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Article de revue

Un « cardinal vert » Raymond Saleilles

Pages 273 à 305

Notes

  • [1]
    Patrice Rolland est professeur de droit public à l'université Paris-Est.
  • [2]
    Il est suffisamment connu comme catholique libéral pour que G. Weill le cite dans son Histoire du catholicisme libéral en France 1828-1908, Paris, 1909, comme le plus confiant de tous les libéraux en ce qui concerne la réforme de l'Église (p. 258) et comme exemple de ces catholiques libéraux qui ne veulent pas être des cléricaux (p. 287).
  • [3]
    « Lorsque je suis entré à la Conférence Olivaint... je n'avais jamais connu de Jésuite.... J'appartenais alors à un petit groupe d'étudiants catholiques, très enthousiastes, très pieux, mais qui se réclamaient de Lacordaire et de Montalembert, beaucoup plus que de Louis Veuillot. Nous étions des catholiques libéraux. Que voulez-vous ? Chacun a sur la conscience quelque péché de jeunesse » in Conférence Olivaint, allocution à l'assemblée générale, 1909, imprimerie Quelquejeu, p. 33.
  • [4]
    Lettre publiée par J.M. Mayeur dans La séparation de l'Église et de l'État, Julliard, 1966, p. 149-153. Cette lettre, écrite à l'initiative de Brunetière, a été signée par plusieurs académiciens (d'où le nom) et intellectuels catholiques libéraux, dont Aucoc, Cochin, Goyau, Leroy-Beaulieu, Picot, Thureau-Dangin...
  • [5]
    P. Imbart de la Tour « Raymond Saleilles (1855-1912) », Éditions du Bulletin de la Semaine, 1912, p. 28.
  • [6]
    R. Rémond en a donné les éléments dans son rapport de conclusion du colloque de Grenoble Les catholiques libéraux au xixe siècle, Presses universitaires de Grenoble, 1974, p. 557.
  • [7]
    Cf. lettre à L. Birot du 10 août 1906 (références à la note 9 ci-dessous).
  • [8]
    La lettre des cardinaux verts ne fut publiée que contre leur gré et à la suite d'indiscrétions (cf. J.M. Mayeur « Des catholiques libéraux devant la loi de séparation : les cardinaux verts » in Mélanges Latreille, Lyon, 1972, p. 212.
  • [9]
    Les opposants se sont moqués de la composition sociale des « cardinaux verts » (cf. J.M. Mayeur art. précité, p. 223).
  • [10]
    Saleilles a entretenu une importante correspondance avec l'abbé Lemire mais aussi avec l'abbé Birot, cette dernière conservée dans le fonds Lemire-Arbelet déposé à Hazebrouck (cote 1S1/186) et partiellement publiée (avec quelques sérieuses erreurs de transcription) par M. Sabbioneti Un cattolico « protestante ». La crisi della separazione tra Stato e Chiesa nelle lettere di R. Saleilles a L. Birot (1906-1909), G. Giapichelli editore, Torino, 2005.
  • [11]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908.
  • [12]
    Texte cité et longuement analysé par G. Weill, Histoire, précité p. 181.
  • [13]
    Dans le décret Lamentabili du 3 juillet 1907 et l'encyclique Pascendi du 8 septembre 1907 ; voir P. Colin L'audace et le soupçon, DDB, 1997, p. 246 suiv.
  • [14]
    Réponse de Saleilles in Marcel Rifaux Les conditions du retour au catholicisme. Enquête philosophique et religieuse, Plon, 1907, p. 395. Cette réponse de Saleilles avait été donnée deux ans avant sa parution et le contexte avait changé dans l'Église ; il craint à son tour de pouvoir faire l'objet d'une condamnation pour ce qu'il a écrit (lettre à Louis Birot du 3 mai 1907).
  • [15]
    Les conditions, précité p. 400.
  • [16]
    Conférence Olivaint, précité, p. 41-42.
  • [17]
    Cf. J.M. Mayeur Un prêtre démocrate ; l'abbé Lemire, 1853-1928, Castermann, 1968, p. 262 suiv. Il l'aide néanmoins pour son oeuvre du « Coin de terre ». Sur les préoccupations sociales de Saleilles dans le droit, voir A. Stora-Lamarre La République des faibles. Les origines intellectuelles du droit républicain 1870-1914, A. Colin, 2005 chap. 6 « R. Saleilles, le chaînon manquant ».
  • [18]
    Lettre à L. Birot du 13 mai 1906.
  • [19]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [20]
    Lettre à L. Birot du 17 novembre 1907. Sur cette affaire voir J.M. Mayeur Un prêtre démocrate, précité, p. 497 suiv.
  • [21]
    Voir à ce sujet, G. Weill, précité, p. 286-288. Voir aussi J.M. Mayeur Des partis catholiques à la Démocratie chrétienne, A. Colin, 1980, notamment pour le cas français p. 83 suiv. En 1906 Saleilles fait l'éloge des  uvres neutres, comme La ligue du coin de terre, qui permet la collaboration des chrétiens et des incroyants. J.M. Mayeur y voit le témoignage « d'une audace intellectuelle remarquable » (Un prêtre démocrate, précité, p. 149).
  • [22]
    Lettres à L. Birot, respectivement du 13 mai 1906 et du 10 août 1906.
  • [23]
    Lettre à L. Birot du 10 août 1906. Cf. ci-dessous p. 399 et 400.
  • [24]
    Les conditions, précité, p. 373 (note ajoutée en janvier 1907).
  • [25]
    Les conditions, précité, p. 379.
  • [26]
    Les conditions, précité, p. 380.
  • [27]
    « Le régime juridique de la séparation » in Revue des institutions cultuelles, avril 1907, p. 201. Saleilles précise parlant du pape : « Il n'a pas voulu de parti catholique politiquement constitué en Italie. Il n'en veut pas davantage en France. Ce n'est ni le catholicisme, ni la France, qui peuvent avoir à s'en plaindre. » Sa faveur pour les associations cultuelles de la loi de 1905 tient à ce qu'elles sont bien proches de « nos bonnes vieilles fabriques », alors qu'il faut craindre « des associations plus ou moins élargies toujours prêtes à un moment donné à se syndicaliser pour la politique » (ibidem p. 207).
  • [28]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [29]
    Conférence Olivaint, précité p. 35 : « Tout au moins il a voulu que la politique, chez lui, ne passât jamais la première et qu'elle ne pût jamais compromettre ce qu'il considérait comme son devoir principal, je veux dire la cause de son Église, son devoir de chrétien et de catholique ».
  • [30]
    Lettre à L. Birot du 31 décembre 1906.
  • [31]
    Lettre à L. Birot du 25 février 1907.
  • [32]
    Cf. par exemple la lettre à L. Birot où il explique son but à propos de l'article paru en 1906 dans la Revue trimestrielle de droit civil, p. 847-874 : « ... je voulais préparer les esprits à une autre solution, qui me paraît devoir être celle de l'avenir, celle tirée de la fondation privée et de l'établissement privé. Il n'y avait qu'une chose à faire pour que tout fût acceptable, garder les fabriques comme établissements privés, sans en faire des associations ». L'abbé Lemire reprendra l'idée dans une proposition de loi en octobre 1921.
  • [33]
    R. Saleilles « Le régime juridique de la séparation » précité, p. 206.
  • [34]
    Lettre à Louis Birot du 23 mars 1906.
  • [35]
    Lettre à Louis Birot du 11 janvier 1909.
  • [36]
    Lettre du 23 avril 1907 ; Saleilles avait déjà signalé à son correspondant que Berthélemy n'était pas croyant (18 avril 1906). Celui-ci participa à l'avis donné le 6 avril 1923 sur la légalité des statuts des nouvelles associations (voir É. Poulat Les diocésaines, La Documentation française, 2007, p. 285-291.
  • [37]
    Par exemple dans Les conditions, précité p. 378 : « ... qui ne visât à obtenir pour l'Église la simple liberté de droit commun dont elle a besoin pour vivre... »
  • [38]
    Discours cité in M. Prélot et F. Gallouédec-Genuys Le libéralisme catholique, A. Colin, 1969, p. 230. En 1844, Lacordaire dit la même chose à Mme Swetchine : « Aujourd'hui tout le monde s'embrasse, les évêques parlent de liberté et de droit commun, on accepte la presse, la charte, le temps présent » cité par J. Lecler in « La spiritualité des catholiques libéraux » Colloque de Grenoble précité p. 384. Voir aussi G. Weill, précité, p. 205.
  • [39]
    Lettre à L. Birot du 31 décembre 1906. Saleilles signale les confusions des sénateurs catholiques sur cette notion de droit commun. Il dénonce encore les illusions simplistes de certains catholiques dans sa conférence à l'École des hautes études sociales (art. précité, p. 191-192).
  • [40]
    « Le régime juridique de la séparation » précité, p. 192 et 193.
  • [41]
    Ibidem, p. 201.
  • [42]
    Ibidem, p. 206.
  • [43]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [44]
    Lettre à L. Birot du 4 novembre 1906.
  • [45]
    « Ce serait plus habile que de nous corner Canossa aux oreilles et d'exaspérer avec ces vieux souvenirs toutes les oreilles françaises » lettre à L. Birot du 18 avril 1906.
  • [46]
    Lettre à L. Birot du 13 mai 1906.
  • [47]
    Lettres à L. Birot des 18 avril et 13 mai 1906.
  • [48]
    R. Saleilles, « Principes de la loi de 1905 », Revue trimestrielle de droit civil, 1906, précitée, p. 857.
  • [49]
    Lettre à L. Birot du 23 mars 1906.
  • [50]
    Lettre du 7 août 1909 à propos de l'Action française.
  • [51]
    L'interprétation donnée par A. de Mun « est devenue le thème de tous les violents » (lettre du 5 avril 1906) ; il parle des plus exaltés parmi les partisans de la résistance (lettre du 18 mai 1906) ; « Que nous sommes loin des bravades des inventaires ! On ne retrouve cette belle ardeur que lorsqu'il y a des coups de poings à donner. On va se battre chez Mgr Vilatte ; cela c'est tout ce que sait faire le catholicisme français » (lettre du 25 février 1907) ; il parle encore des « intransigeances de nos radicaux de droite » (lettre du 23 avril 1907).
  • [52]
    Lettre à L. Birot du 10 août 1908.
  • [53]
    Lettre à L. Birot du 18 avril 1906.
  • [54]
    Bien qu'il ne soit pas théologien, Saleilles s'est posé la question de savoir s'il n'était pas lui aussi susceptible de condamnation pour ses positions sur la Séparation, comme l'avait été son ami Fogazzaro ou risquait de l'être un spécialiste de Newman, l'abbé Dimnet.
  • [55]
    Lettre à L. Birot du 5 avril 1906. Il a le même souci lorsqu'il organise une collecte pour aider l'abbé Lemire dans sa campagne électorale : « ... il importe, en attendant, que rien ne transpire et surtout que la presse ne s'empare pas de l'incident... » (lettre du 18 avril 1906).
  • [56]
    « Je tiendrais à donner à cette petite réunion le moins d'apparat possible, afin de lui garder son caractère de réception intime, sans qu'on puisse y voir aucune intention de manifestation. Même dans ces conditions qui seront presque celle de l'incognito, je ne sais s'il serait prudent d'insister auprès d'un évêque pour lui demander d'être des nôtres. Tout se sait, et là même où il n'y aura qu'une réunion d'amis désireux de prendre contact avec un homme supérieur, on en arriverait vite à parler de complot. Et, quant à moi, c'est à quoi je ne me prêterai jamais » (lettre à L. Birot du 6 janvier 1907).
  • [57]
    Il le redit constamment à l'abbé Louis Birot : avec « les angoisses de son âme » causées par l'attitude de l'Église face à la Séparation il fait aussi part de « ses espérances supérieures » (lettre du 18 avril 1906) ; au moment où la loi de 1905 va entrer en application : « Je suis, comme vous, bien ému de cette échéance qui approche. C'est tout un monde qui s'écroule, c'est une nouvelle ère qui s'ouvre. Et je crois que celle-ci sera meilleure » (lettre du 4 novembre 1906) ; même lorsque sa santé personnelle est gravement atteinte, il fait encore part de « son optimisme et de « sa confiance en la Providence » (lettre du 31 décembre 1907) ; voir aussi G. Weill : Saleilles, « le plus confiant de tous » (op. cit. p. 258).
  • [58]
    Lettre à L. Birot du 31 décembre 1906 ; voir encore celle du 23 avril 1907.
  • [59]
    Conférence Olivaint, précité, p. 35-36. Sur cette histoire et le rôle de Saleilles, voir D. Colon, La Conférence Olivaint 1875-1940, mémoire de DEA, IEP de Paris, 1996, p. 36.
  • [60]
    Cf. R. Rémond, conclusions du colloque de Grenoble, précité, p. 554-555.
  • [61]
    Les conditions précité p. 371-372. ; voir aussi la lettre du 9 avril 1908 déjà citée (note 10).
  • [62]
    Lettre à L. Birot du 23 mars 1906.
  • [63]
    Lettre à L. Birot du 4 novembre 1906.
  • [64]
    Lettre à L. Birot du 31 mars 1907.
  • [65]
    Les conditions précité, respectivement p. 376 et 400.
  • [66]
    R. Saleilles, « Il Santo », La Quinzaine, 1er et 16 février 1906, p. 22 et 23-24.
  • [67]
    Voir J. Gadille et J.M. Mayeur « Les milieux catholiques libéraux en France : continuité et diversité d'une tradition », in Les catholiques libéraux au xixe siècle, PUG, 1974, p.191-193 et R. Rémond, ibidem, p. 557.
  • [68]
    Voir son témoignage dans l'allocution de 1909, Conférence Olivaint, précité, p. 33-34. Il présida la Conférence en 1879-1880 après en avoir été vice-président en 1878-1879 et secrétaire en 1877-1878. D. Colon (précité) s'appuie sur le discours de Saleilles pour indiquer que le courant libéral était minoritaire à l'époque dans la Conférence. À L. Birot, Saleilles n'hésite pas à signaler que son collègue de Grenoble, l'administrativiste Michoud, est un parfait catholique « ancien élève des jésuites et resté un peu des leurs » (lettre du 18 avril 1906).
  • [69]
    Respectivement lettres à L. Birot du 18 avril 1906 et du 6 janvier 1907.
  • [70]
    Lettre à L. Birot du 4 novembre 1906. À comparer avec la lettre de soumission reproduite dans les documents ci-après p. 399.
  • [71]
    Lettre à L. Birot du 13 mai 1906.
  • [72]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907 : « Me permettez-vous seulement un regret au sujet de votre épiscopat méridional ! C'est de l'avoir vu s'incliner si vite devant des injonctions qui auraient trouvé en Allemagne un épiscopat unanime à faire valoir ses droits légitimes et à rester maître de la question ».
  • [73]
    Lettre à L. Birot du 10 août 1906.
  • [74]
    Lettre à L. Birot du 17 novembre 1907.
  • [75]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [76]
    Lettre à L. Birot, respectivement du 17 novembre 1907 et du 9 avril 1908.
  • [77]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907.
  • [78]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908.
  • [79]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907. Saleilles soutient sans faille l'abbé Lemire mais lui donne aussi des conseils de modération.
  • [80]
    Léon XIII est élu pape en 1878 ; Saleilles fait ses études de droit à l'Institut catholique entre 1876 et 1879 ; dès 1877 Saleilles est secrétaire de l'Olivaint, qu'il préside en 1879-1880. É. Poulat parle de la génération de Rerum novarum (Église contre bourgeoisie, Casterman, 1977, p. 118).
  • [81]
    Conférence Olivaint, précité, p. 36.
  • [82]
    Lettre à L. Birot du 23 mars 1906.
  • [83]
    Conférence Olivaint précité, p. 37.
  • [84]
    Conférence Olivaint précité, p. 37.
  • [85]
    Les conditions, précité, p. 375.
  • [86]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [87]
    Les conditions, précité, p. 377. Le 11 janvier 1909 il confie à L. Birot que « nous assistons à une indifférence croissante, qui ne nous juge même pas dignes d'un peu de persécution ».
  • [88]
    Les conditions, précité, p. 377.
  • [89]
    Lettre à L. Birot du 13 mai 1906.
  • [90]
    R. Saleilles L'individualisation de la peine, Alcan, 1898, p. 274-275.
  • [91]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907.
  • [92]
    Dans la note ajoutée en 1906 après l'encyclique Pascendi, Saleilles relevait que « l'intérêt des simples profanes pour les études religieuses va croissant », Les conditions, précité, p. 373.
  • [93]
    Il écrit en 1903 La méthode historique et la Bible. Étude à propos d'un livre récent (où il part du livre du P. Lagrange paru en 1903, Études bibliques-La méthode historique surtout à propos de l'Ancien Testament). En 1905 et 1906, il fait paraître la traduction de deux recueils de sermons de Newman.
  • [94]
    Cité par J. Gadille et J.M. Mayeur, « Les milieux catholiques libéraux » précité p. 187.
  • [95]
    Voir les lettres à L. Birot du 30 décembre 1906 et du 6 janvier 1907.
  • [96]
    Sur toute cette époque, voir É. Poulat Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, A. Michel, 1996, notamment p. 18-19.
  • [97]
    Lettre à L. Birot du 4 novembre 1906.
  • [98]
    Les conditions, précité, p. 384.
  • [99]
    Les conditions, précité p. 385-386.
  • [100]
    Les conditions, p. 388.
  • [101]
    Conférence Olivaint, précité p. 43-45.
  • [102]
    Lettre à L. Birot du 23 mars 1906.
  • [103]
    J. M. Mayeur rappelle que les « cardinaux verts » étaient aussi des catholiques « romains » (art. précité p. 223).
  • [104]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [105]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908. Saleilles l'avait déjà écrit en 1903 dans La méthode historique et la Bible, p. 34.
  • [106]
    Lettre à L. Birot du 13 mai 1906 ; le 18 mai 1906, Saleilles parle encore des « Buisson et autres apôtres du catholicisme évolutionniste jusqu'à sa totale destruction sans doute,... »
  • [107]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907.
  • [108]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907.
  • [109]
    R. Saleilles « Il Santo », La Quinzaine, précité, p. 28.
  • [110]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908 que son évêque venait de nommer curé pour le garantir contre certains aléas. Saleilles ajoutait : « Combien il est plus consolant, au milieu de ces équivoques et de cette anarchie religieuse, de faire pratiquement du bien aux âmes... »
  • [111]
    Voir le document reproduit ci-après p. 401.
  • [112]
    Lettre à L. Birot du 28 mai 1906.
  • [113]
    Lettre à L. Birot du 10 août 1906.
  • [114]
    Cf. lettre à L. Birot du 23 avril 1907 où il parle du « futur Syllabus dont on veut foudroyer tous les pauvres penseurs que nous sommes ».
  • [115]
    Témoignage de Paul Bureau dans Correspondance (Union pour la vérité) 21e année, 15 mars 1913, no 1, p. 19-20. Saleilles avait, de nouveau, écrit le 3 septembre 1906 au cardinal Merry del Val une lettre de soumission (document ci-après p. 399).
  • [116]
    L'abbé Lemire écrivait à Imbart de la Tour que « Benoît XV était une aurore de Léon XIII qui réapparaît » (cité par J. M. Mayeur L'abbé Lemire, précité p. 540).
  • [117]
    Ce principe court d'un bout à l'autre de la correspondance avec l'abbé Birot : voir les lettres des 4 novembre 1906, 31 décembre 1906, 23 avril 1907 et 11 janvier 1909.
  • [118]
    À propos d'articles qu'il a publiés dans Le Correspondant, (lettre à L. Birot du 30 décembre 1907).
  • [119]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908.
  • [120]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [121]
    Lettre à L. Birot du 23 mars 1906.
  • [122]
    Les conditions, précité, p. 372. La formulation (publique) de sa solution est plutôt équilibrée mais presque abstraite. Sa correspondance avec l'abbé Birot prend un ton plus amer. Y a-t-il de la prudence chez lui ou la recherche d'un équilibre apaisant ? Comme laïc il ne semble pas tenu à la prudence des ecclésiastiques mais en même temps Bureau le qualifiait de « catholique très soumis et très fidèle ». Dans le contexte très tendu de la crise moderniste, cet exercice d'équilibre qui peut paraître un peu convenu reste courageux face au soupçon antimoderniste qui domine alors l'Église.
  • [123]
    Conférence Olivaint, précité, p. 39.
  • [124]
    R. Saleilles « Il Santo » La Quinzaine, précité, p. 25 ; voir aussi sur un mode plus lyrique, Les conditions, précité, p. 399. Saleilles confiait à l'abbé Birot (lettre du 9 avril 1908) : « ... plus je crois à l'Église, plus j'entrevois le rôle de l'humanité et des lois humaines dans sa constitution, son développement et son action historique. Il en est de l'action de l'Esprit, comme de la Révélation qui ne se sont jamais manifestées que par des organes humains ».
  • [125]
    Les conditions, précité, p. 381-382.
  • [126]
    Parlant de l'évolution de Loisy qui vient d'être excommunié : « Mais aussi quelle épreuve pour l'espèce de via media qui était la nôtre, qui reste néanmoins la mienne ! » (lettre à L. Birot du 9 avril 1908). Concrètement, il se situe entre les deux extrêmes du modernisme à l'italienne et de la réaction pontificale (lettre à L. Birot du 11 janvier 1909).
  • [127]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908.
  • [128]
    Imbart de la Tour « Raymond Saleilles » précité p. 28.
  • [129]
    Les conditions, précité p. 394-395.
  • [130]
    Voir Imbart de la Tour précité p. 25-26 ; et P. Bureau, précité p. 20.
  • [131]
    Les conditions, précité p. 397.
  • [132]
    R. Saleilles « Il Santo » précité, p. 26.
  • [133]
    Lettre à L. Birot du 18 avril 1906.
  • [134]
    Lettre à L. Birot du 4 octobre 1909.
  • [135]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908.
  • [136]
    C'est l'hypothèse de M. Sabbionetti, op. cit.
  • [137]
    Les conditions, précité, p. 390.
  • [138]
    Cité par Eugène Gaudemet « Raymond Saleilles (1855-1912) » in Revue bourguignonne de l'Université de Dijon, Tome XXII, 1912, no 4, p. 44 (souligné par Gaudemet) ; la citation est tirée de « Il Santo » précité p. 32.
  • [139]
    R. Saleilles « Il Santo » précité, p. 28.
  • [140]
    Bien qu'il le fasse en libéral passablement « doctrinaire », ­ voire à la façon de Hayek ­, notamment lorsqu'il tente de distinguer entre la fonction politique et la fonction législative du Parlement : « la loi n'est pas une oeuvre politique qui doive subir la tyrannie d'une majorité politique ; mais une oeuvre nationale à laquelle doivent concourir tous les éléments représentatifs des intérêts nationaux ». Il parle encore du « gouvernement des supériorités » ; voir « La représentation proportionnelle » Revue du droit public, 1898, t. 9, p. 405 et 413.
  • [141]
    Voir M. Prélot pour qui le libéralisme catholique est purement politique et jamais religieux ; ce serait un catholicisme traditionnel qui n'appelle aucune évolution du dogme. Il conviendrait de séparer très nettement libéralisme politique et libéralisme religieux. Il est vrai que cette analyse s'applique surtout au catholicisme des années 1830-1870 (op. cit. p. 16).

