Notes
-
[1]
Les articles republiés dans ce numéro spécial sont soulignés dans les tableaux.
1 En mai 1975, une revue publiait son premier numéro. Elle se destinait à porter la voix singulière de la recherche dans une nouvelle discipline : les sciences de gestion. Cette revue, c’était la Revue française de gestion (RFG).
2 Depuis quarante ans, la RFG a connu une histoire riche. Elle a occupé une place singulière dans le développement des sciences de gestion en France et dans le monde francophone. Sous l’impulsion de ses rédacteurs en chef successifs, la RFG est devenue un lieu majeur de réflexion, de débats et d’interrogations épistémologiques sur le sens des sciences de gestion. Avec le double souci de publier des travaux rigoureux et pertinents, la RFG a contribué à l’émergence et à la diffusion d’un véritable regard francophone sur le management. Au cours de ses quarante années d’existence, elle ne s’est jamais résignée à devenir une pâle copie des « meilleures revues anglo-saxonnes », pour reprendre une formule maintes fois entendue.
3 Ces choix se sont avérés judicieux lorsque l’on considère l’impact de la RFG en termes de citations (Podsakoff et al., 2008). À la fin de l’année 2015, une analyse des données disponibles sur Google Scholar indiquait que la RFG était la revue de management francophone la plus citée, un constat qu’avait déjà fait Charreaux (2009). Fin 2015, La RFG se classait même au deuxième rang des revues francophones… et ceci toutes catégories confondues (https://scholar.google.fr/citations?view_op=top_venues&hl=en&vq=fr).
4 Pour fêter les quarante ans de la RFG, le conseil de rédaction a décidé de consacrer ce numéro spécial à la reprise des articles les plus influents de la longue (et riche) histoire de la revue. La démarche n’étant pas sans difficultés méthodologiques et interrogations épistémologiques, nous avons également cherché à mieux comprendre les raisons du « succès » des articles les plus marquants grâce à une étude menée auprès des membres du comité de lecture.
5 La RFG se distingue de la plupart des autres revues de management par ses dossiers et numéros spéciaux thématiques. Si cette spécificité a pénalisé la RFG dans les « classements », elle a sensiblement amélioré l’impact de ses articles. Elle implique aussi que l’influence de la RFG ne saurait uniquement se mesurer « hors sol », via « les articles les plus cités ». Elle doit aussi être appréhendée sous l’angle des dossiers et numéros spéciaux qui ont marqué l’histoire des sciences de gestion (et souvent contribué à la formation des enseignants-chercheurs). Par exemple, les dossiers parus dans la RFG ont toujours constitué une ressource précieuse pour les candidats aux concours d’agrégation, du secondaire comme du supérieur. C’est pourquoi, par-delà ce numéro spécial, le conseil de rédaction souhaite faire de 2016 une véritable « année anniversaire ». Dans de prochains numéros, les membres du conseil de rédaction évoqueront les apports de la revue à l’histoire francophone des sciences de gestion.
6 Cette « année anniversaire » sera également l’occasion de poursuivre et d’approfondir les efforts de ces dernières années pour faire connaître la recherche francophone en management par-delà les traditionnels cercles académiques. C’est un sujet majeur à l’heure où les transformations numériques commandent aux enseignants-chercheurs de penser l’existence de leurs travaux autrement que dans une simple « course aux étoiles ». « L’année anniversaire » de la RFG débute donc avec ce numéro spécial. Les articles qui y figurent ont été identifiés à l’aide d’une étude quantitative. Nous avons également mené une étude qualitative pour mieux comprendre les raisons de l’impact des articles les plus cités. Enfin, les voies de développement permettant à la RFG de faire face aux grandes mutations du monde de la recherche et de la publication académique sont précisées.
I – ÉTUDE QUANTITATIVE DE L’IMPACT DES ARTICLES PARUS DANS LA RFG
7 L’étude d’impact a été menée fin-2015 à l’aide du logiciel Publish or Perish (PoP). Ce logiciel a été développé par Anne-Wil Harzing à la fin des années 1990. Depuis, elle l’a régulièrement mis à jour (http://www.harzing.com/pop.htm). PoP permet de calculer le nombre de citations obtenues par un chercheur à partir des informations disponibles sur Google Scholar. Il peut également être utilisé pour calculer le nombre de citations récoltées par une revue de recherche.
