Notes
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[1]
Les discours juridiques sont des « construits » sémantico-référentiels. Le terme « configuration » apparaît approprié pour une typologisation des discours en Afrique.
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[2]
Traduction référencée : La calebasse (1) dans laquelle la femme avait coutume de préparer la cuisine pour l’homme qui n’était pas son mari, le psyché (2) devant lequel elle se faisait belle et la cuvette (3) d’eau dans laquelle elle faisait sa toilette avant la visite de son amant. Le mari (4) et un témoin (5) invité par le mari à épier sa femme. La véranda (6) où se déroule le palabre avec les témoins (7) à charge et le public écoutant l’exposé des faits. Le couple amoureux (8). Les jeunes amis (9) du mari qui sont venus conseiller l’épouse d’abandonner son amant. La cour composée de deux juges (10 a et b), des témoins et assesseurs (10 c), de l’amant, de l’épouse adultère et du plaignant (11). Des jeunes filles (12), de la classe d’âge de la femme adultère, la supplient d’abandonner son amant. Le père du mari (13) s’approche de la cour ; il se tient les mains sur les genoux et s’incline en signe de respect pour la cour ; il fait appel à la clémence des juges. Les personnes (14) venues témoigner à la demande du père pour l’aider à plaider en faveur de son fils. Ce dernier (15) est menotté, jambes entravées. La propriété (16) dans laquelle le fils a été arrêté. Des hommes entrent dans la propriété (17) et disent à l’amant : « Vous n’êtes pas célibataire et vous avez votre propre femme chez vous. Pourquoi cherchez-vous à posséder la femme d’un autre homme et à consommer la nourriture de son mari ? » (18). Les amants écoutent les avis qu’on leur donne. On autorise l’amant et la femme à s’éloigner un moment ensemble et à avoir un dernier conciliabule en privé (19). A présent, ils se tiennent tous deux de chaque côté du bâton (20) du bourreau ekpé posé au sol. Et ils se disent ‘adieu’ l’un à l’autre. Puis chacun part de son côté. L’épouse et ses amies approuvent la décision (21).
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[3]
Pour Cornu (2005, 233), une règle de droit est « (un) énoncé normatif (qui) pose une règle. La loi, émanation du pouvoir législatif, énonce des règles. La coutume, émanation de la tradition savante ou de la pratique populaire, en énonce également ».
1 – Introduction
1En Afrique noire, les normes juridiques s’entrecroisent, se superposent, donnant à voir des entropies systémiques (Goulet 1992 ; Koubi 1997) visibles dans les discours écrits ou oraux. Le discours juridique semble décalquer un univers juridique investi d’ambiguïtés référentielles où les rationalités juridiques (Bidima 2003) se déploient, selon les pays, entre la rigidité républicaine et la laxité communautaire, entre la légitimité des droits traditionnels (Alliot 1985) et la légalité des droits importés (droit civiliste et Common Law).
2Les systèmes juridiques en présence instaurent, d’un système à un autre, des problèmes de traduction (Koubi 2002) qui se complexifient davantage avec le multijuridisme défini, selon Vanderlinden (1993, 582), comme étant « […] la soumission simultanée d’un individu à une multiplicité d’ordonnancements juridiques ». Les recherches traductologiques (Abattouy 2001 ; Bouquiaux 1978 ; Diki-Kidiri 2000, 2008 ; Diop 1981 ; Edéma 2000 ; Ségla 2002 ; etc.) n’ont abouti, selon l’environnement intellectuel du moment, qu’à l’élaboration « idéologique » des terminologies africaines face à la mondialisation de la culture juridique. Elles ont conduit à des impasses théoriques et méthodologiques dans le traitement terminologique du multijuridisme.
