Couverture de RFG_255

Article de revue

Inversée vous avez dit inversée ?

Une typologie stratégique de l’innovation inversée

Pages 105 à 119

Notes

  • [1]
    Dans la suite de cet article, nous utilisons le terme d’innovation de rupture pour traduire le concept de « disruptive innovation » introduit par Christensen (1997). Il est à distinguer de l’innovation radicale, comme le démontre de façon très claire l’article de Govindarajan et al. (2011).
  • [2]
    Pour rappel le terme BoP (Bottom of the Pyramid) popularisé par Prahalad (2004) fait référence aux 4 millions de personnes vivant avec un revenu annuel par tête de moins de 1 500 $ US.
  • [3]
    Selon Brem et Wolfram (2014), innovation inversée et innovation Jugaad diffèrent selon trois critères : le degré de sophistication produit qu’elles intègrent, l’orientation vers les marchés émergents qu’elles recherchent et le degré de développement durable qu’elles autorisent.
  • [4]
    On y apprend que ce lancement constitue une véritable prouesse, puisque le satellite a été conçu et lancé en seulement 18 mois et pour la somme de 73 millions de dollars (contre 671 millions et 5 années de travail pour le concurrent de la NASA). Il apparaît donc que la frugalité est souvent associée à l’innovation Jugaad, ce qui explique que dans la suite du document nous ne distinguions plus les deux termes.
  • [5]
    Dans ses travaux originels (Christensen, 1997 ; Christensen et Rosenbloom, 1995), Christensen parle de technologie de rupture et renvoie donc explicitement à l’apparition d’une nouvelle technologie se répercutant sur l’ensemble d’un secteur. Yu et Hang (2010) précisent cependant que dans les réflexions ultérieures de l’auteur et de ses co-auteurs le terme a évolué dans l’objectif de rendre compte d’innovations non technologiques telles que des innovations de services ou de modèles d’affaires par exemple.
  • [6]
    Cependant, à mesure que le temps passe et que la technologie proposée s’améliore, le marché s’élargit lui aussi Pour une vision plus exhaustive de la dynamique de diffusion d’une innovation rupture sur le marché ancien, le lecteur pourra consulter Ben Mahmoud-Jouini et Silberzahn (2016).
  • [7]
    Si dans les travaux de Christensen et Raynor (2003) l’innovation de rupture est systématiquement associée à un prix plus bas, Govindarajan et Kopalle (2006) mais aussi Schmidt et Druehl (2008) montrent qu’une telle situation n’est pas automatique.
  • [8]
    Access, availability, awareness and affordability.
  • [9]
    Dans leur travail Corsi et Di Minin (2014) avancent précisément qu’une innovation de rupture née dans les pays émergents présente des caractéristiques différentes de celle née dans un pays développé.

1 Que l’innovation puisse trouver son origine ailleurs que dans les pays développés n’est pas une idée nouvelle. Que les filiales des multinationales puissent jouer un rôle décisif dans la mondialisation de l’innovation non plus. Kenney et al. prévoyaient dès 2009 que les filiales localisées dans les pays émergents « donneraient naissance à des innovations mondiales qui n’auraient jamais pu voir le jour dans le pays d’origine du siège » (p. 8). Ainsi, à mesure que les marchés émergents se développent et se structurent (Meyer et al., 2011), les firmes multinationales (FMN) et leurs filiales sont encouragées à imaginer de nouvelles réponses aux problèmes locaux ; réponses qui trouveront souvent des applications dans les économies plus avancées. Les exemples emblématiques des Mac 400, ces électrocardiographes portatifs développés par les équipes indiennes de General Electrics (Immelt et al., 2009) ou encore de la Logan, ce véhicule automobile initialement pensé pour le marché roumain par Renault (Laperche et Lefebvre, 2012 ; Jullien et al., 2012) sont autant de cas d’innovations conçues pour les marchés émergents, qui ensuite ont rencontré un succès commercial massif dans les pays développés.

2 Mais alors que les publications intéressées à l’innovation dans le contexte des marchés émergents ont connu une croissance exponentielle ces dix dernières années (Subramaniam et al., 2015), nous observons simultanément un foisonnement terminologique pour tenter de rendre compte des innovations initiées dans ces pays. Après l’innovation inversée, ce sont aujourd’hui les expressions d’innovation Jugaad ou encore d’innovation frugale qui font florès ; l’ensemble de ces concepts étant la plupart du temps utilisés de façon indifférenciée (Burger-Helmchen et al., 2013 ; Agarwal et Brem, 2012). Pourtant, derrière chacun de ces termes se cache, comme nous le montrons, une logique managériale spécifique et des enjeux différents qui nécessitent que les FMN soient capables de distinguer les différents cas de figure.