8 Deux bases de données sont souvent utilisées pour réaliser les études d’impact : Google Scholar et ISI Web of Science. Nous avons choisi d’utiliser Google Scholar pour une raison très simple : cette base de données ne se limite pas aux publications en langue anglaise. Comme l’ont noté Adler et Harzing (2009, p. 76) : « French accounting scholar Gérard Charreaux accumulated some 30 citations in ISI-listed journals over his lifetime, while Google Scholar credits him with over 1,000. The reason is both easy to understand and unacceptable : Most of Charreaux’s citations occur in French journals that are not ISI listed. It would be extremely unfortunate if we were to conclude (based on ISI data) that Charreaux has had no impact on his field. »
9 Comme l’ont rappelé Aguinis et ses collègues (2012), le nombre de citations est une mesure imparfaite de l’impact d’un article de recherche pour trois raisons. La première raison (et aussi la plus importante) est que cette mesure ne prend pas en compte l’impact de l’article au-delà du monde de la recherche. En d’autres termes, elle s’intéresse exclusivement à l’influence des chercheurs sur leurs pairs. La deuxième raison est que cette mesure n’indique pas pourquoi un article a été cité. S’agit-il d’une recherche exemplaire ou d’un exemple de « ce qu’il ne faut pas faire » ? Ceci, impossible de le savoir. La troisième raison est que cette mesure ne permet pas de savoir si un article a fait l’objet d’une exposition détaillée ou s’il a simplement été évoqué. Cette distinction est cruciale lorsque l’on cherche à appréhender l’influence d’un article. Malgré ces limites, le nombre de citations reste un indicateur très utile dans le monde de la recherche (Aguinis et al., 2014 ; Certo et al., 2010).
10 Les articles republiés dans ce numéro sont ceux qui ont franchi la barre symbolique des 100 citations à la date où l’étude quantitative a été réalisée (fin 2015). Un article qui n’avait pas été repéré par PoP a été rajouté à la liste. Cet « oubli » s’explique par le fait que Google Scholar ne fait pas systématiquement le lien entre les articles et les revues dans lesquelles ils ont été publiés. Si nous avons réintégré cet article dans la liste des articles republiés, il n’a pas pu être soumis aux membres du comité de lecture de la RFG. La liste des articles (par ordre alphabétique) figure dans le tableau 1. Comme on peut le constater, certaines thématiques apparaissent plusieurs fois. Il s’agit notamment de l’apprentissage (« Apprentissages collectifs et activités de conception » et « L’apprentissage organisationnel dans les coopérations » et « L’apprentissage organisationnel : repérage des lieux »), la gouvernance (« Pour une véritable théorie de la latitude managériale et du gouvernement des entreprises », « Quelle gouvernance pour les réseaux territorialisés d’organisations » et « Shareholders, stakeholders et stratégie ») et des PME (« La petite entreprise : sortir de l’ignorance » et « Petitesse des entreprises et grossissement des effets de proximité »). En ce qui concerne les auteurs, seul l’un d’entre eux apparaît plusieurs fois. Il s’agit d’Alain-Charles Martinet (auteur ou coauteur de trois articles).
11 Plus un article est ancien, plus il a de chances d’être cité. Pour prendre en compte ce biais, nous avons également effectué une analyse d’impact en distinguant quatre périodes : 1975-1985, 1986-1995, 1996-2005 et 2006- 2015. Les articles les plus cités par période figurent dans les tableaux 2 à 5. Le nombre de citations requises pour figurer parmi les articles les plus cités varie fortement d’une décennie à l’autre. Il est de 20 pour la période 1975-1985, 40 pour la période 1986- 1995, 70 pour la période 1995-2005 et 50 pour la période 2006-2015.
12 Comme on peut le constater, la décennie 1996- 2005 est la plus représentée avec neuf articles. La décennie 2006-2015 est également bien représentée avec sept articles. Cela s’explique en partie par le numéro spécial de fin d’année de 2006 (qui fêtait le trentième anniversaire de la RFG). Les articles republiés dans ce numéro ont bénéficié d’une forte « exposition ». En revanche, deux décennies sont très mal représentées : 1975-1985 et 1986-1995 (un seul article pour chacune d’entre elles).