3Le fond du problème de la traduction du droit en Afrique noire ne relève ni de la « fidélité » textuelle, principe sacro-saint de l’équivalence formelle (syntaxique et sémantique) (Toury 1980, 1995), ni de la « normalisation » (dilution des droits traditionnels dans les droits modernes), mais de l’incapacité à reconnaître l’égalité des normes juridiques (Montesquieu 1748), et du rejet de la hiérarchie des axiologies instituées. Or, La Déclaration universelle des droits de l’Homme, en proclamant une égalité juridique, et au-delà une similarité des normes juridiques, cautionne, entre autres, des universaux juridiques (Pelage 2007) qui abolissent la hiérarchie entre les différents ordres juridiques (Romano 1975), et repositionnent tout être humain, et plus précisément l’Africain, face au droit tout court.
4Au-delà des théories traductologiques diverses allant des théories formelles aux théories intermédiaires (évaluative, rétrofactuelle ou conative, interprétative, du jeu, du polysystème), la théorie fonctionnelle du skopos (Nord 1991 ; Vermeer 1996) s’avère nécessaire pour enclencher et générer des terminologies juridiques « durables » selon les contextualités locale et globale en terrain africain. Elle recommande d’emblée des activités terminologiques de traitement des particularismes juridiques dans les domaines délicats tels que le droit foncier, le droit de propriété, la citoyenneté, la filiation, la succession, la sorcellerie, etc. (Le Bris 1982 ; Talfi 2009 ; etc.). Autant de singularités situationnelles qui font de la traduction du droit un domaine complexe où s’est nichée l’interjuridicité, un espace de « no law’s land » où circulent des règles de droit.
5Dans un premier temps, les pratiques discursives seront revues et revisitées à la lumière des postures réflexives contemporaines. Dans un second temps, une réflexion prospective sera menée sur les problèmes et méthodes de la traduction et de la terminologie du droit en Afrique.
2 – Pratiques discursives et normes juridiques
6Le discours juridique est l’association de deux actes, un acte linguistique de nature orale ou écrite et un acte juridique :
Le discours juridique est, par opposition au vocabulaire juridique, l’autre versant du langage du droit : c’est le langage du droit en action ou, plus exactement, le langage en action dans le droit. Le discours juridique est la mise en œuvre de la langue, par la parole, au service du droit. Il est essentiel de discerner les deux données qui se marient dans sa définition. Le discours juridique est, tout à la fois, un acte linguistique et un acte juridique
8Il peut être envisagé comme la mise en œuvre de la parole dans l’activité juridique, tout comme du droit dans l’activité linguistique. Deux points de vue qui font du discours juridique, en Afrique, un discours singulier où s’entremêlent, les droits coutumiers des communautés ethnolinguistiques africaines et le droit moderne du système civiliste ou du Common Law. Le droit coutumier, selon Tempels (1949), a pour fondement le règlement des problèmes sociaux d’ordre civil ou pénal au moyen des normes juridiques en vigueur. Les droits modernes, importés, rendent compte de la vie morale du monde occidental. Selon Legrand (1999), « [cette] moralité se construit déductivement en ce sens que les règles qui la fondent interviennent avant les pratiques qui en feront l’application ultérieure ». La plupart des États africains les ont adoptés, appliqués et promus sous la forme d’un monologisme juridique « redoutable » et triomphant (Badié 1992 ; Bayart 1989, 1997 ; Diouf 1999 ; gemdev 1997 ; etc.).
9Les sociétés africaines postcoloniales multijuridiques sont ainsi confrontées à des configurations [1] discursives, divergentes et convergentes, hétérogènes et homogènes, défiant les ordres juridiques.
2.1 – Configurations discursives
10Les ordres juridiques décrivent des configurations discursives et traduisent, selon Bidima (2003, 82) « un équilibre assez fragile, car ces deux réalités juridiques en contact ne seront jamais arithmétiquement proportionnelles ». Ce malaise juridique, visible dans les discours juridiques, semble se blottir dans les représentations sociales de la légitimité et de la légalité (Dégny 1996 ; Kuruk 2002 ; etc.).
