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Article de revue

Deuils invisibles, manie blanche et clivages facteurs de risques cancéreux ?

Pages 79 à 100

1De nombreux psychanalystes ont remarqué comme moi la fréquence d’un deuil dans les antécédents récents d’une décompensation cancéreuse, soit chez un patient en analyse, soit dans l’histoire qu’il nous rapporte d’un membre suffisamment proche pour qu’il puisse en connaître les antécédents affectifs et les deuils. Mais ce deuil a une particularité : il s’agit souvent d’un deuil sans manifestation affective évidente, invisible en quelque sorte, masqué par une hyperactivité sociale ou professionnelle et par une intégrité psychique irréprochable, qui peuvent égarer le chercheur en quête de causalités simples (pour ne pas dire simplistes, pragmatiques, opératoires...).

2Mais tout analyste ayant suffisamment pratiqué la psychosomatique, et ayant écouté les arguments et les mises en garde de maîtres tels que Pierre Marty, Michel de M’Uzan ou Michel Fain, ne peut pas non plus se précipiter pour déduire un lien immédiat entre un trait psychopathologique donné et une prédisposition aux décompensations cancéreuses, en tout cas sous une forme aussi réductrice.

3Le psychanalyste doit éviter de faire la même chose, toute proportions gardées, que ces chercheurs qui se lancent avec une idée préconçue dans des études statistiques sur l’efficacité de la psychothérapie (surtout qu’il s’agit en général de thérapies comportementales dont le mode est proche de la pensée opératoire), ou qui étudient l’influence du stress ou des traumatismes en tant que facteur de risque dans l’évolution des cancers dans une définition sommaire et à court terme (alors que des études ont montré qu’il fallait un temps assez long pour déceler l’efficacité, et non le court terme habituel : C. Jasmin 1990 ; Cunningham 2005). Et ce n’est pas parce que le biaisage scientifique est " politiquement correct " et plus dans l’air du temps, que le psychanalyste doit se laisser aller à l’extrême inverse et se précipiter pour attribuer n’importe quel sens là où celui-ci fait défaut, comme dans les délires para-scientifiques des sectes ou des médecines dites " naturelles ". Et_cela même si Freud lui-même avait marqué une certaine préférence pour les hypothèses audacieuses, voire parfois farfelues, d’un Groddeck sur celles des médecins de son temps.

4Ceci étant, il est clair que si un statisticien cherche un lien entre deuil et cancer, par exemple, il va avoir du mal à valider cette hypothèse, car il aura tendance à ne prendre en compte que les deuils suffisamment évidents, ceux que les patients auprès desquels il mène son enquête signaleront à son attention, et qui lui paraîtront manifestes. Or le contenu manifeste n’est pas obligatoirement significatif pour le psychanalyste. De même que ce qui est significatif pour ce dernier ne l’est pas forcément pour le statisticien. En admettant donc qu’on puisse trouver une légère différence statistique, elle sera très inférieure à celle qui apparaîtrait si on pouvait prendre tous les deuils en compte, en majorant le risque pour les moins apparents !

5À défaut donc de pouvoir s’appuyer sur un matériel hautement formalisé et chiffrable, il peut être utile de préciser les intuitions cliniques qui procèdent de l’expérience avec de nombreux patients, ou parents de patients. Ces intuitions pourront conduire ultérieurement à des tentatives de validations, comme cela a été fait il y a quelques temps pour les cancers du sein par l’équipe de Pierre Marty (1988), qui a montré la fréquence d’organisations mentales déficientes, d’un moi- idéal dominant le surmoi, et de deuils mal élaborés.

6Pour les biologistes qui admettent la possibilité d’un cofacteur psychique, les facteurs de risque pourraient appartenir à deux types de causalité ; tantôt de l’ordre d’un " circuit externe " – le tabac, la nourriture, l’exposition à des rayonnements (solaires, ou autres), des agents infectieux (par défaut de protection), des microtraumatismes, etc. – qui peuvent dépendre de facteurs psychologiques et agiraient donc de façon indirecte ; tantôt de l’ordre d’un " circuit interne ", qui relierait directement le système immunitaire et le fonctionnement psychique (Cunningham, 2005). Une théorie qui dirait qu’un traumatisme sans élaboration représentative pourrait avoir un effet biologique n’est pas sans rappeler la théorie des débuts de Freud, des " affects coincés ", qu’il appliquait aux pathologies névrotiques, et qu’il a corrigée par la suite. On connaît le risque de développement tumoral que courent tous les patients greffés du fait de leur traitement immunosuppresseur : ici, ce ne serait pas un médicament immunosuppresseur qui serait en cause, mais un agent psychique à l’origine de dépression immunitaire, par un circuit neuronal qu’on connaîtra peut-être un jour.

7À l’exception de quelques allusions, je ne pourrai malheureusement pas relater les cas les plus significatifs auxquels je pense, car nombre d’entre eux appartiennent à un milieu proche de la psychanalyse ou de la médecine psychosomatique. Je partirai donc de deux personnages célèbres pour décrire les principales caractéristiques psychopathologiques que l’on peut invoquer comme facteurs de risque, selon moi, pour l’éclosion d’une affection cancéreuse, quelles que soient par ailleurs les prédispositions génétiques ou accidentelles qui ont pu jouer aussi, notamment pour la localisation de l’affection cancéreuse. Je les ai choisis en partie parce qu’ils ne correspondent pas du tout à la caricature qu’on a fait parfois d’une pensée opératoire prédisposant à une affection psychosomatique, à moins de faire intervenir la notion de clivage, et de définir à l’intérieur de la psyché un secteur opératoire limité.

81. Le premier est Arthur Rimbaud, sur qui nombre de commentateurs se sont penchés, et au sujet duquel une biographie extrêmement détaillée (de 1 200 pages !) a été écrite récemment, laquelle donne une énorme quantité d’éléments précieux (J. Lefrère, 2001). Comme on le sait, le génie précurseur de la poésie moderne, précédant de presque un siècle les voyages et les dérives des jeunes hippies de la seconde moitié du vingtième, après avoir été un temps assez bref un poète désargenté et inconnu entretenu par Verlaine, puis un épicier-trafiquant d’armes dans une région désertique d’Éthiopie durant de nombreuses années, finira par mourir à l’âge de trente-sept ans d’un ostéosarcome du genou d’évolution rapide.

9Quoi de moins opératoire, apparemment (au sens où l’entendent les psychosomaticiens), que le poète des Illuminations et des " Voyelles ", père du surréalisme et de la poésie moderne ? On a parfois comparé Rimbaud à une étoile filante, dont la lueur a embrasé le ciel, puis a disparu dans un mystère profond, à l’autre extrémité de la terre – dans cet enfer du Harar qu’il a décrit dans sa correspondance, enfer de chaleur et d’exil qui a pris, pour le trafiquant soucieux de faire fortune et reniant son œuvre poétique, la place d’Une saison en enfer, mais dans un style totalement différent. Car ses écrits tardifs à sa famille restée en France nous montrent un Rimbaud bien différent de celui que nous connaissons.