3 Cet article vise précisément à compléter la littérature sur l’innovation inversée en développant un cadre analytique novateur permettant d’affiner la compréhension de ce phénomène. Quelques rares tentatives en ce sens sont d’ores et déjà publiées et doivent être saluées (Corsi et Di Minin, 2014 ; Von Zedtwitz et al., 2015). Notre travail vient les compléter en questionnant la ou les dimensions qui se trouvent inversées dans le développement des innovations issues des pays émergents. Pour ce faire, nous mobilisons les travaux sur l’innovation de rupture [1] popularisés par Christensen et Raynor (2003). Notre relecture de la littérature, nous permet finalement de faire émerger deux idéaux types d’innovation inversée : les innovations simplement inversées (ou géographiquement inversées) et les innovations doublement inversées (qui combinent une géographie et une source de valeur inversées).

4 La suite de cet article est organisée de la façon suivante. Dans une première partie nous reviendrons sur la confusion terminologique qui règne autour d’innovations nées dans les pays émergents, interrogeant les spécificités de l’innovation inversée dans ce contexte. Puis nous avancerons qu’une telle confusion masque le fait que l’innovation inversée est en réalité protéiforme. Il s’agira alors de proposer dans une deuxième partie un cadre analytique, permettant d’appréhender les enjeux propres à chacune des formes idéales typiques d’innovation inversée que nous aurons identifiées.

I – L’INNOVATION INVERSÉE : DES PRATIQUES AVÉRÉES MAIS UN FOISONNEMENT TERMINOLOGIQUE

5 Dans cette première partie, nous présentons le concept d’innovation inversée et mettons l’accent sur les débats qu’il soulève du fait de son flou intrinsèque et de sa confusion récurrente avec d’autres termes.

1. Innovation inversée : un concept flou pour des pratiques qui se développent

6 Ces dix dernières années, les FMN ont déployé de nouvelles pratiques d’innovation. C’est pour rendre compte de ces changements que la notion d’innovation inversée est apparue. Selon Govindarajan et Ramamurti (2011), “reverse innovation refers to cases where an innovation is adopted first in poor (emerging) economies before ‘trickling up’ [i.e. diffusing] to rich countries” (ibid., p. 191). Ce néologisme décrit donc des situations dans lesquelles les pays développés ne sont plus perçus comme les lieux où les nouveaux produits sont conçus, produits et commercialisés, mais au contraire sont les seconds destinataires d’innovations initialement adoptées par les économies émergentes. L’innovation inversée se définit alors en opposition au circuit de diffusion de l’innovation traditionnellement présenté dans la théorie du cycle de vie international des produits de Vernon (1966). Ce phénomène invite à repenser le sens du transfert (international) de connaissances et d’innovations, et questionne les modèles de l’innovation dans la FMN construits sur une dynamique unidirectionnelle (de la maison mère située dans un pays développé vers des filiales situées dans des pays moins développés). Il complète en cela les travaux de Gupta et Govindarajan (1991), Cantwell et Mudambi (2005) ou encore Harzing et Noorderhaven (2006), qui construisent une typologie des filiales en fonction de leurs rôles respectifs en matière de flux de connaissances au sein des FMN : lorsque l’innovation est inversée, les filiales des pays émergents irriguent d’idées et de produits nouveaux les unités dans le pays d’origine et/ou les autres filiales du groupe. Mais si ce terme d’innovation inversée a rencontré un franc succès dans les pratiques des FMN du monde entier tout comme dans la littérature managériale, les développements théoriques autour de ces questions restent relativement limités. Le flou intrinsèque de la définition de l’innovation inversée qui fait autorité (Radojevic, 2015) peut expliquer cela. En effet, rien n’est spécifié quant au cadre organisationnel dans lequel les innovations inversées prennent place : sont-elles l’apanage des seules FMN ou peuvent-elles prendre place dans d’autres formes organisationnelles ? Nous faisons le choix dans le présent article de nous cantonner à l’étude compréhensive de l’innovation inversée dans le contexte des FMN, les entreprises dites « born global » étant, par définition, plus enclines à envisager de façon conjointe trajectoire d’internationalisation et innovation (Lemminger et al., 2015 ; Zijdemans et Tanev, 2014).

