Notes
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[1]
Ce texte a été rédigé à partir d’un exposé présenté au 5e Symposium de psychosomatique, qui s’est tenu à Athènes, les 27 et 28 mai 2016.
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[2]
Par exemple, l’organique n’est pas nécessairement soumis au principe de plaisir/déplaisir.
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[3]
Freud (1914, p. 149) parle de souvenirs qui ne peuvent être retrouvés tant que persistent les résistances à la guérison dues au conflit moi-surmoi.
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[4]
Quand une nouvelle traduction n’a pas lieu, l’aménagement des excitations se réalise suivant les dispositions antérieures.
Un témoignage du procès des transcriptions est donné par « Le regard d’Ulysse », film de Theodore Angelopoulos. Le regard reste attaché à un parcours qui les favorise. Progressivement, quoique péniblement, la mémoire chercheuse met au jour ce qui restait inconnu, hors atteinte, enseveli dans des creusés figurés comme trous noirs, vides, dont les yeux se détournaient… jusqu’au jour où un regard d’Ulysse a adhéré aux exigences de la recherche. -
[5]
« Retrouver l’aube » est la belle expression que J.-Cl. Ameisen utilise dans l’un de ses livres, intitulé Sur les épaules de Darwin, qui a été publié en 2014. Je pense que ce qui est dit pour l’histoire des humains peut être également évoqué pour les structurations individuelles, l’histoire étant toujours un rapport entre un présent et son passé.
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[6]
Lors du développement normal vient un temps où un encadrement intérieur remplacera la présence de la mère. Ce cadre, détaché de l’objet réel, accueille et contient les productions du sujet. Par contre – comme André Green l’a bien signalé – si l’absence de l’objet n’est pas acceptée, si ses stimulations sont recherchées, la nécessité d’absenter l’objet afin de libérer un espace intérieur n’est pas prise en compte. La constitution d’un fond contenant, vidé de perceptions reliées à l’objet, n’est pas possible. Une structure encadrante, libre de recevoir de nouvelles inscriptions et des formations de la pensée du sujet, n’arrive pas à s’établir ou s’établit mal. L’attachement à l’objet externe et la soumission du sujet aux impératifs de celui-ci persistent alors. Ce qui dans certains cas s’inscrit avec cette netteté négative pour le développement de l’autonomie du sujet, surgit dans d’autres cas seulement si des circonstances de vie défavorables viennent rencontrer des capacités intériorisantes qui ne sont pas fermement établies chez un individu.
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[7]
Par ailleurs, indépendamment de la situation analytique dans le cours de toute vie, il est possible que le moi en vienne à céder de son territoire aux charges venant du ça, ce fond du psychisme. Certaines motions énergétiques ne sont jamais soumises au principe du plaisir, ni au principe de réalité.
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[8]
À condition – rappelons ce que disent les géomètres – que la construction soit formulée de manière à servir ce qui est avancé (Proclos v e siècle).
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[9]
Je suis tout à fait d’accord avec la position de J. Canestri (1994) qui disait que la créativité de l’analyste se signale par sa capacité à produire des formulations qui correspondent à la capacité du patient à les contenir.
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[10]
Pour les somatisations, Claude Smadja (2006, p. 647) a opté pour le terme de « solution somatique » disant que, transitoires ou non, les solutions somatiques résultent d’une certaine décomplexification du fonctionnement mental et d’insuffisances des capacités transformationnelles psychiques. Est ainsi évoquée une clinique de silence mental s’opposant aux bruits du corps.
Personnellement, je préfère le terme d’« issue » somatique, car le terme de « solution » me semble favoriser l’idée que quelque chose trouve son terme ; qu’une question, ou une difficulté, est résolue. Mais nous sommes d’accord sur l’essentiel qui est que là où les poussées pulsionnelles ne peuvent pas prendre une forme mentalisée, les somatisations viennent témoigner de ce qui a échappé au psychique.
Pour introduire un échange
1 Quand le retour d’un passé n’implique pas sa remémoration ; quand un archaïque enseveli n’est pas mis en cause ; quand les excitations que soulève le transfert s’accrochent à l’actuel obstruant toute référence aux traces du passé ; quand le vécu du corps cesse d’être silencieux, soit parce qu’il se trouve dominé par les bruits de la sensoriomotricité, soit parce qu’il subit les effets d’une maladie, quels sont les enjeux d’une cure qui engage un patient et un psychanalyste préoccupé par ces questions ?
2 Le questionnement est crucial et on ne peut qu’être profondément reconnaissant à César et à Sára Botella qui, depuis quelques années (2001), travaillent pour y répondre. Poursuivant un parcours fertile, César Botella ne cesse d’élargir le champ de cette réflexion et c’est en essayant de rester proche de son travail théorique et clinique que je soulèverai quelques points se rapportant :
3 a) à certains aspects du dynamisme constitutif de nouvelles formations dans la vie psychique ;
4 b) à la problématique des inscriptions mentales et de la processualité mnémonique ;
5 c) aux insuffisances du « figurer » et du « représenter » par rapport à la technique thérapeutique.