11Les droits coutumiers reposent sur la légitimité. Laquelle définit ce qui doit être, ce qui est ou ce qui est reconnu comme juste (Alliot 1965, 1985). D’une autre manière, elle a trait aux aspirations des Africains issus des différentes communautés ethnolinguistiques qui accordent à un ordre social une validité légitime. Les droits modernes consacrent la légalité, c’est-à-dire le fait de la loi, la conformité au texte de la loi. Ces deux systèmes juridiques produisent des hétérogénéités discursives (Authier-Revuz 1982) et des inférences juridiques (Grize 1990, 1992 ; Jayez 1988 ; Moeschler 1992), déstabilisent les contextualités juridiques (droit civil, droit pénal, droit foncier, etc.) et déclenchent des effets de réalisme partagés inégalement entre acteurs et usagers.
Modèles de situations, acteurs et systèmes juridiques
Modèles de situations, acteurs et systèmes juridiques
12Trois configurations discursives, en général, se présentent : la configuration situationnelle, la configuration sémiotique et la configuration cryptotypique
2.1.1 – La configuration situationnelle
13Selon Dupré (1992, 410), la configuration situationnelle
[…] recouvre les conditions de fonctionnement de la loi, c’est-à-dire les conflits nés de la confrontation entre une structure sociale et les événements. Plus précisément, on observe les actes des personnages-clés que sont les détenteurs du pouvoir politique qui s’efforcent, à l’occasion d’un désordre suffisamment notable, de rétablir l’ordre et d’affirmer la solidité de la loi et celle de la structure sociale.
15Le discours juridique, engendré dans certaines situations sociales (le mariage, la maladie, l’adoption d’un enfant, la succession du chef ou du roi, les problèmes du foncier, la nouvelle législation, les envoûtements, les malédictions, la sorcellerie, etc.), est un discours de validité locale qui s’adresse de manière indirecte à un ou des récepteur(s) (Kerbrat-Orecchioni 1990). Trois situations indirectes se distinguent : le relais de l’information, la médiation et le mandat. Dans le relais de l’information, un personnage intermédiaire est instrumentalisé pour la circulation de l’information juridique de l’émetteur au(x) récepteur(s) en conflit. Dans la conciliation, la médiation a pour objectif d’enrayer ou de diminuer l’amplitude des oscillations sociales. Le mandat est une situation discursive qui consiste à agir au nom de l’émetteur dans le sens d’un rééquilibrage des rôles sociaux ou d’un rapprochement des vues. Toutes ces situations discursives indirectes sont des programmes narratifs, structurés, ordonnancés, qui ne laissent pas libre cours à l’intermédiation pour un changement du contenu.
16La configuration situationnelle peut être envisagée comme un va-et-vient entre l’explicite (le discours préformé) et l’implicite (les contextes, les situations, etc.), l’émetteur et le récepteur, les savoirs juridiques et les situations.
2.1.2 – La configuration sémiotique
17La configuration sémiotique a trait aux jurisignes mis en œuvre dans les activités discursives. On entend par jurisigne, néologisme forgé sur le modèle de jurisculture (Legrand 1999), un signe juridique, de nature linguistique, paralinguistique ou non linguistique, qui a un signifiant et un ou plusieurs signifié(s) juridique(s). On en distingue deux sortes : le jurisigne « culturé » et le jurisigne acculturé (Sélim 2009).
18Le jurisigne « culturé », ou terme d’appartenance juridique exclusive selon Cornu (2005, 13), est un signe provenant des ressources linguistiques propres d’un système juridique donné, que Lespinay (2002, 52) caractérise ainsi :
En Afrique, […] certaines langues ont un important vocabulaire juridique ou à sens exclusivement juridique, élaboré au cours de centaines d’années au sein d’institutions structurées et anciennes, dans le cadre de royaumes ou d’Etats au pouvoir centralisé, hors de toute écriture.