7 La nationalité de l’entreprise pratiquant l’innovation inversée est elle aussi occultée dans les définitions existantes. Peut-on parler d’innovation inversée quand Tata Motors lance son modèle Nano en Europe ? La nationalité de la maison mère est-elle importante pour savoir si l’on a affaire à une innovation inversée ou non ? Burger-Helmchen et al. (2013) expliquent qu’une « deuxième génération » de travaux sur l’innovation inversée met clairement l’accent sur l’importance stratégique d’un tel phénomène pour garantir la pérennité des multinationales des pays développés face au développement des FMN des pays émergents, suggérant alors que le phénomène se limite à décrire le comportement d’innovation des FMN des pays développés.

8 Une troisième interrogation subsiste : l’innovation inversée renvoie-t-elle exclusivement à une diffusion intra-organisationnelle ou peut-elle rendre compte de cas de diffusion interorganisationnelle ? Quand l’opérateur keynian Safaricom (une filiale commerciale du groupe Vodafone) lance en 2007 un service de paiement par SMS (baptisé M-PESA) qui autorise l’envoi et la réception d’argent via son téléphone portable et que cette innovation est reprise peu de temps après en Europe par la banque Barclay’s et son système Pingit (Mas et Radcliffe, 2010), sommes-nous dans un cas d’innovation inversée, ou simplement dans un cas d’adoption par un concurrent (des pays riches) d’une technologie existante (dans un pays émergent) ? La question reste ouverte, mais nous nous focalisons sur les innovations inversées intra-organisationnelles, notre objectif étant de clarifier le concept d’innovation inversée pour en faire une véritable option stratégique au sein des FMN.

9 Une autre zone de flou demeure dans la définition fournie du fait de la superposition des termes pays émergents et pays pauvres comme premiers marchés de l’innovation produite. Du coup, la spécificité de l’innovation inversée par rapport aux stratégies BoP [2] est posée. Ici, la littérature laisse à penser que l’innovation à destination des pays émergents et des populations BoP repose sur des leviers similaires (Anand et Monin, 2013 ; Nakata et Weidner, 2011). Par contre, à notre connaissance, la littérature BoP ne s’intéresse pas du tout à la question de la diffusion internationale des innovations créées pour les populations défavorisées.

10 Enfin, rien n’est spécifié quant à la localisation de la conception des produits innovants. Von Zedtwitz et al. (2015) s’emparent de ce vide et proposent de distinguer la phase de génération des idées, de développement des produits et de commercialisation de ces mêmes produits, pour finalement caractériser l’intensité de l’innovation inversée en fonction du nombre d’étapes du processus d’innovation qui sont inversées (c’est-à-dire localisées dans une zone géographique différente de la précédente). Ils élargissent ce faisant la notion d’innovation inversée « au-delà de ses seules dimensions marketing », puisqu’en croisant la localisation précise de chacune des étapes de l’activité R & D amont, ils mettent à jour seize types différents d’innovation inversée. Pourtant, dans la mesure où l’invention ne devient innovation que lorsqu’elle se confronte au marché (Schumpeter, 1934), nous faisons le choix dans la suite du document de limiter le phénomène d’innovation inversée aux cas où une innovation est commercialisée dans les pays émergents avant de se diffuser dans les pays plus développés (et ce, quelle que soit la localisation géographique de la phase de conception de cette innovation).

11 Il semble donc que l’innovation inversée puisse prendre plusieurs formes, nous encourageant à raffiner notre compréhension du phénomène, d’autant qu’un grand nombre de terminologies coexistent pour décrire des situations de gestion a priori similaires.

2. Innovation inversée : un vocable et des contours à clarifier

12 Aux côtés de l’innovation inversée, les expressions d’innovation Jugaad (Radjou et al., 2012), d’innovation frugale (Zeschky et al., 2011), ou encore d’innovation Ghandian (Prahalad et Mashelkar, 2010) émergent et sont la plupart du temps utilisés de façon indifférenciée par la presse pour caractériser un même phénomène. La confusion est entretenue par la mobilisation d’exemples et de cas similaires pour illustrer les différents termes. Pour ne citer qu’un exemple, les illustrations d’innovation frugale proposées par Tiwari et Herstatt (2012) sont précisément les cas utilisés par Immelt et al. (2009) pour exemplifier leur concept d’innovation inversée. Ce chevauchement de concepts fragilise le développement de travaux solides sur ces nouvelles pratiques internationales d’innovation et appelle que l’on s’arrête un instant pour clarifier leurs contours respectifs. Dans une première tentative de différenciation en ce sens, Brem et Wolfram (2014) montrent que les notions qui présentent les occurrences les plus nombreuses sont l’innovation inversée et l’innovation Jugaad[3]. Nous proposons donc ici de confronter ces deux concepts exclusivement pour mettre à jour leurs singularités et leurs relations éventuelles.

