par exemple, Andy avait-il détruit son père, ou compris l’impossibilité de connaître le donneur ? Diviser ces phénomènes ou les faire aller dans une direction ou une autre – vers la catégorie père ou vers celle de donneur – exclut à la fois le paradoxe et les forces multiples qui interviennent dans la vie de ces enfants, et de ce fait, court-circuite les possibilités correspondantes de déconstruction du rôle de parent et de reproduction qui peuvent aider des enfants comme Andy à prendre conscience de leur famille différente et à la construire.

LA SCÈNE PRIMITIVE

42Tout enfant construit sa famille ou son roman familial en partie à travers sa compréhension croissante de la sexualité de ses parents ainsi que celle de sa propre conception. Au centre de l’idée que les psychanalystes se font de la santé, il y a le besoin d’accepter non seulement les réalités de la vie, mais aussi les façons dont ces réalités définissent des différences entre les sexes et les générations. Les analystes ont établi un lien entre ce que l’on appelle les réalités de la vie et une constellation de fantasmes appelée scène primitive.

43À partir de la définition originale que Freud a donnée de la scène primitive en tant que celle où l’enfant observe ses parents ayant des relations sexuelles, ou bien les infère, la métaphore de la scène primitive s’est maintenant étendue à un ensemble de significations, notamment la compréhension que l’enfant a de la sexualité, mais aussi de la relation parentale, et sa connaissance de la conception et de la reproduction. Compte tenu de l’étendue de sa signification et de sa portée, la scène primitive s’est révélée être une construction problématique. On a en particulier prêté une attention accrue à ce qui arrive avec cette connaissance de la sexualité parentale (voir, par exemple, l’échange entre Aron et Schwartz, 1995). Les réexamens et la révision théorique contemporains se sont résolument écartés de la proposition originale de Freud (1918) qui fixait la scène primitive comme expression de l’héritage phylogénétique et fantasme fondateur qui façonnait l’organisation de toute la vie fantasmatique.

44Les théoriciens contemporains, plus particulièrement Aron (1995) et Britton (1989 ; 1998), nous ont amené à nous intéresser à ce que Britton appelle le « triangle familial primitif » (p. 87). Alors que les fantasmes de la scène primitive sont toujours considérés comme fondateurs, le fondement a été déplacé des structures présubjectives à l’exploration intersubjective de la nature et de la qualité de « la perception qu’a l’enfant de la relation et de l’interaction parentale, de ce qu’il en comprend et de l’expérience qu’il en fait » (Aron, 1995, p. 206). Contrairement à Freud, qui n’a jamais intégré de façon spécifique sa discussion des fantasmes de la scène primitive au complexe d’Œdipe, les théoriciens contemporains ont tenté de placer les fantasmes de scène primitive au sein de ce que l’on appelle maintenant couramment la « situation œdipienne » (selon les termes de Klein). De plus, ces fantasmes, désormais intégrés à la situation œdipienne, sont liés à la position dépressive (là encore, selon les termes de Klein). Plusieurs changements sur le plan clinique résultent de cette reconfiguration théorique : le triangle primitif est examiné non seulement sur la base de la capacité de l’enfant à participer à une relation observée par une tierce personne, mais aussi de sa capacité à observer une relation entre deux personnes. L’attention est alors centrée sur le développement d’un espace à l’extérieur du self, qu’il s’agit d’observer et auquel réfléchir ; on s’intéresse ici moins à la façon dont un enfant peut ou ne peut pas aborder le développement psychosexuel (ce que l’on appelle les stades psychosexuels sont considérés comme moins fixes, et davantage ouverts à la variation), et on souligne en revanche comment les enfants peuvent avoir à l’esprit de multiples relations et des idées contrastées, notamment la capacité de fantasmer des relations sexuelles multiples.

45C’est autour du phénomène de la multiplicité sexuelle et relationnelle qu’Aron (1995) a attiré l’attention sur un autre aspect de la construction de la scène primitive, à savoir la façon dont « la scène primitive implique une singularité ou uniformité de désir qui ne s’accorde pas avec la multiplicité de l’expérience / du désir sexuels non seulement entre individus, mais aussi au sein de l’expérience individuelle (p. 214). La singularité à laquelle Aron fait référence est celle du co ït hétérosexuel.