6 Ces points impliquent la nécessité de préciser que l’optique psychosomatique qui est la mienne répond aux exigences des deux axes qui parcourent l’existence humaine, celui du bio-organique et celui du pulsionnel. Le « concept » de l’unité psychosomatique, qui sous-tend l’approche et la compréhension des phénomènes auxquels nous sommes confrontés, n’élimine pas, bien sûr, les différences qualitatives, ni même celles des modes de fonctionnement dans les deux ordres [2]. Mais le concept admet leur cohabitation. Les deux organisations se réfèrent à une énergie commune et les productions auxquelles cette énergie donne forme sont redevables à des poussées dynamiques d’union ou de désunion, ainsi qu’à l’interaction de facteurs endogènes et exogènes.
7 Une logique théorico-clinique, prenant appui sur les rencontres entre les deux ordres, s’est développée en tenant compte des effets écono- miques de l’action des pulsions de vie et de destruction, tant au niveau des fonctions mentales qu’au niveau des fonctions somatiques. Cette logique, soutenue par Pierre Marty et les théoriciens de l’école psychosomatique de Paris, prend son élan à partir de l’étude de la valeur fonctionnelle des représentations mentales, selon l’intégration des forces du pulsionnel, et débouche sur le concept d’un corps pouvant être régi – bien que ce ne soit pas toujours le cas – par la même dynamique et économie que le mental.
8 Formations psychiques et processus somatiques se retrouvent ainsi dans un rapprochement signifiant.
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10 En considérant la question des nouvelles formations dans la vie psychique, Freud (1933, conférence 32, p. 76) parlait de la « propension » du moi à la synthèse de ses contenus et au regroupement unificateur des mouvements de la vie mentale. « Il s’agit » disait-il « d’insérer les représentants du pulsionnel dans un ensemble cohérent. » Freud ajoutait que seule cette caractéristique instaure le haut degré d’organisation dont le moi a besoin pour accomplir sa tâche.
11 En suivant le fil de la pensée freudienne, Sára et César Botella se sont référés (2001) au principe de convergence/cohérence en tant que régulateur de la vie psychique. Comme exemple de ce mode de fonctionnement, ils ont retenu le travail du rêve ainsi que des moments du travail de l’analyste en séance, lors desquels la pensée de celui-ci en état de regrédience – opérant sous la pression du pulsionnel de la sexualité infantile – tente de s’emparer de tous les éléments, même hétéroclites, présents dans le psychisme : le but étant d’en faire une unité se prêtant à la liaison des données qui façonnent de nouveaux morphèmes en images et en idées. Les nouvelles figurations prennent la place de composantes dans les constructions que l’analyste propose au patient. Les figurations ne concernent pas seulement ce dont le patient est porteur et qu’éventuellement le refoulement, la régression ou le déni recouvrent, mais proposent des éléments qui – comme César le soulignait encore dans une publication récente (2014) – sont inaccessibles à une mise en images ou en représentations par le patient, en raison d’obstructions de la perception et/ou de la mémoire.
12 La pensée freudienne de la deuxième théorie et, par la suite, la notion d’organisation/désorganisation utilisée par Pierre Marty et ses compagnons de route – notion basée sur des observations cliniques – nous obligent de penser les manifestations du moi comme des manifestations par lesquelles se déploient des flots de motions pulsionnelles liantes, mais aussi des mouvements d’inhibition, de retrait, de désunion, de désinvestissement.
13 L’instance moïque se prête aux investissements qui unissent, tout autant qu’aux dénis, aux clivages et aux désorganisations, à gradients qui varient, bien sûr, chez chaque individu. Dès lors, il est nécessaire de noter que le dynamisme des poussées vers la convergence/cohérence opère en nous sous contestation. Si Freud parlait de la nécessité d’unification et de cohérence des représentants du pulsionnel, c’est bien parce qu’il se référait à une condition qui n’est pas assurée.
14 On peut dire que cette condition ne peut jamais être assurée, puisque les formes qui émergent des flux du mental sont les résultats d’une succession de processus de structurations et de déstructurations à l’instar de notre organisation biologique. Des activateurs et des inhibiteurs modèlent notre vie psychosomatique.
15 Ceux qui somatisent nous confrontent avec des tensions non élaborées, avec des sensations dont les descriptions répétitives remplissent pour les patients un vide de sens et de cohésion. Somatisations et somatoses témoignent souvent de l’activation de zones peu accessibles à un travail organisateur du moi.
16 L’approche des Botella, concernant l’aptitude du psychanalyste en regrédience de donner forme à ce qui reste étranger au psychisme du patient donnant sens à ce qui n’en avait pas, repose sur l’idée que le psychisme de ce dernier, malgré les difficultés qui peuvent exister, n’est pas privé de capacités de liaison et de mise en forme des poussées pulsionnelles.
17 Est-ce toujours le cas ?
18 Les premiers psychosomaticiens parlaient de déficiences de la mentalisation chez les patients qui somatisent, indiquant que celles-ci ne sont pas toujours récupérables. Intégrer des produits du ça dans la synthèse du moi n’appartient pas toujours au domaine du possible.
19 Toutefois, en 2006 lors du Congrès à Genève, j’ai soutenu l’idée que certains tableaux qui indiquent des restrictions ou des insuffisances mentales, pourraient être revus sous le jour de défenses relatives à des situations conflictuelles. Ce point de vue a été dernièrement repris par Jacques Press (2016) et je crois que cette approche favorise le travail des transformations proposé par les Botella.