10" Ne vous étonnez pas de ce que je n’écrive guère : le principal motif serait que je ne trouve jamais rien d’intéressant à dire. Car, lorsqu’on est dans des pays comme ceux-ci, on a plus à demander qu’à dire ! Des déserts peuplés de nègres stupides, sans routes, sans courriers, sans voyageurs : que voulez-vous qu’on vous écrive de là ? Qu’on s’ennuie, qu’on s’embête, qu’on s’abrutit ; qu’on en a assez, mais qu’on ne peut pas en finir, etc., etc. Voilà_tout ce qu’on peut dire ; par conséquent, et comme ça n’amuse pas non plus les autres, il faut se taire [...] " (25 février 1890).

11Et en_effet, ce qui frappe le lecteur de sa biographie, c’est combien, à partir de son départ pour Londres et surtout pour l’Afrique, Rimbaud a modifié son style, son mode de vie, ses buts et ses idéaux. Lui qui avait été révolté, mauvais garçon en proie à de multiples addictions et auteur de blagues douteuses, sympathisant actif de la Commune de Paris, voyant et révolutionnaire, s’engagera un peu plus tard comme précepteur, puis comme légionnaire pour mater les révoltes coloniales. Il_deviendra contremaître, puis finalement employé modèle (réputé sérieux, intelligent et habile dans ses transactions) dans un comptoir commercial, très méticuleux dans ses comptes et dans ses écrits, obsédé par l’idée d’amasser un pécule en commerçant dans des régions peu explorées d’Afrique. Il ira jusqu’à vendre des armes et utiliser des esclaves, ce qui lui valut quelques ennuis avec les Anglais abolitionnistes.

12La période créatrice où il a composé la totalité de son œuvre s’étend sur à peine cinq ans, de 1870 à 1874, soit de seize à vingt et un ans. Le contraste entre l’adolescent instable et révolté et le personnage rigoureux et hyper-moral de la fin de sa vie (au point qu’il a pu dire que ce qu’il écrivait jeune était " mal ") est saisissant. Au-delà de ses vingt- cinq ans, la seule originalité qui lui reste est un goût qui ne se démentira jamais pour les voyages, une attirance pour les nouvelles contrées, la quête de l’inconnu. Grand marcheur, capable de parcourir à pied des distances impressionnantes (dès son adolescence, lors de ses fugues), ce goût le poussera même à collaborer avec des explorateurs pour la Société nationale de géographie. Ses anciens amis le qualifieront de " Voyageur toqué ", et certains biographes ont été jusqu’à le déclarer atteint de " parano ïa ambulatoire ". Ce qui avait été l’instrument de sa révolte contre sa famille deviendra une quasi-addiction. Et si, lorsqu’il est en Afrique, il rêve de retourner en France avec un petit avoir et de se marier, c’est à condition que sa femme veuille bien le suivre dans ses voyages (ce dont il doute) ! S’agissait-il d’un comportement auto- calmant ? On peut en effet le penser, d’autant qu’il est repris par la frénésie de partir dès qu’un conflit relationnel ou un échec se présente, et menace de le déprimer.

13Autre comportement qui ressemble assez à un trait de pensée opératoire, la façon dont Rimbaud, s’enfermant dans un placard, recopiait des pages et des pages de dictionnaires pour apprendre des langues (il tenta d’en apprendre plus de dix), et la masse de livres techniques qu’il se faisait expédier en Afrique à la fin de sa vie, dont l’usage n’apparaissait pas toujours évident, alors que par ailleurs il ne lisait jamais plus ni roman, ni poésie, ni même des écrits sociaux ou philosophiques. Il était réputé pour parler peu, sauf dans de brèves périodes où il pouvait brusquement plaisanter de façon alerte et cynique, et ses seuls écrits à sa famille étaient devenus, en dehors de considérations répétitives sur la dureté du temps et du pays, d’une sécheresse technique tout à fait opératoire.

14Ce double aspect dans la personnalité de Rimbaud est évidemment en faveur d’un clivage, entre une partie identifiée de façon occulte à son père, le capitaine Rimbaud, qui disparut un jour de son enfance et de chez son épouse pour ne jamais revenir, et une partie identifiée à sa mère. Cette mère, qui devait terminer sa vie obsédée par l’état de ses morts qu’elle déterrait elle-même pour nettoyer leurs os, était d’une grande sévérité, dureté, et rigueur, comme il s’en plaindra à ses amis, qui furent tous frappés par le personnage (surnommée la " mère Rimbe ", " la bouche d’ombre ", etc.). Alain de Mijolla, précurseur en cette analyse (1975), a bien montré comment la crypte identificatoire du poète (du fait d’un silence maternel total au sujet de son père) s’était peu à peu révélée, comme un véritable " visiteur du moi " habitant sa psyché. Le père d’Arthur, le capitaine Rimbaud, avait fait une grande partie de sa carrière militaire en Algérie, et, après avoir épousé sa femme Vitalie en France et fait quelques visites – et enfants – au fil de ses permissions, partit un jour définitivement du foyer, alors qu’Arthur avait six ans. Dans son œuvre, Rimbaud ne parle jamais de son père, ni des pères en général, mais il est clair, quand on connaît son histoire ultérieure, qu’il est hanté par son fantôme ; après la rupture avec Verlaine et la poésie, il va en effet, sans jamais y faire allusion, suivre ses traces vers l’Afrique, allant même jusqu’à s’attribuer son lieu de naissance pour cacher son identité aux recruteurs militaires (!), et à terminer sa vie comme lui, seul, se limitant en fait d’écriture aux missives sèches d’un militaire en garnison.

15Le premier accident somatique grave de Rimbaud, nous dit de Mijolla, eut lieu un mois après la mort de son père, à laquelle il n’avait pourtant manifesté aucune réaction, semblant d’une indifférence totale à l’information laconique de sa mère sur la mort de ce père, disparu depuis longtemps : il fit cependant une fièvre typho ïde, et fut admis dans le même hôpital militaire que celui dans lequel il devait être soigné de son cancer, peu avant l’âge où son père l’avait conçu. Rimbaud, nous dit de Mijolla, avait perdu l’espoir de se marier et d’avoir un fils en raison d’un revers financier (car il conditionnait un éventuel mariage à un avoir suffisant pour attirer une femme dans la région inhospitalière où il vivait). La typho ïde était certes une maladie infectieuse courante à l’époque en Afrique, mais, comme pour la tuberculose, on peut malgré tout invoquer un facteur de dépression immunitaire probable, à l’origine d’une baisse des défenses de l’organisme laissant le champ libre à l’invasion microbienne.

