Couverture de RFG_270

Article de revue

La dynamique des doubles contraintes dans les organisations

Propositions pour limiter leur caractère toxique

Pages 143 à 157

Notes

  • [1]
    L’auteure remercie les deux évaluateurs de la première version de ce texte, présenté lors de la Journée de Recherche AIMS en novembre 2015, ainsi que les réviseurs du présent article, pour leurs apports au manuscrit.
  • [2]
    Par exemple le concept de performance globale (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2006).
  • [3]
    Dans ce texte, on parle de stress au travail lorsqu’une personne perçoit un déséquilibre entre ce qu’on lui demande de faire et les ressources dont elle dispose pour répondre à cette demande (www.inrs.fr). Sans méconnaître que ce déséquilibre a parfois des effets positifs (créativité, stimulation par ex.), nous nous intéressons ici exclusivement au déséquilibre qui met potentiellement en danger la santé.
  • [4]
    En ceci, nous nous démarquons des postures critiques radicales qui considèrent que les dispositifs et discours de gestion, voire les paradoxes, ont pour fonction « disciplinante » de priver les salariés de libre-arbitre ou de parole – voir Chiapello et Gilbert (2013) pour une synthèse des critical accounting studies, Nizet et Pichault (2015) sur les critical management studies ou les sociologues de Gaulejac et Hanique (2015). Selon ces perspectives critiques radicales, la domination est totale, les salariés asservis ; la question des aménagements qui pourraient réduire les effets toxiques du système ne se pose pas.
  • [5]
    La place manque ici pour une recension plus complète. Nous nous limitons à cette définition récente, qui reprend les éléments de définitions plus anciennes. Pour un inventaire plus complet, voir Guedri et al. (2014) ou Grimand et al. (2015).
  • [6]
    La pratique vertueuse de penser ensemble performance à court terme et objectifs à long terme permet en théorie d’éviter la contradiction. Mais au quotidien, les contraintes du travail réel (Dejours, 2009) rendent nécessaires d’arbitrer en permanence entre les actions qui servent ces deux horizons – le plus souvent en faveur du court terme.
  • [7]
    Nasse, Légeron (2008) ; Gollac, Bodier (2011).
  • [8]
    Selon Boltanski et Chiapello (1999), c’est le propre des instruments et pratiques de gestion que d’inscrire (et donc véhiculer) les représentations qui légitiment le capitalisme, lesquelles font également l’objet de discours.
  • [9]
    Cette croissance marque une pause dans la dernière enquête (2005).
  • [10]
    Respect de normes alimentaires, objectifs de rentabilité, de conformité du service aux normes prescrites dans les manuels, objectifs de satisfaction du client, prescriptions de savoir-être.
  • [11]
    Autorité régionale de santé Île-de-France (2010).
  • [12]
    Loi du 8 août 2016 (dite loi Travail), qui complète l’article L 2242-8 du code du travail et intègre, à compter du 1er janvier 2017, le thème du droit à la déconnexion dans la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail.

1 Il est bien connu que les objectifs des organisations sont souvent contradictoires et que la recherche de compromis est considérée comme inhérente à l’art « ordinaire » du management. Mais ces objectifs contradictoires se transforment parfois en injonctions paradoxales, formant ce que les psychologues nomment une double contrainte et dont le caractère pathogène est établi depuis plusieurs décennies.

2 La recherche sur les paradoxes dans les organisations s’est jusqu’à présent principalement intéressée à leur description (Perret et Josserand, 2003) et à l’établissement de typologies (types de paradoxes, de stratégies des personnes qui leur font face) (Smith et Lewis, 2011). Il est parfois mentionné que le paradoxe, anxiogène, malmène la cohérence interne de la personne (Smith et Lewis, 2011), qu’il est dommageable pour les individus et au-delà l’organisation (Hennestad, 1990), mais globalement la recherche en sciences de gestion a peu étudié leur caractère pathogène.

3 De fait, la recherche sur les paradoxes s’est davantage intéressée à la manière dont les organisations font face aux paradoxes. Ainsi les phénomènes de découplage ont fait l’objet d’une littérature abondante, inspirée par le courant néo-institutionnaliste (Meyer et Rowan, 1977), les concepts d’« hypocrisie organisationnelle » (Brunsson, 1989), de « stupidité fonctionnelle » (Alvesson et Spicer, 2012), ou d’ambidextrie organisationnelle (Gibson et Birkinshaw, 2004). Toutes ces recherches sont centrées sur les dispositifs organisationnels, très secondairement sur les perceptions, attitudes et émotions des acteurs. Les découplages permettraient à ces derniers de séparer spatialement ou temporellement les termes du paradoxe, et certaines « utopies mobilisatrices » [2] de les intégrer (Naro et Travaillé, 2015). Lorsque la recherche s’intéresse de plus près aux acteurs et identifie certains effets toxiques des paradoxes, les conséquences en restent analysées sous l’angle de l’efficacité organisationnelle. Ainsi Guilmot (2016, p. 41) remarque que la mise en œuvre d’un changement « accentue la nature conflictuelle du travail » des cadres intermédiaires et génère une surcharge de travail, induisant une résistance au changement – mais ne fait aucune mention des conséquences de la surcharge et des conflits sur la santé des salariés. Tant les recommandations que les perspectives académiques de cette recherche ont pour objet les « dispositifs à mettre en œuvre pour aider les cadres intermédiaires à vivre avec les paradoxes plutôt qu’à les éviter » (ibid., p. 42). Cette recherche est exemplaire du statut des paradoxes en management. Non seulement la perspective privilégie systématiquement l’organisation et son efficacité, mais elle considère que le paradoxe est fertile : reflet de la complexité, il permet d’éviter les représentations simplifiées qui conduiraient à des choix inadéquats (Clegg et al., 2002).