20 Par ailleurs, César Botella disait (2014, p. 916), et je suis tout à fait d’accord avec lui, que si une analyse va suffisamment loin, même les névroses bien structurées révèlent des zones traumatiques qui n’ont pas été représentées, mais qui font partie de la problématique individuelle. Ceci rend nécessaire de tenir compte des différences de travail chez les analystes. Entre le tissage – travail de figurabilité sous l’emprise d’Éros – et l’ancrage au manifeste qui prévaut de nos jours dans plusieurs milieux psychanalytiques, imposant le silence à la complexité des bouillonnements du psychique, la distance est grande.
21 Il y a donc matière à discussion concernant le fond, mais également les modes d’approche utilisés concernant nos cas.
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23 Dans le contexte des processus mnémoniques, les approches qui prévoient l’introduction d’éléments non reconnus par le patient (Winnicott, 1963), ou d’éléments à jamais ensevelis pour le psychisme de celui-ci (C. & S. Botella, 2001), imposent une réflexion qui n’est pas simple.
24 Dans une publication récente (2014), César Botella notait que les rêves-mémoire correspondent à des événements, ou à des productions fantasmatiques, qui n’ont pas pu s’inscrire comme souvenirs et qui ne peuvent se manifester qu’indirectement à travers les rêves. Souvenirs « en creux », dit-il, « qui siègent dans les rêves », négatifs de trauma- tismes vécus qui sont inaccessibles comme souvenirs et n’ont pas pu créer des traces mnésiques (p. 922).
25 Or, il est peut-être nécessaire de donner ici quelques précisions.
26 En effet, il s’agit d’événements qui ne se sont pas inscrits sur le mode représentationnel conduisant jusqu’aux souvenirs, mais les rêves-mémoire prouvent bien qu’il y a eu enregistrement des données perceptives, car tout ce qui excite s’inscrit. De ce fait, sensations et impressions sont mises en mémoire, puisqu’elles peuvent se retrouver symbolisées primairement dans le rêve ; seulement elles n’ont pas pu évoluer au-delà.
27 Les neuroscientistes se réfèrent à la mémoire établie par amorçage perceptif de n’importe quelle modalité sensorielle sans que la conscience de l’enregistrement soit nécessaire. Les psychanalystes sont familiers avec des phénomènes hallucinatoires en tant que reviviscences de perceptions/impressions qui n’ont pas été liées au temps de leur vécu, mais ont donné lieu à des traces perceptivo-sensorielles pouvant être réactivées. Nous, psychanalystes, parlons du premier enregistrement surtout comme frayage, comme ouverture de voie engageant dans une direction et opérant comme attracteur et même comme inducteur d’addiction aux excitations. Il s’agit donc d’une conception qui fait de la chose perçue un signe, ce qui rejoint la mémoire-signe à laquelle César Botella fait référence (p. 4). Mais, quand les conditions n’assurent pas un surplus de travail psychique qui puisse atteindre le registre des représentations, il y a une surcharge énergétique à laquelle le soma offre souvent une issue.
28 Les maladies à crises que Pierre Marty a opposées à celles qui engagent un processus désorganisateur, nous obligent de penser les échanges et les passages entre l’ordre du mental et celui du somatique. La maladie, subie par le malade à des moments qui ne sont pas sans signification pour l’analyste, foudroie le corps libidinal laissant le sujet avec un soma souffrant.
29 Par ailleurs, le texte freudien de 1920 et, plus tard, celui de Moïse appuient la thèse – vérifiée par la clinique – que l’agir peut tenir la place de souvenirs, alors que l’évitement massif de ce qui a traumatisé met en œuvre sur le plan du mental des exclusions par déni ou par effacement. Freud ajoute que, quand on constate que même l’agir répétitif s’absente, nulle trace n’est retrouvée, car les inhibitions, les phobies, les traits de caractère ont réussi à recouvrir les inscriptions du traumatique et à les neutraliser en les entérinant. Mais, dans ce cas, le corps peut donner des indications se rapportant à ce qui s’absente psychiquement.
30 Dans le langage homérique, le corps est dit « sémanteur » car au corps convient le logos de Delphes : « Il ne dit pas ; il fait signe. » Nos douleurs corporelles, notre rythme cardiaque, notre activité intestinale indiquent nos états émotionnels, comme les soulignent également nos comportements de fuite ou de rapprochement. D’ailleurs, on sait bien qu’avant, et indépendamment de la mise en mots, les vibrations de la voix, son tempo, ses ruptures, sont autant d’indicateurs de nos états d’âme.
31 Je reviendrai sur la problématique de l’enregistrement. Pour le moment, je dirai que lors d’une cure, je considère qu’il est important d’essayer de comprendre si le manque en représentations est le fait de résistances [3] ou bien si l’enregistré n’a donné que quelques traces perceptives qui n’ont pas pu évoluer sur le mode représentatif en raison de l’immaturité du sujet et/ou parce que des charges émotives trop lourdes ont bloqué le processus.