20Au Burundi, par exemple, un lexique juridique monolingue s’est maintenu, au contact des droits modernes, tout au long des transformations sociétales (Lespinay 2002, 52) :
Lexique juridique monolingue en kiburundais
Lexique juridique monolingue en kiburundais
21Le jurisigne acculturé est un emprunt ou un calque. Il dénote l’acculturation juridique (Alliot 1968 ; Sélim 2009). L’emprunt juridique est un signifiant (forme lexicale) du droit civiliste ou du Common Law qui est passé dans l’usage du droit traditionnel dans les domaines modernes. Le calque juridique est un signifié (sens lexical) du droit moderne traduit formellement sur le modèle des structures lexicales d’une communauté ethnolinguistique pour l’usage dans le droit coutumier.
Quelques calques et emprunts juridiques en langues africaines
Quelques calques et emprunts juridiques en langues africaines
22Moulés dans le système logique du droit coutumier, les emprunts et les calques mettent en évidence l’appropriation linguistique face aux situations nouvelles, comme le souligne Abolou (2008, 107) :
[…] Ils entrent dans un système d’appropriation linguistique […]. Ils symbolisent le contact de deux systèmes juridiques, garantissent l’interférence juridique et oblitèrent le passage d’un système juridique à un autre. C’est un phénomène naturel qui permet aux citoyens africains de se familiariser le plus souvent aux universaux juridiques qui sont des termes universellement partagés dans divers domaines.
24Les jurisignes paralinguistiques sont un ensemble de signes qui accompagnent le discours juridique. Parmi ces signes, il y a le regard, la kinésie, la posture et la proxémie. Au niveau de la kinésie (le gestuel), deux types de gestes sont identifiés : les gestes à signification diffuse pouvant démentir ou trahir le discours juridique (utilisation de la main, etc.) et les gestes exprimant la réconciliation, le pardon, etc. Au niveau de la posture, la position assise les pieds joints, le port du chapeau, etc. sont des positions prohibées lors des confrontations. Au niveau de la proxémie, l’usage du « bouche à oreille » est une pratique courante pendant les délibérations.
25Les jurisignes non linguistiques sont des objets qui ont valeur juridique, tels l’or, le kaolin, l’igname, le sang, le balai, le pigeon blanc, le rameau, etc. Dans les cultures Akan, ce sont des formes concrètes, qui ont une charge symbolique, subtilement utilisées dans les discours juridiques. Par exemple, l’or sert à payer la caution de la plainte ; le kaolin à blanchir un individu diffamé, accusé ou condamné sans preuve ; l’igname coupée en deux symbolise la séparation, le sang l’intention de tuer ; etc. Ces objets, concourant à la réalisation du droit, manifestent une force illocutoire extraordinaire sur la programmation des actes juridiques.
2.1.3 – La configuration cryptotypique
26Les discours juridiques ont une configuration cryptotypique qui se révèle comme une forme de connaissance en image par voie orale ou graphique.
27Les cryptotypes de nature orale sont les proverbes, les adages, les anecdotes (figure 4), les dictons, les contes, les mythes, les légendes, etc., voire les supra leges.
28Se conformant plus ou moins au syllogisme juridique (la majeure indiquant la règle de droit, la mineure, les faits, et la conclusion, la solution juridique), ils installent, sur les modèles hypothétiques du factuel (Pottier 1987), du profactuel (Borel 1983), du rétrofactuel (Moeschler 1992) et du contrefactuel (Martin 1995), des modes discursifs de type topique : implicite/explicite (Ducrot 1989 ; Raccah 1992), assertorique/apodictique (Meyer 1982), de re/de dicto (Nef 1976).
Un exemple d’anecdote baoulé
Un exemple d’anecdote baoulé
29Les cryptotypes de nature graphique sont des représentations scripturées des actes juridiques sur des supports variés (sable, bois, calebasse, mur, peau humaine, etc.). Dans certaines cultures africaines telles les Ekoi, les Efik, les Ibigbo et les Igbo du Sud-Est du Nigeria, ils sont utilisés pour signifier les arrêts de cour [2] (Battestini 2006, 258).