1 Saleilles aura vécu de très près, comme catholique, deux crises majeures du catholicisme français : la séparation des Églises et de l'État en 1905-1906 puis la condamnation du modernisme en 1907. Ce professeur à la Faculté de droit de Paris, titulaire de la prestigieuse chaire de droit civil, est un peu à part en raison de son engagement fort dans ces deux crises qu'il vit pratiquement de l'intérieur. Son engagement est d'abord concret quoique discret lorsqu'il conseille sur le plan juridique plusieurs archevêques ou évêques au moment de la Séparation. Son engagement est aussi public car il produit conférences et articles tant en ce qui concerne l'acceptation de la séparation que la question du modernisme [2]. Dans les deux cas, il se situe dans ou à proximité de la minorité qui est condamnée par Rome et le pape Pie X. Le plus caractéristique chez Saleilles n'est pas son engagement politique et juridique car il n'est pas le seul. D'autres parmi ses collègues se sont engagés discrètement ou ont pris parti publiquement comme Beudant qui jouera un rôle important dans la mise au point des associations diocésaines, Michoud, Hauriou,... Il se distingue par un engagement proprement religieux et théologique, au-delà de l'engagement politico-juridique. Le libéralisme de Saleilles n'est pas purement politique ; il s'exprime sur le plan religieux et théologique d'une manière qu'il faut préciser car ce n'est pas un pur libéralisme théologique.

2 « Nous étions des catholiques libéraux » [3], cet aveu public de Saleilles en 1909 alors que les condamnations romaines sont intervenues est important. Non sans humour, il souligne qu'il le fait chez les pères jésuites. Qu'entend-il à cette date en reprenant une référence déjà ancienne ? Peut-il être catholique libéral en 1909 de la même façon que Montalembert ou Lacordaire avant 1870 ? Que signifie exactement cette déclaration d'appartenance et d'affiliation au moment des condamnations romaines de la Séparation et du modernisme qui le concernent de si près ? Il s'y trouve à la fois une prise de position et une justification devant les étudiants de la Conférence Olivaint. Saleilles a en effet publiquement accepté la Séparation. Il est un des « cardinaux verts » qui avaient appelé les évêques, dans une lettre du 26 mars 1906 et après la condamnation par Rome de la loi de décembre 1905, à faire confiance aux associations cultuelles [4]. Imbart de la Tour écrivit en 1912 : « L'histoire dira un jour, quand le tumulte de nos passions sera calmé et que son scellé sera ouvert, le rôle que joua R. Saleilles dans la crise de la Séparation. Son activité inlassable, son dévouement, sa compétence, lui avaient acquis les sympathies des évêques chargés d'étudier le statut de l'Église de France. Il donna aux travaux de la Commission préparatoire le plus utile des concours » [5]. L'action et les écrits de Saleilles montrent assez bien, à cette occasion, la mise en oeuvre d'un habitus libéral [6] : un lobbying discret auprès des évêques, en particulier les archevêques de Rouen (Fuzet) et d'Albi (Mignot), parfois même au plus haut niveau avec une lettre privée et un mémoire envoyés directement à Mgr Merry del Val [7], plutôt que des manifestations publiques d'opposition ou de réprobation [8] ; la mobilisation d'un réseau amical et plutôt élitiste notamment parmi des juristes amis [9] ; les correspondances sont enfin un des moyens de former et entretenir leurs relations [10].

3 Saleilles est un catholique libéral mais dans une conjoncture nouvelle par rapport à celle des grands ancêtres qu'il se reconnaît depuis sa jeunesse. L'affrontement de l'Église et du libéralisme du monde moderne a apparemment peu changé et reste aussi ferme. Il semble même se « purifier » avec la République laïque. Pourtant, un certains nombre de choses ont changé. De quelle façon Saleilles a t-il été un catholique libéral dans ces années 1905-1910 ?

Liberté, religion et société

4 La Séparation et la crise moderniste sont deux questions adressées par la liberté moderne à l'Église. Saleilles confie à Louis Birot : « Dieu a voulu que nous jouissions d'une ère de liberté civile et religieuse qui rend impossible l'usage de la force pour le triomphe des systèmes. Et alors forcément dans ce libre combat où se rencontrent toutes les forces intellectuelles en conflit, l'action de la vérité se produira d'elle-même et arrivera infailliblement à tenir compte de toutes les aspirations de la vie collective de l'humanité » [11]. Cette formulation du problème de la liberté fait écho au texte des rédacteurs du Correspondant du 10 octobre 1869 dans lequel ils se demandent depuis quand il est défendu au chrétien de bénir la condition dans laquelle Dieu l'a placé et de s'affliger de n'être pas né dans d'autres temps. Ils acceptent ainsi le régime de liberté même si ce n'est pas l'idéal. La jeunesse chrétienne se refuse à haïr la société actuelle [12].

5 On a souligné le caractère artificiel de la synthèse effectuée par Rome sous le nom de modernisme [13]. Saleilles illustre pourtant une même approche globale des difficultés de l'Église dans le monde moderne. La question de la liberté des catholiques dans la République mais aussi celle de l'Église dans la République, ne permet pas d'éviter celle de la liberté des laïcs et des clercs dans l'Église. Le libéralisme de Saleilles, dans une approche globale de la liberté du chrétien, ne peut séparer les deux. Sa position générale est assez simple : la République doit faire un effort pour aménager la liberté des catholiques mais l'Église doit aussi modifier son comportement pour permettre cette liberté dans la République. Le secret de la réussite réside dans la « modération » libérale. Le choix de la séparation est libéral en ce qu'il distingue des ordres relativement autonomes entre eux quoiqu'ils ne soient pas cloisonnés : séparation du politique et du religieux, de l'Église et de l'État mais aussi séparation de la science et de la religion. Cette approche globale conduit Saleilles à ressentir personnellement les condamnations romaines. Répondant à l'enquête de Rifaux sur les conditions du retour au catholicisme, il indiquait ce qui lui paraissait la bonne solution : « Car, si le retour au catholicisme, du côté des foules, ne peut être assuré qu'au prix d'une première séparation, vers laquelle nous portent enfin toutes les leçons du présent, et qui aura pour objet de le dégager de la politique, sa sécurité, vis-à-vis de l'élite et de ceux qui pensent, dépend avant tout d'une séparation bien autrement importante encore, celle qui le rendra indépendant de toutes les surprises de la science, et qui fera du domaine de la vie surnaturelle et de celui de la pensée scientifique, de plus en plus dominé par la loi de l'expérience et de l'observation, deux sphères tellement tranchées qu'aucune ne puisse avoir de prise sur l'autre » [14]. La crise intellectuelle du catholicisme sera alors résolue puisque la pensée libre et la foi plus libre pourront se rencontrer et se pénétrer mais ne pourrons plus se contredire. De cette indépendance de la science et de la religion il attend qu'elles ne soient pas étrangères mais au contraire plus solidaires [15]. Le libéralisme de Saleilles perçoit donc bien une unité des deux crises, politique avec la Séparation, religieuse avec le modernisme.