46Les analystes ont immanquablement utilisé la scène primitive pour configurer les rapports hétérosexuels en tant que noyau symbolique de la sexualité, de la procréation et de la réalité. Considérons, par exemple, comment cette symbolique fonctionne au sein de ce que D. Elise a récemment élaboré à partir de son travail sur la féminité primaire. Elise (2000) introduit la phrase utile qui parle de « mise à l’épreuve de la réalité se rapportant à la reproduction sexuelle » (p. 66), et illustre cette mise à l’épreuve de la réalité en faisant remarquer qu’une fille peut opérer un tournant œdipien en direction de son père du fait qu’elle a « reconnu un fait biologique : tout désir d’un enfant nécessite une association œdipienne avec le père » (p. 66). Elle précise ensuite qu’ « une fille se tourne vers son père non pas pour un pénis qui équivaut à un bébé (Freud, 1925), mais pour un bébé qui nécessite un pénis (Horney, 1926 ; Klein, 1932). En d’autres termes, une fille finit par comprendre que pour faire un bébé, il faut un pénis.

47Élise se réfère à une généralité à la fois sur la reproduction et la façon dont les enfants en viennent à comprendre la reproduction. Mais comme pour toutes les généralités (ainsi que pour tous les faits biologiques), cette réalité de la reproduction peut varier. En effet, pour faire des enfants, il ne faut pas un pénis mais du sperme ou une cellule reproductive mâle qui peut s’unir à un ovule, ou une cellule reproductive femelle, c’est-à-dire des moyens autres que l’union hétérosexuelle par la pénétration. La reconnaissance de ce que l’on peut appeler les « réalités technologiques de la reproduction » exige que nous commencions à parler de la « mise à l’épreuve de la réalité se rapportant aux reproductions sexuelles ». Ces réalités contemporaines exigent également que nous commencions à distinguer l’union par la pénétration hétérosexuelle des fantasmes de scène primitive et de conception, qui, jusqu’à aujourd’hui, ont été considérés comme une seule et même chose ; ce qui révèle de nouveau une correspondance supposée entre hétérosexualité, reproduction, famille et réalité.

48On trouve une autre illustration de la nécessité de distinguer la procréation de la scène primitive dans une récente déclaration/récapitulation d’André Green (1995) disant : « Si chacun d’entre nous respire et se trouve en vie, c’est la conséquence, heureuse ou malheureuse, d’une scène primitive, d’une relation sexuelle, heureuse ou malheureuse... entre deux parents sexuellement différents, que cela nous plaise ou pas. » Green ignore non seulement les réalités de la vie contemporaine et les différentes formes qu’une famille peut prendre, mais aussi le fait que la scène primitive et les fantasmes de conception sont ouverts à de nombreuses variations et possibilités. En outre, ces variations peuvent tout autant, voire davantage que les faits limités de la réalité matérielle, apporter des éléments essentiels à nos subjectivités. Et pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? Le problème n’est pas la possibilité du fantasme (une scène primitive lesbienne est-elle en quoi que ce soit plus ou moins vivante qu’une scène primitive hétérosexuelle ?), mais plutôt les façons dont ces fantasmes sont déniés, dévalorisés et réduits.

49Une telle dénégation ou exclusion mène à des taches aveugles cliniques qui ne permettent pas de considérer toute la complexité des désirs de procréation d’une famille, ni comment ces désirs, notamment la façon dont ils sont représentés, peuvent varier considérablement. Nous sommes de plus entravés dans nos efforts pour comprendre comment ces désirs circulent dans la rêverie familiale, comment ils nourrissent le récit de la procréation qu’un enfant se forge, et comment ils façonnent le roman familial.