16Nous avons vu comment le fantôme de son père, prolongeant sa quête d’adolescent, avait fait irruption en lui, au-delà de son identification enfantine à une mère extrêmement surmo ïque et rigide. Celle-ci, à la fin de sa vie, avait fini par dire son amour pour son ex-mari, devant la tombe de celui-ci. Mais son fils n’eut pas cette chance, et ses capacités à faire des deuils en furent pour toujours entravées. Il ne manifesta guère de peine lors de sa rupture avec Verlaine, son père en poésie, malgré l’aspect dramatique de celle-ci : ce fut surtout Verlaine qui en souffrit. Et par la suite, on ne le verra jamais regretter une disparition, même celle de sa petite sœur Vitalie, sa préférée, emportée prématurément.

17Si on accepte cette hypothèse causale, à quel deuil invisible faudrait- il attribuer le déclenchement final du cancer de Rimbaud, à l’âge de trente-sept ans ? Au-delà de l’impossibilité de fonder une famille, facteur découvert par Alain de Mijolla à partir de sa correspondance, il y a également un autre deuil, plus subtil et encore plus invisible. Peu après son échec commercial de ventes d’armes au douteux roi Menelik, qui devait ruiner ses espoirs de réussite et de paternité, il y eut également l’information incroyable, qui lui parvint un jour, qu’il commençait à être célèbre en Europe, et que certains attendaient plus ou moins son retour à la littérature. Mais comment celui qui avait abandonné depuis plus de quinze ans toute écriture poétique pouvait-il revenir à la littérature ? N’avait-il pas confié à un collègue de travail qu’il s’agissait de " rinçures ", d’écrits d’ivrogne, et que c’était " mal " ? Mais derrière le rejet méprisant, et l’indifférence affichée, comment ne pas penser qu’il y eut là un deuil de trop, celui de ne pouvoir revenir en arrière, de même que son père n’avait jamais pu le faire, redoutant d’affronter la sévérité de son épouse ? Le monde des lettres l’avait rejeté, autrefois, comme trop marginal, et voilà qu’il le réclamait aujourd’hui. Pour mieux le rejeter encore un peu plus tard, n’admettant pas, comme la " mère Rimbe ", son originalité ? En tout cas ce deuil impossible, ajouté à celui de pouvoir faire un fils comme son père, faute de moyens pour cela, fut sans doute un deuil de trop, qu’il fut incapable de faire.

18Restent deux questions, celle de la localisation de la tumeur et celle du transgénérationnel – ou de l’intergénérationnel, pour Alain de Mijolla. Même si les analystes psychosomaticiens ont tendance à penser que la localisation ne saurait être en cause dans une affection psychosomatique comme un cancer (sauf Christophe Dejours (2000), qui évoque l’idée d’une localisation au niveau de la fonction), il est tout de même troublant de constater que le lieu même de la tumeur évoque la frénésie déambulatoire, l’appétit de marches incessantes de Rimbaud, qui nous ont fait évoquer un comportement autocalmant. Ce facteur pourrait-il entrer dans le registre des causalités traumatiques externes qu’ont décrit les biologistes, dans la catégorie des microtraumatismes, s’ajoutant à la dépression immunitaire ?

19Sur la question de la transmission psychique entre les générations par identification inconsciente, il faut sans doute l’étendre encore davantage que l’hypothèse que nous propose Alain de Mijolla sur l’identification au père d’avant la naissance, le courageux capitaine en Afrique : en lisant la biographie de Lefrère (2001), on découvre que le fameux capitaine avait été précédé dans cette voie par son propre grand-père, un certain Jean Rimbaud, cordonnier, qui avait abandonné pour toujours le foyer de sa femme lorsque le père du capitaine, Didier, avait six ans – soit exactement à l’âge où le père d’Arthur devait partir définitivement ! Ainsi, ce n’était pas seulement l’ombre du père-capitaine qui hantait notre poète, mais également celle de son arrière-grand-père (notre poète lui-même se prénommait en réalité Jean-Arthur, portant donc le même prénom que cet arrière-grand-père).

20De plus, ce n’était pas seulement du côté paternel que les hommes étaient de décevants séducteurs, levant le pied un peu trop facilement, mais du côté de la " mère Rimbe " également. En effet, si le père de celle- ci (le grand-père maternel d’Arthur) est toujours resté idéalisé à ses yeux, du fait de la mort de sa mère en couches lorsqu’elle avait cinq ans, ses deux frères aînés par contre étaient des têtes brûlées. Le premier avait dû fuir en Algérie après un mauvais coup en France, et le second, se révélant incapable de gérer la ferme familiale, l’abandonna à sa sœur, ce qui n’était guère dans les coutumes d’alors. On a l’impression que des deux côtés cette forte assimilation des hommes à des séducteurs décevants prend l’allure, avec la répétition, d’un fantasme originaire dont l’insistance a valeur traumatique, et rend impensable toute autre identification masculine. La question est alors de savoir si un fantasme non- fantasme enkysté et répétitif, comme aurait dit Racamier, du fait de son statut irreprésentable, peut ainsi bloquer la mentalisation en un point, et rendre traumatique et impensable le deuil de la figure paternelle sous les registres de la paternité réelle, de la réussite matérielle et de la célébrité, comme dans le cas d’Arthur Rimbaud. Face à cette impossible paternité, celui-ci ne fit pas un délire parano ïaque, comme le Président Schreber, mais une dépression immunitaire, et un cancer.

212. Notre second exemple sera celui de Freud, pas moins ! Là encore, impossible de parler d’une pensée opératoire qui empêcherait de penser des conflits psychiques, puisqu’il s’agit du génie le plus incontestable de notre discipline, d’une créativité inégalée, et prolongée jusqu’à la fin de sa vie, contrairement à Rimbaud. On ne pourra donc pas nous accuser d’avoir choisi la facilité pour tenter l’analyse des causalités psychosomatiques du cancer. Enfin, autre avantage, plus encore que pour le poète, nous avons la chance de disposer d’une masse inégalée d’écrits, de lettres, d’études et de témoignages sur sa vie, qui fournissent des bases scientifiques solides, du fait des nombreux recoupements possibles.

22Dans un premier temps, on a l’impression que sa vie sociale a été somme toute celle d’un respectable bourgeois, très traditionnel quant à sa famille, dont la vie affective et la moralité, malgré quelques ragots concernant sa paternité possessive avec sa fille Anna ou sa relation assez proche avec sa belle-sœur Minna, furent tout à fait exemplaires. Certes, ses amitiés masculines n’ont pas été sans conflits, comme on a pu le voir répétitivement avec Breuer, Fliess, Jung, et même avec Rank et Ferenczi. Le mouvement psychanalytique en a été affecté de scissions répétitives. Mais, somme toute, beaucoup d’entre nous pourraient envier une telle normalité, associée à un si grand génie !