30Les configurations discursives sus-esquissées permettent en général d’appréhender la vraisemblance juridique qui consiste à identifier, selon Meyer (1982, 77),
Un arrêt juridique en écriture igbo
Un arrêt juridique en écriture igbo
2.2 – Des mécanismes discursifs de transfert du droit à l’interjuridicité
32Les discours juridiques, en Afrique, sont englués dans des mécanismes de transfert du droit. Le transfert du droit est le passage d’une ou des règle(s) de droit [3] d’un système juridique à un autre inverse. On en distingue trois sortes : le transfert de la forme, le transfert du sens et le transfert de la fonction.
33Le transfert de la forme consiste à faire passer la forme d’une règle de droit d’un système source à un système cible par le biais des emprunts juridiques. Le système source est le droit moderne. Et le système cible le droit coutumier. Les emprunts juridiques, caractérisant ce transfert, magnifient le monologisme juridique des Etats africains.
34Le transfert du sens consiste à faire passer le sens d’une règle de droit civiliste ou du Common Law au droit coutumier. Il est rendu possible par le calque. Le comble, selon Legrand (1999), « […] le sens d’une règle de droit est intransférable car culturellement fondé ».
35Le transfert de la fonction consiste à faire passer une règle de droit coutumier vers les systèmes juridiques modernes. En Afrique, la fonction semble déterminer les entités et les événements (Alliot 1965 ; Balandier 1963). Il est des structures multifonctionnelles comme la sorcellerie, la parenté, la filiation, etc., qui sont des systèmes symboliques dont l’Africain rend compte en l’organisant en structures de contenu auxquelles correspondent des discours juridiques (Laburthe-Tolra 1993/2003). La sorcellerie, par exemple, constitue un point focal sur lequel se heurtent les visées discursives entre la matérialité de l’acte et la solution juridique, entre l’imaginaire et le réalisme juridique (Abega 2006 ; Boa 2010 ; Vincent 2001, etc.).
36Les mécanismes de transfert du droit (figure 6) semblent réinventer une norme juridique hybride, l’interjuridicité, espace des interdiscours ou mélange de discours (Dufour 2007).
37L’interjuridicité recodifie les logiques déontiques (Oppetit 1998 ; Xardel 1991), voire les formes modales (le permis, le facultatif, l’interdit et l’obligatoire) constituant « le squelette logique de toute législation » (Dubouchet 1990, 147). Plongeant les Africains dans une insécurité juridique, elle se signale à l’orée de la légalité et de la légitimité, met à nu les principes d’acceptabilité et de validité juridiques (allant des actions formelles aux actions informelles, des violences légales aux violences illégales). En effet, pour Aarnio (1992), par exemple, si un acte juridique dépend des justifications prenant ancrage dans le milieu expérientiel, donc extérieur au droit, la légalité ne suffirait plus à emporter la légitimité d’une décision.
Mécanismes de transfert de droit
Mécanismes de transfert de droit
38Face à la persistance de l’insécurité juridique, deux modèles de contournement de l’interjuridicité se sont imposés aux Etats africains : le modèle de la procédure et le modèle républicain (Lagarde 2003). Dans le modèle de la procédure, les Etats africains installent des autorités de régulation juridique (médiatures, tribunaux autochtones, primaires, locaux, etc.) (Jéol 1963 ; Vanderlinden & Glissen 1969 ; etc.). Un système double ou parallèle, dénotant l’isomorphisme des systèmes, s’est érigé dans bien des pays africains anglophones, tels le Ghana, le Malawi, etc. (Kuruk 2002). Dans le modèle républicain, les systèmes juridiques modernes sont instrumentalisés pour gérer les citoyennetés (Abolou 2008 ; Arkwright 2005 ; Kaboré 2009 ; Visciano 2004 ; etc.) et protéger les régimes politiques (Bayart 1997). La soumission à la loi écrite, constituant l’épine dorsale de ce modèle, commande la traduction des règles de droit civiliste dans le sens de « la loi, c’est la loi » (Bombard 2006). Gémar (1995, 145) s’offusque en ces termes : « Le droit … n’a généralement aucune force de loi en dehors de ses frontières nationales ». Entre ces deux modèles, il est un modèle intermédiaire, le modèle du métissage juridique (Gruzinski 1999 ; Schnapper 1998 ; Serres 1991 ; Wieviorka 1996 ; etc.), qui permet d’établir un équilibre entre les exigences de l’universalisme juridique (droit civiliste et Common Law) et les persistances socioculturelles du relativisme juridique. Il rend possible la traduction interjuridique comme un instrument incontournable d’accès aux informations juridiques. Dans ce modèle, le métissage au sens large est ainsi défini par Laplantine (1997, 118) :
Le métissage n’est jamais seulement biologique. Il n’existe que par rapport aux discours tenus sur cette notion même et face aux valeurs hégémoniques dominantes d’identité, de stabilité et d’antériorité… Le métissage contredit précisément la polarité homogène/hétérogène. Il s’offre comme une troisième voie entre la fusion totalisante de l’homogène et la fragmentation différentialiste de l’hétérogène.