La liberté des catholiques dans la République

6 Les catholiques peuvent avoir plusieurs façons de comprendre et surtout de vivre leur liberté dans la République. Il est possible de se réfugier dans le social pour éviter d'avoir à assumer ce qu'implique, intellectuellement et pratiquement, la liberté politique ou religieuse au moment où les catholiques perdent définitivement le pouvoir politique. La pensée qui ne saisit plus le politique, ne saisit pas non plus la signification du droit et les conditions concrètes de la liberté. Saleilles dénonce ceux qui rêvent d'une liberté absolue pour l'Église. Il veut apporter, au contraire, une réponse libérale, c'est-à-dire celle qui assume les caractères d'une société ouverte.

7 Bien qu'il ait été lié à l'abbé Lemire, on ne peut le rattacher au monde du catholicisme social ; la préoccupation sociale n'est pas absente pour autant. Décrivant aux étudiants de la Conférence Olivaint « les trois buts admirables » qu'il entrevoit pour eux, il leur assigne un second devoir : le devoir social [16]. Saleilles, prenant la suite de la critique socialiste du début du xixe siècle, note une évolution de la notion vague de charité vers une perception vraie de la question sociale. Il précise même qu'il y aura toujours des luttes de classes ce qui l'éloigne notablement d'un certain paternalisme encore fréquent dans le catholicisme social. Son libéralisme, parce qu'il est essentiellement politique, lui fait accepter les conflits. Ce sont des lois inéluctables dont il faut tenir compte si on veut résoudre les conflits sociaux. Les catholiques peuvent ainsi tendre loyalement la main aux foules qui veulent opérer « une ascension graduelle vers un état social meilleur ». Le christianisme a donné au monde tous ces grands mots dont on se pare aujourd'hui. Saint Thomas nous permet de parler de propriété sociale ou de fonction sociale de la propriété, des devoirs sociaux de la richesse. Le libéralisme de Saleilles n'ignore donc pas la question sociale qui est diffuse dans sa conception du droit, mais s'il soutient l'abbé Lemire, c'est surtout sur le plan politique et leur rencontre est, de ce fait, plutôt d'ordre libéral que social [17].

8 Penser la liberté des catholiques dans la République, c'est prendre position sur les rapports de la religion et de la politique et sur le catholique comme citoyen. Saleilles refuse l'alliance du trône et de l'autel. Racontant l'impression que ses grands-mères lui avaient transmise de cette collusion sous la Restauration, il se montre sensible « à ce petit déchaînement de cléricalisme sur les élections » [18]. Il n'hésite pas à dénoncer l'attitude du Vatican qui « se défend de vouloir faire de la politique » et qui en fait par la force des choses [19]. Le résultat est un grand attachement à la liberté de l'engagement politique comme il le montre en défendant l'abbé Lemire menacé par son évêque qui veut l'empêcher de s'engager en politique : « Quel triomphe pour les adversaires de l'Église, qui déclarent qu'un prêtre ne peut occuper aucune fonction civile ou civique, ni à la Chambre, ni dans l'enseignement, ni nulle part, parce qu'il n'est pas libre, et, que c'est le Pape qui prétend régir sa conduite jusque dans tous les détails de son devoir professionnel. Voilà ce qu'il faut empêcher à tout prix. Ce n'est plus l'abbé Lemire qui est en jeu, mais tout ce qui peut rester d'avenir au catholicisme dans notre pays... » [20]. Saleilles prend position sur la question du « parti catholique » pour marquer son refus [21]. Il faut que l'Église cesse de se mettre à la remorque des partis impopulaires qui la dominent. Dans la crise de la Séparation il voit le risque d'une guerre civile dont on accusera le pape et dans cette hypothèse « il faudra aller jusqu'au bout, s'allier avec les partis extrêmes, car il s'agira de vaincre ou mourir » [22]. Lorsqu'il prit l'initiative privée et solitaire d'écrire au cardinal Merry del Val, il se plaça ouvertement sur le terrain politique pour montrer dans quelle servitude l'Église allait tomber vis-à-vis de partis politiques dont les pronostics de succès étaient des plus faibles [23]. En 1907, au sommet de la crise entre l'Église et la République il explique clairement les raisons de son refus. Il constate que la seule occasion qu'il y ait eu de créer en France un véritable parti catholique a échoué. Saleilles, loin de le déplorer, y voit « un élément sérieux dans les progrès futurs de la religion en France ». Il en attend une forme de dépolitisation du catholicisme qui lui donne toutes ses chances d'avenir : « Il y aura encore un catholicisme en France, mais non pas agressif, politique et devenu indifférent au c ur de la nation, mais une religion toujours capable d'abriter tout l'idéal de ceux qui pensent, toute l'espérance de ceux qui souffrent, et de bénir tous les progrès, scientifiques, intellectuels et sociaux, de ceux qui veulent une France libre et forte, mais largement compatissante aux petits et aux faibles, secondant leurs efforts et ne les décourageants jamais » [24]. Il précise mieux encore ce qu'il craint avec un parti parlementaire comme il en existe en Belgique et en Allemagne. Ce parti peut avoir une utilité passagère pour défendre le catholicisme mais, à terme, on place la croyance et la propagation de la foi sous l'influence de la loi : « Il n'y a pas d'institution légale qui soit un instrument de diffusion efficace de l'Évangile ; il n'y a pour cela que l'ébranlement produit par une parole sincère et plus encore l'impression de l'exemple » [25]. En France, le catholicisme a particulièrement souffert de sa compromission avec les institutions politiques. Former un parti politique creuserait encore plus l'abîme. Ainsi, « à une époque où l'on parle tant de séparation, la première et peut-être la seule séparation à opérer, d'un côté comme de l'autre, c'est la séparation de la religion et de la politique » [26]. En avril 1907, dans la conférence qu'il prononce à l'École des hautes études sociales, il témoigne encore de ses craintes : « la chose du monde qui m'effraie le plus pour le sort de mon Église [...] le parti catholique désormais créé, organisé par la loi elle-même. [...] C'était l'armée catholique qui se constituait pour la bataille politique. » Il répète la crainte des libéraux sincères et remercie Pie X d'avoir épargné cela à la France [27]. Les rapports de la religion et de la politique sont commandés par ce fait essentiel que la politique n'est pas tout. Il se plaint à Louis Birot que « chez les gens religieux eux-mêmes, il leur est presque impossible de s'unir sous prétexte de religion, tous bifurqués dans la politique » [28]. Au même moment, il vante aux étudiants catholiques de la Conférence Olivaint « l'admirable exemple » de son ami Henri de Grandmaison, bâtonnier au Hâvre, qui a été capable de tous les sacrifices pour sa foi religieuse et « du plus dur de tous », celui de ses préférences politiques [29].

9 Mais le catholique est aussi en droit de penser les insuffisances libérales de la République. Saleilles est bien conscient que le statut des libertés en France est moins développé que dans d'autres pays : « Songez donc qu'avec nos traditions de légistes, héritées de Louis XIV et de Napoléon, nous en sommes encore, au point de vue des libertés publiques, à peu près au niveau des Turcs » [30]. Nous sommes loin du droit commun des Anglo-Saxons et dans une moindre mesure du droit allemand. Et, de fait, à l'occasion de la Séparation, Saleilles revient souvent sur le caractère jacobin et étatiste de la République qui obère son libéralisme. L'idée de séparation peine à s'effectuer dans un sens libéral car, en France, c'est le droit commun des libertés qui est le plus insuffisant de tous. La République n'est pas capable d'accorder une capacité suffisante aux associations de droit commun. Seule l'utilité publique reconnue le permet. Saleilles se plaint qu'on ne puisse recourir à la fondation privée : « Malheureusement c'est un type juridique qui n'existe pas chez nous. Nous n'avons que des établissements publics ou d'intérêt public. Ainsi un hôpital fondé par un particulier peut bien exister à titre d'établissement d'utilité publique, s'il est reconnu comme tel ; il ne peut exister comme établissement privé et fondation privée. Il faut que tout soit agrégé à l'État » [31]. C'est l'insuffisance notoire du statut des associations de la loi de 1901 qui rend à ses yeux la séparation si difficile. L'idée de fondation privée, inexistante en droit français [32], permettrait seule d'organiser une véritable liberté religieuse dans la séparation. La loi de 1905 maintient paradoxalement une forme de reconnaissance avec un statut particulier pour certaines associations dites « cultuelles ». La liberté dans le régime de séparation des Églises et de l'État appelait l'application d'un régime de droit commun pour tous les types d'association. La loi de 1901 est incapable de remplir cette fonction. Il fallait donc particulariser les cultuelles dans un statut à part. Saleilles faisait remarquer avec humour au public, plutôt laïque, de l'École de hautes études sociales que l'Église contraint la République à plus de libéralisme : « Ce sera la troisième ou la quatrième liberté que nous devrons à l'Église ». On lui doit presque le droit d'association fait en 1901 pour préparer la séparation, un régime de capacité élargie pour les associations cultuelles, la réforme libérale du droit de réunion. Saleilles appelle de ses v ux un droit commun élargi des fondations qui aurait profité à tout le monde : « Faut-il donc désespérer de voir cette liberté nouvelle surgir dans ce pays de liberté, qui semble n'avoir qu'une défiance au c ur, la défiance des libres initiatives ? » [33]

10 La liberté de l'Église dans la République

11 Il existe de nombreux motifs pour accepter la séparation ; tous n'ont pas un caractère libéral. Une des lignes de clivage consiste certainement dans la façon de concevoir la liberté dont doit jouir l'Église comme institution. La position de Saleilles, parce qu'elle est libérale, est minoritaire dans l'Église et parmi les catholiques de son temps. Dans ses lettres à l'abbé Birot il réagit assez vivement à cette situation. Ni les catholiques, ni l'Église, du moins à Rome, n'ont le vrai sens de la liberté, celui que peut avoir un libéral et un juriste.

12 Il convient d'abord de concevoir une « liberté modérée ». En utilisant cette expression, Saleilles s'exprime ici en politique mais aussi en juriste et en juriste réaliste. Il sait que la liberté absolue pour l'Église n'est ni possible ni souhaitable : « La liberté absolue qu'elle rêve est irréalisable. L'aurait-elle, par impossible, qu'elle en abuserait si bien qu'elle se préparerait des chaînes irrémédiables » [34]. L'Église ne pourra pas éviter des heurts avec l'État et un certain « tâtillonage » dans la mise en oeuvre de la loi de 1905. Au plus profond de la crise, il forme le v u, non « du triomphe de son Église puisqu'il ne lui a jamais été promis, mais [d'] un peu de liberté modérée pour elle » [35]. Le libéralisme, même agnostique, constitue la meilleure garantie pour l'Église, à l'exemple de celui d'Henry Berthélemy, le futur jurisconsulte des associations diocésaines, « dont le grave et sûr libéralisme est pour notre pauvre Église d'une bien autre sécurité que toutes les intransigeances de nos radicaux de droite » [36].

13 Saleilles évoque souvent la question du droit commun, revendication classique dans le catholicisme libéral [37]. Montalembert y faisait référence à Malines : « ... simplement et uniquement la liberté moderne, la liberté démocratique, fondée sur le droit commun et l'égalité, réglée par la raison et la justice » [38]. Ce statut juridique commun et égal devrait convenir à toutes les convictions et religions dans la mesure où il est un statut de liberté. Mais Saleilles intervient dans un contexte où l'expression de droit commun fait l'objet d'un usage confus. L'accord sera retardé par « les éternelles équivoques que l'on a à l'étranger, et à Rome en particulier, au sujet de ce qu'on appelle le droit commun. On se place toujours au point de vue d'un prétendu droit naturel qui laisserait aux individus pleine liberté de s'associer, de posséder une fois associés, et de recevoir gratuitement sans contrôle ni restrictions ». Il fait remarquer que c'est peut-être le droit commun des anglo-saxons mais que ce n'est pas la tradition française [39]. Saleilles en tient donc bien pour le droit commun puisque l'Église est et doit être séparée du pouvoir politique. Mais il souligne qu'il faut que ce droit commun soit authentiquement libéral. Il faudra négocier cela avec l'État républicain. Le droit commun français des associations n'est pas celui des anglais ou des allemands, celui d'associations « pleinement capables, et s'épanouissant au grand jour de la liberté, sous l'impulsion féconde de toutes les initiatives généreuses ». Au contraire en France la liberté d'association « est un droit né d'hier qui est encore dans les langes, serré et ligoté ; [...] ces pauvres associations de droit commun n'ont aucun moyen de se procurer des ressources,... » [40] Le droit commun tel qu'il est en 1906 ne constitue, par son insuffisance, qu'une anarchie dans l'État et dans l'Église [41]. Il faut donc que la République construise un droit commun plus généreux, ce qu'elle est contrainte de faire sous la pression paradoxale de l'Église catholique. Mais il faut manifestement pour Saleilles que ce soit une loi de la République et non pas un droit qui résulterait d'un simple vide juridique plus ou moins comblé par interprétation. L'Église ne doit pas s'exclure de la République et espérer une liberté qui se formerait sur un tel vide juridique. Saleilles attend vivement un statut de fondation privée qui « sera à la fois l'ordre et la liberté » : « Et sous ce régime de droit commun élargi, dont tout le monde profitera, l'Église reconstituera ses anciennes fabriques » [42].

Modération et libéralisme

14 Le libéralisme de Saleilles s'exprime en réaction à deux crises graves des rapports de l'Église et du monde moderne, l'une plus politique, l'autre plus théologique. Dans les deux cas, l'unité de son attitude tient dans son désir de modération. Celle-ci devient comme l'expression d'un rapport « libéral » au monde et à la société. Saleilles fait la théorie de sa modération au moment de la seconde crise, celle du modernisme, mais il l'a appliquée concrètement dès la première crise, celle de la Séparation.