32 En 1896, se référant aux « réarrangements » des traces mnésiques, Freud notait (Lettre 52) que le premier enregistrement (Wahrnehmungszeichen) n’étant pas conscient, ses transcriptions [4] donnent lieu à des traductions successives. La mémoire se présente sous différentes indications selon le développement.
33 Je crois utile de penser que les « différentes indications » mentionnées par Freud incluent dans le cadre de la mémoire les indices que le corps et le comportement supportent quand le mental favorise le silence. De ceci, le cas de Monsieur M. offre un exemple précis.
34 *
35 Dès notre première rencontre, assis en face de moi, ce jeune homme de trente-sept ans, par moments, me fixe d’un regard si pénétrant que je ressens une certaine gêne ; puis, à chaque fois, le regard me quitte et « flâne » faisant le tour de la pièce, s’attachant à différents objets, pour enfin se couvrir sous les paupières qui se baissent. Pour un temps les yeux restent fermés. Un léger battement des paupières crée en moi l’impression curieuse à la fois d’une « prise » serrée et d’un « laisser tomber ».
36 Le récit de ce qui préoccupe Monsieur M. est égrené d’une voix qui n’est pas monotone ; néanmoins le ton me fait penser au petit bruit de pas qui glissent sur une surface avec l’intention d’éviter d’être entendus. J’ai le sentiment que notre rencontre est recherchée par Monsieur M. avec impétuosité, tout autant qu’elle est esquivée, et je me dis que, probablement, le temps pour comprendre sera long.
37 J’avais tort. Peu de temps après, fut abordée la séparation douloureuse avec une fiancée bien-aimée, à la suite de laquelle un épisode rapporté comme psychotique se déclencha. Monsieur M. a été traité dans la clinique d’un ami psychiatre. C’est en suivant les conseils de ce psychiatre qu’il a cherché à me voir, et c’est la reprise répétitive de l’épisode psychotique par le patient qui m’a permis d’entrevoir la terreur et la rage étouffées par l’enkystement pathologique. En fait, l’enfermement psychotique permettait à Monsieur M. de prendre à son compte le vécu douloureux, bien que non reconnu par lui comme tel, de l’éloignement de ses deux parents et le récit répétitif de la séparation scandait le temps de ma présence comme si celle-ci pouvait être annulée.
38 J’apprendrai que les parents de Monsieur M. se sont séparés quand il avait l’âge d’un an et demi environ. Le bébé fut confié à la grand-mère maternelle. Selon les dires de celle-ci – car Monsieur M. ne cessait de répéter qu’il n’a aucun souvenir – les parents venaient le voir à tour de rôle mais, pendant leurs courtes visites du week-end, ils s’occupaient de « maintes autres choses que de moi… Puis », dit Monsieur M., « ils disparaissaient… expression de ma grand-mère. Car pour moi cela ne faisait pas de différence ».
39 De mon côté, je pensais que n’ayant pas les moyens de s’opposer ou de changer quoi que ce soit à cette réalité, la situation engendrait pour l’enfant une surcharge émotionnelle, une détresse, qu’il n’avait pas pu, en raison de son jeune âge, ni élaborer, ni intégrer. Néanmoins la mémoire du vécu, dont le patient imputait la connaissance aux dires de sa grand-mère, était présente en lui, faite sienne au niveau du comportement dès un très jeune âge dans une tentative de renverser la situation. Ses maîtres d’école notaient son manque d’engagement concernant les études, tout autant que les rapports avec ceux avec qui il avait affaire.
40 Le discours que Monsieur M. développa pendant nos rencontres me tenait à l’écart. Entretenant une successivité de laquelle les processus d’association se montraient manquants, la narration de Monsieur M. était suivie de rires enfantins. Mais les moments où l’affect prégnait étaient des moments de rupture de la parole. Monsieur M. restait alors silencieux, évitant de me regarder.
41 Les liens entre les séances ne se faisaient pas. Ce n’est que très rarement que le patient revenait sur ce qui avait été construit et, si je tentais une connexion, sa réaction était un « Ah oui ? Peut-être » et le récit d’événements récents qui le préoccupaient reprenait de plus belle. Monsieur M. avait ainsi la maîtrise de nos séances réussissant à m’immobiliser, ce qu’il n’avait pas pu faire avec ses parents.
42 En pointant cette successivité, lovée dans le comportement, réanimée dans le transfert et rendue brûlante par des épisodes évacuateurs d’entérite aiguë, j’obtiens une réponse qui me dit que Monsieur M. est à la fois surpris et angoissé : « Tiens ! Je n’y avais jamais pensé. Où allez-vous trouver tout cela ? » Mais, à partir de là, mon patient a pu penser les ruptures et les éloignements.
43 L’histoire de Monsieur M. a pu être lentement, péniblement, retracée [5], permettant l’émergence de nouvelles figures et une autre cohérence psychique.
44 Faut-il parler de mémoire du corps ? De mémoire de comportement ? Je préfère dire que tout ce qui est vécu par un sujet à n’importe quel niveau fait objet d’enregistrement et c’est au psychanalyste que reviennent les tentatives d’articuler les signes par un langage qui puisse faire sens pour le patient.
45 Au couple analytique incombe la tâche d’inclure les indications corporelles et/ou comportementales dans un récit porteur de messages. Récit complexe à entrées multiples, César Botella (2016, p. 4) le dit bien, puisque notre mémoire réorganise activement, constamment, les éléments qui lui reviennent.