4 Ces recherches semblent faire l’hypothèse implicite que les acteurs savent (ou sauront) gérer les tensions générées par le paradoxe, autrement dit, faire face. Or dans les faits, aujourd’hui, les acteurs font de moins en moins face. Les stratégies de défense ne fonctionnent pas toujours, comme en témoignent de nombreux cas d’épuisement professionnel et certains suicides associés au travail. L’aggravation du stress [3] et de la souffrance au travail dans les dernières décennies suggère d’analyser plus précisément les conséquences pathogènes des paradoxes et de s’interroger sur les moyens de les limiter. Il s’agit d’une question importante, à la mesure des enjeux de santé mentale et d’efficacité qu’ils portent pour, respectivement, les salariés et les organisations. À cette fin, il importe de comprendre la manière dont se forment les paradoxes, leurs différents ingrédients ainsi que leurs conséquences pour la santé.

5 Que la recherche en management sur les paradoxes étudie trop peu leurs effets sur les acteurs est sans doute un biais lié à la discipline. Il nous semble toutefois que les définitions du paradoxe généralement utilisées ne fournissent pas d’éléments assez précis pour comprendre finement la dynamique des paradoxes et leurs effets sur les personnes. Nous expliquons plus loin précisément pourquoi le concept de double contrainte, équivalent en psychologie de la notion de paradoxe en sciences de gestion, nous paraît plus fertile pour étudier ces questions.

6 L’objectif de cet article est donc de 1) proposer une nouvelle définition opératoire du paradoxe, inspirée de la notion de double contrainte, 2) montrer comment, depuis une vingtaine d’années, les doubles contraintes se sont considérablement développées dans les organisations et, 3) mettre au jour les différents processus par lesquels ces doubles contraintes produisent du stress ou de la souffrance au travail. Nous espérons à la fois compléter un corpus de recherche encore limité sur les conséquences toxiques des paradoxes dans les organisations et ouvrir de nouvelles perspectives pour les pratiques.

7 Notre posture dans cet article est proche de celle de Boltanski et Chiapello (1999) pour qui les dispositifs et discours de gestion contribuent à légitimer, donc à assurer la pérennité du capitalisme, en s’adaptant aux critiques qui lui sont adressées. En prenant pour objet la souffrance des salariés, cet article propose une critique d’inspiration sociale et des recommandations, en partant du principe que la domination n’est pas totale et qu’on peut donc améliorer le système [4].

8 Le propos qui suit est conceptuel. Nous ne méconnaissons pas que le paradoxe se construit toujours en situation, dans un contexte spécifique, et que ses effets dépendent aussi de la subjectivité singulière de chacun. Néanmoins il nous paraît utile, compte tenu de la relative pénurie des travaux sur le caractère dommageable des paradoxes, de conduire une analyse générale susceptible d’offrir un cadre à des recherches ultérieures situées.

9 Dans la deuxième partie de ce texte, nous justifions notre choix conceptuel et nous clarifions le positionnement du concept de double contrainte par rapport à des notions proches (contradiction, paradoxe, injonctions paradoxales) ; nous en donnons une définition opérationnelle, que nous illustrons par quelques exemples organisationnels. Une troisième partie explicite les facteurs qui ont contribué durant les dernières décennies à la multiplication de ces doubles contraintes, et montre en quoi cette croissance est productrice de stress et de souffrance au travail. La quatrième partie conclut cette analyse en interrogeant ses limites et en proposant des pistes pour les pratiques d’entreprise.