Articles republiés dans ce numéro
Titre de l’article | Auteur(s) | Année de parution |
Une généalogie de la pensée managériale sur la RSE | A. Acquier, F. Aggeri | 2008 |
Expériences de consommation et marketing expérientiel | A. Carù, B. Cova | 2006 |
Vers une ingénierie de la recherche en sciences de gestion | V. Chanal, H. Lesca et A.C. Martinet | 1997 |
Pour une véritable théorie de la latitude managériale et du gouvernement des entreprises | G. Charreaux | 1996 |
Nouvelles formes d’organisation et évolution de l’entreprise | A. Desreumaux | 1996 |
L’alchimie de la compétence | T. Durand | 2006 |
Quelle gouvernance pour les réseaux territorialisés d’organisations ? | S. Ehlinger, V. Perret et D. Chabaud | 2007 |
Vers une consommation plus affective ? | M. Filser | 1996 |
Apprentissages collectifs et activités de conception | A. Hatchuel | 1994 |
Une stratégie de recherche en gestion : l’étude de cas | M. Hlady-Rispal | 2000 |
L’apprentissage organisationnel dans les coopérations | M. Ingham | 1994 |
L’apprentissage organisationnel : repérage des lieux | G. Kœnig | 2006 |
L’approche cognitive de la stratégie d’entreprise |
H. Laroche, J.P. Nioche | 2006 |
De la stratégie aux processus stratégiques | P. Lorino, J.C. Tarondeau | 2006 |
La petite entreprise : sortir de l’ignorance | M. Marchesnay | 2003 |
Stratégie et pensée complexe | A.C. Martinet | 2006 |
Shareholders, stakeholders et stratégie | A.C. Martinet et E. Reynaud | 2001 |
Recherche en gestion et intervention | J.C. Moisdon | 1984 |
Petitesse des entreprises et grossissement des effets de proximité | O. Torrès | 2003 |
Articles republiés dans ce numéro
II – ÉTUDE QUALITATIVE AUPRÈS DES MEMBRES DU COMITÉ DE LECTURE
13 Pour mieux comprendre les raisons du « succès » des articles les plus cités, nous avons interrogé les membres du comité de lecture historique de la RFG (Bartunek et al., 2006). Nous leur avons soumis la liste des cinquante articles ayant récolté le plus grand nombre de citations mi-2015 et nous leur avons demandé de « nominer » les dix articles (parmi les cinquante) qu’ils considéraient comme « les plus marquants et représentatifs de l’histoire de la revue dans toute sa diversité. » Bien évidemment, ils ne pouvaient pas « nominer » les articles dont ils étaient auteurs. Nous avons également sollicité un bref commentaire justifiant leur choix (en précisant que ces commentaires pourraient être mobilisés sous forme de « verbatims »). Notre initiative a été bien accueillie par les membres du comité de lecture. Au total, trente-deux réponses exploitables ont été obtenues. Les rares critiques ont été justifiées par le manque de familiarité avec certains articles figurant dans la liste.