3 – La traduction interjuridique : modélisations, implications et applications
40La traduction interjuridique est une traduction qui permet de passer « aisément » d’un système juridique à un autre (figure 7).
41Ainsi, deux balises s’imposent : la fonctionnalité juridique et la laxité juridique. Dans la fonctionnalité juridique, il n’y a pas une norme supérieure à une autre, il n’y a que des normes qui s’équivalent dans les configurations sociétales. Dès lors, elle récuse la traductibilité formelle ou stricte du droit (Pigeon 1982). Car le lexique juridique ordinaire reflète le milieu socioculturel qui l’a généré. La laxité juridique considère les systèmes juridiques, en dehors de leurs univers d’enracinement et de croyance, comme des systèmes flexibles et lâches du fait des changements sociaux et juridiques (Canac 1980 ; Carbonnier 2004 ; Ossété 2005 ; Plançon 2005 ; etc.).
Modélisation d’un système expert
Modélisation d’un système expert
42On distinguera, pour ce faire, trois démarches méthodologiques : la démarche terminographique, la démarche ontoterminologique et la démarche terminologique.
43Dans la démarche terminographique, il s’agit de rassembler une documentation sur les systèmes en présence et les situations juridiques diverses, de comparer et catégoriser les particularismes juridiques. Edéma (2004, 48) prévient cependant
[qu’] il y a des termes ou des notions qui ne sont pas transposables tels quels d’un côté comme de l’autre. Ainsi, par exemple, la notion de demi-frère n’est pas concevable dans la culture négro-africaine. Les termes de beau-père ou de beau-frère n’ont pas la même étendue en français et dans les langues africaines. […] Ainsi le mot mbanda du lingala peut désigner soit une rivale (dite en français local coépouse dans un foyer polygame), soit des belles-sœurs ou des beaux-frères, soit encore des rivaux.
45Dans la démarche ontoterminologique, il s’agit d’établir un système expert qui a pour vocation de mettre à la disposition des traducteurs les universaux juridiques dont ils ont besoin. Les universaux juridiques, fonctionnant comme des systèmes cognitifs, se distinguent en savoir pré-moderne (de caractère plus ou moins métaphysique, moral et religieux), moderne et postmoderne (de caractère social, scientifique et philosophique), et déterminent le savoir juridique en tant que bien non exclusif, non rival et cumulatif (la connaissance est un bien de production engendrant d’autres connaissances) (Foray 2000). Pelage (2007, 168) en dégage, quatre, par exemple : le sujet (l’être humain, la naissance, la vie, la mort, le comportement, etc.), la relation avec le sujet (la rencontre, l’échange, l’accord, le désaccord, le conflit, etc.), la norme relationnelle (le bien, le mal, l’ordre, l’interdiction, la permission, le choix, etc.) et l’autorité normalisatrice (le chef, le juge, le roi, la hiérarchie, etc.). Outre ces quatre universaux, il peut y avoir, selon les variations sociales et juridiques, des opérations d’extension ontologique conduisant à l’identification de quasi universaux juridiques. La démarche ontoterminologique est, par conséquent, selon Mazzega (2011), une démarche qui « […] suit en général les mêmes principes, sauf que, dans le cas du droit, ce ne sont pas seulement les objectifs qui sont importants mais la particularité de la connaissance juridique par rapport à tout autre domaine ontologique ».