23Pourtant Freud avait bien naturellement ses limites. Il était sujet à des sautes d’humeur, à des périodes d’hyperactivité créatrice suivies de moments d’abattement. Dans sa correspondance avec Fliess, puis avec ses élèves, apparaissent bien des traits de caractère aptes à nourrir les exégèses et les biographes qui tentèrent de prolonger son auto-analyse, forcément incomplète. Parmi les thèmes étudiés, celui du revenant – d’un amour défunt, d’un double ou du fantôme de son frère Julius, mort en bas âge – a été largement commenté par de nombreux auteurs à commencer par Jones, jusqu’à André Green qui l’a pris pour illustrer son travail sur " La mère morte " (1980). La difficulté que Freud a connue avec les séparations et les deuils, leur impact traumatique, a sans doute été prédéterminée par cet épisode traumatique de ses deux ans, où sa mère, absorbée par un deuil impossible, se trouvait temporairement " coffrée " dans le troisième des " trois coffrets ", celui du deuil et de la mort. Mais il était aussi entravé dans ses deuils par un fantasme d’identification impossible à un père séducteur, père d’une véritable " horde primitive " familiale, puisqu’il avait épousé trois femmes, et dilapidé l’héritage moral et financier de son grand-père Rabbi Schlomo – à un moindre degré certes que l’oncle Joseph Freud, mis en prison lorsqu’il avait neuf ans, mais suffisamment pour que Sigmund s’emploie à ne pas lui ressembler (A. de Mijolla, 1989).

24Du fait de cette fragilité narcissique, de ce besoin d’incorporation identificatoire, le lien avec un ami confident, un double, une figure identificatoire, était pour lui très important, et les déceptions répétées qu’il connut dans ce domaine furent à l’origine de plusieurs épisodes de malaises hystériques et de somatisations. Pour Max Schur, qui a étudié les somatisations de Freud dans son livre La Mort dans la vie de Freud (1972), ce qui a été parfois nommé la " névrose cardiaque " de Freud (dont il avait particulièrement souffert en 1894 avec des angoisses de mort), était plutôt lié soit à son excès de consommation de cigares et à une intoxication à la nicotine, soit plus vraisemblablement à un accident cardiaque d’origine coronaire ou infectieuse, plus qu’à un malaise hystérique. Mais il note aussi que c’est à cette époque que Freud se plaint (dans une lettre du 22 juin 1894) de ce que sa relation avec Breuer, à qui il devait beaucoup – ses premières idées sur la sexualité, le démarrage de sa clientèle, et une aide financière pour son installation et son mariage –, se soit totalement interrompue malgré le livre commun sur l’hystérie, Breuer ne pouvant le suivre davantage sur le terrain de la sexualité.

25Cause évidente du déclenchement final de son cancer, l’addiction au cigare de Freud a été, on le minimise trop, une véritable toxicomanie de sa part, qui se substitua durablement à l’expérience brève et malheureuse qu’il fit, jeune médecin, avec la coca ïne et la mort de son ami Fleischl à qui il l’avait conseillée. Le tabac fut un souci constant dans sa vie, depuis sa correspondance avec Fliess, jusqu’à la Première Guerre et ses suites, notamment lors de la grave crise économique de 1919 en Autriche, où il préférait ne pas manger que de se priver de cigares. C’était au point qu’il tenta souvent de dissimuler son addiction et de justifier ses rechutes, affirmant que fumer lui était indispensable pour travailler, et allant jusqu’à dire qu’il faisait disparaître ses troubles cardiaques, ses angoisses, et même ses plaques de leucoplasie dans la bouche. Le plus grave est qu’il ne voulut pas écouter ce symptôme d’alerte précancéreux, et consulta trop tard, de peur qu’on lui interdise à nouveau de fumer, comme Fliess avait tenté de le faire en usant de son transfert idéalisé envers lui, à l’époque de la naissance de la psychanalyse. Quand je dis qu’il ne voulut pas écouter l’alerte de son corps, on a l’impression qu’à plusieurs reprises, cela prit la forme d’un véritable déni.

26Le déni est un des mécanismes invoqués par Freud lui-même, au-delà du refoulement, pour rejeter une réalité traumatique, mais au prix d’une déchirure dans le moi, d’un clivage. La_réalité refusée peut être la castration, ou la perte d’une personne chère. Dans son texte de 1927 sur le fétichisme, Freud évoque la possibilité, à côté du clivage psychotique où dans un secteur du moi la réalité a totalement disparu, d’un mécanisme plus léger qui atténue la dépense énergétique engendrée par l’hallucination négative ou la " scotomisation " de la réalité, grâce à un mécanisme d’appoint, notamment fétichique, ou obsessionnel. C’est par exemple le cas de ce jeune homme qu’il cite, qui a perdu son père, et tantôt l’admet, tantôt le nie, et qui oscille entre les deux en des doutes obsédants. En ce qui me concerne, reprenant tous les travaux de Freud sur l’hallucination négative (1996), j’ai tenté de montrer qu’il s’agit en effet d’un mécanisme très coûteux, et qui nécessite pour se maintenir (au-delà de la courte réaction de dépersonnalisation et/ou d’hallucination négative lors de la sidération du début) différents modes de soutien du contre-investissement mobilisé pour lutter contre la réalité traumatique : une fuite motrice, comme dans l’hyperactivité ou la " parano ïa ambulatoire " de Rimbaud (ou la fugue de Norbert Hanold dans Gradiva) ; une fuite chimique, comme on peut le voir dans la toxicomanie (ou le tabagisme de Freud) ; ou encore une fuite par des perceptions latérales de substitution, comme dans le fétichisme (au bord du trou, les souvenirs " excessivement nets ", comme le dit Freud dans " Constructions en analyse ").

27L’hypomanie, que l’on peut voir comme mode de réaction défensive face à certains deuils impossibles ou traumatiques, associe plusieurs de ces mécanismes : l’hyperactivité mentale et motrice, l’action anesthésiante d’une surconsommation de tabac, d’alcool ou d’autres toxiques, et l’hyperinvestissement de sources latérales d’intérêt pour distraire l’attention du deuil. Dans les états maniaco-dépressifs, il est fréquent de retrouver un épisode maniaque plus ou moins évident dans les antécédents d’un effondrement mélancolique. Par_contre, dans la " manie blanche " (2003), que j’ai décrite pour rendre compte des épisodes larvés que l’on rencontre à l’origine de nombreuses somatisations, la manie ne se traduit pas vraiment par une euphorie, mais plutôt par une hyperactivité psychique et/ou motrice, dont j’ai supposé qu’elle pouvait épuiser les défenses immunitaires, dans la mesure où personne n’en réalise vraiment la dangerosité, le sujet paraissant au contraire très bien adapté à la réalité – sauf en ce qui concerne le traumatisme ou le deuil invisible qui est l’objet de son déni.