I – UNE DÉFINITION DU PARADOXE EN TERMES DE DOUBLE CONTRAINTE

10 Pourquoi préférer ce concept synonyme à celui de paradoxe, plus fréquent en sciences de gestion ? Tout d’abord, un concept de psychologie, développé par des experts de la personne humaine, nous paraît pertinent pour analyser finement ce que le paradoxe « touche » spécifiquement dans la psyché des acteurs. En outre, il nous semble que les définitions classiques du paradoxe ne tracent pas de frontière suffisamment nette entre paradoxe et contradiction, un concept proche mais aux conséquences bien différentes. Ainsi Smith et Lewis (2011) définissent le paradoxe [5] comme « des éléments contradictoires bien qu’inter-reliés qui existent simultanément et persistent dans le temps » (p. 386), en synergie à l’intérieur d’un système plus large. Cette définition nous paraît trop générale pour spécifier ce qui est propre aux paradoxes et les différencie des contradictions. Nous observons plus loin comment les concepts de paradoxe et de double contrainte permettent de qualifier différemment une situation apparemment similaire, et pourquoi ce dernier concept, plus précis, nous paraît plus pertinent pour l’analyse des situations de gestion.

11 Le concept de double contrainte a été introduit en psychiatrie il y a plus d’un demi-siècle à l’occasion de travaux sur la schizophrénie (Bateson et al., 1956) et a été repris ensuite par Watzlawick et l’École de Palo Alto. Watzlawick et al. (1967/1972) distinguent contradiction et paradoxe :

12

  • La contradiction induit un conflit dont on « sort » en choisissant l’un des termes de l’alternative. On peut avoir du mal à choisir, se tromper, regretter, mais le choix est logiquement possible.
  • Le paradoxe est une « contradiction qui vient au terme d’une déduction correcte à partir de prémisses “consistantes” » (Watzlawick et al., 1967/1972, p. 188). Il peut être logique (« je suis en train de mentir ») ou « pragmatique ». Dans ce cas, il peut prendre la forme d’une ou plusieurs injonctions. « Sois spontané » est sans doute l’injonction paradoxale la plus connue. Elle place celui qui reçoit cette injonction dans une position intenable, car s’il obéit, il n’est plus spontané – donc il désobéit simultanément... À la différence de la contradiction, l’injonction paradoxale « barre la possibilité même du choix » (ibid., p. 218).

13 Une situation de double contrainte s’analyse comme un ensemble d’injonctions paradoxales et elle suppose plusieurs « ingrédients » (Watzlawick et al., 1967/ 1972) :

14

  1. Deux personnes ou plus, engagées dans une relation qui a une grande valeur vitale, physique et/ou psychologique, pour au moins l’une d’elles, dite la victime ;
  2. Une expérience répétée, qui conduit la victime à s’attendre à cette double contrainte et qui l’intègre comme faisant partie de la nature des choses ;
  3. Une première injonction négative, qui peut être formulée sous forme d’interdiction ou de menace conditionnelle, associée à une menace de punition. Le contexte d’apprentissage est fondé sur l’évitement de la punition, plutôt que sur la recherche d’une récompense ;
  4. Une deuxième injonction, souvent plus « subtile » que la première (parfois non-verbale ou émanant d’une tierce partie), en contradiction avec la première, mais qui, comme celle-ci, est renforcée par une punition potentielle ;
  5. Une troisième injonction négative qui interdit de sortir de la contradiction. Celle-ci est superflue lorsque les punitions associées aux deux premières injonctions impliquent une menace vitale ;
  6. Enfin, tous ces ingrédients ne sont plus nécessaires lorsque la victime a appris à percevoir son univers en termes de double contrainte. N’importe quel ingrédient peut alors être suffisant pour produire les effets de l’ensemble (panique, colère).

15 Selon Bateson, la double contrainte enferme, non seulement des personnes atteintes de graves pathologies comme la schizophrénie, mais également des personnes qui entretiennent des relations « normales », quel que soit le contexte social de ces relations. Il suffit pour qu’il y ait double contrainte que : 1) la relation soit « intense », rendant une réponse appropriée « vitalement importante » pour l’une des personnes, 2) les autres personnes engagées dans la relation envoient deux messages qui se nient l’un l’autre, 3) l’individu soit dans l’impossibilité de commenter ces messages (Bateson, 1978/1980).

16 Pour résumer et dans la suite de notre analyse, nous proposons de réorganiser les éléments précédents de la double contrainte comme suit. Une double contrainte inclut 1) une contradiction, 2) une menace de punition(s), 3) une relation vitale, 4) un impossible commentaire – composantes respectivement référencées de DC1 à DC4 dans la suite du texte. Une ou plusieurs injonctions paradoxales forme (nt) une double contrainte, termes que nous utilisons indifféremment dans la suite.