13 Dans leur best-seller, Radjou et al. (2012) relatent la genèse de la sonde que les Indiens ont envoyée le 5 novembre 2014 sur Mars pour illustrer la notion d’innovation Jugaad[4], c’est-à-dire la recherche d’une « solution innovante, improvisée, née de l’ingéniosité et de l’intelligence ». Le Jugaad ou l’art du système D et de la débrouillardise (en langue indi) renvoie ainsi à l’élaboration de solutions ingénieuses et improvisées en utilisant des moyens simples, donc moins onéreux. Il se définit par opposition à une approche plus structurée de l’innovation traditionnellement à l’œuvre dans les pays développés, où l’activité des centres de R & D a pendant longtemps non seulement bénéficié de ressources généreuses mais en plus été organisée, normalisée par des processus y compris en matière de créativité. Dans l’innovation Jugaad, on assiste bien à une forme d’inversion, celle de la logique sous-jacente de résolution de problème : on passe d’une approche techno-centrée et d’une logique de raffinement privilégiée dans les pays développés (Seghal et al., 2010) au système D et à une minimisation des coûts non essentiels (souvent à l’œuvre en Inde, d’où la confusion avec l’innovation inversée).

14 Il semble donc que le flou qui existe trouve son origine dans le double sens que peut revêtir l’innovation, tantôt processus, tantôt résultat de ce processus. Selon l’OCDE et le Manuel d’Oslo, l’innovation renvoie en effet à « la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques d’une entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures ». L’innovation ne fait donc pas uniquement référence à un bien/service nouveau mais peut aussi rendre compte de l’adoption d’une nouvelle forme organisationnelle pour créer et/ou délivrer le bien. Dans les exemples d’innovation Jugaad ou frugale, l’accent est mis sur la méthode mobilisée pour innover mais rien/peu n’est dit quant au résultat de ce processus d’innovation ni quant à son éventuelle utilisation par des consommateurs des pays développés. Au contraire les écrits sur l’innovation inversée mettent la lumière sur la diffusion internationale d’un produit innovant, sans insister particulièrement sur la méthode de génération de ce produit. Ainsi peu d’informations sont disponibles quant aux coûts et aux méthodes mobilisés par les ingénieurs de chez GE pour mettre au point leur électrocardiographe portatif. En d’autres termes, une innovation inversée peut être frugale ou Jugaad mais une telle relation n’est en aucun cas systématique. À l’inverse, les innovations frugales ne sont que de potentielles innovations inversées, à l’image du réfrigérateur en terre glaise lancé par Mansukh Prajapati (Radjou et al., 2012, p. 3) qui n’a jamais quitté l’Inde, tant il paraît éloigné des besoins des consommateurs des pays développés.

15 Il apparaît in fine que les spécificités et enjeux de l’innovation inversée ne résident pas tant dans le fait que l’innovation soit née dans un pays émergent mais plutôt qu’elle soit ensuite adoptée dans les pays plus avancés. Ce sont les consommateurs intéressés par le produit/service nouveau localisés dans les pays développés qui permettent de parler d’innovation inversée, et ce quelle que soit la méthode de génération du nouveau produit/service à l’œuvre. C’est sur la base de ce constat que nous proposons dans la suite de cet article, d’élaborer une typologie originale, afin de rendre ce concept empiriquement mesurable, testable et finalement réfutable.

II – DE L’INNOVATION INVERSÉE AUX INNOVATIONS INVERSÉES : VERS UNE TYPOLOGIE ORIGINALE

16 Dans cette deuxième partie, nous mobilisons la littérature sur l’innovation de rupture pour faire émerger deux idéaux types d’innovation inversée, chacun d’entre eux étant associés à des problématiques managériales bien spécifiques.

1. Innovation inversée et innovation de rupture : de quelle inversion parle-t-on ?

17 Pour appréhender la richesse de l’innovation inversée il nous faut comprendre pourquoi les consommateurs des pays développés sont intéressés par les produits créés pour des pays émergents. Une relecture par le prisme de la littérature sur l’innovation de rupture (Christensen, 1997) peut ici être éclairante. Alors qu’un grand nombre d’entreprises cherchent avant tout à offrir de nouveaux produits toujours plus performants sur les critères les plus valorisés par les clients les plus exigeants et prêts à payer pour cela (stratégie d’innovation continue), la notion d’innovation de rupture renvoie au contraire à une technologie, un produit ou un service [5] qui sous-performe sur les critères appréciés par ces consommateurs du produit ancien.