28Dans la correspondance de Freud avec Fliess, avec toutes les vicissitudes de l’auto-analyse, du transfert sur " l’ami ", et du dénouement douloureux de ses relations fortement investies, Freud manifeste à plusieurs reprises des moments d’hyperactivité intense, de réaction hypomaniaque face à un deuil. La première fois se produisit après la rupture avec Breuer, en qui Fliess dira plus tard qu’il constituait pour Freud l’image même du frère. Freud eut des palpitations cardiaques, et une réaction hypocondriaque qui le conduisit jusqu’à des visions de mort et d’adieu. Supportant mal la privation de nicotine qui lui avait été imposée par Fliess, il sortit brusquement de cet état par ce qu’il nomme lui-même un état hypomaniaque (lettre du 19/IV/1894). Comme le dit Max Schur à propos de cet incident, en passant d’idées dépressives à un état hypomaniaque, Freud recourut à un déni, s’appuyant sur le fait qu’il avait anticipé sa reprise du cigare en dépit de l’interdiction de Fliess.

29En 1896, par contre, Freud ne réagit pas trop mal à la maladie puis à la mort de son père ; il est vrai qu’il peut s’appuyer sur sa relation avec Fliess pour faire l’auto-analyse de son deuil à travers ses rêves, et, mis à part une légère infection pulmonaire, il ne somatise pas. Ce_ne sera pas le cas en 1899, lorsque s’annonce la dégradation de l’échange avec Fliess, par un appauvrissement progressif de leur correspondance, qui se raréfie (ce que Freud a toujours très mal supporté de ses correspondants, y voyant l’annonce d’une rupture). C’est à ce moment-là qu’il écrit une lettre étrange où il parle, pour excuser le retard des lettres de Fliess, du fait que comme lui il accomplit sans doute un " gigantesque travail qui dépasse les capacités d’un pauvre être humain... comme un tissu néoplasique qui s’infiltre dans le tissu humain et finit par le remplacer ". Il poursuit en insistant sur le thème du cancer : " Mon lot est presque meilleur, ou pire encore. Dans mon cas, travail et recrudescence d’activité professionnelle co ïncident. Je suis entièrement devenu carcinome. Dans son dernier stade de développement, le néoplasme aime à boire du vin. Aujourd’hui je dois aller au théâtre, mais c’est ridicule, comme si on voulait faire une greffe sur un cancer. Rien ne peut y adhérer et ma durée de vie est maintenant celle du néoplasme " (19/II/ 1899). Ce passage est assez impressionnant d’anticipation, dans la mesure où Freud y parle presque ouvertement de son hyperactivité/ addiction, véritable procédé autocalmant, comme du lit de son futur cancer !

30Nous savons que le deuil de la relation avec Fliess sera long et dif- ficile, émaillé de différentes péripéties jusqu’en 1904, date où Fliess accusa Freud de plagiat à travers un de ses élèves, ce qui affecta beaucoup Freud et marqua la fin définitive de leur correspondance. Ce fut à l’origine d’au moins un incident psychopathologique chez Freud, le fameux " trouble de mémoire sur l’Acropole ", épisode de dépersonnalisation lié à l’angoisse du revenant, du double, du père ou du frère mort, succédant à un accès d’élation face à la perspective tant désirée de voir l’édifice matriciel d’Athènes, justement au cours de l’été 1904.

31Par la suite, il prétendit auprès de Ferenczi n’avoir plus autant besoin d’une amitié teintée d’investissement homosexuel qu’auparavant ; mais ce n’était bien sûr qu’une dénégation, comme le prouve son attachement à Jung, en qui il vit un temps son fils et son successeur. Il fit d’ailleurs deux évanouissements, attribués par lui à des angoisses et à la boisson du vin qu’il ne supportait pas, les deux fois où il se mit à douter de la fidélité de Jung envers lui et envers la cause, en 1909, et plus sérieusement en 1912. La rupture avec Jung ne fut pourtant consommée qu’en 1914, une année qui fut difficile pour Freud ; au printemps, il souffrit d’une affection des voies respiratoires, puis de troubles coliques. Apprenant par son médecin qu’il n’avait rien de grave, Freud écrivit à Abraham qu’il soupçonnait ce dernier " d’avoir tenu le carcinome pour hautement probable. Ce n’est donc rien pour cette fois-ci ; il me faut continuer à m’échiner ".

32En novembre 1917, les vivres sont devenus rares à cause de la guerre, et Freud manque de cigares. De plus, il avait cru en une victoire rapide de l’Allemagne, et doit déchanter. Il écrit à Ferenczi : " Hier, j’ai fumé mon dernier cigare, et depuis, je me sens de mauvaise humeur et fatigué. J’ai eu des enflures et la douloureuse enflure au palais que j’ai observée depuis mes jours de privation s’est aggravée. Ensuite un client m’a apporté cinquante cigares. Après en avoir allumé un, je suis devenu gai et mon enflure a disparu... " " Comme le fait remarquer Max Schur, qui cite cette lettre dans son livre, Freud a malheureusement fait un rapprochement entre la lésion leucoplasique, qui avait précédé de six ans le développement de son cancer de la bouche, et un arrêt de sa consommation de cigares liée à la guerre, de même que sa disparition à la reprise des cigares, au lieu de l’inverse, bien entendu. La croyance de Freud repose sur un déni : la question du tabac, dit Schur, est la sphère où Freud ne put établir la suprématie du moi " (1972, p. 373).

33Sur ce fond de leucoplasie, de perte d’illusions et de fugitivité, de moments mélancoliques en réactions maniaques, deux événements traumatiques allaient atteindre plus profondément Freud, et exiger sans doute de lui un travail de deuil excédant ses capacités. On peut penser qu’ils ont joué un rôle dans le développement de sa tumeur, de 1920 à 1923. L’un d’eux est la rechute cancéreuse de son ex-patient, disciple et ami Anton von Freund, et sa mort au début 1920, l’autre la mort brutale de sa fille préférée, Sophie, mère de deux enfants en bas âge, d’une grippe foudroyante, quelques semaines plus tard. Il avait à peine commencé son fameux travail " Au-delà du principe de plaisir ", dans lequel il s’attaque au problème de la compulsion de répétition, et il le poursuivit en approfondissant la question de la pulsion de mort, un concept qui devait à la fois fasciner et susciter des rejets. La_co ïncidence des dates a bien entendu fait dire que Freud était mal, et que c’est pour cela qu’il avait amené cette vision si pessimiste, si philosophique, à l’intérieur de la biologie (pour laquelle la notion a été longtemps peu recevable) et de la psychanalyse. Freud s’en est défendu à juste titre, mais à vrai dire avec quelque mauvaise foi.