15 Une philosophie de la modération constitue sa réponse personnelle à la condamnation du modernisme. La valeur de la modération tient à ce qu'elle place la vérité de conduite au centre. Saleilles se voit comme faisant partie de ces « juste-milieu, [qui] bien loin d'être des apeurés sans courage ni logique, sont les seuls qui pratiquent un système raisonné et voulu, donc courageux et logique, en vue de faire la volonté de Dieu ici-bas ». La modération est liée à la conception de la vérité : « la modération cesse d'être une timidité. Elle est un système, elle est une philosophie, elle est une recherche de la vérité ; car la vérité ici-bas n'est pas dans l'absolu ; et les extrêmes en allant à l'absolu en perdent toujours quelque bout ». Finalement les hommes de bonne volonté sont toujours les modérés [43]. Cette position n'est pourtant pas si modérée que cela au regard du contexte : le nombre de ses amis ou relations intellectuelles qui sont condamnés par Rome est très nettement supérieur à la moyenne qui pourrait caractériser un « juste-milieu » vers cette date. Saleilles est tout de même « modernisant » comme Birot ou Mignot et a fortiori Fogazzaro ou Tyrell. Sa modération est donc à la fois un sens des réalités qui s'observe surtout sur le plan juridique mais aussi une méthode. On peut la dire libérale en ce sens qu'elle repose sur une liberté d'expression et une libre recherche de la vérité à l'abri des sanctions des institutions politiques ou religieuses. La modération a peut-être surtout chez lui une signification spirituelle sur le modèle du Christ : « ... je suis de ceux qui croient que Celui qui jadis apaisait d'un mot les flots courroucés veille encore sur cet océan troublé : et que sans éclat, sans geste dominateur, le calme se fera, la paix se rétablira... » [44]

16 Saleilles a pratiqué la modération en contestant l'intransigeance romaine au moment de la Séparation. Il refuse la politique de Canossa dont parlait A. de Mun [45]. Saleilles, appuyé sur une analyse réaliste de la situation générale, pense que l'intransigeance pontificale tombe dans une France largement sécularisée qui, soit reste indifférente, soit réagit de façon anticléricale. Les réactions aux inventaires sont purement locales et là où les inventaires ont été dramatiques, il observe que les élections ont donné une réaction très anticléricale comme dans le Jura [46]. Son réalisme juridique le pousse dans le même sens. Il tente de faire triompher une analyse réaliste de la situation pour sortir des procès d'intention de part et d'autre ou des idées irréalistes. Rien n'interdit à la République de nommer cultuelle les associations canoniques que constituerait l'Église ; elles restent de toutes les façons des fabriques, c'est-à-dire les organes chargés des intérêts matériels du culte [47]. Il s'interroge après le vote de la loi pour mesurer l'exacte réalité des bouleversements juridiques : « Reste à voir si, juridiquement, les choses se présentent encore sous cette forme ; et si, en réalité, il n'est pas plus vrai de dire qu'il n'y a de changé que les apparences et que dans la réalité la propriété, qui était jadis une propriété d'affectation au profit du culte catholique avec attribution d'une propriété nominale au domaine public, n'est pas restée une propriété d'affectation au profit du culte catholique avec attribution d'une propriété nominale au profit d'un groupe d'associés. Et s'il en était ainsi, les appréhensions dont on a fait preuve dans le monde ecclésiastique devraient être ramenées à une appréciation plus exacte de la situation juridique » [48]. Ainsi, au total, Saleilles est conduit à modérer la différence entre le régime du Concordat et celui de la Séparation. La réalité est que la nécessité d'une forme de reconnaissance subsiste.

17 Saleilles refuse avec la plus grande énergie la résistance ouverte à la loi et le « parti ligueur ». Il faut montrer qu'il y a d'autres catholiques que ceux qui gravitent autour des « amazones de la baronne Reille » ou des « baudriers de MM. de Cassagnac » [49]. Il avertit encore Louis Birot qu' « on peut s'attendre à tout avec ce parti de petits hobereaux et de camelots de mauvaise foi » [50]. Il n'a pas de mots assez durs contre les « exaltés » [51]. S'interrogeant sur ce que le Pape va faire au sujet des associations cultuelles, Saleilles pense qu'il « ne dira rien pour tenter l'aventure. Il sera entendu, par prétérition, que cela implique défense de se présenter comme associations cultuelles ; et alors on essaiera de la résistance politique et tapageuse. On verra les ruines s'accumuler, les représailles répondre aux cris de guerre, nos dernières libertés détruites, et le peuple scandalisé, parce qu'un chef étranger qui a soulevé la guerre civile en France, qui a prise sur la conscience nationale des catholiques de France et qui, après avoir condamné les quelques braves gens qui se disaient amis du peuple ou démocrates, a levé ensuite l'étendard de la révolte contre la République et à tout cela nous ne trouvons rien à dire » [52]. À cette politique ainsi perçue par Saleilles, il oppose celle de ses amis : « Le seul point important c'est que tous et chacun, dans le cadre que Dieu nous a marqué et avec la mentalité qu'il nous a donné nous fassions son oeuvre ici-bas ; et cela se fera avec les coups de clairon de Mr de Mun, c'est possible, mais plus encore avec les chrétiennes paroles de Brunetière, les envolées de Fogazzaro, et les profondes réalités du bon petit P. Laberthonnière » [53].

18 Ainsi, c'est une action modérée et même discrète qu'il entend mener. Son comportement est typique d'une modération libérale qui n'est pas sans rapport avec une certaine forme d'élitisme intellectuel et social caractéristique du milieu. Certes, il fait une conférence publique et publie deux articles sur la loi de 1905, mais dans des revues juridiques scientifiques ou devant un public assez choisi et restreint. Mais, il faut aussi y voir une certaine prudence vis-à-vis de Rome dans un contexte de condamnations [54]. Lorsqu'il propose directement à l'abbé Birot et indirectement à Mgr Mignot, archevêque d'Albi, une consultation juridique sur les associations cultuelles et leur garantie d'orthodoxie, Saleilles le fait « à titre purement privé » et pose des conditions précises : une demande expresse de quelques évêques à titre privé ; que la consultation gardât ce caractère de lettre privée et ne soit pas livrée à la publicité. La raison en est qu'il « croit, en effet, que toute initiative de notre part ne ferait qu'accentuer les divisions entre catholiques ; et, d'autre part, [qu'] il faut maintenant éviter toute polémique de presse » [55]. Saleilles veut manifestement éviter de rééditer l'aventure de la publication indiscrète et involontaire de la lettre des « cardinaux verts ». La même discrétion est de mise lorsqu'il invite chez lui l'écrivain Fogazzaro qui a été condamné par Rome et propose à Mgr Mignot de l'héberger ou de l'inviter à dîner avec l'écrivain [56].

19 La modération de Saleilles est liée certainement, chez lui, à un optimisme qui est un trait de caractère qu'il souligne souvent à l'abbé Birot [57]. Mais il provient aussi de sa foi : « Et cependant, au milieu de ces tristesses, je n'arrive pas à me laisser décourager. Celui qui mène les événements a ses desseins cachés. Il suffira de la moindre circonstance pour voir où il a voulu nous conduire. Et l'on comprendra alors que peut-être ces ruines n'étaient pas inutiles » [58]. Les persécutions que l'Église a pu connaître sous la République n'altèrent pas son optimisme qu'il faudrait plutôt, sur ce plan, nommer espérance. Il en fait part publiquement en 1909 aux étudiants de la Conférence Olivaint. Sa position n'est pas inconsciente puisqu'il a un souvenir personnel de ces difficultés : il achève la présidence de la Conférence Olivaint et fait un discours de clôture le 16 juin 1880 à quelques jours de l'expulsion des jésuites : « Dès ce moment aussi, nous avons vu des exils, de longs exils, commencer pour les prêtres vénérés que nous aimons. Nous avons assisté aux tempêtes des décrets. Ces tempêtes nous les avons même vécues. Eh bien, vous le dirai-je ? Cette histoire nous a remplis d'espérance pour l'avenir. Car enfin nous avons appris une chose : c'est qu'on a beau exiler les personnes, on n'exile pas la foi, on n'exile pas la liberté » [59]. Il n'y a donc jamais à se décourager. Saleilles veut donner sens à ces épreuves, qu'elles viennent de la République qui expulse à nouveau en 1902, ou de l'Église qui condamne des personnes qu'il admire. L'optimisme est un des traits du catholicisme libéral historique, en particulier dans la mesure où il fait confiance à la libre discussion pour accéder à une vérité toujours en marche. Ces libéraux ont une philosophie de la durée et une confiance spontanée dans le triomphe final de la vérité et de la liberté [60]. Saleilles, après la condamnation du modernisme, se situe sur la même ligne : « Pour que la vérité se dégage de l'erreur, il faut que toutes les contradictions se produisent. Tout n'est qu'action et réaction. Pour qu'une petite vérité se dégage, il faut que beaucoup d'erreurs se fassent jour ; c'est à force d'hypothèses, qui successivement sont reconnues fausses, que la science parvient à découvrir les lois secrètes, que lui cachait le mystère de la nature. Il en est ainsi du divin et du surnaturel ». Saleilles n'est donc pas effrayé « de certaines hardiesses qui ont pu se produire en ces derniers temps, ni scandalisé de certaines interventions qui ont pu en étonner beaucoup » [61].

Masses et élites

20 On ne conçoit guère de libéralisme sans un certain usage de cette opposition. Elle est fortement présente chez Saleilles qui s'en sert pour penser et vivre sa position (très) minoritaire, plus encore dans l'Église que dans la République. Cette ressource est fondamentale dans son dialogue confiant avec l'abbé Birot : « ... il est des heures sombres où les masses devenant décourageantes, on a besoin pour se reprendre de se raccrocher à l'élite » [62]. Il oppose la petite élite des hommes « qui donnent le spectacle du courage, de l'effort, de la sagesse et de l'intelligence » comme les archevêques de Rouen et d'Albi, à la masse des simples et des pauvres d'esprit qui se font gloire de gouverner l'Église [63]. Plus sévère encore, dénonçant l'incapacité des catholiques à parvenir à « une vue supérieure du christianisme », il écrit : « Pour quelques hommes de Dieu comme vous qui voient le catholicisme de ce point de vue, que de paganisme ancien, et de sectarisme dans les masses et dans le clergé ! » [64]

21 L'opposition masse-élite sert aussi à penser la « déchristianisation » et permet à Saleilles de donner un tour positif à cette évolution. Analysant « les conditions du retour au catholicisme », il veut qu'on distingue mieux le domaine d'extension de la foi et celui de l'influence de l'Église : « Et, si le foyer est restreint, mais que la chaleur en soit plus vive, que la foi y soit plus sincère et l'amour plus profond, le triomphe final, au point de vue qu'a pu viser l'Évangile, ne sera-t-il pas plus complet, et, à coup sûr plus réel, qu'il ne le serait sous toute autre forme dont les apparences fussent trompeuses ? » Pour Saleilles, la foi sincère dépend de bien d'autres conditions qu'une question intellectuelle ; « aussi ne sera-t-elle jamais que le fait d'une élite. Mais c'est l'élite qui mène le monde » [65]. Il est plus important pour le christianisme de produire quelques « types supérieurs d'humanité qui n'auraient pas existé sans lui » que de rechercher la masse. Partant des sermons de Newman sur le petit nombre des élus et leur rôle au point de vue de la diffusion de la vérité, il affirme que « l'humanité étant ce qu'elle est, la masse sera toujours la masse ; et il suffit d'une élite, de quelques personnalités supérieures issues de l'Évangile, de quelques saints qui aient révélé Dieu et son oeuvre à travers l'histoire pour que le christianisme ait remporté la victoire et prouvé sa propre divinité » [66].

22 L'élitisme de Saleilles correspond-il à un trait caractéristique du catholicisme libéral ? On a remarqué depuis longtemps déjà qu'il constituait un milieu social étroit et, en particulier, un réseau d'amitiés dans une élite étroite [67]. Le milieu universitaire auquel appartient Saleilles y contribue. Dans le rejet de la culture intransigeante intervient à l'évidence cette appartenance, à la fois sociale et culturelle, qui refuse une certaine culture populaire facilement perçue comme ligueuse. Le réalisme et la prudence du juriste poussent dans le même sens.

L'Église et le monde moderne

23 Tous les acteurs ont compris à l'époque que les deux crises qui ont affecté les catholiques français mettaient en cause les rapports de l'Église et du monde moderne. Chacun pouvait se souvenir des propositions 55 et 80 condamnées par le Syllabus : « L'Église doit être séparée de l'État, et l'État séparé de l'Église » ; « Le pontife romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, avec le libéralisme et avec la civilisation moderne ». Saleilles appartient à ceux pour qui non seulement ces deux propositions ne posent pas de problème mais qui les approuvent en profondeur. Comment renouer avec le monde moderne tout en conservant une forte identité catholique ? Il recherche une via media.

24 Renouer avec le monde moderne

25 La société moderne ne pose pas de problèmes à l'Église sur le plan social et les nouvelles énergies laïques sont poussées à s'y investir en priorité. Saleilles s'engage sur un terrain plus périlleux parce qu'il est politique mais aussi proprement religieux.

26 Un catholique libéral doit affronter l'intransigeance romaine vis-à-vis du monde moderne, pour défendre une ouverture sur ce monde, non seulement politique mais théologique. Alors même qu'il rend un hommage appuyé aux jésuites qu'il a fréquenté à la Conférence Olivaint, Saleilles semble conserver quelque chose de la vieille méfiance libérale contre eux [68]. Sans doute, faut-il penser que les jésuites qu'il vise sont ceux de la Civiltà cattolica restés les garants de la tradition intransigeante. Il conserve ainsi d'anciennes hantises libérales (et gallicanes ?) : la liberté retrouvée du pape de nommer des évêques ne lui permettrait-elle pas « de mitrer des jésuites » ? Il soupçonne encore les jésuites, grâce à l'intransigeance pontificale en 1906, de désirer ouvertement « le culte privé et un régime de mission, de petites chapelles et de catholicisme de salons et de châteaux » [69], le contraire d'un catholicisme ouvert sur la société.

27 La critique de la politique papale à l'égard de la Séparation est sévère et le ton plus dur que pour la condamnation du modernisme. La question paraissant plus politique que théologique, Saleilles se sent-il ici sur le terrain des « choses libres » contrairement au débat sur le modernisme ? Les laïcs ont ici quelque chose à dire : « De ces dernières [intransigeances et sottises], nous pouvons bien dire que Rome a eu le monopole ; jamais groupe d'hommes n'a donné spectacle plus humiliant et fait preuve d'une inaptitude, d'une inintelligence des réalités aussi profonde que nos pauvres catholiques. Ils ne savent qu'organiser le désordre ; et cela prouve combien l'excès d'autorité poussé à un certain degré ressemble à l'anarchie elle-même. Il paralyse tout et entrave tout aujourd'hui, évêques, curés, fidèles, ne peuvent faire le moindre geste sans en demander la permission à Rome » [70]. Il revient souvent sur la centralisation romaine qui conduit à une soumission des évêques soupçonnés de se réunir uniquement pour ratifier un ordre préparé depuis longtemps par Rome [71]. Saleilles émettra le v u d'avoir un véritable épiscopat en face du Pape [72]. Dans le mémoire envoyé directement à Merry del Val il « laissai[t] entendre que, chez la plupart des catholiques qui ne sont que des catholiques sans être des politiciens, on trouverait l'obéissance mais l'obéissance purement passive et résignée, et que ce n'est pas avec cela qu'on va à la victoire » [73].