17 Ainsi défini, le concept de double contrainte nous paraît plus opératoire que celui de paradoxe. Par rapport à la contradiction, la spécificité du paradoxe réside dans l’impasse qu’il crée, ce que n’indiquent pas toujours les définitions classiques qui insistent sur la contradiction formelle ou les tensions ressenties par les acteurs (Grimand et al., 2015). Or une tension n’est pas toujours une impasse. De nombreuses recherches sur les paradoxes font état de tensions qui ne sont pas des impasses – voir par exemple Cousineau et Damart (2017). Si on prend l’exemple de la recherche et de l’enseignement dans le métier d’enseignant-chercheur, les définitions classiques du paradoxe concluraient à un paradoxe : contradiction inhérente au métier, donc persistante, d’activités synergiques, réalisées dans un cadre temporel limité, donc qui s’excluent mutuellement. Si l’on utilise le concept de double contrainte, il n’y aura paradoxe que s’il y a, outre la contradiction, menace de punition, relation vitale et impossible commentaire. Toutes les contradictions, même persistantes, ne forment donc pas des paradoxes. Tout dépend du contexte et des personnes engagées dans la relation. Ce sont ces éléments de contingence qui, à notre sens, manquent dans les définitions classiques du paradoxe. La définition en termes de double contrainte est également précieuse par l’accent qu’elle met sur les perceptions et affects des personnes. Ce sont les perceptions, conscientes ou non, subjectives et singulières, qui comptent – pas les punitions effectives ou les éléments objectivables de l’emploi et du travail.

18 Hennestad (1990) et plus récemment Guilmot (2016) recensent plusieurs exemples de « couples paradoxaux » classiques dans les organisations :

19

  • Penser et agir à long terme/produire du résultat à court terme [6] ;
  • Satisfaire les demandes externes/satisfaire les demandes internes ;
  • Prendre des initiatives/ne pas déroger aux règles ;
  • Donner de l’autonomie aux subordonnés/ préciser les attendus du travail ;
  • Tenir compte des exigences de la direction/et des besoins de l’équipe ;
  • Tenir compte de la personnalité de chaque membre de l’équipe/être équitable ;
  • Signaler immédiatement ses erreurs/alors que les erreurs sont punies ;
  • Penser l’organisation comme un tout/ne pas empiéter sur la responsabilité d’autrui ;
  • Coopérer, être en compétition avec les autres.

20 À première vue, ces couples peuvent être considérés comme l’ordinaire du découplage entre discours et pratiques – qui permettrait aux acteurs de faire face sans dommage au paradoxe. Mais comme nous le verrons plus loin, il s’agit rarement uniquement de discours. Pour chacun de ces couples contradictoires (DC1), des punitions sont presque systématiquement associées. En France où les punitions stricto sensu (licenciement, rétrogradation, mesures disciplinaires) sont rares, une absence de récompense vaut punition. Autrement dit, toute promesse de récompense est simultanément menace de punition (DC2) : perte de bonus, réprimandes, perte de confiance et d’estime de la hiérarchie, des pairs ou des équipes, mise en danger de la carrière, etc. Il n’est question jusqu’à présent que de punitions extrinsèques (i.e. délivrées par autrui). Ne pas satisfaire à une injonction entraîne aussi potentiellement des punitions intrinsèques (auto-administrées) : sentiment de culpabilité, de honte, dégradation de l’image et de l’estime de soi, etc. Il est donc difficile d’imaginer une demande de l’organisation qui, laissée insatisfaite par la personne, ne contient pas de menace de punition. Par ailleurs, le commentaire de ces paradoxes est difficile (DC4) dans la mesure où la personne peut craindre que celui-ci soit interprété comme une critique – suivie d’une éventuelle punition. Enfin, qu’il s’agisse de revenu, de statut professionnel et social, de lien et d’appartenance sociale, de stimulation, d’apprentissage ou d’estime de soi, tous les spécialistes de la clinique du travail s’accordent pour reconnaitre que le travail est vital (DC3) (Clot, 2008 ; Dejours, 2009). Il s’agit donc bien de couples paradoxaux – ou doubles contraintes.

II – LA CROISSANCE PARALLÈLE DES DOUBLES CONTRAINTES ET DE LA SOUFFRANCE AU TRAVAIL

21 Depuis environ vingt ans, de nouvelles pratiques organisationnelles ont renforcé les doubles contraintes existantes ou transformé des contradictions en doubles contraintes. On ne sera donc pas surpris d’assister, pendant la même période, à la croissance de différentes formes de mal-être au travail, comme l’attestent en France les enquêtes régulières de la DARES et les rapports sur les risques psycho-sociaux [7]. Les paragraphes qui suivent analysent ensemble les facteurs producteurs de doubles contraintes, et la souffrance et/ou l’inefficacité que celles-ci produisent. Pour des questions de lisibilité, bien qu’ils soient pour partie interdépendants, ces facteurs sont présentés en cinq étapes, qui tentent de représenter la dynamique complexe de la formation des doubles contraintes.

22 En premier lieu, les progrès constants des technologies de l’information ont permis le développement de très nombreux nouveaux instruments de gestion. Par « instrument de gestion », on entend ici « un ensemble de formalisations et de procédures associées qui reposent sur (et incarnent) des règles. En général mis en œuvre à l’aide d’arrangements informatiques, il a de multiples buts, explicites et/ou implicites, en relation avec un ou plusieurs aspects de l’action collective dans les organisations » (Bourguignon, 2010, p. 168). Par « formalisations », il faut entendre les données quantifiées qui sont « spontanément associées aux instruments de gestion mais aussi les mots utilisés pour les nommer » (ibid.), qui véhiculent des valeurs et des représentations. Les « aspects de l’action collective » font référence aux processus classiques de la typologie de Fayol, mais aussi aux processus politiques et culturels (ibid.). Enfin, les instruments de gestion offrent le support de pratiques individuelles ou collectives, lesquelles sont parfois très explicitement associées à l’instrument (par exemple, l’entretien annuel d’appréciation qui s’organise à partir du formulaire homonyme) (ibid.).