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47 Toujours dans le contexte des processus mnémoniques, il me semble important de reprendre deux questions : celle de l’inscription psychique des besoins corporels (par exemple la faim) et celle de l’effacement de certaines données du mental.
48 En essayant de répondre à la première question, je dirai qu’une exigence corporelle s’inscrit psychiquement à travers et en raison de son investissement positif ou négatif. Les inscriptions neurophysiologiques dans l’amygdale et l’hippocampe supposent que ce qui excite a fait l’objet d’investissements, car la perception-signe mobilise des éprouvés en satisfaction ou en déplaisir qui enrobent le perçu. La reprise hallucinatoire, à partir des traces mnésiques de satisfaction ou de déplaisir, implique une retenue de la décharge immédiate, ce qui, bien sûr, n’exclut pas la possibilité que finalement le psychique expulse ou se prête aux désinvestissements des données proposées.
49 Un besoin organique s’inscrit donc psychiquement en étant investi par le pulsionnel, acquérant ainsi la possibilité d’être évoqué et reconnu. Quant à la question des effacements, celle-ci rejoint des aspects particuliers du « ni dedans, ni dehors » que les Botella ont mis en exergue.
50 Lors d’estompages ou de dissolutions, qui font suite à des orages et à des tourmentes émotionnelles dues à des déceptions et à des secousses invalidant les capacités du sujet, la question se pose de savoir si nous avons affaire avec des éclatements qui arrivent à éparpiller les données perceptivo-sensorielles, brisant de ce fait toute attente de satisfaction.
51 Avant de me référer à ma compréhension des choses, j’évoquerai encore une fois ce que disent les neuroscientistes.
52 António Damásio (1999) et Joseph Ledoux (2005) parlent d’images et de représentations d’événements ensevelies sous un impact traumatique ou détruites par les charges de quantités d’excitation et par les percées émotionnelles qui dérèglent l’homéostasie psychosomatique. Ainsi décrit, l’impact du traumatique fait écho aux conceptions psychanalytiques (Winnicott, 1963 ; Roussillon, 1991 ; Green 2002). Mais là encore, il faut préciser ce qui est dit.
53 En tenant compte de la connaissance commune dans le monde des neurosciences qu’il y a amorçage perceptif de n’importe quelle modalité sensorielle, il est clair qu’une fois qu’une structure du système nerveux a été utilisée, la voie est frayée pour l’enregistrement dans les divers systèmes mnésiques. C’est pourquoi, même une impression des sens – qui est perception non liée, non symbolisée, non consciente – peut être réactivée dans l’actuel, si elle est investie. Mais, si la violence des quantités mouvantes est grande, les figurations, c’est-à-dire les représentations de choses, auxquelles la première inscription a donné lieu, peuvent être non seulement mises en retrait, mais encore être rayées, détruites, ce qui revient à dire que les productions réorganisées des inscriptions premières se perdent. Mais il y a plus.
54 Comme je l’exposais dans un article récent (Potamianou, 2015), je pense que quand des effacements sont en jeu, la non-disponibilité en morphèmes psychiques qui figurent et représentent, très souvent procède du fait que non seulement des liens entre extérieur/intérieur sautent et des réseaux de traces mnésiques se brisent, mais également bascule ou éclate le fond contenant, la structure encadrante, cette trace d’une figure maternelle qui tient et soutient, dont parlait André Green (1993) ; cadre indispensable à l’activité du penser [6], qui n’est peut-être pas solidement installé et cède à l’effraction des excitations.
55 L’absence de structure contenante porte atteinte aux capacités de figuration et de contention mentale du sujet : « Je ne peux pas penser… je ne comprends pas. » Les éléments perceptivo-sensoriels s’éparpillent et le psychisme reste exposé à l’action de motions énergétiques brutes qui affectent le mental. Le soma offre une issue possible à leur action.
56 Je rejoins ainsi César Botella dans l’idée d’une force qui se manifeste par des éprouvés dépourvus de contenu représentable et par des décharges non maîtrisables, par exemple par des crises abruptes de diarrhée, ou de tachycardies ou même par une maladie cardiaque ou autre. Effacement psychique et effondrement somatique se combinent.
57 Bien sûr, un cadre en ruine pose des problèmes différents de ceux qu’entraîne la problématique d’un cadre défensivement non utilisé en raison de la souffrance due à la relation avec un objet inaccessible ou jugé mauvais. Mais, dans les deux cas, le moi est soumis à des restrictions graves et à des dysfonctionnements. Je pense que les manques en cadre intérieur apte à contenir, à maîtriser, à délimiter, en soutenant les formes qui peuvent être données au flux du vécu, pourraient expliquer pourquoi chez certains patients ce qui est proposé pour l’enregistrement mémoriel est très vite perdu. Si quelques traces persistent, elles n’arrivent pas à s’affirmer à travers l’expressivité des images et, bien sûr, elles se tiennent en dehors du cercle des représentations verbales. La rétention – héritière du holding de Winnicott et témoignage du fonctionnement d’un espace psychique intérieur – s’absente ou n’est pas suffisamment opérante. Suivant Michel Fain (1991), on peut dire que le cadre qui permet l’intégration du double retournement de la pulsion manque ou fonctionne de manière insuffisante. Dans ce cas, l’impératif processuel d’inscription psychique comme devoir de mémoire, que Bernard Chervet évoquait (2009), ne peut pas se maintenir.