28 Ses jugements restent sévères lorsqu'il s'agit des démêlés de l'abbé Lemire avec sa hiérarchie et avec Rome. Au-delà de la question de savoir si un prêtre peut occuper une fonction civile ou civique, se présenter aux élections ou encore enseigner, « ce n'est plus l'abbé Lemire qui est en jeu mais tout ce qui peut rester d'avenir au catholicisme dans notre pays, où l'on fait tout pour le perdre. Ruines matérielles, ruines intellectuelles ou morales, Rome les accumule toutes ! » Il en conclut que la situation du prêtre est encore plus dure à vivre que celle des laïcs : « Comme il est terrible d'être prêtre en ce moment ! Pour tous ceux qui ne partagent pas du fond du c ur ces sentiments d'intransigeance et d'intolérance absolues qui règnent au Vatican, quel martyr moral et quel martyr de conscience ! » [74] Ici, c'est plus encore la manière par laquelle Rome procède que la question de fond qui appelle la critique de Saleilles. Il est légitime de vouloir sauver la foi mais pas en abaissant les caractères et en avilissant les âmes [75]. Il dénonce donc des pratiques inadmissibles : ce « régime purement disciplinaire, [...] où l'on accuse et où l'on condamne sans que jamais les intéressés soient appelés à se défendre, ce qui est scandaleux et révoltant » ; à propos de la philosophie du pragmatisme, Rome « condamnant avec sa brutalité ordinaire » [76]. Saleilles pense qu'une limite objective existe à ce système de commandement : « On veut faire de nous une grande armée avec un seul chef. On oublie que la discipline militaire n'est possible que si elle ne prend qu'une fraction de l'homme » [77]. Le risque avec de telles m urs est de réduire l'Église à une secte : « Sinon, ce serait le cas, pour une fois, de dire avec Loisy que le catholicisme n'aurait plus qu'à se rétrécir en une secte de plus en plus fermée pour mourir » [78]. Ce comportement disciplinaire contient un risque grave et il ne faut pas « se mêler à un mouvement qui risque de faire du christianisme un instrument de déloyauté pour les âmes, de déformation pour les consciences, de rapetissement pour les intelligences » [79].

29 On peut parler à propos de Saleilles d'une « génération Léon XIII », celle d'une Église ouverte au monde, puisque lui-même présente ainsi les choses [80]. Ce pape a été pour lui le signe d'un renouveau de l'Église après une période de renfermement. Il confie en 1909 ce que furent les espérances de cette génération à un moment où le même syndrome de repli se reproduit dans l'Église [81]. Saleilles a assisté à « d'admirables triomphes pour la foi » : avec ce pontificat « il semblait que partout un souffle d'en haut soulevât les nations et emportât les âmes pour les rapprocher de l'Église ». Non seulement les États se réconciliaient avec l'Église (Allemagne, Angleterre, France) mais « l'Église allait au peuple, et le peuple semblait prêt à accueillir l'Église ». Saleilles rappelle le mouvement de conversion qui touchait des intellectuels notoires comme Brunetière. « Et nos c urs battaient alors d'une immense espérance ». Son amitié avec l'abbé Lemire et son soutien indéfectible fait partie de cet effet « générationnel », de cette ouverture sur le plan social mais aussi politique. Lorsqu'il assiste à un nouveau raidissement de l'Église, la référence à cette époque reste un objet d'espérance : « Nous aurons beau faire, nous ne pourrons pas empêcher l'ouragan de passer. Arriverons-nous à l'arrêter, qu'on nous en ferait un reproche éternel, à nous ces affreux modérés, amis et admirateurs de Léon XIII,... Après cette épreuve, nous sortirons de nos retraites, ou de dessous la meule si l'on va jusqu'à nous mettre sous la meule, pour réédifier ce que les autres auront détruit. Après les Pie IX, Dieu ne manque pas d'envoyer des Léon XIII » [82].

30 Tous les enthousiasmes et les engagements catholiques avec tous les hommes dans la société ne sont pas nécessairement libéraux. Le libéralisme de Saleilles se révèle peut-être le mieux dans la façon dont il mesure les « illusions anciennes » de cette génération sur le « triomphe de l'Église ». En 1909, il confie très explicitement que « nous avions rêvé de triomphes qui ne sont pas venus, qui ne viendront pas, qui n'ont pas besoin de venir » [83]. Les triomphes extérieurs sont susceptibles de faire obstacle aux triomphes intérieurs [84]. Saleilles dénonce chez certains le retour obsédant de ces triomphes extérieurs de l'Église. C'est un rêve qui entrave bien des progrès et on ne reviendra pas au temps où l'Église était une puissance grâce à ses privilèges et à son rôle politique [85]. Le point de vue religieux parachève son analyse historique : Saleilles confie qu'il n'ose pas parler du triomphe de l'Église car Dieu « ne le lui a jamais promis » [86]. On assiste ainsi chez lui à une double évolution, marque de son libéralisme. La perte de ses illusions de jeunesse peut être comprise comme la sortie d'un idéal, même vague, de chrétienté ou de retour à une nouvelle société chrétienne. Il a, en effet, une claire vision de la « sécularisation » de la société française. Il en déduit qu'il faut abandonner le rêve du retour à une chrétienté qui mêle puissance spirituelle et politique. Il observe que « le peuple, chez nous, vit dans un agnosticisme inconscient, qui ne vient d'aucune conviction scientifique, qui ne vient même plus, quoiqu'il en ait été ainsi à l'origine, de l'hostilité politique, mais qui tend à être déjà un état habituel et héréditaire, et par suite normal » [87]. Sa réponse à l'enquête de Rifaux est donc très clairement formulée : « ... lorsqu'on parle d'un retour au catholicisme, j'imagine que l'on a en vue, en aucune façon, la situation politique ou sociale qui pourrait jamais revenir à l'Église, mais le moyen sous une forme quelconque de faire revivre le sentiment religieux chez les masses, et de restaurer chez elles la foi en Dieu d'abord, et, en même temps, la foi au Christ vivant opérant dans l'Église » [88]. Ainsi, pour Saleilles, aucun retour au catholicisme n'est pensable autrement que sous la forme d'une religion intériorisée, c'est-à-dire d'une religion qui donne la priorité à la liberté de la conscience individuelle et abandonne le rêve d'une position centrale ou privilégiée. Il a même tendance à croire que c'est la tendance spontanée des masses : celles-ci « comprennent beaucoup plus qu'on ne croit la profondeur de vie cachée que contient le sentiment évangélique ». Il précise plus nettement encore son propos en disant : « Le peuple et les masses qui ne connaissent ni Tolstoï, ni Ruskin, ni Newman, ont le vague sentiment que la religion est avant tout un éveil de la conscience individuelle et une explosion intense de la vie intérieure en communication avec Dieu » [89]. Dans L'individualisation de la peine où il s'oppose au positivisme du criminel-né de Lombroso, il lie les initiatives en matière de réforme morale à cette intériorisation personnelle de la vie religieuse. Les confessions chrétiennes y compris le catholicisme sont de plus en plus gagnées par cet « esprit de vie individuelle ». Il concluait qu'on assisterait peut-être « à la renaissance d'une vie religieuse très personnelle et très individualisée », qui pourrait contribuer à la régénération morale des délinquants [90]. Le catholicisme libéral de Saleilles se distingue bien de l'intégralisme du catholicisme social parce qu'il est sensible aux séparations qu'il faut établir pour que s'épanouisse cette liberté de conscience. Il faut accepter à la fois la séparation de la religion et de la politique et celle de la science et de la foi. Saleilles renonce à vivre dans un monde globalement unifié. La liberté individuelle fragmente la société et la connaissance. Parlant de ce catholicisme qui « prend le tout de l'homme », il précise : « il faut bien qu'il fasse la part de ce qui est de la nature même de l'homme, la part des diversités de tendance, la part de la liberté, de tout ce qui fait qu'un homme est un homme » [91].

31 Si Saleilles reflète assez bien les différentes formes d'engagement qui s'ouvrent aux laïcs en cette fin de xixe siècle, il se singularise par un engagement « modernisant ». La Conférence Olivaint conservait encore la forme classique d'un groupe dirigé par un religieux. Au moment de la Séparation l'engagement du juriste est libéral sur le fond et dans sa forme. Saleilles reprochera à A. de Mun et aux catholiques intransigeants d'avoir voulu utiliser le ressort démocratique non sans populisme. Mais l'engagement le plus neuf et le plus original encore à cette époque est son intervention dans le domaine proprement religieux ou théologique [92]. Il écrit un certain nombre d'articles autour de thèmes « modernistes » [93]. Imbart de la Tour disait que deux questions avaient été importantes pour lui : l'évolution du dogme ; les rapports de l'exégèse et de l'historicité. Rappelant aux étudiants que leur premier devoir est d'aider l'Église, Saleilles leur précisait que « ceci nous regarde surtout, nous autres laïques ». La question est de savoir sous quelle forme les laïques ont à intervenir. Il ne cachait pas aux étudiants de l'Olivaint, à la lumière de la nouvelle situation créée par la Séparation, qu'il faut des « m urs nouvelles » dans l'Église. Il convient de coordonner deux éléments trop séparés par le passé, les fidèles et le clergé. Les laïques auront à respecter le clergé mais celui-ci devra apprendre aussi des laïcs, par exemple, « ces petites vertus bourgeoises, un peu laïques peut-être » que sont une certaine transparence financière, régularité et loyauté des comptes.

32 Saleilles appartient à un réseau « modernisant », ces catholiques « éclairés » dont parle l'abbé Dimnet, moins conservateurs que ceux du Correspondant [94], qui entendent apporter des réponses nouvelles aux questions très diverses que le monde moderne adresse depuis longtemps à l'Église. Au-delà de la condamnation qui les unit de façon artificielle, ils ont tous le réflexe commun de préserver la libre réflexion. Dès 1909, G. Weill avait bien situé Saleilles au milieu de ce monde du catholicisme libéral qui ne cherchait pas seulement à répondre à la question politique des rapports de l'Église et de l'État mais entendait aussi se situer sur le plan des rapports entre l'Église et le monde moderne sous tous ses aspects. Saleilles collectionne les amis ou relations proches qui font l'objet de condamnations. Il fait un long compte rendu élogieux du livre de Fogazzaro, Il Santo, condamné peu après en 1906 et, cela, dans La Quinzaine de G. Fonsegrive. Il l'accueillera par la suite à Paris tout en évitant la provocation [95]. Il fait préfacer sa traduction des sermons de Newman par l'abbé Dimnet, spécialiste de Newman avec l'abbé Brémond qui seront tous les deux inquiétés. Il correspond avec G. Tyrell alors qu'il a été lourdement condamné et expulsé de la Compagnie de Jésus et que la sépulture religieuse lui sera refusée. Son amitié et son soutien à l'abbé Lemire est constant surtout lorsque celui-ci est menacé. Saleilles est lié à Fonsegrive, mais aussi à Imbart de la Tour. Il est un des premiers abonnés de la revue Demain. Les liens avec Mgr Mignot et son vicaire général Louis Birot sont très importants, eux-mêmes proches un certain temps de Loisy et amis de Lemire [96].

33 Saleilles est très vivement intéressé par le renouveau intellectuel et théologique. Il se plaint souvent de la passivité intellectuelle des catholiques, citant la formule de Guizot à propos du catholicisme « une grande école de respect » mais ajoutant qu'« il est avant tout une grande école d'inertie intellectuelle et de paralysie morale » [97]. Saleilles croit fermement au renouveau intellectuel du catholicisme puisque l'existence de courants théologiques différents et « le renouvellement de la vie intellectuelle qu'ils ont produit » est un constat objectif [98]. La longue liste d'auteurs et de revues qu'il cite est révélatrice de son ancrage dans tout un monde qui sera bientôt condamné ou proche de l'être. Sa position est claire : « Aujourd'hui, la vie circule dans toute cette poussière ; l'éveil a sonné, la résurrection commence ; ce ne sont plus seulement les spécialistes qui s'intéressent à ce qu'on appelait jadis de simples disputes de mots ; ce ne sont plus moines et docteurs qui se renvoient les anathèmes dans les congrès ; ce sont les laïques qui entrent en scène... pour s'intéresser à des questions vitales qu'ils n'avaient que trop dédaignées » [99]. Les catholiques ne se contentent plus d'une pratique de pure dévotion mais s'intéressent à une connaissance personnelle de leur religion sous l'angle de la science et de l'histoire. Loin d'y voir un symptôme de crise ou de décadence, Saleilles n'y reconnaît que la vie se renouvelant. Il veut bien parler de crise intellectuelle si on entend par là que ce mouvement a mis « en lumière l'impuissance radicale du catholicisme, parce qu'il est une religion dogmatique, à s'adapter à la pensée contemporaine ». La crise n'est pas dans cette ébullition intellectuelle, mais dans l'inadaptation de la pensée catholique au monde moderne : « Le jour où le dogme aura repris contact avec l'âme des croyants, il aura vite fait de reprendre contact avec l'âme des foules » [100]. Ce programme que Saleilles exposait en 1905 avant les condamnations successives, il le maintint après en exposant en 1909 aux étudiants le devoir intellectuel des catholiques. Ils ont été secoués de leur sommeil et pris de panique, eux qui vivaient comme de « petits païens », ignorants de leur religion : « Vous n'avez pas le droit de vous en tenir là », vous qui êtes étudiants, travailleurs intellectuels. Et il fixe leur programme : « N'ayons pas la superstition de la science et de la raison, mais ayons-en le respect » [101].

Une identité catholique affirmée

34 « Je ne me crois cependant pas le droit de laisser entendre que, à l'exemple de tant d'autres, je ne prends pas ma foi au sérieux et que j'en accepte le contenu comme un catéchisme purement formel, auquel ne s'adaptent ni mon c ur ni mon intelligence » [102]. Il affirme donc une foi réfléchie contre une appartenance sociologique ou simplement coutumière. C'est un laïc qui pense et fait oeuvre intellectuelle. Mais il répond aussi indirectement au soupçon que le libéralisme intellectuel dissoudrait la foi. Il trouve dans son libéralisme même le sens de son appartenance à l'Église [103].