18 Deux cas de figure sont alors possibles selon Christensen et Raynor (2003) : l’innovation de rupture par le bas (low-end disruptions) et l’innovation de rupture par la création de nouveaux marchés (high-end – new market – disruptions). Le premier type fait écho aux produits/ services nouveaux offrant une performance comparable ou moindre à un prix plus faible. On peut ici penser à l’apparition des aciéries électriques qui affichent des coûts inférieurs de 20 % aux aciéries à oxygène, mais fondent un acier de qualité plus incertaine que ces dernières (Villon de Benveniste, 2013). Dans ce contexte, seule une petite partie des clients qui consommaient la technologie ancienne est intéressée par l’innovation des aciéries électriques : les clients sensibles aux économies qu’elle autorise [6]. Quant aux innovations de rupture par création de nouveaux marchés, elles rendent compte de cas où les produits et services créés offrent une performance inférieure sur les attributs valorisés par les consommateurs historiques, mais supérieure sur des caractéristiques non valorisées par le consommateur historique, ce qui permet d’attirer de nouveaux consommateurs. On pense ici aux premiers appareils photos numériques qui offraient une résolution moindre que la technologie argentique, mais autorisaient de pouvoir refaire in extenso et gratuitement sa photo. Ces caractéristiques n’intéressaient pas les photographes professionnels mais les amateurs pour lesquels une prise de vue multiple est souvent nécessaire. Les clients nouveaux et les non-utilisateurs sont alors les cibles (Govindarajan et al., 2011) ; les séduire ne requiert pas nécessairement un enrichissement/amélioration des fonctionnalités d’un produit mais peut au contraire passer par une simplification/réduction voire une élimination de certaines dimensions. Dans ce cas, la recherche de valeur pour de nouveaux utilisateurs peut elle aussi autoriser une baisse des coûts [7]. Schmidt et Druehl (2008) expliquent in fine, que toutes les formes d’innovation de rupture passent par un « low-end encroachment » c’est-à-dire une substitution plus ou moins rapide du nouveau produit/service à l’ancien dans le panier des consommateurs les plus sensibles au prix.

19 Transposée à une dimension internationale, Hang et al. (2010) considèrent l’innovation inversée et l’innovation de rupture comme de parfaits synonymes, alors que Corsi et Di Minin (2014) voient en l’innovation inversée une forme particulière d’innovation de rupture : celle née dans les pays émergents. Nous proposons ici de mobiliser toute la finesse du concept d’innovation de rupture pour saisir toute la richesse de l’innovation inversée. En effet, jusqu’à présent et dans l’imaginaire collectif, le processus d’innovation qui prend place au sein des pays émergents s’apparente souvent à des innovations de coûts, résultant en “products or services that initially look inferior to existing ones in the eyes of established players” (Zeng et Williamson, 2007, p. 55). Une telle tendance paraît cohérente avec la volonté d’innover à destination des pays émergents, puisqu’en dépit d’une croissance forte, les niveaux de vie moyens de ces pays restent encore sensiblement inférieurs aux niveaux de vie moyens des pays développés. Prahalad (2004), ou encore Anderson et Billou (2007) expliquent bien qu’une innovation capable de répondre aux besoins des populations rurales des économies émergentes doit répondre au fameux « 4 A [8] » en étant accessible, disponible, connue et surtout abordable. Pour ce faire, les nouveaux biens et services à destination des pays émergents sont souvent réduits à leurs formes les plus basiques, en éliminant les fonctions non essentielles pour diminuer les coûts (non essentiels) tout en maintenant la qualité. Finalement, bien qu’étant plus intuitifs et spartiates, ces nouveaux produits/services offrent les fonctions essentielles à un coût moindre et séduisent ainsi non seulement les clients des pays émergents jusqu’alors exclus du marché, mais aussi les consommateurs les plus sensibles au prix des pays développés. En d’autres termes, la rupture proposée aux consommateurs des pays émergents peut aussi constituer une rupture par le bas dans les pays développés.