23 Cette définition extensive inclut non seulement les instruments classiques du contrôle de gestion, mais aussi ceux des autres fonctions de l’entreprise (gestion commerciale, logistique ou administrative, GRH, etc.). Les aspects du management qui échappent aux instruments de gestion sont de moins en moins nombreux, tant ces derniers ont envahi le quotidien des entreprises. Rares sont les discours qui ne trouvent pas leur « inscription » dans un instrument de gestion [8] et les pratiques qui n’y sont pas associées.

24 Les instruments de gestion ne sont pas seulement omniprésents, ils sont aussi intégrés via les progiciels de gestion intégrée (ou ERP). Ces progiciels apparaissent comme des « médiateur[s] destiné[s] à gérer la tension contradictoire entre le développement de l’autonomie (…) et le renforcement du contrôle (…) » (Gilbert et Gonzalez, 2000, p. 28). De fait, la transparence informatique, en rendant visibles de nombreux aspects de la gestion locale, contribue à y développer le sentiment d’être contrôlé par le centre – alors que, par ailleurs, les injonctions à l’autonomie locale vont croissant (voir ci-dessous pour une analyse plus complète de cette contradiction). Ce sentiment se double parfois de la perception d’une perte très concrète d’autonomie, qui faisait souvent partie du sens que le salarié donnait à son travail, voire de son identité professionnelle – voir par exemple Bourguignon et al. (2005). Si le progiciel permet à l’entreprise de « gérer la tension contradictoire », il est moins sûr que celle-ci et ses effets toxiques ne soient pas reportés sur l’individu.

25 Deuxièmement, les stratégies de différenciation, qui prennent de l’importance à partir des années 1980, conduisent à mettre sous contrôle un nombre croissant de dimensions de la performance. Grâce aux évolutions technologiques précédemment citées, le contrôle de gestion, qui, auparavant, produisait presque exclusivement des indicateurs comptables compile désormais de très nombreux indicateurs non financiers mettant sous contrôle les aspects homonymes de la stratégie. On gère donc beaucoup plus d’objectifs qu’auparavant, ce qui accroît le risque de leur contradiction (DC1).

26 La contradiction croissante des objectifs de travail va de pair avec l’intensification du travail régulièrement attestée par les enquêtes DARES. Ainsi depuis 1984, l’intensification du travail prend la forme d’une croissance continue [9] des contraintes, soit de délais, soit de normes de production, soit vis-à-vis de la clientèle. Par exemple, entre 1984 et 2005, la proportion de salariés dont le rythme de travail est imposé par des normes ou un temps de production inférieur à une heure est passé de 5 % à 25 % (Bué et al., 2007). L’intensification du travail est unanimement reconnue comme une des premières causes de dégradation de la santé au travail.

27 En outre, la contradiction croissante des injonctions de travail prend parfois la forme d’une double contrainte. Dans les organisations de production flexibles, la recherche a montré que les demandes contradictoires sont associées au sentiment d’être pris au piège de doubles contraintes insolubles, à un sentiment permanent de contrôle et de visibilité et à une perte d’identité professionnelle (Périlleux, 2001). L’anxiété et la peur de l’échec, permanentes, se transforment en sentiment d’impuissance lorsque l’échec survient. La biographie étudiée par Périlleux s’achève sur une dépression et une tentative de suicide – attestant ainsi du caractère vital de la relation au travail (DC3). Dans le cas étudié, la peur de l’échec dit bien la menace de punition (DC2) qui pèse sur le salarié, qu’il s’agisse de punition extrinsèque ou intrinsèque.

28 Dujarier (2006) a également montré comment le travail dans la restauration de masse repose sur des prescriptions multiples [10], dont la contradiction (DC1) est niée – par exemple offrir au client un service à la fois standardisé et personnalisé. Ce déni des limites de la prescription (DC4) vaut « prescription de toute puissance » et vise à repousser les limites physiques et psychiques des salariés… sous menace permanente de la punition (DC2) incarnée par le client-mystère.