34Certes, il a été réellement bouleversé par la mort brutale de sa fille : " La mort d’un enfant, dit-il à Ferenczi, paraît être une offense grave, narcissique ; ce qu’on appelle le deuil ne vient probablement qu’ensuite. " Néanmoins, il se remet assez vite au travail avec une grande énergie (hypomaniaque ?), qui lui permet de terminer " Au-delà du principe de plaisir ", et de commencer la rédaction de " Psychologie collective et analyse du moi ", manifestement avec entrain. Mais une disproportion frappe en lisant sa correspondance : Freud paraît plus éprouvé par la maladie d’Anton von Freund que par la mort de Sophie. Tout du moins, si la mort de sa fille est extrêmement douloureuse, elle semble moins étrange, moins irreprésentable pour lui. Est-ce parce que Freud avait entrepris une tranche d’analyse pour von Freund, et qu’il s’accusait des limites de cette analyse, faisant comme Groddeck, à qui il fait souvent allusion à cette période, un lien trop rapide entre son échec et la rechute du cancer de son ami et patient ? C’est à cette période en effet que Freud avoue être insatisfait de sa technique, et de la valeur thérapeutique de l’analyse. Ce qu’on a appelé " le tournant des années vingt ", qui allait aussi inciter Rank et Ferenczi à modifier la théorie et la technique élaborée pour les névroses, est d’ailleurs ce qui va l’inciter à commencer " Au-delà ".

35Cette étrangeté contre-transférentielle s’explique peut-être par le fait que von Freund avait découvert l’analyse avec passion, décidé d’y consacrer sa fortune et son expérience d’homme d’action (il était brasseur). Je crois surtout que Freud avait pensé trouver en lui un nouveau fils et héritier, qui de surcroît n’appartenait pas au milieu médical (comme Jung n’était pas juif), ce qui accroissait les chances de large diffusion de la psychanalyse. Une lettre à Ferenczi de septembre 1919 témoigne de la passion contre-transférentielle de Freud vis-à-vis de ses élèves et anciens analysés : " Vous m’avez beaucoup manqué cette année ; je l’aurais ressenti encore plus douloureusement si je n’avais souffert, en même temps, de la menace qui pesait sur notre ami Toni [von Freund]. Jamais il ne devra savoir à quel point il m’a éprouvé, et quelle grande part il a dans mon vieillissement. " Et le nombre de confidences de ce genre de la part de Freud est notablement plus élevé qu’à propos de Sophie.

36Quelques mois avant la découverte de son cancer (dont le développement a été probablement lent, de toute façon), Freud souffre d’une nouvelle déception concernant ses élèves, amis et fils. Cette fois-ci, c’est la défection de Rank qui s’annonce par une brouille avec ses condisciples et frères de la horde psychanalytique, d’abord Jones, puis Abraham. Freud doit peu à peu se résoudre à ce qu’un de ses disciples les plus dévoués prenne le chemin de Jung et d’Adler, à qui il le compara avec amertume. Pendant un temps, il a même peur que le mouvement psychanalytique n’explose, d’autant qu’il craint aussi que Ferenczi, son plus proche vizir, ne s’associe à Rank. Le congrès de 1922 fut pénible par la violence des conflits entre ses élèves, à propos de la technique. Dans une lettre de juillet 1922 à Ferenczi, Freud se plaint que leur correspondance se soit raréfiée, et évoque un problème de gorge, signe probable de début de son cancer : " Ce qui aggrave le symptôme d’enrouement, c’est que je suis tellement d’accord avec lui. En fait ce n’est pas un symptôme, mais une matérialisation de la résistance qui m’est si familière. " On sait que les premiers symptômes de cancer, dont Freud ne voulut pas tout de suite s’avouer la gravité, et dont il différa la consultation, commencèrent en février 1923. Pendant deux mois, nous dit Jones, Freud ne voulut en parler à personne, ni à sa famille, ni à ses amis. Pour beaucoup, la lenteur avec laquelle il consulta, et l’insouciance du médecin qui l’examina au début furent responsables de la difficulté de l’opération chirurgicale, et des rechutes qui s’ensuivirent. On peut y voir une manifestation du déni de Freud, une hallucination négative de la lésion, qui joue si souvent un rôle aggravant dans ce genre de situations, pour le traitement des cancers.

37Mais, au-delà du déni, on peut percevoir une autre caractéristique de Freud, à savoir une forte répugnance à demander de l’aide aussi longtemps qu’il peut l’éviter, en particulier à sa famille et à ses proches. Il ne confie ses inquiétudes qu’à ses correspondants, et encore, seulement lorsqu’il se trouve dans une relation privilégiée à un ami, disciple ou confident incarnant la figure de l’autre, du frère, de l’alter ego. Au cours des années suivantes, malgré toutes les misères que lui occasionnent ses prothèses buccales et en dépit des nombreuses interventions qu’il doit subir, son courage et sa dignité restent exemplaires. Max Schur : " À l’exception de son addiction au tabac, Freud arrivait dans sa vie quotidienne non seulement à se dominer, mais aussi à garder une sérénité et une dignité qui faisaient impression sur chacun – même sur la Gestapo et les fonctionnaires du parti auxquels il eut affaire plus tard lors de l’occupation nazie. " En ce qui concerne le tabac, Max Schur pense que celui- ci aidait Freud " pour maintenir une constante sublimation " (Max Schur, p. 489-490).

38Cette note du psychanalyste et médecin personnel de Freud durant ses dix dernières années est intéressante, car elle est à rapprocher de l’exigence morale extrême de Freud, qui peut faire évoquer un surmoi particulièrement tyrannique, sans conflictualité possible pour pouvoir le nuancer ou le mettre en doute. Pourtant lui-même en avait énoncé la formule normale dans " Le moi et le ça " : " Tu dois faire ainsi (comme le père), mais tu n’as pas le droit de faire ainsi (tout comme le père) ", en tant que double visage de l’idéal du moi et du surmoi, imposant une identification nuancée et triée aux figures parentales, et non une incorporation en masse comme dans le surmoi précoce lié à l’incorporation cannibalique du père mort, ou de l’ancêtre fétiche. Il n’est pas impossible que Freud, à côté de ses aspects névrotiques, ait eu un secteur se situant plutôt du côté de l’incorporation cannibalique, un fantasme originaire amplifié chez lui par l’identification massive à son grand-père Schlomo, homme religieux et sage, pour contre-investir l’imago d’un père léger et séducteur, comme l’a évoqué Alain de Mijolla, ainsi que, de façon plus occulte, l’imago d’une mère morte du fait de la mort de son petit frère Julius (André Green). Dans une lettre à Putnam, il souligne en effet l’hypocrisie de la pseudo-éthique américaine concernant la sexualité, et ajoute : " Je me considère comme un homme hautement moral, qui peut souscrire à la maxime de Vischer : ce qui est moral est toujours évident en soi... À vrai dire, je n’ai jamais commis une action basse et méchante, et je n’ai jamais été tenté d’agir de la sorte. " Cette absence tranquille de doute est assez impressionnante, en effet. Mais ne peut-on penser que " le besoin de sublimation constante " (Schur) et " la moralité qui va de soi " (Vischer cité par Freud) seraient les conséquences de la contre-identification idéalisante de Freud contre une incorporation encryptée au père séducteur de la Horde, dévoré par ses fils cannibales ?