58 Ces difficultés sont souvent présentes chez les patients limites. Elles exigent des modifications essentielles de l’approche psychanalytique classique, mais c’est à l’occasion du non-maintien du cadre intérieur que les constructions du psychanalyste prennent une valeur particulièrement importante en tant qu’attracteurs de convictions en équivalents de souvenirs. Toutefois, c’est aussi à de telles occasions que le traumatique peut se manifester chez le patient par crises somatiques, crises sur, et dans, cette terre « autre » que le psychique, la terre du soma.
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60 Concernant la technique thérapeutique, il est certain que les restrictions et les failles de la pensée et de la fantasmatisation chez un patient appellent l’attention, car il est possible que les ouvertures auxquelles les propositions de l’analyste s’essaient et la mobilisation du pulsionnel qui peut suivre entraînent des réactions régressives lors desquelles l’énergie se retrouve privée de qualifications libidinales, érotiques et/ou agressives [7]. Nous avons alors à faire avec des poussées d’énergie brute dont l’action ne favorise pas la cohésion psychique. Il n’est pas rare que des perturbations au niveau corporel coexistent ou fassent suite à la désintrication pulsionnelle.
61 Dans ce cas, l’approche thérapeutique ne peut que prendre en compte des facteurs qui ne concernent pas la méthode classique basée sur le retour des souvenirs refoulés. César Botella parle de l’ajout d’un investissement pro-grédient à la regrédience formelle de la pensée de l’analyste en attention flottante. Je me referais à la combinatoire « de veille et d’attention flottante qui correspond à des moments d’oscillation du contre-transfert de l’analyste, indiquant des fluctuations entre des accentuations régrédientes et progrédientes » (2001, p. 151). Pour moi, c’est l’inaptitude des patients à prendre en charge une dimension maternelle de veillance qui appelle l’attitude de « veilleuse » chez l’analyste, ainsi dérangeant l’attention flottante.
62 La référence de César Botella à l’affect de l’analyste me convient parfaitement. Attention flottante et vigilance alternent parce que, suite à un signe perceptif, émerge chez l’analyste un affect qui exige une attitude autre que celle de l’attention flottante.
63 Quand des défauts de mentalisation tiennent la scène, César et Sára Botella parlent de « psychanalyse régrédiente transformationnelle », soulignant le fait que le travail se base sur des processus inconscients qui surgissent en rêve ou également sous certaines conditions en séance, alors que l’analyste en regrédience tend à donner sens à un matériel qui est absent psychiquement pour son patient. À partir de ce qui est nouvellement perçu dans le cadre de l’interaction de la dyade analytique (2016, p. 8), on s’attend à des changements dynamiques et économiques chez le patient, à condition que la compulsion de répétition ne tienne pas le jeu.
64 Au niveau de la technique utilisée, quand César Botella se réfère (2014 et 2016) à la mise en contact de différents éléments, corps inclus, lors d’une cure, ou quand j’essaie comme je l’ai exposé dans plusieurs écrits (1992, 2001 et 2015) de mobiliser un questionnement du patient pour ses somatisations ou pour son mode de fonctionnement en clivage ou en répétition compulsive – car je considère que le retournement sur soi est la condition sine qua non de toute transformation – les moyens ne sont pas les mêmes. Mais je crois pouvoir dire que le but est commun. Il consiste à faire converger certains éléments dont la mise en rapport pourra, on l’espère, introduire une meilleure fluidité entre processus primaires et secondaires, incluant dans la mémoire ce qui restait inaccessible et transformant, autant que faire se peut, l’économie psychique du patient.
65 Je dirai : l’économie somatique aussi.
66 Pour donner un exemple : les agonies d’effondrement de l’unité de soi (breakdown), de vidage, de ne pas pouvoir se tenir, sont souvent vécues également au niveau au soma. Les éprouvés ou les symptômes somatiques peuvent être utilisés comme attracteurs de fantasmes et être ainsi liés à la réalité psychique. Dans ce cas, les constructions du psychanalyste [8] peuvent éventuellement conduire à des transformations importantes de l’économie somatique du patient comme j’ai tenté de le démontrer (Potamianou 2008a et 2008b).
67 En tout cas, ce qui me semble important c’est que le sujet puisse arriver à contenir les excitations qui l’assaillent, ce qui veut dire « éprouver » sans besoin d’être tenu. Contenant lui-même d’un espace subjectivé, il a la possibilité d’inscrire, de retenir et éventuellement de transformer ce qu’il engendre et ce qu’il subit. Il n’est ni sans forces, ni sans ressources.