Articles les plus cités sur la période 1975-1985 [1]
Titre de l’article | Auteur(s) | Année de parution |
Typologie des innovations | P. Y. Barreyre | 1980 |
Corporate culture : la culture sans histoire | M. Bosche | 1984 |
Le profil psychologique du créateur d’entreprise | J.C. Ettinger | 1983 |
Un système d’information pour les PME | B. Fallery | 1983 |
Pour une théorie de l’organisation-PME | M. Gervais | 1978 |
Entreprises en difficultés : des symptômes aux remèdes | G. Kœnig | 1985 |
Comment on devient entrepreneur | R. Laufer | 1975 |
Crise de légitimité dans les grandes organisations | R. Laufer | 1977 |
Crise d’identité ou crise de légitimité | R. Laufer et B. Ramanantsoa | 1982 |
La culture d’entreprise, facteur de performance | N. Lemaitre | 1984 |
Les défaillances : un essai d’explication | J.F. Malecot | 1981 |
Recherche en gestion et intervention | J.C. Moisdon | 1984 |
La culture d’entreprise en neuf questions | M. Thévenet | 1984 |
L’écôt de la mode | M. Thévenet | 1985 |
Les crises de croissance de la PMI-PME | G. Vargas | 1984 |
Articles les plus cités sur la période 1975-1985 [1]
Articles les plus cités sur la période 1986-1995
Titre de l’article | Auteur(s) | Année de parution |
La création d’entreprises high-tech | P. Albert et P. Mougenot | 1988 |
Le contrôleur de gestion : acteur stratégique et vecteur de changement | D. Bessire | 1995 |
Identité et légitimité de la fonction contrôle de gestion | P. Besson et H. Bouquin | 1991 |
Les tableaux de bord de gestion, outils d’introduction du changement | E.Chiapello et M.H. Delmond | 1994 |
Les alliances stratégiques entre firmes concurrentes : le cas des industries aérospatiale et de l’armement | P. Dussauge | 1990 |
Concourance, processus cognitifs et régulation économique | G. Garel et C. Midler | 1995 |
Alliances stratégiques : mode d’emploi | B. Garrette et P. Dussauge | 1991 |
Relativité culturelle des pratiques et théories de l’organisation | G. Hofstede | 1987 |
L’apprentissage organisationnel dans les coopérations | M. Ingham | 1994 |
Maîtriser l’image de l’entreprise : le prisme d’identité | J.N. Kapferer | 1988 |
Vers un système d’information organisationnel ? | J.L. Le Moigne | 1986 |
L’éthique est-elle un outil de gestion | J.G. Padioleau | 1989 |
L’impact organisationnel des nouvelles technologies de l’information | R. Reix | 1990 |
Articles les plus cités sur la période 1986-1995
Articles les plus cités sur la période 1996-2005
Titre de l’article | Auteur(s) | Année de parution |
Analyse Resource Based et identification des actifs stratégiques | J.L. Arrègle | 1996 |
Au-delà des murs de l’entreprise : les carrières nomades, facteur d’innovatoin | L. Cadin, A.F. Bender et de V. de Saint-Giniez | 1999 |
Vers une ingénierie de la recherche en sciences de gestion | V. Chanal, H. Lesca et A.C. Martinet | 1997 |
Pour une véritable théorie de la latitude managériale et du gouvernement des entreprises | G. Charreaux | 1996 |
L’entrepreneuriat : un champ fertile à la recherche de son unité | I. Danjou | 2002 |
Titre de l’article | Auteur(s) | Année de parution |
Nouvelles formes d’organisation et évolution de l’entreprise | A. Desreumaux | 1996 |
Vers une consommation plus affective ? | M. Filser | 1996 |
L’approche narrative des organisations | N. Giroux et L. Marroquin | 2005 |
Caractéristiques et fonctionnement des conseils d’administration français | L. Godard et S. Schatt | 2005 |
Information et conventions : le cadre du modèle général | P.Y. Gomez | 1997 |
L’éthique est-elle profitable ? | J.P. Gond | 2001 |
Apprentissages collectifs et activités de conception | A. Hatchuel | 1994 |
Une stratégie de recherche en gestion : l’étude de cas | M. Hlady-Rispal | 2000 |
Filemanagement est mort, vive le e-management | M. Kalika | 2000 |
Quand diriger, c’est légitimer | R. Laufer | 1996 |
Femmes et carrières : la question du plafond de verre | J. Laufer | 2004 |