29 Troisièmement, ce foisonnement des objectifs conduit à renforcer l’injonction générale de conformité. Celle-ci n’est ni nouvelle ni abusive : le lien de subordination suppose un comportement conforme aux demandes de l’organisation. Mais il faut désormais être conforme sur de multiples aspects – ce qui, non seulement alourdit la charge cognitive, mais contribue à renforcer une double contrainte générale conformité-autonomie. En effet, tandis que se renforce l’injonction de conformité, croit parallèlement une injonction d’autonomie. En lien avec les besoins de flexibilité et d’innovation des stratégies, il est désormais demandé aux salariés, quel que soit leur niveau hiérarchique, de faire preuve d’initiative, de penser et agir en l’absence de référence externe, sous forme d’injonctions du type « sois autonome » ou « sois créatif » – injonctions paradoxales proches du « sois spontané » cité précédemment. Bien au-delà des effets de discours temporaires (voir par exemple Scott et Jaffe (1992) sur l’empowerment), ces injonctions sont souvent explicitement inscrites dans les documents d’appréciation individuelle, sous la forme de critères comme « capacité à être autonome » ou « capacité à prendre des initiatives ». Même s’il a toujours été attendu des managers de l’autonomie et de la créativité, ces attentes latentes n’avaient rien de commun avec les injonctions qui sont désormais adressées à chacun. La croissance de ces injonctions fait écho à divers travaux tant sociologiques que psychologiques qui notent que l’organisation néo-capitaliste du travail repose sur des formes d’organisation qui font appel à la subjectivité et à l’engagement personnel des salariés (Boltanski et Chiapello, 1999), ou encore qu’on est passé d’un système de prescription de l’activité [de travail] à un système de prescription de la subjectivité (Clot, 1999).

30 L’injonction d’autonomie n’est pas seulement paradoxale, elle forme avec l’injonction croissante de conformité un nouveau couple paradoxal. L’autonomie suppose de sortir du cadre, donc de la conformité. Plus il faut être conforme, plus il faut également ne pas l’être. La contradiction est non seulement insoluble, son commentaire est également souvent impossible. Dès la fin des années 1980, les nombreuses publications qui vantent le « nouveau » contrôle de gestion, bientôt rebaptisé « pilotage de la performance », rendent le commentaire du paradoxe impossible : plus on contrôle, moins on prétend contrôler (Bourguignon, 2003).

31 Les paragraphes qui précédent décrivent les situations les plus fréquentes, dans lesquelles injonction d’autonomie et contrôle sont le fait de la hiérarchie. Dans les cas encore rares d’entreprises dites libérées où il revient au groupe de travail d’organiser son auto-contrôle et son autonomie, les injonctions et la pression viennent du groupe de travail, ce qui ne rend pas la double contrainte moins prégnante ni toxique.

32 Quatrièmement, la production de très nombreux indicateurs non financiers a permis la généralisation, durant les dernières décennies, de rémunérations variables fondées sur la performance. Celles-ci aiguisent la perception d’une récompense potentielle, mais aussi d’une menace de punition. En renforçant la menace de punition (DC2), l’individualisation des rémunérations contribue à transformer les contradictions en doubles contraintes.

33 Cinquièmement, ces dernières années, la précarisation des conditions d’emploi et de travail renforce l’enjeu vital du travail (DC3). Consciemment ou non, la plupart des acteurs perçoivent leur relation à l’entreprise comme vitale, soit parce que le salarié a peur de perdre son emploi, soit parce que répondre aux attentes de l’entreprise procure estime d’autrui, potentiels bonus et promotion, mais aussi estime de soi et sentiment de réalisation de soi – récompenses vitales sur le plan psychique. La précarisation est également exacerbée par la compétition entre salariés, favorisée par certains indicateurs de performance (classements) ou dispositifs d’incitation, ou par l’allègement des organigrammes en temps de crise. Cette compétition conduit le salarié à s’auto-prescrire ses propres normes, donc à être un acteur à part entière de la double contrainte qui l’enferme (Robelin, 2012). Tous ces facteurs de précarisation rendent également impossible le commentaire (DC4) qui aggraverait le sentiment de précarité.

34 Pour résumer, depuis une vingtaine d’années, le développement de stratégies de différenciation, la généralisation d’instruments qui encadrent étroitement la gestion de la performance ainsi que, simultanément, la diffusion de discours qui promeuvent l’autonomie, la créativité des acteurs et le déni du contrôle ont très activement contribué à la multiplication des doubles contraintes dans les organisations. Elles sont, dans la plupart des cas, « inscrites » dans les systèmes de gestion – objectifs, indicateurs et récompenses/punitions – réduisant les possibilités de découplage discours-pratiques. Génératrices de stress, elles sont anxiogènes et induisent des sentiments toxiques, dangereux pour la santé mentale des personnes. Faute de permettre une réponse satisfaisant aux demandes de l’organisation, elles sont aussi néfastes à l’apprentissage organisationnel. Ce déficit, combiné aux attitudes de retrait qu’elles suscitent (Hennestad, 1990), nuit in fine à la performance de l’organisation. Par ailleurs, les doubles contraintes sont sources de résistances au changement (Guilmot, 2016) et elles génèrent des coûts importants : absentéisme, accidents du travail, etc. Les salariés les plus exposés à ces doubles contraintes sont les managers intermédiaires qui, pris « entre l’enclume et le marteau », sont dans cet « entre-deux » où il faut concilier la pression des objectifs et les contingences du travail quotidien (Dietrich, 2009). De très nombreuses publications soulignent les contradictions (DC1) auxquelles ils sont soumis – voir par exemple Mispelblom Beyer (2006). Ils sont évalués, parfois rémunérés, sur l’atteinte des objectifs, souvent multiples, de leur entité : la menace de punition est donc latente (DC2), la relation souvent vitale (DC3) et le commentaire rendu impossible (DC4) par l’appartenance à la ligne hiérarchique. Mais les doubles contraintes n’épargnent pas forcément les collaborateurs : si le manager de proximité ne sait pas « filtrer » les injonctions paradoxales, tâche d’autant plus difficile que certaines sont inscrites dans des systèmes de gestion en partie hors de son contrôle, elles touchent également tous ses subordonnés.