50La singularité hétérosexuelle qui est donnée comme exemple dans la plupart des débats sur la sexualité parentale contribue également à entraver notre compréhension de la capacité d’un enfant à se construire et à s’épanouir au sein de multiples récits qui circulent. Les travaux récents de psychologues développementaux et de psychanalystes s’écartent des structures fixes du développement (Coates, 1997 ; Chodorow, 1996 ; Corbett, 2001 ; Fajardo, 1998 ; Harris, 1996 ; Thelan et Smith, 1994). Une critique de la linéarité qu’impliquent tacitement ces structures est un élément clé de ce réexamen de l’enfance. Les descriptions linéaires et déterministes de l’enfance se sont révélées trop générales et insuffisantes pour rendre compte de la variabilité et de la complexité du développement. En réaction à cela, nous avons commencé à retravailler nos théories du développement en direction d’une exploration et d’une intégration des processus relationnels qui permettent d’arriver à une compréhension reflétant davantage la complexité du développement de l’enfant. Par exemple, Chodorow (1996) avance de façon persuasive que « [nous] devrions nous méfier des explications cliniques données en fonction de stades de l’enfance objectifs et universaux ou des pulsions psychobiologiques qui déterminent ou prédisent une expérience psychologique » (p. 48). Opposé à une telle universalisation, Chodorow affirme que nous commençons à considérer « une enfance subjective particulière et les données spécifiques de transferts individuels » (p. 49).

51En ce qui concerne Andy, nous pouvons noter que sa compréhension de la sexualité parentale et de la reproduction était façonnée et déterminée par de nombreux éléments. Il connaissait aussi bien les réalités de la vie se rapportant à la généralité de l’union hétérosexuelle par la pénétration que les conditions différentes de sa propre conception par insémination artificielle. Il avait de la biologie de la reproduction et des différences anatomiques sexuelles une compréhension adaptée à son âge. Il voyait ce qu’il appelait le « s-e-x-e » comme un phénomène adulte mystérieux/exclusif et il communiquait souvent son sentiment de ce mystère à travers un mélange de curiosité, de stimulation et d’interdiction. Un échange où nous avons parlé du fait qu’il « vaudrait mieux ne pas » parler de « s-e-x-e » illustre bien cela. Quand je lui demandai pourquoi, il me répondit que d’en parler lui donnerait le « frisson ». Je lui demandai alors si c’était des frissons agréables ou désagréables. Il répondit qu’il s’agissait de frissons désagréables et se lança dans une description décousue de la façon dont les garçons à l’école disaient que le « s-e-x-e » était quelque chose de mauvais. Il conclut que, quand il se mariera, il poussera sa femme de l’autre côté du lit. Je ris et l’interrogeai sur ce que sa femme en penserait. Il remarqua qu’il pensait que nous ne devrions pas parler de choses comme celles-là et abonda en ce sens en racontant une autre histoire décousue d’un ami qui avait eu des ennuis le jour même parce qu’il avait dit « c-u-l ». À ce moment-là, nous avons ri tous les deux. Je me hasardai à dire que les culs et les corps étaient amusants et continuai en indiquant que la façon dont les adultes s’amusaient avec leurs corps était peut-être troublante. Pris de petits rires gênés, Andy raconta de nouveau de façon décousue comment il avait entendu R. J. et Ellen rire dans la salle de bain. Il laissa échapper que R. J. avait très vraisemblablement pété dans la baignoire. Ses petits rires redoublèrent et le reprirent par à-coups jusqu’à la fin de la séance.

52Cet échange – peut-être le plus remarquable parce que caractéristique – illustre néanmoins l’engagement plein de vie de Andy à l’égard de ses parents et de leur sexualité. Il relie R. J. et Ellen dans un espace pour le corps (la baignoire) et traduit leur rire par une forme d’amusement corporel (péter dans la baignoire) avec lequel il peut sans doute s’identifier. L’intérêt qu’il porte à la sexualité parentale, l’interprétation qu’il en fait – caractéristique de son âge – sont très vraisemblablement fondés sur sa propre expérience d’être baigné par ses mères, et son propre désir de l’être. En même temps, observons le lien qu’il fait entre le rire parental et le plaisir anal (péter) comme défense contre sa compréhension croissante de la sexualité génitale adulte ; notons également qu’il parle de pousser sa femme de l’autre côté du lit. Nous pouvons en outre nous demander si Andy se défendait contre une compréhension croissante de la différence de l’union sexuelle de ses parents. Ici encore, cette manière de se défendre n’est pas inhabituelle chez les enfants de l’âge de Andy alors qu’ils cherchent à concilier leur curiosité/excitation/stimulation et leur expérience de l’exclusion, du tabou.