La petite entreprise : sortir de l’ignorance | M. Marchesnay | 2003 |
Shareholders, stakeholders et stratégie | A.C. Martinet et E. Reynaud | 2001 |
L’accompagnement de la jeune entreprise | S. Sammut | 2003 |
Petitesse des entreprises et grossissement des effets de proximité | O. Torrès | 2003 |
Articles les plus cités sur la période 1996-2005
Articles les plus cités sur la période 2006-2015
Titre de l’article | Auteur(s) | Année de parution |
Une généalogie de la pensée managériale sur la RSE | A. Acquier et F. Aggeri | 2008 |
Management et réseaux sociaux Jeux d’ombres et de lumières sur les organisations | C. Baret, I. Huault et T. Picq | 2006 |
Le regard de la théorie de la régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud | O. Bréchet | 2008 |
Expériences de consommation et marketing expérientiel | A. Carù et B. Cova | 2006 |
Santé au travail | M. Detchessahar | 2011 |
Une approche narrative des outils de gestion | M. Detchessahar et B. Journé | 2007 |
L’alchimie de la compétence | T. Durand | 2006 |
Titre de l’article | Auteur(s) | Année de parution |
Quelle gouvernance pour les réseaux territorialisés d’organisations ? | S. Ehlinger, V. Perret et D. Chabaud | 2007 |
L’apprentissage organisationnel : repérage des lieux | G. Kœnig | 2006 |
L’approche cognitive de la stratégie d’entreprise | H. Laroche et J.P. Nioche | 2006 |
De la stratégie aux processus stratégiques | P. Lorino et J.C. tarondeau | 2006 |
Stratégie et pensée complexe | A.C. Martinet | 2006 |
Compétences-clés de territoires | A. Mendez et D. Mercier | 2006 |
La dialectique de l’ordre et du chaos dans les organisations | R.A. Thiétart et B. Forgues | 2006 |
Le territoire dans l’analyse économique | Zimmermann | 2008 |
Articles les plus cités sur la période 2006-2015
14 Huit articles ont été « nominés » par plus d’un tiers des répondants. Ils figurent dans le tableau 6.
15 Sur ces huit articles, cinq figurent dans la liste des articles republiés dans ce numéro (« Nouvelles formes d’organisation et évolution de l’entreprise » d’A. Desreumaux, « L’apprentissage organisationnel : repérage des lieux » de G. Kœnig, « L’approche cognitive de la stratégie d’entreprise » de H. Laroche et J.-P. Nioche, « Stratégie et pensée complexe » d’A.-.C. Martinet et « Recherche en gestion et intervention » de J.-C. Moisdon). En revanche, trois d’entre eux ne figurent pas dans la liste (« Alliances stratégiques : mode d’emploi »
16 de B. Garrette et P. Dussauge, « Quand diriger, c’est légitimer » de R. Laufer et « La dialectique de l’ordre et du chaos dans les organisations » de R.-.A. Thiétart et B. Forgues). Leur fort impact et l’adhésion qu’ils ont suscitée au sein du comité de lecture méritent ici d’être soulignés. L’article de Thiétart et Forgues est celui qui a recueilli le plus grand nombre de mentions. À son sujet, un membre du comité de lecture a tenu à souligner que : « Même si ces deux auteurs n’ont pas vraiment poursuivi dans cette direction de la simulation/expérimentation, ils ont ouvert une voie très originale que quelques-uns parmi la génération suivante ont emprunté avec bonheur. »
17 Pour justifier leur choix, la plupart des répondants ont rédigé un court texte. Nous avons utilisé ces « verbatims » pour dresser le « profil » des articles les plus cités. Leur analyse nous a rapidement permis de converger autour de six caractéristiques. Elles sont résumées dans le tableau 7.
Titre de l’article | Auteur(s) | Année de parution |
Nouvelles formes d’organisation et évolution de l’entreprise | A. Desreumaux | 1996 |
Alliances stratégiques : mode d’emploi | B. Garrette et P. Dussauge | 1991 |
L’apprentissage organisationnel : repérage des lieux | G. Kœnig | 2006 |
L’approche cognitive de la stratégie d’entreprise | H. Laroche et J.P. Nioche | 2006 |
Quand diriger, c’est légitimer | R. Laufer | 1996 |
Stratégie et pensée complexe | A.C. Martinet | 2006 |
Recherche en gestion et intervention | J.-C. Moisdon | 1984 |