CONCLUSION : LIMITES ET PROPOSITIONS

35 Le recensement précédent des doubles contraintes ne prétend pas à l’exhaustivité. Par exemple, les situations de changement stratégique et/ou culturel (que nous n’avons mentionnées que marginalement) sont également susceptibles de créer des contradictions, la nouvelle stratégie n’invalidant en général pas totalement la précédente. Si ces situations malmènent souvent les identités professionnelles des acteurs, elles ne sont néanmoins pas nécessairement sources de doubles contraintes. Tout dépend de la manière dont le changement est accompagné, dont il menace le caractère vital du travail, dont il induit une menace de punition et des espaces de parole disponibles.

36 Cette analyse générale mérite donc d’être complétée par des études de cas analysant dans leur contexte les situations de double contrainte potentielles et leurs conséquences. D’une part, le contexte organisationnel (quels sont les dispositifs de gestion et les menaces qu’ils induisent ? Quelles sont les possibilités de parole ?) conduira à conclure soit à une simple contradiction, soit à une double contrainte potentielle. D’autre part, la manière dont une personne vit subjectivement une situation dépend de son rapport au travail et ses attentes vis-à-vis de la sphère professionnelle : une situation qui sera vécue comme une double contrainte toxique par une personne pourra être perçue comme une simple contradiction, « gérable », par une autre.

37 S’il semble impossible d’éliminer les contradictions (DC1), consubstantielles de l’art de gérer, il est possible de réduire la menace de punition (DC2) – à la fois en limitant le champ ou l’importance des rémunérations variables et en donnant le droit à l’erreur. Même si en France, les rémunérations variables ne sont pas symboliquement aussi importantes que dans d’autres pays (par exemple, les États-Unis), en limiter l’ampleur risque de rencontrer quelques résistances, tant la rémunération de la performance vaut désormais reconnaissance du travail accompli. En limitant les promesses de récompense, on limiterait pourtant les menaces de punition (DC2). Par ailleurs, le droit à l’erreur transformerait la double contrainte en contradiction – dont l’issue est possible. Ainsi les chartes de non-punition qui se développent dans le secteur de la santé [11] ont pour double bénéfice de donner le droit à l’erreur et d’améliorer la qualité des soins. Les entreprises pourraient également s’inspirer des pratiques de l’aéronautique américaine qui reconnaissent le droit à l’erreur en échange du partage et donc de la mise en débat des erreurs. À ce sujet, Morel (2009) montre de manière très convaincante qu’on ne peut à la fois connaître (et donc apprendre) et punir.

38 Concernant le caractère « vital » de la relation au travail, les difficultés économiques, les menaces de restructuration et l’état des marchés de l’emploi expliquent bien sûr une partie de ce caractère vital. Mais au-delà, dans de nombreuses entreprises, les salariés sont souvent « incités » à s’engager corps et âme au travail, avec une charge ou des horaires de travail qui dépassent parfois de très loin les cadres légaux du travail. La prescription croissante de la subjectivité et de l’engagement personnel au travail en renforce le caractère vital, au sens où il représente une part très importante de la vie du salarié et de son investissement psychique. Accepter que les salariés aient un investissement temporel et psychique limité dans la sphère professionnelle permettrait de diminuer le caractère vital du travail (DC3). L’institutionnalisation récente [12] du droit à la déconnexion va dans ce sens. Donner le droit à l’erreur – autrement dit, la permission d’échouer – réduirait également le caractère vital de la relation de travail.

39 Il reste que le caractère vital du travail relève avant tout de la liberté de chaque salarié. L’analyse lacanienne de Vidaillet (2013) montre clairement comment l’évaluation « est vécue comme une vérification du moi » (p. 83) qui rassure le sujet, qui a besoin du regard de l’autre pour répondre à l’inépuisable question du « qui suis-je ». On ne peut mieux dire le caractère vital du travail. Mais l’évaluation est un « leurre » (ibid., p. 208) infiniment décevant, voire douloureux, car elle ne donne jamais ce qu’elle promet. L’auteure suggère aux salariés de se défaire de leur propre demande d’évaluation. Cette piste très prometteuse pour réduire le caractère vital de la relation au travail (DC3) suppose toutefois un travail réflexif permanent tant sont archaïques nos attentes vis-à-vis du regard d’autrui.