46La démarche terminologique consiste à traduire les universaux juridiques en fonction des ressources socioculturelle, linguistique et langagière des sociétés concernées. Le terme généré a un signifiant culturellement linguistique (diversité linguistique et culturelle) et un signifié ontologiquement juridique (universel juridique).
4 – Conclusion
47Les discours juridiques en Afrique noire sont des discours « insolites » qui se déploient au confluent des systèmes juridiques. Ils empruntent des configurations heuristiques aux inférences juridiques défiant les rationalités juridiques classiques en vigueur dans les Etats africains. Dans le tourbillonnement des mécanismes de transfert du droit, les droits modernes se « tropicalisent » et les droits traditionnels s’occidentalisent, la diversité culturelle et linguistique et la mondialisation aidant. Des normes juridiques hybrides se profilent dans le multijuridisme, levain d’un universalisme juridique. La traduction du droit doit être envisagée sous un nouveau jour mettant en évidence l’interjuridicité. Le renouvellement des postures traductologiques est incontournable pour une traduction juste et durable à partir d’un système expert, « boîte noire » de génération des terminologies juridiques dans le respect des cultures juridiques africaines.
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Notes
-
[1]
Les discours juridiques sont des « construits » sémantico-référentiels. Le terme « configuration » apparaît approprié pour une typologisation des discours en Afrique.
-
[2]
Traduction référencée : La calebasse (1) dans laquelle la femme avait coutume de préparer la cuisine pour l’homme qui n’était pas son mari, le psyché (2) devant lequel elle se faisait belle et la cuvette (3) d’eau dans laquelle elle faisait sa toilette avant la visite de son amant. Le mari (4) et un témoin (5) invité par le mari à épier sa femme. La véranda (6) où se déroule le palabre avec les témoins (7) à charge et le public écoutant l’exposé des faits. Le couple amoureux (8). Les jeunes amis (9) du mari qui sont venus conseiller l’épouse d’abandonner son amant. La cour composée de deux juges (10 a et b), des témoins et assesseurs (10 c), de l’amant, de l’épouse adultère et du plaignant (11). Des jeunes filles (12), de la classe d’âge de la femme adultère, la supplient d’abandonner son amant. Le père du mari (13) s’approche de la cour ; il se tient les mains sur les genoux et s’incline en signe de respect pour la cour ; il fait appel à la clémence des juges. Les personnes (14) venues témoigner à la demande du père pour l’aider à plaider en faveur de son fils. Ce dernier (15) est menotté, jambes entravées. La propriété (16) dans laquelle le fils a été arrêté. Des hommes entrent dans la propriété (17) et disent à l’amant : « Vous n’êtes pas célibataire et vous avez votre propre femme chez vous. Pourquoi cherchez-vous à posséder la femme d’un autre homme et à consommer la nourriture de son mari ? » (18). Les amants écoutent les avis qu’on leur donne. On autorise l’amant et la femme à s’éloigner un moment ensemble et à avoir un dernier conciliabule en privé (19). A présent, ils se tiennent tous deux de chaque côté du bâton (20) du bourreau ekpé posé au sol. Et ils se disent ‘adieu’ l’un à l’autre. Puis chacun part de son côté. L’épouse et ses amies approuvent la décision (21).
-
[3]
Pour Cornu (2005, 233), une règle de droit est « (un) énoncé normatif (qui) pose une règle. La loi, émanation du pouvoir législatif, énonce des règles. La coutume, émanation de la tradition savante ou de la pratique populaire, en énonce également ».