La dialectique de l’ordre et du chaos dans les organisations | R.A. Thiétart et B. Forgues | 2006 |
18 Notons que le total est supérieur à 100 % car les critères ne sont pas mutuellement exclusifs. Les membres du comité de lecture en ont souvent cité plusieurs. Ainsi, pour un membre du comité de lecture, certains articles « relèvent davantage d’une synthèse de la littérature existante sur un sujet “dans l’air du temps”, ce qui n’enlève rien au talent de leurs auteurs. »
1. Article présentant des idées novatrices
19 Pour 44 % des répondants, les articles les plus marquants de la RFG se caractérisent par leur caractère novateur (au moment de leur publication). Comme l’a bien résumé un membre du comité de lecture, ces articles « illustrent, chacun à leur manière, une pensée audacieuse et curieuse à un moment où un concept cherche ses pratiques. » Ce résultat n’est pas vraiment surprenant. L’objectif de toute recherche devrait être de défricher de nouveaux territoires ! Notons que les articles les plus novateurs ne sont pas obligatoirement les plus cités. Un membre du comité de lecture a donné l’exemple d’un article qui s’inscrivait « dans une ambition théorique très forte à la fin des années 1990. » Il note aussi que « Si cette nouvelle théorisation n’a pas tenu toutes ses promesses, elle représente un vrai effort intellectuel dans le domaine de sciences de gestion ». Alors que cet article fait partie des cinquante articles les plus cités, il n’est pas parvenu à entrer dans « cercle » des articles ayant dépassé les cent citations…
Article réalisant une synthèse de la littérature
20 41 % des répondants ont considéré que les articles les plus marquants de la RFG prenaient la forme d’une synthèse de la littérature. Pour l’un d’entre eux, ces articles réalisent « un état de l’art pertinent sur les principales problématiques du management ». On pourrait aussi être surpris de retrouver le caractère novateur et la dimension synthétique aux deux premières places de ce « classement ». En effet, leur contribution peut sembler moins importante que celles des articles présentant des idées novatrices. Ce résultat s’explique par le fait que les articles distingués ne se contentent pas de résumer des recherches antérieures. Ils ont un point de vue original et posent les bases de nouvelles recherches. Comme l’a indiqué un membre du comité de lecture, ce sont des « textes référence qui ont su à la fois synthétiser, donner des lignes directrices et affirmer quelques parti pris dans leur domaine. Ce sont des états de l’art contributifs que beaucoup d’entre nous aimeraient écrire au moins une fois dans leur carrière. »
Caractéristiques des articles considérés comme les plus marquants par le comité de lecture
Caractéristiques | Pourcentage des membres du comité de lecture |
Article présentant des idées novatrices | 44 % |
Article réalisant une synthèse de la littérature | 41 % |
Article qui a profondément influencé le membre du comité de lecture | 28 % |
Article traitant un sujet « dans l’air du temps » | 22 % |
Article utile pour le monde de l’entreprise | 19 % |
Article présentant une méthodologie nouvelle | 13 % |
Caractéristiques des articles considérés comme les plus marquants par le comité de lecture
2. Article qui a profondément influencé le membre du comité de lecture
21 Le troisième critère a été mentionné par 28 % des répondants. De nombreux membres du comité de lecture ont souligné qu’ils ont été personnellement marqués par certains articles de la RFG. D’après l’un d’entre eux : « Il y a des articles qui m’ont accompagné en tant qu’apprenti-chercheur et dont je possède toujours un souvenir vivace. » Pour un autre, ces articles « ont marqué certaines étapes de notre carrière de chercheur. » Ce critère est plus subjectif que les précédents. Il nous semble qu’il ne doit pas être négligé car il reflète aussi l’attachement que de nombreux enseignants-chercheurs éprouvent pour la RFG.