39Là encore, je n’insisterai pas sur l’étrange localisation (qui semble psychiquement prédéterminée) de son cancer à la bouche, lequel s’explique cependant par la forme élective de son addiction au cigare. Je passerai également sur les nombreuses rechutes qui ont émaillé les dernières années de Freud, sauf pour remarquer qu’à côté du tabac (qu’il n’a jamais pu arrêter malgré les avis formels de tous ses médecins), ces rechutes semblent très liées dans le temps à des deuils impossibles et quasi invisibles : la première, en 1931, a lieu deux mois après la mort de sa mère, à laquelle il réagit d’une façon que lui-même trouve assez " étrange " (comme l’inquiétante étrangeté ? le déni ou l’hallucination négative ?). Dans une lettre à Jones de l’été 1931, il écrit : " Ma réaction devant cet événement a été curieuse... en surface, je ne puis détecter que deux choses : d’abord une plus grande liberté du fait que j’étais toujours terrifié à la pensée qu’elle puisse apprendre ma mort ; ensuite, la satisfaction qu’elle ait enfin trouvé la délivrance... Autrement, pas de chagrin comparable à celui que connaît mon frère, de dix ans mon cadet. Je n’ai pas été à l’enterrement. " La dernière rechute de son cancer eut lieu en Angleterre, peu après son exil de Vienne, la ville mère où il avait si longtemps vécu...

40Ainsi, de tous les deuils et de toutes les identifications de Freud, les plus invisibles, les moins représentables (qui l’ont donc le plus fragilisé dans la protection de son corps contre les traces traumatiques) concernent son identification à sa mère endeuillée de son frère Julius, faisant retour dans des liens qui, pour être homosexuels, n’en dissimulent pas moins le lien primaire à la mère, au sens où R.Roussillon parle d’homosexualité primaire en double (2000).

413) Pour conclure, j’aimerais reprendre brièvement la liste des causes favorisantes que j’ai évoquées à propos de Rimbaud et de Freud, en les rapprochant de mon expérience clinique et d’autres témoignages. Mon survol sera forcément plus restreint qu’il ne le faudrait.

42a) La question des deuils traumatiques est sans doute la plus connue, et je ne suis pas le premier à l’avoir notée, sauf sous cette forme plus spécifique d’un deuil invisible ou occulté, partiellement dénié ou minimisé par celui qui le vit, ce qui n’est pas toujours perçu par les médecins ou l’entourage qui préfèrent parler de sujets " courageux ". Nous en avons vu des formes subtiles chez Rimbaud et chez Freud. Il peut être aussi occulté parce qu’il semble banal, et que ce n’est un véritable traumatisme que pour l’intéressé. Dans un livre récemment paru (qui a reçu un prix en 2005), témoignage écrit à deux par Lydie Violet et Marie Depleschin, le deuil est évoqué comme en passant, au détour d’un chapitre dénommé " inventaire ", banalité parmi les banalités : son divorce annoncé avec un mari qu’elle a aimé, et avec qui elle a eu deux enfants : " Au moment où ma vie bascule, je m’apprête à divorcer ", sans un commentaire affectif, comme on dresserait une liste de meubles. Mais on apprend aussi qu’elle a vécu sa petite enfance en Afrique, et qu’elle y est retournée quelques mois auparavant pour la première fois, ce qui ne peut que renforcer l’impression d’un deuil précoce, réactivé récemment. Dans le cas d’une patiente que j’ai reçue pour sa peur d’une rechute de cancer du sein dont elle venait d’être opérée, je mis un long temps avant de retrouver le deuil en cause, inapparent aux yeux de tous, et qu’elle me confia sans se rendre compte de sa portée, lorsqu’elle eut assez confiance en moi pour ne pas en avoir trop honte. Elle avait découvert, six mois avant les premiers symptômes de son cancer (alors qu’elle se faisait suivre régulièrement pour des problèmes somatiques sans aucun lien, et qu’aucun médecin ne lui avait signalé de tumeur au sein jusque-là), que son ami, dont elle se croyait passionnément aimée, mais avec qui elle avait une liaison encore discrète, avait une double vie avec une autre femme qu’elle, en dehors de son épouse dont il venait de divorcer. Elle le raya aussitôt de son cœur, sans états d’âme, car elle ne pouvait supporter une telle entorse à la moralité, pour s’occuper de la maladie de sa mère, qui venait de se déclarer.

43b) L’hyperactivité (ou la manie blanche) est un autre facteur, qui alterne fréquemment avec des épisodes de dépression atypique, sans idées suicidaires ni plaintes manifestes. Cette alternance pourrait faire songer à un aspect légèrement cyclothymique, mais jamais les moments de dépression et d’hyperactivité n’apparaissent tels qu’on puisse évoquer un trouble psychiatrique. Il s’agit plutôt d’une alternance de dépression essentielle (P. Marty, 1966), sans perte d’objet évidente ni culpabilité, et de manie blanche, sans élation ni idées de grandeur et réduite à une multiplication des activités mentales ou motrices, telle qu’on peut en rencontrer chez un enfant hyperactif, mais a minima, sans que l’entourage n’en soit incommodé.

44Chez les génies comme Rimbaud, ou Freud, l’hyperactivité semble en général très liée à la création, mais elle ne correspond pas toujours aux périodes les plus créatives, avec le recul. C’est évident pour Rimbaud, dont la passion des voyages correspond de plus en plus à une sorte de toxicomanie, ou de comportement autocalmant, et augmente lorsqu’il a cessé d’écrire. C’est moins clair chez Freud, dont les périodes d’exaltation semblent liées à de nouveaux développements théoriques. J’ai suivi un artiste (ayant développé un cancer de la prostate avant de venir) qui a fini par repérer que ses périodes de création véritables devaient se situer entre l’hyperagitation, qui lui faisait produire beaucoup, mais des œuvres qu’il jugeait lui-même, rétrospectivement, comme de peu de valeur, et la panne, qui l’empêchait totalement de créer. Quoi qu’il en soit, cette tendance à l’hyperactivité est quasiment une constante dans les cas que j’ai pu observer. C’est sans doute lié au fait que ce sont des sujets qui ont beaucoup de mal à assumer les pertes d’objet, dont ils réalisent difficilement l’importance, sans utiliser le moyen de la distraction de leur attention par une activité épuisante ; d’où ce terme de " manie blanche ", que j’ai utilisé afin de souligner sa fonction d’effacement, de négativation du trauma.