20 Pour autant, assimiler innovation inversée et innovation de rupture par le bas, c’est oublier qu’il existe des exemples de produits imaginés et produits par et pour les marchés émergents, réussissant à s’imposer comme une nouvelle référence dans les pays développés, du fait d’une amélioration significative de la valeur perçue. Il s’agit alors de cas de ruptures par création de nouveaux marchés : dans les pays développés, le nouveau produit se diffuse sur des marchés différents de ceux servis par le produit ancien et autorise de nouveaux usages (à l’image des urgentistes américains s’emparant du Mac 400, de son autonomie et de sa portabilité, initialement imaginées pour les seuls besoins des médecins des zones rurales indiennes). En d’autres termes, l’innovation inversée n’est pas nécessairement synonyme de dégradation de la valeur du produit/service (quand bien même ses fonctionnalités peuvent être réduites), au contraire ; elle peut aussi donner naissance à des produits/services de plus grande valeur à la fois dans les pays émergents et élargir les usages originels du produit considéré dans les pays développés. Le lave-linge Activ-Wash (à chargement frontal avec évier et planche à laver incorporés) imaginé par les ingénieurs indiens de Samsung pour le public indien, rencontre ainsi un franc succès en Corée du Sud, où jusqu’à présent un grand nombre de consommatrices continuaient de laver leur linge à la main.

21 Ce passage par la littérature sur l’innovation de rupture nous permet de distinguer les situations dans lesquelles la logique d’innovation est plutôt pilotée par les coûts, et vise la cible traditionnelle de clients dans le pays développé, de celles où la logique d’innovation est plutôt pilotée par la valeur et s’adresse alors à des nouveaux segments de marché dans le pays développé. Dans le deuxième cas, la dynamique de création de valeur semble elle aussi inversée : ce ne sont plus des arguments de coûts qui sont à l’origine d’un supplément de valeur pour le consommateur et l’entreprise, mais c’est la création de valeur pour de nouveaux usagers qui autorise d’éventuelles baisses de coûts (par la simplification de l’offre par exemple). Notre originalité consiste finalement à séparer deux dimensions de l’innovation inversée qui sont la plupart du temps considérées comme allant automatiquement de pair : l’inversion de la géographie du flux d’innovation (changement dans le lieu de l’innovation) et l’inversion dans la logique de création de valeur (changement dans la cible de l’innovation).

22 Forts de cette analyse, nous pouvons mettre à jour deux idéaux types d’innovation inversée, chaque situation soulevant des problématiques managériales qui lui sont propres.

2. Innovation(s) inversée(s) : proposition de typologie

23 En abordant les deux dimensions qui peuvent être inversées de façon séparée, il vient que l’inversion peut être simple ou au contraire double, selon que l’on inverse le lieu et/ou la principale source de valeur de l’innovation (tableau 1). Le pré-requis des deux formes d’innovation que nous présentons est l’inversion du lieu de l’innovation : dans les deux cas, la première cible de marché visée se situe dans les pays émergents. Dans le cas contraire, on se trouverait dans le cadre traité par la littérature classique sur l’innovation de rupture : des innovations imaginées dans les pays développées et adoptées par les consommateurs de ces mêmes pays développés (ces deux cas sont proposés au lecteur dans la colonne de droite du tableau 1 pour faciliter la compréhension de notre propos, mais ne sont pas discutés plus avant). Notre originalité ne consiste donc pas ici à caractériser la nature et ou la spécificité de la rupture à l’œuvre dans les pays émergents [9] mais plutôt à qualifier la rupture occasionnée dans les pays développés.

Tableau 1

L’innovation inversée : proposition de typologie

Localisation du premier marché
Pays émergent Pays développé
Cible dans les pays développés/source de valeur Consommateurs existants/coût Innovation simplement inversée Innovation de rupture par le bas
Nouveaux consommateurs/ usage Innovation doublement inversée Innovation de rupture par création de nouveaux marchés
figure im1

L’innovation inversée : proposition de typologie

24 La différence entre les deux cas d’innovation inversée réside dans le marché servi dans l’économie avancée, c’est-à-dire dans la cible visée sur le marché secondaire et donc dans la principale source de valeur recherchée. Plus concrètement, une innovation simplement inversée décrit une innovation de coûts adoptée par les usagers à revenus limités des pays riches mais imaginée pour les pays émergents. Ici, la baisse de coûts est considérée comme la principale source de valeur pour l’entreprise et le client. Une innovation doublement inversée renvoie à des cas où l’innovation améliore la valeur du produit en répondant initialement aux besoins des pays émergents et en se diffusant ensuite dans les pays plus développés, pour des usages différents du produit ancien.