3. Article traitant un sujet « dans l’air du temps »
22 Ce critère a été mentionné par 22 % des répondants. Pour l’un d’eux, ces articles sont « organisés autour d’une question centrale, pertinente et novatrice à l’époque où l’article en question a été écrit. » Notons que le fait de traiter d’un sujet « dans l’air du temps » n’est pas obligatoirement un atout. Si le thème perd de son actualité, l’impact de l’article restera limité. Ce phénomène explique que les articles les plus cités de la RFG portent souvent sur des thèmes devenus « intemporels » tels que l’apprentissage organisationnel ou la gouvernance. D’après un membre du comité de lecture : « Certains concepts mis en avant à une certaine époque ont disparu aujourd’hui, soit parce qu’ils ont perdu de leur pertinence, soit au contraire parce qu’ils sont rentrés dans une normalité et qu’ils ne décrivent plus un phénomène particulier. D’autres ont fait florès. »
4. Article utile pour le monde de l’entreprise
23 L’utilité pour le monde de l’entreprise a été soulignée par 19 % des répondants. Selon l’un d’eux, les articles les plus marquants de la RFG sont ceux « que je considère fondateurs, ou “bâtisseurs”, dans notre discipline et que je recommande régulièrement à mes étudiants de master recherche, voire de master 1ère année. Des auteurs par ailleurs aisément compréhensibles… y compris pour des publics professionnels. » Remarquons que certains membres du comité de lecture ont déploré une « dérive » progressive de la revue vers un positionnement plus académique. Pour l’un d’entre eux : « Pour autant qu’il m’en souvienne, lors de son inauguration, la future Revue Française de Gestion était présentée comme devant être à la jonction de la recherche en gestion et des entreprises elles-mêmes… Les années passant, les articles proposés par la RFG ont été majoritairement des articles traitant de sujets concernant essentiellement les préoccupations des enseignants. » Cette évolution n’est pas contestable… Elle doit beaucoup à l’importance croissante des systèmes d’évaluation (comme les différents classements). Aujourd’hui, tous les articles adressés à la RFG, y compris dans le cadre de dossiers, sont évalués en « double aveugle ».
5. Article présentant une méthodologie nouvelle
24 Enfin, 13 % des répondants ont mis en avant la présentation d’une méthodologie nouvelle. Pour l’un d’eux : « Dans ma liste, des textes ont une place à part. Ce sont des textes méthodologiques. Selon moi, ils synthétisent remarquablement bien deux méthodes ou approches du réel. À ce titre, ils constituent deux textes références dont la RFG peut s’enorgueillir. » Cette observation confirme la diversité des thèmes couverts par la RFG.
III – QUARANTE ANS, OU L’ÂGE DE LA MATURITÉ ET DU RENOUVEAU POUR LA RFG
25 Après avoir dressé ce bilan, nous nous tournons vers le futur. Plusieurs voies de développement méritent de faire l’objet d’un examen approfondi : les classements, le rayonnement international, « l’open access » et la contribution aux débats de la cité.
1. La RFG et les classements
26 La qualité d’un article est de plus en plus assimilée à la qualité de la revue dans laquelle il a été publié (Judge et al., 2007). Le problème est que les critères retenus par les différents classements (liste CNRS, liste Fnege, liste HCERES) se focalisent presque exclusivement sur le processus de « production » des articles (évaluation en « double aveugle », internationalisation du comité de lecture…). En se concentrant sur cette dimension, ils négligent l’impact des revues. Mais quel intérêt a-t-on à publier des travaux porteurs de connaissances nouvelles, s’ils ne sont ni lus, ni connus ? À l’évidence, les futurs classements devront intégrer l’impact des revues.
2. La RFG, une revue internationale
27 Sous la pression des classements, la question de la publication d’articles de la RFG en langue anglaise a souvent été évoquée. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, publier des articles en langue anglaise peut être un handicap pour une revue française. En effet, l’étude de Caro (2008) a montré que les articles publiés en langue française dans la Revue Economique sont moins cités que les articles publiés en langue anglaise. Naturellement, cet accent mis sur la langue française n’interdit pas des invitations de collègues étrangers dont les textes sont publiés dans leur langue d’origine.
28 Enfin, la RFG a noué un partenariat avec le site The Conversation France en septembre 2015. Par-delà des « lectures » qui se comptent en plusieurs dizaines de milliers, nous avons constaté que l’origine géographique du lectorat des articles issus de la RFG est très diversifiée… et ce malgré l’usage ici exclusif de la langue française.
3. La RFG et la question de l’« open access »
29 La question de l’accès « libre » à la connaissance scientifique est devenue un sujet majeur ces dernières années. Elle a pris une ampleur très significative depuis que l’université de Harvard a officiellement appelé ses professeurs à boycotter les revues qui ne sont pas en « open access ». En France, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un texte de loi « Pour une République numérique » le 26 janvier 2016.