53La façon dont Andy traite et exprime sa compréhension de la sexualité de ses parents est associée à son enregistrement de la réalité psychique de leur relation. Il représente ses parents dans une relation unie qui exclut plutôt qu’elle ne rejette. Il représente également le « s-e-x-e » comme exclusif/interdit plutôt que comme quelque chose qui rejette ; il aurait mieux valu que nous n’en parlions pas, mais nous en parlions tout de même. Il aurait mieux valu que nous ne le ressentions pas ; pourtant, on pourrait dire que nous le ressentions, sous la forme de la reconnaissance et du rire partagés. Ensemble nous observions et partagions son expérience. En même temps, il communiquait un sens des limites de ce qu’il pouvait savoir, ou pensait approprié de savoir. Toutefois, ces limites ne freinaient pas sa curiosité, ni sa solide capacité de « jouer avec » le « s-e-x-e » (d’agir en fonction par l’imagination).

54Même dans notre court échange, on retrouve cette solide qualité dans la façon dont Andy se meut entre de multiples histoires/désirs. On voit comment il navigue entre ce qu’il dit de son propre mariage hétérosexuel (tel qu’il l’imagine), l’union homosexuelle de ses parents, et l’expérience qu’il fait du « s-e-x-e » avec ses pairs, en même temps que l’interdiction de celui-ci – expérience et interdiction ensuite répétées avec moi.

55Ce jeu/échange qui a eu lieu près de la fin du traitement de Andy indiquait un changement notable dans la nature et la qualité de son empressement à jouer, par opposition à la façon prudente et limitée dont il jouait au début de son traitement. Il est important de noter que cet échange illustre également la capacité croissante de Andy à jouer avec des idées empreintes de ses propres souhaits et désirs. Au lieu de s’appliquer à dénier ses fantasmes et ses désirs, il pouvait désormais se mouvoir en s’amusant entre des fantasmes intérieurs (tant les siens que ceux qui circulaient au sein de la rêverie familiale) et la réalité extérieure (à la fois normative et non traditionnelle) afin de saisir les désirs qui le façonnait.

56Je trouve que dans mon travail psychothérapeutique avec des enfants, je passe beaucoup de temps à examiner non seulement l’histoire de la formation des familles, mais aussi ce qui maintient les membres de celles-ci ensemble, ou au contraire échoue en cela. Il m’apparaît que dans mon travail avec des enfants de familles non traditionnelles également, je passe beaucoup de temps à considérer comment ils doivent dépasser les catégories qui leur ont été données afin d’essayer de penser (ou mentaliser) ce qu’ils savent sur leur famille et les désirs qui les modèlent.

57Vers la fin d’une séance au cours de laquelle Andy et moi avions abordé sa répugnance à dévoiler ses fantasmes se rapportant à son donneur, il me dit qu’il avait une bicyclette à deux roues neuve et qu’il apprenait à en faire. Il raconta une scène avec sa mère, sur un chemin de terre, où il manqua maintes fois de tomber, tout en étant aussi maintes fois proche d’arriver à rouler seul. Pendant que Andy parlait, je me souvins d’une scène similaire. Je me voyais très nettement avec mon père dans un parking vide où j’essayais de maîtriser cet équilibre délicat et particulier qui, une fois acquis, devient tout à fait banal, alors qu’il est tellement formidable au moment où on y arrive. Dans mon souvenir, il y avait un homme, mon père, qui se trouvait également être mon père génétique. Dans celui de Andy, il y avait une femme, sa mère, qui n’était pas sa mère génétique. Je pense que Andy a peut-être désiré – et cherché à communiquer son désir à travers cette communication inconsciente – que je comprenne qu’il avait quelqu’un pour l’aider à trouver son équilibre alors qu’il maîtrisait un acte de séparation de plus ; alors qu’il faisait un pas de plus pour entrer dans le monde extérieur – un monde de plus en plus peuplé de Andys, qui à leur tour se tournent vers nous pour que nous dépassions avec eux les catégories étroites qui ont modelé notre façon de penser jusqu’aujourd’hui.

58(Traduit de l’anglais par Anne-Lise Hacker.)

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Mots-clés éditeurs : Rêverie familiale, Hétérosexualité, Homosexualité, Famille, Roman familial

https://doi.org/10.3917/rfp.671.0197

Notes

  • [1]
    En anglais, « barbe du soir » se dit five o’clock shadow. (NdT.)
  • [*]
    Psychoanalytic Quarterly, 2001, vol. 70, no 3, 599-624.
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