45c) Le déni, l’hallucination négative, ne portent pas exclusivement sur la perte d’objet, comme nous venons de le voir à propos de la manie blanche. Il s’agit d’un mode de fonctionnement qui atteint aussi la conscience du corps propre et de sa souffrance, la prise en considération de la maladie à son stade débutant. Les sujets qui développent ce genre d’affection sont assez souvent des personnes qui ne craignent pas l’effort, la souffrance, ni le risque. Les expéditions que Rimbaud a entreprises à plusieurs reprises dans des contrées désertiques et dangereuses en sont un exemple. La façon dont Freud niait les effets de la nicotine sur son palais, allant jusqu’à dire que le tabac soulageait ses lésions, en est un autre. Il_faut noter aussi, à propos de Freud, qu’il trouvait dans la nicotine un psychostimulant qu’il recherchait pour neutraliser ses sensations de fatigue ; au début de sa carrière, il prit de la coca ïne comme anesthésiant et stimulant. Le déni des ses besoins caractérisait aussi la patiente dont j’ai parlé précédemment ; en dehors de son hyperactivité qui la conduisait à travailler dans des métiers où elle dormait peu, elle aimait aussi beaucoup les sports à risque et la conduite rapide : elle me dit qu’elle n’avait jamais la sensation du danger, et qu’elle avait beaucoup de mal à sentir la fatigue. À la suite de son intervention, elle s’était occupée jour et nuit de sa mère malade, négligeant sa propre fatigue jusqu’à ce que le médecin la sermonne. En relaxation, elle ne sentait pas son corps, et elle devait le plus souvent faire un effort pour parvenir à le ressentir.

46d) Des mécanismes précédents résulte forcément un clivage du moi, faisant coexister un noyau comportemental ou opératoire dans un secteur de la psyché et un fonctionnement normal, névrotique ou limite. Dans un travail précédent, j’avais évoqué l’idée que la pensée opératoire procédait peut-être d’un clivage ou de la forclusion d’un trauma, reproduisant un comportement défensif qui avait eu un sens sinon pour le sujet, qui l’avait vécu à un stade infans (sans paroles), mais pour une génération précédente (parentale, grand-parentale), comportement qui faisait retour sous forme de compulsion de répétition et de suradaptation. Ainsi, une de mes patientes avait toujours connu sa mère hyperactive, se tuant au travail, alors qu’elle n’avait pas un tel besoin d’argent. Elle avait été atteinte d’un cancer du côlon à l’âge de quarante ans. Ma patiente, passionnée par son histoire familiale et écrivain à ses heures, s’attacha à étendre son enquête sur sa mère jusqu’à cinq générations. Bien que convaincu de l’intérêt des histoires familiales, je trouvais tout de même qu’elle avait une vision un peu opératoire de la psychogénéalogie (dont elle était une adepte). Grâce à l’aide d’un grand-oncle, elle put toutefois apprendre un épisode dramatique où sa mère, bébé, avait failli mourir de faim lors d’une émigration périlleuse, et une histoire d’empoisonnement qui remontait à trois générations avant elle !

47e) Un des éléments qui m’ont frappé, en lisant la correspondance de Freud et la biographie de Rimbaud dans la seconde partie de sa vie, c’est l’impression d’un surmoi fort, impérieux, voire tyrannique, qui contraint à une sublimation excessive des pulsions. Non pas un surmoi féroce au sens kleinien, dans la mesure où la culpabilité ne semble pas au premier plan, mais un surmoi " froid ", sans conflictualité ni nuances, comme nous l’avons vu. La patiente dont j’ai parlé au début de mon récapitulatif avait au plus haut point un tel surmoi, qui lui rendait très difficile de goûter un moment de repos, un plaisir imprévu, et n’importe quel amour sans en faire deux fois plus que l’autre, jouant l’infirmière, la maman et la confidente. Trop maternelle en quelque sorte, au point d’être la mère de sa mère, la grand-mère de ses enfants, et la complice de toutes les formes d’esclavage (professionnel, sentimental, familial) et des partenaires les plus légers. Ce surmoi rigide résulte sans doute d’une crypte transgénérationnelle, comme nous l’avons évoqué (par exemple, chez ma patiente, une identification avec une grand-mère tyrannique, qui avait pour hantise la survie de son clan à n’importe quel prix).

48Pour en donner un dernier exemple littéraire cette fois, je citerai cet extrait d’un passage d’Une saison en enfer de Rimbaud, intitulé " Adieu ", qui clôt le recueil. Il s’agit sans doute de son dernier texte poétique : " Moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre_ ! Paysan ! Suis-je trompé ? La charité serait-elle sœur de la mort, pour moi ? Enfin, je demanderai pardon pour m’être nourri de mensonge. (...) Oui, l’heure nouvelle est au moins très sévère. " (Rimbaud, 1873). Le surmoi, vous ne vous avais-je pas dit ? Et pas n’importe lequel : n’impose-t-il pas une vie concrète, opératoire ? Le texte se conclut par une phrase : " Il faut être absolument moderne. "

49Ce texte, qui annonce la fin de sa vie et sa conversion à la concrétude, ne résonne-t-il pas étrangement avec son célèbre poème du " Bal des pendus ", écrit au tout début de son essor poétique, qui, lui, annonce prophétiquement sa mort précoce, jusqu’à l’os du fémur : " Hurrah, la bise souffle au grand bal des squelettes... / À l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer... / Oh, voilà qu’au milieu de la foule macabre / Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou / Emporté par le vent, comme un cheval se cabre : / Et, se sentant encore la corde raide au cou, / Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque... "

50Voilà pour ce survol des causalités psychiques à explorer. Évidemment, encore faut-il qu’on n’attende pas qu’il soit trop tard pour " soigner ", entendre ce qui, pendant tout un temps, ne constitue que des facteurs de risque. Aux médecins de croire un peu à la mystérieuse liaison psyché-soma, même si elle n’est pas objectivée par une cartographie cérébrale, et aux psychanalystes de savoir les déceler à temps, en n’oubliant pas l’ancrage de la psyché dans le corps. Il faut en particulier que ces derniers ne s’abritent pas trop derrière l’admiration qu’ils ont pour leurs patients géniaux (même s’ils ne sont pas Freud ou Rimbaud) ou simplement doués pour la névrose et donc pour l’analyse. Car l’aspect créatif leur permet parfois de cacher un noyau clivé opératoire ou traumatique, d’autant plus redoutable qu’il reste inaperçu. Les psychosomaticiens (M. Aisenstein, 2000, notamment) ont suffisamment alerté sur ce danger, qui peut entraîner un épisode de décompensation somatique en cours d’analyse ou en fin de cure, pour que je n’y revienne ici que pour mémoire.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : Transgénérationnel, Surmoi opératoire, Deuils invisibles, Risque de cancer, Déni, Hallucination négative, Clivage, Rimbaud, Freud., Manie blanche, Hyperactivité

Date de mise en ligne : 01/06/2007.

https://doi.org/10.3917/rfps.030.0079
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