30 Il n’est pas lieu ici de discuter la légitimité de l’open access. Pour une revue comme la RFG, l’open access est désormais un état de fait avec lequel elle doit composer. La RFG restera une revue « papier ». Produire une revue de qualité comme la RFG a un coût (en termes d’édition, de fabrication et de diffusion). Mais la connaissance scientifique est précieuse et il apparaît quelque peu naïf de penser qu’un article sera lu et cité parce qu’il est librement accessible. Les analyses quantitatives et qualitatives menées pour élaborer ce numéro montrent que les voies de l’impact et de l’influence sont plus complexes que la seule question du libre accès aux articles. La conviction du conseil de rédaction est que la parution d’un numéro papier de la RFG doit rester un évènement qui rythme le monde francophone de la recherche en management. Lire « en papier » permet de feuilleter, de se « promener » de pages en pages, et parfois de découvrir des articles que l’on n’était pas a priori venu « chercher ».
31 Ensuite, l’open access pose la question de la visibilité des chercheurs et des institutions. L’éditeur de la RFG autorise les auteurs à rendre disponibles sur des bases d’archives ouvertes les dernières versions acceptées d’un manuscrit, avant intervention de l’éditeur. Un tel choix apparaît respectueux tant des aspirations des auteurs et des institutions que du modèle économique d’une revue académique qui croit encore à la vertu du papier. La durée d’embargo sera fonction des évolutions règlementaires et légales. Enfin, le conseil de rédaction a décidé, dès 2013 et en accord avec l’éditeur de la revue, de s’engager dans une voie complémentaire : la création d’une rubrique appelée « Grand-Angle ». Les articles publiés dans cette rubrique sont sollicités par le conseil de rédaction ou le rédacteur en chef, mais ils peuvent aussi être soumis spontanément par les auteurs. Ils sont confiés aux soins de « coachs » éditoriaux, nommés pour permettre aux auteurs d’évaluer la réception de leurs manuscrits par-delà les frontières académiques traditionnelles. Une fois acceptés, ces articles, destinés prioritairement à alimenter le débat public, sont immédiatement rendus disponibles en open access. En cela, la RFG réaffirme sa volonté de produire des textes engagés dans la vie et l’actualité de la cité. Ces textes doivent dès lors être accessibles et portés à la connaissance du grand nombre sans attendre.
4. La RFG et la présence de la recherche en management dans le débat public
32 Il faut reconnaître que depuis quarante ans, l’impact des travaux de management sur le débat public est resté modeste. Les articles publiés dans la RFG ne font pas, sur ce point, exception. Pour pallier cette déficience de visibilité, la RFG a noué plusieurs partenariats, en particulier avec la web TV Xerfi Canal et avec le site collaboratif The Conversation France. Plusieurs centaines de vidéos présentent désormais les résultats des recherches publiées dans la RFG. Ces vidéos, une fois mises en ligne, ont des durées de vie très longues. Elles sont d’ores et déjà utilisées par les enseignants-chercheurs en tant que supports pédagogiques et d’échanges avec les étudiants et le monde professionnel. Le conseil de rédaction de la RFG se félicite du succès de ces partenariats, uniques au plan mondial pour une revue académique.
33 A l’heure des transformations numériques, de telles démarches répondent aussi au besoin d’accompagner les carrières des enseignants-chercheurs en accroissant la visibilité de leurs travaux. En cela, la RFG fait figure de revue pionnière : les rédacteurs en chef des revues anglo-saxonnes les plus réputées soulignent l’urgence pour les chercheurs et les revues de management de sortir de la « tour d’ivoire » dans laquelle ils ont pu s’enfermer dans le passé.
CONCLUSION
34 Au cours des quarante dernières années, la RFG a assumé la responsabilité de navire amiral de la recherche francophone en management. En cohérence avec son identité et son passé, et sans jamais le renier, elle continue d’œuvrer plus que jamais activement en ce sens.
35 Alors que la course aux publications favorise parfois des dynamiques d’amnésie scientifique, la republication des articles les plus marquants de l’histoire de la RFG est aussi une invitation pour les chercheurs à redécouvrir des contributions qui leur étaient peut-être inconnues ou moins familières… mais traitant toujours de thèmes ambitieux et transverses. L’« année anniversaire » qui s’annonce sera l’occasion d’initiatives nombreuses en liaison avec des partenaires qui croient en la recherche en management et donc de faire rayonner la Revue française de gestion bien au-delà des seules frontières du monde académique.
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Notes
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Les articles republiés dans ce numéro spécial sont soulignés dans les tableaux.