40 Enfin, on peut réduire les doubles contraintes en en rendant possible le commentaire (DC4). Ceci suppose d’abord, de la part de l’encadrement, une vigilance constante vis-à-vis des facilités rhétoriques à la mode qui promettent la lune mais cachent souvent des paradoxes insolubles – par exemple « soyez créatif ». Ensuite, ce dévoilement requiert le courage de reconnaître explicitement les paradoxes, à tous les niveaux hiérarchiques. Cela suppose de renoncer au management par l’hypocrisie (Brunsson, 1989) ou par la stupidité fonctionnelle (Alvesson et Spicer, 2015), au profit d’un parler « vrai » vecteur de confiance et de légitimité.

41 Partager le paradoxe suppose aussi de laisser s’exprimer la parole, dans des espaces dédiés. Detchessahar (2013) propose par exemple de ménager des « espaces de discussion », pour « infléchir le travail, trouver des solutions » (p. 29) – proposition qui rejoint celle de Morel (2009) sur la mise en débat des erreurs. Concernant les paradoxes, il me semble que l’urgence est moins de trouver des solutions que de reconnaître explicitement les injonctions paradoxales. La clinique de l’activité propose également de ménager des espaces de débat du « genre professionnel » (ou ensemble des manières de faire reconnues et transmises par le groupe professionnel), gage de la vitalité du collectif et de bien-être au travail (Clot, 2008). La place manque ici pour développer dans le détail toutes ces propositions – dont une synthèse récente a été proposée par Van Belleghem (2016). Reconnaître le caractère paradoxal des attentes de l’organisation, c’est reconnaître la souffrance que celui-ci induit. S’il est difficile de changer les modes de gestion et d’organisation, il est relativement simple de mettre des mots sur les doubles contraintes – et donc en les relâchant, d’en limiter leurs multiples maux.

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Notes

  • [1]
    L’auteure remercie les deux évaluateurs de la première version de ce texte, présenté lors de la Journée de Recherche AIMS en novembre 2015, ainsi que les réviseurs du présent article, pour leurs apports au manuscrit.
  • [2]
    Par exemple le concept de performance globale (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2006).
  • [3]
    Dans ce texte, on parle de stress au travail lorsqu’une personne perçoit un déséquilibre entre ce qu’on lui demande de faire et les ressources dont elle dispose pour répondre à cette demande (www.inrs.fr). Sans méconnaître que ce déséquilibre a parfois des effets positifs (créativité, stimulation par ex.), nous nous intéressons ici exclusivement au déséquilibre qui met potentiellement en danger la santé.
  • [4]
    En ceci, nous nous démarquons des postures critiques radicales qui considèrent que les dispositifs et discours de gestion, voire les paradoxes, ont pour fonction « disciplinante » de priver les salariés de libre-arbitre ou de parole – voir Chiapello et Gilbert (2013) pour une synthèse des critical accounting studies, Nizet et Pichault (2015) sur les critical management studies ou les sociologues de Gaulejac et Hanique (2015). Selon ces perspectives critiques radicales, la domination est totale, les salariés asservis ; la question des aménagements qui pourraient réduire les effets toxiques du système ne se pose pas.
  • [5]
    La place manque ici pour une recension plus complète. Nous nous limitons à cette définition récente, qui reprend les éléments de définitions plus anciennes. Pour un inventaire plus complet, voir Guedri et al. (2014) ou Grimand et al. (2015).
  • [6]
    La pratique vertueuse de penser ensemble performance à court terme et objectifs à long terme permet en théorie d’éviter la contradiction. Mais au quotidien, les contraintes du travail réel (Dejours, 2009) rendent nécessaires d’arbitrer en permanence entre les actions qui servent ces deux horizons – le plus souvent en faveur du court terme.
  • [7]
    Nasse, Légeron (2008) ; Gollac, Bodier (2011).
  • [8]
    Selon Boltanski et Chiapello (1999), c’est le propre des instruments et pratiques de gestion que d’inscrire (et donc véhiculer) les représentations qui légitiment le capitalisme, lesquelles font également l’objet de discours.
  • [9]
    Cette croissance marque une pause dans la dernière enquête (2005).
  • [10]
    Respect de normes alimentaires, objectifs de rentabilité, de conformité du service aux normes prescrites dans les manuels, objectifs de satisfaction du client, prescriptions de savoir-être.
  • [11]
    Autorité régionale de santé Île-de-France (2010).
  • [12]
    Loi du 8 août 2016 (dite loi Travail), qui complète l’article L 2242-8 du code du travail et intègre, à compter du 1er janvier 2017, le thème du droit à la déconnexion dans la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail.
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