35 À de nombreuses reprises Saleilles pose les limites qu'il n'entend pas dépasser sur le plan doctrinal alors même qu'il affirme une volonté de libre réflexion. Son libéralisme, tout « modernisant » qu'il soit, entend ne pas tomber dans un libéralisme théologique. Il marque sa différence à propos des excès des modernistes italiens : « Ce n'est pas ma religion, à peine un protestantisme libéral et vague ; c'est un socialisme mystique et pas autre chose ; le rêve de l'âge d'or ici-bas et supprimé là-haut » [104]. Saleilles, en bon juriste, recherche le critère de distinction : il existe « une pierre de touche du christianisme, la foi en la divinité du Christ, garantie par l'Église ». Celui qui ne l'admet plus n'est ni catholique ni chrétien. Saleilles est ainsi navré par le dernier petit livre de Loisy, Quelques lettres : « Car, en somme, si intangible et si haute que soit sa conscience individuelle, il nous faut bien reconnaître, d'après quelques lettres où il livre tout le fond de son âme, qu'au moment même où il prétendait s'imposer à l'Église, rester dans l'Église et se proclamer catholique, il ne croyait plus à la divinité du Christ et semblait incertain lui-même de savoir s'il croyait encore en un Dieu personnel ! » [105]. Saleilles s'interdit la liberté des protestants. Il a une vue pessimiste de ses effets, un peu comme Tocqueville à son retour d'Amérique : « Aujourd'hui que le protestantisme se meurt et se disloque et que partout ailleurs que dans le catholicisme, le christianisme s'évapore dans des symboles et des mythes sans réalité, quel beau rôle nous resterait à remplir si nous savions, au lieu de la guerre, apporter à ces masses paganisées, la source d'eau vive qu'elles attendent et que personne ne leur donne plus ! » [106] Ce jugement qui semble réduire le protestantisme au seul protestantisme libéral paraît bien caractéristique d'un enracinement catholique. Cette liberté protestante qui paraît si destructrice, retrouve pourtant une fonction positive dans une sorte de dialectique  cuménique avec l'Église catholique. Il faut se refuser à convertir les protestants car ils ont une fonction irremplaçable à remplir de même que les catholiques : « Car enfin si nous autres catholiques nous servons à entretenir les derniers actes de foi religieuse objective que garde le protestantisme, nos frères séparés sont la seule garantie que nous ayons de garder un peu d'indépendance de conscience, de dignité personnelle et de vertus humaines. Telle est l'économie du plan divin » [107]. Saleilles sauve la liberté théologique et la liberté de conscience par une articulation binaire qui répartit le travail entre deux institutions religieuses. Il trouve donc, du point de vue même des catholiques, une fonction positive à l'hérésie : « J'ai foi dans l'influence voulue par Dieu de certains curés plus individualistes jusque dans leur foi religieuse que nous ne sommes, nous autres Latins, qui n'avons jamais connu les épreuves, mais aussi peut-être les bienfaits de l'hérésie. Opportet haerem esse ! Que deviendrions-nous sans eux ! Ne souhaitons ni la conversion en bloc de l'Angleterre, ni celle de l'Allemagne et encore moins celle de l'Amérique. De celle-là surtout que Dieu nous préserve ! » [108]

36 Une dernière limite à la liberté intellectuelle dans l'Église naît pour lui de la priorité de la foi sur l'intellectualité. Il avait fait cet aveu avant les condamnations pontificales : est-il si important de savoir qui a écrit le quatrième évangile ? Il faut situer l'exégèse à sa place : « Est-il quelqu'un, à ce moment suprême, qui s'inquiète des interpolations du Nouveau Testament... ? » [109] Alors que les condamnations romaines réduisent au silence ou à la prudence intellectuelle un grand nombre de théologiens et de savants, Saleilles, tellement engagé dans la défense de la liberté intellectuelle, sait en prendre son parti d'un point de vue spirituel : « Croyez bien que, par les temps si durs que nous traversons, il faut mette une sourdine à nos investigations dissolvantes et faire du bien aux âmes, à commencer par la nôtre, par les moyens de pratique et d'expérience religieuse que le christianisme nous fournit » [110].

37 Saleilles vit mal les condamnations romaines que ce soit au moment de la Séparation ou avec le modernisme mais il n'imagine pas de quitter l'Église. Par une lettre du 3 septembre 1906 à Merry del Val il applique le principe classique Roma locuta est, ce dont le félicite le cardinal Secrétaire d'État : les opinions contraires librement exprimées cessent de valoir lorsque le Pape s'est exprimé sur le sujet [111]. Saleilles reconnaît le rôle positif de l'institution et la valeur de la régulation ecclésiale. Il cherche donc à vivre ce temps difficile grâce à une via media.

38 « Nous sommes des vaincus ». Comment vivre la double défaite subie par ces catholiques libéraux ? et d'abord que veut dire se considérer comme des vaincus ? Peu avant la réunion des évêques de France le 30 mai 1906, il organise chez lui une « veillée des vaincus » avec l'abbé Lemire, son collègue Boistel qui aurait voulu signer la lettre des « cardinaux verts » : « C'est un peu pour la satisfaction de notre conscience que nous luttons ainsi jusqu'à la dernière heure » [112]. Lorsque se confirme l'opposition de Rome et la soumission des évêques et « que nous sommes décidément vaincus », Saleilles, adoptant une position pragmatique, se refuse aux récriminations : « Il suffit que chacun ait fait son devoir, selon sa conscience, pour n'avoir plus à regarder au passé et ne songer qu'à l'avenir et au chaos où l'on nous jette » [113]. Il dira avoir libéré sa conscience en écrivant en 1906 un mémoire à Merry del Val. La question est de savoir quelle sorte de soumission accorder à l'Église devant ce qu'il qualifie de nouveau Syllabus [114]. Le principe général de son attitude repose sur une double articulation : indépendance quant aux idées ; discipline quant à l'obéissance matérielle. Saleilles refusait la révolte parce qu'il n'avait « jamais eu un instant la pensée de s'isoler dans un pseudo-mysticisme individuel [...] Il savait que la religion est essentiellement un phénomène social et que, à l'exemple de Jésus, chaque chrétien a le devoir d'accepter généreusement le fardeau des misères qu'il veut racheter... » [115]. Devant l'ouragan, Saleilles préconise donc la patience. Il vient toujours un temps où l'on sort de sa retraite pour réédifier ce que les autres auront démoli. Un pape succède à l'autre [116]. Le principe est donc d'attendre et de faire confiance à Dieu jusqu'à ce qu'on puisse à nouveau chercher la vérité sans y risquer la foi [117]. Pourtant Saleilles approuve l'attitude de Mgr Mignot qui ne se réfugie pas dans un silence boudeur et continue de prendre la parole [118]. Finalement Saleilles estime que « ce sera l'épreuve providentielle voulue par Dieu pour montrer que sa vérité est plus forte que toutes les barrières hiérarchiques auxquelles on veut le soumettre et que là où toute autre institution humaine aurait depuis longtemps trouvé la mort, son Église saura puiser la vie. Il nous suffit d'attendre » [119]. Saleilles hésite un moment sur le sens de cette répression vaticane qu'il finit par interpréter un peu comme une ruse de la raison ou comme un moyen nécessaire et utile. Parlant du modernisme italien qu'il n'approuve pas : « J'en arrive à croire qu'il fallait pour le combattre une réaction violente, presque injuste. Nous l'avons. Mais ce ne peut être un état durable... C'est un mal nécessaire comme le Pontificat actuel » [120]. L'interprétation que Saleilles cherche à donner à cette épreuve reste hésitante puisqu'il se plaint aussi que cette répression abaisse les caractères et avilit les âmes.

39 Saleilles admet profondément la valeur de la régulation ecclésiale. P. Bureau le notait, son individualisme ne va pas jusqu'à nier le caractère social de la religion. Une religion strictement individuelle est dénuée de sens pour lui. Pourtant, il le redit constamment, on ne bâtit rien contre la liberté de conscience et sans prendre appui sur la valeur intérieure de la religion. Il faut donc saisir la conviction religieuse à la fois comme la chose la plus individuelle qui soit et comme nécessairement appuyée sur une institution. Il existe donc une double expression de la foi : par l'Église et par chaque individu. Il s'ensuit une distinction des rôles où l'une définit et l'autre exprime librement sa compréhension individuelle : « Autant il serait ridicule que nous autres laïcs eussions la prétention de définir ce qui est de foi et ce qui ne l'est pas, autant il nous est légitime de prendre conscience de notre état d'âme et de dire, en toute franchise, comment nous comprenons, pour notre compte personnel, les choses de la religion, quel est l'état, si je puis dire, de nos relations intellectuelles avec Dieu, sans vouloir que cet état soit le même pour tous » [121]. C'est en toute connaissance de cause que Saleilles maintient en 1907 après les « condamnations retentissantes » et alors qu'il se sent impliqué dans ce moment disciplinaire, son jugement sur ce « beau mouvement intellectuel ». Il conserve sa conception et son optimisme libéral quant aux conditions d'accès à la vérité. Celles-ci sont les mêmes que pour la science moderne : grâce aux hypothèses et aux erreurs progressivement corrigées par la libre discussion et contradiction. Il faut laisser opérer une sélection. « Pour toutes ces raisons, je ne suis donc, ni effrayé de certaines hardiesses qui ont pu se produire en ces derniers temps, ni scandalisé de certaines interventions qui ont pu en étonner beaucoup ». Il définit ainsi le catholicisme comme « un système d'autorité, dont la hiérarchie, toujours prudente et sage, a plein pouvoir pour intervenir et modérer les hardiesses qui peuvent devenir dangereuses ». Ainsi, il faut applaudir à la fois aux novateurs hardis mais plus encore à l'autorité qui conserve une vue d'ensemble du catholicisme [122]. À la recherche d'un équilibre, Saleilles refuse pourtant le parlementarisme dans les choses religieuses [123]. Le système du libre examen n'est pas catholique. Son libéralisme, parce qu'il fait toute sa place à la conscience individuelle, ne peut lui donner qu'une valeur individuelle et par là relative. La régulation n'est pas, à proprement parler, confiée à l'institution mais à une opinion publique catholique qu'elle contribue à rassembler. Cette opinion publique fonctionne comme chez les libéraux optimistes tels B. Constant. La régulation y est interne au mouvement lui-même grâce à la sélection qui s'opère et semble ne pouvoir aller que vers la vérité. « Aucune de ses aspirations ne peut se donner pour être la vérité ; et personne, dans un organisme hiérarchisé et coordonné comme est l'Église du Christ, ne peut se dire qu'il a trouvé la vérité. Et cependant de tous ces éléments individuels se dégage peu à peu une synthèse collective qui réagit sur la construction d'ensemble ; et si l'Église a seule qualité pour formuler les précisions qui lui paraissent acquises, elle n'est, là encore, que l'organe d'une pensée qu'elle n'a pas créée et l'interprète d'un mouvement dont elle recueille les résultats, sans en avoir eu le monopole, et encore moins l'initiative » [124]. Saleilles exprime ici un sens de la Tradition qu'il faut relier la position de Newman théorisant l'évolution du dogme. Ceci lui permet d'absorber sans chocs excessifs toutes les tentatives de rénovation intellectuelle au nom de la formation même de la Tradition : « Ces intransigeances sont choses naturelles et forcées dans un organisme qui repose sur la tradition et qui puise en elle à la fois sa force de conservation et sa valeur progressive. Car qui dit tradition dit fluctuations d'opinion, et donc évolution » [125].

40 Saleilles tente donc de déterminer la via media qui stabilisera une position « libérale » dans l'Église et non en dehors d'elle [126]. Cette via media est évidemment à relier à sa modération. D'un point de vue philosophique, Saleilles avait écrit à l'abbé Birot que la Révélation, se faisant par des organes humains, il fallait en tirer les conséquences : « Et alors n'est-ce pas une raison pour nous détacher en tout de l'absolu, qui appartient à un domaine étranger à l'humanité, et pour ne voir, même en matière religieuse, que cette part de relatif, donc de modération, de compromis et de via media qui est le règne et la marque de toutes les  uvres où l'homme a sa part, même quand Dieu a la sienne ? » [127] Sa via media affronte deux difficultés principales pour l'Église au début du xxe siècle. Imbart de la Tour a souligné que Saleilles avait cherché une conciliation entre l'histoire et la théologie ou la science et la religion, mais aussi ardemment entre l'Église et la société ? [128] Le libéralisme de Saleilles consiste à assumer deux séparations : celle de la science et de la foi pour lesquelles il ne veut pas de fausses réconciliation mais une indépendance de plus en plus radicale qui les rendent non pas étrangères mais incapables d'être encore solidaires [129] ; celle des Églises et de l'État. La question proprement religieuse du dogme est aussi au c ur de cette voie moyenne. L'influence de Newman est décisive sur ce point, et à cette époque elle n'est pas très bien vue des autorités romaines. Il est tout particulièrement attiré par la théorie du développement du dogme. C'est là qu'il trouve l'accord qu'il cherche entre la vieille théologie et les méthodes et les découvertes de la science historique ; il avait la certitude que le dogme catholique immuable en son essence n'était pas tout entier contenu dans ses formulations verbales ou ses représentations intellectuelles [130]. Du dogme, chacun « ne peut s'en faire qu'une notion approximative et toute relative, répondant à sa mentalité propre, et répondant à chaque époque successive, à la mentalité générale de l'humanité, aux vues nouvelles que jettent dans le débat et les solutions scientifiques définitivement acquises et les courants philosophiques qui deviennent dominants » [131]. Saleilles se coule donc dans la vision d'un progrès continu qui consonne bien avec toute la culture libérale. Il est vrai qu'il conçoit aussi un organe régulateur de ce progrès : « Et c'est parce qu'il se fait un progrès continu, très différent de l'immobilité apparente, qu'il faut un organisme chargé de ce travail de coordination et une hiérarchie appelée à faire la sélection » [132].

41 Saleilles cherche encore le bon équilibre dans les rapports entre la liberté de la recherche et l'autorité de l'Église. Il veut indiquer une voie moyenne en utilisant la distinction du c ur et de la raison. Seule, cette dernière est soumise à la régulation légitime de l'institution. La distinction prend une tournure plus critique lorsqu'il envisage une interdiction du mandat de député pour l'abbé Lemire qui n'aurait plus que sa mission de prêtre et de prédicateur et commente ainsi les positions respectives : « Chacun aura fait son  uvre. Rome son oeuvre de gendarmerie intellectuelle, et les autres leur oeuvre de disciples du Maître » [133]. Saleilles est certainement plus exaspéré par l'attitude de Rome sur la question de la Séparation que sur celle du modernisme. Dans ce dernier cas, il est plus peiné par la manière adoptée que par le principe d'une intervention de l'institution. Comment construire une via media en ce qui concerne la liberté d'expression ? Il le fait en recourant à une double série de distinction : les laïcs sont susceptibles de plus de liberté que les clercs. Les protestants qui ont une totale liberté doivent subsister à côté des catholiques dans une sorte de répartition des tâches au sein du christianisme. Enfin, dans la suite de la tradition libérale, Saleilles défend l'existence de « questions libres » : « Il faut cependant que l'on sache que tous les catholiques ne sont pas disposés à marcher au doigt et à l' il sur des questions qui touchent aux questions libres. Nous aussi, nous avons nos cas réservés, il faut qu'on le sache » [134]. On ne peut pas objecter le principe de l'unité catholique pour limiter la liberté de la recherche, car il existe des diversités intellectuelles inséparables de la diversité des esprits : « Quand donc renoncera-t-on à cette chimère de l'unité catholique qui n'a jamais existé, et qui existera de moins en moins ! » [135] Pour Saleilles, il n'y a qu'une pierre de touche du christianisme, la foi en la divinité du Christ ; l'unité se fait sur ce point. Saleilles n'est pas devenu protestant pour autant [136]. Il est avant tout libéral et la façon dont il entend la signification et la portée de la liberté d'expression contient naturellement sa propre régulation. La logique de la liberté individuelle le conduit à ne reconnaître à cette opinion qu'une valeur individuelle. L'Église retrouve ici sa fonction propre d'expression collective de la foi et l'individualisme religieux ses limites naturelles. « Chacun en exprimant ce qu'il ressent à ce sujet [le dogme] ne peut donc avoir la prétention de donner sa pensée comme représentant la vérité absolue, dans toute son objectivité ; il ne donne que sa façon de concevoir, ou plutôt de ressentir, tel qu'il se produit en lui, dans son âme et dans son esprit, des définitions qu'il a acceptées pour être les formules des réalités auxquelles il croit. Il en résulte que tout catholique, lorsqu'il émet son opinion individuelle, en matière de religion, entend bien émettre une simple opinion, comme un reflet qui ira rejoindre, avec d'autres, toutes ces impressions issues de la méditation des âmes religieuses pour se réunir en un prisme total, que l'Église, dans son ensemble, a seule qualité pour accepter, comme étant vraiment la manifestation, sous une expression humaine, d'une vérité divine » [137]. E. Gaudemet soulignait combien son compte rendu de Il Santo livrait ses pensées les plus chères et citait ces formules dans lesquelles Saleilles parlait de « vivre, sous le couvert de l'Église, de la vie religieuse la plus intense et la plus obéissante, en même temps que la plus individuelle... » [138] Il modère même l'usage de la libre recherche intellectuelle par rapport à la foi dans la vie chrétienne. Il pose une limite à la passion de l'exégèse scientifique et n'ignore pas qu'il a existé de vrais chrétiens « sous le couvert d'une très pauvre exégèse » [139]. La régulation par le débat public se double d'une forme de régulation spirituelle qui hiérarchise les valeurs en jeu.