68 Un point encore concernant les constructions : je rappelle que Freud (1914) notait que la conviction que le malade peut acquérir concernant une situation est indépendante de la remémoration. On est donc en droit de penser que plusieurs facteurs interviennent dans le fondement de la conviction apportée par une construction. Psychanalytiquement parlant, celle-ci n’est pas un processus « innocent », même si elle se révèle nécessaire lors d’une cure. C’est pourquoi il n’est pas sans importance de maintenir lors de nos interventions la tonalité d’une proposition, car le ton affirmatif risque de renvoyer à la toute-puissance de l’analyste. Or, celle-ci peut se prolonger chez le patient en suivant deux lignes : une ligne identificatoire et une autre, celle de la soumission du patient au dire d’une figure d’autorité. Les deux font appel à un vécu infantile retrouvé à travers le transfert.
69 En tenant compte des vibrations continues du psychisme par tout ce qui en nous cherche à trouver expression, construire c’est accompagner [9] l’autre au long de la voie qu’il est en train de tracer, le suivant là où on l’a précédé.
En marge : quelques réflexions de plus
70 Le développement émouvant du cas de Wilfrid rappelle combien il est nécessaire que le psychanalyste puisse rester vigilant aux gradations de l’efficacité moïque des patients, dont l’organisation en état limite peut présenter des variations importantes. Chez certains, le pulsionnel se manifeste surtout comme quantité brute. Chez d’autres, les manifestations restent proches de celles des états névrotiques. Par ailleurs, des moments d’oscillation entre ces deux pôles sont fréquents chez les borderline.
71 Quand les divisions qui affectent l’unité psyché/soma sont prévalentes, souvent les objets n’apparaissent pas comme étant impliqués ni dans la réalité, ni en imagination. C’est le soma qui se trouve souffrant sans que cela soulève chez le patient – et parfois ni même chez l’analyste – un questionnement quant au lien possible avec la problématique mentale. Pourtant, les patients parlent souvent de leur corps souffrant, comme on parle d’un objet avec lequel on se trouve en litige.
72 Une patiente disait : « Mon corps me dégoûte et je ne peux m’en défaire. » Une autre patiente affirmait : « Je hais ce corps qui me hante. » Un patient parlait de son corps qui le persécutait. On peut donc dire que le soma prend une place d’objet quand l’afflux des représentations concernant les objets ne peut pas être affronté. Michel Fain pensait qu’un hiatus s’installe alors entre les représentations et le mouvement pulsionnel qui les sous-tend.
73 Dans le contexte des tendances vers l’extinction pulsionnelle qui marquent certaines phases du travail avec les patients borderline, dira-t-on que les inscriptions dans le ça subissent le coup d’un virage vers le zéro d’excitations sous les effets de la pulsion de mort en tant que force désobjectalisante, comme dirait André Green ? Où faut-il surtout s’intéresser au fait que le ça s’impose comme exigence de décharge de quantités perturbantes, annulant ainsi le surgissement de nouvelles formations mentales, qui éventuellement entraîneraient des transformations économiques ?
74 Quant aux excès d’excitations retrouvés surtout dans certains agencements en mode psychotique, on constate que sous les poussées constantes du pulsionnel sont recherchés les accomplissements d’une force qui ne prend pas en compte les logiques de la réalité extérieure. Déchaînée, la force vise l’au-delà des limitations que les formations psychiques imposent. La mise en forme, le figurer et le représenter sont esquivés.
75 Philippe Valon (2003, p. 118) se référait à un patient qui disait à Gisèle Pankov quand celle-ci lui demandait un modelage : « Chaque forme est une menace contre mon existence. Au moment où j’accepte une forme définie, je suis perdu. »
76 Je dirai que ce qui sûrement ne risquait pas d’être perdu, c’était l’idée grandiose de pouvoir exister même dépourvu de forme, trouvant gîte dans l’informe, état qui est l’apanage d’un ça réticent à l’ordre représentatif et symbolique ; réaction déchirante du patient au risque de l’effondrement narcissique.
77 Chez les cas limites, la logique du désespoir, présidée par des idées de manque, de vide et de non-plaisir, coexiste grâce aux clivages avec une grande disponibilité aux excitations. Je citais (1992, p. 136) le cas d’une patiente qui me décrivait des morceaux d’images qui s’estompaient, des sons qui se perdaient dans le silence et qui, par ailleurs, dans un état de grande agitation, parlait d’excitations « quimontaient, la submergeant » et se référait à « un non défini, toujours attendu dans l’espérance de sa révélation ». Au non dit qui me concernait, faisaient suite des phases d’épuisement et de souffrances somatiques [10] soutenues pourtant par des idées de renaissance autocréatrice.
78 Un dernier point : des vacillements, entre l’ordre du psycho-sexuel (donc de l’énergie qualifiée) et l’ordre bio-organique (champ de l’autoconservation et de l’énergie indifférente aux qualités), peuvent être retrouvés dans des circonstances très différentes ; par exemple, quand une intervention du psychanalyste déborde la frange psycho-névrotique et un épisode somatique, soit une colite ou une crise d’ulcère, s’en suit. Ou encore, quand des incidents somatiques après la fin d’une cure nous obligent de penser que le registre névrotique d’un patient peut avoir été travaillé, mais que toute une partie de l’économie du sujet n’a pas été élaborée.
79 *
80 Je terminerai en disant que de nos jours, malgré les maintes difficultés qui nous entourent, la psychanalyse ne cesse pas d’élargir l’horizon de ses applications et ses possibilités à transformer, même si le travail se fait suivant des voies qui diffèrent.
