Hermès : Quel est votre avis sur ce qu’on appelle interdisciplinarité aujourd’hui ? Est-ce un mot-valise, une mode ?
Jean-Marc Lévy-Leblond (J.-M. L.-L.) : Je trouve effectivement bien encombrant ce terme – un mot-valise, oui, et même une grande malle fourre-tout, que l’on remplit de banalités peu pertinentes. Devant des problèmes difficiles, il permet une sorte d’invocation rituelle : « faisons travailler ensemble plusieurs disciplines et la question sera réglée » ; je n’y crois guère, notamment à partir de ce que je sais de ma discipline, la physique.
Le mot discipline n’est pas un gros mot : c’est un beau mot, que je respecte, d’abord dans son sens vernaculaire (nous avons tous besoin d’avoir un peu de discipline dans la vie) et ensuite dans son sens plus académique : il me semble que la connaissance ne peut progresser que si elle est disciplinée. C’est la leçon de quelques siècles d’histoire des sciences. Je n’ai donc aucun sentiment négatif, d’enfermement ou de limitation, par rapport à la notion de discipline : pour moi, c’est d’abord une valeur positive. Reste ensuite que la disciplinarité implique évidemment un risque de clôture, de stagnation, et que la question
De savoir s’il faut — et si l’on peut — en sortir est parfaitement légitime.
Hermès : Est-ce que vous admettez qu’en cas de nécessité absolue pour un programme scientifique, vous alliez recourir au savoir d’une autre discipline ?
J.-M. L.-L. : Mais comment juger qu’il y a une « nécessité absolue » …
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