Conclusion

42 Pour comprendre ce que Saleilles veut dire en se nommant « catholique libéral », il faut répondre à trois questions : Qu'est-ce qu'être libéral pour lui ? Quelle est la portée de son libéralisme sur sa foi ? Quelle est la portée de sa foi sur son libéralisme ?

43 Son libéralisme peut être considéré comme essentiellement politique parce qu'il place en son centre les conditions de la libre recherche de la vérité par la conscience individuelle. Le principe de séparation des Églises et de l'État, en mettant fin aux liens entre la puissance politique et la religion, ouvre l'espace du débat et crée une société ouverte où la vérité conserve toutes ses chances. Saleilles, en tant que catholique, accepte le principe d'une régulation institutionnelle et s'y soumet. Mais il comprend cette institution comme ouverte elle-même à une « opinion publique » qui lui soumet régulièrement de nouvelles questions et de nouvelles réponses. La liberté politique est bien le modèle de référence pour imaginer le fonctionnement de la liberté religieuse non seulement dans l'État mais encore dans l'Église. En bon libéral, il ne conçoit pas cette opinion comme souveraine. Il estime normal qu'une élite ou des supériorités (morales ou institutionnelles) disposent d'une autorité régulatrice. Il accepte clairement les principes de la démocratie politique, même s'il essaie d'atténuer le principe majoritaire en cantonnant son domaine [140]. Cette vision politique de la liberté peut-elle rester indépendante de tout libéralisme théologique ? [141]

44 Le libéralisme de Saleilles n'est pas resté purement politique. Son refus de l'intransigeantisme l'a conduit à vouloir la séparation et à s'intéresser aux ouvertures provoquées par le « modernisme ». Contre la fermeture intransigeante, il s'est montré ouvert même s'il a fait une différence entre les domaines, politique et théologique. Il adopte une interprétation libérale de l'action de Léon XIII : il s'agit de maintenir la présence du christianisme dans un monde qui change. Contre le pessimisme de l'intransigeance papale, son optimisme n'est pas celui des Lumières françaises mais plutôt celui d'un Popper théoricien de la société ouverte. Ce libéralisme le met à l'aise pour vivre dans un monde pluraliste et conflictuel. La séparation des ordres (science et foi ; État et Églises) conduit à la possibilité d'un respect mutuel. Son libéralisme parce qu'il protège l'individu, le pousse à développer une conviction religieuse intériorisée, à l'abri des pressions politiques comme du conformisme social. Cette intériorisation n'est pas une privatisation, si du moins on ne laisse pas à la seule intransigeance le soin d'en donner la définition. Saleilles a souvent souligné qu'il n'avait jamais caché son appartenance religieuse. Il fut engagé dans des mouvements de jeunesse où il eût des positions publiques. Sa religion n'est pas la religion bourgeoise qui sépare radicalement l'espace religieux et la vie intramondaine. Son libéralisme va-t-il jusqu'au libéralisme théologique ? Dans cette ouverture spontanée vers de nouvelles interrogations, il conserve la prudence de celui qui connaît les limites de son propre jugement individuel.

45 On souligne souvent l'influence du libéralisme sur la foi ; il faut aussi faire l'inverse. Le libéralisme d'un catholique comme Saleilles peut présenter des différences importantes par rapport au libéralisme d'un Constant, d'un Thiers ou même d'un Guizot. Il est convaincu que les droits de la conscience individuelle ne doivent pas conduire à un individualisme absolu, ni religieusement, ni socialement d'ailleurs. Il est conscient que la religion reste quelque chose de social et cela l'oppose à la théologie libérale d'un Buisson qui dissout la religion dans un sentiment vague et évanescent. Ce caractère social de la religion qui n'est pas chose purement individuelle, justifie l'existence d'une régulation institutionnelle de la religion. Saleilles maintient pour la foi individuelle une extériorité qui justifie l'existence d'une Église au sens catholique. Il perçoit très bien le jeu de l'objectif et du subjectif qui fonctionne entre les catholiques et les protestants. S'il insiste à la manière des protestants sur les droits de la conscience individuelle, il loue l'Église catholique de maintenir un pôle objectif pour la foi. La question est, dès lors, de savoir comment il peut organiser cette régulation ecclésiale de façon « libérale » et échapper au modèle intransigeant de gouvernement. Manifestement pour Saleilles, il existe une « opinion publique catholique » et celle-ci, à la manière libérale, soumet non seulement le peuple des laïcs mais aussi l'institution ecclésiale elle-même. Saleilles distingue l'expression individuelle de la foi et son expression institutionnelle par le dogme. Comment articule-t-il les deux ? L'institution fixe l'objet de la foi mais l'individu reste libre d'exprimer personnellement sa façon de voir sa relation à Dieu. Il le fait dans la pluralité et la relativité des expressions.


Date de mise en ligne : 01/01/2011.