25 Chacun des deux types d’innovation inversée suppose de relever des challenges qui lui sont propres. Ainsi, dans le cas d’innovations simplement inversées, les filiales des pays développés risquent fort de manifester leur résistance à un produit innovant moins coûteux qui pourrait cannibaliser l’offre existante dans leurs pays (Birkinshaw et Fry, 1998). À l’image des difficultés rencontrées par les acteurs en place lors de l’apparition d’une innovation de rupture, du fait de l’optimisation de leur modèle d’affaires pour la technologie ancienne (Christensen et Raynor, 2003), les filiales des pays développés peuvent résister à l’apparition de produits/services qui viennent dégrader leur image de marque auprès de leurs consommateurs actuels. En effet, la connaissance que ces filiales ont accumulée sur leurs clients aisés et avides de sophistication technique, peut leur sembler inappropriée pour vendre un bien simplifié imaginé pour les pays émergents. Finalement une telle stratégie peut être à l’origine d’une concurrence inter-filiale accrue (Reilly et al., 2012).

26 Dans une situation d’innovation doublement inversée, le risque de cannibalisation dans le pays développé est probablement moins prégnant, puisque les produits nouveaux autorisent des usages complémentaires et ne viennent pas directement concurrencer les produits en place. Dans ce cas précis, la compétence clé devient la capacité à identifier des segments de marché potentiels dans les pays riches, pour faciliter la diffusion internationale des produits issus des marchés émergents. La FMN fait alors le choix d’un nouveau positionnement stratégique dans une logique d’expansion de marchés. Si cette phase est laissée aux mains des filiales des pays développés, ou si les nouvelles cibles sont co-créées avec elles, alors probablement percevront-elles une revalorisation de leurs rôles (par rapport au cas de l’innovation simplement inversée). Néanmoins, cela requiert de la part de ces filiales des compétences marketing avérées et une réelle volonté de ne pas se focaliser sur les clients traditionnels mais d’adopter une orientation clients élargie aux non-utilisateurs (Govindarajan et al., 2011). Mais quel que soit le modèle d’innovation inversée considéré, l’innovation de rupture apparaît au sein des FMN. Pourtant Christensen et Raynor (2003) soulignaient tous les obstacles freinant le lancement d’innovation de rupture dans les grandes entreprises, et encourageaient ces entreprises à loger l’innovation de rupture dans une entité séparée dotée d’un modèle d’affaires propre. Notre réflexion suggère que les filiales de FMN localisées dans les pays émergents peuvent être capables de mettre en œuvre des innovations de rupture, assumant alors ce rôle pour la FMN dans son ensemble. À l’image de Microsoft Research India qui est localisée à Bangalore, clairement mandatée pour innover pour le groupe dans son ensemble et jouit d’un contrôle substantiel sur la trajectoire d’innovation de la maison mère (Yang et al., 2008), la force des filiales des pays émergents consiste non plus seulement à être des « global innovators » (Gupta et Govindarajan, 1991) qui inondent les autres filiales de nouveaux produits, mais plus précisément à jouer le rôle de global disruptive innovators. Dans ce nouveau contexte, la capacité d’absorption des connaissances locales par les filiales des pays émergents (Doz et Prahalad, 1991) devient cruciale, afin d’imaginer des produits et services adaptés aux besoins locaux et de reconnaître les usagers des pays émergents comme de potentiels lead users mondiaux (Judge et al., 2015).

27 Nous l’avons vu précédemment, il ne suffit pas que l’innovation soit adoptée dans les pays émergents pour qu’elle devienne inversée. Toute une littérature se penche d’ores et déjà sur les conditions les plus favorables aux flux de connaissances inversés dans les FMN c’est-à-dire à la circulation/adoption des connaissances/ innovations issues des filiales par les autres filiales et/ou le siège (Mudambi et al., 2014 ; Guérineau et al., 2015). Pour autant, notre typologie laisse à penser que si la filiale se focalise sur de l’innovation de rupture plutôt que radicale, cherche avant tout à créer de la valeur autrement qu’en diminuant exclusivement le coût et les prix, la diffusion internationale de son travail s’en trouvera facilitée. Certes il est bien délicat de prédire le potentiel disruptif d’une innovation ou d’une technologie ex-ante (Danneels, 2004), et la frontière entre les deux types d’innovation inversée est probablement plus poreuse qu’il n’y paraît. Néanmoins, en distinguant clairement les marchés cibles auxquels s’adressent les deux types d’innovation inversée, nous pouvons souligner que les filiales des pays émergents peuvent essayer de renforcer leur rôle dans l’innovation mondiale en tentant de proposer des innovations à fort potentiel de rupture.

28 Finalement, cette typologie nous permet à la fois de clarifier un flou conceptuel, de commencer à mettre à jour les enjeux managériaux propres à chaque cas d’innovation inversée, tout en contribuant à la réflexion académique quant au rôle des filiales dans la dynamique d’innovation des FMN.