81 Je suis persuadée que nulle vraie cure psychanalytique ne peut épargner à l’analysant ces moments d’ébranlement farouche du moi, dont parle Michel de M’Uzan (2015), quand le patient réalise qu’il n’œuvre pas seulement dans la recherche du plaisir et que ses possibilités de changement ne sont pas illimitées. La prise de conscience de tels aménagements constitue un ébranlement psychique ; mais c’est au prix de la sensibilisation à l’alternance des mouvements de liaison et de déliaison, de composition et de dispersion, d’ordre et de désordre interne, que peut être soutenue l’adhésion du moi à ce qui lui revient, ainsi que sa créativité.
82 Ce que la cure psychanalytique nous offre c’est la possibilité d’arriver à supporter que les frontières entre instances psychiques soient instables. Clivages, divisions, vacillements identitaires ne s’absentent pas au cours d’une vie. L’essentiel est qu’ils puissent faire l’objet d’un travail permettant un parcours – autant que faire se peut – vers le maintien d’une cohésion interne.
83 Je soutiens qu’en fin de compte ce qui importe c’est que le psychanalyste puisse accompagner son patient, afin que dans la suite d’une histoire advienne le début d’une mise en sens ; donc un commencement.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : représentations, régrédience, soma, convergence, images, thérapeutique
Mise en ligne 25/11/2016
https://doi.org/10.3917/rfps.050.0207Notes
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[1]
Ce texte a été rédigé à partir d’un exposé présenté au 5e Symposium de psychosomatique, qui s’est tenu à Athènes, les 27 et 28 mai 2016.
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[2]
Par exemple, l’organique n’est pas nécessairement soumis au principe de plaisir/déplaisir.
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[3]
Freud (1914, p. 149) parle de souvenirs qui ne peuvent être retrouvés tant que persistent les résistances à la guérison dues au conflit moi-surmoi.
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[4]
Quand une nouvelle traduction n’a pas lieu, l’aménagement des excitations se réalise suivant les dispositions antérieures.
Un témoignage du procès des transcriptions est donné par « Le regard d’Ulysse », film de Theodore Angelopoulos. Le regard reste attaché à un parcours qui les favorise. Progressivement, quoique péniblement, la mémoire chercheuse met au jour ce qui restait inconnu, hors atteinte, enseveli dans des creusés figurés comme trous noirs, vides, dont les yeux se détournaient… jusqu’au jour où un regard d’Ulysse a adhéré aux exigences de la recherche. -
[5]
« Retrouver l’aube » est la belle expression que J.-Cl. Ameisen utilise dans l’un de ses livres, intitulé Sur les épaules de Darwin, qui a été publié en 2014. Je pense que ce qui est dit pour l’histoire des humains peut être également évoqué pour les structurations individuelles, l’histoire étant toujours un rapport entre un présent et son passé.
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[6]
Lors du développement normal vient un temps où un encadrement intérieur remplacera la présence de la mère. Ce cadre, détaché de l’objet réel, accueille et contient les productions du sujet. Par contre – comme André Green l’a bien signalé – si l’absence de l’objet n’est pas acceptée, si ses stimulations sont recherchées, la nécessité d’absenter l’objet afin de libérer un espace intérieur n’est pas prise en compte. La constitution d’un fond contenant, vidé de perceptions reliées à l’objet, n’est pas possible. Une structure encadrante, libre de recevoir de nouvelles inscriptions et des formations de la pensée du sujet, n’arrive pas à s’établir ou s’établit mal. L’attachement à l’objet externe et la soumission du sujet aux impératifs de celui-ci persistent alors. Ce qui dans certains cas s’inscrit avec cette netteté négative pour le développement de l’autonomie du sujet, surgit dans d’autres cas seulement si des circonstances de vie défavorables viennent rencontrer des capacités intériorisantes qui ne sont pas fermement établies chez un individu.
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[7]
Par ailleurs, indépendamment de la situation analytique dans le cours de toute vie, il est possible que le moi en vienne à céder de son territoire aux charges venant du ça, ce fond du psychisme. Certaines motions énergétiques ne sont jamais soumises au principe du plaisir, ni au principe de réalité.
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[8]
À condition – rappelons ce que disent les géomètres – que la construction soit formulée de manière à servir ce qui est avancé (Proclos v e siècle).
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[9]
Je suis tout à fait d’accord avec la position de J. Canestri (1994) qui disait que la créativité de l’analyste se signale par sa capacité à produire des formulations qui correspondent à la capacité du patient à les contenir.
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[10]
Pour les somatisations, Claude Smadja (2006, p. 647) a opté pour le terme de « solution somatique » disant que, transitoires ou non, les solutions somatiques résultent d’une certaine décomplexification du fonctionnement mental et d’insuffisances des capacités transformationnelles psychiques. Est ainsi évoquée une clinique de silence mental s’opposant aux bruits du corps.
Personnellement, je préfère le terme d’« issue » somatique, car le terme de « solution » me semble favoriser l’idée que quelque chose trouve son terme ; qu’une question, ou une difficulté, est résolue. Mais nous sommes d’accord sur l’essentiel qui est que là où les poussées pulsionnelles ne peuvent pas prendre une forme mentalisée, les somatisations viennent témoigner de ce qui a échappé au psychique.