https://doi.org/10.3917/rfhip.028.0273

Notes

  • [1]
    Patrice Rolland est professeur de droit public à l'université Paris-Est.
  • [2]
    Il est suffisamment connu comme catholique libéral pour que G. Weill le cite dans son Histoire du catholicisme libéral en France 1828-1908, Paris, 1909, comme le plus confiant de tous les libéraux en ce qui concerne la réforme de l'Église (p. 258) et comme exemple de ces catholiques libéraux qui ne veulent pas être des cléricaux (p. 287).
  • [3]
    « Lorsque je suis entré à la Conférence Olivaint... je n'avais jamais connu de Jésuite.... J'appartenais alors à un petit groupe d'étudiants catholiques, très enthousiastes, très pieux, mais qui se réclamaient de Lacordaire et de Montalembert, beaucoup plus que de Louis Veuillot. Nous étions des catholiques libéraux. Que voulez-vous ? Chacun a sur la conscience quelque péché de jeunesse » in Conférence Olivaint, allocution à l'assemblée générale, 1909, imprimerie Quelquejeu, p. 33.
  • [4]
    Lettre publiée par J.M. Mayeur dans La séparation de l'Église et de l'État, Julliard, 1966, p. 149-153. Cette lettre, écrite à l'initiative de Brunetière, a été signée par plusieurs académiciens (d'où le nom) et intellectuels catholiques libéraux, dont Aucoc, Cochin, Goyau, Leroy-Beaulieu, Picot, Thureau-Dangin...
  • [5]
    P. Imbart de la Tour « Raymond Saleilles (1855-1912) », Éditions du Bulletin de la Semaine, 1912, p. 28.
  • [6]
    R. Rémond en a donné les éléments dans son rapport de conclusion du colloque de Grenoble Les catholiques libéraux au xixe siècle, Presses universitaires de Grenoble, 1974, p. 557.
  • [7]
    Cf. lettre à L. Birot du 10 août 1906 (références à la note 9 ci-dessous).
  • [8]
    La lettre des cardinaux verts ne fut publiée que contre leur gré et à la suite d'indiscrétions (cf. J.M. Mayeur « Des catholiques libéraux devant la loi de séparation : les cardinaux verts » in Mélanges Latreille, Lyon, 1972, p. 212.
  • [9]
    Les opposants se sont moqués de la composition sociale des « cardinaux verts » (cf. J.M. Mayeur art. précité, p. 223).
  • [10]
    Saleilles a entretenu une importante correspondance avec l'abbé Lemire mais aussi avec l'abbé Birot, cette dernière conservée dans le fonds Lemire-Arbelet déposé à Hazebrouck (cote 1S1/186) et partiellement publiée (avec quelques sérieuses erreurs de transcription) par M. Sabbioneti Un cattolico « protestante ». La crisi della separazione tra Stato e Chiesa nelle lettere di R. Saleilles a L. Birot (1906-1909), G. Giapichelli editore, Torino, 2005.
  • [11]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908.
  • [12]
    Texte cité et longuement analysé par G. Weill, Histoire, précité p. 181.
  • [13]
    Dans le décret Lamentabili du 3 juillet 1907 et l'encyclique Pascendi du 8 septembre 1907 ; voir P. Colin L'audace et le soupçon, DDB, 1997, p. 246 suiv.
  • [14]
    Réponse de Saleilles in Marcel Rifaux Les conditions du retour au catholicisme. Enquête philosophique et religieuse, Plon, 1907, p. 395. Cette réponse de Saleilles avait été donnée deux ans avant sa parution et le contexte avait changé dans l'Église ; il craint à son tour de pouvoir faire l'objet d'une condamnation pour ce qu'il a écrit (lettre à Louis Birot du 3 mai 1907).
  • [15]
    Les conditions, précité p. 400.
  • [16]
    Conférence Olivaint, précité, p. 41-42.
  • [17]
    Cf. J.M. Mayeur Un prêtre démocrate ; l'abbé Lemire, 1853-1928, Castermann, 1968, p. 262 suiv. Il l'aide néanmoins pour son oeuvre du « Coin de terre ». Sur les préoccupations sociales de Saleilles dans le droit, voir A. Stora-Lamarre La République des faibles. Les origines intellectuelles du droit républicain 1870-1914, A. Colin, 2005 chap. 6 « R. Saleilles, le chaînon manquant ».
  • [18]
    Lettre à L. Birot du 13 mai 1906.
  • [19]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [20]
    Lettre à L. Birot du 17 novembre 1907. Sur cette affaire voir J.M. Mayeur Un prêtre démocrate, précité, p. 497 suiv.
  • [21]
    Voir à ce sujet, G. Weill, précité, p. 286-288. Voir aussi J.M. Mayeur Des partis catholiques à la Démocratie chrétienne, A. Colin, 1980, notamment pour le cas français p. 83 suiv. En 1906 Saleilles fait l'éloge des  uvres neutres, comme La ligue du coin de terre, qui permet la collaboration des chrétiens et des incroyants. J.M. Mayeur y voit le témoignage « d'une audace intellectuelle remarquable » (Un prêtre démocrate, précité, p. 149).
  • [22]
    Lettres à L. Birot, respectivement du 13 mai 1906 et du 10 août 1906.
  • [23]
    Lettre à L. Birot du 10 août 1906. Cf. ci-dessous p. 399 et 400.
  • [24]
    Les conditions, précité, p. 373 (note ajoutée en janvier 1907).
  • [25]
    Les conditions, précité, p. 379.
  • [26]
    Les conditions, précité, p. 380.
  • [27]
    « Le régime juridique de la séparation » in Revue des institutions cultuelles, avril 1907, p. 201. Saleilles précise parlant du pape : « Il n'a pas voulu de parti catholique politiquement constitué en Italie. Il n'en veut pas davantage en France. Ce n'est ni le catholicisme, ni la France, qui peuvent avoir à s'en plaindre. » Sa faveur pour les associations cultuelles de la loi de 1905 tient à ce qu'elles sont bien proches de « nos bonnes vieilles fabriques », alors qu'il faut craindre « des associations plus ou moins élargies toujours prêtes à un moment donné à se syndicaliser pour la politique » (ibidem p. 207).
  • [28]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [29]
    Conférence Olivaint, précité p. 35 : « Tout au moins il a voulu que la politique, chez lui, ne passât jamais la première et qu'elle ne pût jamais compromettre ce qu'il considérait comme son devoir principal, je veux dire la cause de son Église, son devoir de chrétien et de catholique ».
  • [30]
    Lettre à L. Birot du 31 décembre 1906.
  • [31]
    Lettre à L. Birot du 25 février 1907.
  • [32]
    Cf. par exemple la lettre à L. Birot où il explique son but à propos de l'article paru en 1906 dans la Revue trimestrielle de droit civil, p. 847-874 : « ... je voulais préparer les esprits à une autre solution, qui me paraît devoir être celle de l'avenir, celle tirée de la fondation privée et de l'établissement privé. Il n'y avait qu'une chose à faire pour que tout fût acceptable, garder les fabriques comme établissements privés, sans en faire des associations ». L'abbé Lemire reprendra l'idée dans une proposition de loi en octobre 1921.
  • [33]
    R. Saleilles « Le régime juridique de la séparation » précité, p. 206.
  • [34]
    Lettre à Louis Birot du 23 mars 1906.
  • [35]
    Lettre à Louis Birot du 11 janvier 1909.
  • [36]
    Lettre du 23 avril 1907 ; Saleilles avait déjà signalé à son correspondant que Berthélemy n'était pas croyant (18 avril 1906). Celui-ci participa à l'avis donné le 6 avril 1923 sur la légalité des statuts des nouvelles associations (voir É. Poulat Les diocésaines, La Documentation française, 2007, p. 285-291.
  • [37]
    Par exemple dans Les conditions, précité p. 378 : « ... qui ne visât à obtenir pour l'Église la simple liberté de droit commun dont elle a besoin pour vivre... »
  • [38]
    Discours cité in M. Prélot et F. Gallouédec-Genuys Le libéralisme catholique, A. Colin, 1969, p. 230. En 1844, Lacordaire dit la même chose à Mme Swetchine : « Aujourd'hui tout le monde s'embrasse, les évêques parlent de liberté et de droit commun, on accepte la presse, la charte, le temps présent » cité par J. Lecler in « La spiritualité des catholiques libéraux » Colloque de Grenoble précité p. 384. Voir aussi G. Weill, précité, p. 205.
  • [39]
    Lettre à L. Birot du 31 décembre 1906. Saleilles signale les confusions des sénateurs catholiques sur cette notion de droit commun. Il dénonce encore les illusions simplistes de certains catholiques dans sa conférence à l'École des hautes études sociales (art. précité, p. 191-192).
  • [40]
    « Le régime juridique de la séparation » précité, p. 192 et 193.
  • [41]
    Ibidem, p. 201.
  • [42]
    Ibidem, p. 206.
  • [43]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [44]
    Lettre à L. Birot du 4 novembre 1906.
  • [45]
    « Ce serait plus habile que de nous corner Canossa aux oreilles et d'exaspérer avec ces vieux souvenirs toutes les oreilles françaises » lettre à L. Birot du 18 avril 1906.
  • [46]
    Lettre à L. Birot du 13 mai 1906.
  • [47]
    Lettres à L. Birot des 18 avril et 13 mai 1906.
  • [48]
    R. Saleilles, « Principes de la loi de 1905 », Revue trimestrielle de droit civil, 1906, précitée, p. 857.
  • [49]
    Lettre à L. Birot du 23 mars 1906.
  • [50]
    Lettre du 7 août 1909 à propos de l'Action française.
  • [51]
    L'interprétation donnée par A. de Mun « est devenue le thème de tous les violents » (lettre du 5 avril 1906) ; il parle des plus exaltés parmi les partisans de la résistance (lettre du 18 mai 1906) ; « Que nous sommes loin des bravades des inventaires ! On ne retrouve cette belle ardeur que lorsqu'il y a des coups de poings à donner. On va se battre chez Mgr Vilatte ; cela c'est tout ce que sait faire le catholicisme français » (lettre du 25 février 1907) ; il parle encore des « intransigeances de nos radicaux de droite » (lettre du 23 avril 1907).
  • [52]
    Lettre à L. Birot du 10 août 1908.
  • [53]
    Lettre à L. Birot du 18 avril 1906.
  • [54]
    Bien qu'il ne soit pas théologien, Saleilles s'est posé la question de savoir s'il n'était pas lui aussi susceptible de condamnation pour ses positions sur la Séparation, comme l'avait été son ami Fogazzaro ou risquait de l'être un spécialiste de Newman, l'abbé Dimnet.
  • [55]
    Lettre à L. Birot du 5 avril 1906. Il a le même souci lorsqu'il organise une collecte pour aider l'abbé Lemire dans sa campagne électorale : « ... il importe, en attendant, que rien ne transpire et surtout que la presse ne s'empare pas de l'incident... » (lettre du 18 avril 1906).
  • [56]
    « Je tiendrais à donner à cette petite réunion le moins d'apparat possible, afin de lui garder son caractère de réception intime, sans qu'on puisse y voir aucune intention de manifestation. Même dans ces conditions qui seront presque celle de l'incognito, je ne sais s'il serait prudent d'insister auprès d'un évêque pour lui demander d'être des nôtres. Tout se sait, et là même où il n'y aura qu'une réunion d'amis désireux de prendre contact avec un homme supérieur, on en arriverait vite à parler de complot. Et, quant à moi, c'est à quoi je ne me prêterai jamais » (lettre à L. Birot du 6 janvier 1907).
  • [57]
    Il le redit constamment à l'abbé Louis Birot : avec « les angoisses de son âme » causées par l'attitude de l'Église face à la Séparation il fait aussi part de « ses espérances supérieures » (lettre du 18 avril 1906) ; au moment où la loi de 1905 va entrer en application : « Je suis, comme vous, bien ému de cette échéance qui approche. C'est tout un monde qui s'écroule, c'est une nouvelle ère qui s'ouvre. Et je crois que celle-ci sera meilleure » (lettre du 4 novembre 1906) ; même lorsque sa santé personnelle est gravement atteinte, il fait encore part de « son optimisme et de « sa confiance en la Providence » (lettre du 31 décembre 1907) ; voir aussi G. Weill : Saleilles, « le plus confiant de tous » (op. cit. p. 258).
  • [58]
    Lettre à L. Birot du 31 décembre 1906 ; voir encore celle du 23 avril 1907.
  • [59]
    Conférence Olivaint, précité, p. 35-36. Sur cette histoire et le rôle de Saleilles, voir D. Colon, La Conférence Olivaint 1875-1940, mémoire de DEA, IEP de Paris, 1996, p. 36.
  • [60]
    Cf. R. Rémond, conclusions du colloque de Grenoble, précité, p. 554-555.
  • [61]
    Les conditions précité p. 371-372. ; voir aussi la lettre du 9 avril 1908 déjà citée (note 10).
  • [62]
    Lettre à L. Birot du 23 mars 1906.
  • [63]
    Lettre à L. Birot du 4 novembre 1906.
  • [64]
    Lettre à L. Birot du 31 mars 1907.
  • [65]
    Les conditions précité, respectivement p. 376 et 400.
  • [66]
    R. Saleilles, « Il Santo », La Quinzaine, 1er et 16 février 1906, p. 22 et 23-24.
  • [67]
    Voir J. Gadille et J.M. Mayeur « Les milieux catholiques libéraux en France : continuité et diversité d'une tradition », in Les catholiques libéraux au xixe siècle, PUG, 1974, p.191-193 et R. Rémond, ibidem, p. 557.
  • [68]
    Voir son témoignage dans l'allocution de 1909, Conférence Olivaint, précité, p. 33-34. Il présida la Conférence en 1879-1880 après en avoir été vice-président en 1878-1879 et secrétaire en 1877-1878. D. Colon (précité) s'appuie sur le discours de Saleilles pour indiquer que le courant libéral était minoritaire à l'époque dans la Conférence. À L. Birot, Saleilles n'hésite pas à signaler que son collègue de Grenoble, l'administrativiste Michoud, est un parfait catholique « ancien élève des jésuites et resté un peu des leurs » (lettre du 18 avril 1906).
  • [69]
    Respectivement lettres à L. Birot du 18 avril 1906 et du 6 janvier 1907.
  • [70]
    Lettre à L. Birot du 4 novembre 1906. À comparer avec la lettre de soumission reproduite dans les documents ci-après p. 399.
  • [71]
    Lettre à L. Birot du 13 mai 1906.
  • [72]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907 : « Me permettez-vous seulement un regret au sujet de votre épiscopat méridional ! C'est de l'avoir vu s'incliner si vite devant des injonctions qui auraient trouvé en Allemagne un épiscopat unanime à faire valoir ses droits légitimes et à rester maître de la question ».
  • [73]
    Lettre à L. Birot du 10 août 1906.
  • [74]
    Lettre à L. Birot du 17 novembre 1907.
  • [75]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [76]
    Lettre à L. Birot, respectivement du 17 novembre 1907 et du 9 avril 1908.
  • [77]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907.
  • [78]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908.
  • [79]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907. Saleilles soutient sans faille l'abbé Lemire mais lui donne aussi des conseils de modération.
  • [80]
    Léon XIII est élu pape en 1878 ; Saleilles fait ses études de droit à l'Institut catholique entre 1876 et 1879 ; dès 1877 Saleilles est secrétaire de l'Olivaint, qu'il préside en 1879-1880. É. Poulat parle de la génération de Rerum novarum (Église contre bourgeoisie, Casterman, 1977, p. 118).
  • [81]
    Conférence Olivaint, précité, p. 36.
  • [82]
    Lettre à L. Birot du 23 mars 1906.
  • [83]
    Conférence Olivaint précité, p. 37.
  • [84]
    Conférence Olivaint précité, p. 37.
  • [85]
    Les conditions, précité, p. 375.
  • [86]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [87]
    Les conditions, précité, p. 377. Le 11 janvier 1909 il confie à L. Birot que « nous assistons à une indifférence croissante, qui ne nous juge même pas dignes d'un peu de persécution ».
  • [88]
    Les conditions, précité, p. 377.
  • [89]
    Lettre à L. Birot du 13 mai 1906.
  • [90]
    R. Saleilles L'individualisation de la peine, Alcan, 1898, p. 274-275.
  • [91]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907.
  • [92]
    Dans la note ajoutée en 1906 après l'encyclique Pascendi, Saleilles relevait que « l'intérêt des simples profanes pour les études religieuses va croissant », Les conditions, précité, p. 373.
  • [93]
    Il écrit en 1903 La méthode historique et la Bible. Étude à propos d'un livre récent (où il part du livre du P. Lagrange paru en 1903, Études bibliques-La méthode historique surtout à propos de l'Ancien Testament). En 1905 et 1906, il fait paraître la traduction de deux recueils de sermons de Newman.
  • [94]
    Cité par J. Gadille et J.M. Mayeur, « Les milieux catholiques libéraux » précité p. 187.
  • [95]
    Voir les lettres à L. Birot du 30 décembre 1906 et du 6 janvier 1907.
  • [96]
    Sur toute cette époque, voir É. Poulat Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, A. Michel, 1996, notamment p. 18-19.
  • [97]
    Lettre à L. Birot du 4 novembre 1906.
  • [98]
    Les conditions, précité, p. 384.
  • [99]
    Les conditions, précité p. 385-386.
  • [100]
    Les conditions, p. 388.
  • [101]
    Conférence Olivaint, précité p. 43-45.
  • [102]
    Lettre à L. Birot du 23 mars 1906.
  • [103]
    J. M. Mayeur rappelle que les « cardinaux verts » étaient aussi des catholiques « romains » (art. précité p. 223).
  • [104]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [105]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908. Saleilles l'avait déjà écrit en 1903 dans La méthode historique et la Bible, p. 34.
  • [106]
    Lettre à L. Birot du 13 mai 1906 ; le 18 mai 1906, Saleilles parle encore des « Buisson et autres apôtres du catholicisme évolutionniste jusqu'à sa totale destruction sans doute,... »
  • [107]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907.
  • [108]
    Lettre à L. Birot du 30 décembre 1907.
  • [109]
    R. Saleilles « Il Santo », La Quinzaine, précité, p. 28.
  • [110]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908 que son évêque venait de nommer curé pour le garantir contre certains aléas. Saleilles ajoutait : « Combien il est plus consolant, au milieu de ces équivoques et de cette anarchie religieuse, de faire pratiquement du bien aux âmes... »
  • [111]
    Voir le document reproduit ci-après p. 401.
  • [112]
    Lettre à L. Birot du 28 mai 1906.
  • [113]
    Lettre à L. Birot du 10 août 1906.
  • [114]
    Cf. lettre à L. Birot du 23 avril 1907 où il parle du « futur Syllabus dont on veut foudroyer tous les pauvres penseurs que nous sommes ».
  • [115]
    Témoignage de Paul Bureau dans Correspondance (Union pour la vérité) 21e année, 15 mars 1913, no 1, p. 19-20. Saleilles avait, de nouveau, écrit le 3 septembre 1906 au cardinal Merry del Val une lettre de soumission (document ci-après p. 399).
  • [116]
    L'abbé Lemire écrivait à Imbart de la Tour que « Benoît XV était une aurore de Léon XIII qui réapparaît » (cité par J. M. Mayeur L'abbé Lemire, précité p. 540).
  • [117]
    Ce principe court d'un bout à l'autre de la correspondance avec l'abbé Birot : voir les lettres des 4 novembre 1906, 31 décembre 1906, 23 avril 1907 et 11 janvier 1909.
  • [118]
    À propos d'articles qu'il a publiés dans Le Correspondant, (lettre à L. Birot du 30 décembre 1907).
  • [119]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908.
  • [120]
    Lettre à L. Birot du 11 janvier 1909.
  • [121]
    Lettre à L. Birot du 23 mars 1906.
  • [122]
    Les conditions, précité, p. 372. La formulation (publique) de sa solution est plutôt équilibrée mais presque abstraite. Sa correspondance avec l'abbé Birot prend un ton plus amer. Y a-t-il de la prudence chez lui ou la recherche d'un équilibre apaisant ? Comme laïc il ne semble pas tenu à la prudence des ecclésiastiques mais en même temps Bureau le qualifiait de « catholique très soumis et très fidèle ». Dans le contexte très tendu de la crise moderniste, cet exercice d'équilibre qui peut paraître un peu convenu reste courageux face au soupçon antimoderniste qui domine alors l'Église.
  • [123]
    Conférence Olivaint, précité, p. 39.
  • [124]
    R. Saleilles « Il Santo » La Quinzaine, précité, p. 25 ; voir aussi sur un mode plus lyrique, Les conditions, précité, p. 399. Saleilles confiait à l'abbé Birot (lettre du 9 avril 1908) : « ... plus je crois à l'Église, plus j'entrevois le rôle de l'humanité et des lois humaines dans sa constitution, son développement et son action historique. Il en est de l'action de l'Esprit, comme de la Révélation qui ne se sont jamais manifestées que par des organes humains ».
  • [125]
    Les conditions, précité, p. 381-382.
  • [126]
    Parlant de l'évolution de Loisy qui vient d'être excommunié : « Mais aussi quelle épreuve pour l'espèce de via media qui était la nôtre, qui reste néanmoins la mienne ! » (lettre à L. Birot du 9 avril 1908). Concrètement, il se situe entre les deux extrêmes du modernisme à l'italienne et de la réaction pontificale (lettre à L. Birot du 11 janvier 1909).
  • [127]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908.
  • [128]
    Imbart de la Tour « Raymond Saleilles » précité p. 28.
  • [129]
    Les conditions, précité p. 394-395.
  • [130]
    Voir Imbart de la Tour précité p. 25-26 ; et P. Bureau, précité p. 20.
  • [131]
    Les conditions, précité p. 397.
  • [132]
    R. Saleilles « Il Santo » précité, p. 26.
  • [133]
    Lettre à L. Birot du 18 avril 1906.
  • [134]
    Lettre à L. Birot du 4 octobre 1909.
  • [135]
    Lettre à L. Birot du 9 avril 1908.
  • [136]
    C'est l'hypothèse de M. Sabbionetti, op. cit.
  • [137]
    Les conditions, précité, p. 390.
  • [138]
    Cité par Eugène Gaudemet « Raymond Saleilles (1855-1912) » in Revue bourguignonne de l'Université de Dijon, Tome XXII, 1912, no 4, p. 44 (souligné par Gaudemet) ; la citation est tirée de « Il Santo » précité p. 32.
  • [139]
    R. Saleilles « Il Santo » précité, p. 28.
  • [140]
    Bien qu'il le fasse en libéral passablement « doctrinaire », ­ voire à la façon de Hayek ­, notamment lorsqu'il tente de distinguer entre la fonction politique et la fonction législative du Parlement : « la loi n'est pas une oeuvre politique qui doive subir la tyrannie d'une majorité politique ; mais une oeuvre nationale à laquelle doivent concourir tous les éléments représentatifs des intérêts nationaux ». Il parle encore du « gouvernement des supériorités » ; voir « La représentation proportionnelle » Revue du droit public, 1898, t. 9, p. 405 et 413.
  • [141]
    Voir M. Prélot pour qui le libéralisme catholique est purement politique et jamais religieux ; ce serait un catholicisme traditionnel qui n'appelle aucune évolution du dogme. Il conviendrait de séparer très nettement libéralisme politique et libéralisme religieux. Il est vrai que cette analyse s'applique surtout au catholicisme des années 1830-1870 (op. cit. p. 16).
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