CONCLUSION

29 Dans cet article nous avons souhaité contribuer à améliorer la compréhension du phénomène d’innovation inversée, afin d’en faire un concept plus clair, mais aussi une réelle option stratégique pour les managers des FMN. Nous avons tout d’abord identifié les fragilités intrinsèques à la définition actuellement disponible dans la littérature et clarifié la confusion terminologique qui anime les travaux intéressés aux innovations nées dans les pays émergents. Cela nous a permis de préciser l’originalité du concept d’innovation inversée. Puis, nous avons proposé de définir un nouveau cadre analytique pour raffiner notre compréhension du phénomène Concrètement, notre matrice d’analyse nous a permis d’identifier deux grands types d’innovation inversée et de comprendre que le développement de chacun d’eux repose sur la maîtrise de ressources et compétences spécifiques. Une étude plus fine des défis auxquels les managers auront à faire face dans chacun des cas de figure reste à mener dans de futurs travaux.

30 Par ailleurs, jusqu’à présent notre analyse s’est essentiellement portée sur les innovations inversées de produits. Or, l’adoption par les pays développés de nouveaux styles de musique (jazz, rap, etc.) originaires de pays émergents, mais aussi l’importation par l’enseigne Wall-Mart dans ses magasins nord-américains d’un modèle organisationnel initialement développé pour répondre aux besoins de ses clients brésiliens (Burger-Helmchen et al., 2013), nous encouragent à étudier la faisabilité/spécificité d’une innovation inversée non plus exclusivement de produit mais aussi sociale, organisationnelle et/ou culturelle.

31 La caractérisation du processus d’innovation le plus favorable à l’innovation inversée reste également à mener. Par cette réflexion nous pourrions alors compléter la littérature existante quant aux processus d’innovation les plus probants pour imaginer des produits/services répondant aux marchés émergents (Anand et Monin, 2013), en étudiant si certains d’entre eux autorisent en plus une diffusion internationale des innovations créées.

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Date de mise en ligne : 28/06/2016

https://doi.org/10.3166/rfg.2016.00024

Notes

  • [1]
    Dans la suite de cet article, nous utilisons le terme d’innovation de rupture pour traduire le concept de « disruptive innovation » introduit par Christensen (1997). Il est à distinguer de l’innovation radicale, comme le démontre de façon très claire l’article de Govindarajan et al. (2011).
  • [2]
    Pour rappel le terme BoP (Bottom of the Pyramid) popularisé par Prahalad (2004) fait référence aux 4 millions de personnes vivant avec un revenu annuel par tête de moins de 1 500 $ US.
  • [3]
    Selon Brem et Wolfram (2014), innovation inversée et innovation Jugaad diffèrent selon trois critères : le degré de sophistication produit qu’elles intègrent, l’orientation vers les marchés émergents qu’elles recherchent et le degré de développement durable qu’elles autorisent.
  • [4]
    On y apprend que ce lancement constitue une véritable prouesse, puisque le satellite a été conçu et lancé en seulement 18 mois et pour la somme de 73 millions de dollars (contre 671 millions et 5 années de travail pour le concurrent de la NASA). Il apparaît donc que la frugalité est souvent associée à l’innovation Jugaad, ce qui explique que dans la suite du document nous ne distinguions plus les deux termes.
  • [5]
    Dans ses travaux originels (Christensen, 1997 ; Christensen et Rosenbloom, 1995), Christensen parle de technologie de rupture et renvoie donc explicitement à l’apparition d’une nouvelle technologie se répercutant sur l’ensemble d’un secteur. Yu et Hang (2010) précisent cependant que dans les réflexions ultérieures de l’auteur et de ses co-auteurs le terme a évolué dans l’objectif de rendre compte d’innovations non technologiques telles que des innovations de services ou de modèles d’affaires par exemple.
  • [6]
    Cependant, à mesure que le temps passe et que la technologie proposée s’améliore, le marché s’élargit lui aussi Pour une vision plus exhaustive de la dynamique de diffusion d’une innovation rupture sur le marché ancien, le lecteur pourra consulter Ben Mahmoud-Jouini et Silberzahn (2016).
  • [7]
    Si dans les travaux de Christensen et Raynor (2003) l’innovation de rupture est systématiquement associée à un prix plus bas, Govindarajan et Kopalle (2006) mais aussi Schmidt et Druehl (2008) montrent qu’une telle situation n’est pas automatique.
  • [8]
    Access, availability, awareness and affordability.
  • [9]
    Dans leur travail Corsi et Di Minin (2014) avancent précisément qu’une innovation de rupture née dans les pays émergents présente des caractéristiques différentes de celle née dans un pays développé.

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